La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
La parole est à Mme Monique Boulestin, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, la TVA ne peut pas être sociale. C'est l'impôt le plus injuste qui soit et son poids est d'autant plus important que les revenus des ménages sont faibles. Elle représente 14 % du revenu des 10 % des familles les plus pauvres contre 5 % du revenu des plus riches : sa hausse pénalisera donc, encore et toujours, les classes moyennes et populaires.
Votre gouvernement a fait le choix, en ces temps de crise, de porter une nouvelle fois un coup au pouvoir d'achat des ménages. Après la hausse de la taxe sur les mutuelles, après la hausse du prix du gaz, après la hausse du taux réduit de TVA de 5,5 % à 7 %, …
…vous faites à nouveau supporter les efforts aux plus modestes : augmentation du prix de l'eau, des transports en commun, du bois de chauffage, du logement social, des livres, des fournitures scolaires, pour ne citer que quelques exemples. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le Premier ministre, qui peut penser sérieusement que la hausse de la TVA de 1,6 point permettra d'améliorer la compétitivité des entreprises et d'empêcher les délocalisations ? Votre argumentation ne résiste pas à l'épreuve des faits. Dans la compétition internationale, que vaudra une baisse des prix à l'exportation quand l'essentiel du déficit de compétitivité de l'économie française est lié, non au prix, mais au manque de soutien de notre industrie, à l'insuffisant effort de recherche et d'innovation et au manque de financement des PME ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Cette mesure, en entraînant une chute de la consommation, enfermera notre économie dans la récession, réduira le carnet de commandes des entreprises, aggravera plus encore le chômage et, finalement, creusera les déficits publics.
L'injustice fiscale n'est pas une fatalité, mes chers collègues. Les Français savent bien qu'une autre politique est possible ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.
Madame la députée, votre présentation de la réforme que nous voulons mener pour soutenir la compétitivité de nos entreprises est évidemment tronquée, et donc trompeuse.
Ce que nous voulons faire, c'est baisser le coût du travail pour les salariés gagnant entre 1,6 et 2,4 fois le SMIC, qui sont les plus soumis à la concurrence internationale. Pourquoi voulons-nous baisser le coût du travail ? Pour produire en France, pour créer de l'emploi en France, pour exporter nos produits.
Cette baisse du coût du travail entraînera une baisse du prix des produits en France (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)…
…et elle ne sera que partiellement compensée par une hausse de TVA.
Vous savez compter, madame la députée : les 13,2 milliards d'euros liés à la baisse du coût du travail seront compensés par les 10,6 milliards d'euros liés à la hausse de la TVA et les 2,6 milliards d'euros de la hausse des prélèvements sur les revenus du patrimoine, ce qui concerne les ménages les aisés. Vous comprenez bien qu'avec 10,6 milliards de hausse de TVA, d'un côté, et 13, 2 milliards de baisse du coût du travail, de l'autre, le prix des produits français baissera.
En revanche, nous aboutirons à des créations d'emplois en France, dont nous estimons le nombre à 100 000, madame Boulestin, soit une amélioration du pouvoir d'achat pour 100 000 familles. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Par ailleurs, il faut le dire, le prix des produits importés augmentera. Et c'est tant mieux ! Parce que cela évitera les délocalisations, qui frappent tous nos territoires.
La parole est à M. Olivier Dassault, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, la crise que nous traversons est avant tout une crise de l'étatisme. Par démagogie, par faiblesse, par paresse, les États européens sont restés indolents face aux réformes, imprudents vis-à-vis des déficits, indifférents aux questions de compétitivité.
Depuis des dizaines d'années, les parts de marché de la France ont diminué, notre performance a décru. Ce n'est pas simplement la faute de l'euro, car les trois quarts de nos exportations se font dans la zone euro. Si nous perdons des parts de marchés dans cette zone, c'est parce que nous avons perdu de la compétitivité !
Les entreprises françaises, qui sont notre poumon économique, doivent être plus efficaces sur les marchés extérieurs. La concurrence est rude, et elle vient désormais du monde entier. Mais pas seulement, car elle vient aussi de nos voisins, de nos amis, de nos partenaires. En Europe, la règle du jeu n'est pas la même pour tout le monde.
Hier, le problème a été pris à bras-le-corps, une nouvelle fois, grâce au couple franco-allemand. Après De Gaulle et Adenauer, Giscard et Schmidt, Mitterrand et Kohl, Chirac et Schröder, aujourd'hui, nous pouvons être fiers de la relation entre Angela Merkel et Nicolas Sarkozy !
La présentation du Livre vert sur la convergence de la fiscalité des entreprises entre la France et l'Allemagne est une bonne nouvelle. Ce document préconise un traitement identique des intérêts d'emprunt, des amortissements, des sociétés de personne et du régime des filiales. Voilà des avancées importantes et constructives.
Voilà aussi la remise en question de l'impôt sur les sociétés : l'Allemagne a un taux plus bas mais une assiette plus large que la France.
Sur la base des résultats de la réunion d'hier, pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, comment et dans quels délais sera mise en oeuvre la convergence fiscale entre la France et l'Allemagne ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. François Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Mesdames et messieurs les députés, monsieur le député, cher Olivier Dassault (Exclamations et rires sur les bancs des groupes SRC et GDR),…
C'est un terme de respect à l'égard d'un honorable parlementaire, qui a beaucoup travaillé, depuis plusieurs législatures, notamment sur les problèmes du commerce extérieur et les comparaisons, notamment fiscales, au service de notre économie.
C'est la raison pour laquelle la pertinence de votre question, monsieur le député, rejoint la solidité de votre parcours et de votre implication personnelle en la matière. (Exclamations et rires sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Un mot sur la méthode retenue par la Chancelière et le Président de la République depuis le début de l'année. Nous voulons tirer toutes les leçons de la crise que nous traversons. Parmi celles-ci, il y a la différence de compétitivité, notamment sur le plan fiscal, entre les pays membres de la zone euro, et singulièrement entre les deux grandes économies que sont l'économie allemande et l'économie française.
C'est dans cet esprit que la Chancelière et le Président de la République nous ont mandatés, Wolfgang Schäuble et moi-même,…
Il prononce mal le nom de M. Schäuble ! Monsieur Le Maire, donnez-lui des cours d'allemand ! (Sourires.)
… pour travailler, ce que nous faisons depuis six mois, sur la base du rapport de la Cour des comptes, pour examiner les modalités, le calendrier, et les objectifs à définir en matière de convergence fiscale.
Vous l'avez rappelé, le premier constat à dresser est celui d'une différence de compétitivité ; en Allemagne, l'assiette est plus large, mais les taux plus faibles ; en France, l'assiette est plus étroite, mais les taux plus élevés. En moyenne, la fiscalité imposée aux entreprises en France par l'impôt sur les sociétés se situe entre 36,5 % et 38,5 % ; en Allemagne, nous sommes à 29,5 %.
Cette différence n'est pas neutre ! Elle se lit de manière plus spectaculaire encore si l'on ne retient que le taux fédéral, qui est de 15 %, auquel il faut ajouter le taux des Länder, qui est de 14,5 %.
Nous allons donc converger, en élargissant l'assiette, avec la loi de finances pour 2013, puisque ce débat arrivera en fin d'année. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Roland Muzeau, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le Premier ministre, hier encore la Chancelière allemande et Nicolas Sarkozy, main dans la main, ont confirmé que l'austérité pour les peuples était leur unique programme pour l'Europe.
Prenant appui sur la crise de l'euro et la quasi-faillite de la Grèce, ils ont ouvert la voie à un nouveau pacte scellant dans le marbre les politiques ultralibérales qui ravagent l'économie, et dont les conséquences humaines et sociales sont dramatiques. Le traité sur la règle d'or et la gouvernance, vous l'avez rédigé sous la dictée des marchés financiers.
Adopté par les vingt-cinq États membres, ce traité dont la signature est programmée le 1er mars ne sera pas ratifié nationalement avant les élections présidentielle et législatives. D'où l'importance de ces deux échéances électorales. D'où l'importance de prendre d'ores et déjà position en faveur de la consultation du peuple français par référendum.
Les députés du Front de gauche, comme leur candidat à l'élection présidentielle Jean-Luc Mélenchon, portent cette exigence démocratique : le refus de toute forme de chantage à la ratification.
Monsieur le Premier ministre, 20 % des salariés allemands sont des travailleurs pauvres, et 2,5 millions d'entre eux travaillent pour moins de cinq euros de l'heure,…
…dans un pays où le salaire minimum n'existe pas, où un emploi sur trois est à temps partiel et à durée déterminée, où un sur dix est un « minijob » payé moins de 400 euros, qui n'ouvre pas droit aux cotisations sociales. Entre 1998 et 2008, les formes d'emploi atypiques ont progressé de 130 %. Voilà l'autre face du modèle allemand.
C'est le cap que Nicolas Sarkozy s'est fixé pour la France. Sur les 13 milliards de hausse de taxes que vous envisagez, 85 % seront payés par les ménages, via la TVA. Vous voulez aussi rendre possible la modification unilatérale du contrat de travail et la baisse des salaires, avec un chantage à la clé : c'est ça, ou votre emploi est supprimé !
« C'est de l'enfer des pauvres qu'est pavé le paradis des riches », disait Victor Hugo. Monsieur le Premier ministre, rarement cette maxime aura été aussi vraie.
Comme les Français, nous n'attendons rien de votre gouvernement ni de votre majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. François Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Monsieur le député, vous confondez malheureusement beaucoup de choses, beaucoup de sujets. Vous confondez la copie au papier-calque d'un modèle, qui n'est pas le projet français, et la nécessité de converger, sur le plan économique, sur le plan budgétaire, sur le plan fiscal.
La convergence entre la France et l'Allemagne, c'est l'harmonisation de nos politiques…
…pour éviter de se tailler des croupières les uns aux autres, et pour additionner plutôt nos forces afin que les deux principales économies européennes, qui sont aussi les deux principales contributrices au Fonds européen de solidarité financière, soient plus compétitives vis-à-vis des économies émergentes, ou encore de l'économie américaine.
Il s'agit donc d'additionner nos forces et non de réduire nos spécificités. La convergence fiscale, notamment pour l'impôt sur les sociétés, que j'ai déjà évoquée, ne vise pas à copier tout simplement ce que font les Allemands,…
…de même que les Allemands ne copient pas ce que nous faisons.
Je ne prends qu'un exemple : nous n'alignerons pas ce dispositif d'exonération fiscale qu'est le crédit impôt recherche, car c'est aujourd'hui un outil que nous envie le monde entier, y compris les Allemands. Ce sont les Allemands qui s'en serviront pour soutenir l'innovation et la recherche à travers le modèle français. À l'inverse, nous convergerons vers eux sur d'autres sujets.
Mais la convergence budgétaire nécessite aussi que nous ayons les mêmes règles. La règle d'or, ce n'est pas une règle de droite ou de gauche ! Ce n'est pas une règle de la majorité ou de l'opposition.
C'est une signature des États qui s'engagent à fixer au plus haut niveau constitutionnel des éléments de référence pour réduire leur déficit. Qui peut être contre ?
Même en étant opposé au Gouvernement, on ne peut pas être opposé à cette règle de bon sens.
Enfin, je le dis très rapidement, il ne s'agit pas de décliner servilement ce qui se passe de l'autre côté du Rhin : nous n'allons pas nous inspirer de l'absence d'un salaire minimum, par exemple. Nous irons vers ce qui fonctionne le mieux.
Nous n'agissons pas par doctrine ou par idéologie. Ce qui compte, c'est ce qui marche.
Monsieur le ministre chargé de la coopération, le Sénégal traverse une crise politique préoccupante. En effet, après que le Président Wade a modifié la Constitution de son pays pour empêcher à tout président sortant de briguer un troisième mandat, il viole cette Constitution en décidant de se présenter à nouveau au suffrage des Sénégalais, à quatre-vingt-cinq ans, dans un scrutin annoncé dans quelques jours, en toute illégalité. Dans le même temps, certains candidats à la magistrature suprême, très populaires dans leur pays, dont le célèbre chanteur Youssou N'Dour, se voient écartés pour des motifs peu conformes aux principes démocratiques.
Ces procédures suscitent de très vives réactions, tant dans la population du Sénégal que dans la diaspora. La communauté sénégalaise de Nice nous a d'ailleurs remis, à Christian Estrosi et moi-même, une motion, que nous avons transmise au Président de la République.
Cela commence à se traduire par des actes de violence, qui risquent de dériver vers des mouvements de guérilla urbaine pouvant même entraîner une guerre civile dans ce pays.
Quant au Président Wade, il se trouve de plus en plus contesté par la population du Sénégal, malgré une mise en scène savamment orchestrée qui tente de faire croire le contraire.
Compte tenu de la gravité de la situation, nombre de Sénégalais attendent de la France un signe fort pour soutenir les aspirations du peuple de ce pays à la démocratie.
Au-delà de la position que le Gouvernement a déjà exprimée, et dans le respect de la souveraineté du Sénégal, patrie de Léopold Sédar Senghor, quelle initiative la France entend-elle prendre afin de permettre l'application de la Constitution sénégalaise et empêcher ainsi un coup de force dont le peuple serait la première victime ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
La parole est à M. Henri de Raincourt, ministre chargé de la coopération.
Monsieur le député, vous l'avez dit vous-même, la France suit évidemment avec la plus grande attention les événements qui se déroulent actuellement au Sénégal,…
…dans le cadre du processus électoral qui verra le premier tour se tenir le 26 février prochain.
Le Conseil constitutionnel du Sénégal a validé, le 27 janvier dernier, quatorze candidatures, dont celle de M. Wade, et invalidé un certain nombre d'entre elles. Nous avons pris connaissance de cette décision du Conseil constitutionnel, et je voudrais rappeler ce que disait ici même la semaine dernière le ministre d'État : « Nous regrettons que toutes les sensibilités ne soient pas représentées dans cette élection. » (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
Vous avez indiqué quelles étaient les réactions sur le terrain, les risques de violence extrême. Hélas, quatre personnes sont déjà décédées.
La position de la France, au Sénégal comme ailleurs, est très claire :…
…nous demandons le respect de l'État de droit, des libertés fondamentales et des élections libres et transparentes. Nous appelons fermement au rejet de toute violence. Mais, fidèle à un principe de neutralité,…
…la France ne soutiendra aucun candidat. La France n'a aucun candidat. C'est valable au Sénégal, pays de vieille tradition démocratique, comme ailleurs. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Afin de garantir la transparence et la régularité du soutien, l'Union européenne envoie des équipes d'observateurs et nous faisons confiance au peuple sénégalais.
La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Depuis plusieurs années, le Président de la République et les membres de votre gouvernement n'ont cessé de répéter qu'ils n'augmenteraient pas les impôts. Et qu'ont-ils fait ? Vous avez multiplié les nouvelles taxes – plus de trente –, touchant tous les Français et notamment les plus modestes.
Il n'y avait plus qu'un pas à franchir : augmenter l'impôt le plus injuste, la TVA. Vous avez commencé en 2010, en l'accroissant sur les triples usages de l'internet : un milliard. Vous avez continué en décembre 2011, en l'augmentant sur les produits de première nécessité,…
…les transports de voyageurs, les sandwiches, les travaux d'amélioration des logements, passant ainsi de 5,5 à 7 %. Au total : 1,8 milliard. Mes chers collègues, 1,8 milliard, cela ne vous rappelle rien ? C'est le cadeau que vous avez fait, juste avant, aux plus grosses fortunes, en baissant l'ISF. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Et demain, en Conseil des ministres, vous allez proposer de porter la TVA de 19,6 à 21,2 % (« Hou ! » sur les bancs du groupe SRC), touchant ainsi les carburants, l'électricité, le fioul et la plupart des produits. Cela devrait représenter un total de 10,6 milliards, comme l'a rappelé Mme Pécresse.
Quand on additionne tous ces chiffres, la hausse de la TVA représente 13 milliards, c'est-à-dire le montant du paquet fiscal de 2007. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Quand vous faites des cadeaux, c'est pour une petite minorité. Quand il faut payer la facture du sarkozysme, ce sont tous les Français qui doivent passer à la caisse.
Nicolas Sarkozy aura échoué sur presque tout, mais il aura réussi à être le triple champion de la dette, de l'injustice et du matraquage fiscal. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.
Monsieur le député, il y a clairement, dans cet hémicycle, deux visions de l'économie. (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe SRC.)
D'un côté, il y a un gouvernement qui veut améliorer la compétitivité des entreprises françaises,…
...leur permettre de vendre davantage de produits, d'exporter davantage et de créer des emplois. Dans ce but, nous avons triplé le crédit impôt recherche, pour favoriser l'innovation, nous avons procédé à la réforme de l'université, pour avoir des personnels mieux formés, et nous allons baisser le coût du travail de 13,6 milliards, ce qui nous permettra de créer des dizaines de milliers d'emplois.
De l'autre côté, il y a le programme de votre candidat, François Hollande. Que propose-t-il ? Il propose de détricoter la réforme des retraites pour revenir sur le départ à soixante ans des salariés qui ont cotisé 41,5 années. Cela coûtera 15 milliards d'euros. (« C'est faux ! » sur les bancs du groupe SRC.) Et pour financer cette dépense, il propose d'augmenter le coût du travail, les cotisations vieillesse sur les salariés – tous les salariés – et sur les entreprises de France. Il propose aussi de revenir sur les allégements de charges, dits allégements Fillon. Autrement dit, il propose d'augmenter le coût du travail de toutes les entreprises de France, et de baisser le salaire net de tous les salariés de France, prenant ainsi le risque de détruire des dizaines de milliers d'emplois.
Oui, il y a bien deux conceptions de l'économie. Nous, nous voulons créer de l'emploi marchand. Vous voulez créer des emplois jeunes. C'est toute la différence. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Françoise Branget, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre chargé des transports, le 24 janvier dernier, nous avons adopté ici, à l'Assemblée nationale, la proposition de loi de notre collègue Éric Diard visant à encadrer les conflits dans le secteur aérien.
Depuis hier, les passagers sont à nouveau les victimes d'une prise en otage (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) par un mouvement de grève lancé par les syndicats du transport aérien, prévu jusqu'au 9 février. En effet, il semblerait que moins de 50 % des vols long-courriers soient assurés et moins de 70 % des vols court et moyen-courrier.
Certains vols ont même été annulés alors que l'embarquement des passagers avait déjà eu lieu. (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Ce détournement démontre toute l'importance de la déclaration individuelle de participation à un mouvement de grève quarante-huit heures à l'avance, et du droit à l'information des voyageurs, qui sont prévus dans la loi adoptée par notre majorité.
Il est primordial de permettre une meilleure prévisibilité du trafic aérien, comme c'est déjà le cas pour le trafic terrestre, sans pour autant entraver le droit de grève. Les compagnies aériennes auront un devoir d'information en communiquant les prévisions de trafic vingt-quatre heures à l'avance.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser les modalités d'information prévues pour les usagers afin qu'ils puissent s'organiser en amont ? Pouvez-vous nous assurer de la détermination du Gouvernement à mettre en place un service garanti dans les transports aériens, qui, loin de s'attaquer au droit de grève, permet de défendre le droit à l'information des passagers ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Oui, madame la députée, je peux vous rassurer sur la détermination du Gouvernement à soutenir cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Oui, je peux vous rassurer sur la détermination de Xavier Bertrand ou de Nathalie Kosciusko-Morizet, qui, avec moi, ont suivi cette proposition de loi.
Le procès qui est fait à ce texte est, vous le savez tous, un faux procès.
Est-ce que le droit de grève est menacé dans le secteur aérien ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe SRC.) Bien sûr que non ! Est-ce que le droit de grève n'existe plus à la SNCF depuis 2007 ?
Est-ce que le droit de grève n'existe plus à la RATP depuis 2007 ?
Par contre, nous avons instauré un service minimum que vous avez toujours combattu ! Un service minimum qui permet aujourd'hui aux usagers de ne plus être pénalisés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) C'est ce que nous voulons faire dans le secteur aérien, alors que le parti socialiste se satisfait à chaque fois que les passagers sont bloqués. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Ce que nous voulons simplement, c'est que le droit de grève continue à exister – ce qui vous gêne –, mais qu'un préavis individuel permette aux compagnies aériennes d'organiser le trafic, et aux passagers, comme vous l'avez dit, madame Branget, de ne plus avoir à descendre d'un avion dans lequel ils ont embarqué, leur voyage étant tout simplement annulé.
Ce que nous voulons aussi, c'est faire en sorte que nos compagnies aériennes – et c'est une fois de plus Air France qui est la plus pénalisée par la grève en cours – se trouvent protégées contre des pertes financières causées par ce genre de mouvements.
