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Intervention de François de Rugy

Réunion du 28 mai 2009 à 9h30
Transformation écologique de l'économie — Discussion d'une proposition de loi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois de Rugy, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire :

Pour revaloriser le Parlement, le Gouvernement se devrait pourtant de montrer l'exemple !

Il y a plus grave encore. Comme l'a annoncé M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, le vote sera réservé. Est-ce pour éviter au groupe UMP d'avoir à siéger un jeudi ? Je l'ignore ; toujours est-il que le Gouvernement, en utilisant l'article 44, alinéa 3, de la Constitution – auquel renvoie l'article 96 de notre règlement, que M. Karoutchi a cité –, non seulement reporte le vote sur les articles plusieurs jours après le débat, mais surtout empêche, aujourd'hui comme mardi prochain, le vote sur les amendements, de sorte que nous en débattrons dans le vide : il faut que nos concitoyens connaissent ces manoeuvres.

Je le dis avec une certaine tristesse : quand on vide à ce point le débat de sa substance, c'est le Parlement que l'on vide de sa substance, fait d'autant plus choquant que, je le répète, on a parlé de le revaloriser. Voilà qui en dit long sur les objectifs de la réforme constitutionnelle adoptée en juillet dernier !

J'en viens au fond, qui est d'ailleurs lié à la forme : je crains fort, en effet, que celle-ci n'empêche un vrai débat de fond. Nous sommes bien conscients que nos propositions n'ont aucune chance d'être adoptées telles quelles, sauf à croire que l'Assemblée se rende soudain à nos arguments ou que la majorité renie ses positions. Mais ayons au moins un débat ! Cela permettrait à la majorité de faire des contre-propositions : j'aurais ainsi trouvé intéressant qu'elle défende un certain nombre d'amendements.

D'ailleurs, lors de notre réunion en commission, plusieurs collègues du groupe UMP nous ont déclaré qu'il n'était pas besoin de présenter la moindre proposition en matière écologique, au prétexte que le Grenelle de l'environnement est en cours de transcription législative. En toute franchise, je m'étonne – y compris dans mon rapport – que cet argument du Grenelle nous soit sans cesse resservi. C'est un alibi, un mauvais alibi. N'y a-t-il pas précisément un problème à repousser toujours davantage l'adoption du Grenelle ? Songez qu'il nous aura fallu deux ans – j'insiste : deux ans ! – pour adopter la loi dite « Grenelle 1 », qui n'est pourtant qu'une « loi d'orientation et d'intention » ! Les véritables mesures concrètes ne seront prises qu'avec la loi dite « Grenelle 2 » qui, certes, nous a été transmises il y a longtemps déjà – près d'un an –, mais dont l'examen n'a toujours pas commencé, ni à l'Assemblée ni au Sénat. Sans crainte de se tromper, on peut penser qu'une année au moins s'écoulera encore avant son adoption. En somme, il aura fallu trois ans, depuis que les groupes de travail du Grenelle ont rendu leurs conclusions, pour que le dispositif législatif soit adopté ! Convenez qu'un Gouvernement qui se targue de répondre rapidement aux urgences ne pouvait exprimer pareil désintérêt pour les questions écologiques – c'est en tous cas la conclusion à laquelle j'en arrive. À constater le nombre de sujets sur lesquels le Gouvernement déclare l'urgence, on comprend combien vous considérez que le Grenelle est secondaire.

Au fond, derrière ces questions d'ordre du jour parlementaire apparaissent, en filigrane, vos priorités. Les questions écologiques n'en font plus partie – je doute fort, d'ailleurs, que cela ait jamais été le cas.

De même, dans vos différents plans de relance, vous n'accordez strictement aucune importance aux chantiers écologiques, qui n'en constituent – toutes les études indépendantes et extérieures de différents instituts le montrent – qu'une partie infime, un epsilon, en quelque sorte. De surcroît, vous profitez de ces plans de relance pour revenir en arrière, qu'il s'agisse de vos choix d'investissement, qui font ressortir des projets que de nombreux acteurs de l'écologie avaient pourtant jugés « grenello-incompatibles », ou de l'adoption de mesures régressives. Ainsi, alors même que le Grenelle tarde à être adopté, d'autres mesures, elles, sont adoptées très rapidement – je pense par exemple aux mesures relatives aux installations classées au titre de la protection de l'environnement, mais aussi à la décision de M. Devedjian, qu'il a annoncée dans la presse, de revenir sur les dispositifs d'enquête d'utilité publique afin d'alléger les procédures et de supprimer certaines protections.

