La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi de modernisation de l'économie (nos 8'2, 908, 905, 895).
Cet après-midi, l'Assemblée a continué d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.
Madame la présidente, mon rappel se fonde sur l'article 58, alinéa 1 de notre règlement et a bien trait déroulement de nos travaux.
Le Gouvernement a déclaré l'urgence sur ce projet de loi, mais il peut toujours décider, comme pour le texte sur les OGM, de demander une deuxième lecture au Parlement. Sur ce texte d'une grande importance, qui comprend de nombreux articles et amendements et dont nombre de dispositions renvoient à des ordonnances, il serait utile que le bicamérisme fonctionne pleinement. Je voudrais donc savoir si le Gouvernement compte effectivement faire jouer l'urgence.
Par ailleurs, le président de la commission des affaires économiques nous a indiqué que la discussion se déroulerait dans l'ordre où sont présentés les articles. La question est d'importance dans la mesure où, si certains collègues suivront l'ensemble des débats, d'autres ont prévu d'intervenir sur des domaines précis. Le Gouvernement peut-il nous confirmer que cet ordre sera respecté, afin que nous puissions organiser nos interventions en conséquence ?
Enfin, madame la présidente, nous aimerions savoir si la discussion des articles commencera dès ce soir, ou si la séance sera levée après les explications de vote et le vote sur la motion de renvoi en commission. Le président de la commission des affaires économiques nous a indiqué que la commission devrait examiner demain plusieurs centaines d'amendements : il me paraît difficile d'aborder l'examen des amendements en séance publique alors que tous n'ont pas été examinés en commission.
La parole est à M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire
Je n'ai pas entendu le début de l'intervention de M. Brottes, mais je souhaite lui répondre sur le dernier point. S'il reste autant d'amendements à examiner, c'est d'abord parce qu'ils ont été déposés en grand nombre. Ensuite, une grande partie d'entre eux l'ont été tardivement, après les réunions de la commission consacrées à l'examen du texte sur le fond. Ils sont donc examinés en application de l'article 88, de façon globale, car leur nombre n'a pas permis au service de la séance de les étudier tous. Je suis le premier à trouver pénible d'avoir à tenir trois réunions en application des articles 88 et 91 – la troisième aura lieu demain à quatorze heures, afin d'examiner les quelque 150 amendements restants. Mais nous n'en serions pas là s'ils avaient été déposés dans les délais normaux. La situation n'est donc imputable ni à la commission, ni au Gouvernement, ni à la majorité. Quoi qu'il en soit, il convient de la gérer dans la sérénité habituelle. Les réunions au titre des articles 88 et 91 se sont d'ailleurs bien passées. Elles permettront à l'opposition de défendre tous ses amendements dans l'hémicycle puisque personne ne pourra lui opposer le fait qu'ils n'ont pas été examinés en commission. C'est aussi pour respecter les droits de l'opposition que je les organise. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Pour répondre à votre dernière question, mon cher collègue Brottes, il reste environ cinquante minutes de discussion générale – je demande d'ailleurs aux différents intervenants de respecter leur temps de parole –, après quoi le Gouvernement souhaitera sans doute répondre, puis nous en viendrons à la motion de renvoi en commission. Tout cela nous mènera vers minuit, minuit et demi. Nous ferons le point à ce moment, mais il me paraît difficile d'entrer dans le vif du sujet à cette heure tardive.
Puisque vous me le demandez, je vous donne la parole pour une brève intervention.
Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi n'ayant pas pu entendre le début de mon intervention, je lui repose mes questions – même si je comprendrai que l'on ne puisse pas me répondre dès ce soir. D'abord, le Gouvernement compte-t-il effectivement faire jouer l'urgence sur ce texte ? Il peut en effet faire un choix différent, à l'instar de M. Borloo qui s'en est abstenu pour le projet de loi sur les OGM. Ensuite, allons-nous examiner le texte chapitre après chapitre, tel qu'il est inscrit à l'ordre du jour, ou l'agenda gouvernemental impose-t-il d'autres conditions ?
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Je n'ai reçu aucune demande visant à lever l'urgence sur ce projet de loi. Tout plaide au contraire pour qu'elle soit maintenue, qu'il s'agisse de l'importance du texte, des enjeux qu'il porte ou des effets attendus sur l'économie à un moment où celle-ci connaît une situation difficile. Cela n'empêche pas de débattre dans la sérénité ni de consacrer à la discussion le temps qu'il convient.
Par ailleurs, je ne souhaite pas modifier l'ordre dans lequel seront examinées les dispositions du texte. Toutefois, ma présence au G7, qui se tiendra à Osaka les 12 et 13 juin, pourrait me conduire à modifier les conditions d'examen du titre IV. À cette réserve près, la discussion suivra l'ordre des articles.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Laure de La Raudière.
Madame la présidente, madame la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, monsieur le secrétaire d'État chargé de l'emploi, monsieur le secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation, monsieur le secrétaire d'État chargé de la prospective, de l'évaluation des politiques publiques et du développement de l'économie numérique, chers collègues, comme bien d'autres orateurs, mon intervention se concentrera sur le titre III, consacré au développement de l'accès au très haut débit et aux nouvelles technologies de l'information et de la communication. Nous sommes en effet nombreux à juger que la couverture du territoire en très haut débit constitue un enjeu majeur.
Le développement des services numériques contribue à la croissance de notre économie : il génère, selon les études, entre 0,7 % et 1 % de point de croissance. Le rapport mondial sur les technologies de l'information publié le 9 avril 2008 par le World Economic Forum le montre : plus un pays est ouvert au développement et à l'usage des technologies de l'information, plus son produit intérieur brut par habitant est élevé. Et ce phénomène ne peut que s'accentuer tant les TIC sont devenus indispensables à l'innovation.
Dans ce rapport, la France est classée à la vingt et unième place. Certes, le taux d'équipement des foyers en ADSL y est très élevé en comparaison avec nos voisins européens, et même à l'échelle du monde. Mais des progrès doivent être réalisés en matière d'équipement en très haut débit et d'usage des nouvelles technologies. Ces deux facteurs sont en effet la clé du succès de la modernisation de notre économie et de celle du fonctionnement de l'État. C'est pourquoi je tiens à saluer la volonté du Gouvernement de développer l'accès au très haut débit, en particulier par fibre optique. Le projet de loi que nous allons étudier lève ainsi certains obstacles liés au câblage des immeubles. En outre, et c'est essentiel, il oblige l'ensemble des opérateurs à mutualiser les infrastructures verticales.
La localisation du point de mutualisation est d'une importance stratégique si nous voulons que se développe une réelle concurrence. Il devra être situé de façon à permettre le raccordement effectif des opérateurs tiers, dans des conditions économiques raisonnables. Dans la majorité des cas, il semble donc réaliste qu'il soit situé en dehors des immeubles et en dehors du domaine privé.
Mais si ces dispositions sur le raccordement des immeubles en fibre optique constituent un premier pas essentiel dans le déploiement du très haut débit en France, elles ne sont cependant pas suffisantes.
Le potentiel d'usages des technologies de l'information et de la communication est en effet gigantesque dans tous les domaines d'activité : e-santé, e-commerce, e-enseignement, e-travail, e-production…
De part et d'autre de l'hémicycle, nous sommes tous d'accord sur le fait que ces nouvelles technologies sont aussi indispensables dans les zones rurales ou dans les périphéries des villes que dans les immeubles des centres des grandes villes. De même, on peut facilement comprendre qu'en réduisant l'utilisation des transports, elles s'inscrivent pleinement dans le développement économique durable.
Nous devons donc prendre des dispositions complémentaires afin d'assurer, outre celui de la fibre optique, solution adaptée aux immeubles, le développement de tous les moyens techniques en mesure d'apporter le haut et très haut débit en tout point du territoire et pour tout type d'habitat. En effet, comment moderniser nos modes de fonctionnement, comment développer des services de santé, d'éducation et de travail, au sein d'un département ou d'un pays, si certains disposent d'un accès à 100 mégabits, véritable autoroute deux fois six voies de l'information, alors que d'autres disposeront d'un accès ADLS bas débit, dans le meilleur des cas à 512 kilobits, qui sera comparable à un layon forestier ? Comment étendre des services de mobilité à haut débit, si certaines zones sont couvertes – aujourd'hui 30 % du territoire – et d'autres pas ? Comment éviter ces fractures numériques ? Cela passe, entre autres, par l'optimisation des usages des fréquences hertziennes et certainement aussi par l'affectation au secteur des télécommunications d'une partie des fréquences dites « en or » libérées par l'extinction de la télévision analogique.
Vous avez déjà dépassé votre temps de parole. Passez au très haut débit ! (Sourires.)
C'est un enjeu essentiel pour définir un standard européen du très haut débit mobile – la 4G – et bénéficier ainsi des économies d'échelle que permet le marché européen. C'est dans ce sens, que j'ai déposé des amendements au projet de loi, dont plusieurs ont été adoptés par la commission des affaires économiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Leur objectif est de permettre l'amélioration de la couverture numérique du territoire à haut ou à très haut débit.
Je suis convaincue que le Gouvernement saura saisir toutes les occasions pour faire de la France un grand Pays du numérique.
Je regrette véritablement que, sur des enjeux aussi importants que ceux présentés dans le projet de loi et sur des sujets qui dépassent bien souvent les clivages politiques, nous n'ayons pu disposer à temps des amendements de nos collègues socialistes pour les étudier dans le cadre des travaux de la commission des affaires économiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous ne sommes pas parvenus à établir en France des relations commerciales équilibrées entre producteurs, distributeurs et consommateurs. Nous n'avons jamais réussi à trouver la juste place du curseur et il faut malheureusement reconnaître que les législations successives n'ont pas permis de faire cesser les pratiques abusives. C'est, d'ailleurs ce que précise Jacques Attali dans son rapport sur le pouvoir d'achat.
Les rapports entre producteurs et consommateurs illustrent cette dérive réglementaire. La grande distribution a opéré en France, depuis trente ans, un mouvement de concentration sans précédent. Cinq centrales d'achat contrôlent, sans partage, comme le goulot d'étranglement d'un sablier, les rapports commerciaux entre 75 000 entreprises, 300 000 agriculteurs et 60 millions de consommateurs. Cela explique les craintes des agriculteurs et des dirigeants de PME et PMI. Cette concentration a malheureusement créé peu d'emplois et n'a pas fait baisser les prix.
Le problème, pourtant majeur, des centrales d'achat n'est pas abordé dans ce projet loi, madame la ministre. Ce dispositif, qui est le moteur de la domination économique, devrait être sérieusement régulé, car c'est lui qui crée la rente en échappant à toutes les règles. Quand vous achetez pour 10 euros une portion de comté, 4,90 euros reviennent en réalité, après quarante-cinq jours de délai de paiement, au producteur de lait, au transformateur qui supportent les neufs mois d'affinage et toutes les charges afférentes et au transporteur en amont et en aval de la filière, alors que 5,10 euros sont empochés par la grande distribution qui s'est chargée du produit pendant trois jours…
J'ai vérifié ces chiffres. Nous marchons sur la tête et nous persistons à croire les billevesées de ceux qui assurent que plus de concurrence dans les hypermarchés améliorera le pouvoir d'achat.
En dépit des législations successives, des pratiques inadmissibles, à la limite du racket, se sont installées et celles que l'on connaît ne constituent que la partie émergée de l'iceberg ! En 2000, nous avons rédigé avec Jean-Paul Charié un rapport intitulé « De la coopération commerciale à la domination commerciale ». J'ai été également rapporteur, avec Éric Besson, du projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques.
chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. Ce n'était pas une bonne loi !
Une bataille sans merci oppose aujourd'hui la grande distribution et les multinationales de l'agroalimentaire. Ce qu'on dit moins, c'est que ce duel de géants se fait au détriment des petites et moyennes entreprises et du consommateur. Le consommateur est devenu captif de la publicité que peuvent se permettre les très grandes marques, captif des méthodes utilisées par la grande distribution. Lorsque les grandes enseignes prétendent avoir choisi pour vous des produits de qualité au prix le plus bas, c'est inexact ! Le prix payé par le consommateur est plus élevé qu'il ne devrait l'être. La récente hausse des prix dans l'agroalimentaire est là pour le confirmer. S'il n'y a pas eu de baisse des prix pour les consommateurs, c'est parce que les gains de productivité des entreprises ont été repris depuis trente ans par les marges arrière, ce qui a permis d'ailleurs à des empires financiers de se constituer dans la distribution. Les marges bénéficiaires des petits producteurs ont fondu comme neige au soleil et tous ceux qui n'ont pas accepté les conditions léonines qui leur ont été proposées ont été déréférencés. Nous connaissons tous dans nos circonscriptions des PME employant 200 personnes à qui c'est arrivé, et qui sont mortes aujourd'hui.
Le développement des marques de distributeur obéit malheureusement à cette loi du plus fort où la distribution impose ses prix, quelles que soient les variations des prix de l'énergie ou des matières premières. En définitive, le consommateur est perdant, car s'il profite de prix bas sur des produits d'appel, il paye le prix fort sur d'autres.
Que dire également des délais de paiement ! C'est Ubu Roi ! Certaines succursales financières sont capables de prêter à des taux dépassant 15 % le propre argent du fournisseur qui attend d'être payé pendant plus de deux mois ! Le texte que vous nous présentez aujourd'hui est malheureusement déséquilibré. Il soutient trop la grande distribution. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Vous l'avez vu à la télévision : certains s'en félicitent ouvertement.
Dans le rapport que j'ai rédigé en 2000 avec Jean-Paul Charié intitulé « De la coopération à la domination commerciale », j'avais proposé des solutions pour installer des règles de concurrence loyale. Je disais déjà qu'il fallait faire appliquer la loi, supprimer la fausse coopération commerciale, assurer la stabilité des engagements contractuels, redéfinir les abus de la dépendance économique. Toutes ces questions restent malheureusement d'actualité. Ce n'est pas en passant des marges arrière aux marges avant que vous les réglerez !
Je pense, madame la ministre, qu'il faut, aujourd'hui, établir une véritable autorité indépendante de la concurrence qui pourra se saisir de toute question en matière de concurrence, imposer des pratiques uniformes pour les prix et les conditions de vente, vérifier la réalité de la coopération commerciale, qualifier les clauses abusives, les positions dominantes et les abus de dépendance économique, interdire les concentrations, faire cesser les pratiques litigieuses et attribuer des allocations de réparation aux parties lésées. Ce texte est très insuffisant…
…car les décisions de l'autorité de la concurrence ne sont pas contraignantes. Celles-ci devraient avoir un pouvoir de sanction.
Je pense également, comme vient de le souligner Mme de la Raudière, que vous devriez profiter de l'examen de ce texte pour généraliser l'accès au haut débit et le transformer en service universel. La législation actuelle, qui traite de l'accès à des débits dits « suffisants », est hypocrite et indigne d'un pays comme le nôtre. Le débit suffisant ne permet pas effectivement le développement économique dans certaines zones de notre territoire. Même si certaines mesures sont bonnes, il convient d'aller plus loin et de parvenir à un meilleur équilibre entre production et distribution. Créer de la concurrence n'a en soi aucun intérêt si cela revient à créer des emplois précaires, de la croissance non partagée dévolue aux seuls distributeurs, si c'est pour mettre en difficulté les agriculteurs et les petits producteurs, être racketté par des centrales d'achat et si c'est pour abaisser la qualité et la sécurité alimentaires des produits vendus dans du hard discount.
Certains veulent plus de concurrence par l'ouverture de grandes surfaces au nom de la suppression du monopole, mais ne conviendrait-il pas tout d'abord de mettre fin à la situation d'abus de certaines grandes marques qui monopolisent les linéaires des grandes surfaces avec leurs seuls produits ? Il serait donc nécessaire de modifier plus profondément le droit de la concurrence. Ce texte n'en a malheureusement pas l'ambition. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Madame la présidente, mon rappel au règlement se fonde toujours sur l'article 58, alinéa 1er. C'est, vous le savez, dès le début de la discussion que l'on doit veiller à ce que nos travaux se déroulent sereinement.
Mme de La Raudière a déclaré tout à l'heure que les amendements du groupe socialiste avaient été déposés trop tard et n'avaient donc pas pu être examinés. On ne peut, chers collègues, admettre ce genre de propos. Je parle ici sous votre contrôle, monsieur le président de la commission des affaires économiques. C'est, il me semble, également le cas d'autant d'amendements de la majorité, voire plus,…
…qui ont été déposés alors que l'on ne pouvait plus en débattre en commission. Chacun d'entre nous, quelles que soient les sensibilités, a agi en temps et en heure, et ce dans le respect du règlement.
Comme cela a été précisé à cette tribune, la plupart des députés du groupe UMP qui travaillent sur ce texte ont été associés très tôt à son élaboration, ce qui est normal. Il est bien qu'un gouvernement travaille avec sa majorité. Cela ne me choque pas. Admettez et comprenez tout de même que l'opposition qui, elle, a découvert les textes les uns après les autres, et qui n'a mesuré leur complexité qu'à l'issue de l'examen du projet de loi sur les OGM, n'a effectivement pas pu élaborer des amendements dans un délai aussi bref.