Voilà pourquoi la détermination du Gouvernement est claire, comme celle du Parlement. Oui, cette proposition de loi est nécessaire. Nous avons instauré un service minimum en 2007 à la SNCF et à la RATP. Grâce à ce texte nous établirons ensemble un service garanti dans le secteur aérien. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le Premier ministre, « si je suis élu, d'ici deux ans, il n'y aura plus un seul SDF dans la rue », promettait Nicolas Sarkozy.
Alors que le froid touche la France, les sans-abris ont toujours plus de mal à dormir au chaud. Parce que leur salaire ne leur permet pas d'assumer le loyer, des travailleurs pauvres grelottent la nuit dans leur voiture. Ceux qui claquent des dents ont parfois un toit sur la tête, mais vivent dans le noir faute de pouvoir régler la facture d'électricité.
On recense plus de 8 millions de pauvres et la précarité énergétique touche près de 4 millions de ménages.
Comme l'a bien dit notre collègue Roland Muzeau, citant Victor Hugo, « c'est de l'enfer des pauvres qu'est fait le paradis des riches » ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Des coffres-forts débordent et continuent de se remplir ! Les patrons du CAC40 ont vu leurs salaires augmenter de 34 % depuis 2006. Ils gagnent en moyenne, 1,26 million d'euros par an, sans compter les substantiels bonus. En trente ans, la rémunération des actionnaires est passée de 5 à 25 % des richesses produites par les salariés.
Avec la TVA antisociale, vous voulez offrir au patronat une ristourne sur les cotisations sociales, que les ménages, notamment les plus pauvres, devront acquitter.
La France est malade du creusement des inégalités et ceux qui prétendent, comme M. Guéant, donner au monde des leçons de civilisation…
…feraient bien de réfléchir. Réduire la protection sociale, qu'il s'agisse de la retraite ou de l'accès aux soins, faire de la précarité un modèle, détricoter le code du travail, privatiser un à un les services publics,…
…ériger la rentabilité et la compétitivité en système, cela s'appelle un recul de civilisation !
Aurez-vous la décence d'attendre le verdict du peuple au lieu de poursuivre votre politique de recul de civilisation ?
La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale.
Monsieur le député, la question de la pauvreté ne saurait, dans cet hémicycle, être une affaire de slogans ni prêter à des effets de tribune. (Protestations sur les bancs des groupes GDR et SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La réalité, c'est que le Gouvernement de François Fillon, depuis cinq ans, porte une attention méticuleuse à la situation de précarité de nos compatriotes.
Quelques chiffres : 954 euros, c'est le seuil de pauvreté en France, calculé à partir du revenu médian. Il est évidemment très sensible à la crise économique, à la difficulté que notre pays rencontre dans cette crise sans précédent. Quand la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, la DREES, nous indique que le taux de pauvreté n'augmente que de 0,5 point – 0,5 point de trop sans doute –, nous nous félicitons, d'une certaine manière, de l'effort constant que nous avons fait pour ces travailleurs pauvres dont vous parlez.
Sans les mesures qui ont été prises très tôt par le Gouvernement, je pense en particulier au RSA, à l'augmentation de 25 % de l'allocation adulte handicapé, à l'augmentation de 25 % du minimum vieillesse (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), à la prime de solidarité de 150 euros par mois pour les 3 millions de familles qui ont des enfants de plus de six ans scolarisés – c'était en octobre 2009 –, je pense également à la prime de 200 euros pour soutenir les 4,3 millions de Français précarisés, – sans cela, monsieur le député, ce seraient 260 000 de nos compatriotes qui auraient basculé au-dessous du seuil de pauvreté. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je ne vous parle même pas des tarifs sociaux du gaz et de l'électricité.
Il ne s'agit pas de promesses, monsieur le député, il s'agit de faits, d'une attention constante, méticuleuse, loin des effets de tribune et loin des anathèmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Gérard Bapt, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Madame la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, à chaque occasion – et vous n'en perdez pas une –, vous martelez que les socialistes veulent augmenter les impôts.
De nombreux députés du groupe UMP. Eh oui !
Sans doute est-ce pour masquer qu'en matière de ponctions sur les Français, vous détenez le record de création de taxes au cours de cette législature. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) La dernière en date, la taxe sur les mutuelles santé, a provoqué le lancement d'une pétition qui a déjà recueilli plus de 8 millions de signatures.
Il est vrai que, parfois, vous baissez des impôts : au printemps dernier, vous avez diminué de 1,8 milliard l'impôt sur la fortune.
Plusieurs députés du groupe SRC. Eh oui !
Mais trois mois plus tard, vous en récupériez la recette en relevant la TVA à taux réduit de 5,5 à 7 %, acquittée pour l'essentiel par les classes moyennes et populaires. Vos baisses sont toujours pour les plus aisés ; vos augmentations sont toujours supportées par l'ensemble des contribuables, y compris ceux qui ne sont pas imposés sur le revenu.
L'impôt sur le revenu pour 2012 ? Vous en avez gelé les tranches du barème en ne tenant pas compte de l'inflation. La conséquence apparaît aujourd'hui clairement : ce sont encore les contribuables modestes qui vont en payer le prix, en particulier 100 000 à 200 000 foyers qui n'étaient pas imposés sur le revenu et qui vont le devenir.
Plusieurs députés du groupe SRC. Eh oui !
Contribuables modestes bénéficiant de petites retraites, salariés célibataires au revenu proche du SMIC ou familles modestes, notamment femmes chef de famille : tous ceux-là vont désormais sortir de la catégorie des non imposables sur le revenu et perdre les abattements qui leur sont consentis sur les tarifs sociaux locaux par les collectivités locales.
Plutôt que de les imposer davantage, êtes-vous prête, madame la ministre, à renoncer au gel du barème de l'impôt sur le revenu en créant, en compensation, une tranche supplémentaire à 45 % pour les revenus très élevés, ce que propose effectivement François Hollande ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.)
La parole est à Mme la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.
Monsieur le député, j'ai entendu votre candidat à l'élection présidentielle, M. Hollande, dire, la semaine dernière à la radio, que si la croissance n'était pas au rendez-vous, il ne tiendrait pas les engagements de la France en matière de réduction des déficits. (Huées sur les bancs du groupe UMP.) Telle n'est pas notre conception de l'action publique, telle n'est pas notre conception de nos responsabilités.
Nous avons dû faire face à une baisse de la croissance depuis l'été, à un ralentissement de la conjoncture.
Mais nos engagements de réduction des déficits, de désendettement de la France pour les générations futures, ces engagements sont intangibles. C'est parce que ces engagements sont intangibles que, dans un esprit de responsabilité, le Premier ministre a demandé des efforts supplémentaires aux Français.
Il l'a fait pour que nous tenions nos engagements de réduction des déficits publics. D'ailleurs, nous sommes en avance : en 2011, nous serons en dessous de 5,5 % de déficit alors que nous avions prévu 5,7 %.
Oui, nous avons demandé des efforts aux Français, mais des efforts dosés et justes. Nous avons demandé davantage à ceux qui ont davantage (« Non ! » sur les bancs du groupe SRC) : à ceux qui ont de l'immobilier, en augmentant de dix points la fiscalité du patrimoine ; à ceux qui touchent de grosses retraites chapeaux, des stock-options, en mettant en place une contribution exceptionnelle de 4 % sur les revenus les plus élevés, qui porte à 45 % le prélèvement sur les revenus les plus élevés en France – vous semblez l'ignorer, monsieur le député.
Voilà la situation aujourd'hui.
Oui, nous avons décidé le gel du barème de l'impôt sur le revenu, impôt qui touche 16 millions de foyers sur 36 millions. Mais, jusqu'à 62 euros…
La parole est à Mme Marguerite Lamour, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale chargée de la famille.
Le Président de la République a effectué, ce matin, un déplacement dans le Tarn, sur le thème de la politique familiale. Le bilan des dernières années est très positif : c'est un domaine dans lequel notre pays est largement en pointe, y compris par rapport à ses voisins de l'Union européenne.
Malgré une situation financière difficile, notre gouvernement a maintenu son effort dans le soutien à la politique familiale. Cela a permis de maintenir – et même de le porter jusqu'à 85 % – le taux d'activité professionnelle des femmes pour la classe d'âge de vingt-cinq à quarante-neuf ans et de maintenir un taux de natalité supérieur à deux enfants par femme.
Le Gouvernement s'est constamment mobilisé pour préserver cette politique. J'en veux pour exemple la signature de la convention d'objectifs et de gestion avec la Caisse nationale d'allocations familiales.
Il est nécessaire de réaffirmer la responsabilité des parents, alors que les familles sont devenues multiformes et parfois fragilisées par un monde qui évolue sans cesse. La majorité de nos concitoyens estime qu'il est plus difficile d'élever un enfant aujourd'hui qu'il y a trente ans. L'omniprésence de la communication, l'hyperprésence des écrans et jeux vidéo illustrent les difficultés nouvelles que les parents connaissent. La question de l'alcoolisation massive et les risques d'addiction de plus en plus précoces imposent des actions tant en direction des enfants que des parents.
Être mieux accompagné afin de pouvoir concilier engagement professionnel et vie familiale : les attentes des parents à cet égard sont pressantes. Aussi le Président de la République a-t-il fixé des objectifs ambitieux pour le développement de l'offre d'accueil de la petite enfance.
Madame la secrétaire d'État, pouvez-vous nous indiquer le bilan des actions menées jusqu'à présent et les principales mesures envisagées afin de maintenir le soutien de l'État en matière de politique familiale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Effectivement, madame la députée, il s'agit bien d'une priorité pour le Gouvernement et pour le Président de la République. Malgré le contexte budgétaire difficile, 100 milliards d'euros ont été pérennisés pour la politique familiale : cela représente quasiment 5,1 % du PIB français alors que les autres pays européens n'y consacrent que 2,5 % de leur PIB. C'est du reste un motif de satisfaction pour la majorité de nos concitoyens : plus de 90 % des Français sont satisfaits de la politique familiale.
C'était aussi la volonté du Président de la République que soit négociée avec la CAF une convention d'objectifs et de gestion de 1,3 milliard d'euros qui nous a permis de multiplier l'offre d'accueil de la petite enfance. Cette offre d'accueil a pour but essentiel de permettre à chacun et chacune de concilier vie familiale et vie professionnelle. Dès 2009, nous avons mis en place un important dispositif afin de développer les modes de garde et parvenir à offrir 200 000 solutions de garde supplémentaires. Et nous y arrivons !
Aujourd'hui, c'est une très grande fierté pour nous que cette politique familiale. Grâce à elle, non seulement notre taux de natalité est élevé, avec deux enfants par femme, mais, et c'est l'élément le plus pertinent, 85 % des femmes ont une activité professionnelle. Avoir des enfants et mener une activité professionnelle n'est plus incompatible en France. Ce que propose le Président de la République, ce sont des modes de garde diversifiés, et non un service public de la petite enfance, comme peut le proposer le parti socialiste.
Être parent devient de plus en plus difficile aujourd'hui. Avec Roselyne Bachelot, nous avons fait du soutien à la parentalité un axe prioritaire, avec la mise en place de dix mesures structurantes en faveur de la famille. Le but n'est pas de se substituer aux parents, mais d'être responsable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Serge Letchimy, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, nous savions que pour M. Guéant, la distance entre immigration et invasion est totalement inexistante (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), et qu'il peut savamment entretenir la confusion entre civilisation et régime politique.
Ce n'est pas un dérapage, c'est une constante, parfaitement volontaire. En clair, c'est un état d'esprit et c'est presque une croisade.
Monsieur Guéant, vous déclarez du fond de votre abîme sans remords ni regrets que toutes les civilisations ne se valent pas. Que certaines seraient plus avancées, voire supérieures.
Non, monsieur Guéant, ce n'est pas du bon sens, c'est simplement une injure qui est faite à l'homme. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) C'est une négation de la richesse des aventures humaines. C'est un attentat contre le concert des peuples, des cultures et des civilisations.
Aucune civilisation ne détient l'apanage des ténèbres ou de l'auguste éclat. Aucun peuple n'a le monopole de la beauté, de la science, du progrès ou de l'intelligence. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Montaigne disait : « Chaque homme porte la forme entière d'une humaine condition. » J'y souscris. Mais vous, monsieur Guéant, vous privilégiez l'ombre. Vous nous ramenez jour après jour à ces idéologies européennes qui ont donné naissance aux camps de concentration (Très vives exclamations sur les bancs du groupe UMP), au bout du long chapelet esclavagiste et colonial. (« Voyou ! », « Honteux ! », « Scandale ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur Guéant, le régime nazi (Exclamations prolongées sur les mêmes bancs), si soucieux de purification, était-ce une civilisation ? (Huées prolongées sur les bancs du groupe UMP.)
La barbarie de l'esclavage et de la colonisation, était-ce une mission civilisatrice ? Il existe, monsieur le Premier ministre, une France obscure qui cultive la nostalgie de cette époque. Que vous comptiez la récupérer, avec les thèmes du Front national, c'est un jeu dangereux et une démagogie inacceptable ! (Tumulte. – Les députés du groupe UMP se lèvent et invectivent l'orateur.)
Il existe une autre France, celle de Montaigne, de Condorcet, de Voltaire, de Césaire, et d'autres encore. (Le tumulte couvre progressivement les propos de l'orateur qui deviennent à peine audibles.) Une France qui nous invite à la reconnaissance de chaque homme dans son identité et dans sa dignité. (Huées prolongées sur les bancs du groupe UMP. – M. le Premier ministre et les membres du Gouvernement quittent l'hémicycle.)
Merci, monsieur Letchimy ! (Les députés du groupe SRC et certains députés du groupe GDR se lèvent et applaudissent l'orateur. – Les députés du groupe UMP descendent de leurs travées en protestant.)
Mes chers collègues, je vous prie de vous calmer !
Monsieur le ministre des relations avec le Parlement, cette intervention appelle-t-elle une réponse du Gouvernement ?... (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Mes chers collègues, je vous demande de vous calmer, faute de quoi je devrai interrompre la séance. (Le tumulte se poursuit.)
La séance des questions au Gouvernement est terminée.
Propos de Claude Guéant
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures quarante-cinq, est reprise à seize heures quinze.)
Mes chers collègues, je suis saisi de plusieurs demandes de rappels au règlement.
La parole est à M. Christian Jacob, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58 de notre règlement.
Nous avons tout à l'heure entendu l'un de nos collègues interpeller le ministre de l'intérieur en ces termes : « Vous, Monsieur Guéant, vous privilégiez l'ombre, vous nous ramenez jour après jour à ces idéologies européennes qui ont donné naissance aux camps de concentration ». (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, ces propos sont inacceptables dans notre hémicycle. Ils sont d'une gravité extrême. (Applaudissements sur les mêmes bancs.) Jamais de tels propos n'y ont été tenus.
Par ailleurs, ce sont des propos prémédités. Ils ne sont pas dus à un coup de colère : ils figuraient dans un texte lu par un parlementaire expérimenté. On ne peut pas accepter de tels propos.
Monsieur le président, je vous demande d'exiger de la part de ce parlementaire et de sa formation politique des excuses publiques immédiates ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Il est temps de ramener un peu de sérénité dans notre pays. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je ne sais pas si M. Jacob nous a parlé calmement, mais pour ma part, je le ferai.
Si nous n'assistions pas chaque semaine à des provocations réitérées du ministre de l'intérieur (Protestations sur les bancs du groupe UMP), nous n'aboutirions pas à une dégradation du climat que l'on ne peut que regretter.
On va souvent loin dans les commentaires, dans les amalgames, dans les mises en cause. M. Jacob a cité un extrait du texte de M. Letchimy, que j'ai sous les yeux. En aucun cas quiconque ici n'a été traité de nazi ou de concentrationnaire. Il faut lire entièrement le texte, et je l'ai, pour ma part, relu.
Nous pouvons être d'accord ou non avec la forme, mais n'oublions pas l'extrême sensibilité de nombre de nos concitoyens.
Serge Letchimy,...
..qui est le successeur d'Aimé Césaire à la mairie de Fort-de-France, est aujourd'hui président de la région de Martinique. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Il parle de ce qu'il sait et de ce qu'il ressent comme beaucoup de nos compatriotes qui en ont assez des provocations répétées qui opposent les Français. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Personne n'a oublié le discours de Grenoble.
Nous appartenons tous à la République Française, celle des valeurs de la Révolution et des Lumières, avec l'obligation pour les citoyens de respecter les droits et les devoirs.
Si, sans cesse, le ministre de l'intérieur comme les plus hautes autorités de l'État donnaient l'exemple et rappelaient que telle est la ligne de conduite de tous ceux qui dirigent et exercent des responsabilités, la politique et la République s'en porteraient mieux.
C'est là, je crois, l'essentiel, et c'est l'appel que je lance maintenant. (Huées sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Il est temps de revenir au calme. Quand on est sûr de ses convictions et de ses valeurs, on n'a pas besoin d'avoir recours aux décibels excessifs.
Il faut être très attentif non seulement au texte, mais aussi au contexte.
Les dérives sont de plus en plus fréquentes. Cela a commencé, rappelez-vous, avec le discours de Dakar et « l'homme africain ». (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Est-ce vrai ou non ?
Notre collègue Serge Letchimy vient d'un département français où, pendant des siècles, a régné l'oppression, fondée sur la différence des civilisations. Que cela plaise ou non, ainsi en a-t-il été.
Les responsables politiques, surtout quand ils occupent une place importante dans notre État, devraient faire preuve de retenue.
Dans notre pays, nous avons eu des théoriciens qui ont glosé sur la différence des civilisations et des races.
Rappelez-vous Gobineau. Il servit d'alibi à d'autres qui non seulement ont théorisé sur la différence des races et sur les discriminations, mais sont passé à la pratique en poussant leurs théories jusqu'aux horreurs que nous connaissons.
Notre collègue Letchimy n'a pas parlé d'équivalence, il a donné une explication.
Mes chers collègues, je ne connais pas de différences entre des civilisations, car je n'en connais qu'une : la civilisation humaine, assise sur des valeurs universelles. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
J'en termine monsieur le président en soulignant simplement que M. le ministre Ollier, qui dodelinait de la tête, appelait vos amis et vos collègues à la raison et à la République.
Je tiens à souligner au nom du groupe Nouveau Centre que le groupe socialiste n'a pas l'exclusivité des valeurs auxquelles M. Ayrault fait référence.
Je suis solidaire de l'intervention de M. Jacob : les propos tenus par notre collègue sont proprement inadmissibles. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Aussi, monsieur le président, je ne vois pas comment nous pourrions continuer nos travaux dans la sérénité sans que ces propos fassent l'objet de retrait et d'excuses. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
Monsieur le président, mesdames, messieurs, les propos tenus dans l'hémicycle ne pouvaient que provoquer des réactions. Ils sont inacceptables pour l'opinion publique et le Parlement.
Je ne parlerai que de l'incident qui vient de se produire, sans refaire l'histoire ou revenir sur le passé, pour demander que, lorsque l'on pose des questions, il faut éviter d'utiliser des mots susceptibles de provoquer des réactions légitimes.
La majorité et le Gouvernement se sont sentis insultés – excusez-moi d'employer ce mot – par l'assimilation entre les civilisations européennes et les camps de concentration. Devant de tels propos, je considère comme légitime que l'on puisse réagir en quittant l'hémicycle.
Il ne s'agit pas ici de refaire l'histoire, ni même de parler de personnes qui ne se sont pas exprimées dans l'hémicycle : je n'ai pas entendu le ministre de l'intérieur s'exprimer – il n'a d'ailleurs pas pu le faire.
Il s'agit, ici, de revenir à des questions et à des réponses mesurées.
En tant que ministre chargé des relations avec le Parlement, je vous demande de prendre conscience que de tels dérapages provoquent des situations inqualifiables et inadmissibles.
Mesdames, messieurs, je vous appelle à la raison. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, je vous remercie de me redonner la parole dont je n'abuserai pas.
Ma question est simple : M. Letchimy présente-t-il oui ou non ses excuses pour les propos inacceptables qu'il a tenus ?
Monsieur le président, je me suis exprimé et je crois avoir été clair. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Pour avoir entendu à l'instant le ministre chargé des relations avec le Parlement, il semble, lui, avoir du mal à se faire entendre des députés de la majorité !
Je vous invite, mes chers collègues, à lire le texte de la question de M. Letchimy. Vous comprendrez mieux ce qu'il a dit, plutôt que d'interpréter et de déformer ses propos dans le brouhaha comme celui qui s'ensuivit.
Il a également écrit une très belle lettre qui est à votre disposition et qui explique exactement ce dont il doit être question concernant la notion de civilisation. Si nous menions des débats à ce niveau, nous éviterions les incompréhensions.
