..et que vous espérez ainsi tromper les observateurs.
Une tradition républicaine voulait qu'on ne change pas les règles d'une élection dans l'année précédant son déroulement : nous sommes à un mois et demi du dépôt des déclarations de candidature, neuf mois après le début de la période de comptabilisation des dépenses. On ne peut que regretter cette entorse à la tradition.
Je ne crois pas qu'on puisse la justifier en arguant du fait que la campagne présidentielle coûterait cher. On connaît le chiffre depuis très longtemps : elle coûtera 220 millions d'euros, soit 6 euros par électeur. Nous ne considérons pas que ce soit là un montant prohibitif.
Enfin, nous sommes sceptiques quant à l'ambition du texte. Le 19 décembre 2011, en première lecture, vous avez souligné, monsieur le ministre, le caractère ambitieux et volontaire de cette réforme. Nous attendions alors – et nous vous l'avions dit – que vous nous proposiez, par exemple, de délimiter le périmètre des dépenses qui doivent être comprises dans le compte de campagne. En effet, il faudrait sans doute préciser – le Sénat s'y est essayé – la notion de « dépenses électorales », car ce qui est vrai pour une campagne électorale locale – la jurisprudence appliquée par le Conseil est extrêmement restrictive en la matière – peut ne pas l'être pour un scrutin national. On pourrait ainsi envisager, pour l'élection présidentielle, de retenir une interprétation plus large, englobant davantage de dépenses. Nous regrettons que vous ayez rejeté les amendements qui allaient en ce sens et qu'avait votés le Sénat.
De même, ce texte aurait pu être l'occasion de rappeler que les candidats détenteurs d'un mandat électif ne peuvent utiliser les moyens procurés par ce mandat en vue de contribuer à la conduite de leur campagne. Considérant que cela figurait dans l'article L. 52-8 du code électoral, vous avez jugé, monsieur le rapporteur, cette précision redondante. Je rappelle pourtant que le président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, M. Logerot, ainsi que le doyen Colliard, qui connaît bien la problématique des dépenses électorales, viennent de rappeler que nombre de candidats utilisent, pour leur campagne, les moyens qu'un mandat électif met à leur disposition. Il est d'ailleurs assez surprenant que, en 2007, diverses irrégularités décelées dans les comptes de campagne n'aient été suivies d'aucune sanction.
Mais, loin de compléter la loi, vous nous avez seulement saisis, toutes affaires cessantes, d'un texte dont l'unique vocation est de faire peut-être économiser à l'État 3,5 millions d'euros. J'entends bien le plaidoyer de notre collègue Geoffroy, mais on me permettra de rappeler que le déficit cumulé de la France est aujourd'hui de 1 600 milliards d'euros. Certes, il est louable de vouloir économiser 3,5 millions d'euros, mais, au regard de ce chiffre, on peut estimer qu'il s'agit d'un effort symbolique, et qui plus est virtuel, car l'économie attendue disparaîtra si l'on compte davantage de compétiteurs qu'il y a cinq ans et si plusieurs d'entre eux dépassent la barre des 5 % de suffrages exprimés. Votre calcul d'économie se fonde, en effet, sur les mêmes proportions qu'en 2007, et rien ne prouve que nous y arriverons.
En résumé, ce texte ne présentant que peu d'intérêt. Puisque nous n'avons pas de raisons de nous y opposer, nous nous contenterons de nous abstenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)