Je tenais à apporter cette précision. Les socialistes n'ont déposé aucun amendement en retard. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La parole est à M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.
Vous m'avez mis en cause, donc permettez-moi de vous répondre, monsieur Brottes.
Je vais contrôler ma réponse !
Mme de La Raudière n'a pas tenu exactement les propos que vous venez de lui prêter. Je tiens donc à intervenir pour apporter des éclaircissements. Vous avez, c'est exact, déposé vos amendements dans les délais légaux, c'est-à-dire lundi dernier à dix-sept heures. Vous en avez déposé environ…
Se sont ajoutés un certain nombre d'amendements du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du Nouveau Centre et quelques-uns de l'UMP.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. À peine, oui ! (Rires.)
Cette « masse » d'amendements a donc provoqué un embouteillage au service de la séance, qui les renvoie à la commission au fur et à mesure de l'étude de leur recevabilité. Je suis donc contraint, en tant que président, d'organiser des réunions de la commission au titre de l'article 91, ce qui sera le cas demain à quatorze heures trente. Nous n'en serions pas là si les amendements avaient été déposés plus tôt. Voilà ce que souhaitait dire Mme de La Raudière.
Il ne vous est fait aucun reproche, monsieur Brottes, ce n'est qu'un constat pour vous permettre d'améliorer, à l'avenir, votre méthode de travail. Nous souhaitons, par ces critiques objectives, monsieur Brottes, vous faire progresser dans le bon sens ! (Sourires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les ministres, chers collègues, vous me permettrez, dans les cinq minutes qui me sont imparties, de concentrer mon propos sur quelques aspects seulement de ce projet de loi de modernisation de l'économie qui comporte de nombreux éléments très positifs.
Je soulignerai – c'est la moindre des choses – toutes les qualités du titre Ier qui vise à simplifier la vie et surtout à encourager le développement de nos PME dont je rappelle que c'est sans doute le point faible de notre économie, comme l'indique d'ailleurs un rapport très récent de M. Besson, dans le cadre de sa prospective « France 2025 ». Incontestablement, tout ce qui facilitera la création, le développement, le sauvetage ou la transmission des entreprises est bienvenu et c'est le cas de ce titre Ier.
Je concentrerai mon propos sur le titre II dont quelques aspects ont posé et posent encore questions. La négociabilité, tout d'abord, a donné lieu à de longs échanges entre le Gouvernement et les parlementaires. Vous vous souvenez tous de l'enjeu : parvenir enfin à une négociation équilibrée entre fournisseurs et distributeurs et de garantir une transparence suffisante, notamment en matière de marges et plus précisément de décomposition des prix. Ce sont des informations connues pour ce qui est des fournisseurs mais qu'il est beaucoup plus difficile d'obtenir pour ce qui est des distributeurs. Et la question se pose incontestablement pour les sept centrales d'achat.
Le choix des termes pèsera lourd en la matière. Certains souhaits sont allés initialement vers la notion de « contreparties vérifiables ». Il est certain qu'il importe de préciser la nature des obligations qui s'imposent aux parties et nous serons très attentifs au choix sémantique final.
S'agissant de l'urbanisme commercial, force est de constater qu'il a donné lieu à des périphéries urbaines totalement dégradées, dans un état catastrophique, que tout le monde s'accorde à reconnaître « non satisfaisant » – et je pèse mes mots !
Si nous en sommes arrivés là, c'est parce que ce type d'urbanisme est resté déconnecté du code de l'urbanisme. Il a pu se déployer indépendamment des impératifs liés aux plans de déplacements et de la prise en compte des logements et des services et équipements publics.
Comment remédier à une telle situation ? Il faut d'abord être conscient des conséquences qu'elle implique, en particulier sur le plan commercial. Aujourd'hui, en France, les surfaces supérieures à 2 500 mètres carrés représentent 53 % des surfaces commerciales, pour reprendre les chiffres d'une étude d'Ubifrance. C'est là un record que nous partageons avec le Royaume-Uni, très loin devant les autres pays européens où la situation est beaucoup plus équilibrée. À l'inverse, nous sommes le pays de l'Union européenne où la proportion de surfaces inférieures à 400 mètres carrés est la plus faible : moins de 4 %. Nous avons deux fois plus de mètres carrés de surfaces commerciales pour 1 000 habitants qu'en Italie, mais trois fois moins de points de vente ! En d'autres termes, les surfaces considérables dont nous disposons ne contribuent en rien à renforcer la proximité.
L'enjeu essentiel du développement de la concurrence, qui est l'objectif visé par ce projet de loi, est de favoriser une plus grande diversité des distributeurs. Comment faire en sorte que les mètres carrés supplémentaires ou redistribués ne favorisent pas à nouveau les concentrations ou le renforcement des positions dominantes mais permettent au contraire de diversifier davantage l'offre, dans l'intérêt des consommateurs et de l'urbanisme en général ?
À cet égard, je suis très sensible au fait, madame la ministre, que vous ayez retenu notre proposition d'intégrer l'urbanisme commercial dans le code de l'urbanisme.
Cela prendra du temps certes, mais c'est la seule manière de parvenir à reconstruire des cités vivables, des cités soutenables, en un mot des cités durables, conformément aux conclusions du comité opérationnel « Urbanisme et environnement » du Grenelle de l'environnement.
Mon souci, vous le voyez, est de m'inscrire dans la continuité de la pensée politique gouvernementale qui, de la loi Chatel, du mois de janvier dernier, à la loi sur le Grenelle de l'environnement à venir, suit un fil rouge dont nous entendons bien reconnaître la présence à travers les diverses mesures proposées.
Pour conclure, permettez-moi trois observations.
Premièrement, je ne comprends pas, je le dis clairement, l'instauration d'un seuil de 15 000 habitants. Il permettra seulement aux villes dont la population excède ce seuil de s'exonérer de l'objectif fixé, pendant la période transitoire, en laissant faire n'importe quoi et surtout n'importe où.
Deuxièmement, puisque vous avez transformé la CDEC en CDAC, mettant l'accent sur l'« aménagement », soyons logiques jusqu'au bout supprimons la CNEC, la commission nationale de l'équipement commercial, …
… qui n'a plus aucune légitimité pour invalider les décisions des CDAC.
Rebasculons dans le droit commun en laissant remonter les recours jusqu'au Conseil d'État.
Troisièmement, l'un des enjeux majeurs de ce projet de loi, au-delà du développement de la concurrence et de la diversification que nous en attendons, est de savoir si demain nous serons capables de rebâtir un urbanisme susceptible de permettre un peu plus d'urbanité dans nos cités. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Avant de donner la parole au prochain orateur inscrit, je souhaite vous donner des précisions concernant les amendements. Au total, 1 481 amendements ont été déposés : sept par le Gouvernement, 146 par la commission des affaires économiques, 62 par la commission des finances, 49 par la commission des lois, 638 par le groupe UMP, 338 par le groupe SRC (Rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), 88 par le groupe Nouveau Centre, 139 par le groupe GDR, 1 par les non-inscrits.
Soixante-dix amendements ayant été retirés avant la séance et 91 ayant été déclarés irrecevables au titre de l'article 40, il en reste 1 320 en discussion.
Madame la présidente, madame, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, ce texte est riche et dense. Je regrette qu'une fois de plus, l'urgence ait été déclarée…
…et qu'il n'y ait donc qu'une seule lecture, alors que de nombreux ajustements seront nécessaires pour harmoniser les positions de l'Assemblée et du Sénat.
Malgré ce petit regret, je dois dire que je suis très satisfait de la manière dont le texte a été élaboré en amont. Ce fut, madame le ministre, exemplaire : nous avons disposé d'éléments précis suffisamment tôt pour que nous puissions travailler utilement. Votre cabinet, ceux des secrétaires d'État ainsi que les services de Bercy ont répondu avec diligence à nos demandes. C'est un modèle à suivre pour les lois à venir.
Ce texte est bien plus riche que ce que certains médias ou certains membres de l'opposition veulent bien le dire.
Le coeur de la loi de modernisation de l'économie est, pour moi, le titre Ier, qui libère les entrepreneurs et leur facilite la vie. Le chef d'entreprise est là pour développer son activité et non pour remplir de la paperasse et se faire des cheveux blancs au sujet des multiples contrôles dont il peut faire l'objet et qui lui font perdre un temps précieux.
Par ailleurs, la diminution des délais de paiement, autre mesure essentielle de cette réforme, va permettre de réinjecter, au profit de l'investissement et de la croissance, 35 milliards d'euros, qui servent actuellement à financer le crédit interentreprises.
Les PME françaises souffrent d'une faiblesse structurelle de leurs fonds propres, elles ne sont pas assez grosses. Et je ne peux que déplorer – ce que personne n'a fait – que les banques soient les grandes absentes de ce projet de loi alors que les défaillances proviennent en majorité de problèmes de trésorerie. La clé de notre économie, c'est d'avoir des PME saines et des chefs d'entreprises qui se consacrent pleinement à leur activité. C'est comme cela que l'on crée de la richesse, donc de la croissance et de l'emploi.
Une fois cette loi adoptée, le code de commerce sera plus court, ce qui est inédit car la tendance est plutôt à toujours plus de réglementation. Je crois profondément que cette direction est la bonne. Comme les chefs d'entreprise eux-mêmes le demandent, laissons les tranquilles, ne légiférons plus ou le moins possible, élaguons les réglementations complexes, qui ne font que brider l'activité économique, pour ne garder que les textes essentiels, car il faut un cadre et des garde-fous. Il n'y a rien de pire pour l'activité économique que l'instabilité et l'excès de réglementation.
Ma position est plus mitigée s'agissant du titre II. Les réformes qu'il propose, si elles vont dans le bon sens quant à leurs intentions, risquent d'être difficilement applicables.
Sur les relations commerciales, nous continuons à jouer au meccano, au point d'en arriver à un mikado en équilibre précaire, où le fait de retirer la moindre mesure risque de fragiliser l'ensemble. Nous en avons une magnifique illustration avec la proposition consistant à faire remonter sur la facture du fournisseur l'ensemble des services liés. Je comprends parfaitement l'intention politique qui sous-tend cette proposition mais elle se heurte, techniquement, à des difficultés fiscales et comptables.
Il en va de même de la réforme de l'urbanisme commercial, où l'on peut véritablement parler de timidité politique. Sans aller jusqu'au démantèlement complet du système actuel, comme le propose le rapport Attali, vous auriez pu esquisser d'autres pistes car, finalement, il n'est prévu rien d'autre que le maintien du système actuel, qui n'a pourtant donné satisfaction ni aux petits commerçants ni aux consommateurs. J'espère toutefois que les débats sur ce sujet permettront de dégager des pistes nouvelles et de traiter, notamment, du problème de la non-concurrence sur certaines zones de chalandise, qui est, à mes yeux, primordial. Il est parfois bon de prendre son temps pour déminer le terrain et échanger, à condition toutefois que cela débouche sur quelque chose, car en matière d'urbanisme commercial, il y a beaucoup de choses à faire évoluer.
Malgré ces réserves, j'estime que ce projet de loi est largement positif et c'est maintenant à nous, parlementaires, de l'enrichir et de le faire évoluer. Plusieurs amendements significatifs ont été déposés. Je regrette toutefois le retrait de l'amendement de notre rapporteur, Jean-Paul Charié, dont je salue le travail, sur l'introduction de l'action de groupe.
Cela a été annoncé en tout cas ! Et j'ai prévu des sous-amendements.
Depuis 2006, c'est une véritable arlésienne : on nous annonce à chaque fois cette mesure pour le texte suivant et on ne la voit jamais arriver.
Nous avons eu tout le temps de travailler sur cette question, de débattre, d'échanger. Le moment est venu de prendre nos responsabilités et d'aller de l'avant. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Je souhaite, madame la ministre, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, que nous puissions mener un travail de fond, et surtout, un travail de qualité, pour ne pas avoir besoin de revenir dans quelques mois sur certaines mesures qui auraient été mal ficelées. Mais au regard de la concertation qui a eu lieu et de la qualité des travaux menés en commission des affaires économiques, sous la présidence de Patrick Ollier, ce texte représente, quoiqu'on en dise, une grande avancée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je vous remercie, monsieur Tardy, d'avoir scrupuleusement respecté votre temps de parole.
La parole est à M. Jean Gaubert.
Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, le moins qu'on puisse dire c'est qu'on ne cesse de légiférer en ce domaine : depuis dix ans, pas moins de dix ministres auront laissé leur nom à des lois, sans compter la loi NRE votée sous notre majorité – mais nous n'avons pas le même sens de la propriété que vous.
Lois Raffarin, Galland, Dutreil – sur laquelle nous devions avoir un bilan que nous attendons toujours – …
…Chatel, Lagarde et sans doute Lagarde II, dans la mesure, où si j'ai bien compris, nous n'allons pas en finir avec le présent projet de loi. L'action de groupe n'est pas pour aujourd'hui mais pour plus tard, comme toujours.
On pourrait même dire qu'elle est repoussée aux calendes grecques.
Pour autant, nous avons matière à discuter.
S'agissant des relations commerciales, monsieur Chatel, votre loi est à peine appliquée et ses effets pas même connus, que vous légiférez déjà. C'est bien la preuve que vous-même considérez que ce que vous avez fait en décembre dernier n'avait pas beaucoup d'intérêt puisque vous êtes obligé de recommencer.
Le problème réside d'abord dans un déséquilibre criant entre les petites et les moyennes entreprises et la grande distribution : face à cinq centrales d'achat, des dizaines, voire des centaines de milliers de PME, aux marges très faibles, avoisinant les 0,6 %. Croyez-vous qu'il sera possible de gratter 3 %, 2 % voire 1 % dessus ? Non ! Je vous dirai tout à l'heure là où il serait possible de gratter mais je ne suis pas certain que vous en ayez l'envie. « On ne plume pas un coq qui n'a plus de plumes », dit un vieux dicton de chez moi. Eh bien, les entreprises qui fournissent la grande distribution sont bien souvent dans la situation du coq sans plumes.
Le déséquilibre provient aussi de méthodes d'un autre âge, qui continuent malheureusement de prospérer, qu'il s'agisse des pressions ou des menaces, comme l'a montré tout à l'heure Annick Le Loch. Vous savez bien vous-même que lors de certaines réunions, les chefs d'entreprise nous demandent s'il y a des journalistes dans la salle et nous font promettre de ne pas les citer.
C'est dire la confiance qu'ils ont en vous !
J'ai compris les mécanismes à l'oeuvre grâce à un directeur commercial à la retraite, qui m'a avoué qu'il ne m'aurait jamais fait ces révélations lorsqu'il était en activité. Quand des victimes n'osent pas porter plainte, de peur d'être tuées, non pas physiquement certes, mais économiquement, madame la ministre, messieurs les secrétaires d'État, cela a un nom : cela s'appelle un système mafieux. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Et un système mafieux, on ne le corrige pas, on l'interdit. Mais vous n'en avez pas le courage !
Alors, que faire ? Vous voulez faire baisser les prix de 2 % ? Ce n'est pas compliqué : interdisez la rémunération du référencement. Chacun sait que le référencement est une situation complètement abusive, surtout quand il se fait dans des pays étrangers.
Certains patrons de la grande distribution ont le culot de nous dire qu'ils sont en Suisse parce que les grandes entreprises sont là-bas. Mais ils font quand même du commerce en France ; il n'y a aucune raison que leurs centrales ne soient pas en France ? Ou plutôt, la vraie raison, c'est que cela permet d'aller investir ailleurs de l'argent qu'ils auront pris aux entreprises françaises.
Le référencement ne sert à rien sinon à avoir le droit d'aller présenter ses produits ailleurs. Vous avez donc là la possibilité de faire baisser tout de suite les prix de 2 %. Mais ni le projet de loi ni les amendements issus de l'UMP ne le prévoient.
Je suis d'accord avec votre constat, mais je ne partage pas vos conclusions !
Ensuite, ces grandes surfaces ne sont pas à proprement parler des commerces, mais des dépôts-ventes. J'entends certains nous dire : laissez-nous faire notre métier de commerçant. Mais être commerçant, c'est acheter un produit, le mettre en rayon, le mettre en valeur, faire de la publicité autour, le vendre et se débrouiller pour faire disparaître les invendus. Or ce n'est pas ce qui se passe dans la pratique : lorsqu'un produit n'est pas vendu, on demande à l'industriel de le reprendre ! Et si on l'a vendu, on paye le fournisseur beaucoup plus tard, et tout cela au détriment du consommateur et de l'industriel. Aujourd'hui, vous nous proposez de ne taper que sur l'industriel, et non sur le distributeur qui fait de tels bénéfices.
Enfin, quand on est commerçant, on paie tous ses salariés. Or, dans le cas qui nous occupe, une partie des salariés est payée par les fournisseurs.
La question n'est pas de savoir si le seuil d'autorisation des nouvelles grandes surfaces passera de 300 à 500, 600 ou 1 000 mètres carrés, mais de laisser aux élus locaux le soin de définir des règles d'urbanisme commercial qui ensuite seront opposables aux industriels mais aussi aux élus qui les auront choisies et ne pas considérer qu'on pourra aller à la CDEC quand on en aura envie.
Les élus doivent pouvoir décider du style d'urbanisme commercial qu'ils souhaitent dans leur secteur et entreprendre d'y sauver le petit commerce, mais en anticipant, dans le cadre d'un schéma réfléchi.
Pas tout à fait, monsieur le président, et nous aurons l'occasion d'y revenir et de vous montrer la différence entre les propositions que nous faisons et les vôtres. Certes, vos propositions constituent une avancée, mais ce sont des demi-mesures, comme le fait souvent votre majorité, qui nous obligeront à revenir ici dans un ou deux ans pour les corriger. Cette fois encore, vous n'avez pas l'intention d'aller jusqu'au bout et c'est très dommage. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, depuis plus de trente ans les règles qui régissent ce que l'on appelle en France l'urbanisme commercial sont en fait une police de la concurrence. Ce mélange des genres aboutit à une totale inefficacité.
Comme c'est le cas pour toute politique malthusienne, la fixation de seuils a créé des effets pervers. On a voulu protéger le petit commerce ; on a finalement renforcé les grands de la distribution. On a voulu éviter le mitage des villes et des campagnes ; on a favorisé l'étalement urbain.
Du seul point de vue commercial, le client est perdant car s'il a l'abondance, il a de moins en moins le choix, qui constitue l'une des clés fondamentales de la concurrence, comme cela a été rappelé tout à l'heure. Le fournisseur lui aussi est perdant car il est captif des centrales d'achat.
Il était donc grand temps de remettre du bon sens et de la lisibilité dans ce domaine. C'est pourquoi je remercie le Gouvernement.
D'un côté, la police de la concurrence doit être exercée par une autorité pourvue des moyens nécessaires. De l'autre, l'urbanisme commercial en tant que tel doit prendre toute sa place dans l'aménagement de nos territoires. C'est dans ce sens que nous souhaitons qu'évolue le projet de loi.
Sur cette question de la police de la concurrence, il arrive fréquemment de ne trouver, pour des raisons historiques, qu'un seul distributeur dans une zone de chalandise donnée. Peut-être que ce distributeur abuse de cette position dominante pour bloquer l'installation d'autres enseignes. Il est donc important que l'autorité de la concurrence créée par ce projet de loi puisse être interpellée sur ce point et veille strictement sur la liberté d'implantation d'éventuels concurrents, là où il y a une position dominante avérée sur un plan très local.
Venons-en à la question de l'urbanisme commercial car l'installation d'un commerce ou d'une zone commerciale reste avant tout un acte d'urbanisme.
Que seraient les grandes surfaces si l'on avait limité l'installation des parkings à la périphérie des villes ? Que sera demain la grande distribution avec un baril de pétrole à 200 dollars ? Comment s'organiseront les nouvelles formes de commerce ?
On le voit, le commerce est indissociable des politiques de déplacement, d'habitat, de développement économique, de développement durable, de coeur d'agglomérations ou encore de préservation des espaces naturels.
Ces règles doivent être débattues, édictées et votées par des assemblées légitimes, communes ou groupements de communes. Elles doivent être énoncées dans un document clair et opposable aux tiers. Elles ne doivent surtout pas être seulement établies au fil des avis rendus par les futures CDAC.
C'est pourquoi j'appelle de mes voeux, au plus vite, l'élaboration de documents d'aménagement commercial intégrés aux SCOT et opposables aux tiers dans les plans locaux d'urbanisme. Ils aideront à concilier la dynamique commerciale avec le développement harmonieux des territoires, qu'ils soient urbains, ruraux ou touristiques. En revanche, s'ils doivent veiller à la forme que doit revêtir le commerce dans une zone donnée, ils n'ont pas à trancher entre commerce de proximité et grandes surfaces. N'oublions pas que, de ce point de vue, notre guide doit être le consommateur. C'est lui qui choisit. Notre rôle est de nous assurer qu'il conserve bien cette liberté de choix.
Pour ma part, je suis convaincu que les difficultés de nos commerces artisanaux tiennent aux entraves qui pèsent sur les très petites entreprises, notamment en termes de reprise.
Qui n'a pas entendu autour de lui des artisans déplorer le manque de candidats à la reprise de leur commerce ?
Les jeunes préfèrent souvent le confort des payes et des horaires réguliers des supermarchés plutôt que de reprendre une exploitation commerciale dans un village.
Aujourd'hui la création de richesses n'est pas bien valorisée par le statut du travailleur indépendant. De ce point de vue, le titre Ier répond opportunément à ce qui fait justement débat dans le titre II puisque le projet apportera une bouffée d'oxygène...
..à l'entreprise personnelle ce qui aidera considérablement les artisans et les commerçants individuels. Leur efficacité économique en sera renforcée.
Ces mesures sont beaucoup plus pertinentes pour les aider à affronter la grande distribution que la notion de seuils de mètres carrés qui, depuis trente ans, ne sont qu'un pis-aller.
Nos voisins soulignent souvent ce paradoxe français : une formidable capacité à créer, à innover, à relever des défis et, dans le même temps, le chic pour réglementer, normaliser, contraindre et finalement suradministrer notre économie.
Donnons de l'air à notre économie et à tous ceux qui croient en elle. Ce texte va dans le bon sens et il restaure un principe qui m'est cher : ayons confiance en nous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Dans un contexte international difficile, avec une croissance mondiale qui ralentit, en particulier aux États-Unis, un prix du pétrole qui atteint de nouveaux records et une évolution de l'euro qui pèse sur la compétitivité des entreprises, les mesures courageuses et responsables adoptées par notre majorité font que l'économie française résiste mieux que beaucoup d'autres.
Pour assurer notre avenir, nous devons poursuivre sans relâche dans la voie des réformes. Le chemin n'est pas facile mais c'est le seul possible pour atteindre notre but : relancer durablement la croissance et le plein-emploi.
La loi de modernisation de l'économie qui nous est proposée s'inscrit parfaitement dans cette démarche en libérant les énergies et en favorisant la concurrence. C'est une initiative heureuse, saluée par Bruxelles, à l'heure où certains, à gauche, découvrent enfin les vertus du libéralisme et de l'économie de marché.
Mais prôner le libéralisme, ce n'est pas tout laisser faire, comme certains essaient encore de le faire croire, dans une caricature grossière. C'est d'ailleurs l'une des caractéristiques de ce texte : avoir su proposer des mesures fortes d'initiative et de liberté dans le cadre d'une économie qui reste régulée.
Cette idée sous-tend en particulier la deuxième partie, celle sur la concurrence, qui doit nous permettre de relever quatre défis.
Le premier est celui de la liberté des prix. L'interdiction des discriminations telle qu'elle était conçue en France depuis 1958 et 1973 ne permettait pas de faire jouer pleinement la concurrence et ce, au détriment du consommateur.
Suivant en cela l'avis que le Président de la République avait demandé à Mme Marie-Dominique Hagelsteen, ancienne présidente du Conseil de la concurrence, le présent projet de loi instaure la libre négociabilité des prix tout en appréhendant les éventuels abus dans la négociation entre fournisseurs et distributeurs par une réécriture de plusieurs articles du code de commerce.
Nul doute qu'il s'agit là d'une avancée majeure qui vient utilement compléter la loi du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service du consommateur.
Autant il est important de réussir cet objectif, qui passe par la suppression de l'interdiction des discriminations, autant il doit se faire de manière réaliste et progressive. Une application trop brutale de ces mesures conduirait non seulement à une mauvaise mise en oeuvre de notre réforme, mais surtout à des perturbations graves dans les relations professionnelles et dans la gestion de l'appareil productif français.
C'est pourquoi je soutiendrai les amendements qui assureront un minimum de garde-fous contre les abus éventuels de la liberté de négocier, en particulier à l'égard des PME, des producteurs agricoles et des pêcheurs, et un étalement du calendrier de la réforme qui respecte le processus industriel lancé en cours d'année.
Le deuxième défi à relever est complémentaire du précédent. Il s'agit de faire évoluer les structures mêmes du marché en rétablissant la concurrence là où elle a disparu. Car si les prix sont plus élevés en France que chez plusieurs de nos voisins, cela tient pour beaucoup à la structure même de la concurrence qu'il faut impérativement faire évoluer. Je souhaite personnellement qu'une attention particulière soit portée à ce point au cours de nos débats, en donnant les moyens à la nouvelle autorité de concurrence d'agir efficacement à l'échelle des marchés locaux dont on sait que beaucoup souffrent de situations de monopole gravement préjudiciables pour le consommateur.
Le troisième défi est celui de l'effectivité de l'intervention de l'État dans ce domaine.
Malgré de nombreuses réformes, le titre IV du livre IV du code de commerce, sur les pratiques restrictives de concurrence et la transparence tarifaire, est trop souvent resté inappliqué. De nombreuses fautes ne sont pas ou insuffisamment sanctionnées.
D'où un renforcement nécessaire des amendes civiles proposé par le texte, renforcement qui devrait s'accompagner de critères sur l'importance du gain réalisé et la gravité de la faute. Or ces critères manquent dans le droit positif et dans le projet initial, qui sont pourtant indispensables pour guider les juges si l'on veut qu'ils rendent une décision efficace et adaptée.
Enfin, le quatrième défi, le plus important peut-être, est celui de l'équité. Il faut, certes, plus de liberté, mais aussi des mesures fortes pour préserver le commerce de proximité et pour soutenir les territoires qui en ont le plus besoin : les territoires ruraux, certains territoires urbains mais aussi les territoires touristiques, surtout quand ils ont l'ambition de vivre quatre saisons, comme c'est le cas au Touquet. (Rires et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Quatre défis, cela justifiait bien la mobilisation de quatre ministres pour défendre une réforme importante que je soutiens et qui répond concrètement aux préoccupations des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, cette loi de modernisation de l'économie s'inscrit, selon les termes mêmes du conseil des ministres du 28 avril dernier, dans une politique « en faveur de la croissance, de l'emploi et du pouvoir d'achat ». Qui s'opposerait à un tel programme, qui rappelle les promesses des candidats aux élections présidentielles de l'année dernière – et d'abord, bien entendu, celles, à ce jour non tenues,…
…du vainqueur, qui entendait être le président du pouvoir d'achat ? Aujourd'hui, plus d'un an après l'élection, la réalisation de ces belles promesses passerait donc par l'adoption par le Parlement du présent projet de loi ! Encore faudrait-il que celui-ci tienne pleinement compte de la diversité du terrain et qu'il prévoie dès maintenant les conséquences concrètes qu'auront les dispositifs envisagés sur la vie de nos concitoyens, quel que soit leur territoire.
De ce point de vue, ce texte peut mieux faire. Mais en l'amendant ensemble, mes chers collègues, nous pouvons l'améliorer ! En effet, si l'on se fixe comme objectif le maintien du commerce de proximité et des petits commerces qui font vivre nos territoires, il faut prendre en compte les besoins spécifiques de ces derniers en matière d'emploi et d'activité économique. Tel est le sens des amendements déposés par les membres du groupe d'études sur la montagne, que préside notre collègue Joël Giraud,…
…et soutenus par les députés radicaux de gauche, qui les ont repris à leur compte. Joël Giraud étant des nôtres, cela ne surprendra personne !
Ces amendements rappellent ainsi fort justement que l'implantation des grandes surfaces n'a pas le même impact en milieu rural ou montagnard qu'en agglomération, et proposent en conséquence de revenir au seuil des trois cents mètres carrés lorsque la densité de population est particulièrement faible. Ils tendent en outre à éviter que cette implantation s'affranchisse des documents d'urbanisme, notamment des schémas de cohérence territoriale bâtis par les élus.
En outre, la modernisation de l'économie – puisqu'il s'agit de cela – impose, dans le secteur du tourisme ou de l'agriculture par exemple, que l'on prenne enfin en compte la situation particulière des travailleurs saisonniers et des pluriactifs, véritables forces vives de nos territoires ruraux et ultramarins.
En général, malheureusement, ceux-ci ne bénéficient pas d'une convention d'assurance-chômage adaptée, puisque celle-ci les fait sombrer dans la précarité au troisième contrat consécutif, alors même qu'ils ont cotisé ! Selon nous, cette convention doit être dénoncée et renégociée au plus vite ; c'est du reste ce que propose l'un de nos amendements. Quelle est à cet égard la position du Gouvernement et de la majorité ? Que proposez-vous ? N'y a-t-il pas là matière à une véritable modernisation ?
Si cet impératif d'adaptation autant que de modernisation intéresse la montagne et les territoires ruraux en général, il concerne a fortiori les territoires géographiquement les plus isolés, en particulier les collectivités d'outre-mer. C'est pourquoi je défendrai, avec de nombreux collègues d'outre-mer, un amendement visant à maintenir à trois cents mètres carrés le seuil nécessaire pour la demande d'autorisation préalable d'implantation d'une grande surface, afin de tenir compte de nos spécificités : dans beaucoup de nos territoires, les contraintes démographiques et géographiques ne permettront jamais l'installation des surfaces supérieures aux mille mètres carrés qu'évoque le texte.
Dans le cas de Saint-Pierre-et-Miquelon, la nécessité d'adapter les dispositions prévues est peut-être encore plus flagrante. Ainsi, fixer à soixante jours le plafond légal des délais de paiement ne tient pas compte de la durée de l'acheminement des marchandises jusqu'à l'archipel. Une telle mesure serait désastreuse pour l'économie locale, qui connaît déjà beaucoup de difficultés, et pour le pouvoir d'achat des Saint-Pierrais et Miquelonais, le coût de la vie dans l'archipel étant bien plus élevé qu'en métropole. Vous ajouteriez ainsi du handicap au handicap et de la difficulté à la difficulté ! C'est pourquoi je proposerai, sur ce sujet, des amendements auxquels je tiens tout particulièrement. J'espère que le Gouvernement les acceptera, de même que d'autres déposés par l'ensemble du groupe SRC ou par mes seuls collègues radicaux de gauche, afin que ce texte puisse être très sensiblement amélioré, au bénéfice de tous nos concitoyens, où que soit leur lieu de résidence sur le territoire de la République.
Pour conclure, je signalerai à Mme la ministre, à MM. les secrétaires d'État et à mes collègues de la majorité que moderniser et réformer ne revient pas nécessairement à tout changer, et que tout changer n'a jamais voulu dire tout améliorer. La modernité, ce n'est pas nécessairement ce qui est nouveau ; c'est ce qui marche, ce qui fonctionne, ce qui fait progresser la société dans son ensemble. Or, eu égard à la grosse panne que connaît notre économie depuis cinq ans et au sérieux recul du pouvoir d'achat de nos concitoyens depuis près d'un an, on ne peut qu'être dubitatif face aux chemins de la modernité et de la réforme sur lesquels vous voulez entraîner notre pays. À moins que vous n'ayez choisi de faire vôtre la célèbre maxime : « Il faut que tout change pour que rien ne change » ? Si tel n'est pas le cas, prouvez-le, et acceptez que nous travaillions ensemble, dès le début de l'examen des articles, à l'amélioration concrète de ce texte. Pour ma part, j'y suis prête ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, à l'occasion de cette discussion générale, le premier point que je souhaite aborder concerne la réduction des délais de paiement, prévue à l'article 6.
Dans notre pays, la sous-traitance est très importante : ce secteur regroupe près de 34 000 entreprises, pour un chiffre d'affaires global approchant les 74 milliards d'euros, ce qui nous place au deuxième rang européen, juste derrière l'Allemagne. Or, en octobre 2005, la Commission permanente de concertation pour l'industrie avait noté notre retard en la matière, les délais de paiement étant plus longs en France que dans les autres pays européens – jusqu'à cent cinquante jours dans certaines filières. Cette situation affecte surtout les TPE et les PME, dont les clients maintiennent, voire augmentent les délais de règlement, alors qu'elles règlent, quant à elles, leurs fournisseurs plus rapidement. Elles supportent ainsi une part croissante du crédit interentreprises, au détriment de leur santé financière, de leur croissance, de leur embauche et donc de leur développement. On ne le dit pas assez, mais les entreprises françaises consentent 600 milliards d'euros de crédit à leurs clients, soit plus de quatre fois ce que l'ensemble du réseau bancaire consent aux entreprises au titre du crédit commercial. Le législateur doit donc intervenir pour réglementer sévèrement ces pratiques.
C'est d'ailleurs ce que nous avons déjà fait dans le secteur des transports. En 2006, François Loos, alors ministre délégué à l'industrie, m'avait ainsi confié une mission afin d'étudier une éventuelle réduction du délai standard de paiement pratiqué dans les filières industrielles, en particulier dans la filière automobile. Sur la base de mes propositions, la Fédération des industries mécaniques, la Fédération des industries des équipements pour véhicules et le Comité des constructeurs français d'automobiles ont signé début 2007 un accord décisif favorisant la réduction des délais de paiement dans la filière automobile.
Pendant un an, j'ai travaillé sur ce dossier et j'ai été frappé, monsieur Gremetz,… (Exclamations et rires sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
…par le fait que, depuis 1980, aucun gouvernement n'avait osé s'attaquer aux délais de paiement ! Comme il y a toujours eu de bonnes raisons de les allonger – la nature saisonnière des paiements étant à mon sens la seule valable –, ils n'ont cessé d'augmenter, jusqu'à atteindre cent cinquante jours. Les délais de paiement sont ainsi devenus une donnée commerciale, un moyen de chantage entre donneurs d'ordre et clients, sans aucune transparence. Il n'y a ni logique de filière, ni égalité de traitement entre les acteurs, les sous-traitants étant particulièrement vulnérables ; et chacun s'accorde à reconnaître une disparité totale au niveau européen.
En juillet dernier, j'en ai discuté, à sa demande, avec M. Novelli.
Je tiens à 1'en remercier, de même que je vous remercie, madame la ministre, de ce que vous avez dit hier après-midi de mes travaux. Je me réjouis de voir aujourd'hui le Gouvernement reprendre le problème à son compte, et vous félicite pour votre courage.
Toutefois, je rappelle qu'il est difficile, voire impossible, pour une entreprise de dénoncer à la DGCCRF les pratiques antiéconomiques de clients qui assurent la plus grande part de son chiffre d'affaires. Afin d'y remédier, j'ai déposé un amendement visant à ce que le rapport annuel des commissaires aux comptes mentionne des indicateurs de performance relatifs aux délais et aux retards de paiement.
En cas de non-respect des nouvelles dispositions, les commissaires aux comptes pourront adresser leur rapport au tribunal de commerce compétent, se dédouanant ainsi de leur relation commerciale avec le donneur d'ordre. (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Cet acteur extérieur à l'entreprise semble en effet être le mieux placé pour signaler les éventuels manquements aux obligations légales. Je remercie M. le rapporteur d'avoir retenu cette proposition, qui figurait déjà dans mon rapport en 2006, et de bien vouloir défendre l'amendement en application de l'article 88 du Règlement.
Pour conclure, madame la présidente, j'évoquerai l'équipement commercial, détaillé aux articles 27 et suivants du projet de loi.
En ma qualité de président de l'Association nationale des élus de la montagne – qui rassemble de nombreux élus sur l'ensemble de ces bancs, et dont deux anciens présidents, MM. Michel Bouvard et Patrick Ollier, sont avec nous ce soir –, je considère que la question de l'équipement commercial des territoires, et plus particulièrement des territoires ruraux, touristiques ou de montagne, revêt une importance capitale.
En effet, compte tenu des difficultés de déplacement en montagne – dues à l'escarpement du relief et aux rigueurs climatiques –, le maintien de commerces de proximité y constitue un facteur essentiel d'ancrage des populations et, partant, représente un enjeu très important en matière d'aménagement du territoire. Je souhaite donc, au-delà du débat relatif aux seuils, que l'urbanisme commercial ne soit pas dissocié de l'urbanisme au sens large.
Or, je le rappelle, cet urbanisme a été décentralisé, au niveau des PLU pour les maires et au niveau des SCOT pour les intercommunalités. Je crois, sur ce point, traduire la position d'une large majorité des membres de l'Association nationale des élus de la montagne. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les secrétaires d'État, monsieur le président de la commission des affaires économiques, messieurs les rapporteurs, chers collègues, vu l'heure tardive de mon intervention, je risque de commettre beaucoup de redites. Je vous prie de m'en excuser.
Ce texte est très ambitieux, puisqu'il a comme objectif de soutenir durablement la croissance française dans un contexte international difficile. Si je souscris pleinement à nombre de ses dispositions, trois points me paraissent hautement problématiques.
Le premier concerne la simplification de la vie des entreprises et des entrepreneurs. Cet objectif, parfaitement louable, ne doit pas ignorer la réalité du terrain, ni créer des situations d'insécurité. De ce point de vue, je considère qu'on ne fait pas assez pour soutenir l'investissement des entrepreneurs. Les banques, notamment, ne jouent pas leur rôle lorsqu'elles exigent des entrepreneurs des garanties s'élevant parfois à 180 % des prêts accordés. Aujourd'hui, personne ne répond aux besoins des entrepreneurs : ni les banques, ni les fonds de garantie ou de caution. Si l'on veut libérer l'envie d'entreprendre, il convient de la soutenir financièrement. Selon moi, le texte ne va pas assez loin sur ce plan, même s'il s'agit moins d'un problème de législation que d'état d'esprit.
En outre, il ne faut simplifier que si cela apporte quelque chose. Parfois, le mieux est l'ennemi du bien : tel est le cas de l'article 14 du projet, qui crée une insécurité juridique – mais j'aurai l'occasion d'y revenir. Les nouvelles prérogatives des commissaires aux comptes ne compenseraient pas les conséquences néfastes que ne manquerait d'avoir cet article s'il entrait en vigueur. Je m'étonne du reste, madame la ministre, que vos services aient pu changer si radicalement de position en six mois !
Le deuxième point concerne la négociabilité des conditions générales de vente, qui met en péril une grande partie de notre industrie, notamment le secteur agroalimentaire. Dans le contexte actuel de mondialisation et de croissance de la demande en produits agroalimentaires, il me semble important de conserver notre appareil de production, son savoir-faire et ses produits, en particulier ceux qui bénéficient de labels de qualité, d'appellations d'origine contrôlée ou d'indications géographiques particulières.
Ce secteur connaît du reste d'importantes difficultés. Ainsi, le résultat des PME agroalimentaires a été, à chiffre d'affaires égal, 3,7 fois inférieur aux résultats dégagés en 2006 par les grandes entreprises de l'agroalimentaire et vingt fois inférieur en 2005 à celui de l'ensemble des entreprises françaises, tous secteurs confondus. Par ailleurs, le taux de mortalité des PME françaises de l'agroalimentaire est 5,6 fois supérieur au taux moyen de mortalité de l'ensemble des entreprises françaises.
Nous devons prendre ces faits en considération car l'amélioration du pouvoir d'achat de nos compatriotes et la recherche de croissance supplémentaire ne sauraient se faire au détriment ni de l'emploi ni du savoir-faire de nos PME locales. J'ai le sentiment que le texte est plus destiné à satisfaire les grands groupes de la distribution ou les grands groupes industriels, où il est plus facile de pantoufler,…
…qu'à protéger, avec nos productions, l'indépendance alimentaire de notre pays. La France n'a pas vocation à devenir un pays où l'on mange des produits standardisés distribués par la grande distribution : il doit demeurer celui de la gastronomie et du bien manger. Il est donc indispensable de favoriser nos productions locales de qualité et nos petits industriels, ce qui, du reste, s'inscrit parfaitement dans le contexte d'une consommation durable.
Enfin, les mesures qui touchent à l'urbanisme commercial ne me paraissent pas de nature à assurer la concurrence et donc la baisse des prix des produits. Aujourd'hui, ce n'est pas le développement de nouvelles grandes et moyennes surfaces, ni celui de hard discounts aux produits de qualité inférieure, qui peut améliorer le pouvoir d'achat, mais la mise en place d'une nouvelle carte de la distribution permettant à tous les Français de bénéficier, dans leur zone de chalandise, d'une concurrence effective.
Qu'est-ce qui empêche en effet aujourd'hui la grande distribution de baisser ses prix ? Rien, sinon son appétit pour les marges importantes dont elle peut bénéficier du fait de sa puissance d'achat, de l'atomisation des fournisseurs potentiels et du partage de l'hexagone auquel les différentes enseignes se sont livrées. Si, comme certains de ses hérauts cherchent à le faire croire, la grande distribution voulait redonner du pouvoir d'achat, elle disposerait à cette fin de tous les outils nécessaires, que ce soit dans le secteur alimentaire ou dans le secteur du bricolage. Qu'attend-elle ?
De plus, la multiplication des surfaces de vente me semble en totale contradiction avec la politique d'aménagement du territoire menée depuis plusieurs années en vue de sauvegarder dans nos communes des commerces de proximité, qui constituent autant de pôles d'animation et de vie alors même que les services publics tendent eux aussi à abandonner les zones rurales. Certes, pour le consommateur, cela a un coût mais, comme le dit une habitante de ma circonscription, il vaut mieux payer un peu plus cher et conserver nos commerces dans nos villages. Mettre fin à cette politique reviendrait à gaspiller les fonds publics qui ont été investis en vue de favoriser le maintien des commerces en zone rurale. C'est à mes yeux inacceptable et c'est pourquoi je suis opposé au développement des entreprises de la grande distribution dans nos petites communes.
Sans oublier l'impact néfaste que peut avoir l'installation d'une entreprise de la grande distribution sur le territoire d'une commune sur les entreprises artisanales qui y sont déjà implantées : peut-être cette installation fait-elle baisser légèrement les prix mais elle entraîne surtout la disparition des concurrents boulangers, bouchers ou libraires et des emplois correspondants, du fait que les obligations légales ne sont pas les mêmes. En effet, la convention professionnelle des boulangers ne s'applique pas à ceux qui font du pain dans les supermarchés ou celle des bouchers à ceux qui exercent dans une enseigne de la grande distribution.
Il convenait de rappeler ces différents points avant d'exprimer ma satisfaction d'avoir été entendu, ainsi que mes collègues des circonscriptions rurales, sur le rôle nécessaire qu'il convient de laisser au maire en matière d'urbanisme commercial. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs de la Gauche démocrate et républicaine.)
La discussion générale est close.
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires économiques, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, je tiens tout d'abord à vous remercier toutes et tous pour l'extraordinaire qualité de vos interventions respectives,…
…ce qui prouve tout à la fois l'importance du projet de loi et l'urgence qu'il y a à en débattre.
J'ai la conviction que, sinon nous-mêmes, du moins notre économie sortira enrichie de nos débats et que les consommateurs français, c'est-à-dire nos concitoyens, en bénéficieront directement.
C'est un sujet qui passionne à juste titre tous ceux qui s'approchent de près ou de loin du texte. M. le président de la commission des affaires économiques nous a demandé de faire preuve d'audace tandis que le rapporteur pour avis, M. Éric Ciotti, promet de l'esprit d'initiative et que M. le rapporteur pour avis, M. Nicolas Forissier, nous incite même à faire une loi de modernisation de l'économie tous les ans ! Quant à vous, monsieur Charié, qui êtes le rapporteur du projet de loi, vous avez mille fois raison de nous appeler au bon sens économique et à la loyauté dans les pratiques commerciales.
Je suis heureuse d'avoir entendu dans la bouche des différents rapporteurs que les débats au sein des différentes commissions avaient largement dépassé les clivages politiques : c'est ce à quoi, monsieur le rapporteur, vous nous appelez en indiquant que ce texte n'est ni de droit ni de gauche…
…et qu'il n'est pas destiné à opposer les petits et les grands, les commerçants de proximité et les grandes surfaces,…
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. C'est un peu hâtif !
…mais tout simplement à réconcilier l'ensemble des Français avec l'esprit d'entreprise et plus de concurrence.
Avec la loi de modernisation de l'économie, nous engageons des réformes de structures fondamentales pour l'avenir de notre pays. Or, en la matière, notre choix est clair : plus d'entreprises, plus de concurrence et plus d'attractivité.
Je comprends que cette politique économique ne plaise pas à tout le monde !
Ce n'est pas qu'elle ne nous plaît pas, c'est que nous n'y croyons pas !
D'autres préféreraient plus d'État, plus de réglementation et plus de contrôle. Ce n'est pas le choix que nous avons fait. Nous avons opté, me semble-t-il, pour la raison, pour le bon sens économique et pour la loyauté dans les pratiques commerciales afin de faire souffler un vent de liberté sur notre économie en lui permettant de libérer ses énergies…
…sans créer de nouvelles entraves.
Cette loi, on le sait, va simplifier…
…la vie des entrepreneurs qui auront moins de contraintes, de formalités et de paperasserie, comme celle des commerçants, qui auront davantage de liberté pour s'installer et pour négocier leurs prix. Mais, surtout, elle changera la vie quotidienne de tous les Français, qui auront la liberté de créer plus facilement une activité indépendante ou de choisir le mode de distribution qui leur conviendra, en fonction des prix, de la proximité ou de la qualité du service. Elle profitera également à ceux qui voudront faire des semaines de soldes aux époques qui leur conviendront, ainsi qu'à tous les Français en matière d'accès à l'ADSL ou au très haut débit – nous y reviendrons. Enfin, elle donnera la liberté à ceux qui voudront utiliser les services du livret A de se rendre auprès de l'établissement bancaire de leur choix.
Je souhaite revenir, thème par thème, à chacun des points que vous avez évoqués.
En ce qui concerne la méthode de travail, je tiens à souligner l'apport des amendements dits « Ollier » – dont la dénomination recouvre en fait, des propositions que nous devons également à M. le rapporteur et à Mme Vautrin.
La discussion générale nous a permis d'entendre un très grand nombre d'arguments forts et de raisonnements subtils sur certaines questions. Toutefois, avant d'y revenir, je tiens à exprimer ma sincère et chaleureuse gratitude à M. Patrick Ollier : grâce à vous, monsieur le président, dans le cadre d'une véritable coproduction législative,…
…nous avons pu faire évoluer le travail de coopération entre le Gouvernement et la majorité, entre le Gouvernement et votre commission.
Sur le sujet, ô combien sensible et complexe, de l'urbanisme commercial, vous avez conduit les débats au sein de la commission des affaires économiques de manière à faire surgir les bonnes idées et à les conforter, les confronter et les expertiser. Avec Mme Catherine Vautrin, vous avez permis l'instauration d'un vrai débat avec le groupe de la majorité.
Qui plus est, les débats dépassant largement les clivages partisans, vous avez également réussi à dégager une synthèse autour de trois amendements clés qui, je l'espère, nous ouvriront la voie de la réconciliation entre la proposition pure et simple du relèvement des seuils et l'ambition parfaitement légitime de tous les édiles locaux de gérer leur urbanisme local et de décider si leur coeur de ville doit battre au rythme des petits commerçants et des commerçants de proximité ou, au contraire, à un rythme différent.
Ces amendements constitueront, si j'ai bien compris votre argumentation, trois outils majeurs à la disposition de tous les maires. Ils rappellent combien les articles 26 et 27 du projet de loi doivent être lus ensemble : l'article 26, je vous le rappelle, dédié au FISAC, permettra de mieux aider les commerces de proximité, tandis que l'article 27 autorisera des mètres carrés de grandes et de moyennes surfaces plus concurrentielles, non pas nécessairement en périphérie de ville, comme certains d'entre vous l'imaginaient, mais plutôt au coeur de nos villes, qu'il s'agisse de villes grandes ou moyennes, car c'est dans cette direction que s'oriente le commerce.
Le premier de ces trois amendements prévoit que, dans les communes de moins de 15 000 habitants, le maire pourra saisir la CDAC – commission départementale d'aménagement commercial – avant d'accorder le permis de construire sollicité pour un magasin d'une superficie comprise entre 300 et 1 000 mètres carrés. La question de la durée d'instruction actuelle a été également évoquée : les délais devront être brefs.
Le deuxième amendement vise à étendre le droit de préemption aux cessions de terrains destinés à l'aménagement commercial dans les centres villes pour des superficies comprises entre 300 et 1 000 mètres carrés. C'est une bonne idée ; elle aura pour mérite de permettre aux communes de résorber plus rapidement leurs friches commerciales – je reviendrai sur le sujet, madame Vautrin – afin de rendre leurs centres-villes plus animés et plus attractifs.
C'est, si je me souviens bien, le 26 décembre 2007 que le décret sur le droit de préemption a été publié. Tout maire peut donc désormais l'exercer.
Il est parfaitement exploitable ! Nous aurons du reste l'occasion d'en débattre largement lorsque nous examinerons cet amendement.
J'ai déjà usé sept fois de ce droit cette année ! Il faut simplement avoir de l'imagination !
Enfin, le troisième amendement vise à assurer l'exercice effectif de ce droit en proposant que les intérêts des emprunts souscrits par les communes dans ce cadre soient pris en compte dans les crédits du FISAC. Cette mesure, qui permettra aux petites communes, qui sont les moins à l'aise sur le plan financier, de préserver elles aussi la diversité commerciale de leur centre-ville ou de leur centre-bourg, reçoit évidemment toute mon approbation.
Vous avez travaillé, je le sais, à un autre amendement, dont l'adoption me paraît tout à fait souhaitable car il doit entrer dans la panoplie des outils à la disposition du maire : c'est celui qui vise à lui permettre de saisir le Conseil de la concurrence, baptisée désormais Autorité de la concurrence, qui sera dotée de pouvoirs renforcés, notamment en matière de sanctions. Elle aura également le pouvoir d'obtenir trois fois la répétition de l'indu ou de prononcer des mesures tout à fait spécifiques, notamment d'injonction, chaque fois que cela sera nécessaire, dans l'hypothèse, toujours possible, d'un abus de dépendance économique ou de position dominante.
C'est munis de l'ensemble de ces outils, prévus par les amendements que vous avez évoqués, que, je l'espère, nous pourrons avoir un débat utile et informé, afin de concilier une plus grande concurrence par le relèvement des seuils et la maîtrise par les maires de l'urbanisme de leur commune, dans le cadre de l'utilisation alternative ou cumulative de ces trois outils.
