Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Noël Mamère

Réunion du 3 juin 2008 à 21h30
Modernisation de l'économie — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNoël Mamère :

Mais il s'agit de nous prémunir d'une libéralisation à tout crin, qui ne prend pas en compte la spécificité des métiers concernés !

Aujourd'hui, par exemple, les enseignes de bricolage sont inquiètes des délais de paiement fixés à soixante jours et qui ne correspondent pas à la réalité de leur travail. Les chambres des métiers et de l'artisanat redoutent la désertion des centres-villes au profit de grandes surfaces qui pourront pousser comme de la mauvaise herbe à la périphérie de nos villes. Les experts comptables s'inquiètent de la suppression du commissariat aux comptes dans les sociétés par actions simplifiées.

Nous recevons, chaque jour, dans nos permanences, des courriers de ces différentes catégories professionnelles qui critiquent le manque de préparation de ce texte, le manque de concertation des acteurs concernés. Ce manque de préparation et de concertation ne s'applique pas qu'au seul texte qui nous est présenté aujourd'hui, mais à de nombreux autres projets soumis à notre assemblée.

Quel est l'objectif de ce texte ? Mme Lagarde le pare de beaucoup de vertus. Le projet de loi devrait relancer la croissance de 0,3 % et donner à la France une croissance de 1,7 à 2 % en 2008. Il est censé créer 50 000 emplois et aussi faire baisser 1'inflation de 1 %, grâce à 1'effet prix résultant de la concurrence. Madame la ministre, sur quoi se fondent ces pronostics ? Quel crédit pouvons-nous y apporter ?

Ainsi, quand la France annonce un déficit public de 2,5 % du PIB en 2008 et de 2 % du PIB en 2009, la Commission européenne, suivie par la plupart des instituts de conjoncture, est obligée de corriger le tir et annonce les chiffres de 2,9 % et de 3 % du PIB, respectivement pour 2008 et 2009.

Dans un article récent, Le Monde rappelait que le ministère de l'économie n'avait fourni à la commission des finances aucune évaluation de la loi sur le pouvoir d'achat, qui prévoit notamment la monétisation des heures supplémentaires dans la fonction publique.

De la même manière, nous n'avons obtenu aucune indication sur le coût de la réforme des régimes spéciaux de retraite des salariés des entreprises publiques. Le Monde écrivait : « Dans les évaluations des bénéfices attendus en matière de croissance, d'emploi ou de baisse des prix du projet de loi de modernisation de l'économie, c'est l'empirisme qui domine, et non une science exacte de la prospective ! »

Mais attardons-nous sur la concurrence, credo de la réforme de cette majorité. Dans le discours du Président de la République et du Gouvernement, l'équation est simple : plus de concurrence égale baisse des prix, égale plus de pouvoir d'achat. Vous conviendrez avec moi qu'il s'agit d'une drôle d'équation !

Prenons l'exemple des télécommunications. Les opérateurs préfèrent s'entendre et font en sorte que les communications téléphoniques en France soient parmi les plus chères d'Europe.

Par ailleurs, si les fournisseurs et les distributeurs doivent faire des efforts pour baisser les prix de leurs produits, il leur faudra nécessairement compenser. Qui sera la victime de cette compensation ? La masse salariale !

La nouvelle obsession du pouvoir d'achat déplace précisément le curseur sur l'achat. Mais il faut voir la question en amont. Aujourd'hui, c'est le prix du travail qui est le véritable problème. Or, sur cette question, le texte de loi que nous examinons aujourd'hui est totalement muet. C'est bien là que la gauche et la droite se distinguent. Réhabiliter la valeur travail, ce n'est pas travailler plus, mais gagner mieux.

Les écologistes remettent en cause la croyance aveugle dans la croissance et dans la consommation comme moteurs de l'économie. Nous préférons croire en l'économie dans le sens d'une réduction, d'une réorientation de la consommation, comme les économies d'énergie, Les économies de déplacement. Pour nous, la modernité se situe là. Nous savons bien que, dans ce secteur, il pourrait y avoir de nombreuses créations d'emplois. Je vous recommande, madame la ministre, de consulter à ce sujet le site d'experts et d'ingénieurshttp: www.negawatt.org. Il vous expliquera que si, au lieu de consacrer 15 milliards d'euros à nourrir les plus riches, on avait placé cette somme dans un grand plan de recherches d'économies d'énergie, d'efficacité énergétique et d'énergies renouvelables, notamment dans l'habitat, nous aurions pu créer près de 120 000 emplois non délocalisables. Cela n'a pas été fait. Aujourd'hui le Grenelle de l'environnement est repoussé aux calendes grecques, et nous savons que nous ne pourrons pas tenir nos engagements.

Pendant ce temps, ceux qui sont déjà victimes d'injustices sociales seront également victimes d'injustices environnementales. Oui, il y a d'autres doubles peines que celles que nous avons combattues en d'autres temps dans cet hémicycle.

Comme son nom l'indique, ce projet de loi vise à moderniser l'économie. Cela signifie, d'après notre rapporteur, « remettre l'homme au coeur de nos lois et de nos pratiques ». La modernisation a le vent en poupe. On a modernisé, paraît-il, le droit du travail ; on veut moderniser les institutions et la fonction publique. Parlez-en à ceux qui travaillent aujourd'hui dans la fonction publique : ils vous répondront que vous confondez modernisation et éradication.

Il est édifiant de constater que M. Breton, en son temps, vouait déjà une sorte de culte à la modernisation. Il proposait, en 2005, une loi pour la confiance et la modernisation de l'économie, qui avait pour objectif « de lever un certain nombre de blocages, en modernisant les règles de fonctionnement des entreprises, en facilitant leur accès aux financements bancaires et aux marchés financiers et en renforçant la confiance des investisseurs et des ménages, notamment grâce à une plus grande diffusion des mécanismes d'intéressement des salariés aux résultats de l'entreprise ».

Est-ce à dire que cette première loi n'a pas suffi ? Qu'elle a failli ? Ou encore que la modernité change de sens au gré des ministres et des gouvernements ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion