Je vous vois très attentif, monsieur le secrétaire d'État, aux propos de MM. Candelier, Gerin et Chassaigne ; très attentif, mais peut-être pas sensible. L'occasion vous est en tout cas donnée, à vous et à votre majorité, de l'être : il vous suffit de prendre en considération cette proposition de loi et notamment son article 1er. C'est, au fond, un beau cadeau que nous vous offrons ; ou plutôt, vous voici au pied du mur si l'on se rappelle deux de vos mots d'ordre : la revalorisation de la valeur travail et la « moralisation du capitalisme » – deux termes au demeurant assez antinomiques à nos yeux.
Supposons néanmoins que vous ayez réellement l'intention de moraliser le capitalisme. Qu'est-ce que cela signifie ? Nous ne confondons pas, j'y insiste, les moyennes, petites et très petites entreprises – qui subissent, comme les salariés les limites, sinon les contradictions du système capitaliste – avec les grandes entreprises du CAC 40, dont les dirigeants continuent à percevoir jusqu'à trois cents fois le SMIC. N'est-ce pas justement l'occasion de dire que ce n'est plus acceptable, de même qu'il n'est plus acceptable de continuer à distribuer de l'argent public à des entreprises qui licencient ? Chiche, moralisons le capitalisme ! D'autant que celui-ci n'a jamais été aussi opaque. Dans les filiales ou les filières de ces grandes structures, on se demande qui fait quoi : notre discussion d'aujourd'hui n'est à cet égard pas sans rapport avec celle que nous avons eu hier au sujet de la filière du lait. On s'est étonné de la différence entre la somme perçue par les producteurs et le prix de vente dans les grandes surfaces urbaines. Il y a là des choses à revoir ; et si vous souhaitez vraiment placer la valeur travail au centre de votre politique, faites-en la démonstration dès aujourd'hui en reconnaissant à ce texte, ou au moins à son article 1er, la considération qu'il mérite. Je regrette moi aussi que M. Karoutchi ait refusé que nous en votions les articles au fur et à mesure. Notre texte mériterait du reste un vote unanime de notre assemblée, à moins que vos déclarations et celles du Président de la République participent d'un double langage ou d'un leurre destiné à ceux qui vivent de leur travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)