Ce résultat, je le répète, est l'illustration concrète de ce qu'est une véritable coproduction législative et je tiens, de nouveau, à vous remercier, monsieur le président de la commission et à remercier Catherine Vautrin ainsi que tous ceux d'entre vous qui ont souligné, dans leur intervention, à quel point cette méthode d'élaboration du projet de loi était productive.
Je vous remercie, monsieur le président. (Sourires.)
Je vous remercie, monsieur le rapporteur. (Sourires.)
Le chiffrage de l'impact de la loi a été évoqué par Jean-Michel Clément et Jean-Pierre Brard – je regrette d'ailleurs que ce dernier ne se trouve pas en ce moment sur ces bancs,…
…même si je ne doute pas qu'il nous regarde en ce moment sur la chaîne parlementaire. Je crois pour ma part aux chiffres et, contrairement à ce que suggérait M. Brard, je ne sors pas tous les matins ma boule de cristal pour savoir ce que rapportera telle ou telle mesure.
Les expertises auxquelles nous avons procédé m'amènent à penser que ce texte est susceptible de générer, à partir de l'exercice 2009, un complément de produit intérieur brut équivalent à 0,3 point et, probablement, la création de 50 000 emplois – et même, j'espère, un peu plus. Nous escomptons que ces résultats se poursuivront au même rythme pendant cinq années consécutives.
J'attire votre attention sur le fait que ces ordres de grandeurs ne sont pas sortis d'un chapeau ni évalués au doigt mouillé : ils sont tout simplement le fruit de l'expertise des services de mon ministère.
Or ces chiffres sont probablement modestes au regard de ceux auxquels d'autres experts sont parvenus – je pense aux chefs économistes de HSBC qui estiment que cette seule loi générera un surplus de 0,4 point de produit intérieur brut.
Je signale au passage à ceux qui craignent que le chiffre de 1 point supplémentaire de croissance ne soit inaccessible, que si l'on ajoute 0,3 point de croissance dû aux effets de la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat – et alors que nous mettons en particulier le paquet sur les heures supplémentaires –,… (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
…au 0,3 point de croissance que devrait engendrer le présent texte, l'on atteint déjà 0,6 point.
Si l'on ajoute encore 0,05 point de croissance au titre du crédit impôt recherche, estimé ici aussi de manière très conservatoire, nous atteignons le chiffre de 0,65 point.
Quant aux effets sur les prix, je vous rappelle qu'une étude récente de l'INSEE, que chacun peut se procurer, montre qu'ils peuvent être inférieurs de 10 à 15 %...
…dans une zone à forte concurrence par rapport à une zone sans concurrence. On sait donc que certaines zones, parce que soumises à une concurrence forte et variée, bénéficient de prix plus bas que les zones à l'abri des vents de cette même concurrence.
M. Jean-Michel Clément a reproché au texte de prévoir un certain nombre d'habilitations à légiférer par ordonnances. Or il ne s'agit pas du tout, dans mon esprit, d'une négation quelconque des droits du Parlement, mais d'une nécessité au vu de l'urgence,…
…ainsi que du caractère très technique des dispositions concernées. D'ailleurs,…
…les projets d'ordonnance, pour la plupart, sont déjà à la disposition des commissions.
Le dernier en date, relatif à l'Autorité de la concurrence, a été transmis aujourd'hui même aux présidents des commissions concernées pour qu'ils en prennent connaissance. Rappelons au passage que le Conseil de la concurrence, en son temps, avait lui aussi été constitué par voie d'ordonnance.
Madame Vautrin, je connais votre engagement pour la reconnaissance des particuliers employeurs et j'y suis favorable.
On compte plus de 3 millions de particuliers employant plus de 1,5 million de salariés. Il s'agit d'un formidable gisement d'emplois,…
…c'est pourquoi, j'insiste, je suis favorable à cette reconnaissance.
Au sujet du titre Ier que d'aucuns ont considéré comme déterminant, je tiens à dire quelques mots sur le statut de l'auto-entrepreneur.
Pourquoi un nouveau statut de l'entrepreneur, monsieur Baert ? Simplement parce qu'ainsi, nous espérons libérer davantage les initiatives. Les dispositions de la loi s'adressent à tous ceux qui ne veulent pas nécessairement passer sous les fourches caudines des formalités de la création d'une société commerciale pour exercer leur nouvelle activité et qui souhaitent pouvoir débuter et arrêter leur activité sans formalisme et en bénéficiant d'un prélèvement forfaitaire correspondant à l'imposition fiscale et aux charges sociales.
Ce régime est simple, lisible, prévisible et, vous avez raison, il est attendu. On n'enverra plus, dorénavant, d'appel de charges le 4 octobre pour une activité ayant commencé le 1er octobre.
Mme Vautrin nous a rappelé, par ailleurs, à propos du patrimoine des entrepreneurs, que ceux qui se lancent dans la création de leur propre entreprise craignent évidemment de tout perdre dans l'aventure. Pour y répondre, le projet étend l'insaisissabilité de la résidence principale à l'ensemble du patrimoine immobilier et foncier.
M. de Courson…
…propose de mettre en place un système de patrimoine d'affectation. J'aurai l'occasion, avec Hervé Novelli, lors de la discussion du Titre Ier, de revenir sur ce sujet essentiel. Je ne sais pas si nous passerons de « bon » à « excellent », mais nous nous y efforcerons. (« Ah ! » sur les bancs du groupe Nouveau Centre.)
Il ne s'agit pas du capital, mais de gens comme vous et moi qui ont envie de créer une entreprise.
Une partie des entrepreneurs souhaite créer une société, une autre souhaite au contraire exercer en nom propre. Les deux choix sont parfaitement acceptables. Le droit positif doit offrir des régimes adaptés pour les deux cas.
Le projet sera l'occasion d'avancées concrètes avec la protection des biens immeubles et la mise en place de la fiducie pour les entrepreneurs individuels. Je suis prête à aller plus loin et à m'engager sur un calendrier et des modalités précises pour mettre à l'étude la création d'un patrimoine d'affectation pour les commerçants et les artisans. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et de très nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je vais même vous livrer un secret : nous avons commencé le travail. (« Très bien ! » sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Nous n'avons encore rien voté et vous dites avoir commencé le travail ? Qu'est-ce que cela veut dire ?
Je crains néanmoins, monsieur de Courson, de vous décevoir en ce qui concerne la réserve spéciale d'affectation, même si je sais que votre orthodoxie en matière de finances publiques sera satisfaite.
Nous avons connu d'autres déceptions à propos du projet de révision constitutionnelle !
Vous proposez de mettre en place un système de réserve spéciale d'affectation. Le coût d'un tel système d'autofinancement serait, vous le savez, très élevé. Nos estimations varient. Les nôtres se situent probablement vers le haut de la fourchette et atteignent 3,8 milliards d'euros, tandis que les vôtres ne dépassent pas 2 milliards d'euros. Sans doute la vérité se situe-t-elle entre les deux et, même si nous considérons l'hypothèse basse, la vôtre, faire peser 2 milliards d'euros sur nos finances publiques ne me paraît pas vraiment une bonne idée.
Afin d'y voir plus clair sur les enjeux de ce système de réserve spéciale d'autofinancement, je m'engage à remettre un rapport au Parlement avant la fin de l'été et, en tout état de cause, avant le dépôt du projet de loi de finances pour 2009. Ainsi, si le chiffrage d'un tel dispositif est jugé raisonnable ou si sa mise en oeuvre progressive se révélait à la fois utile et peu coûteuse, nous pourrions l'intégrer dans la prochaine loi de finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Catherine Vautrin, Lionel Tardy et Martial Saddier se sont exprimés sur les délais de paiements qui figurent au titre II. Notre action en la matière, certains l'ont souligné, est forte. J'ignore si elle est courageuse mais je puis vous assurer que mes services et moi-même avons reçu de multiples demandes et subi de multiples pressions.
Nous proposons en effet de limiter les délais de paiement à quarante-cinq jours fin de mois, à la date de facturation, ou à soixante jours. Mme Vautrin, notamment, souhaite aller plus loin en abaissant ce plafond à trente jours.
Notons qu'un délai de trente jours nous placerait aux avant-postes parmi les bons élèves de l'Union européenne.
C'est, j'en conviens, ce à quoi nous devons aspirer.
Pour de nombreux secteurs, la loi va incontestablement entraîner un effort important d'adaptation.
Vous connaissez ces secteurs, leurs représentants vous ont rendu visite à vous aussi. Il s'agit notamment du secteur automobile.
Nous ne devons pas pour autant renoncer à nous fixer des objectifs plus ambitieux que soixante jours. Seulement, pour y parvenir, le Gouvernement estime que la voie de la négociation collective doit être privilégiée afin de mieux prendre en compte les spécificités des différents acteurs économiques concernés. Qu'il soit bien clair que si la voie de la négociation n'est pas satisfaisante, le Gouvernement s'engage à vous proposer d'ici au début de l'année prochaine – ce qui laisse relativement peu de temps aux acteurs pour commencer à négocier –, de légiférer pour fixer un calendrier progressif et contraignant de réduction de ces délais.
Certains se sont émus du mode de financement des petites et moyennes entreprises dont on sait qu'elles sont le gisement de la recherche et du développement et de la création d'emplois, et qu'elles contribuent de manière très importante à la création de valeur économique. Je rappelle que cette réduction des délais de paiements est susceptible d'améliorer leur fonds de roulement à concurrence d'environ 4 milliards d'euros en année pleine.
Ce n'est toutefois pas suffisant et je tiens à souligner, c'est important, que le financement des petites et moyennes entreprises est également favorisé par le « fléchage » de l'ISF. L'évoquer me permet de rappeler que la date limite de dépôt des déclarations est le 15 juin.
En outre, le financement des petites et moyennes entreprises est au coeur de la stratégie de la Banque européenne d'investissements, d'OSEO, de France investissements ou de la Caisse des dépôts et consignations. Faisons-nous l'écho de ces disponibilités mais aussi de la volonté d'un certain nombre d'acteurs de financer les petites et moyennes entreprises.
En ce qui concerne le small business act – pardon, monsieur Brard, d'utiliser exceptionnellement un terme anglo-saxon…
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Il n'est pas là !
Certes, mais j'ai entendu dire qu'il m'écoutait quelque part. (Sourires.)
Beaucoup a été dit sur ce small business act à la Française. Pour ceux d'entre vous qui m'ont accompagnée tant à Bruxelles qu'à Genève, vous connaissez mon engagement sur le sujet.
Je crois vraiment aux vertus de ce small business act s'il est intelligemment mis en oeuvre et s'il ne se réduit pas à une couche administrative supplémentaire n'aboutissant qu'à multiplier la paperasserie.
Aujourd'hui, nous passons à l'acte sur le plan national. C'est un pas concret et utile qui est franchi en faveur des PME innovantes. À mon sens, il faudra parachever cette action par des dispositions communautaires. Hervé Novelli aura l'occasion d'évoquer la directive en question puisqu'il s'est montré des plus actifs auprès du commissaire Verheugen au point de le pousser dans ses retranchements. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Frédéric Lefebvre a évoqué le régime des bons de souscription de parts de créateurs d'entreprise, autrement dit les stocks options des entreprises non cotées. Je suis comme lui favorable à une réforme des règles d'attribution de ces BSPCE. Il ne s'agit pas de modifier le cadre fiscal, mais tout simplement de lever certaines contraintes à l'attribution de ces compléments de rémunération au bénéfice de tous les salariés des petites et moyennes entreprises.
Mme Fioraso s'est intéressée à la mission d'exportation dévolue aux entreprises et en particulier le rôle que nous proposons à Ubifrance de jouer dans le soutien aux entreprises et vous nous appelez à cet égard au pragmatisme – je vous approuve entièrement en la matière. Nous souhaitons rapprocher Ubifrance, le prescripteur, l'organisme qui est au contact des entreprises en France, avec l'ensemble des missions économiques chères à M. Cosyns qui connaît bien ces matières,…
…pour leurs fonctions commerciales dédiées aux entreprises parce que, tout simplement, agir en très étroite coordination permet de fournir un meilleur service aux entreprises qui ont impérativement besoin d'exporter plus et d'exporter mieux.
Le réseau international du ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi est engagé depuis plusieurs années dans cette logique de modernisation. Madame Pascale Got, la réforme que nous proposons permettra de renforcer l'efficacité d'Ubifrance au service du développement des entreprises à l'international.
Vous avez été nombreux à intervenir au sujet des commissaires aux comptes, ce qui ne me surprend guère car ils sont assez actifs. Les plus petites des sociétés par actions simplifiées, les SAS, bénéficieront de mesures de simplification telle que la dispense de l'obligation de désigner un commissaire aux comptes. Il en résultera un allègement des obligations pesant sur les petites SAS qui pourraient, nous l'avons chiffré avec Hervé Novelli, économiser ainsi près de 200 millions d'euros. M. Novelli comme moi-même savons que la visite du commissaire aux comptes dans de petites entreprises n'est pas toujours indispensable. Aussi le texte prévoit-il qu'elle devra être optionnelle. Elle permet en revanche d'économiser un certain nombre d'honoraires.
On a parlé de 60 000 mandats. Il faut savoir exactement à quoi ils correspondent en termes de chiffre d'affaires. Permettez-moi de douter de l'insécurité qui en résulterait dès lors que ce que peut faire une SARL, une SAS ne peut qu'en être capable aussi.
En aucun cas elle ne remet en cause notre volonté d'assurer, par le recours à la certification des comptes, la transparence de notre économie. Elle part simplement de ce constat de bon sens qu'une certification des comptes n'est pas toujours indispensable pour une toute petite SAS, et que c'est finalement à l'entrepreneur d'apprécier, cas par cas, s'il est indispensable ou non d'y recourir.
Paul Jeanneteau, Serge Poignant, Jean-Michel Fourgous, vous avez insisté à juste titre sur la nécessité, pour notre pays, d'aider à la transmission des entreprises. Ce ne sont pas moins de 700 000 entreprises, en effet, qui vont être cédées dans les dix années à venir. Il est donc indispensable, et le projet de loi que vous examinez y pourvoit, de favoriser les transmissions, pour pérenniser les entreprises et surtout pour permettre leur développement. C'est le sens des dispositions contenues dans le texte.
Cela vaut tout particulièrement, d'ailleurs, pour les transmissions familiales, dont on sait qu'elles sont particulièrement peu nombreuses si on les compare avec ce qu'il en est dans certains pays étrangers, notamment l'Allemagne.
La négociabilité est un sujet fort important, sur lequel vous avez été nombreux à vous exprimer. Eh oui, grâce à cette disposition relative à la négociabilité, nous mettons fin à ce système absurde des marges arrière. Jean Dionis du Séjour, Caton l'Ancien a été entendu. (Sourires.)
Et j'espère vivement que ces marges arrière ne seront pas bénies par une nouvelle Didon qui ressusciterait une espèce de système antique, qui date, non des calendes grecques, mais de textes, me semble-t-il, révolus.
Nous sommes d'accord avec Serge Poignant pour rechercher l'équilibre, grâce au travail de fond engagé par le rapporteur sur ce point, et je voudrais l'en remercier tout particulièrement. Avoir l'intelligence de comprendre que l'on peut faire des discriminations sans pour autant être déloyal nécessitait un travail approfondi, que l'on parcourt au fil de son rapport, très détaillé sur ce sujet.
Nous devrons bien sûr veiller, et ce sera notre responsabilité à l'occasion de l'examen de ce texte et de ses amendements, à ce que les producteurs, notamment les petits producteurs, et en particulier les agriculteurs, ne pâtissent pas du nouveau système. Soyez sûr, monsieur Pierre Gosnat, que les nouvelles règles ne sont pas faites, bien évidemment, pour consacrer une quelconque hyper-puissance des centrales d'achat. Elles ne consacrent pas non plus la loi du plus fort. C'est précisément l'honneur de la loi que de veiller aussi aux intérêts de ceux qui, dans ce rapport contractuel, sont considérés comme les plus faibles. En revenant à un mécanisme clair de formation des prix, nous évitons de créer des boucs émissaires.
Enfin, cher Jean Dionis du Séjour (Sourires), s'agissant du prix du livre, qui pose un problème un peu différent, nous connaissons les difficultés rencontrées par les libraires. Je ne suis pas allée vérifier ce chiffre, qui me consterne, de 80 millions de livres envoyés au pilon.
S'il est vrai que nous ne souhaitons pas remettre en cause le système,…
…les chiffres que vous avez évoqués attirent néanmoins notre attention. Je crois que nous devons examiner ce qu'il advient de ces 80 millions d'ouvrages.
L'autorité de la concurrence que nous avons évoquée tout à l'heure, et que nous mettrons en place, disposera, je l'ai dit, de moyens étendus d'investigation et d'action en justice.
Vous nous proposez de la doter de pouvoirs d'injonction structurelle, notamment pour éviter les abus de position dominante en matière de grandes surfaces. Cette question mérite d'être approfondie, tant il est nécessaire que l'atteinte au droit de propriété soit proportionnée au regard de plusieurs garanties de procédure et de fond.
