Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est un texte attendu, comme l'ont rappelé le rapporteur, le président de la commission et le ministre. La modernisation et, surtout, la compétitivité de nos ports représentent en effet un enjeu considérable. Améliorer leur gouvernance est donc un objectif relativement sain et correct.
Nous sommes en outre confrontés, notamment aux Antilles, à une mondialisation sans cesse accrue, notamment avec l'ouverture de la troisième écluse du canal de Panama. Nous serons donc amenés à recevoir un hub intermédiaire entre la Jamaïque et la Martinique et la Guadeloupe pour redispatcher des conteneurs sur l'Amérique du Sud et l'Amérique du Nord. C'est donc extrêmement important.
Ce texte est bienvenu, en troisième lieu, dans le sens où la compétitivité doit accompagner une dynamique de gouvernance nouvelle impliquant au mieux les collectivités. Pour moi, il faudrait à cet égard aller beaucoup plus loin, et vous savez, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, ce que nous souhaitions. Mais vous m'avez rappelé à plusieurs reprises qu'il s'agissait d'un texte, non sur la décentralisation, mais sur l'amélioration de la gouvernance. J'en ai pris acte, même si nous ne sommes pas d'accord sur la philosophie générale et la bonne compréhension de l'article 73 de la Constitution, qui ouvre des possibilités relativement larges d'adapter les règlements et même de travailler dans le domaine législatif. De mon point de vue, nous pouvions donc aller beaucoup plus loin.
Vous avez donné un sens à la coordination portuaire avec le conseil qui a été mis en place par un amendement présenté par notre groupe, et, surtout, vous avez essayé de faire en sorte que le président du directoire ne soit pas nommé de Paris sans un avis du conseil de surveillance. C'est une très bonne chose. Nous aurions préféré que ce soit le conseil de surveillance qui propose le président du directoire, mais là vous m'avez encore rappelé le contenu de l'article 73.
Nous ne voterons bien entendu pas contre ce texte puisque, vous l'avez dit et je l'ai répété, il est attendu. Cependant, je souhaite marquer quelques points de désaccord qui nous conduiront à nous abstenir.
D'abord, il fallait donner plus de poids aux collectivités locales, d'autant plus que, compte tenu du désengagement de l'État en matière de stratégie de développement, il nous semble essentiel que des collectivités très impliquées dans ce qu'on appelle le développement endogène, expression chère au Président de la République, aient une place suffisamment grande. Cela n'a pas été le cas.
Par ailleurs, les capacités que vous avez données en matière d'investissement et d'aménagement du territoire à la gouvernance du port, ce qui est une bonne chose, impliqueraient parallèlement, au-delà de la LODEOM, une véritable stratégie de développement, et on ne la ressent pas. On voit la modernisation de la gouvernance d'une infrastructure, ce qui est une bonne chose, mais équiper un pays, ce n'est pas le développer. Équiper un pays, c'est faire un aéroport, un port ou une école, par exemple. Le développer, c'est aussi faire accompagner l'infrastructure par une dynamique de développement.
J'ai bien compris que ce n'était pas l'objet du texte et que cela viendrait plus tard ; mais, en attendant, nous avons un taux d'inactivité et de chômage élevé puisque nous en sommes à 23 % de chômeurs dans ces pays et que pratiquement 60 % des jeunes de moins de vingt-sept ans sont en inactivité. Créer des zones franches adossées aux ports permettrait de compléter la dynamique de développement avec des zones d'activité dédiées, sous franchise ou sous une autre forme, en maîtrisant les enjeux fiscaux pour ne pas avoir seulement une zone franche globale et relancer la production locale. Il est en effet anormal que ce port, véritable poumon économique, soit privilégié, dans ses exportations, par la seule exportation de la banane, et dans ses importations, par des importations massives : car 70 à 80 % de ce qui est consommé localement sont liés à l'importation et, sur ce chiffre, près de 80 % sont issus d'une relation bilatérale entre l'Europe et la Martinique. Il est donc très important de développer l'exportation.
Enfin, nous avons proposé le CSOP, le comité de suivi et observatoire des activités portuaires, appelé à intervenir dans le cadre de conflits. Ce comité est fondamental, il n'est pas question de le supprimer ; il viendra s'ajouter au conseil du développement. Il faut absolument tenir compte de l'enjeu en matière de dialogue social.
Je regrette enfin la méthode choisie, comme tout un chacun ici, y compris M. le rapporteur, qui a eu le courage de retirer du texte, en première lecture, l'ensemble des habilitations à procéder par ordonnance pour l'application du droit européen. J'ai compris – M. le ministre a été très clair – les enjeux financiers pour la France, qui évite ainsi de perdre 130 millions d'euros. Il n'en est pas moins important de relever que plusieurs ordonnances ont été inscrites, dans un véritable bateau d'ordonnances, à l'occasion d'un texte concernant l'outre-mer, ce que nous condamnons tous.
Heureusement que le ministre a précisé qu'il serait très vigilant sur la définition du métier de transporteur, au moment de la rédaction du décret, pour que l'on n'applique pas les mêmes mécanismes de reconnaissance des diplômes sur l'espace européen continental et en Martinique, Guadeloupe et Guyane, où existe une forte tradition de transports collectifs et de transport de marchandises.
Notre position sera donc celle d'une abstention positive.