Au fond, mesdames et messieurs de la majorité, monsieur le secrétaire d'État, vous ne croyez pas à la relance verte. Nous, au contraire, nous y croyons, et nous ne sommes pas les seuls, comme l'illustrent les choix des gouvernements d'autres pays. Je citerai deux exemples, et non des moindres : les Etats-Unis et l'Espagne.

Aux États-Unis, le nouveau président démocrate, Barack Obama, a décidé non seulement d'imposer un virage très fort à son pays en matière de lutte contre l'effet de serre et le changement climatique, mais surtout de conditionner le sauvetage de l'industrie automobile américaine à des obligations drastiques concernant la réduction de consommation de carburants – ce qui, aux États-Unis, s'apparente presque à une révolution.

En Espagne, le Premier ministre, M. Zapatero, n'est peut-être « pas très intelligent », à croire le Président de la République, mais il a mis en oeuvre un plan de relance fondé sur deux piliers : l'accompagnement économique et social des personnes les plus touchées par la crise, et la relance verte pour un montant de vingt milliards d'euros d'investissements. C'est exactement ce que nous proposons.

Vous parlez souvent du Grenelle, et j'ai rappelé tout votre empressement à ne pas le mettre en oeuvre. Depuis le Grenelle, il y a eu la crise. Devons-nous continuer à faire comme si de rien n'était ? Devons-nous rester les deux pieds dans le même sabot, comme vous le faites hélas – on vient encore de le constater – sur le bouclier fiscal, que vous refusez de modifier ?

Notre conviction est que la crise que nous traversons n'est pas conjoncturelle. Il ne suffit pas de relancer comme avant, et d'attendre que tout reparte comme avant ! Cela vaut dans le domaine social : notre proposition de loi aborde ainsi la question de la répartition des revenus en suggérant l'abrogation du bouclier fiscal et, de manière plus générale, du paquet fiscal instauré par la loi TEPA, d'une inefficacité économique et d'une injustice sociale si grandes. Cela vaut également dans le domaine écologique : peut-on encore sérieusement soutenir qu'il faut attendre que la consommation reparte dans des secteurs aussi ébranlés que l'industrie automobile ? Peut-on encore soutenir que nous produirons demain les mêmes voitures dans les mêmes quantités ? Chacun sait que c'est impossible.

Nous estimons que notre devoir est d'anticiper les changements et, lorsque ce n'est pas le cas et que l'on subit la crise comme aujourd'hui, d'enclencher les changements utiles, possibles et nécessaires. Nous croyons à la capacité de changement de notre pays, et à celle de nos concitoyens, qu'ils soient consommateurs ou travailleurs, ouvriers ou entrepreneurs. Nous croyons que notre rôle politique est d'orienter le système, et même de le réorienter profondément lorsque la situation l'exige. Nous croyons que notre rôle est de créer des objectifs et de fixer des obligations – même si je sais que certains collègues nous jugent trop volontaristes et estiment que nous fixons trop de contraintes. Oui, les changements importants que nous souhaitons exigent que l'on fixe des obligations : c'est la seule voie possible pour progresser. Nous ne croyons pas que le progrès émerge spontanément du laisser-faire, qu'il suffit de laisser faire les différents acteurs pour que le progrès économique, écologique et social prenne un jour son essor. Cela suppose au contraire de se fixer des objectifs ambitieux.

Tel est l'objet de notre proposition de loi de transformation écologique de l'économie et de ses cinq titres qui, naturellement, n'ont pas trait à l'ensemble des secteurs d'activité – il ne s'agit ni d'un Grenelle bis ni d'un plan de relance gouvernemental car, vous le savez, l'initiative parlementaire est très restreinte. L'application de plus en plus restrictive de l'article 40 de la Constitution, notamment, nous empêche de présenter un certain nombre de propositions. Nous aurions pu évoquer de nombreux sujets, mais nous avons donc choisi de nous concentrer sur les questions énergétiques, et de faire dans ce domaine des propositions concrètes et ambitieuses. Je vous propose donc d'adopter ce texte lorsqu'il sera soumis au vote mardi prochain !

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