Sur ce sujet, un amendement déposé à l'article 27 par M. le président Ollier, amendement que j'ai évoqué tout à l'heure, pourrait certainement avoir la préférence du Gouvernement.
Certains d'entre vous ont évoqué la question du lien entre la TACA et le FISAC. Je voudrais simplement rappeler un principe et éviter un malentendu. Il n'y a plus de lien spécifique entre TACA et FISAC. Depuis 2003, la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat est versée au budget général de l'État,...
..comme toute recette budgétaire. Je crois qu'il ne faut pas lier définitivement les deux sujets, ce qui ne nous empêche pas, bien entendu, d'augmenter les sommes alimentant le FISAC, et, plus important encore, d'élargir son champ d'application.
Comme vous, monsieur Jean-Pierre Nicolas, nous croyons à l'utilité du FISAC. Nous le renforçons même, puisque je me suis engagée, comme l'a rappelé Mme Vautrin, à relever son montant d'intervention de 80 à 100 millions d'euros : 25 % d'augmentation, ce n'est tout de même pas négligeable.
Monsieur Philippe Vigier, monsieur Bernard Reynès, monsieur Gérard Voisin, vous faites des propositions visant à une meilleure utilisation du FISAC. Je suis tout à fait prête à accueillir favorablement tout ce qui peut être de nature à améliorer son utilisation et à la simplifier. Je suis en particulier sensible aux propositions que vous faites en ce qui concerne le délai de carence, qui est manifestement excessif.
Le relèvement du seuil est une autre disposition importante du texte. Je voudrais au passage, en ce qui concerne les seuils, rappeler que dans le titre Ier du projet de loi, il est bien question des conséquences financières du gel, puis du lissage des seuils. Il n'est pas question d'aborder dans ce projet de loi les conséquences sociales.
J'entends bien sûr les inquiétudes soulevées par notre proposition de relever les seuils d'autorisation pour les surfaces commerciales. Mais nous n'avons pas la nostalgie des lois Galland. Monsieur Daniel Paul, les règles en vigueur n'ont pas empêché, comme l'a d'ailleurs rappelé M. Bernard Reynès, une chute du nombre des petits commerces alimentaires. Il convient néanmoins de relativiser ces difficultés, car si le nombre de charcutiers et de tripiers diminue, celui des boulangeries artisanales, lui, en revanche, augmente, sans parler de celui des coiffeurs.
Par ailleurs, l'INSEE rappelle que, sur la période 1992-2004, le chiffre d'affaires du commerce de proximité a progressé de 38 %, et que le nombre de ses salariés a progressé de 8 %. Nous assistons donc à des évolutions en profondeur, qui concernent aussi bien les modes de commercialisation que le type de commerces qui sont de proximité ou indépendants, ainsi qu'à une augmentation des volumes de chiffre d'affaires.
Gardons-nous, par conséquent, de voir les choses en noir et blanc. Pas de stigmatisation, pas d'opposition entre un mode et un autre. Nous sommes devant des mécanismes extrêmement mouvants.
Je rappelais tout à l'heure les solutions évoquées par M. le président de la commission des affaires économiques en matière de seuils, et en particulier le régime prévu par ses trois amendements, que nous pourrons examiner avec beaucoup de bienveillance, puisqu'il nous paraît à la fois satisfaire le principe du relèvement des seuils, d'une part, et celui de la maîtrise de l'urbanisme, d'autre part.
Non, je le répète, contrairement à ce que certains d'entre vous ont allégué, ce projet de loi n'est pas du tout destiné à aider de quelconques grandes enseignes, de quelconques grandes surfaces, de quelconques grandes centrales.
Non ! Son objet, comme je vous l'ai dit cet après-midi, c'est plus d'entreprises, plus de concurrence, plus d'attractivité. Pourquoi ? Tout simplement pour peser sur le rapport qui permet de déterminer le prix, et ce afin de donner plus de pouvoir d'achat au consommateur.
La loi n'est pas l'otage des distributeurs. Bien au contraire, il est question, grâce à cette loi, de prendre en otage les rentes et les situations manifestement abusives, que certains d'entre vous ont d'ailleurs évoquées.
Certains proposent d'évoluer vers une intégration des règles d'urbanisme commercial dans les règles de droit commun. Monsieur le président de la commission des affaires économiques, madame Catherine Vautrin, monsieur Serge Grouard, vous avez tous, comme d'autres, évoqué cette perspective. Elle paraît raisonnable, mais la transition n'est pas si simple et demandera des travaux complémentaires.
De plus, il convient, à cet égard, et vous y serez tous sensibles, vous qui êtes en quête de transparence, de mettre en oeuvre un système qui soit transparent, où les maires, notamment ceux des plus petites communes, ne soient pas laissés seuls face aux porteurs de projets extrêmement importants, et souvent lucratifs.
Plusieurs orateurs ont par ailleurs souligné l'importance de prendre en compte la dimension environnementale des projets. Cela paraît tout à fait important et nécessaire. Cela fait d'ailleurs partie des critères sur le fondement desquels les CDAC se prononceront.
J'en viens à présent au titre III.
En ce qui concerne le plan numérique, madame Vautrin, monsieur Dionis du Séjour, madame Erhel, vous nous interrogez sur l'articulation entre les dispositions du texte relatives au très haut débit et les assises du numérique. Éric Besson et moi-même y voyons évidemment une totale complémentarité.
Personne ne doute, aujourd'hui, de la nécessité de nous doter d'infrastructures reposant sur la fibre optique. Il y a une réelle urgence, d'aucuns l'ont souligné, car les déploiements commerciaux ont commencé. C'est précisément ce que fait ce projet de loi : il répond à l'urgence.
Par les assises du numérique, nous nous projetons dans ce futur du très haut débit, en réfléchissant sur les nouveaux usages, les nouveaux contenus, l'accès pour tous aux nouveaux services. Le Gouvernement dispose d'une véritable stratégie globale en matière de numérique.
Vous avez également soulevé, avec d'autres, la question de la couverture haut débit. C'est un sujet sur lequel nous avons beaucoup progressé ces dernières années, puisque, à ce jour, plus de 98 % de la population a accès au haut débit.
Mais nous n'avons pas l'intention de nous arrêter là. Le Président de la République a fixé pour objectif un accès pour tous au haut débit en 2012.
Nous espérons donc passer d'un taux de couverture de 98 % à une situation où les zones blanches seront toutes couvertes.
Je ne reviendrai pas sur la question particulièrement technique du lieu à partir duquel l'accès doit être facilité pour l'ensemble des opérateurs. S'agit-il du pied de l'immeuble, de la limite de la propriété privée ou du noeud de raccordement ? Vous avez été nombreux à évoquer cette question. Il est clair qu'Éric Besson sera bien plus qualifié que moi pour examiner en détail quel point précis il est opportun de retenir. Il le fera à l'occasion de la discussion des articles du projet de loi relatifs à ce sujet.
Je voudrais répondre à Christian Paul : l'État n'est pas aux abonnés absents en ce qui concerne le financement et l'aide au déploiement du très haut débit. J'ai souhaité, en particulier, un soutien fort de l'État pour le développement des usages et des contenus liés au très haut débit, à travers le financement d'une plate-forme d'expérimentation à grande échelle de services à très haut débit, dans le cadre du pôle de compétitivité Cap Digital.
Enfin, la Caisse des dépôts et consignations est venue en appui de nombreux projets des collectivités territoriales dans le numérique. C'est ainsi qu'elle a mobilisé plus de 230 millions d'euros, pour un investissement total public-privé de 2,5 milliards d'euros dans les réseaux d'initiative publique. On ne peut pas vraiment dire qu'avec un investissement de cette nature, nous soyons aux abonnés absents !
Le rôle de l'État est aussi de définir un cadre juridique stable, qui donne une viabilité indispensable à l'investissement des acteurs privés. C'est précisément le cas avec ce texte. Ce sera aussi le cas avec le texte qui a été examiné par le Sénat, et qui sera, je l'espère, prochainement examiné par l'Assemblée nationale, sur les partenariats public-privé.
Je suis d'autant plus étonnée de la surprise de M. Christian Paul qu'il a participé à plusieurs réunions, et en tout cas à une réunion à laquelle je participais moi-même, du Forum du très haut débit, et que nous avons même répondu à sa demande de constituer une commission spéciale permettant de rassembler l'ensemble des acteurs locaux.
Un point rapide sur l'attractivité. Comme pour M. le député Dassault, l'attractivité est évidemment pour nous une préoccupation constante, permanente, transversale. C'est bien le cas avec le très haut débit, comme c'est évidemment le cas avec l'ensemble des dispositions que nous prévoyons pour attirer, non pas les plus nantis, comme M. Jean-Pierre Brard ou M. Jean-Michel Clément l'ont suggéré, mais tout simplement les plus talentueux, parce que notre économie, parce que notre pays, de manière plus générale, a besoin d'eux en France, et pas ailleurs.
J'en viens maintenant au titre IV. Je vais évoquer quelques points concernant le livret A.
Monsieur le président de la commission des affaires économiques, le Gouvernement partage pleinement l'analyse que vous avez présentée dans votre intervention. La réforme du livret A doit être une chance pour le logement social, et je suis convaincue qu'elle le sera.
Monsieur Nicolas Forissier, vous trouverez une oreille particulièrement attentive en ce qui concerne les améliorations du texte visant à garantir les ressources nécessaires au financement du logement social et, monsieur le député Bouvard, de la politique de la ville.
Car, oui, notre projet consolide le financement du logement et en allège le coût. Cela a été noté par le rapport Camdessus. Cela est évoqué, bien entendu, dans les travaux préparatoires, et c'est ce qui résultera de la mise en oeuvre de ces dispositions.
Il ne s'agit aucunement, je l'ai dit en réponse à M. Balligand, qui nous a fait un excellent exposé, fondé sur la connaissance qu'il a de ses matières – une connaissance seulement dépassée, en ce domaine, par celle du président Bouvard (Sourires) –, de faire un quelconque cadeau aux banques, mais bien de mettre en concurrence l'ensemble des opérateurs, et ce afin de permettre, tout simplement, à nos concitoyens d'obtenir le livret A auprès de la banque de leur choix.
Monsieur Bouvard, vous réclamez également le maintien de règles d'emploi de la part non centralisée de l'épargne collectée sur le livret A et le livret de développement durable, notamment en faveur des petites et moyennes entreprises. Je partage cet objectif et le Gouvernement sera favorable à des amendements qui préciseraient utilement ce point.
Monsieur de Courson, vous avez évoqué la question de l'accessibilité bancaire pour tous. Le Gouvernement partage votre objectif : toutes les banques, et pas seulement la banque postale, doivent participer à cette mission d'intérêt général. C'est pourquoi la priorité est de développer et d'améliorer le droit au compte, auquel toutes les banques doivent participer.
Le rapporteur Nicolas Forissier et les équipes de la commission des finances ont fait un travail remarquable sur ce sujet. Avec leur aide, nous pourrons peut-être viser la mention « Excellent ». Je crois me souvenir que c'était là notre ambition collective, la vôtre aussi, hier soir en tout cas.
Monsieur Dionis du Séjour, vous nous demandez d'agir en faveur de la mobilité bancaire, comme vous l'avez fait lors de l'examen de la loi pour la concurrence au bénéfice des consommateurs, défendue par Luc Chatel, dont j'observe au passage qu'elle est entrée en vigueur depuis le 1er juin, notamment en matière de services téléphoniques et bancaires. J'espère que nos concitoyens pourront s'en féliciter rapidement. Le Gouvernement vous a entendu et il a agi. À sa demande, le comité consultatif du secteur financier, qui rassemble les acteurs bancaires ainsi que les représentants des organisations de consommateurs, est parvenu, le 26 mai, à un accord sur la création d'un service d'aide à la mobilité bancaire, qui sera disponible dans toutes les banques dans le courant de l'année 2009. Il s'agit d'une avancée importante pour les consommateurs, qui pourront dorénavant changer de banque plus facilement, sans avoir à remplir les formalités administratives excessives appliquées dans le passé.
L'initiative du Gouvernement a permis d'aboutir par le dialogue à une solution concertée, sans conflit et sans loi. Nous nous félicitons de l'esprit de responsabilité des consommateurs et des professionnels dans ce domaine. Bien entendu, il nous appartiendra de vérifier que cet accord est bien mis en oeuvre et que les clients des banques peuvent en profiter utilement.
Sur la gouvernance de la Caisse des dépôts et consignations, monsieur le président de la commission de surveillance, je me félicite que nous ayons pu travailler en étroite coordination pour trouver un équilibre qui, je pense, est bon et qui respecte pleinement le rôle et la compétence du Parlement.
S'agissant plus particulièrement de la lutte contre le blanchiment, à laquelle nous sommes tous extrêmement attachés, je suis ouverte à la discussion dans le respect du droit communautaire et du très haut niveau d'exigence qui nous anime tous. Je suis tout à fait désireuse d'examiner vos propositions à cet égard. Nous aurons intérêt à lutter ensemble contre ces travers épouvantables de la finance consistant souvent à blanchir de manière discrète des sommes qui ne doivent pas l'être.
Pour ce qui est de l'action de groupe (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), certains d'entre vous – M. Dionis du Séjour, Mme Vautrin,…
…et d'autres – ont regretté l'absence de dispositions. Les travaux du rapporteur ont montré que le sujet, s'il avait progressé, méritait encore des ajustements techniques. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Je sais néanmoins que parmi les 1 431 amendements qui ont été présentés, certains se rapportent à ce sujet et ont été examinés.
Je souscris à l'idée de M. Lefebvre de constituer un groupe de travail…
…dépassant les clivages partisans pour venir à bout de ces difficultés techniques. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Croyez-en la modeste expérience que j'ai acquise hors de ce pays, ces difficultés techniques méritent d'être examinées afin d'éviter une excessive judiciarisation de notre économie.
Les écueils sont nombreux, croyez-moi ! Conformément à ma lettre de mission, un système d'action de groupe à la française sera examiné et mis en place. J'espère que, grâce aux travaux de ce comité technique, il n'aura pas les effets gravement pervers que l'on a pu observer dans d'autres pays.
S'agissant des friches militaires, madame Vautrin, vous apportez votre soutien à l'amendement de M. Jacob tendant à les réhabiliter, et vous interpellez plus généralement l'État sur les conséquences des restructurations sur les territoires. Je tiens à vous assurer qu'au cours du débat, je serai en mesure d'aller dans le sens que vous souhaitez pour parvenir à une meilleure réhabilitation des friches militaires, dans des conditions facilitées par rapport à la situation actuelle.
Je terminerai en répondant à certaines critiques – intelligentes, d'ailleurs – de Mme Lebranchu.
Elle m'a reproché une loi essentiellement macro-économique, qui négligerait la réalité concrète de la vie économique, comme si, en travaillant à préparer ce texte, nous nous en étions éloignés. J'observe pourtant que le titre Ier démontre clairement le contraire : tout en étant majeur, il n'est pas du tout macro-économique.
Il tend précisément à encourager l'esprit d'entreprise et à permettre à tout un chacun de créer son entreprise et de bénéficier du statut de micro-entreprise, avec un régime fiscal et social particulier.
Le titre II aura, quant à lui, probablement des effets macro-économiques, en tout cas, je le souhaite vivement, dans la mesure où il permettra de peser sur les prix et de dégager par conséquent du pouvoir d'achat pour nos concitoyens. Pour autant, il aura des effets micro-économiques évidents dans les rapports contractuels entre les négociateurs des grandes surfaces – souvent les centrales d'achat – et les fournisseurs, qu'ils soient gros, moyens ou petits. Quant aux magasins de centre-ville, les dispositions qui sont prises, en direction notamment du FISAC et de la transmission d'entreprise, relèvent très clairement aussi de la micro-économie. À vocation et à ambition macro-économiques, car il a pour effet de structurer en profondeur notre économie française, je prétends que ce texte a une dimension micro-économique absolument déterminante pour les rapports entre les opérateurs.
Du Bonheur des dames d'Émile Zola au XIXe siècle à l'e-commerce, tous les modes de commercialisation sont possibles. Qu'il s'agisse de la commercialisation par la voie électronique et de l'achat sur Internet – songez à la manière dont vos enfants se procurent un certain nombre d'objets –, qu'il s'agisse du commerce de proximité, qu'il s'agisse du commerce direct, qui se développe considérablement, notamment dans le domaine des produits agricoles, qu'il s'agisse encore de la migration des commerces de moyenne surface vers les centres-villes dans un mouvement de retour à la proximité, facilité très probablement par une combinaison des facteurs démographiques et énergétiques, nous devons rester ouverts à un régime de choix et de liberté qui allie l'audace et la modernité et assure l'équilibre entre la liberté et la maîtrise. (Applaudissements nourris sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
J'ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du règlement.
La parole est à M. Noël Mamère.
Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les secrétaire d'État, chers collègues, depuis un an, nous voyons défiler dans cet hémicycle les projets de loi du Gouvernement mettant en application le programme du candidat Sarkozy. Les noms de ces textes sont ambitieux, voire ronflants, et pourraient laisser croire à la fameuse rupture annoncée par le Président de la République : réforme des institutions, modernisation de l'économie, Grenelle de l'environnement. Nous aurions pu espérer que ces chantiers allaient donner un nouveau souffle à la France. En fait de souffle, c'est plutôt d'un soufflé qu'il s'agit ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Cet après-midi même, a eu lieu le vote solennel de la réforme des institutions, qui devait faire de la Ve République un régime plus parlementaire et renforcer l'équilibre entre le Parlement et l'exécutif.
De fait, nous nous retrouvons avec un projet de réforme qui n'est qu'un leurre : le seul pouvoir qu'il renforce, c'est celui du Président de la République, ce dernier n'étant toujours pas responsable devant le Parlement qui ne peut pas lui demander de comptes.
Quant au Grenelle de l'environnement, il devait faire de la France la locomotive de l'Europe en matière d'écologie. Pourtant, on s'entête à construire encore des aéroports, comme à Notre-Dame des Landes, ou des autoroutes, comme l'A 65, on exporte le nucléaire sur toute la planète et on laisse faire la contamination des OGM en plein champ, ce qu'a permis le dernier texte voté par la majorité de droite – moins quelques-uns de ses membres – de cette assemblée. Du Grenelle de l'environnement devait sortir un projet de loi qui aurait dû être soumis au Parlement au mois de juillet : cet examen a été reporté au mois d'octobre. Encore un an de perdu dans la lutte contre l'effet de serre ! Devant l'urgence de la situation, on est pourtant en droit d'attendre de la part d'un pays comme le nôtre qu'il mène une politique ambitieuse de lutte contre l'effet de serre.
Tous ces projets de loi ne sont que des effets d'annonce, des formulations grandiloquentes pour cacher l'indigence des réformes, et la loi sur la modernisation de l'économie n'échappe pas à la règle. Claude Lelouch, qui avait obtenu la Palme d'Or du festival de Cannes, avait tourné un film s'intitulant Tout ça, pour ça. Eh bien, ce titre pourrait aussi être celui des projets de réforme que vous soumettez à un rythme effréné à notre assemblée ! C'est ce qui justifie la motion de procédure que je défends aujourd'hui. Le texte mérite un nouvel examen par la commission des affaires économiques afin de lui donner une véritable cohérence, une colonne vertébrale. On l'a vu, le travail en commission a permis des avancées. Ainsi, grâce à l'amendement de M. Charié, nous pourrons débattre – dans les limites indiquées par Mme la ministre – des actions de groupe, signe de modernité s'il en est. J'y reviendrai.
En matière de modernisation de l'économie, il y a beaucoup à faire. L'économie, c'est en effet le thème qui importe aujourd'hui. À voir l'état des finances françaises - encore montrées du doigt par la Commission européenne –, la hausse des prix du pétrole et des matières premières, l'état du porte-monnaie de nos concitoyens, on comprend l'urgence des réformes et des mesures. Mais celles qui nous sont proposées, certainement pas !
Le moral des ménages est en berne, il a encore chuté de trois points en mai : l'indicateur qui le mesure s'établit à moins 41, contre moins 38 révisé en avril. Selon l'INSEE, c'est son niveau le plus bas depuis 1987, à données comparables. Les Français se montrent pessimistes sur leur niveau de vie, sur les perspectives de leur situation financière personnelle et sur l'opportunité de faire des achats importants. Dans un récent sondage BVA-Les Échos-France Inter du 27 mai, deux Français sur trois considèrent que la politique économique conduite par le Gouvernement est mauvaise.
Les Français sont exigeants et ils ont bien raison ! Vous leur avez promis d'augmenter leur pouvoir d'achat – dont le Président de la République se voulait le champion – et c'est précisément le contraire qui se passe : chaque mois, ils ont de plus en plus de mal à joindre les deux bouts. Cela est d'autant plus insoutenable que, dans le même temps, les patrons des quarante plus grandes entreprises françaises, celles du CAC 40, voient leur rémunération augmenter de 58 % en 2007, soit une moyenne de 4 millions d'euros par tête.
Ce n'est pas moi qui le dis, mais Le Monde du 28 mai 2008. Il semble que, pour certains, le pouvoir d'achat se porte plutôt bien !
Revenons-en à la genèse du texte que vous nous présentez. Il n'est pas arrivé ex nihilo sur le bureau des assemblées : il est le fruit du rapport de la commission Attali, commission intitulée « Pour la libération de la croissance », et dont les propositions, on s'en souvient, avaient soulevé quelques tollés. Les chauffeurs de taxi, les pharmaciens et les coiffeurs, entre autres, s'étaient mobilisés, car ils voyaient d'un mauvais oeil la libéralisation de leur profession.
Attention ! il ne s'agit pas d'être naïf et de lever nos boucliers au seul mot de libéralisation. On sait combien le thème est sensible aujourd'hui, à droite comme à gauche.
Mais il s'agit de nous prémunir d'une libéralisation à tout crin, qui ne prend pas en compte la spécificité des métiers concernés !
Aujourd'hui, par exemple, les enseignes de bricolage sont inquiètes des délais de paiement fixés à soixante jours et qui ne correspondent pas à la réalité de leur travail. Les chambres des métiers et de l'artisanat redoutent la désertion des centres-villes au profit de grandes surfaces qui pourront pousser comme de la mauvaise herbe à la périphérie de nos villes. Les experts comptables s'inquiètent de la suppression du commissariat aux comptes dans les sociétés par actions simplifiées.
Nous recevons, chaque jour, dans nos permanences, des courriers de ces différentes catégories professionnelles qui critiquent le manque de préparation de ce texte, le manque de concertation des acteurs concernés. Ce manque de préparation et de concertation ne s'applique pas qu'au seul texte qui nous est présenté aujourd'hui, mais à de nombreux autres projets soumis à notre assemblée.
Quel est l'objectif de ce texte ? Mme Lagarde le pare de beaucoup de vertus. Le projet de loi devrait relancer la croissance de 0,3 % et donner à la France une croissance de 1,7 à 2 % en 2008. Il est censé créer 50 000 emplois et aussi faire baisser 1'inflation de 1 %, grâce à 1'effet prix résultant de la concurrence. Madame la ministre, sur quoi se fondent ces pronostics ? Quel crédit pouvons-nous y apporter ?
Ainsi, quand la France annonce un déficit public de 2,5 % du PIB en 2008 et de 2 % du PIB en 2009, la Commission européenne, suivie par la plupart des instituts de conjoncture, est obligée de corriger le tir et annonce les chiffres de 2,9 % et de 3 % du PIB, respectivement pour 2008 et 2009.
Dans un article récent, Le Monde rappelait que le ministère de l'économie n'avait fourni à la commission des finances aucune évaluation de la loi sur le pouvoir d'achat, qui prévoit notamment la monétisation des heures supplémentaires dans la fonction publique.
De la même manière, nous n'avons obtenu aucune indication sur le coût de la réforme des régimes spéciaux de retraite des salariés des entreprises publiques. Le Monde écrivait : « Dans les évaluations des bénéfices attendus en matière de croissance, d'emploi ou de baisse des prix du projet de loi de modernisation de l'économie, c'est l'empirisme qui domine, et non une science exacte de la prospective ! »
Mais attardons-nous sur la concurrence, credo de la réforme de cette majorité. Dans le discours du Président de la République et du Gouvernement, l'équation est simple : plus de concurrence égale baisse des prix, égale plus de pouvoir d'achat. Vous conviendrez avec moi qu'il s'agit d'une drôle d'équation !
Prenons l'exemple des télécommunications. Les opérateurs préfèrent s'entendre et font en sorte que les communications téléphoniques en France soient parmi les plus chères d'Europe.
Par ailleurs, si les fournisseurs et les distributeurs doivent faire des efforts pour baisser les prix de leurs produits, il leur faudra nécessairement compenser. Qui sera la victime de cette compensation ? La masse salariale !
La nouvelle obsession du pouvoir d'achat déplace précisément le curseur sur l'achat. Mais il faut voir la question en amont. Aujourd'hui, c'est le prix du travail qui est le véritable problème. Or, sur cette question, le texte de loi que nous examinons aujourd'hui est totalement muet. C'est bien là que la gauche et la droite se distinguent. Réhabiliter la valeur travail, ce n'est pas travailler plus, mais gagner mieux.
Les écologistes remettent en cause la croyance aveugle dans la croissance et dans la consommation comme moteurs de l'économie. Nous préférons croire en l'économie dans le sens d'une réduction, d'une réorientation de la consommation, comme les économies d'énergie, Les économies de déplacement. Pour nous, la modernité se situe là. Nous savons bien que, dans ce secteur, il pourrait y avoir de nombreuses créations d'emplois. Je vous recommande, madame la ministre, de consulter à ce sujet le site d'experts et d'ingénieurshttp: www.negawatt.org. Il vous expliquera que si, au lieu de consacrer 15 milliards d'euros à nourrir les plus riches, on avait placé cette somme dans un grand plan de recherches d'économies d'énergie, d'efficacité énergétique et d'énergies renouvelables, notamment dans l'habitat, nous aurions pu créer près de 120 000 emplois non délocalisables. Cela n'a pas été fait. Aujourd'hui le Grenelle de l'environnement est repoussé aux calendes grecques, et nous savons que nous ne pourrons pas tenir nos engagements.
Pendant ce temps, ceux qui sont déjà victimes d'injustices sociales seront également victimes d'injustices environnementales. Oui, il y a d'autres doubles peines que celles que nous avons combattues en d'autres temps dans cet hémicycle.
Comme son nom l'indique, ce projet de loi vise à moderniser l'économie. Cela signifie, d'après notre rapporteur, « remettre l'homme au coeur de nos lois et de nos pratiques ». La modernisation a le vent en poupe. On a modernisé, paraît-il, le droit du travail ; on veut moderniser les institutions et la fonction publique. Parlez-en à ceux qui travaillent aujourd'hui dans la fonction publique : ils vous répondront que vous confondez modernisation et éradication.
Il est édifiant de constater que M. Breton, en son temps, vouait déjà une sorte de culte à la modernisation. Il proposait, en 2005, une loi pour la confiance et la modernisation de l'économie, qui avait pour objectif « de lever un certain nombre de blocages, en modernisant les règles de fonctionnement des entreprises, en facilitant leur accès aux financements bancaires et aux marchés financiers et en renforçant la confiance des investisseurs et des ménages, notamment grâce à une plus grande diffusion des mécanismes d'intéressement des salariés aux résultats de l'entreprise ».
Est-ce à dire que cette première loi n'a pas suffi ? Qu'elle a failli ? Ou encore que la modernité change de sens au gré des ministres et des gouvernements ?
Prenons l'exemple des marges arrière. La loi de M. Chatel sur le développement de la concurrence au service des consommateurs – autre déclinaison de votre acception et de votre culte de la modernité –, adoptée en décembre dernier, revenait sur les marges arrière dans un chapitre déjà intitulé « Modernisation des relations commerciales ». Le texte que vous nous présentez modifie encore ces avantages consentis au distributeur – il s'agit de l'article 21. On voit bien, à travers les exemples que je viens de citer, l'absence de ligne directrice de ces réformes pour le moins fluctuantes.
Très juste !
Comme le disait un économiste de l'Institut Molinari, la vraie modernité serait plutôt de freiner cette ardeur législative, cette boulimie législative qui mène à une complexification, à un empilement des lois pour le citoyen comme pour l'entrepreneur.
Ce projet de loi tire irrémédiablement la France vers le bas.
Prenons un autre exemple. Les grandes surfaces sont l'un des grands thèmes de ce projet de loi. L'article 27 vise à faciliter l'ouverture de grandes surfaces, notamment pour encourager l'installation de commerces hard discount dans la droite ligne du rapport de M. Beigbeder « Le low-cost : un levier pour le pouvoir d'achat », remis à votre gouvernement en décembre 2007. D'après l'auteur de ce rapport, l'un des freins au développement du hard discount en France est précisément la procédure d'autorisation d'ouverture en commission départementale d'équipement commercial – CDEC. Si vous nous entendez, monsieur Beigbeder, réjouissez-vous, ces commissions sont maintenant vidées de leur contenu.
Dorénavant une demande d'ouverture devra être formulée seulement au-dessus de 1 000 mètres carrés, et non plus de 300 mètres carrés. Les représentants des chambres consulaires sont exclus des commissions départementales d'aménagement commercial.
Ces dispositions ne font que tirer la France vers le bas. Les magasins hard discount fonctionnent bien souvent avec des produits importés, au détriment des productions locales.
Ils fonctionnent souvent comme la plupart des grandes surfaces – vous ne pouvez pas dire le contraire, monsieur le rapporteur. Le problème des grandes surfaces est moins un problème de prix que d'exploitation de salariés de plus en plus précarisés. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Que pensez-vous de la situation de ces caissières qui travaillent vingt ou vingt-deux heures et qui vont gagner 700 euros ? Pensez-vous que l'on puisse vivre, élever ses enfants avec cette somme ?
Pensez-vous que l'on puisse imposer le travail à temps partiel, comme on le fait dans les grandes surfaces ?
Les grandes surfaces, c'est peut-être moins le problème des prix que celui lié à la condition de ceux qui y travaillent et à la précarisation grandissante des salariés de ce secteur de l'activité économique.
Si vous ne le niez pas, considérez que vous n'avez rien apporté dans votre loi « modernisation économique » pour la condition des salariés de ces entreprises, en particulier des femmes soumises au temps partiel imposé.
Vous avez fait une loi sur la modernisation du travail, mais, comme par hasard, la lutte contre la précarisation n'y figurait pas. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Ces deux lois contribuent à une forme de recul et tendent à améliorer la position dominante des grands groupes qui détiennent les grandes surfaces, et tout cela au nom de l'amélioration de la concurrence ! Nous allons voir très vite quels seront les fruits de ces lois !
Comment pouvez-vous prétendre favoriser le financement et le développement des PME, encourager l'entreprenariat individuel, tout en accueillant à bras ouverts les enseignes low cost ? On ne peut ménager la chèvre et le chou !
La France n'a pas besoin de grandes surfaces supplémentaires. Avec 23 millions de mètres carrés commerciaux, la France est d'ores et déjà le pays d'Europe le mieux équipé commercialement. Faut-il rappeler que la France est championne du monde en termes de grandes surfaces ? On en paie les conséquences en termes d'aménagement du territoire.
Si l'écologiste que je suis devait formuler une critique supplémentaire contre l'installation de grandes surfaces à la périphérie de nos villes ou contre le renforcement de leur position dominante, il dirait que cela constitue une sorte de « déménagement du territoire », qui enlaidit les entrées de nos villes, qu'elles soient de droite ou de gauche, et une aberration puisqu'il faut utiliser sa voiture pour s'y rendre.
Si on internalisait les coûts liés aux dépenses d'énergie pour aller acheter ses légumes ou d'autres produits dans les grandes surfaces, on s'apercevrait que l'on perd beaucoup d'argent. Ceux qui croient gagner en termes d'achat, y perdent en termes d'énergie : c'est une neutralisation.
Mieux encore : en dix ans, les autorisations accordées par les CDEC en France sont passées de 1 million de mètres carrés à 3,5 millions de mètres carrés, sans que l'on enregistre d'effet véritable sur les prix.
Autre élément : à la lecture du rapport Rochefort sur le commerce en centre-ville, on apprend qu'en France, les hypermarchés dont la surface est supérieure ou égale à 2 500 mètres carrés représentent 53 % des parts de marché, très au-dessus de la moyenne européenne : 27 % en Allemagne, 33 % en Espagne, 14 % en Belgique.
À contrario, les supérettes et les magasins traditionnels ne représentent plus que 4 % en France, contre 13 % en Allemagne, 23 % en Espagne et 30 % en Italie. C'est donc le commerce de proximité qui est en danger, et non les grandes surfaces !
Chacun sait – c'est une question de bon sens – que les grandes surfaces s'installeront prioritairement dans les périphéries de nos villes. Or si cette installation ne s'accompagne pas d'un développement des transports en commun, les consommateurs devront prendre leur voiture. L'économie réalisée d'un côté par l'éventuelle baisse des prix des produits sera perdue de l'autre avec le coût de l'essence consommée. Et, pourtant, le projet de loi, dans son exposé des motifs, affirme sans vergogne, qu'il entend répondre aux objectifs de concurrence effective, d'aménagement du territoire et de développement durable. Franchement, c'est nous prendre pour des imbéciles que de vouloir nous faire croire que l'on va favoriser le développement durable en encourageant l'utilisation de la « bagnole » et en procédant à des aménagements du territoire qui facilitent l'étalement urbain. Tout le monde s'accorde à reconnaître, à droite comme à gauche, que l'étalement urbain est l'une des causes principales de l'effet de serre dont nous sommes aujourd'hui les victimes. Le développement durable, c'est la modernité ! Mais ce n'est pas avec vos propositions qu'on y arrivera !