Serge Letchimy, je le souligne, est aussi le président d'un parti politique, le parti populaire martiniquais, créé par Aimé Césaire. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Son parti est apparenté au groupe socialiste, c'est un allié.
Je le rappelle, parce vous auriez tendance à l'oublier, c'est au nom de la civilisation que la France et plus généralement les nations occidentales ont justifié le commerce triangulaire et l'esclavage. (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP. – De nombreux députés du groupe UMP se lèvent.) Écoutez-moi donc !
C'est l'Assemblée nationale, c'est-à-dire vous comme nous qui avons eu le courage de reconnaître par notre vote à l'unanimité que l'esclavage était un crime contre l'humanité. Nous l'avons dit, au nom de la République Française, et c'est cela le plus important. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Mes chers collègues, une nouvelle fois j'appelle votre attention sur la gravité de certains propos qui peuvent assez rapidement dériver vers des amalgames historiques inappropriés.
Je demande à chacune et à chacun d'entre vous d'y prêter la plus grande attention, en particulier lors des questions au Gouvernement, qui se déroulent, vous le savez, sous le regard de nos compatriotes, mais tout autant lors de nos débats, et d'utiliser des propos qui se réfèrent à ce que nous devons assumer ici, c'est-à-dire l'affrontement des idées et en aucun cas celui des personnes.
Plusieurs députés du groupe UMP. Des excuses !
Cet incident, que je considère comme particulièrement grave, donnera lieu à une saisie du bureau lors de sa prochaine réunion, qui se tiendra le 22 février.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures trente-cinq.)
L'ordre du jour appelle la discussion, en lecture définitive, du projet de loi organique relatif au remboursement des dépenses de campagne de l'élection présidentielle (n°s 4234, 4287).
Je rappelle qu'à l'issue de la discussion générale, nous procéderons, dans les salons, à un vote qui requiert la majorité absolue des membres de l'Assemblée.
J'indique par ailleurs que je vais réunir, sans interrompre la séance, les présidents de groupes pour évoquer l'incident qui m'a conduit à lever la séance des questions au Gouvernement.
La parole est à M. le ministre chargé des collectivités territoriales.
(M. Jean Mallot remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)
Monsieur le président, monsieur le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, mesdames et messieurs les députés, le projet de loi organique relatif au remboursement des dépenses de campagne de l'élection présidentielle que vous avez adopté le 19 janvier dernier est à nouveau soumis à votre examen.
Il a en effet été adopté par le Sénat le 31 janvier dernier, mais avec les mêmes modifications auxquelles le Gouvernement avait déjà donné un avis défavorable et que vous aviez vous-même déjà rejetées. Il vous revient donc de statuer définitivement sur ce projet de loi organique dans la version que vous aviez adoptée. Tel est l'objet du débat d'aujourd'hui.
En premier lieu, je voudrais rappeler rapidement le dispositif du projet de loi organique qui vous est soumis.
L'objet du texte dont vous allez discuter à nouveau est tout simplement d'étendre à l'élection présidentielle, dont l'organisation relève de la loi organique, une mesure déjà votée en loi simple pour ce qui concerne les autres rencontres électorales. À moins de cent jours désormais de l'élection présidentielle, il ne prétend pas bouleverser le mode de remboursement des dépenses de campagne ni remettre en cause l'ensemble des débats autour du mode d'élection. Par cohérence avec les dispositions adoptées par la loi de finances pour 2012, le présent projet de loi organique modifie la loi du 6 novembre 1962 afin de modifier les taux de remboursement. Pour les candidats obtenant plus de 5 % des voix, ce taux, fixé jusqu'à présent à 50 % du plafond des dépenses, sera porté à 47,5 %.
Pour les candidats obtenant moins de 5 % des voix, le taux de remboursement est de 5 % du plafond. Ce taux sera ramené à 4,75 %.
Par ailleurs, afin que cette économie ne soit pas remise en cause par la prise en compte de l'inflation, le Gouvernement a proposé de geler la revalorisation des plafonds applicables à l'élection présidentielle jusqu'à ce que le déficit public des administrations soit nul. Il s'agit d'un effort important et durable puisque le gel de la revalorisation des dépenses de campagne perdurera jusqu'au retour de nos finances publiques à l'équilibre. Au total, la mise en place de ce gel et la baisse de 5 % des dépenses auront pour effet de diminuer les plafonds de remboursement de 8 %.
Vous connaissiez très bien l'objet de ce texte, mais il me semblait important pour ceux qui suivent nos débats de le rappeler.
En second lieu, je reviendrai brièvement sur les modifications apportées lors de la première lecture à l'Assemblée.
À l'occasion de la première lecture de ce projet de loi organique, vous avez adopté un amendement permettant pour la seule élection présidentielle de prolonger la date limite de dépôt des comptes de campagne d'une semaine. Proposée par le député Régis Juanico, avec l'avis favorable de votre commission des lois, cette mesure consensuelle et de bon sens se justifiait compte tenu de la complexité des comptes des candidats à l'élection présidentielle.
Mesdames et messieurs les députés, lors de l'examen de ce texte en première lecture, votre Assemblée avait su dépasser les clivages partisans, ce qui avait permis l'adoption par l'Assemblée du présent projet de loi organique. Le processus parlementaire n'a pu permettre de trouver un accord avec la majorité sénatoriale au terme de la navette. La Constitution prévoit dans ce cas de figure de donner le dernier mot à votre Assemblée. En remerciant une nouvelle fois votre rapporteur Charles de La Verpillière pour son travail, je vous invite donc à voter ce texte qui permettra, dès cette élection présidentielle, d'envoyer un signal à nos concitoyens sur l'effort financier réalisé par les candidats qui se présenteront à leurs suffrages. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Charles de La Verpillière, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement, ainsi que M. le ministre vient de le rappeler, demande à l'Assemblée nationale de statuer définitivement sur le projet de loi organique relatif au remboursement des dépenses de campagne de l'élection présidentielle. Je rappelle que ce texte vise, premièrement, à diminuer de 5 % le taux des dépenses électorales remboursables aux candidats et, deuxièmement, à geler à son niveau actuel le plafond des dépenses autorisées durant la campagne.
Le 18 janvier dernier, la commission mixte paritaire n'est pas parvenue à élaborer un texte commun à nos deux assemblées. L'Assemblée nationale n'avait modifié qu'à la marge le projet de loi organique en adoptant un seul amendement, celui de M. Juanico, reportant d'une semaine la date limite de dépôt des comptes de campagne.
En revanche, le Sénat l'a très profondément remanié, sinon totalement bouleversé. Les dispositions qu'il a introduites seraient de nature à perturber le bon déroulement de la campagne présidentielle en cours, voire à entraver l'action du Président de la République et à contester sa capacité à se présenter de nouveau au suffrage des Français.
Après l'échec de la commission mixte paritaire et une nouvelle lecture dans chaque Assemblée, qui n'a pas permis de rapprocher les points de vue, votre commission des lois, réunie le 1er février, a réaffirmé la position de l'Assemblée nationale, exprimée tant en première qu'en nouvelle lecture.
Je vous propose donc d'en faire autant en vous demandant, mes chers collègues, d'adopter le projet de loi organique dans le texte voté en dernier lieu par notre Assemblée le 19 janvier. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'Assemblée nationale est invitée à statuer définitivement, en application de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution, sur le projet de loi organique relatif au remboursement des dépenses de campagne de l'élection présidentielle.
Le texte vise, d'une part, à diminuer de 5 % le taux des dépenses électorales susceptibles d'être remboursées aux candidats à l'élection présidentielle et, d'autre part, à geler à son niveau actuel le plafond des dépenses autorisées durant la campagne.
À moins de trois mois du premier tour des élections présidentielles, il nous est donc proposé de nous prononcer sur les règles qui vont s'y appliquer, bafouant, monsieur le ministre, l'usage républicain qui veut que l'on ne modifie pas les règles d'un scrutin dans l'année qui le précède. Mais sous ce régime autoritaire du président Sarkozy, il n'y a plus de règles qui tiennent !
Ah ! mon cher collègue, si au moins nous pouvions invoquer le ciel et faire appel à ses secours pour vous ramener à la raison, je le ferais à genoux volontiers ! (Sourires.)
Je n'insisterai pas sur les délais extrêmement courts qui nous sont imposés ni sur la prétendue urgence de ce projet de loi qui devrait nous permettre de faire une fantastique économie de 3,7 millions d'euros sur les 220 millions d'euros de dépenses liées à l'organisation de l'élection présidentielle. Vous rendez-vous compte, cher collègue Geoffroy ?
Savez-vous vraiment ce que c'est, 3,7 millions d'euros ? C'est à peine 10 % du cadeau que le Gouvernement va faire à Mme Bettencourt sur sa contribution fiscale de cette année par rapport à celle de l'année dernière !
Encore la même référence ! Vous ne pouvez pas vous en empêcher !
Je ne peux pas m'empêcher de vous tendre le miroir pour que vous voyiez à quel point vous êtes horribles à mener cette politique qui est sans pitié pour les gens modestes, qui beurre la tartine des gens riches...
…et qui, pour alimenter le populisme, vous conduit à vouloir faire quelques économies de bouts de chandelle sur l'exercice de la démocratie, parce que c'est de cela qu'il s'agit !
Il est vrai, monsieur le ministre, que, de votre côté, les contributions de vos généreux donateurs à vos campagnes électorales ne se comptent pas en quelques euros, comme au Front de gauche. Chez nous, une personne donnera un, cinq, dix euros ; chez vous, ce sont des chèques avec des zéros derrière le premier chiffre.
Éternel donneur de leçons !
À ceux qui en ont bien besoin, monsieur le ministre ! Reconnaissez qu'il faut que nous soyons des pédagogues acharnés pour continuer d'essayer de vous convaincre tellement vous êtes rétif à entendre non pas la raison, mais la morale. Las, c'est une notion qui vous est étrangère.
Oui, 3,7 millions d'euros ! C'est, monsieur Geoffroy, 800 000 euros de moins que le salaire de Michel Rollier, le patron de Michelin. C'est à peine plus que celui de Philippe Varin, le patron de Peugeot qui touche, lui, 3,3 millions d'euros chaque année. Ceux-là, vous les épargnez, tout comme le président de Total !
Vous vous esclaffez, monsieur Geoffroy...
Parce qu'en plus vous voudriez me dicter mon texte ? Mais où va cette dérive autoritaire impulsée par celui qui vous sert de gourou ? Vous voulez tellement lui ressembler que vous finissez par vous exprimer comme lui dans cet hémicycle, qui, même si vous essayez régulièrement de nous passer la muselière, reste et doit rester le temple de la démocratie.
Vous paradez en champion de la rigueur et de la moralisation des finances publiques mais vous oubliez les véritables scandales et les gaspillages qui ruinent notre République.
Oh, non, ce n'est pas du théâtre ! Si vous voulez, mon cher collègue, je vais vous emmener dans les HLM de Montreuil ou de Bagnolet.
Vous verrez si c'est du théâtre, ces fins de mois impossibles avec le RSA ou le SMIC. Vous en avez pourtant, mes chers collègues, des personnes dans cette situation, dans vos circonscriptions !
J'en parle bien parce que, moi, je sais de quoi je parle ! Je parle de ce que je connais !
Pas nous ?
Et moi, parmi mes électeurs, je n'ai pas de privilégiés qu'il faut bichonner !
Sans cesse interrompu par mes collègues, je veux revenir à mon propos.
Oui, il y a de véritables scandales, des gaspillages qui ruinent notre République ! Ce projet de loi, ce n'est que de l'affichage destiné à détourner le regard de nos concitoyens de votre gestion calamiteuse des deniers publics. Vous avez vidé les caisses !
Vous répétez à loisir que l'État doit faire des économies et réduire ses dépenses. Dans ce cas, pourquoi ne pas remettre en cause les cadeaux fiscaux que vous avez accordés aux plus riches depuis cinq ans ? Pourquoi avoir allégé de 1,5 milliard d'euros, au mois de juillet dernier, le montant de l'imposition sur la fortune ? Pourquoi ne pas être revenu, comme l'a proposé la majorité, sur la fameuse loi TEPA, qui, à elle seule, a représenté depuis 2007 un manque à gagner cumulé de 20 milliards d'euros pour les finances publiques ? Pourquoi permettre à Mme Bettencourt – je sais, monsieur le ministre, que mon propos tourne, à vos yeux, à l'obsession – de payer cette année 30 millions d'euros d'impôts de moins cette année ?
Un député du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Eh oui !
Je sais bien que je vous fais mal en retournant le couteau de la plaie, mais vous reconnaîtrez que c'est justice que d'y prendre un certain plaisir.
Que pèse cette bagatelle de moins de 4 millions d'euros d'économie que vous nous proposez en regard de ces milliards d'euros engloutis en cadeaux à votre clientèle ?
Votre indignation est sélective, hypocrite même. Vous proposez de réaliser des économies d'épicier sur les campagnes électorales, qui sont pourtant un moment crucial de notre vie démocratique, tandis que vous fermez les yeux, mes chers collègues de la majorité, sur les dépenses somptuaires du 55, rue du faubourg Saint-Honoré, à quelques pas d'ici, à l'heure où certains confondent exercice de leur mandat et campagne électorale. Vous savez où c'est, le 55, rue du Faubourg Saint-Honoré : vous y êtes régulièrement invités pour y prendre vos ordres !
Deux cent cinquante-neuf millions d'euros dépensés dans l'achat de l'Airbus présidentiel : on n'en parle pas. Et nous pourrions évoquer les gaspillages qui ont été dénoncés par notre collègue René Dosière.
Votre projet de loi, qui se veut symbolique et que vous présentez comme ambitieux, n'est que le symbole d'un manque de cohérence et de sérieux, y compris en matière de financement des campagnes électorales et, plus largement, de vie politique.
Les mesures proposées, en particulier la baisse de 5 % du montant de l'aide publique au financement des partis politiques, se solderont par une injustice car le caractère proportionnel de cette diminution aura pour effet de pénaliser les plus petits candidats.
Monsieur le ministre, pour le candidat que vous soutenez et qui n'est pas candidat (Sourires), M. Nicolas Sarkozy, 5 %, c'est l'épaisseur du trait. Pour ceux qui financent une campagne électorale euro après euro, en s'appuyant sur les tréfonds de notre peuple qui est riche de ses valeurs, mais pas de ces actions qui produisent les dividendes auxquels vous êtes tant attaché.
Ce n'est pas de la démagogie, c'est le reflet du réel.
Pourtant, monsieur le ministre, vous êtes originaire d'une région dont les habitants sont attachés à la justice, à la morale. En défendant un tel projet, vous faites mal à vos concitoyens alsaciens !
Eh bien vous devriez faire honneur à vos concitoyens en soutenant les propos que je tiens et pas cette justice dont je parle. D'une certaine manière, vous leur êtes infidèles – jusqu'au jour où ils vous feront des infidélités aux élections, et vous l'aurez bien mérité.
Mes chers collègues, il est aujourd'hui nécessaire de remettre à plat le financement des partis politiques pour mieux tenir compte du nombre d'électeurs dans le calcul de leurs dotations…
…et de s'attacher, en somme, à ce que l'aide publique aux formations politiques soit conforme à ce que peuvent légitimement en attendre nos concitoyens en termes de respect de toutes les sensibilités.
Monsieur de La Verpillière, vous nous dites qu'il ne nous restera pas grand-chose. Je vous recommande de regarder comment, en dépit de la censure dans les médias officiels, le candidat du Front de gauche progresse dans les sondages. Il répond profondément aux aspirations de notre peuple face aux injustices dont vous êtes les promoteurs et les défenseurs, alors que nous en sommes, pour notre part, les pourfendeurs, fidèles en cela aux meilleures valeurs de notre pays et à ceux qui, dans cet hémicycle, les ont défendues. Vous qui êtes cultivé, monsieur Geoffroy, je pense en particulier à Jaurès qui, ici, a été le porte-parole des sans-voix, ce que nous continuons d'être aujourd'hui. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Je crois que tout a été dit. Comme le sujet s'y prête, je m'exprimerai donc une seule fois, au titre à la fois de la discussion générale et de l'explication de vote de mon groupe.
Nous voici donc en troisième et dernière lecture d'un projet de loi organique qui a pour objet de réduire, dès la prochaine élection présidentielle, le montant des remboursements aux candidats de 5 %. Pourquoi le faire par une loi organique ? parce que la règle constitutionnelle l'impose. Pourquoi le faire maintenant ? Parce que c'est dans la foulée de ce qui a déjà été décidé pour toutes les autres élections, ainsi que pour le financement des partis politiques dans le cadre de la loi de finances pour 2012.
Il n'y a donc rien à y redire et je ferai remarquer à nos collègues qui refusent ce texte, à M. Brard en particulier, que c'est par l'addition de tous les gestes d'économie dans la dépense publique…
…que nous parviendrons à atteindre notre objectif, qui correspond à l'intérêt national, de réduire l'endettement notre pays par tout moyen. C'est, mon cher collègue, un point de vue auquel vous n'adhérez pas, c'est votre responsabilité. Nous assumons très clairement la nôtre.
Je tiens par ailleurs à souligner les contradictions évidentes de la position du Sénat sur cette problématique. Qu'ont dit nos collègues sénateurs dès la première lecture, et qu'ils ont réaffirmé en deuxième lecture ? Que l'on ne légiférait pas en matière électorale dans l'année qui précède la tenue d'un scrutin. Pourtant ils ont décidé, pour que les mesures du projet entrent en vigueur dès l'élection présidentielle, de modifier complètement la teneur du projet du Gouvernement. Qu'ont-ils donc en effet proposé ?
Nous allons vous épargner un geste schizophrène, monsieur Brard, puisque le texte adopté par le Sénat va strictement à l'encontre des propos que vous venez de tenir : les sénateurs ont voté un texte qui met purement et simplement fin au principe du remboursement à tous les candidats qui ont obtenu au moins 5 % des voix pour le remplacer par un système de remboursement proportionnel au nombre de voix obtenues, et cela à quelques semaines de l'élection présidentielle. Les cartes sont rebattues par eux d'une manière totalement anachronique et anarchique ; c'est totalement inacceptable.
Nos amis sénateurs nous ont donc fourni une nouvelle illustration de la formule « Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? » Nous, nous voulons faire simple. Nous voulons nous en tenir à une démarche qui nous semble importante et symbolique, à savoir la contribution de toutes les actions publiques à la réduction de nos dépenses.
C'est pourquoi le Gouvernement peut compter sur le soutien unanime de la majorité parlementaire et présidentielle. Elle votera sans difficulté ce projet de loi organique, conforme à la volonté que nous avons déjà exprimée lors du vote du budget de l'année 2012. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, comme M. Geoffroy, j'inclus dans mon intervention au titre de la discussion générale l'explication de vote de mon groupe.
Pour la troisième fois, puisque nous sommes en troisième lecture, le groupe SRC exprime son scepticisme concernant le projet de loi organique.
Il s'agit tout d'abord d'un scepticisme devant l'urgence. Le Gouvernement a engagé, sur ce texte, la procédure accélérée sans que nous comprenions ce qui imposait une adoption sans délai de ce texte. La date de l'élection présidentielle est connue depuis toujours, son coût potentiel l'est aussi, et, malheureusement, le contexte de crise ne date pas de quelques semaines.
Il y a quelques mois, c'était en avril 2011, nous avions déjà débattu de ce que l'on appelle maintenant le « paquet électoral », qui visait à combler quelques lacunes ou imperfections de notre législation. Vous aviez alors tout le loisir d'y ajouter le dispositif que vous prônez maintenant, d'autant que ce texte avait le même rapporteur que le projet de loi organique que nous examinons aujourd'hui.
L'urgence ne s'explique que par l'approche de la fin de la session, comme c'est le cas pour nombre des textes que vous nous proposez – je pense notamment à la loi de programmation relative à l'exécution des peines, qui méritait bien plus qu'une seule lecture.
Mais nous sommes également sceptiques quant à l'objet du texte. Vous prétendez ne pas bouleverser le régime du remboursement des dépenses de la campagne présidentielle. De fait, vous l'avez rappelé, depuis le 1er avril 2011, le compte des candidats – qu'il s'agisse des candidats de fait ou de ceux qui vont se déclarer – est ouvert, et toutes les dépenses qu'ils engagent y seront intégrées. Vous touchez donc bien aux règles, même si vous ne l'admettez pas, pour une raison d'ailleurs très simple : c'est que vous soutenez un candidat qui ne s'est pas encore déclaré,...
..et que vous espérez ainsi tromper les observateurs.
Une tradition républicaine voulait qu'on ne change pas les règles d'une élection dans l'année précédant son déroulement : nous sommes à un mois et demi du dépôt des déclarations de candidature, neuf mois après le début de la période de comptabilisation des dépenses. On ne peut que regretter cette entorse à la tradition.
Je ne crois pas qu'on puisse la justifier en arguant du fait que la campagne présidentielle coûterait cher. On connaît le chiffre depuis très longtemps : elle coûtera 220 millions d'euros, soit 6 euros par électeur. Nous ne considérons pas que ce soit là un montant prohibitif.
Enfin, nous sommes sceptiques quant à l'ambition du texte. Le 19 décembre 2011, en première lecture, vous avez souligné, monsieur le ministre, le caractère ambitieux et volontaire de cette réforme. Nous attendions alors – et nous vous l'avions dit – que vous nous proposiez, par exemple, de délimiter le périmètre des dépenses qui doivent être comprises dans le compte de campagne. En effet, il faudrait sans doute préciser – le Sénat s'y est essayé – la notion de « dépenses électorales », car ce qui est vrai pour une campagne électorale locale – la jurisprudence appliquée par le Conseil est extrêmement restrictive en la matière – peut ne pas l'être pour un scrutin national. On pourrait ainsi envisager, pour l'élection présidentielle, de retenir une interprétation plus large, englobant davantage de dépenses. Nous regrettons que vous ayez rejeté les amendements qui allaient en ce sens et qu'avait votés le Sénat.
De même, ce texte aurait pu être l'occasion de rappeler que les candidats détenteurs d'un mandat électif ne peuvent utiliser les moyens procurés par ce mandat en vue de contribuer à la conduite de leur campagne. Considérant que cela figurait dans l'article L. 52-8 du code électoral, vous avez jugé, monsieur le rapporteur, cette précision redondante. Je rappelle pourtant que le président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, M. Logerot, ainsi que le doyen Colliard, qui connaît bien la problématique des dépenses électorales, viennent de rappeler que nombre de candidats utilisent, pour leur campagne, les moyens qu'un mandat électif met à leur disposition. Il est d'ailleurs assez surprenant que, en 2007, diverses irrégularités décelées dans les comptes de campagne n'aient été suivies d'aucune sanction.
Mais, loin de compléter la loi, vous nous avez seulement saisis, toutes affaires cessantes, d'un texte dont l'unique vocation est de faire peut-être économiser à l'État 3,5 millions d'euros. J'entends bien le plaidoyer de notre collègue Geoffroy, mais on me permettra de rappeler que le déficit cumulé de la France est aujourd'hui de 1 600 milliards d'euros. Certes, il est louable de vouloir économiser 3,5 millions d'euros, mais, au regard de ce chiffre, on peut estimer qu'il s'agit d'un effort symbolique, et qui plus est virtuel, car l'économie attendue disparaîtra si l'on compte davantage de compétiteurs qu'il y a cinq ans et si plusieurs d'entre eux dépassent la barre des 5 % de suffrages exprimés. Votre calcul d'économie se fonde, en effet, sur les mêmes proportions qu'en 2007, et rien ne prouve que nous y arriverons.
En résumé, ce texte ne présentant que peu d'intérêt. Puisque nous n'avons pas de raisons de nous y opposer, nous nous contenterons de nous abstenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à la veille de deux échéances électorales importantes et à l'issue d'une procédure qui n'a pu aboutir à un accord entre les deux assemblées, nous sommes invités à statuer définitivement sur la question du remboursement des dépenses de campagne électorale, composante essentielle de notre système de financement de la vie politique.
Dans le contexte de ralentissement de la croissance, le Gouvernement nous a présenté il y a déjà quelques semaines un plan de retour à l'équilibre. Il est normal que ce plan s'applique également au financement des dépenses de campagne électorale, et le groupe Nouveau Centre a prévu de soutenir cette démarche.
Il est en effet indispensable que les candidats aux élections, ainsi que les partis politiques, puissent, au même titre que l'ensemble de la population, participer à l'effort de réduction de nos dépenses publiques. Il s'agit de mesures simples, dont le bien-fondé devrait être aisément compris par chacun de nos concitoyens et dont, je l'espère, monsieur Brard, l'objectif est partagé par tous les collègues ici présents.
Pour ces raisons, nous avons d'ores et déjà approuvé, lors de l'examen des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012, les deux premières mesures d'économie qui nous avaient été présentées, visant à diminuer les dépenses consacrées au financement des partis politiques, ainsi que le taux de remboursement de l'ensemble des campagnes électorales.
Monsieur le ministre, vous nous avez ensuite saisis d'un projet de loi organique initial qui proposait d'appliquer ce même objectif aux élections présidentielles. Le projet de loi organique présenté par le Gouvernement tend, d'une part, à diminuer de 5 % le taux de remboursement des dépenses électorales, pour l'ensemble des candidats, et, d'autre part, à geler à son niveau actuel le plafond de dépenses autorisées jusqu'au retour à l'équilibre des finances publiques, que nous souhaitons tous le plus rapide possible.
Selon les prévisions de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, ces mesures devraient permettre de diminuer de 8 % les frais de remboursement par l'État des dépenses de campagne. On peut, comme M. Urvoas, estimer que 3,5 millions d'euros, ce n'est pas grand-chose, mais il s'agit tout de même d'un effort qu'il faut saluer, même s'il est loin de corriger le déséquilibre actuel. Des dispositions modifiant sensiblement les règles de remboursement applicables aux candidats à l'élection présidentielle sont en effet introduites. Le Sénat a voulu remplacer l'actuel mécanisme de remboursement forfaitaire par un dispositif de remboursement proportionnel au nombre de voix obtenues par les candidats. Ce dispositif aurait eu vocation, selon la Chambre haute, à s'appliquer à l'ensemble des dépenses électorales engagées depuis le 1er avril 2011, portant ainsi une atteinte inacceptable à la sécurité juridique de la prochaine élection.
Partant de ces constatations, le groupe Nouveau Centre approuve l'adoption par la commission des lois du texte qui est soumis à l'Assemblée nationale en lecture définitive.
Je voudrais saisir l'occasion qui m'est donnée, monsieur le ministre, pour rappeler que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a formulé diverses suggestions qu'il conviendrait d'examiner à l'avenir – peut-être après les échéances du printemps prochain – dans un esprit consensuel. La moralisation de la vie politique est une exigence que tous revendiquent. Le remboursement par l'État des dépenses de campagne est un des aspects du financement de la vie politique. Mais le groupe Nouveau Centre est prêt, monsieur le ministre, à faire des suggestions pour répondre à cet objectif.
Il renouvelle donc son soutien à ce projet de loi organique et votera la version définitive qu'en a proposée la commission des lois. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il nous arrive très fréquemment d'être d'accord avec nos collègues du Sénat, mais je dois dire que ce n'est pas le cas en ce qui concerne leur récente proposition : nous considérons en effet que rentrer dans une logique de proportionnalité pour le remboursement des dépenses de campagne poserait un grave problème de rupture d'égalité des candidats devant le suffrage universel. Nous croyons voir là une confusion. Le financement public des élections législatives est, pour la première fraction, proportionnel aux résultats obtenus aux élections législatives et, pour la deuxième fraction, proportionnel au nombre de députés élus. Nous serions favorables à ce que ces règles soient revues pour intégrer les résultats d'autres élections que les élections législatives, afin de récompenser les partis politiques qui font l'effort d'être présents à tous les scrutins, et pas simplement aux élections législatives.
Avec un mécanisme de remboursement proportionnel, les candidats ne pourraient pas savoir au préalable de combien ils seraient remboursés, puisque cela dépendrait du résultat. Ce serait une mécanique intellectuelle très étrange.
Le deuxième point me paraît plus important. Soyons clairs et francs, mes chers collègues : ce texte exprime un souci d'économie qui est en fait très symbolique. Toutes les économies sont bonnes à prendre et nous ne sommes pas contre l'idée d'économiser un peu d'argent sur les campagnes électorales. Mais acceptons de dire que ce texte comporte une clause cachée : un parti politique se trouvera mécaniquement avantagé par rapport aux autres s'il a une capacité plus grande à collecter des dons – cela en concerne un en particulier –, puisque, même si ses dépenses électorales sont moins remboursées par l'État, il pourra continuer à dépenser les ressources qu'il aura constituées par le biais de ces dons.
Par ailleurs, nous considérons que ce texte est très partiel. Il est très étrange que la majorité actuelle et le Gouvernement, que vous avez représenté plusieurs fois sur ces sujets, monsieur le ministre, aient refusé catégoriquement toutes les propositions qu'a pu formuler le groupe SRC, ou moi-même, au nom des écologistes, sur la transparence financière de la vie politique, sur le plafonnement des dons, sur tous les problèmes qui se posent aujourd'hui en matière de financement des campagnes électorales. Dieu sait pourtant si les affaires n'ont pas manqué – je suis désolé d'avoir à le rappeler.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Marseille !
Certaines vont bientôt être jugées, qui concernaient le financement de la campagne présidentielle de 2007 ou les micropartis. Tout le monde sait que ces micropartis ont fleuri depuis quelques années : on en dénombre aujourd'hui plusieurs centaines, qui ne servent qu'à collecter des dons et à bénéficier d'un avoir fiscal. Ne me dites pas que cela n'a pas de rapport avec notre sujet : chaque fois, en effet, ce sont des dépenses pour l'État, car ces dons donnent lieu à une ristourne fiscale, qui peut aller jusqu'aux deux tiers du montant du don. Nous avons été plusieurs à proposer le plafonnement des dons. Il est normal que l'on puisse faire des dons à plusieurs partis, mais on peut estimer que l'ensemble ne doit pas dépasser 7 500 euros par personne physique et par an. Vous l'avez pourtant refusé, et le plafonnement fiscal est supérieur à cela.
La question de la transparence dans l'utilisation des moyens publics pour le financement d'une campagne électorale se pose aussi, notamment, chacun le sait, à travers l'utilisation des moyens du Gouvernement et de la Présidence de la République au profit de la campagne d'un candidat qui, s'il n'est pas officiellement déclaré, ne se cache pas d'être en campagne électorale. Tout cela, qui concerne directement le financement des campagnes électorales, n'est pas abordé dans le projet de loi.
Enfin, toutes les sensibilités politiques représentées au bureau de notre assemblée étaient parvenues à un accord sur une pratique qui consiste, pour des parlementaires, à demander que la deuxième fraction du financement public soit versée à des partis fantômes. Nous avons ainsi découvert en 2011 que plusieurs dizaines de parlementaires se sont inscrits à un obscur parti créé par M. Masson, sénateur de Moselle – je n'ai rien contre lui, mais il s'agit tout de même d'un contournement de la loi. Si vous aviez eu la volonté de moraliser le financement des campagnes électorales et de la vie politique, vous auriez pu intégrer cet accord dans le texte. Vous ne l'avez pas fait, ce que l'on ne peut que regretter.
La discussion générale est close.
Les orateurs ont déjà exposé les explications de vote de leurs groupes respectifs.
Je vais donc mettre aux voix l'ensemble du projet de loi organique, tel qu'il résulte du texte voté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.
Je rappelle que le scrutin public se déroule dans les salons voisins de l'hémicycle.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Le scrutin est ouvert pour quarante-cinq minutes. Il sera donc clos à dix-huit heures.
Texte voté par l'Assemblée Nationale
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à dix-huit heures.)
La séance est reprise.
Mes chers collègues, le scrutin portant sur le projet de loi organique relatif au remboursement des dépenses de campagne de l'élection présidentielle est clos.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants : 501
Suffrages exprimés : 337
Majorité requise pour l'adoption du projet de loi organique, soit la majorité des membres composant l'Assemblée : 280
Pour l'adoption : 317
Contre : 20
La majorité requise étant atteinte, l'Assemblée nationale a adopté le texte.
Texte voté par l'Assemblée Nationale
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à dix-huit heures dix.)
L'ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi portant réforme des ports d'outre-mer relevant de l'État et diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne dans le domaine des transports (n° 4296 rectifié).
La parole est à M. Daniel Fidelin, rapporteur de la commission mixte paritaire.
Monsieur le président, monsieur le ministre chargé des transports, mes chers collègues, il y a un peu moins de deux mois, notre assemblée adoptait le projet de loi portant réforme des ports d'outre-mer relevant de l'État et diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne dans le domaine des transports. Chacun avait noté que personne ne s'était opposé à ce texte, preuve que les évolutions qu'il porte et les attentes qu'il suscite ont été remarquées par tous.
Le Sénat s'est prononcé le 26 janvier. Si la pertinence de la réforme y a également été soulignée, les sénateurs ont profité de la discussion pour apporter des modifications sensibles au texte voté ici. En ce qui concerne strictement les ports ultramarins, l'équilibre de la gouvernance a été sensiblement modifié. Sans lien direct avec le texte, un rapport a été demandé sur le port de Mayotte, qui relève du département, non de l'État, et un autre sur les situations monopolistiques. Enfin, alors que le Gouvernement sollicitait plusieurs habilitations à légiférer par ordonnance, nos collègues du Palais du Luxembourg les ont toutes rejetées.
De ces ajouts, certains étaient acceptables, d'autres moins souhaitables, d'autres encore difficilement tolérables. La divergence de majorité entre les deux assemblées aurait dû rendre les différences inacceptables, comme c'est le cas, désormais, la plupart du temps.
Ce ne fut pas le cas, car chacun fit preuve de courage et d'ouverture. Je veux remercier ici ceux qui permirent à la CMP du 1er février d'être un succès. Au premier rang, je salue la sagesse du président Serge Grouard et de son homologue du Sénat, Daniel Raoul : tous deux ont permis de travailler dans une ambiance où la sérénité le disputait à la rigueur.
Je rends également hommage à Odette Herviaux, rapporteur du texte au Sénat, qui a effectué la moitié du chemin pour parvenir à un accord. J'ai entendu ses arguments, comme elle a entendu les miens, ce qui fait que le texte qui vous est maintenant présenté devrait susciter le consensus.
Je remercie, enfin, les membres de la commission mixte paritaire pour la qualité de nos discussions et pour le respect dans lequel chacun a pris le temps de comprendre les arguments des autres. J'ai plaisir à saluer ceux qui représentèrent le groupe UMP : M. Boënnec et Mme Branget. C'est plus inhabituel, mais je veux aussi remercier les représentants du groupe socialiste…
Il ne faudrait pas que cela devienne une habitude !
…qui ont montré que l'on peut être à la fois constructif et dans l'opposition.
Je vais donc vous présenter rapidement en quoi consiste l'accord auquel nous sommes parvenus.
En ce qui concerne le statut des quatre ports voués à devenir des grands ports maritimes – Guadeloupe, Guyane, Martinique et La Réunion – j'ai considéré que les compositions du directoire et du conseil de surveillance devaient persister dans la rédaction issue de l'Assemblée nationale. Nous étions parvenus à un équilibre dans lequel le poids des différents collèges demeurait celui projeté par le Gouvernement, sans trop nous écarter du texte voté pour la métropole, tout en assortissant la nomination des personnalités qualifiées d'un avis simple des collectivités. Par cet avis, il n'est pas question que soit exercée une sorte de tutelle sur les élus consulaires qui restent souverains dans leurs décisions. Le Sénat a accepté ce choix, moyennant une condition de bon sens : les collectivités consultées seront celles dont le territoire se situe dans la circonscription portuaire.
En retour, nous avons admis que le conseil de développement accueille en son sein un représentant des consommateurs. Eu égard à la spécificité des économies ultramarines, c'était une évolution de bon sens. Nous avons, en revanche, éliminé les deux rapports envisagés et nous avons déconnecté le conseil de développement de tout organisme éventuellement préexistant : je fais ici référence au CSOP – le comité de suivi et observatoire des activités portuaires – martiniquais.
Ainsi, la réforme des ports d'outre-mer relevant de l'État sera menée à son terme. Nous avons fait les bons choix, les meilleurs pour la France et pour ses territoires d'outre-mer. Je rappelle, pour mémoire, que le transfert des outillages et des personnels opéré en métropole n'aura pas lieu, du fait, notamment, d'une concurrence insuffisante.
En ce qui concerne la seconde partie du projet de loi, à savoir les habilitations demandées par le Gouvernement, la CMP, à ma demande, a décidé leur rétablissement. Il était en effet impensable, alors que nous affrontons une crise économique d'envergure, d'exposer la France à des amendes faramineuses. Songez que, pour le seul article 8, la Cour de justice nous menace d'une pénalité de 130 millions d'euros !
Monsieur le ministre, je crois toutefois nécessaire de rappeler que ces habilitations ne seront pas accordées dans les conditions que vous sollicitiez, mais dans la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale. Le délai ne sera donc pas de dix-huit mois, mais de deux à douze mois suivant les textes.
Je parle ici au nom de la commission du développement durable, sans doute au nom de l'Assemblée nationale, et j'oserai même me prévaloir de la totalité du Parlement. Je sais que vos services ont été surpris du caractère drastique des conditions dont nous assortissons notre assentiment. Mais nous en avons assez de nous voir infliger des trains d'ordonnances sur lesquels nous n'avons pas de contrôle, sous la menace d'amendes colossales, simplement parce que les administrations ministérielles s'aperçoivent un peu tard que le temps presse. J'ai été et nous avons été rudes, cette fois ; je gage que le rapporteur et les parlementaires le seront plus encore si la situation devait se répéter. Nous avons forgé un précédent dont les députés de la XIVe législature sauront user.
La CMP a donc rétabli les articles 3 à 8 du projet de loi et, par conséquent, le titre, dans leur rédaction initiale. Elle a, enfin, adopté sans le moindre vote négatif une disposition relative aux pollutions marines orphelines. Cet article 9 doit tout à la force de conviction déployée par notre collègue Philippe Boënnec. Hélas, il manque à notre rédaction le dispositif financier permettant l'affectation d'une partie de la taxe départementale des espaces naturels sensibles. Notre collègue l'avait imaginé, mais son amendement a succombé aux rigueurs de l'article 40.
Monsieur le ministre, ce mécanisme ne créait aucune charge et ne dissipait aucune recette. C'est pour des raisons techniques que le président Cahuzac l'a déclaré irrecevable. Alors qu'un collectif budgétaire sera vraisemblablement discuté dans quelques jours, il serait bon que le Gouvernement y inscrive ce dispositif pour compléter ce que nous avons inscrit dans le marbre de la loi. Cette initiative fait l'unanimité et ne coûte rien. Je vous demande de bien vouloir la suggérer à Mme Pécresse.
Mes chers collègues, je vous ai indiqué combien la réforme des ports d'outre-mer était attendue sur le terrain. Si nous nous hâtons, nous pouvons escompter une application dès le prochain semestre. C'est une bonne réforme et c'est une réforme consensuelle, par-delà nos divergences politiques. Je vous appelle donc tous, à droite je le sais, à gauche je l'espère, à la soutenir de vos voix. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, c'est avec solennité et satisfaction que je reviens vers vous, aujourd'hui, pour cette ultime séance publique consacrée au projet de loi portant réforme des ports d'outre-mer après son examen en commission mixte paritaire. Solennité, parce que je suis persuadé que cette réforme est porteuse d'espoir et de développement pour nos ports ultramarins ; satisfaction parce que cette réforme fait consensus, ce dont je me félicite, comme je me félicite du travail accompli, ainsi que vous l'avez souligné, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, avec succès et dans un excellent climat en commission mixte paritaire.
Je remercie votre assemblée pour la qualité des débats, qui ont toujours été constructifs et respectueux. Je tiens tout particulièrement à saluer votre rapporteur, Daniel Fidelin, dont j'ai apprécié l'extrême disponibilité, l'attention portée à l'expression des différentes parties prenantes et le souci d'aboutir à un projet le plus adapté aux réalités ultramarines.
Je crois pouvoir dire, sans être démenti, que cette réforme constitue une étape cruciale – je dirai même vitale – pour le développement de la compétitivité de nos quatre ports ultramarins, car elle leur permettra incontestablement de mieux s'intégrer dans leur environnement régional et de mieux répondre aux exigences de performance qu'imposent l'évolution du commerce maritime international et la concurrence avec les ports étrangers.
Cette réforme constitue également un élément essentiel de la politique de développement de nos territoires ultramarins, notamment par une meilleure synergie des différents acteurs de la place portuaire, par l'optimisation de l'utilisation des infrastructures et, enfin, par la bonne maîtrise des tarifs.
Vous l'avez noté, les ports sont au coeur de la chaîne logistique d'approvisionnement outre-mer. Ils jouent, par ailleurs, un rôle prépondérant dans la lutte contre l'inflation qui, nous le savons tous, est un enjeu crucial pour le maintien de la stabilité sociale de ces territoires.
Les échanges sur ce projet de loi ont ainsi principalement porté sur la gouvernance, sur la problématique du contrôle des prix et sur les ordonnances.
S'agissant de la réforme portuaire, les travaux de la commission mixte paritaire ont permis d'aboutir à une version partagée qui garantit l'équilibre de la réforme voulue par le Gouvernement tout en intégrant, comme vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur, les adaptations nécessaires que vous avez souhaitées. Le présent projet de loi maintient, en effet, l'inscription d'au moins un représentant des consommateurs au sein du conseil de développement, disposition à laquelle votre assemblée était particulièrement attachée. Je sais combien la maîtrise des prix est une préoccupation constante dans les départements d'outre-mer. Le projet de loi institue également un Observatoire des prix et des revenus pour les grands ports maritimes de Guadeloupe, de Guyane et de Martinique. Enfin, il précise que l'avis des collectivités territoriales sur la nomination des personnalités qualifiées au sein du conseil de surveillance est réduit aux seules collectivités situées dans la circonscription du port.
Je tiens, néanmoins, à appeler votre attention sur les difficultés posées par ces dispositions. Comme vous le savez, les chambres de commerce et d'industrie sont des établissements publics nationaux qui ne peuvent, en aucune façon, être soumis à la tutelle des collectivités locales, car cela reviendrait en quelque sorte à créer une forme de tutelle de ladite collectivité locale sur l'État. Conditionner, par un avis préalable des collectivités territoriales dont ces établissements ne dépendent pas, la désignation de représentants des chambres de commerce et d'industrie des départements d'outre-mer au conseil de surveillance des grands ports maritimes créait clairement un risque de constitutionnalité que le Gouvernement aurait souhaité supprimer. C'est le sens de l'amendement qu'il a présenté au Sénat et qui a été rejeté et n'a pas été repris dans le texte issu de la commission mixte paritaire.
En termes de calendrier, en raison de la nécessaire coordination entre la mise en place de la convention collective nationale unifiée « ports et manutention », du travail des préfigurateurs et de la préparation opérationnelle des différents grands ports maritimes, la mise en oeuvre de la réforme portuaire est prévue au plus tard le 1er janvier 2013. Cela implique la rédaction de sept décrets d'application, dont cinq en Conseil d'État. Je me félicite de l'attitude responsable des membres de la commission mixte paritaire concernant l'importance de l'habilitation du Gouvernement à transposer six textes européens. Vous avez, monsieur le rapporteur, réalisé un travail remarquable que, là aussi, je tiens tout particulièrement à saluer.
La position ainsi adoptée permet à la France d'honorer ses engagements vis-à-vis de ses partenaires européens et de lui éviter corrélativement de lourdes sanctions financières dont la mise en oeuvre était très proche, en particulier pour l'un des textes concernés.
Le Gouvernement va ainsi pouvoir publier très rapidement ces ordonnances, notamment celle permettant la transposition des dispositions prévues par la directive 2002-15 en vue d'étendre aux conducteurs routiers indépendants les règles en matière de temps de travail applicables aux travailleurs salariés. Enfin, je formule le voeu que la méthode de travail convenue entre le Gouvernement et le Parlement, sur la base des éléments présentés par mon collègue Jean Leonetti, lors du conseil des ministres du 27 juillet 2011, renforce à l'avenir la participation du Parlement au processus d'intégration du droit communautaire.
Je tiens à vous remercier pour tout le chemin que nous avons parcouru ensemble pour faire de cette réforme portuaire l'assise fondatrice d'une ambition renouvelée pour l'outre-mer et pour veiller à ce qu'elle soit achevée avant les échéances qui auraient pu la repousser de plusieurs mois très probablement. Quelles que soient vos positions dans cet hémicycle, vous êtes convaincus de l'urgence de cette réforme, à laquelle nous avons pu parvenir grâce au travail de chacun. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Serge Grouard, président de la commission de la commission mixte paritaire.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens, avant tout, à joindre ma voix à celle des orateurs précédents et à rendre hommage au travail efficace et serein de la commission mixte paritaire et à en remercier nos collègues députés et sénateurs.
Je compléterai, pour ma part, sur trois points les propos de notre rapporteur dont je salue le remarquable travail.
Je tiens, tout d'abord, à soutenir la demande de notre collègue Philippe Boënnec quant à la possibilité d'utiliser la taxe départementale des espaces naturels sensibles pour lutter contre les conséquences des pollutions orphelines, disposition qui ne crée pas véritablement de dépenses supplémentaires.
Je reviendrai, ensuite, sur les précisions apportées par notre collègue M. Fidelin sur les ordonnances. Il ne vous aura, en effet, pas échappé, monsieur le ministre, que tant les députés que les sénateurs ont émis quelques réserves sur les demandes d'habilitation. Aussi ferai-je part d'une demande exprimée en commission mixte paritaire. Il serait en effet souhaitable que nous disposions plus systématiquement de la trame des ordonnances avant de nous prononcer sur une éventuelle habilitation. Cela éviterait à nos collègues parlementaires, et je pense pouvoir parler au nom de la majorité comme de l'opposition, d'avoir ce sentiment d'être quelque peu dessaisis de leurs prérogatives. Lorsque le dispositif envisagé, par exemple pour transposer une directive européenne, est plutôt bref, le Gouvernement gagnerait à ne pas attendre d'éventuelles sanctions pour agir et à l'inscrire directement dans un projet de loi. C'est ce que vous avez accepté à l'article 8, ce dont je vous remercie, monsieur le ministre.
J'évoquerai, enfin, les inquiétudes de certains de nos collègues ultramarins quant à l'application outremer des dispositions relatives à la formation des transporteurs routiers. Pour rassurer les uns et les autres, monsieur le ministre, il serait sans doute bon que vous réaffirmiez qu'un dispositif de validation des acquis d'expérience permettra aux professionnels locaux de poursuivre leur activité. Nous l'avons souligné en commission mixte paritaire. Je m'étais engagé à vous interpeller sur ce point. C'est donc chose faite.
En conclusion – mais ai-je besoin de l'indiquer ? – j'invite l'Assemblée nationale à approuver le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission du développement durable, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, au terme d'une lecture dans chacune des deux assemblées, nous examinons les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant réforme des ports d'outre-mer relevant de l'État. La commission mixte paritaire a, en effet, abouti à un accord sur ce projet de loi majeur pour l'avenir des ports d'outre-mer concernés. Ce texte, attendu par tous les acteurs, permettra, en effet, d'accroître leur compétitivité et de renforcer leur contribution au développement des territoires ultramarins, tout en ayant pour objet de mettre en conformité notre droit national avec plusieurs textes européens – j'y reviendrai.
Ainsi que cela a été souligné, le premier objectif du projet de loi est d'adapter les ports d'outre-mer relevant de l'État aux exigences de la performance issue de l'évolution du commerce maritime international. Aussi le texte s'inspire-t-il des dispositions de la loi du 4 juillet 2008 portant réforme portuaire, tout en prenant en compte les mesures d'adaptation nécessaires à l'outre-mer. Il prévoit ainsi de transformer les quatre ports concernés en grands ports maritimes avec un statut d'établissement public national. Il rationalise, en outre, l'organisation de la manutention en donnant la pleine responsabilité aux ports en matière d'exploitation des outillages portuaires. Il modernise, enfin, la gouvernance des ports maritimes d'outre-mer relevant de l'État avec un conseil de surveillance resserré, un directoire et un conseil de développement.
Mes chers collègues, nous avons enrichi ce texte lors de son examen à l'Assemblée nationale. Nous avions notamment institué un conseil de coordination interportuaire entre les grands ports maritimes de Guadeloupe, de Guyane et de Martinique. À l'issue d'un travail constructif en commission mixte paritaire, le projet de loi qui nous est soumis propose une rédaction équilibrée en matière de gouvernance des ports d'outre-mer relevant de l'État.
La commission mixte paritaire a retenu la disposition introduite par le Sénat prévoyant la présence d'un représentant des consommateurs au sein du conseil de développement du port. Elle a également rétabli l'équilibre de représentation au sein du conseil de surveillance du grand port maritime de Guadeloupe tel qu'issu des travaux de l'Assemblée nationale.
S'agissant des pollutions orphelines marines, la CMP a rétabli l'article introduit à mon initiative, et je me félicite de constater que le président de la commission et le rapporteur sont devenus les grands avocats de ce combat que je mène depuis quelque temps ! Une nouvelle affectation possible de la taxe départementale des espaces naturels sensibles serait éventuellement envisageable. Nous devrons donc trouver les financements. Pourquoi ne pas examiner ce point dans le cadre du collectif budgétaire ? Cette action, qui nous paraît légitime, doit être, en effet, poursuivie.
Le second objectif de ce texte est de mettre en conformité notre législation nationale avec différents textes européens en matière de transport.
Je tenais, à mon tour, à souligner l'esprit de responsabilité qui a présidé aux décisions de la CMP. J'ai apprécié la notion d' « abstention positive » de nos collègues de l'opposition, mais également le vote positif républicain dans l'intérêt des finances de notre pays. Je ne m'étendrai pas davantage sur ce sujet. Pour reprendre cependant une comparaison faite en CMP, laissons, par respect pour les parlementaires, les porte-conteneurs transporter des camions et des avions plutôt qu'un trop-plein de dispositions nouvelles – même s'il s'agissait en l'occurrence d'éviter le risque d'une amende européenne à l'encontre de la France pour défaut de transposition ! Cinq articles ont donc été transposés et repris. Tant mieux pour la France.
La CMP a maintenu les délais stricts d'habilitation que notre rapporteur avait utilement introduits lors de la première lecture à l'Assemblée nationale. De même, elle a rétabli un article supprimé par le Sénat visant à compléter directement le code des transports et permettant l'application du règlement européen du 21 octobre 2009 relatif aux conditions d'exercice de la profession de transporteur routier.
Pour toutes ces raisons, comme l'a indiqué le président de notre commission, le groupe UMP votera avec conviction les conclusions de la commission mixte paritaire pour permettre la mise en oeuvre de ce texte décisif pour l'avenir des ports d'outre-mer. Je remercie moi aussi les rapporteurs de l'Assemblée et du Sénat d'avoir déployé des énergies très positives pour que ce texte tant attendu soit voté. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes effectivement en fin de processus législatif et nous avons donc pratiquement fait le tour de la question ; et c'est à juste titre que M. le président de la commission du développement durable, M. le rapporteur et M. le ministre ont souligné la bonne ambiance dans laquelle nous avons travaillé pour parvenir à ce texte.
Cela n'a pas empêché quelques raideurs, même si elles sont restées courtoises, qui ont empêché certaines revendications d'être prises en considération, à l'exclusion remarquable de celle portée avec beaucoup de pugnacité par M. Boënnec. Surtout, on voit revenir des dispositions que nous trouvions assez gênantes, que le Sénat avait éliminées et que nous avons accepté de réintroduire.
Je veux simplement rappeler les raisons pour lesquelles la transformation des ports des outre-mer en grands ports maritimes fait l'objet d'un débat spécifique, en dehors de la loi générale dont nous avons débattu en 2008.
Il y avait à cela trois raisons principales énoncées par le Gouvernement. Il s'agissait d'abord de prendre en considération la diversité des statuts des ports des outre-mer. Il s'agissait ensuite, ce n'était pas formulé ainsi mais c'était sous-entendu, de prendre en considération la disparité des situations. Dans le premier cas, on avait une obstination de l'histoire, dans le second, une obstination de la géographie. Enfin, il y a eu une irruption de la sociologie puisque l'une des raisons essentielles pour lesquelles le débat a été différé, ce sont les mouvements sociaux de 2009, avec des revendications contre la cherté de la vie, c'est-à-dire le coût des produits de première nécessité.
On peut ajouter à ces éléments un taux de chômage élevé – entre 26 et 40 %, mais 55 % à 65 % pour les jeunes dans certains quartiers de certaines communes, selon l'INSEE – et le taux de dépendance. Je vous ai rappelé en première lecture que le taux de couverture des importations par les exportations était de 85 % en Guyane, dont la situation est l'une des meilleures puisque l'activité spatiale modifie à la hausse ce ratio. Pour les autres territoires d'outre-mer, le taux de dépendance est encore plus élevé.
Au vu de tous ces éléments qui, en substance, sont ceux qui ont motivé la séparation de ce texte sur l'outre-mer du texte général, nous nous attendions par cohérence à une plus grande souplesse envers les demandes formulées en matière de gouvernance par les collectivités et les anciens concessionnaires, donc gestionnaires, des ports.
Je connais vos arguments, et je les accepte d'ailleurs parce qu'ils sont cohérents eux aussi. Vous avez répété avec insistance qu'il ne s'agissait pas d'un texte de décentralisation, que la tutelle de l'État était maintenue, qu'elle était même recentrée, allais-je presque dire, qu'elle était en tout cas consolidée et que, par conséquent, ces revendications des collectivités ne pouvaient pas s'articuler avec la transformation des ports en grands ports maritimes.
Il demeure que, puisque l'on accepte le fait que les territoires d'outre-mer sont dans des situations historiques spécifiques et ont des réalités géographiques et des caractéristiques sociologiques un peu particulières, lorsque l'on regarde l'état de leurs économies, on pouvait s'attendre à une réceptivité plus grande.
Après la lecture au Sénat et la CMP, nous avons tout de même avancé vers la satisfaction de certaines de nos revendications. Je pense notamment à la représentation des consommateurs au sein du conseil. Cependant, un représentant des consommateurs ne va pas faire le travail de l'observatoire des prix, et sa seule présence ne suffira pas à faire disparaître les tensions inflationnistes sur les produits de première nécessité dues, comme c'est signalé dans l'étude d'impact, aux situations de monopole ou de position dominante. Il n'empêche que c'est une ouverture appréciable.
Il y a des problèmes économiques. On ne peut pas se contenter de répéter que les ports dans les outre-mer sont des poumons économiques sans les concevoir dans leurs bassins régionaux. La commission des affaires étrangères vient de commander un rapport sur les accords de partenariat économique entre les pays de l'Union européenne et les pays de la Caraïbe du Cariforum. La Martinique, la Guadeloupe et la Guyane sont dans cette zone. Vous devez prendre en considération ces données, monsieur le ministre des transports, et aller au-delà des ports en tant que tels et de leurs liens directs avec la France pour voir comment optimiser ces infrastructures en liaison avec les pays de l'environnement.
L'Union européenne, donc la France, est engagée dans des rapports durables et solides avec ces pays voisins de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Guyane. Il serait normal de prolonger cette logique et de faire en sorte qu'en matière de transport, les relations deviennent plus fluides entre ces territoires d'outre-mer et la Caraïbe.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je serai bref car le texte de la CMP que nous allons voter dans quelques minutes est un très bon compromis, cela a déjà été souligné, mais, comme je suis très attaché à nos départements et territoires d'outre-mer, j'ai souhaité tout de même m'exprimer.
Ce projet de loi porte réforme de quatre ports d'outre-mer. Trois relèvent de l'État : les ports de Fort-de-France à la Martinique, de Dégrad-des-Cannes en Guyane et de Port Réunion à la Réunion. Le port autonome de la Guadeloupe, quant à lui, est déjà un établissement public. Ce texte permettra d'accroître leur compétitivité et de renforcer leur contribution au développement des territoires concernés.
Je tiens à féliciter notre collègue Daniel Fidelin, qui, avec la rapporteure du Sénat, a su trouver un consensus sur ce texte. La réforme des ports d'outre-mer constitue une réelle avancée pour nos départements ultramarins. Elle est très attendue par les différents acteurs locaux, qui souhaitent rapidement adapter les ports d'outre-mer aux exigences de performance et de réactivité issues de l'évolution du commerce maritime international. En conséquence, les perspectives au large de ces territoires auront également, nous l'espérons, des retombées positives sur le tissu économique.
Par ailleurs, la création de l'observatoire des prix et des revenus est une très bonne chose car il permettra d'avoir une analyse précise du niveau de ces prix et de ces revenus. Certes, un observatoire ne règle pas tout, mais, pour trouver des solutions, il faut d'abord avoir un diagnostic précis.
Ce texte va dans le sens de l'engagement du président Nicolas Sarkozy, qui a affirmé aux ultramarins il y a dix jours à Cayenne, lors de la cérémonie des voeux à l'outre-mer : « la France a la mission de protéger vos territoires contre les soubresauts du monde, la France a la mission de vous protéger chaque fois que vous en avez besoin ».
Le texte, que je vote bien volontiers avec l'ensemble du groupe UMP, participe à ce plan de modernisation de nos territoires et départements d'outre-mer, et je m'en réjouis. Ce sont nos concitoyens ultramarins qui vont en profiter directement, car le développement des ports va entraîner des créations d'emplois et la pérennisation d'activités multiples.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est un texte attendu, comme l'ont rappelé le rapporteur, le président de la commission et le ministre. La modernisation et, surtout, la compétitivité de nos ports représentent en effet un enjeu considérable. Améliorer leur gouvernance est donc un objectif relativement sain et correct.
Nous sommes en outre confrontés, notamment aux Antilles, à une mondialisation sans cesse accrue, notamment avec l'ouverture de la troisième écluse du canal de Panama. Nous serons donc amenés à recevoir un hub intermédiaire entre la Jamaïque et la Martinique et la Guadeloupe pour redispatcher des conteneurs sur l'Amérique du Sud et l'Amérique du Nord. C'est donc extrêmement important.
Ce texte est bienvenu, en troisième lieu, dans le sens où la compétitivité doit accompagner une dynamique de gouvernance nouvelle impliquant au mieux les collectivités. Pour moi, il faudrait à cet égard aller beaucoup plus loin, et vous savez, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, ce que nous souhaitions. Mais vous m'avez rappelé à plusieurs reprises qu'il s'agissait d'un texte, non sur la décentralisation, mais sur l'amélioration de la gouvernance. J'en ai pris acte, même si nous ne sommes pas d'accord sur la philosophie générale et la bonne compréhension de l'article 73 de la Constitution, qui ouvre des possibilités relativement larges d'adapter les règlements et même de travailler dans le domaine législatif. De mon point de vue, nous pouvions donc aller beaucoup plus loin.
Vous avez donné un sens à la coordination portuaire avec le conseil qui a été mis en place par un amendement présenté par notre groupe, et, surtout, vous avez essayé de faire en sorte que le président du directoire ne soit pas nommé de Paris sans un avis du conseil de surveillance. C'est une très bonne chose. Nous aurions préféré que ce soit le conseil de surveillance qui propose le président du directoire, mais là vous m'avez encore rappelé le contenu de l'article 73.
Nous ne voterons bien entendu pas contre ce texte puisque, vous l'avez dit et je l'ai répété, il est attendu. Cependant, je souhaite marquer quelques points de désaccord qui nous conduiront à nous abstenir.
D'abord, il fallait donner plus de poids aux collectivités locales, d'autant plus que, compte tenu du désengagement de l'État en matière de stratégie de développement, il nous semble essentiel que des collectivités très impliquées dans ce qu'on appelle le développement endogène, expression chère au Président de la République, aient une place suffisamment grande. Cela n'a pas été le cas.
Par ailleurs, les capacités que vous avez données en matière d'investissement et d'aménagement du territoire à la gouvernance du port, ce qui est une bonne chose, impliqueraient parallèlement, au-delà de la LODEOM, une véritable stratégie de développement, et on ne la ressent pas. On voit la modernisation de la gouvernance d'une infrastructure, ce qui est une bonne chose, mais équiper un pays, ce n'est pas le développer. Équiper un pays, c'est faire un aéroport, un port ou une école, par exemple. Le développer, c'est aussi faire accompagner l'infrastructure par une dynamique de développement.
J'ai bien compris que ce n'était pas l'objet du texte et que cela viendrait plus tard ; mais, en attendant, nous avons un taux d'inactivité et de chômage élevé puisque nous en sommes à 23 % de chômeurs dans ces pays et que pratiquement 60 % des jeunes de moins de vingt-sept ans sont en inactivité. Créer des zones franches adossées aux ports permettrait de compléter la dynamique de développement avec des zones d'activité dédiées, sous franchise ou sous une autre forme, en maîtrisant les enjeux fiscaux pour ne pas avoir seulement une zone franche globale et relancer la production locale. Il est en effet anormal que ce port, véritable poumon économique, soit privilégié, dans ses exportations, par la seule exportation de la banane, et dans ses importations, par des importations massives : car 70 à 80 % de ce qui est consommé localement sont liés à l'importation et, sur ce chiffre, près de 80 % sont issus d'une relation bilatérale entre l'Europe et la Martinique. Il est donc très important de développer l'exportation.
Enfin, nous avons proposé le CSOP, le comité de suivi et observatoire des activités portuaires, appelé à intervenir dans le cadre de conflits. Ce comité est fondamental, il n'est pas question de le supprimer ; il viendra s'ajouter au conseil du développement. Il faut absolument tenir compte de l'enjeu en matière de dialogue social.
Je regrette enfin la méthode choisie, comme tout un chacun ici, y compris M. le rapporteur, qui a eu le courage de retirer du texte, en première lecture, l'ensemble des habilitations à procéder par ordonnance pour l'application du droit européen. J'ai compris – M. le ministre a été très clair – les enjeux financiers pour la France, qui évite ainsi de perdre 130 millions d'euros. Il n'en est pas moins important de relever que plusieurs ordonnances ont été inscrites, dans un véritable bateau d'ordonnances, à l'occasion d'un texte concernant l'outre-mer, ce que nous condamnons tous.
Heureusement que le ministre a précisé qu'il serait très vigilant sur la définition du métier de transporteur, au moment de la rédaction du décret, pour que l'on n'applique pas les mêmes mécanismes de reconnaissance des diplômes sur l'espace européen continental et en Martinique, Guadeloupe et Guyane, où existe une forte tradition de transports collectifs et de transport de marchandises.
Notre position sera donc celle d'une abstention positive.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues – je salue en particulier nos collègues ultramarins –, je me félicite, avec mon collègue Raymond Durand, que les quelques divergences qui subsistaient au terme de l'examen de ce projet de réforme par les deux chambres de notre Parlement aient été surmontées. Nous avons pu faire converger les textes proposés, et ce pour le plus grand bénéfice de nos compatriotes ultramarins.
Il s'agit d'une réforme attendue par les acteurs locaux et finalement assez consensuelle. J'avoue donc être surpris des intentions de vote exprimées par notre collègue Serge Letchimy. Même si j'ai bien compris que l'abstention de son groupe était plus positive que négative, c'est dommage, car s'il n'est pas parfait, ce texte est un très bon texte.
Nous sommes en tout cas heureux, au Nouveau Centre, que les débats n'aient pas été dogmatiques mais au contraire centrés sur les besoins de nos compatriotes d'outre-mer, le tout débouchant une fois de plus, comme l'a dit notre collègue de l'UMP, sur une réforme équilibrée. Les dispositions finales adoptées à l'issue de la CMP ont en effet révélé que nous pouvions nous retrouver, dans un esprit constructif, sur les dispositions concrètes proposées dans ce texte, un texte qui laisse une large place au dialogue et aux initiatives locales.
Ainsi, les collectivités territoriales seront consultées dans la procédure de nomination des personnes qualifiées siégeant au sein du conseil de développement.
Mieux encore, comme cela a été fait lors de la loi de modernisation agricole, nous établissons un observatoire des prix et des revenus en outre-mer, qui aura notamment pour vocation d'analyser les coûts de passage portuaire. Cette disposition est particulièrement bien accueillie par les députés du Nouveau Centre, qui se sont longtemps battus pour la mise en place d'un tel dispositif dans beaucoup d'autres domaines, en raison de ses nombreux bénéfices, le premier étant la plus grande transparence dans la formation des prix, ce qui est d'autant plus important au regard de la problématique, endémique aux territoires ultramarins, de la vie chère.
En ce qui concerne la seconde partie du texte dédiée à la transposition par voie d'ordonnances de diverses directives, de l'avis du groupe Nouveau Centre, il est dommage d'opérer de cette façon, c'est-à-dire a minima. Car les sujets de discussion autour des mesures de ces six textes européens ne manquent pas : par exemple, l'accès à la profession de transporteur routier, tant pour les voyageurs que pour les marchandises, la question de 1'aménagement du temps de travail pour cette profession, celle du déploiement des systèmes de transports intelligents dans le domaine routier, ou encore celle de la dématérialisation des données de voyage par voie maritime.
Les deux dernières directives concernent quant à elles le domaine aérien. Il aurait été éclairant de discuter de la façon de transposer ces textes, d'autant plus que nous avons adopté il y a quelques jours une proposition de loi sur la sécurité aérienne.
Nonobstant ces quelques points, nous souhaitons saluer le travail mené par le rapporteur pour adapter les divers délais de transposition. Il avait lui-même posé le sujet lors du premier passage du texte devant notre assemblée, et c'est tout à son honneur.
Cet état de fait ne conditionnera toutefois pas notre vote. Parce que la réforme des ports d'outre-mer est attendue depuis déjà 2008, quand nous avons revu l'organisation des ports de métropole, parce que le flou entourant la répartition des compétences et le manque de lisibilité en matière de gouvernance sont aujourd'hui dommageables pour le développement de l'activité de ces ports, parce qu'enfin cette réforme est le fruit d'une large concertation très bien menée, nous voterons ce projet de loi. Il est grand temps de réformer ces quatre ports que sont Fort-de-France en Martinique, Dégrad-des-Cannes en Guyane, Port-Réunion à la Réunion – trois ports aujourd'hui concédés par l'État – et enfin le port autonome de la Guadeloupe.
La discussion générale est close.
Je crois comprendre que les orateurs ont expliqué le vote de leurs groupes sur l'ensemble du texte.
Je mets donc aux voix l'ensemble du projet de loi compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.
(L'ensemble du projet de loi est adopté.)
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations, et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique (nos 4224, 4238).
La parole est à M. François Sauvadet, ministre de la fonction publique.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, le projet de loi que j'ai l'honneur de présenter aujourd'hui devant votre assemblée est le prolongement d'un accord syndical qui vise à lutter contre la précarité dans la fonction publique. Une forme de précarité souvent méconnue de nos concitoyens, mais qui est d'autant plus inacceptable qu'elle prend racine au coeur même de la République, c'est-à-dire dans nos services publics, nos administrations, nos collectivités et nos hôpitaux.
Cette précarité frappe aujourd'hui plusieurs dizaines de milliers d'agents de la fonction publique.
Il s'agit d'agents employés en CDD renouvelés depuis des années, pour certains depuis plus de dix ans, sur des emplois correspondant pourtant à un besoin permanent du service public, et le plus souvent sans aucune garantie pour leur avenir.
Cette situation n'est pas nouvelle, mais elle n'est pas acceptable. Depuis 1946, seize plans de titularisation se sont succédé avec, au final, toujours la même incapacité à endiguer, sur le long terme, la multiplication des emplois précaires dans la fonction publique.
Avec ce projet de loi, il s'agit, pour la première fois, de mettre un terme durable à ce phénomène, en répondant à la précarité d'aujourd'hui tout en posant des règles pour empêcher qu'elle fasse demain son retour dans nos services publics.
Avant d'entrer dans le détail des mesures, je veux cependant préciser très clairement, à l'attention des employeurs publics, que tous les agents contractuels de la fonction publique ne sont pas confrontés à des situations de précarité. À l'heure actuelle, les agents non titulaires sont près de 900 000, soit un peu moins de 17 % de l'ensemble des effectifs de la fonction publique. Pour une large part, ces emplois correspondent à des besoins temporaires de l'administration, des remplacements, des surcroîts de travail, des missions ponctuelles, et nous avons besoin de ces contrats à durée déterminée.
Je veux être clair : il ne s'agit pas, avec ce texte, de remettre en cause la place du contrat dans la fonction publique. Nous devrons, demain comme hier, avoir la possibilité de recourir à des agents contractuels pour répondre à des besoins temporaires, des surcharges de travail, des vacances d'emplois, des remplacements ou des besoins spécifiques, mais nous ne pouvons plus accepter un système qui conduit, sur des emplois permanents, des dizaines de milliers de personnes à rester en CDD, depuis tant d'années.
C'est le sens des engagements pris en janvier 2010 par le Président de la République, engagements qu'il a réaffirmés il y a quelques jours à Lille, lors de ses voeux à la fonction publique. L'État ne peut s'exonérer, lorsqu'il est employeur, des règles qu'il veut faire respecter par d'autres.
L'État se doit d'être exemplaire et, dans une période de crise telle que celle que nous traversons, il lui appartient en réalité de montrer la voie.
Dès 2010, le Gouvernement a engagé, sur cette question des emplois précaires, une négociation avec les partenaires sociaux. Au cours de ces négociations, nous avons recherché avec les organisations syndicales une ligne de partage pour faire coïncider le respect du statut de la fonction publique et la lutte contre la précarité.
Ce n'était pas, je dois le dire, un exercice facile, mais le souci du compromis et la volonté d'avancer nous ont permis de conduire une négociation que je veux qualifier d'exemplaire, qui s'est pleinement inscrite dans le cadre nouveau créé par la loi du 5 juillet 2010 portant rénovation du dialogue social dans la fonction publique.
Ce cycle de négociation s'est conclu par un protocole d'accord le 31 mars 2011. Ce texte a été signé par six organisations syndicales représentatives sur huit, et je voudrais devant vous, mesdames et messieurs les députés, saluer une nouvelle fois l'esprit de responsabilité dont ces organisations ont fait preuve tout au long des discussions.
Il nous appartient désormais de traduire cet accord dans la loi de la République. En clair, les employeurs publics seront tenus d'accorder un CDI aux agents en CDD, dès lors qu'ils auront exercé pendant une durée minimale de six ans sur les huit dernières années sur des emplois permanents.
Cette mesure pourrait concerner 100 000 personnes.
Et, c'est la nouveauté, il ne s'agit pas d'un plan de titularisation de plus mais bien d'un plan de lutte contre la précarité. Ce sera un passage automatique et cela réglera durablement la situation.
Par ailleurs, l'accord prévoit une possibilité de valorisation des acquis de l'expérience en ouvrant aux agents contractuels, en CDD ou en CDI, des voies d'accès spécifiques à l'emploi titulaire. Ce sera un dispositif limité dans le temps, pendant une durée de quatre ans à compter de la publication de la loi. Ces voies spécifiques pourront être ouvertes aux contractuels en CDI et aux agents en CDD ayant eu une durée de service totale de quatre ans sur une période de six années consécutives, là encore sur un emploi répondant à un besoin permanent. Je précise qu'il s'agit d'une possibilité.
J'ajouterai, pour être complet, que, sur ma proposition, le Sénat a étendu les effets de cette disposition aux agents que l'on appelle parfois « agents 10-12 », qui sont recrutés pour dix mois dans l'année, puis licenciés, puis de nouveau recrutés pour dix mois, puis encore licenciés… C'est le cas, par exemple, des professeurs contractuels de l'éducation nationale. À ces personnels, nous appliquerons le même dispositif : au-delà de six ans, possibilité de passage en CDI. Mais, je vous l'ai dit, la grande nouveauté du texte, c'est que le passage en CDI réglera non seulement la situation des personnes actuellement en CDD, mais aussi de celles qui s'y trouveront à l'avenir.
Parallèlement, le Gouvernement a souhaité aussi harmoniser les conditions de recours à des agents contractuels. Les procédures de recrutement en CDD seront formalisées et la durée maximale des contrats pour besoin temporaire sera précisée. Cela répondra en outre au souhait des collectivités territoriales d'avoir un cadre beaucoup plus harmonisé et précis.
Enfin, le Gouvernement entend, par voie réglementaire, améliorer également la situation de l'ensemble des agents contractuels. Ils auront désormais accès aux dispositifs de formation professionnelle. Ceux qui sont recrutés sur des besoins permanents pourront bénéficier d'un entretien professionnel annuel. Conformément à l'esprit de la loi du 5 juillet 2010, les agents contractuels bénéficieront désormais d'une garantie de représentation au sein des différentes instances de concertation. J'ajouterai que cette garantie a déjà été mise en pratique lors des élections professionnelles du 20 octobre dernier où, pour la première fois dans la fonction publique de l'État et dans la fonction publique hospitalière, les agents non titulaires ont pu participer aux côtés des titulaires à la désignation de leurs instances. Le Sénat a souhaité qu'à l'instar de la fonction publique de l'État, la fonction publique territoriale se dote de commissions consultatives paritaires distinctes des commissions administratives paritaires. Il ne s'agit pas d'une complexité nouvelle mais, au contraire, de la prise en compte de la spécificité de l'évolution des CDD ; c'est un souhait des organisations syndicales et, ai-je cru entendre, des organisations représentatives des employeurs territoriaux. Ce sera une mise en conformité avec la fonction publique de l'État et une avancée importante.
Telles sont, mesdames, messieurs les députés, les grandes lignes de cet accord. Conformément aux engagements que le Gouvernement a pris en direction des organisations signataires, dans le respect bien sûr du rôle du Parlement, je souhaite que nos débats ne conduisent pas à en dénaturer le contenu puisqu'il s'agit d'un accord qui a été très largement partagé et que nous sommes coresponsables de sa destinée législative.
J'en viens à présent aux autres questions traitées par le projet de loi et d'abord à une question à laquelle j'accorde une grande importance – je sais que nous avons ce souci en partage – : la lutte contre les discriminations. Ma conviction, mesdames, messieurs les députés, c'est que, pour que son action soit comprise et respectée de tous, la fonction publique se doit d'être à l'image de la population qu'elle sert ; ma conviction, c'est que dans la lutte contre les discriminations, la fonction publique se doit d'être exemplaire.
Au cours des dernières années, nous avons ouvert les portes de nos administrations à la diversité sociale et géographique de la population française en créant, dans la plupart des écoles du service public, des classes préparatoires intégrées, les CPI. J'ai eu l'occasion de saluer voici quelques semaines le premier élève d'une CPI à avoir réussi le concours de l'École nationale d'administration. C'est à mes yeux une parfaite illustration du succès qui est aujourd'hui celui de l'ensemble des classes préparatoires intégrées. Pour être allé dans les instituts régionaux d'administration, pour y avoir rencontré des jeunes au parcours parfois difficile, issus de la diversité pour certain d'entre eux, et les avoir entendu me parler de la République avec des mots aussi engagés, j'avoue que je ne suis pas sorti indemne d'une telle rencontre et que dès lors j'ai bien pris conscience, comme je le crois chacun d'entre vous, de l'importance des classes préparatoires intégrées pour ouvrir les portes de la fonction publique à tous ceux qui veulent la servir avec engagement. Conformément aux engagements pris par le Président de la République voici trois ans à Palaiseau, la diversité est à présent en marche dans la fonction publique.
De même, je salue les efforts, nécessaires et légitimes, qui ont été consentis pour la place des travailleurs handicapés dans l'administration, avec un taux d'emploi à l'échelle de l'ensemble de la fonction publique qui est passé, je veux le rappeler, de 3,99 % en 2009 à 4,21 % en 2010. Il faudra poursuivre l'effort engagé.
C'est à l'aune de ces engagements et de ces succès qu'il nous appartient désormais de répondre à une autre forme de discrimination tout aussi choquante : la place faite aux femmes dans nos administrations. Le constat est aujourd'hui sans appel : si les femmes représentent 60 % des effectifs de la fonction publique, elles restent encore extrêmement minoritaires, de l'ordre de 10 %, voire moins dans certaines administrations, dans les emplois de direction.
de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Il faut rectifier cela !
Face à ces chiffres, nous avons un cap : parvenir à l'égal accès des femmes et des hommes aux postes à responsabilité dans la fonction publique. Cette égalité ne doit pas être simplement théorique, mais à la fois concrète et active, une égalité qui se vérifie tant sur les organigrammes que sur les fiches de paie. À l'image de ce qui a été réalisé ces dernières années en matière d'égalité professionnelle dans le secteur privé, depuis notamment l'adoption de la loi dite Copé-Zimmermann – je tiens à saluer l'engagement de Mme la députée ici présente sur ces sujets –,…
…l'heure doit désormais être aux actes.
L'enjeu, c'est bien de briser le fameux plafond de verre qui empêche encore des femmes d'accéder aux plus hautes responsabilités. Depuis plusieurs mois, j'ai engagé, dans le cadre d'une négociation avec les organisations syndicales et les représentants des employeurs, une large réflexion sur cette question et l'heure me semble désormais venue pour des mesures fortes !
Tout à fait, monsieur le député. Nos débats en commission ont été l'occasion d'adopter une première série de dispositions ambitieuses, et je salue à nouveau le travail de Marie-Jo Zimmermann, présidente de la délégation aux droits des femmes de votre assemblée, mais aussi celui de Françoise Guégot.
Elle aussi a beaucoup travaillé sur cette question. Je l'ai rencontrée sur ses terres et j'ai vu la force de son engagement, dans le prolongement du rapport sur l'égalité professionnelle dans la fonction publique qu'elle avait remis, en mars dernier, au Président de la République.
Les dispositions que nous allons prendre permettront d'accroître la présence des femmes dans toutes les instances du dialogue social de la fonction publique. Je souhaite aussi que leur présence soit réaffirmée dans les jurys de concours mais aussi, et la loi Copé-Zimmermann sera étendue à cet effet, dans les conseils d'administration des établissements publics. Comme je m'y étais engagé devant la commission des lois, je vais présenter un amendement visant à instituer des quotas de femmes dans les flux de nominations aux plus hautes fonctions du service public. C'est conforme à la logique qui avait été retenue par le législateur pour le secteur privé. Je souhaite que ces quotas interviennent dans un cadre permettant une certaine souplesse – nécessité dont chacun est bien conscient – puisqu'ils s'élèveront progressivement dans le temps, d'ici 2018, jusqu'à parvenir à un taux d'au moins 40 % de chaque sexe dans la haute fonction publique.
J'entends bien les réserves que peut susciter une telle mesure, mais si les quotas ne constituent pas la panacée, ils demeurent à ce jour, au Gouvernement nous en sommes convaincus, le seul moyen de faire réellement changer les choses. C'est ce dont nous avons besoin aujourd'hui et notre débat sera l'occasion d'y revenir plus en détail. Je viens d'installer le Conseil commun de la fonction publique, émanation des trois conseils supérieurs – fonction publique de l'État, fonctions publiques hospitalière et territoriale –, et j'ai souhaité qu'il soit prévu dans la loi que ce conseil soit saisi chaque année d'un rapport sur l'évolution constatée de la place des femmes, qui fasse l'objet d'un débat et d'une transmission à l'Assemblée. Je souhaite que ce débat soit public et qu'il permette de s'assurer si les conditions sont remplies pour un égal accès des femmes et des hommes aux postes les plus élevés de la fonction publique.
Je veux à présent aborder brièvement plusieurs autres questions soulevées par ce projet de loi.
Tout d'abord, il y a une question qui ne figure pas dans ce texte mais sur laquelle je connais vos attentes. Je veux en dire un mot parce que j'ai choisi la transparence la plus totale à l'égard de la représentation nationale mais aussi à l'égard de l'ensemble des partenaires concernés : il s'agit du classement de sortie de l'École nationale d'administration. Le Gouvernement a fait le choix d'une solution concertée – chacun sait que j'aurais souhaité la suppression du classement. J'ai réuni une commission de réflexion dotée d'une composition très large, comportant des représentants des corps et bien évidemment des employeurs, mais également des membres des commissions des lois de l'Assemblée nationale et du Sénat. Nous sommes convenus que nous ne pouvions pas en rester au statu quo, c'est-à-dire au système transitoire que nous connaissons aujourd'hui. J'ai donc pris la décision d'intervenir par décret. L'idée est que le classement de sortie, dont beaucoup ne veulent pas la suppression, ne soit pas le préalable à l'affectation mais qu'il intervienne après un entretien professionnalisé entre élèves et futurs employeurs, qui vaudra pour l'ensemble des quatre-vingts élèves et pas seulement pour les administrateurs civils comme aujourd'hui. Cela concernera donc les grands corps comme les ministères. J'ajoute que le rôle de la commission de suivi sera conforté. Il y aura donc bien une évolution de la situation, et c'est ce que je souhaitais.
Le deuxième sujet touche aux modifications que ce texte apporte à la loi du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique. C'est un sujet qui me tient particulièrement à coeur car il importe que nous donnions à chaque agent la possibilité de se construire un parcours professionnel, sur la base de ses compétences, et qu'il puisse bénéficier d'une carrière conforme à ses attentes et aussi à celles du service public. Ces nouvelles dispositions permettront ainsi de faciliter les mobilités au sein de chaque fonction publique mais aussi entre elles, et pourquoi pas des passages dans le privé pour enrichir les carrières ?
Sujet très important également sur lequel j'attire votre attention : celui des droits et moyens syndicaux. J'ai souhaité que nous réglions la question des moyens mis à disposition du dialogue social sur la base du résultat des élections professionnelles, c'est-à-dire sur la base de la représentativité. Aucun gouvernement ne s'était attaqué à cette question depuis trente ans ! Nous sommes parvenus à un relevé de conclusions avec les organisations syndicales le 29 septembre dernier. Il fixe le principe « à périmètre constant, moyens constants », ainsi qu'un autre principe auquel j'étais également très attaché, celui d'une véritable transparence sur la mise à disposition et l'utilisation de ces moyens, dès le premier équivalent temps plein. Cette réforme sera appliquée par voie réglementaire dans la fonction publique de l'État et dans la fonction publique hospitalière, mais elle nécessite une intervention législative en ce qui concerne la fonction publique territoriale, disposition qui figure désormais dans le texte adopté par le Sénat. C'est une étape très importante de la rénovation du dialogue social, engagée en application des accords de Bercy de juin 2008 et de la loi du 5 juillet 2010.
S'agissant du chapitre sur les juridictions administratives et financières, j'ai noté au Sénat une vraie inflation puisqu'il est passé de six à dix-sept articles. Votre commission des lois a souhaité ajouter d'autres dispositions. Ces juridictions doivent bien évidemment évoluer et nombre des dispositions déjà adoptées ont sans doute leur utilité, mais ne perdons pas de vue la finalité première du projet de loi : la lutte contre la précarité. Je resterai toutefois ouvert aux propositions de votre commission des lois.
Par ailleurs, le texte contient également plusieurs dispositions concernant la réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique territoriale. Il s'agit là encore de dispositions qui étaient très attendues, je l'ai bien vu lorsque je me suis rendu à Brest au congrès des représentants des directeurs généraux. Elles répondent à des propositions formulées voici déjà plus de deux ans par le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, à l'initiative de son nouveau président, M. Philippe Laurent. L'objectif est double : d'une part, assurer une transposition harmonieuse dans l'encadrement supérieur de la fonction publique territoriale de la réforme qui a été mise en oeuvre dans la fonction publique de l'État, ce qui est une attente forte, y compris des employeurs ; d'autre part, garantir la cohérence d'ensemble des carrières et des emplois dans la fonction publique territoriale. Une modernisation similaire est également en cours et interviendra ultérieurement par voie réglementaire dans la fonction publique hospitalière.
Enfin, en ce qui concerne les centres de gestion, j'ai réuni ce matin même au ministère, comme je m'y étais engagé au Sénat, un groupe de travail destiné à rechercher les voies de la convergence, notamment sur la possibilité d'une adhésion volontaire des collectivités non affiliées à un bloc indivisible de compétences. Je salue les apports de chacun, et je veux spécialement remercier Jacques-Alain Bénisti pour son engagement à aboutir à un accord et aussi Bernard Derosier, qui a apporté sa contribution pour parvenir à un consensus.
Je ne sais pas si c'est être centriste mais c'est sans doute être utile à la France, monsieur Roman. Si l'on parvient à des voies de convergence, on ne peut que s'en réjouir. Et c'est précisément ce que j'ai cherché. Ce n'est d'ailleurs pas une mince performance d'être parvenu à réunirJacques Alain Bénisti et Bernard Derosier dans un même destin au service du pays.
Quoi qu'il en soit, un consensus a été trouvé à partir des propositions qui avaient été formulées au Sénat tant par le groupe UMP que par le groupe PS et les centristes. Je vous présenterai donc plusieurs amendements qui permettront à l'Assemblée nationale d'acter les termes de cet accord.
Mesdames et messieurs les députés, ce projet de loi constitue une véritable avancée au service de la modernisation de la fonction publique. La société change, les besoins évoluent, la recherche de l'efficience sera inscrite durablement dans le management de la fonction publique. Celle-ci doit elle aussi changer, évoluer pour répondre aux nouvelles attentes et garantir la cohésion sociale et territoriale.
Rarement autant d'accords auront été conclus qu'au cours des cinq dernières années : le relevé de conclusions de février 2008 sur la politique salariale ; les accords de Bercy de juin 2008 sur le dialogue social ; l'accord sur la santé et la sécurité au travail de novembre 2009. Ces quatre accords en cinq ans – outre le texte que nous examinons aujourd'hui – prouvent l'existence d'un dialogue social que le Gouvernement a voulu à la fois volontariste et responsable, et celle d'une démocratie sociale vivante et moderne.
L'année 2011 restera marquée par les élections professionnelles du 20 octobre dernier. Organisées pour la première fois en même temps dans la fonction publique d'État et la fonction publique hospitalière, ces élections fondent désormais la représentativité syndicale.
Le dialogue social s'appuie désormais sur la légitimité démocratique issue de ces élections et sur une véritable transparence en ce qui concerne les moyens alloués aux organisations syndicales. Il s'appuie aussi sur une nouvelle architecture institutionnelle : les conseils supérieurs correspondant aux trois versants de la fonction publique – d'État, territoriale et hospitalière – sont profondément rénovés ; le conseil commun, que j'ai installé 31 janvier 2012, évoquera les problématiques transversales et deviendra un véritable outil de modernisation de la fonction publique.
Travailler avec les fonctionnaires – et non pas sans eux – au service du public, c'est le sens de ce projet de loi. Il s'agit pour l'État et l'ensemble des collectivités publiques de France d'assumer un devoir d'exemplarité qui doit inspirer tous les employeurs publics. C'est donc un signal fort de responsabilité et de justice sociale que le Gouvernement vous propose aujourd'hui d'adresser à tous ceux qui, fonctionnaires ou non, ont fait le choix de s'engager au service de leurs concitoyens, de l'intérêt général et de notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Pierre Morel-A-L'Huissier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Tout d'abord merci pour l'expression de votre passion, monsieur le ministre. En tant que rapporteur, je vais essayer modestement de faire preuve de la même ouverture d'esprit que vous envers tous, quel que soit leur banc dans l'hémicycle.
Le présent projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, vient répondre aux enjeux multiples que recouvrent les situations professionnelles variées des agents contractuels de la fonction publique, conformément aux annonces faites par le Président de la République en janvier 2010.
La possibilité de recourir à des agents non titulaires, déjà prévue dans le statut de 1946, a permis de garantir la continuité du service public sur l'ensemble du territoire national et sa mutabilité. On dénombre quelque 891 000 agents contractuels dans les trois versants de la fonction publique, qui représentent environ 16 % des 5,3 millions d'agents.
Fruit d'une négociation engagée par le Gouvernement avec les partenaires sociaux et les représentants des employeurs territoriaux et hospitaliers, un protocole d'accord a été signé avec six organisations syndicales – UNSA, CGT, FO, CFDT, CGC, CFTC – le 31 mars 2011, afin de sécuriser les parcours professionnels des agents contractuels dans les trois versants de la fonction publique.
Les deux premiers titres du présent projet de loi tendent à assurer la transposition de ce protocole d'accord d'une double manière.
Premièrement, ils apportent une réponse immédiate aux situations de précarité rencontrées sur le terrain, avec l'institution, d'une part, d'un dispositif d'accès à l'emploi titulaire, fondé sur des modes de recrutement réservés et valorisant les acquis professionnels, et d'autre part, à titre complémentaire, d'un dispositif de transformation des contrats en contrats à durée indéterminée pour les agents qui ne pourraient ou ne voudraient accéder à la titularisation.
Deuxièmement, ils proposent des moyens pour éviter la reconduction de telles situations de précarité à l'avenir, notamment grâce à un meilleur encadrement des cas de recours au contrat et des conditions de leur renouvellement.
Ainsi, le présent texte renforce la cohérence du cadre juridique applicable aux agents non titulaires, avant tout pour apporter une réponse aux situations de renouvellement abusif des contrats à durée déterminée, en prévoyant la garantie pour tout agent employé depuis six ans dans des fonctions relevant de la même catégorie hiérarchique de bénéficier d'un contrat à durée indéterminée.
En outre, le projet précise le régime juridique du recours à l'emploi des agents contractuels et harmonise le droit applicable dans les différents versants de la fonction publique de multiples manières : modification des modalités de recours au contrat pour assurer le remplacement d'agents absents ou l'occupation temporaire d'emplois vacants ; redéfinition des modalités du recours au contrat pour des besoins occasionnels ou saisonniers.
Attentif de manière plus globale encore à la nécessité d'une adaptation du droit de la fonction publique aux évolutions des pratiques administratives et des besoins des agents, le Gouvernement a aussi complété ce projet de loi de dispositions diverses visant à améliorer les situations professionnelles des fonctionnaires dans les domaines suivants : la poursuite de la lutte contre les discriminations avec un renforcement de l'évaluation des politiques mises en oeuvre ; le développement de la mobilité des agents publics, avec plusieurs dispositions clarifiant et élargissant les règles issues de la loi du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique ; l'évolution du statut des membres du Conseil d'État et du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ainsi que des membres du corps des chambres régionales des comptes.
S'agissant des juridictions administratives, plusieurs articles du projet de loi tendent à faciliter les recrutements et à moderniser les procédures.
En ce qui concerne les membres du corps des chambres régionales des comptes, la version initiale du projet de loi prévoyait deux mesures spécifiques ciblant deux problèmes bien identifiés : d'une part, l'existence de difficultés de recrutement dans les juridictions financières, faute d'un cadre statutaire adapté ; d'autre part, un régime des incompatibilités applicable aux magistrats des chambres régionales des comptes jugé trop restrictif.
Le texte proposé par le Gouvernement comportait aussi deux dispositions relatives au dialogue social – concernant notamment les modalités de publicité des comptes des organisations syndicales – ainsi que quelques mesures diverses destinées à procéder à des ajustements nécessaires à la mise en oeuvre du code de la fonction publique ou à la prise en compte de la réforme des retraites de 2010.
Voilà donc, esquissé à grands traits, le projet de loi tel qu'il avait été présenté par le Gouvernement dès le mois de septembre dernier.
Dans une large mesure, le Sénat a conforté l'économie générale de ce texte, ajustant sur quelques points ciblés ses modalités d'application. Il a également assez substantiellement enrichi le projet, ajoutant 40 nouveaux articles et portant ainsi leur nombre total à 103. Notre commission des lois a prolongé ces travaux en les confirmant très souvent, excepté sur quelques points sur lesquels je reviendrai.
Concernant le dispositif d'accès à l'emploi titulaire, le Sénat a procédé à plusieurs ajustements et ajouts dont nous ne pouvons que nous féliciter.
Le second titre, dédié à l'encadrement des cas de recours aux agents contractuels, a également été approuvé pour l'essentiel par le Sénat qui a même assoupli encore les modalités d'accès au contrat à durée indéterminée.
En revanche, le Sénat avait, contre la lettre du protocole d'accord du 31 mars 2011, doublé la durée maximale de renouvellement des contrats conclus pour faire face à une vacance temporaire d'emploi dans la fonction publique territoriale. Notre commission a rétabli sur ce point le texte du projet de loi initial.
Le Sénat s'est par ailleurs prononcé en faveur de l'institution de commissions consultatives paritaires pour les contractuels des collectivités territoriales – mesure approuvée par notre commission – et d'un document équivalent au registre unique du personnel des entreprises pour la fonction publique. Cette dernière initiative a été supprimée en commission des lois, non pour des raisons de fond mais pour prendre en compte les discussions menées actuellement avec les partenaires sociaux sur ce sujet.
Concernant les dispositions relatives au recrutement et à la mobilité, le Sénat a notamment clarifié le statut des agents de la direction générale de la sécurité extérieure et relevé de trois à quatre ans la durée de validité des listes d'aptitude dans la fonction publique territoriale. Notre commission a préféré, sur ce dernier point, en revenir à la rédaction initiale du projet.
S'agissant de l'évolution du statut des membres du Conseil d'État et du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, le Sénat a procédé à plusieurs ajouts : institution de la qualité de maître des requêtes en service extraordinaire ; création d'emplois de premier vice-président dans les tribunaux administratifs et cours administratives d'appel ; ouverture de la possibilité d'un renforcement ponctuel et immédiat des effectifs d'un tribunal administratif. Notre commission, tout en conservant très largement ces apports, a procédé à deux ajustements sur lesquels nous reviendrons lors de la discussion des amendements.
En ce qui concerne l'évolution du statut des membres de la Cour des comptes et du corps des chambres régionales des comptes, le Sénat a introduit sept articles additionnels qui visent à proroger le dispositif de recrutement des CRC et à introduire dans ce texte certaines dispositions similaires à celles que notre commission avait adoptées dans le cadre du projet de loi portant réforme des juridictions financières. La commission des lois a validé l'essentiel de ces dispositions, à l'exception de la modification du régime des nominations des conseillers référendaires au tour extérieur qu'elle n'a pas jugé nécessaire, tout en procédant à quelques ajouts tendant en particulier à favoriser la création d'emplois de vice-présidents dans les plus grandes chambres régionales des comptes.
Le chapitre consacré au dialogue social a été complété par plusieurs mesures mettant en oeuvre les engagements pris par le Gouvernement à l'issue de la concertation avec les organisations syndicales de fonctionnaires et ayant conduit à l'adoption du relevé de conclusions du 29 septembre 2011 relatif à la modernisation des droits et moyens syndicaux. Des mesures relatives au crédit de temps syndical, à l'avancement des fonctionnaires exerçant un mandat syndical et au versement d'une subvention à défaut de mise à disposition d'un local syndical ont notamment été ajoutées.
Le Sénat a enfin assez substantiellement enrichi le volet de ce texte consacré à des dispositions diverses, en particulier en adoptant plusieurs articles destinés à assurer la mise en oeuvre de la réforme de l'encadrement supérieur ou encore à amorcer l'évolution des centres de gestion dans la fonction publique territoriale.
Notre commission des lois a complété ce volet du texte en adoptant un amendement établissant un cadre juridique pour la mise en oeuvre du télétravail dans la fonction publique. Monsieur le ministre, j'avais fait une mission à vos côtés sur ce sujet qui m'est cher et qui est majeur pour l'évolution des relations de travail.
En outre, notre commission a substantiellement enrichi les dispositions sur l'égalité entre les femmes et les hommes, en prévoyant notamment, à l'initiative de Françoise Guégot et de Marie-Jo Zimmermann – que je salue – ainsi que du Gouvernement, la présentation annuelle devant les comités techniques d'un rapport sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ainsi que des mesures tendant à renforcer la parité dans les conseils d'administration des établissements publics, au conseil commun et dans les conseils supérieurs de la fonction publique, au sein des commissions administratives paritaires et dans les jurys.
Cette discussion n'est pas terminée, le Gouvernement ayant déposé des amendements importants sur le sujet. Je m'associe évidemment pleinement à cette démarche aux côtés de Marie-Jo Zimmermann et de Françoise Guégot.
Pour conclure, je citerai deux sujets qui pourraient paraître anecdotiques mais qui ont une importance significative sur le terrain : la revalorisation de la situation des secrétaires de mairie dans les petites communes, notamment en milieu rural, d'une part ; le sort des conjointes ou conjoints de membres du corps préfectoral, d'autre part.
Ce sont deux situations professionnelles particulières parmi tant d'autres dans ce monde hétéroclite des agents publics, mais elles mériteraient que nous puissions oeuvrer à leur profit car l'action de ces personnes est essentielle au quotidien. Les exigences de l'article 40 ne m'ont pas permis de déposer d'amendements sur ces sujets.
Je tenais à le souligner, avant de vous inviter, bien sûr, à adopter ce projet de loi essentiel pour l'avenir de nos fonctions publiques. Je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC.)
Monsieur le rapporteur, je vous remercie d'avoir respecté votre temps de parole à la seconde près.
La parole est à Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.
Monsieur Le président, monsieur le ministre, chers collègues, permettez-moi, avant de donner les recommandations de la délégation aux droits des femmes que je préside, d'adresser des remerciements.
D'abord, je remercie M. le Président de la République d'avoir confié à notre collègue Françoise Guégot un rapport sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans la fonction publique et aussi d'avoir manifesté une grande fermeté – comme vous, monsieur le ministre – lors des arbitrages concernant la juste représentation des femmes dans l'administration.
Ensuite, je vous remercie, monsieur le ministre, de vous être beaucoup impliqué non seulement dans l'élaboration de ce texte mais aussi dans la défense du statut et de la condition des femmes. En insérant l'article 41 dans ce texte, vous avez permis à ma collègue Françoise Guégot et à moi-même de le compléter par des amendements qui reprennent en fait les recommandations qu'elle avait formulées dans son excellent rapport. À ce stade, je souhaiterais lui rendre un très grand hommage.
Je dois enfin rappeler le rôle d'alerte qu'a exercé, à maintes reprises et depuis un certain nombre d'années, Mme Françoise Milewski, économiste et chercheuse à l'Observatoire français des conjonctures économiques, auprès de la délégation et auprès des décideurs politiques. Elle a su démontrer l'inégalité de la situation des femmes et des hommes dans la fonction publique.
À partir de ses rapports et de ses alertes, la délégation, qui est heureuse de voir ce texte arriver à l'Assemblée, souhaite donner quelques chiffres qui vont mettre en lumière cette réalité bien peu favorable.
Si, dans la fonction publique dans son ensemble, le taux de féminisation est de 60 % pour l'année 2009, on doit remarquer que la place des femmes est loin d'être proportionnelle à leur importance numérique.
En outre les femmes demeurent majoritairement employées dans les métiers réputés féminins et restent très peu présentes dans les métiers techniques ou militaires. Dans l'armée, par exemple, elles ne représentent que 14,2 % des effectifs et sont très peu nombreuses dans les hauts grades.
En outre, elles ont peu accès aux emplois de direction qu'elles occupent à hauteur de 21,4 % seulement dans la fonction publique d'État. Dans le corps préfectoral, la féminisation des emplois est particulièrement faible, avec un taux de 10,5 %.
Il en va de même pour les recteurs d'académie : six femmes nommées pour trente et un recteurs et aucune parmi les quatre vice-recteurs. La fonction publique territoriale présente, quant à elle, le taux de féminisation des emplois de direction le plus bas des trois fonctions publiques avec un taux de 18 %.
Enfin, les femmes sont sous-représentées dans les instances nationales de la fonction publique et dans les commissions administratives paritaires. Dans aucun des trois conseils de la fonction publique, la part des femmes n'atteint 50 %. Et il en va de même pour les commissions administratives paritaires.
Pour contrecarrer cette tendance bien peu favorable aux femmes, la délégation s'est attachée à émettre des recommandations.
Nous préconisons, tout d'abord, la remise au Conseil commun de la fonction publique et au Parlement d'un rapport annuel de situation comparée dans chacune des trois fonctions publiques.
Deuxièmement, il faudrait obliger les établissements publics administratifs de cinquante agents au moins à rédiger un rapport de situation comparée.
Troisièmement, il importerait de transposer dans les conseils d'administration ou les organes équivalents des établissements publics ainsi que dans leurs conseils de surveillance le dispositif paritaire issu de la loi du 27 janvier 2011, dite loi « Copé-Zimmermann ».
Quatrièmement, il faudrait veiller à respecter une proportion égale de femmes et d'hommes, à une unité près, dans la désignation des membres des conseils représentant la fonction publique et des membres représentant l'administration au sein des commissions administratives paritaires instituées dans les trois fonctions publiques.
Cinquièmement, il faudrait obliger les autorités administratives à respecter une proportion minimale de 40 % de personnes d'un même sexe pour la constitution de jurys ou de comités de sélection.
Sixièmement, il importerait d'établir le principe de parité pour les nominations aux emplois de direction dans les trois fonctions publiques, ainsi que pour les emplois pourvus en conseil des ministres.
Septièmement, il conviendrait de maintenir dans leur intégralité les droits à avancement des fonctionnaires titulaires en cas de congé parental.
Toutes ces recommandations ont été soit adoptées en commission des lois, soit retravaillées avec le Gouvernement, que je tiens encore à remercier pour son écoute et sa compréhension.
À l'issue de ce travail réalisé en commun, deux points restent en suspens.
Il s'agit tout d'abord de la parité dans les emplois de direction de la fonction publique ainsi que dans bon nombre d'emplois pour lesquels la nomination se fait par décret en conseil des ministres. Notre amendement relatif à ce sujet, monsieur le ministre, a été retiré à votre demande, lors de son examen en commission, dans la mesure où tous les arbitrages n'étaient pas encore rendus. Vous vous étiez engagé à en déposer un autre de même portée en séance publique : vous l'avez effectivement fait et je vous en remercie.
Cet amendement, monsieur le ministre, nous engage véritablement dans la voie de la parité en matière de nomination aux très hauts emplois de la fonction publique. Toutefois, votre texte renvoie assez largement à un décret d'application, notamment pour ce qui est des sanctions. Or, comme vous le savez, monsieur le ministre, les décrets ont parfois tendance à se perdre dans les sables de la coordination interministérielle. J'aimerais donc que vous vous engagiez ici solennellement sur le fait que ce décret verra bien le jour dans un délai raisonnable, autrement dit dans les trois mois qui viennent. Cet engagement me paraît vraiment très important.
S'agissant du congé parental des fonctionnaires titulaires dans les trois fonctions publiques, l'amendement que nous avions déposé est malheureusement tombé sous le coup de l'irrecevabilité financière de l'article 40 de la Constitution. Nous nous félicitons de constater que le Gouvernement l'a repris à son compte.
Au terme de la présentation de la rédaction, amendée par la commission des lois, du chapitre du projet de loi relatif à l'égalité des femmes et des hommes dans la fonction publique, je voudrais souligner que les travaux qui ont d'ores et déjà été conduits aboutissent à des avancées indiscutables sur un sujet qui faisait l'objet d'un constat de carence partagé. Je suis fière que nos travaux aient ainsi contribué à rendre aux femmes, dans la fonction publique, toute la place qui leur revient.
Je tiens une nouvelle fois à vous remercier, monsieur le ministre, et à féliciter Mme Guégot pour son excellent rapport. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi dont nous débattons ce soir est présenté comme la transposition du protocole d'accord portant sécurisation des parcours professionnels des agents contractuels signé le 31 mars 2011, mais le Gouvernement, par une malheureuse initiative, l'a complété par un ensemble de mesures disparates, prises au pied levé, sans laisser aux organisations syndicales le temps de la consultation.
C'est notamment le cas du volet concernant l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes et la lutte contre les discriminations dans la fonction publique. Ce sujet majeur aurait mérité à l'évidence un débat approfondi, tant entre le ministre et les organisations syndicales qu'au sein de notre hémicycle. Par ailleurs, comme il est de coutume en fin de législature, ce texte porte diverses dispositions relatives à la fonction publique.
Nous regrettons ce choix d'avoir fait du projet de loi un texte un peu fourre-tout. Nous aurions gagné en clarté à nous en tenir à son objet principal, à savoir la résorption de l'emploi précaire dans la fonction publique.
Le sujet est en effet d'une importance capitale.
Sur les 5,3 millions d'agents qu'emploient l'État, les collectivités territoriales et les hôpitaux, plus de 890 000 ne sont pas fonctionnaires. Ces non-titulaires représentent environ 20 % des effectifs de la fonction publique territoriale, 15 % de la fonction publique d'État et 16 % de la fonction publique hospitalière. Leur proportion n'a cessé d'augmenter, passant de 14,6 % en 1998 à 16,8 % en 2009. Il faut mettre à part les contrats aidés qui concernent plus de 112 500 salariés précaires sous contrats d'accompagnement dans l'emploi ou sous contrats dits d'avenir, pour lesquels l'obligation de formation n'est toujours pas respectée, en particulier par l'État.
Certes, l'emploi d'agents contractuels n'est pas en soi une anomalie. Depuis 1946, le statut général de la fonction publique prévoit l'embauche d'agents non titulaires dans certains cas spécifiques : remplacement d'un titulaire en congé, vacance temporaire d'un emploi, besoins saisonniers ou occasionnels.
Il reste que les abus sont nombreux. Une étude récente de la direction générale de l'administration et de la fonction publique a montré que 45 % des non-titulaires employés dans la fonction publique d'État en 2003 y travaillaient encore en 2007, quatre ans après. Seulement un quart d'entre eux a changé de statut, essentiellement pour devenir titulaire. Une autre enquête a révélé qu'entre 6 % et 8 % des ingénieurs, techniciens, bibliothécaires et administratifs non titulaires ont une ancienneté supérieure à dix ans dans l'emploi précaire, qu'ils soient employés dans le cadre de CDD ou de vacations rémunérées à l'heure, au sein de l'enseignement supérieur et de la recherche publique.
Le protocole dont vous nous proposez ce soir la traduction législative est une étape dans la lutte contre la précarité dans la fonction publique. Il est le fruit d'une négociation engagée il y a deux ans par les organisations syndicales. Il propose des avancées attendues par ces personnels que le magazine Alternatives économiques qualifiait récemment de « galériens de la fonction publique ». Il permettra aux milliers d'agents concernés par le dispositif d'accès à l'emploi titulaire, comme à ceux dont le contrat sera requalifié en contrat à durée indéterminée, de bénéficier d'une sécurisation de leur parcours professionnel et de sortir durablement de la précarité qu'ils subissent souvent depuis des années.
Certes, ce texte comporte des avancées, …
…mais chacun sait aussi qu'il ne parviendra pas à résorber l'emploi précaire dans la fonction publique. Il souffre de graves lacunes et menace de conduire à de nouvelles dérives.
Permettez que j'analyse le texte, s'il vous plaît !
Il prévoit en premier lieu que l'administration sera désormais tenue d'offrir le bénéfice d'un CDI aux agents titulaires d'un CDD dès lors que ceux-ci auront exercé leurs fonctions pendant une durée minimale de six ans, sur les huit dernières années, pour des postes d'emploi permanent. Il prévoit, en outre, d'ouvrir aux agents contractuels des voies d'accès spécifiques à l'emploi titulaire pendant une durée de quatre ans à compter de la publication de la loi. Seront concernés les agents employés sur la base d'un CDI ou d'un CDD appelé à être requalifié en CDI ainsi que l'ensemble des agents en CDD occupant un poste répondant à un besoin permanent du service public, dès lors que ceux-ci auront justifié d'une durée de service totale de quatre ans sur une période de six années consécutives. À cet effet, vous proposez de définir des « modes de sélection professionnalisés ». Les modalités de cette sélection consisteront, pour l'essentiel, dans des examens professionnels mais pourront aussi prendre la forme des concours réservés, notamment dans la catégorie A, ou de recrutements sans concours fondés sur la seule reconnaissance des acquis de l'expérience professionnelle, notamment dans la catégorie C.
Au total, selon vos estimations, monsieur le ministre, quelque 40 000 à 50 000 agents pourraient être concernés par le dispositif d'accès à l'emploi titulaire et quelque 100 000 agents pouvaient voir leur contrat de plus de six ans requalifié en contrat à durée indéterminée.
La première remarque qui s'impose est que vous proposez davantage un plan de conversion de l'emploi public en emploi contractuel qu'un plan de titularisation de la fonction publique. Je reprends là les termes du syndicat national de l'enseignement supérieur.
De fait, si ce projet recueille votre assentiment aujourd'hui, c'est avant tout parce qu'il banalise le recours aux contrats à durée indéterminée et accompagne en réalité l'entreprise de démantèlement du statut de la fonction publique. Vous nous répondrez que le recours aux contrats à durée indéterminée n'est pas chose nouvelle et qu'à l'occasion de l'adoption de la loi du 11 janvier 1984, les agents qui n'avaient pas demandé ou pas obtenu leur titularisation, ont pu continuer à être employés suivant les stipulations du contrat, le cas échéant à durée indéterminée.
Il reste que le recours aux CDI doit demeurer une procédure exceptionnelle car il malmène dangereusement le principe d'indépendance du fonctionnaire. Ce principe, rappelons-le, conduit à distinguer le grade, propriété du fonctionnaire, de l'emploi. Il vise à protéger l'agent public, et, par là, le service de l'intérêt général, de l'arbitraire administratif. C'est ce que l'on appelle le système de la carrière, opposé au système de l'emploi en vigueur dans nombre de pays anglo-saxons, qui a de longue date votre faveur.
D'un côté, vous banalisez les CDI ; de l'autre, vous assortissez la titularisation de conditions si restrictives que votre projet de loi laissera en réalité sur le bord du chemin les plus précaires parmi les précaires.
En l'état, votre dispositif écarte en effet les agents recrutés à titre temporaire et les contractuels à temps incomplet, majoritairement des femmes, qui sont les premières cibles des procédures de recrutements abusives et les personnels les plus directement exposés aux situations de précarité.
De même, le changement d'employeur au sein de chacune des trois fonctions publiques aura pour effet d'interrompre l'ancienneté, privant du bénéfice du dispositif les très nombreux contractuels contraints de cumuler les emplois auprès de différents employeurs publics successifs.
Vous créez ainsi une situation d'inégalité de fait entre ceux qui occupent un même poste depuis plus de quatre ans et ceux, les plus précaires, qui ont été contraints de changer d'employeur entre-temps.
Il y aura portabilité pour les CDD !
Soulignons enfin que toutes celles et ceux qui remplissent les conditions de la titularisation ne seront pas mécaniquement titularisés puisque le nombre de postes ouverts correspondra aux besoins recensés par les services, et non pas au nombre d'agents titularisables.
Dans ces circonstances, comment ne pas regretter que vous n'élaboriez pas un véritable plan de titularisation ? Convenez que votre texte n'a que peu de chances de permettre de résorber durablement l'emploi public précaire.
Ce n'est sans doute pas votre ambition, du reste. Comment, en effet, résorber l'emploi précaire sans sortir de la logique de la RGPP, de la logique de la réduction du nombre des fonctionnaires, de la logique de la baisse des dépenses publiques ?
C'est un système gagnant-gagnant !
Vous savez fort bien que l'équation est impossible à résoudre sans l'ambition de redonner à l'État, aux collectivités locales, aux hôpitaux, les moyens d'accomplir leurs missions au service de l'intérêt général – moyens que vous n'avez cessé de leur refuser, car vous n'envisagez l'avenir de nos services publics qu'au prisme d'une logique comptable qui n'est qu'une caricature de la logique économique, et avec la perspective de remplacer les services publics par des services marchands.
En ne proposant qu'une titularisation très partielle, vous poursuivez, monsieur le ministre, dans la même direction, celle de la réduction de la dépense publique. Vous continuez à ne considérer les services publics que comme des coûts, alors qu'ils sont la richesse de notre pays.
Du fait de ses graves insuffisances, votre projet de loi laissera plus des deux tiers des agents précaires sur le carreau, sans réponse et sans solution ; et je ne parle même pas des enseignants vacataires, rémunérés à l'heure, souvent avec plusieurs mois de retard, sur la base d'un taux horaire inchangé depuis 1989, comme le rappelait le médiateur de la République en 2010. Et comment ne pas évoquer d'autres oubliés, comme les auxiliaires de vie scolaire dont les contrats, comme tant d'autres, ne sont pas renouvelés, au mépris de leur expérience et de leur investissement dans leur métier ?
Comment, enfin, prétendre endiguer à l'avenir le recours aux emplois contractuels, alors que les obligations dont fait mention le projet de loi ne sont assorties d'aucune sanction, et que les employeurs publics sont par ailleurs soumis à l'injonction gouvernementale de limiter les dépenses, c'est-à-dire de puiser dans le vivier de cette main-d'oeuvre malléable et à moindre coût que nous venons d'évoquer ? Comment croire que votre dispositif ne sera pas lui-même détourné, que des employeurs ne seront pas tentés de recruter systématiquement des agents publics différents, toujours en CDD, pour accomplir une mission qui relèverait en réalité d'un poste permanent, dans l'unique but de n'avoir pas à leur proposer un CDI ?
Vous le constatez, mes chers collègues – vous l'avez, je n'en doute pas, constaté en m'écoutant –, ce projet de loi ne nous satisfait pas – du moins pas complètement.
, présidente de la délégation aux droits des femmes, M. Pierre Morel-A-L'Huissier, rapporteur, et M. François Sauvadet, ministre. Ah !
Je dirai que l'atterrissage ne répond pas aux attentes nées de l'envol.
Nous constatons que vous tirez prétexte de l'aggravation des situations de précarité, qui est essentiellement le fruit de la politique de baisse drastique des dépenses publiques, pour promouvoir la contractualisation au mépris des principes fondateurs de notre fonction publique. Nous aurons, je n'en doute pas, l'occasion d'y revenir au cours de nos débats.
Pour autant, le groupe des députés du parti communiste, citoyens et du parti de gauche ne peut se résoudre à priver les agents concernés, même s'ils sont à notre sens trop peu nombreux, de mesures qu'ils attendent. Nous serons donc conduits à nous abstenir. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Encore ne faudrait-il pas que des amendements gouvernementaux du crépuscule restreignent encore davantage l'application de ce projet de loi, notamment dans le domaine de l'enseignement supérieur et de la recherche. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en France, ce n'est pas la nation qui a créé l'État, c'est l'État qui a créé la nation. Le rappeler, ce n'est pas seulement évoquer le passé, c'est surtout expliquer le présent : aujourd'hui comme hier, quels que soient les régimes, si brutaux qu'aient été les sursauts de l'histoire, l'État bénéficie d'un statut d'exception.
Lorsque la Révolution a balayé l'Ancien Régime, l'une de ses premières décisions a été de graver dans le marbre ce qui résultait auparavant de la tradition : le juge judiciaire n'a pas à connaître des affaires de l'État ; autrement dit, l'État n'est pas une personne juridique comme les autres. Sur ce point, la continuité a été sans faille.
Aujourd'hui comme hier, l'État a son propre droit, l'État a ses propres juges. Sa position n'est pas seulement singulière, elle est éminente. Il n'est donc pas surprenant qu'il n'ait jamais été spontanément enclin à développer des relations contractuelles, qui sont, ou qui devraient être, par nature, des relations égalitaires : le droit fiscal ne fait guère de place à ces compromis négociés qui ne choquent personne dans les pays anglo-saxons ; le droit de la commande publique – le terme de « commande » est lui-même lourd de sens – ne s'est ouvert que récemment au dialogue entre le donneur d'ordre et le soumissionnaire ; admirez, là encore, la sémantique.
Quant au droit de la fonction publique, il place les fonctionnaires « dans une situation statutaire et réglementaire », c'est-à-dire qu'ils sont à l'égard de leur employeur dans un rapport unilatéral et donc non contractuel, leur situation dépendant de la règle générale et non d'une rencontre des volontés.
Et pourtant, à toutes les époques, sous tous les régimes, l'État a eu recours à des agents contractuels. Mais il n'en parlait pas, et il s'en occupait peu. Aujourd'hui encore, qui sait – et M. le ministre a eu raison de le rappeler – que les agents non titulaires représentent près de 17 % des effectifs des trois fonctions publiques ?
Qui sait que leurs droits sont dans la plupart des cas inférieurs à ceux des salariés privés ? Là où le chef d'entreprise est obligé de proposer un CDI à son salarié après dix-huit mois de service, les administrations maintiennent des CDD dans une situation précaire pendant parfois plus de dix ans.
Qui sait qu'il existe dans l'éducation nationale des agents non titulaires, parfois des professeurs – M. le ministre y faisait allusion – que l'on appelle les « dix sur douze », qui chaque année sont recrutés pour dix mois, puis licenciés pendant les deux mois d'été, avant d'être réembauchés à la rentrée suivante ?
Je tiens, monsieur le ministre, à féliciter le Gouvernement, qui a mis ce dossier sur la table, qui a voulu mettre fin à une hypocrisie qui n'était pas acceptable, et qui s'est attaché à trouver, pas seulement pour l'immédiat mais aussi pour l'avenir, une solution juste.
Ces félicitations s'adressent bien sûr à vous, monsieur le ministre. Elles vont aussi vers votre prédécesseur Georges Tron, dont je tiens à citer le nom aujourd'hui dans cet hémicycle.
Ce texte me paraît exemplaire à la fois par la procédure suivie et par les dispositions de fond qu'il contient.
La procédure, c'est celle du dialogue social. C'est une grande ambition que de vouloir, sans remettre en cause le principe hiérarchique et le caractère unilatéral de la décision administrative, instaurer et approfondir le dialogue social dans la sphère publique. Le texte que nous examinons aujourd'hui n'est pas l'expression d'une décision solitaire de l'État, il est la traduction législative d'un accord professionnel passé le 31 mars dernier. Cet accord n'est pas le premier, c'est le quatrième du quinquennat en cours ; cet accord ne sera sûrement pas le dernier, car depuis la loi du 5 juillet 2010, le champ de la négociation collective dans les administrations a été considérablement élargi. Il ne se limite plus aux conditions et à l'organisation du travail, mais couvre également la promotion professionnelle, la formation, l'action sociale, l'insertion professionnelle des personnes handicapées, l'égalité professionnelle des hommes et des femmes.
La loi de 2010 ne marque pas seulement une avancée sociale ; elle traduit également la volonté de moderniser le management public. Comment ne pas regretter que cette réforme majeure ait à l'époque été rejetée unanimement par la gauche ? Je ne doute pas que les 100 000 agents non titulaires qui bénéficieront des mesures que nous examinons aujourd'hui sauront s'en souvenir.
Approuvé par six organisations syndicales sur huit, l'accord professionnel du 31 mars dernier montre que dans la sphère publique, les esprits évoluent, les méthodes changent. Comment ne pas s'en féliciter, dans cette période où, peut-être plus encore que par le passé, nos concitoyens attendent beaucoup de l'État ?
La seconde raison pour laquelle je tiens à féliciter le Gouvernement, c'est le contenu même des mesures qu'il propose. Il ne s'agit pas seulement d'un nouveau plan de titularisation ; il y en a eu seize depuis la Libération, et chaque fois, après avoir apuré le passé et parfois critiqué la gestion précédente, les gouvernements en revenaient aux pratiques antérieures. Aujourd'hui, il s'agit certes de mettre un terme à des situations inacceptables, mais il s'agit aussi et surtout d'éviter qu'elles ne se reproduisent. L'ambition de ce texte est, pour l'avenir, d'encadrer avec toute la précision nécessaire les conditions de recrutement des agents non titulaires et de préciser les modalités de leur passage d'un CDD à un CDI ou de leur titularisation, lorsque leur emploi répond à un besoin permanent.
Il faut répéter que cette réforme n'a nullement pour objet de titulariser tous les contractuels. Elle ne vise pas davantage à en interdire le recrutement ou à en empêcher le licenciement. La réforme qui nous est proposée doit éviter que perdurent dans les services publics des situations précaires qui dans les entreprises tomberaient sous le coup de la loi. L'État exemplaire, c'est aussi cela.
Le recrutement et la gestion des agents non titulaires se feront désormais dans un cadre légal et transparent, donnant à l'administration la souplesse dont elle a besoin et aux salariés les protections qu'ils sont en droit d'attendre.
Parmi les droits reconnus à ces agents figurent notamment l'accès à la formation professionnelle et la garantie d'une représentation au sein des structures de concertation. Ainsi, les agents non titulaires ne seront plus les clandestins de la fonction publique, ceux dont on a besoin mais dont on évite de s'occuper. C'est une avancée sociale importante. C'est aussi le gage d'une meilleure cohésion et donc d'une meilleure efficacité de l'administration.
Je n'insisterai pas sur les autres dispositions de ce texte, qui s'attachent à construire une fonction publique exemplaire également dans la lutte contre toutes les formes de discrimination. L'accueil des personnes handicapées, et l'ouverture de tous les postes à ces personnes, doivent être dans tous les services une priorité, tout comme l'égalité professionnelle, dans tous les corps et à tous les niveaux de responsabilité, entre les hommes et les femmes. Il importe que l'État, les collectivités publiques et les hôpitaux se dotent des instruments permettant de mesurer, chaque année, la traduction dans les faits de ce qui n'est trop souvent encore qu'une déclaration d'intention.
Ces réformes sont importantes pour le fonctionnement interne des services publics et les relations de travail au sein des administrations. Elles constituent également le démenti le plus clair et le plus concret au procès que nous fait souvent la gauche de vouloir discréditer la fonction publique.
J'ai consacré toute ma vie au secteur public. Je crois bien le connaître, et j'en mesure sans doute mieux que beaucoup d'autres les forces et les fragilités. Je lui reste suffisamment attaché pour condamner avec la même énergie les critiques faciles, les flatteries complaisantes, et les promesses inconséquentes.
C'est vrai, depuis près de cinq ans, nous avons imposé beaucoup de contraintes et demandé beaucoup d'efforts à la fonction publique : baisse des effectifs, blocage du point d'indice, maîtrise des dépenses de fonctionnement, modification des structures, des corps, et des méthodes, gestion par objectifs, évaluation des politiques et des agents. Mais il est clair que rien de tout cela n'aurait été demandé à nos fonctionnaires si nous n'avions pas, chevillée au corps, la conviction qu'ils ont un rôle déterminant à jouer dans l'émergence d'un État rénové, plus performant, plus juste et mieux reconnu.
Dans l'affirmation de cette ambition, il n'y a de place ni pour une critique systématique, ni, à l'inverse, pour les propos trop complaisants. Rappeler que, par rapport à sa population, la France compte 24 % de fonctionnaires de plus que l'Allemagne, ce n'est faire offense à personne, c'est dire ce qui est et inviter chacun à la réflexion.
La France n'est pas au bout de ses efforts et, pour ce qui la concerne, la fonction publique est parfaitement en mesure de les faire. Encore faut-il continuer, dans le respect du dialogue et avec le souci constant de l'équité, à moderniser ses structures, ses méthodes et ses relations de travail. C'est l'ambition du texte dont nous allons débattre.
C'est pour cela, Monsieur le Ministre, que cette réforme, le groupe UMP la soutiendra. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi relatif à la résorption de l'emploi précaire dans la fonction publique.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Nicolas Véron