Si votre credo, c'est l'esprit d'entreprise, pourquoi ne pas proposer la mutation du capital-risque et encourager les entreprises des secteurs verts comme la clean technology, l'agriculture biologique, les énergies renouvelables ou l'efficacité énergétique ? Ces secteurs sont créateurs d'emplois ; ils sont attractifs pour la main-d'oeuvre hautement qualifiée. Ces secteurs de recherche et développement feraient rayonner la France à l'étranger. Avec quel constructeur automobile, l'ingénieur français, Guy Nègre, a-t-il développé le moteur à air comprimé, garantissant une pollution zéro ? Ni avec Renault, ni avec Peugeot, ni avec Citroën, madame la ministre, mais avec le constructeur automobile indien Tata. Pourquoi une telle expérimentation n'a-t-elle pas lieu sur le sol français ?
Parce que l'expérimentation en grandeur réelle n'est pas encore autorisée !
Pourquoi les constructeurs français sont-ils les seuls au monde à fabriquer une voiture sur deux au diesel, alors que celui-ci coûte plus cher que l'essence ? Tout simplement parce que les raffineurs constituent un groupe de pression extrêmement puissant et que nous n'avons pas su anticiper.
Et aujourd'hui, nous sommes dans une situation où la crise de l'industrie automobile est sur le point d'éclater.
Si votre credo, c'est la simplification, pourquoi ne pas alléger les autorisations administratives nécessaires à toute personne qui souhaite installer une éolienne dans son jardin, un panneau solaire sur son toit ? Savez-vous, madame la ministre, que dans un pays comme l'Autriche, qui bénéficie d'un ensoleillement bien moindre que la France et qui n'a pas investi l'ensemble de son secteur recherche et développement dans le nucléaire, l'on n'accorde pas de permis de construire à une maison qui ne comporterait pas de panneaux solaires ? En France, la recherche et développement n'a pas mis l'accent sur cet aspect, et l'on voudrait nous faire croire que le nucléaire pourrait résoudre le problème des gaz à effet de serre. Lors de la dernière campagne présidentielle, M. Sarkozy comme Mme Royal se sont tous les deux trompés : l'énergie nucléaire ne représente que 3 % de l'énergie finale que nous consommons dans le monde, 6 % de l'énergie finale de l'Europe et 17 % de l'énergie finale de la France, mais 85 % de l'électricité, ce qui n'est pas exactement la même chose.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. En effet !
Même en multipliant par dix ou par cent le parc des centrales nucléaires, il faudrait toujours lutter contre l'effet de serre, car, jusqu'à nouvel ordre, les camions – principaux responsables des émissions de gaz à effet de serre – ne fonctionnent pas au nucléaire, mais au pétrole.
Pour autant, nous ne sommes pas dans l'opposition systématique, madame la ministre. Nous sommes, en effet, tout à fait favorables au développement de l'entreprenariat individuel. Nous croyons aussi qu'il faut réconcilier les Français avec l'entreprise – c'est l'objet des articles 1 à 5 –, même si les facilités prévues par ce texte, en ciblant particulièrement les chômeurs ou les retraités, semblent entériner une situation de précarité qui oblige à se fabriquer son propre « petit boulot » pour compléter son allocation chômage ou sa pension de retraite.
Nous ne pouvons que nous réjouir de la priorité donnée aux PME pour la passation de marchés publics – il s'agit de l'article 7 –, de l'accessibilité au fonds d'investissement de proximité – il s'agit de l'article 10 –, ainsi que des réformes pour la reprise et la transmission des entreprises.
L'amendement proposé par notre rapporteur, M. Charié, instaurant l'action de groupe constitue une grande avancée. Du moins, elle le sera lorsque les sous-amendements dont il fait l'objet seront adoptés. J'espère que sur ce point, nous serons unanimes pour ne pas créer un énième comité Théodule dont il faudrait attendre les improbables conclusions dans des délais très vagues.
Les actions de groupes fonctionnent à l'étranger ; elles sont attendues par les consommateurs et leurs associations. Elles sont nécessaires.
Les associations de consommateurs comptent sur notre soutien pour défendre cet amendement qui permet un réel accès des victimes à la justice, un vrai contrôle du juge sur la responsabilité du professionnel et la réparation.
Nous aurions souhaité malgré tout, monsieur le rapporteur, que ce texte reconnaisse également le droit de la class action pour un préjudice écologique introduit dans notre droit par la jurisprudence de l'Erika.
Nous souhaitons que cette jurisprudence constitue les prémices de la reconnaissance de la criminalité écologique, donc de délinquance écologique.
Il manque à ce projet de loi une véritable cohérence. C'est ce qui appelle un nouvel examen par la commission des affaires économiques. C'est la raison pour laquelle je vous demande, mes chers collègues, d'adopter la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La parole est à M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques.
Je n'ai pas trouvé dans les propos de M. Mamère de raisons convaincantes pour renvoyer le texte en commission.
Plusieurs députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Mais si !
M. Mamère a parlé savamment des travaux de la commission des affaires économiques, auxquels il n'a pas participé !
Vous seriez bien accueilli parmi nous, si vous le souhaitiez !
Puisque vous avez pris tout votre temps pour expliquer que nous n'avions pas fait notre travail en commission, alors que vous n'y siégiez point, monsieur Mamère, je vais tout de même vous dire comment cela s'est passé afin que chacun prenne bien conscience qu'il n'y a aucune raison de renvoyer le texte en commission.
S'agissant de ce projet de loi, nous avons fait des efforts particuliers. Nous avons d'abord beaucoup travaillé avec le Gouvernement. Nous avons tenu pas moins de quatorze séances de travail, ce qui est tout à fait exceptionnel. C'est la première fois, monsieur Mamère, que notre commission s'est réunie aussi souvent ! Alors s'il y a une raison pour ne pas revenir en commission, c'est bien celle-là ! Le ministre a été auditionné ; des tables rondes ont été fort opportunément organisées par le rapporteur afin d'informer les membres de la commission sur les positions des différentes parties prenantes de ce débat. Il y eut cinq séances pour examiner le texte au fond ; quatre réunions au titre des articles 88 et 91 se sont tenues. Aujourd'hui, nous avons eu une nouvelle réunion jusqu'à dix-neuf heures ; demain encore, nous nous réunirons à quatorze heures trente – ce qui fera cinq réunions au titre des articles cités précédemment.
Bref, nous avons travaillé plus de vingt-cinq heures en commission. Je remercie, du reste, tous ceux – commissaires de la majorité et de l'opposition – qui ont participé à nos débats passionnés. Nous avons d'ailleurs accepté de nombreux amendements émanant de l'opposition. Sur les 1 480 amendements que nous avons examinés, – dont plus de 600 émanaient du groupe UMP – nous en avons adopté 146. Je rappelle qu'à l'origine, le groupe socialiste avait déposé un seul amendement ; depuis il s'est rattrapé en en déposant 338, qui ont été examinés au titre de l'article 88.
Rien, donc, ne justifie de renvoyer ce texte en commission, monsieur Mamère. Nous avons fait un travail constructif, le rapporteur peut en témoigner. Pour la première fois, la commission saisie au fond a permis à deux autres commissions saisies pour avis de travailler avec elle : M. Ciotti l'a fait au nom de la commission des lois, et M. Forissier au nom de la commission des finances. Trois commissions ont travaillé de concert sur un projet comportant quarante-quatre articles et 1 480 amendements !
S'il est un texte qu'il ne faut pas renvoyer en commission, c'est bien celui-ci, qui est exemplaire du point de vue du travail accompli par la majorité.
Je vous demande, chers collègues de la majorité, de rejeter cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à M. Olivier Dussopt, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Selon M. le président de la commission, il n'y a aucune raison de renvoyer le texte en commission. Pour ma part, je ne partage pas cet avis et je vais m'employer à vous le démontrer en citant quelques- une des raisons qui justifient un tel renvoi.
Le texte qui nous est proposé souffre – la discussion générale l'a montré – de trop nombreuses lacunes et imprécisions. Un certain nombre de points ne sont pas traités de manière satisfaisante.
La question de la négociabilité générale nous préoccupe encore d'autant qu'elle ne s'accompagne ni d'une remise en cause des référencements, ni d'une remise en cause de la situation monopolistique des centrales d'achat à laquelle ce texte devrait s'attaquer…
…s'il y avait une réelle volonté de résoudre la question du pouvoir d'achat et de la concurrence. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
S'agissant des règles d'urbanisme commercial, certaines imprécisions demeurent, dont le caractère « diplomatique » apparaît au fil des prises de parole ici ou dans les médias.
Nous souhaitons également avoir plus de précisions sur la remise en cause des seuils de déclenchement pour l'accès à certains droits des salariés.
Ce texte souffre aussi, mon collègue Noël Mamère l'a dit, d'une absence de concertation. Preuve en est : les nombreux courriers, messages électroniques, demandes de rendez-vous que nous adressent les différents corps de métiers, qui regrettent de ne pas avoir été entendus. Le renvoi en commission du texte permettrait d'organiser ces auditions supplémentaires.
Madame la ministre, votre texte prétend traiter de la modernisation de l'économie. En fait, derrière ce beau mot de modernisation, vous cachez votre libéralisme et la volonté d'établir la loi du plus fort dans le domaine du commerce, notamment des grandes surfaces. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Partout dans le monde, nous assistons à un renversement de cycle. Partout, les modèles les plus libéraux accusent le coup et reconnaissent leur échec face à leur impuissance à réguler l'économie mondiale et à faire face aux différentes crises qu'ils traversent. Partout, les responsables politiques, y compris aux États-Unis, plaident en faveur d'un réinvestissement de la puissance publique dans le champ de l'action économique. Or voilà que, par rapport à cette tendance générale, vous faites l'exact inverse : votre texte prévoit, en effet, un retrait des prérogatives de la puissance publique. Il prévoit de déréguler et de libéraliser. Les dispositions qu'il propose sont plus idéologiques que pragmatiques, plus dogmatiques que modernisatrices. C'est aussi pour ces raisons que nous pensons qu'un renvoi en commission permettrait d'éclaircir un certain nombre de points.
Madame la ministre, nous allons voter la motion de renvoi en commission : cela permettra, au minimum, d'apporter les précisions nécessaires que nous attendons (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) ;…
… au mieux – si, mesdames et messieurs de la majorité en conviennent – d'introduire de véritables outils de régulation de l'économie de marché pour que celle-ci soit plus acceptable. À défaut, cela permettra au Gouvernement et à la majorité de s'entendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La parole est à M. Philippe Meunier, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
M. Mamère, avec le sens de la mesure qui le caractérise (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), nous a parlé de la réforme des institutions, des OGM, de la double peine, de Nicolas Sarkozy ! Il ne manquait plus que le général de Gaulle, Jeanne d'Arc et Vercingétorix ! (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Mais nous sommes présents ce soir pour parler d'économie, monsieur Mamère ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La loi TEPA, votée cet été, nous a déjà permis d'avoir plus de croissance et plus d'emploi dans un contexte économique international tendu.
Pour améliorer ces résultats, il s'agit maintenant de mettre en oeuvre le deuxième volet de notre action par le biais des quarante-quatre articles de ce projet de loi sur la modernisation économique.
Ce projet s'appuie sur quatre leviers essentiels : simplifier la vie des entreprises, personne ne peut s'y opposer,…
…même Noël Mamère y est favorable ; améliorer la concurrence pour plus de pouvoir d'achat ; renforcer l'attractivité de notre économie dans une économie mondialisée ;…
…mobiliser les financements au service de l'économie française pour garantir notre indépendance nationale.
Ce projet de loi a été longuement discuté en commission ; des tables rondes ont été organisées avec les entreprises et les professionnels, en présence de nombreux commissaires – mais je ne veux pas être désagréable avec le représentant du groupe socialiste qui a tenté de nous « vendre » la motion de renvoi !
C'est l'occasion de saluer l'investissement et la qualité d'écoute du président Patrick Ollier vis-à-vis l'ensemble des groupes. Ce travail approfondi, de qualité, a permis d'étudier sérieusement les quarante-quatre articles du projet de loi.
Chers collègues de l'opposition, j'ai bien conscience que les motions de renvoi en commission sont à vos groupes ce que les marronniers sont à la presse – ce qui, en toute amitié, en limite singulièrement la portée ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Cela étant, pour apporter plus de croissance et plus d'emploi à la France, il faut passer au plus vite à l'examen du texte. Je suis, d'ailleurs, sûr qu'un certain nombre d'amendements déposés par des députés de notre groupe stimuleront encore un peu plus votre intérêt pour ce texte. Le groupe UMP votera donc contre le renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. Daniel Paul, pour le groupe de la gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le président de la commission des affaires économiques, il pourrait paraître surprenant de demander le renvoi en commission d'un texte auquel la commission des affaires économiques a consacré de longues heures.
Pourtant, la réalité est là. Un tel texte, ce patchwork de mesures touche-à-tout – sauf aux profits –, aurait sans aucun doute mérité d'être approfondi.
Ainsi, vous auriez pu, comme nous le demanderons par amendement, faire procéder à des bilans de textes votés il n'y a pas si longtemps. Vous parlez souvent d'évaluation des politiques publiques. Pourquoi ne pas mettre en oeuvre ce dont vous parlez ? Les lois Chatel ou Raffarin, dont vous dites qu'elles sont dépassées, mériteraient sans doute une évaluation qui permettrait d'avancer de façon positive.
M. Balligand a présenté ici même hier soir une analyse très pertinente des problèmes posés par le livret A, le financement du logement social, les PME et les PMI, le financement du FISAC. Nul doute que cela aurait justifié que les commissions ad hoc, pas uniquement la commission des affaires économiques mais également la commission des finances par exemple, se penchent sur des questions aussi lourdes.
On voit bien aussi combien l'action de groupe interpelle dans les rangs de l'UMP, comme bien d'autres sujets que vous écartez ou dont on voit bien qu'ils constituent autant de lignes de fracture entre vous.
En fait, c'est une politique de coups de boutoir, qui frappent toujours les mêmes, les salariés, les retraités, les plus faibles de notre société, et favorisent ceux qui ont aussi bénéficié de la fameuse loi TEPA votée en plein été 2007.
La succession des textes et l'urgence que vous déclarez sur la plupart d'entre eux ne permettent pas de légiférer correctement, et nul doute que, au-delà de la nocivité de votre projet de loi, plusieurs mesures se révéleront très vite intenables dans la durée.
Peu importe pour vous. Votre but réel, le seul qui vous guide, c'est ce que vous appelez la modernisation. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Derrière ce mot, se cache une adaptation de notre pays et de l'ensemble de ces composantes économiques, sociales et culturelles aux exigences du capitalisme financier mondialisé.
Vous voulez rapidement franchir les étapes que vous vous êtes fixées, d'où un texte où se côtoient des mesures relatives aux TPE, à l'urbanisme commercial, aux moyennes et grandes surfaces, au livret A ou à la fibre optique.
Dans tous ces textes, c'est le socle social qui est remis en cause, au nom de la modernité. Or, pour nous, être modernes, ce n'est pas ouvrir la voie à l'augmentation du temps de travail, selon le principe « travailler plus pour gagner plus », ce n'est pas non plus devoir compléter sa retraite trop faible par une activité indépendante. Et si vous souhaitez permettre l'ouverture des magasins le dimanche, ce n'est parce que vous pensez que notre pays irait mieux si l'on pouvait pousser son caddie tous les jours, c'est parce que vous êtes persuadés que c'est là une étape vers la banalisation de ce jour.
Ne comptez pas sur nous pour cautionner ces orientations. Nous voterons évidemment l'excellente motion défendue par Noël Mamère. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le groupe Nouveau Centre.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Nous aussi !
Il est Aquitain comme moi ! Il parle bien, comme on dit chez nous, même s'il est un peu plus à l'aise sur la Constitution que sur l'économie. Et puis, honnêtement, il nous faut écouter les écologistes.
À part quelques erreurs stratégiques sur le nucléaire, ils ont souvent eu raison avant les autres au cours de ces vingt dernières années sur la crise de l'énergie ou le réchauffement climatique, et il faut le garder en mémoire.
Vous avez fait quelques erreurs, monsieur Mamère. Selon les chiffres dont on dispose, les tarifs des télécommunications en France sont parmi les moins élevés d'Europe, en tout cas pour l'ADSL : 30 euros par mois. Comme quoi, la concurrence a marché dans ce secteur. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Il y a du juste dans vos critiques. Oui, la France est suréquipée en matière de grande distribution, c'est vrai, et tout l'attirail Royer-Raffarin n'a servi à rien pour éviter la pluie de mètres carrés qui a dégringolé sur nous. Nous devrons nous en rappeler lorsque nous débattrons du relèvement du seuil, relativiser et être zen.
Tout cela, cependant, ne fait pas une politique économique alternative. Un zeste de conservatisme, un petit clin d'oeil aux coiffeurs et aux pharmaciens, un peu d'écologie, pour consommer mieux, une pincée de libéralisme, qui permet d'approuver le titre Ier favorable aux petits patrons, et puis un bon socle de conservatisme, ça ne fait pas une alternative.
Alors, en attendant le social-libéralisme ou l'écolo-libéralisme, nous voterons contre le renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.
(La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi de modernisation de l'économie.
La séance est levée.
(La séance est levée, le mercredi 4 juin 2008, à zéro heure vingt.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma