La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement sur le projet de loi de finances rectificative pour 2009.
La parole est à M. Pierre-Alain Muet.
Madame la présidente, monsieur le ministre du budget, monsieur le ministre chargé du plan de relance, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, j'axerai mon propos sur la régulation internationale, composante fondamentale dont il faut tenir compte pour redonner de la confiance et sortir de la crise financière. Ce n'est peut-être pas un hasard si, dans votre analyse de la crise, vous oubliez le pouvoir d'achat, messieurs les ministres. Cet oubli n'est pas tant de la myopie qu'une sorte de déviation culturelle !
Nous avons des lunettes !
Cette crise, comme celle de 1929 à laquelle on l'a comparée, comporte deux faces. La face émergée, c'est évidemment la crise financière. Des exigences de rentabilité incompatibles avec l'économie réelle, entretenues par la multiplication d'innovations financières, se sont effondrées lorsque les anticipations des marchés se sont retournées. Ces exigences n'ont pu tenir que dans la phase où la multiplication des innovations financières ont permis un décalage en s'appuyant sur l'appréciation des actifs financiers.
Mais il y a aussi une face cachée à la crise : la pression constante sur les salaires résultant de ces exigences de rentabilité qui, dans tous les pays, mais particulièrement aux États-Unis, a profondément creusé les inégalités entre les revenus salariaux et les revenus du capital et conduit les familles les plus modestes à s'endetter massivement pour acheter leur logement. Le salaire médian américain n'a pas augmenté pendant dix ans, et c'est pour l'essentiel, l'endettement qui a nourri la croissance américaine. Ce n'est donc pas un hasard, si nous ne cessons de vous rappeler l'importance du pouvoir d'achat.
Nous ne sommes déjà plus dans une récession ordinaire. Nous sommes déjà entrés dans une phase où la politique monétaire, après avoir été impuissante à résoudre une crise de liquidités – puisque pour la première fois, il a fallu une intervention massive des États pour garantir le crédit interbancaire alors que ce n'est pas leur rôle –, est aujourd'hui quasi impuissante à répondre à l'ampleur de la récession et à stimuler l'activité économique. Pour sortir de la récession, des relances budgétaires massives sont indispensables.
Il n'est possible de sortir de la crise qui ne fait que s'amplifier depuis l'été que par une politique qui prendra réellement en compte tous ses aspects.
La réponse en matière de régulation internationale – quasi inexistante – n'est pas à la hauteur de la crise.
La politique que vous conduisez depuis dix-huit mois est en complet décalage. Une politique économique digne de ce nom consiste à anticiper les situations. Or les mesures que vous avez prises sont en porte-à-faux avec la réalité économique, et cela vaut également pour le plan de relance dont nous sommes saisis.
La réponse européenne, non plus, n'est pas à la hauteur.
Si, contrairement à la crise de 1929, les gouvernements ont su réagir rapidement pour éteindre – au moins provisoirement – l'incendie financier, ils n'ont cependant pas pris la dimension du changement profond qu'il faudrait introduire dans la régulation mondiale pour répondre réellement à cette crise.
Après la crise de 1929, Roosevelt a pris des mesures radicales, en séparant les banques d'affaires des banques de dépôt, ces dernières devant assumer une sorte de mission de service public : accueillir les dépôts des particuliers et leur accorder des crédits. Les États avaient la charge de préserver cette mission de service public. Quant aux banques d'investissement, elles pouvaient se permettre de faire de la spéculation, mais si elles prenaient des risques les États n'avaient pas à leur venir en aide.
De la même façon, avec le New Deal, Roosevelt a introduit le rôle de l'État dans le soutien de l'activité économique et jeté les bases de l'État-providence, qui n'existait pas aux États-Unis. Il a su conduire un véritable changement structurel. C'est cette généralisation des politiques publiques conjuguée au développement de l'État-providence et à une économie financière fortement régulée qui a contribué à la croissance des trente années où prévalait le système de Bretton Woods.
Il y a, aujourd'hui, un fossé entre les moyens mobilisés par les gouvernements pour éteindre l'incendie financier et l'absence quasi totale de régulation. Commentant les plans de sauvetage des banques, Joseph Stiglitz écrivait en décembre dernier : « des centaines de milliards ont été dépensées pour préserver des institutions en dysfonctionnement. Mais rien n'a été fait pour revoir leurs structures perverses d'incitations, qui encouragent des prises de risques excessives ».
La première condition pour rétablir la confiance dans le système financier mondial, c'est de faire en sorte que les banques fassent leur métier. Leur métier, c'est prêter, ce n'est pas de spéculer sur les marchés financiers ou d'accorder des crédits en se défaussant immédiatement des risques correspondants par la titrisation ou les produits de couverture, comme cela s'est pratiqué pendant des décennies.
On s'étonne aujourd'hui des prises de risques excessives qui ont conduit à la crise alors que toutes les innovations financières des deux dernières décennies ont consisté à inventer des instruments de défausse systématique des risques de crédit. En 2003, Warren Buffet, qui n'est pas un enfant de choeur en matière financière, qualifiait les produits dérivés d'armes de destruction massive.
On ne peut pas continuer avec un système financier où l'activité de casino l'emporte sur l'activité économique, où le capital financier représente quinze fois le produit intérieur brut mondial et où celui qui prend des risques et qui fait courir des risques à son institution ou au système financier mondial n'en supporte pas les conséquences. Les traders sont rémunérés en fonction des gains qu'ils obtiennent, mais ils ne supportent pas les pertes. Il en va ainsi pour l'ensemble du système financier. C'est, en effet, l'argent du contribuable qui a sauvé les banques qui ont pris le plus de risques ! Nous sommes dans un système qui pousse à la prise de risques. Lorsqu'il y a des profits, ils restent privatisés. Mais en cas de pertes, celles-ci sont, hélas, socialisées.
Pour que la confiance revienne, il faut mettre rapidement en oeuvre un nouveau système de régulation s'appliquant à toutes les institutions de crédit. Il faut limiter les effets de levier. Un minimum de régulation aurait pu éviter la faillite de banques comme la banque Bear Stearns qui a fait des placements d'un montant de plusieurs centaines de milliards. Il faut obliger les institutions qui accordent le crédit initial à porter l'essentiel du risque, ce qui implique une véritable réforme du système. En outre, il faut mettre fin aux paradis fiscaux. Si les grandes nations européennes et américaines s'accordaient pour ne pas accepter des transactions avec les paradis fiscaux, on pourrait en finir avec eux. S'il est un domaine dans lequel l'Europe a un rôle à jouer, c'est bien celui-là. L'union monétaire européenne, qui représente un pôle de stabilité, pourrait donner l'exemple en matière de régulation financière.
S'agissant de la relance de 1981 que vous avez évoquée, je rappelle que le déficit extérieur qui a conduit à changer de politique économique s'élevait à 79 milliards de francs, soit 12 milliards d'euros, contre 55 milliards aujourd'hui ! Depuis 2003, le déficit extérieur n'a cessé de croître. Si l'union monétaire n'existait pas, il y a longtemps que la France aurait dû dévaluer et aurait connu des crises de change.
D'une certaine façon, votre gouvernement – celui de M. Fillon – peut donc remercier MM. Mitterrand et Delors d'avoir su faire l'union monétaire, protégeant ainsi notre économie de crises de change…
Et M. Chirac !
Sur ce point, je suis d'accord.
J'en viens à la situation de l'économie nationale. Je l'ai dit : une bonne politique est une politique qui anticipe. Comme M. le rapporteur général, je me livre volontiers à des analyses rétrospectives de la politique économique ; mais je me limiterai aux dix-huit mois qui se sont écoulés depuis que vous êtes au pouvoir. La politique économique que vous avez alors menée donne l'impression d'un décalage complet par rapport à la situation qui a prévalu au cours des trois à six mois suivants.
Ainsi, sans répéter les propos de Didier Migaud, pas une seule des mesures du « paquet fiscal » adopté à l'été 2007 n'a correspondu aux besoins que révélait la situation économique.
Pas une, vraiment ?
Ces mesures n'ont nullement permis de relancer le pouvoir d'achat. Ainsi, peut-on dire que les exonérations de 95 % des successions ont servi le pouvoir d'achat et la consommation ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Oui, bien sûr !
Ce n'est pas le cas : c'est vraisemblablement l'épargne que cette mesure a confortée.
Quant aux heures supplémentaires, il est absurde de dépenser cinq milliards d'euros pour faire en sorte que les entreprises substituent des heures supplémentaires à des créations d'emplois alors que l'emploi baisse !
Je rappelle que, selon une étude de l'INSEE, cette mesure a conduit à supprimer 16 000 à 60 000 emplois.
Il s'agit simplement d'un effet de substitution : au lieu d'embaucher, des entreprises ont fait effectuer des heures supplémentaires. Dans la situation que nous connaissons, une mesure qui coûte 5 milliards d'euros et qui a pour seul effet de détruire des emplois est une absurdité !
Vous devriez prendre des leçons auprès des socialistes allemands ! (Exclamations sur les bancs du groupe GDR. – Rires sur divers bancs.)
Poursuivons l'évocation de votre politique économique. À l'automne 2007, lorsque nous avons examiné le budget, un choc pétrolier se préparait visiblement : les prix du pétrole augmentaient fortement, de même que les prix alimentaires, et les économistes nous mettaient en garde contre ce risque, à propos duquel on savait que l'accélération de l'inflation entraînerait des pertes de revenus.
Vous n'en avez pas tenu compte, persistant à refuser de donner un coup de pouce au SMIC ; vous n'avez pas augmenté la prime pour l'emploi, que nous vous demandions régulièrement de doubler, ce qui aurait permis de redonner du pouvoir d'achat aux Français. Qu'est-il arrivé ? Début 2008, la France a connu une baisse du pouvoir d'achat.
On peut soumettre votre politique de l'emploi à la même analyse. À partir de 2002, les gouvernements successifs ont supprimé tous les dispositifs d'emplois aidés, si bien que l'emploi, qui avait fortement progressé au cours des années précédentes, s'est mis à stagner…
…, et ce presque jusqu'en 2006, date à laquelle le ministre des affaires sociales, M. Borloo, a entrepris de recréer des emplois aidés. La croissance du revenu a alors repris, ainsi que celle de l'emploi, et de nouveaux emplois ont été créés en 2006 et en 2007.
Arrivés au pouvoir, vous supprimez de nouveau tous les emplois aidés. Dès lors, les créations d'emplois se sont raréfiées…
À cause de la crise !
En outre, le budget que nous discutions il y a seulement deux mois ne laissait présager qu'une suppression des emplois aidés. Et si le plan de relance prévoit de nouveau de recourir à ces derniers, cela compense à peine, selon les analyses de l'INSEE, les baisses inscrites dans le budget. Ainsi, alors que la situation de l'emploi appelle une action massive, vous vous contentez de renoncer à une politique qui supprimait totalement les emplois aidés.
Je pourrais poursuivre de même sur presque tous les sujets : sans doute en grande partie pour des raisons idéologiques, vous vous êtes totalement écartés de la politique qu'il aurait fallu mener. Nous sommes en récession depuis début 2008, ou presque, c'est-à-dire depuis un an. Depuis un an, le pouvoir d'achat par tête diminue ou stagne…
…, selon les trimestres. Je ne fais que me référer aux comptes trimestriels, auxquels je vous renvoie. La consommation des ménages a donc baissé au premier trimestre 2008…
… alors qu'elle augmentait encore fortement en 2007 ; d'où la récession. En effet, d'une part, vous n'avez pris aucune mesure en faveur du pouvoir d'achat ; de l'autre, nous avons connu, comme tous les pays, un choc pétrolier. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Si vous nous aviez alors écoutés, si vous aviez adopté quelques mesures en faveur du pouvoir d'achat, vous auriez pu faire face à la situation économique, bien avant que la crise financière ne fasse sentir ses effets.
En France, la récession a quasiment commencé début 2008 ; à partir du mois de mars, la faiblesse de la demande a fait baisser l'investissement ; ce n'est qu'en octobre que l'investissement des ménages et des entreprises s'est véritablement effondré du fait de la crise financière. Mais une politique d'emplois aidés et de soutien à l'emploi et au pouvoir d'achat aurait épargné à la France une récession en 2008 et l'aurait mieux armée face à la crise financière. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Permettez-moi de prendre un exemple. La dernière crise financière, la crise asiatique, remonte à 1998 ; sans atteindre l'ampleur de la crise actuelle, elle en partageait à peu près les composantes. Cette crise, qui a fortement frappé les pays asiatiques et touché quelques pays européens, a totalement épargné la France parce que celle-ci créait alors 400 000 emplois par an…
…et que le revenu disponible des ménages y augmentait de 3,3 %. La France a donc traversé cette crise parce que la demande y croissait fortement et que pouvoir d'achat et création d'emplois s'y conjuguaient. Ce qui a manqué à votre politique, c'est une relance du pouvoir d'achat et une stimulation de la création d'emplois.
Revenons à la situation présente.
Les données que j'ai citées montrent, monsieur le ministre, qu'il faut, conformément aux recommandations de la Commission européenne, du FMI et de la plupart des instituts de conjoncture, recourir à des plans de relance massifs, fortement orientés vers le pouvoir d'achat et le revenu des ménages. Si l'investissement public doit certes également y figurer, un plan comme le vôtre, qui s'y limite, ainsi que, dans une moindre mesure, à l'investissement privé, est unijambiste ou déséquilibré.
En réalité, il faut agir sur trois leviers :…
…le pouvoir d'achat individuel, l'emploi et l'investissement public. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Mais vous n'agissez ni sur l'emploi, ni sur le pouvoir d'achat individuel : il manque donc à votre plan de relance deux composantes essentielles.
Stimuler l'investissement des entreprises par une déduction fiscale sans redonner du pouvoir d'achat, c'est-à-dire sans accroître la demande, ne permettra pas à l'investissement de reprendre, mais aura pour seul effet d'augmenter l'épargne des entreprises – ce qui peut être utile, mais n'a aucune efficacité en termes d'activité économique.
En somme, et sans reprendre les propos tenus par mes collègues, nous avons besoin d'un plan de relance massif, complet…
… – c'est-à-dire doté des trois composantes que sont l'emploi, le pouvoir d'achat et l'investissement public –, et qui produise rapidement des effets.
Sur ce dernier point, on sait que les relances par l'investissement public prennent du temps. Ainsi, à en croire de nombreux instituts ayant analysé ce type de plans de relance, leurs effets ne se font pas sentir avant six mois à un an. Selon une étude récemment publiée par l'INSEE, que vous connaissez certainement et qui analyse la plupart des plans de relance européens, le plan français est loin d'être massif : il prétend apporter 1,3 % du PIB, mais, en réalité, il ne dépasse pas 0,5 % ; en outre, il ne concerne que peu l'année 2009 ; enfin, la stimulation de l'économie n'y représente au total que 0,3 % du PIB. On est loin du 1 % évoqué par Mme Lagarde ! J'aimerais du reste, messieurs les ministres, que vous nous communiquiez, dans l'intérêt du débat public, les simulations de Bercy, car les instituts privés ne parviennent pas du tout aux mêmes résultats que vous.
Le plan doit donc être complété par des mesures ciblées sur les personnes les plus exposées aux effets de la crise : les chômeurs, les jeunes et les salariés modestes. J'ai mentionné le pouvoir d'achat individuel. Je persiste à penser qu'une réforme satisfaisante consisterait à augmenter la prime pour l'emploi à court terme et à baisser la TVA.
Permettez-moi de vous expliquer pourquoi. Ces mesures seraient cohérentes du point de vue de la conjoncture comme de notre fiscalité.
En effet, la fiscalité française a une caractéristique : l'impôt sur le revenu, qui est progressif, y est relativement faible, et l'impôt sur le revenu au sens large, qui inclut la CSG, est peu progressif car la CSG, plus importante que l'impôt sur le revenu stricto sensu, est proportionnelle. En outre, notre fiscalité indirecte est extrêmement forte…
…, notre TVA est relativement élevée, et des études très intéressantes, bien connues des administrations économiques, montrent que l'impôt indirect est fortement régressif. En effet, la TVA et les impôts indirects représentent 11 % du revenu des ménages les plus modestes, mais 3 % seulement de celui des ménages les plus riches.
Une politique qui rétablit la dimension progressive de l'impôt pour les plus bas revenus, mais dans un sens négatif – ainsi en va-t-il de la prime pour l'emploi, impôt négatif –, contribue donc à rééquilibrer notre fiscalité et redonne du pouvoir d'achat. L'accompagner d'une baisse – qui reste certes à déterminer – de la TVA correspond également à l'exigence d'une réforme à long terme de notre système.
Les baisses que vous avez proposées en 2000 n'ont eu aucune répercussion sur les prix. Il faut le reconnaître ! (Approbation sur les bancs du groupe NC.)
Je vais poursuivre, même si débattre est toujours un plaisir !
Il faut en outre, comme le propose la Commission européenne, renforcer le soutien aux chômeurs et aux jeunes qui entrent sur le marché du travail. La Commission suggère d'ajuster le système d'indemnisation du chômage en augmentant la période d'indemnisation. Dans une lettre récente, l'OFCE chiffre le coût d'une telle mesure, parfaitement adaptée à l'objectif de soutien de l'activité économique et au risque de baisse importante du nombre d'emplois du fait des plans décidés par les entreprises – l'INSEE prévoit ainsi près de 200 000 destructions d'emplois au premier semestre, chiffre record.
Il est donc pertinent de changer les règles d'indemnisation du chômage. L'indemnisation actuelle est purement assurantielle : elle est équilibrée par construction. Si nous voulions qu'elle joue parfaitement son rôle contracyclique, c'est-à-dire son rôle de soutien à l'activité économique, il faudrait que l'État accepte d'abonder en partie des dispositifs plus favorables aux chômeurs, comme l'a proposé la Commission européenne et comme l'ont fait certains pays européens. Cette réforme, qui pourrait s'inscrire dans une réforme d'ensemble de notre système d'indemnisation du chômage et d'action en faveur de l'emploi, permettrait de mettre en place une véritable sécurité professionnelle.
Pour finir, j'évoquerai l'Europe qui a su, l'espace d'un week-end, coordonner sa politique de réponse à la crise financière.
La réponse pertinente à la crise financière est effectivement une politique de relance concertée dans la plupart des pays, mais il faut qu'elle soit d'un montant important : autour de 2 % du PIB, selon le FMI. Or nous sommes encore loin du compte : dans la plupart des pays européens, à l'exception de l'Espagne et du Royaume-Uni, l'OFCE a constaté un écart considérable entre les objectifs affichés et les chiffres réalisés. Le Royaume-Uni comme la France ont retenu un taux de 1,3 % du PIB pour leur plan de relance mais seul le Royaume-Uni le respecte : en France, le taux effectif est de seulement 0, 5 %. En Espagne, le pourcentage effectif est de 1,7 % pour un taux initialement fixé à 2 %. Autrement dit, seuls deux pays européens ont aujourd'hui un plan de relance ajusté à l'ampleur de la récession.
Un autre problème se pose : l'Europe de l'Est est prise en tenailles entre la nécessité de relancer l'économie et sa volonté de respecter les critères de Maastricht afin de pouvoir entrer un jour dans l'union monétaire. Il est donc nécessaire d'avoir une réflexion d'ensemble sur l'action à conduire, à l'échelle de l'Europe, pour trouver une réponse adaptée à la situation économique européenne tenant compte des difficultés spécifiques des pays qui ne sont pas membres de l'union monétaire.
L'Europe doit être plus active en matière de régulation financière car elle constitue un pôle de stabilité, appelé à jouer un rôle considérable dans le développement d'une régulation mondiale. Mais elle doit également pleinement jouer son rôle en matière de grands projets d'investissement, qui constituent pour l'instant une petite composante des projets de la Commission européenne. Il s'agirait de réactiver les dispositifs que Jacques Delors avait lancés en son temps, car ils seraient parfaitement adaptés à la situation actuelle.
Si vous voulez répondre réellement à la crise, vous devez mettre en place un vrai plan de relance. Celui que vous nous proposez ne comporte qu'une des trois composantes de ce que constitue un vrai plan de relance : celle de l'investissement public. Manquent l'emploi et le pouvoir d'achat. Dans ce domaine, il vous faut mener une véritable révolution culturelle (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) car on ne peut répondre à la crise avec un plan unijambiste, qui empêche d'agir rapidement face à une situation qui se dégrade très vite. Au cours du dernier trimestre 2008, le PIB aura connu une baisse proche de 1 % et nous risquons de connaître le même phénomène au premier trimestre de cette année. Votre plan produira des petits effets dans six mois mais si vous voulez apporter une véritable réponse, il faut vous préoccuper du pouvoir d'achat. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en oeuvre du plan de relance.
Monsieur Muet, sachez que j'ai écouté avec intérêt votre exposé des positions du groupe socialiste car il était calme, posé et argumenté. Mais j'ai été surpris que vous n'évoquiez pas certains éléments, qui contredisent complètement vos propos alors que, en tant qu'expert, vous avez toutes les compétences pour les prendre en compte.
Je prendrai deux ou trois exemples dans votre intervention. Vous dites que le plan de relance risque de mettre un peu trop de temps à produire ses effets. C'est justement la raison pour laquelle le Président de la République a choisi une méthode particulière en mettant en place un ministère consacré au plan de relance, obsédé même par celui-ci.
C'est une méthode originale, qui n'a jamais été employée jusqu'à présent : un ministère dédié à la relance, animé par une équipe agissant comme un commando, en s'efforçant de faire entrer ce processus dans la réalité économique au-delà de toutes les procédures administratives. C'est un premier élément que vous ne semblez pas vouloir prendre en considération.
Deuxième chose : vous prétendez que nous sommes en décalage complet avec la crise depuis son commencement, en août 2007. À cet égard, j'ai écouté avec intérêt les développements que vous avez consacrés aux raisons de la crise internationale, qui rejoignent en partie les analyses de Nouriel Roubini, qui est le seul économiste à avoir réellement prévu ce qui est arrivé.
Il se trouve que le Président de la République, dans une lettre du 16 août 2007 adressée à Angela Merkel et aux membres du G7, que vous pouvez facilement consulter sur internet, évoque à propos du fonctionnement du marché financier international et des obstacles que vous avez vous-même relevés, l'existence des paradis fiscaux, l'exigence de transparence, le problème des banques d'investissement qui, non soumises au ratio capitaux propres sur endettement, ont pu emprunter 60 dollars à partir d'un dollar, contrairement aux banques commerciales tenues aux critères de Bâle 2. Vous ne pouvez donc prétendre que le Président de la République a été en décalage avec la crise puisqu'il a souligné dès le mois d'août 2007 tous les éléments que vous nous exposez aujourd'hui en janvier 2009.
S'agissant de la loi TEPA, monsieur Muet, ne pensez-vous pas qu'une mesure comme la déduction des intérêts des emprunts immobiliers était bienvenue dans la mesure où l'origine de la crise, tout le monde le sait, est immobilière ? Et que dire de l'initiative d'orienter une partie du produit de l'ISF – 1 milliard d'euros – vers les PME dès le mois d'août 2007 ? Personne n'avait fait cela auparavant !
S'agissant de la crise internationale financière, dois-je rappeler que c'est le Président de la République qui a pris l'initiative de réunir le G 20 et qu'il a été le premier et pendant trop longtemps le seul à agir ainsi ?
Ce reproche de décalage avec la crise, vous pouvez peut-être l'adresser à tel ou tel responsable politique mais certainement pas au Président de la République, qui a déterminé la politique économique du Gouvernement et qui a été à l'avant-garde à l'échelle mondiale, ce qui inspire au Gouvernement une certaine fierté, je peux vous le dire.
Vous évoquez encore la prime pour l'emploi pour relancer la consommation. Permettez-moi de vous rappeler quelques chiffres : la PPE est passée de 2,3 milliards d'euros en 2002 à 2, 7 milliards en 2005, puis à 4, 5 milliards en 2007 et à 4,4 milliards en 2008. Par ailleurs, nous avons créé le RSA en le dotant de 1,5 milliard d'euros.
Mais le grand problème, c'est que le RSA ne remplace pas l'augmentation du SMIC !
Vous évoquez la nécessité de mieux indemniser le chômage pour aller vers une forme de sécurité sociale professionnelle. Vous avez bien raison et nous intégrons cette dimension dans le plan de relance à travers les contrats de transition professionnelle, auxquels sont consacrés 500 millions d'euros.
Aux sept bassins d'emploi frappés par le chômage ayant expérimenté ce contrat, nous en ajoutons dix-huit, ce qui fait vingt-cinq au total. Vous pourrez toujours dire que ce n'est pas assez mais, tout de même, vous êtes économiste, vous avez l'habitude de l'objectivité scientifique,…
…et vous pouvez au moins nous accorder le bénéfice de cela : certaines mesures que vous-même réclamez figurent dans le plan de relance que vous condamnez.
Vous dites encore que la France n'aurait pas été en récession en 2008 si nous avions mené une politique de soutien à la consommation.
Mais nous n'étions pas en récession alors. Par contre, aujourd'hui, le monde entier est en récession, la crise frappe la France comme le reste du monde.
Et j'estime même que la France vit cette situation en manifestant plus d'autorité.
J'espère ainsi avoir répondu à vos arguments, qui méritent débat et donnent plaisir à échanger entre majorité et opposition. Pour notre part, nous pensons ne pas être en décalage avec la réalité. La question préalable aura été l'occasion, pour ne pas dire le prétexte, d'exposer de manière intéressante vos positions et nous en avons tiré profit. Je vous en remercie.
Dans les explications de vote sur la question préalable, la parole est à Mme Colette Langlade, pour le groupe SRC.
Monsieur le ministre, en ce début d'année 2009, nous examinons le plan de relance de votre Gouvernement, soumis à la procédure d'urgence et examiné en commission la veille de Noël. Qu'il y ait urgence, c'est un fait, mais examiner un texte de cette importance dans la précipitation, nous ne pouvons l'accepter.
Comme l'a très bien démontré mon collègue Pierre-Alain Muet, ce plan est très insuffisant : il n'est pas à la hauteur des enjeux de cette crise. Il est même en deçà des annonces faites le 23 octobre dernier par le chef de l'État lors de son discours d'Argonay où il évoquait 175 milliards d'euros sur trois ans en faveur de l'investissement public.
Oui, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette crise nous frappe de plein fouet et laisse sur le côté nombre de nos concitoyens victimes du chômage. En réponse à cela, vous avez pris un arrêté singulier, publié dans le Journal officiel du 3 janvier 2009, qui vise à assouplir le recours au chômage technique dans les entreprises de l'ensemble des branches professionnelles. Belles étrennes pour des centaines de salariés ! Le premier objectif de votre plan de relance n'est-il pas pourtant de favoriser l'emploi ?
Par ailleurs, l'effet destructeur du volet consacré aux heures supplémentaires dans le paquet fiscal adopté lors de l'été 2007 se fait sentir, augmentant les contingents de demandeurs d'emploi et confirmant nos craintes.
Monsieur le ministre, de quelle manière comptez-vous procéder pour relancer l'emploi, vous qui avez affirmé vouloir aider les chômeurs à trouver un emploi ?
Je souhaite également souligner et déplorer, comme Dominique Paillé, député de la majorité, l'absence du volet « relance du pouvoir d'achat » dans votre plan, notamment en faveur des plus démunis et des plus fragiles, alors qu'un économiste de l'OFCE a montré récemment l'utilité et la nécessité d'une telle mesure. Au lieu de cela, vous vous félicitez de nous présenter uniquement la prime à la casse, dont les effets positifs sont vraiment limités.
Vous vous refusez obstinément, au fil des différents textes que votre Gouvernement soumet à la représentation nationale, à favoriser le pouvoir d'achat de nos concitoyens, d'autant que vous vous rendez compte, du moins je l'espère, des limites des slogans que vous nous asséniez il y a quelques mois seulement : travailler plus pour gagner plus, heures supplémentaires, remboursement des RTT. En commission, vous récusiez, monsieur le ministre, comme mesure à effet immédiat, une baisse ciblée de la TVA sur les produits de première nécessité, alors que cela aurait permis de favoriser la consommation des ménages.
Parmi nos mesures que vous écartez, hélas, nous préconisons une augmentation des minima sociaux, de la prime pour l'emploi et des retraites, un plan de construction de 300 000 logements sociaux et une dotation aux collectivités locales que vous ne manquez pas souvent de solliciter. Tout à l'heure, Michel Sapin qualifiait d'insuffisant le volet de votre plan consacré aux entreprises. Plusieurs de mes collègues ont en effet démontré que sur les 26 milliards dont il est question, 5 milliards seulement correspondent à des crédits nouveaux.
Nous comprenons tous ici le désarroi des entreprises et leurs inquiétudes, mais aussi leur déception que nous faisons nôtre sur les bancs du groupe SRC. Cette crise financière, dont vous semblez sous-estimer l'ampleur, nécessite un plan à la hauteur des enjeux. Vous le qualifiez d'exceptionnel ; nous le trouvons incomplet.
Nous vous demandons solennellement de participer à une rénovation, à la construction d'infrastructures, et de verser une aide sociale indirecte aux plus démunis.
Voilà pourquoi les députés du groupe SRC soutiennent la question préalable défendue par M. Muet. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Comme d'habitude, Pierre-Alain Muet a été intéressant, convaincant et pédagogue.
La clé est dans la formule qu'il a utilisée : il s'agit d'une révolution culturelle, deux mots que vous ne pouvez accepter. Le mot « révolution » vous donne le frisson (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), de même que celui de culture, car il vous manque la culture économique qui vous permettrait de comprendre !
Comme d'habitude, Pierre-Alain Muet a pris son scalpel pour vous expliquer que la terre tourne autour du soleil. Mais alors qu'il vous décrit le phénomène, vous lui répondez que c'est le soleil qui tourne autour de la terre (Rires sur divers bancs) parce qu'il vous manque les outils intellectuels pour comprendre.
Quels sont ceux d'entre vous qui sont capables de nous expliquer la loi de la valeur et de nous dire comment elle fonctionne ? Vous n'êtes pas nombreux à pouvoir le faire. Et je ne vous demanderai pas dans quel tome cela figure, car vous ne le savez pas.
Nous en sommes à la énième discussion depuis l'automne. C'est un feuilleton. Or quel résultat avez-vous obtenu depuis ? Aucun, car vous n'avez rien fait de fondamental.
Comme l'a fort bien démontré Pierre-Alain Muet, il n'y a pas de régulation internationale. Le président nous avait reçus pour nous dire qu'avant le G 20 on allait voir ce qu'on allait voir, et qu'il avait discuté avec le président Bush d'une question importante, la participation ou non des conjoints au dîner ! (Sourires.) La question ayant été tranchée, le président nous a expliqué que beaucoup de choses avaient été obtenues. Or qu'a-t-il obtenu ? Qu'on en reparle au mois d'avril ! À part cela, rien ! C'est comme la présidence française de l'Union européenne. Il n'est que d'écouter ce que les Allemands en pensent. (« Jaloux ! » sur les bancs du groupe UMP.) Quand on vous tend le miroir pour que vous vous voyiez tels que vous êtes réellement, cela ne vous fait pas plaisir et je le comprends.
Pierre-Alain Muet a parlé de choses concrètes, comme l'importance du capital financier par rapport au PIB, les transactions qui ont lieu dans les paradis fiscaux et avec quels moyens simples on pourrait les empêcher, et surtout il a expliqué que vous vous refusez à intervenir sur l'économie réelle en donnant du pouvoir d'achat.
Vous avez des économistes, mais vous ne voulez pas les écouter. Dès 2005, Jacques Mistral, économiste alors attaché à l'ambassade de Washington, a envoyé des notes au ministère dans lesquelles il décrivait la crise de l'immobilier américain et ce qui allait se passer. Mais comme vous êtes imbibés et intoxiqués par l'idéologie du libéralisme dominant, vous ne pouviez pas et ne vouliez pas écouter Jacques Mistral, qui vous avait prévenus dès 2005. Comme ce qui vient des États-Unis ne saurait être mauvais, à l'exception des notes de nos diplomates les plus éclairés, vous n'avez pas voulu les écouter.
Volontiers.
D'un côté, il y a de vrais économistes, comme Jacques Mistral ou Michel Aglietta, et de l'autre ceux qui sont dans d'étranges lucarnes et qui sont vos affidés, comme Nicolas Baverez. Plutôt que de consulter les médecins, vous préférez les rebouteux plutôt que la pénicilline, vous préférez la poudre de perlimpinpin.
Vous êtes encore de l'ancien temps alors qu'il faut construire le futur. Vous devez faire votre révolution culturelle, mais vous n'avez pas les outils intellectuels pour la faire.
Voilà pourquoi le groupe GDR votera la question préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
La parole est à M. Nicolas Perruchot, pour le groupe du Nouveau Centre.
J'ai un regret : que M. Brard n'ait pas défendu la question préalable, car nous aurions sans doute beaucoup ri, à défaut d'être d'accord sur certains points.
Nous serons nombreux à l'écouter !
Il a commis une erreur en disant que M. Sarkozy s'était entretenu avec M. Bush à propos d'un dîner puisqu'il s'agissait en fait de M. Medvedev.
C'est normal qu'il ne veuille pas parler de la Russie car cela lui rappelle de mauvais souvenirs !
J'étais présent, comme vous, à ce déjeuner, et je m'en souviens très bien.
Votre mémoire est sélective et vous voulez toujours faire référence aux États-Unis, comme s'il s'agissait pour nous d'un mètre étalon. Mais rassurez-vous : nos idées divergent parfois bien de celles des Américains et nous sommes capables de trouver des solutions en nous affranchissant de modèles que l'on a pu parfois vénérer.
Monsieur Muet, avec votre brillante intervention j'ai eu l'impression de revenir sur les bancs de la fac. Or, ici, on fait de la politique et non des cours magistraux !
Dans votre brillante démonstration, vous n'avez fait qu'énoncer des théorèmes, vous adorez la modélisation et vous citez l'OFCE comme M. Brard cite le MEDEF, c'est-à-dire toutes les cinq minutes. Tout cela ne suffit pas à nous démontrer qu'il faut voter la question préalable.
Votre argumentation ne m'a pas convaincu. Vous qualifiez ce plan d'unijambiste. Voilà qui est un peu facile. Nous attendons avec impatience, le 20 janvier, le grand plan annoncé par le parti socialiste nous montrant toute la vérité.
Vous nous parlez du pouvoir d'achat individuel. Mais je ne vois pas bien avec quel argent vous allez pouvoir le relancer. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Vous ne votez pas les réformes proposées par le Gouvernement. Dans ce cas, ne critiquez pas ceux qui le font.
En matière d'emploi, les précédentes politiques socialistes ont échoué. Je ne parlerai pas des 35 heures, que vous considérez comme une mesure exceptionnelle. Vous avez beaucoup parlé des emplois aidés. Mais je vous mets au défi de nous dire quel est réellement l'impact sur la croissance des emplois aidés. Si vous pensez qu'on peut régler la crise uniquement en créant des emplois aidés, revoyez votre copie d'ici au 20 janvier.
Enfin, en matière d'investissement public, il faudrait que vous regardiez de plus près ce que propose le Gouvernement. Comme l'a rappelé Charles de Courson, de nombreux éléments, à la fois sur le pouvoir d'achat et l'investissement public, permettent d'espérer aujourd'hui que la relance sera au rendez-vous. Les incantations ne suffisent pas, il faut pouvoir faire des propositions en évitant les recettes qui n'ont pas fonctionné par le passé.
J'ai été déçu par vos propos. Vous n'êtes pas assez pragmatique, trop économiste, et vous adorez la modélisation.
Voilà pourquoi j'invite mes collègues à ne pas voter la question préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
Monsieur Brard, vous nous avez fait une démonstration assez brillante en matière de littérature !
J'ai écouté avec attention les uns et les autres s'exprimer dans des registres totalement différents, qui scientifique, qui littéraire. En la matière, je dois dire que la dialectique de M. Brard prend parfois des détours assez étonnants. S'il me paraît normal que la contradiction s'exprime sur ces bancs, en revanche je me demande si la contradiction doit être à ce point contradictoire.
J'avoue être perplexe. Si l'on a déjà entendu parler de l'effondrement cumulatif de la demande, il ne faut pas oublier de signaler qu'en France ce phénomène est bien moins prononcé qu'ailleurs. Et il y a sans doute des raisons à cela.
J'ai entendu que les mesures étaient insuffisantes en matière de pouvoir d'achat. Mais à quoi sert le RSA sinon, sur le levier de la demande, à favoriser le pouvoir d'achat ?
J'ai entendu également que les mesures étaient insuffisantes en matière d'emploi. Mais les statistiques du mois de décembre dernier que tout le monde a pu voir montrent que l'industrie automobile française se porte mieux que celles des autres pays d'Europe. Notre industrie automobile représente 10 % des actifs qui, je pense, ont beaucoup apprécié les premiers effets immédiats de la prime à la casse.
Par ailleurs, cette prime à la casse a, sur le long terme, un impact non négligeable en ce qui concerne l'environnement. Elle s'inscrit donc dans l'urgence tout en gardant la ligne tracée sur le long terme.
Que sont les mesures prises en faveur du logement sinon, là encore, une incitation puissante à l'emploi à travers le soutien de la filière ? Je rappelle simplement que la construction de 100 000 logements permet de sauvegarder 170 000 emplois. Cela mérite d'être pris en considération et même d'être salué.
On a évoqué la crise de 1929 et les réponses qui ont alors été apportées. La question de nouvelles régulations s'est en effet bien posée. Mais nous sommes en 2009, et le monde a changé.
La relation entre finances et économie s'est considérablement dégradée au détriment de l'économie réelle mais les régulations que vous appelez sont-elles nationales, européennes, ou mondiales ? La crise est-elle nationale ou internationale ? De toute évidence, la crise est mondiale et c'est pour cela qu'elle appelle des régulations à l'échelle du monde. Il nous semble qu'en cela, la présidence française de l'Union européenne a très clairement répondu et c'est bien dans ce cadre et surtout dans ce cadre que s'inscrit ce projet de loi.
Dans une Europe diverse, certains pays avaient une dette publique faible mais une dette privée très forte. On a évoqué la relance en Espagne, en oubliant de signaler que la crise du logement dans ce pays n'avait rien à voir avec la situation française. Nous avons précisément évité tous les abus auxquels se sont livrés les Espagnols en matière de construction et vous savez que nos banques ont été infiniment plus prudentes.
Ainsi, aujourd'hui, nous ne sommes pas du tout, et heureusement, dans la situation catastrophique de l'Espagne dans le domaine du logement.
On a évoqué la Grande-Bretagne. La baisse de la TVA constituerait certes, tout le monde le sait, la politique de la demande la plus facile, mais elle favoriserait la fabrication de produits d'importation et creuserait les déficits sans offrir les contreparties souhaitables.
Le choix courageux qui a été fait d'une politique qui privilégie l'offre tout en maintenant le soutien au pouvoir d'achat, à travers notamment le RSA, nous semble reposer pas plus sur une jambe que sur trois jambes, comme vous l'avez suggéré, mais sur deux jambes, comme il nous semble à peu près normal pour asseoir des propositions raisonnables.
Pour réussir, nous n'aurons pas besoin du rebouteux, je rassure M. Brard ; nous devons commencer par rejeter cette question préalable et poursuivre l'examen de ce projet de loi qui nous permettra de conduire une politique plus volontariste. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
(La question préalable sur le projet de loi de finances rectificative n'est pas adoptée.)
Question préalable
Sur le projet de loi pour l'accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés, j'ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour une durée ne pouvant excéder trente minutes.
Messieurs les ministres, les deux premières phrases de l'exposé des motifs du projet de loi énoncent : « La crise financière née l'an dernier aux États-Unis, s'est propagée au monde entier et débouche sur une crise économique. Cette crise soumet nos économies à rude épreuve mais elle constitue aussi une opportunité pour accélérer le rythme des réformes engagées depuis dix-huit mois et rattraper le retard pris par la France. »
Ces phrases sont extrêmement révélatrices des impasses de votre analyse de la crise et de la stratégie, fondamentalement inchangée, que vous entendez poursuivre et accélérer dans ces circonstances aussi extraordinaires que graves.
Vos réformes, ce sont la casse du modèle social qui dégrade les conditions de vie, l'inégalité accrue de la répartition de la richesse, la paupérisation, la baisse du pouvoir d'achat qui aggrave la crise. Sur le long terme, c'est la mise en cause des acquis issus du programme du Conseil national de la Résistance et le règne des actionnaires aux dépens de ceux qui créent les richesses.
Tout d'abord, il faut souligner que nos concitoyens sont les grands absents de ce projet de loi, tant il est vrai qu'ils sont très loin de constituer votre principal souci, comme en témoigne l'absence de mesures en faveur du pouvoir d'achat dans le plan de relance présidentiel. Pourtant, comme le rappelle Mathieu Plane, économiste à l'OFCE…
Écoutez bien, mes chers collègues, cela vous permettra d'abandonner vos poncifs et vos images d'Épinal : « Un euro mis dans la consommation des 10 % des Français les plus pauvres, c'est 85 centimes qui reviennent dans l'économie.» Vous avez entendu : le retour à l'économie est de 85 % ! Mais vous avez décidé de ne pratiquement rien leur donner.
À l'autre extrême, la France qui a de l'importance pour vous, la seule que vous aimez, a compté, en 2007, quinze milliardaires, dont Bernard Arnault, septième rang mondial, avec 26 milliards d'euros – vous voyez, des sous, il y en a –, Liliane Bettencourt…
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Ah !
Liliane Bettencourt est altruiste, vous savez qu'elle a décidé de donner un milliard d'euros à quelqu'un qui était dans le besoin. Cela a déclenché l'ire de sa fille, mais celle-ci n'a pas de recours parce que l'héritage se monte encore à 17 milliards – vous voyez, de l'argent, il y en a.
François Pinault figure au trente-quatrième rang, avec 14,5 milliards. Tout cela montre que vous n'êtes pas sortis de votre dogmatisme traditionnel dans lequel l'homme est au service de l'économie et se trouve assujetti…
…aux contraintes qui sont déterminées par ceux qui tiennent le haut du pavé et que vous prétendez être celles de l'économie. Ça, c'est l'apparence des choses, celle que vous voulez faire partager à notre peuple.
Quelles sont les causes et les caractéristiques de la crise puisque, avant les remèdes, il faut formuler un diagnostic ?
Aujourd'hui, nous sommes face à la crise systémique d'un capitalisme mondialisé, dérégulé, financiarisé, productiviste, qui a pour objectif permanent de repousser toujours davantage les limites de l'exploitation des travailleurs et des ressources naturelles. Ce système périssable n'est absolument pas intéressé par des solutions favorables à l'économie réelle qui, pourtant, est la seule à produire des richesses concrètes. Ses tenants rêvent, une fois la crise surmontée, de recommencer comme avant, entraînant les peuples dans la catastrophe.
Bien évidemment, la crise financière ne peut être déconnectée des autres crises qui frappent notre planète dans le contexte de la mondialisation capitaliste. La crise avait commencé bien avant l'épisode des subprimes, comme l'a illustré l'affaire Enron aux États-Unis. Pour en rester à 2008, l'une des poussées en a été une crise alimentaire, dont vous n'avez pas parlé, avec des pénuries et la flambée des prix de produits de base, le riz, le maïs, le blé, qui ont entraîné des émeutes de la faim dans plusieurs pays. Cet aspect de la crise est maintenant passé au second plan et a été atténué par quelques bonnes récoltes, mais le problème de fond subsiste car le marché est à peine équilibré et la situation va être aggravée par les dérèglements climatiques et l'essor rapide des agro-carburants qui soustrait des terres à la production alimentaire.
En matière énergétique, la situation sur le marché pétrolier ne s'est améliorée temporairement que grâce à la baisse de la consommation, et une reprise économique aura pour conséquence un nouvel envol des prix. Je ne ferai qu'évoquer la crise climatique, due au réchauffement planétaire provoqué par la consommation intensive d'énergies fossiles fortement émettrices de gaz carbonique et autres gaz à effet de serre, tout en soulignant que son coût, évalué par M. Nicholas Stern, ancien économiste de la Banque mondiale, mandaté par le gouvernement britannique, sera au minimum de 5 500 milliards d'euros.
La mondialisation, dont la pensée unique ne nous a présenté, pendant des années, que les aspects supposés bénéfiques, par exemple l'afflux de produits à bas prix fabriqués dans des pays émergents, en acceptant sans discuter l'absence de toute règle sociale ou environnementale, se révèle être un énorme chaudron qui engloutit l'énergie et les matières premières avec tous les dégâts collatéraux que l'on constate sur les écosystèmes. Le développement rapide de la production et de la consommation des pays émergents a fait entrer le monde dans un processus de rareté des ressources naturelles, notamment de l'eau, et créé un choc inflationniste, le tout accentué par la spéculation.
Autre conséquence : la mondialisation soumet l'industrie des pays développés et les salariés concernés à une concurrence des industries des pays à bas salaires et à faibles protections, notamment sociales et environnementales, concurrence utilisée pour faire pression sur les salaires et revoir à la baisse les protections sociales.
Corrélativement, on constate un partage de la valeur ajoutée de plus en plus défavorable aux salariés, et cela au profit des actionnaires. C'est là que le bât blesse, vous le savez évidemment. Il n'y a pourtant rien d'inéluctable. Des mesures d'assainissement et de moralisation s'imposent, par exemple la mise hors d'état de nuire des paradis fiscaux et bancaires, en premier lieu au sein de l'Union européenne.
De même, la persistance et l'aggravation des déficits aux États-Unis, tant du budget fédéral que de la balance commerciale, créent une situation de déséquilibre permanent qui appelle une correction rapide.
La crise résulte pour une grande part de l'exigence impossible des détenteurs de capitaux d'obtenir, pour l'ensemble du capital investi, une rentabilité alignée sur les rendements à deux chiffres que les actifs financiers ont permis sur certains segments, comme celui des crédits hypothécaires à hauts risques, les subprimes, aux États-Unis.
Mais la loi économique de la valeur intervient périodiquement pour rappeler que le volume des richesses produites est borné par l'extraction de la plus-value, c'est-à-dire qu'il est impossible de distribuer plus de richesses qu'on en produit, madame la rapporteure. Les actifs financiers ne sont au fond que des droits de tirage sur la plus-value, et l'hypertrophie de l'économie financière détruit l'économie réelle. Et il n'est pas besoin, messieurs les ministres, d'être marxistes pour comprendre cela. Comme il n'est pas besoin d'être astrophysicien pour comprendre que la terre tourne autour du soleil.
La part des profits non réinvestis, de plus en plus importante, est venue nourrir un flux de capitaux libres à la recherche d'une rentabilité maximale et qui ont constitué des bulles spéculatives, dans des domaines où la demande est forte, Internet, l'immobilier ou la finance elle-même, comme dans le cas du fonds Madoff.
Cette économie spéculative vampirise et pervertit l'économie réelle, entraînant une destruction massive d'emplois, facteur fondamental de l'aggravation de la crise, de précarisation et de chômage pour des millions de salariés. Cela a commencé avec les licenciements boursiers, que nous avons dénoncés des années durant, et qui s'amplifient actuellement parce que vous n'avez pris aucune mesure pour y mettre un terme. M. Sarkozy a reçu M. Mittal, M. Ghosn. Quelles conséquences concrètes ? Si on en juge par ce qu'on voit, par ce qu'on lit, ce sont des suppressions d'emplois alors que les entreprises en question ne connaissent pas de difficultés, si ce n'est celles qu'elles finissent par créer en annonçant des catastrophes pour elles-mêmes, altérant ainsi la confiance dont elles bénéficiaient.
Les dirigeants des banques et autres structures financières n'ont donc pas fait la preuve de leur efficacité, bien au contraire, et ont cultivé le culte des profits rapides et du court terme comme horizon indépassable. Par exemple, le développement des salles de marchés où se pratiquent des spéculations quotidiennes massives n'a pas pris fin, contrairement à ce qu'on pouvait espérer, avec le scandale de la Société Générale. En effet, quelques mois plus tard, la Caisse d'épargne a été à son tour touchée et a perdu 900 millions d'euros, M. Milhaud illustrant ainsi le proverbe chinois selon lequel l'expérience est un peigne pour les chauves. Si un braqueur volait 900 millions d'euros, que croyez-vous qu'il lui arriverait ? Il irait en prison pour longtemps ! Où est M. Milhaud aujourd'hui ? En prison ?
Non, pas plus que ses confrères ! Et pourtant, il le mériterait au regard des conditions de vie épouvantables de millions de nos concitoyens.
Et la présomption d'innocence ?
La présomption d'innocence vous ne la pratiquez pas trop à l'égard des RMIstes, des bénéficiaires des minima sociaux ou des smicards !
Leur travail produit, mais vous acceptez le partage entre les dividendes et les salaires. Là, il n'y a pas de présomption d'innocence. Vous faites crédit, a priori, à ceux qui s'enrichissent du travail des autres et vous parlez de morale ! Il est vrai que vous n'avez trouvé personne au Palais Brongniart qui ait accepté de coter la morale !
Il est vrai que vous avez remplacé l'égalité par l'équité ! La perversité de votre idéologie, chers collègues, on la retrouve dans le vocabulaire que vous utilisez…
Et la révolution culturelle ?
Stalinien non, je n'ai aucun mérite à ne pas l'avoir été : j'étais trop jeune !
Mais vous, vous ne l'êtes pas dans l'esprit ; vous l'êtes dans la pratique (Rires sur les bancs du groupe UMP) et dans la façon dont vous participez à la confrontation ! Moi j'ai des convictions qui ne sont pas comme l'élastique, c'est-à-dire comme les vôtres !
Moi, monsieur Bur, je suis comme un Alsacien, et fier de l'être ! (Sourires.) Vous, vous êtes fier de ce que vous êtes, eh bien moi aussi je suis fier de ce que je suis, parce que les valeurs que m'a enseignées mon parcours politique sont justement faites de justice et de fraternité, mais vécues dans le quotidien, y compris avec les gens qui souffrent. Pour vous ce sont des considérations qu'on lit dans des articles, mais que vous ne connaissez pas dans la vie concrète.
Oh, laissez Soeur Teresa reposer en paix, mon cher collègue ! Que vient-elle faire dans le débat ? Vous essayez de noyer le poisson, dans l'eau bénite peut-être, mais cela n'a aucun rapport avec notre sujet auquel, madame la présidente, je vais revenir.
Le Conseil économique et social, dans un rapport intitulé : « Dynamiser l'investissement productif en France », adopté le 12 mars 2008 à une très large majorité, dressait un tableau parfaitement réaliste de la situation. Sous le titre « Promouvoir l'investissement productif », le Conseil écrivait :
« Pour leur part, la déréglementation et le décloisonnement des marchés financiers conduisent à l'apparition des nouveaux acteurs financiers dont les exigences pèsent sur les choix de gestion des entreprises. En principe, investir, c'est prendre un risque. L'entrepreneur élabore le projet en fonction de sa perception des perspectives de la demande. Il cherche ensuite des moyens pour le réaliser, ce qui suppose de rassembler des fonds, d'acquérir des machines et des équipements, enfin de recruter du personnel. » Vous voyez, on croirait lire Le Capital et c'est ce que dit le Conseil économique et social en 2008 !
Je continue la lecture du rapport du CES :
« En filigrane, son but est de maximiser ses gains. Du point de vue de la présentation comptable, dans ce schéma, la valeur ajoutée vient en premier et sert à payer les charges et autres frais. Dans cette logique, la distribution éventuelle de dividendes intervient en fin de processus. Le niveau et les modalités de la distribution des dividendes devraient être tels qu'ils permettent aux apporteurs de capitaux de rester dans l'entreprise et de contribuer à son développement en apportant de nouveaux fonds.
« Avec la financiarisation, ce schéma est bouleversé : la rémunération des pourvoyeurs de fonds propres vient en premier et s'impose à l'entreprise comme un objectif. La gestion privilégie peu à peu la création de valeur actionnariale immédiate plutôt que la pérennité de l'entreprise et la valorisation sur le long terme des actifs. Dès lors, les autres facteurs – tout particulièrement la masse salariale et l'investissement – de même que les fournisseurs et les sous-traitants, font désormais office de principales variables d'ajustement.
« Dans un tel contexte, le concept même de risque change de sens : à quoi bon investir dans la production, c'est-à-dire assumer un risque plus ou moins important, alors que des placements apparemment moins hasardeux et rémunérateurs existent ? Les techniques sophistiquées d'évaluation et de diversification du risque qui se développent actuellement ne modifient pas fondamentalement les données du problème : permettant un meilleur report du risque, ces techniques accentuent même son aspect systémique. L'introduction de nouvelles normes comptables internationales – le fameux IRFS – contribue également à faire pencher la balance au bénéfice de la vision de court terme. Élaborées pour répondre aux attentes des marchés financiers, ces normes ont été adoptées par un règlement européen dans le but d'harmoniser les présentations des comptes des sociétés cotées et de renforcer l'utilisation de la valeur de marché pour certains actifs. Elles présentent le grave inconvénient d'amplifier les mouvements des marchés alors que la comptabilisation aux coûts historiques constituait un facteur stabilisateur. Les pratiques des agences de notation vont aussi dans ce sens et amplifient du reste la préférence pour le court terme. Enfin, les médias jouent également un rôle non négligeable en véhiculant cette dérive vers la financiarisation. »
J'ai tenu à vous faire cette citation, certes fort longue, parce qu'elle est très claire et repose sur une analyse objective que personne ne peut contester sérieusement. Ce n'est pas le conseil confédéral de la CGT qui a rédigé ce rapport, c'est le Conseil économique et social, et il en tire vingt-trois propositions pour développer l'investissement productif tant public que privé, améliorer la cohérence du système productif, mieux utiliser la fiscalité, les subventions et les aides publiques pour une véritable politique industrielle.
Pourquoi donc ses propositions n'ont elles pas été entendues, alors que les experts des ministères, voire élyséens, ne pouvaient pas les ignorer ? C'est que le groupe des entreprises privées, c'est-à-dire le MEDEF, a voté, seul au sein du CES, contre ce rapport. Les représentants patronaux ont écrit notamment : « La réalité, c'est que nos entreprises ont réussi et réussissent lorsqu'elles ont la liberté de le faire, [...] l'investissement est pour l'essentiel le fait des entreprises, grandes et petites. C'est à elles et à elles seules qu'incombe le risque de la décision d'investir [...] Pour cela, il faut une fiscalité qui cesse de pénaliser le développement des entreprises familiales – par exemple la taxe professionnelle ». Voilà le discours autiste du patronat ! Et le MEDEF se sert des petites entreprises comme cache-sexe pour les intérêts des grands groupes, qui sont la seule préoccupation de ses dirigeants. Passer de Seillière à Parisot, c'est tomber de Charybde en Scylla, car rien n'a changé !
Donc, le MEDEF seul a voté contre ce texte. Mais le Gouvernement n'est pas autiste seulement vis-à-vis du Conseil économique et social. Il l'est de la même façon vis-à-vis du Premier président de la Cour des comptes et des rapports de celle-ci qui nous expliquent que les exonérations, tant fiscales que sociales, sont inefficaces. Et c'est là que l'on voit que votre positionnement est uniquement idéologique. Ce qui résulte de l'analyse ne vous intéresse pas. La seule chose qui vous intéresse, c'est comment remplir les coffres des propriétaires du capital. Le reste, vous vous en fichez comme de votre première chemise, même si la conséquence de cette politique âpre c'est la misère qui se répand dans notre pays : des fins de mois impossibles, des gens qui n'en peuvent plus et auxquels vous avez fait perdre même l'espérance ! Or ça, c'est criminel parce que vous portez atteinte non seulement à la génération actuelle, mais aussi à celles de demain.
Les conséquences de la crise se manifestent très concrètement dans la vie de nos concitoyens. L'INSEE, dont on va sans doute nous dire à nouveau que les projections sont trop pessimistes, prévoit 214 000 destructions d'emplois dans le secteur concurrentiel au premier semestre 2009. Mais peut-être ces prévisions sont-elles, hélas, encore trop optimistes si l'on en juge par l'augmentation violente du chômage dont d'ailleurs aucun des deux représentants du Gouvernement ne nous a parlé aujourd'hui !
Le produit intérieur brut devrait reculer de plus de 1 % l'an prochain, après une chute de 0,8 % au quatrième trimestre 2008. M. Fillon, et Mme Lagarde avec son optimisme irréfragable, maintiennent leurs prévisions de croissance dans la fourchette de 0,2 % à 0,5 %. M. Fillon, dans un accès de relative prudence où l'on reconnaît bien le maire de Sablé, a déclaré : « Pour 2009, je pense qu'aucun pays européen n'évitera la récession. On espère être très proche de l'équilibre. » On admirera au passage le détournement sémantique consistant à désigner une croissance nulle par le terme d'équilibre ! Singulier équilibre que celui-là : il s'agit plutôt d'équilibrisme !
Le vécu de la crise pour les habitants de notre pays, c'est la déperdition de la valeur de leur épargne pour les petits actionnaires et ceux qui l'ont placée dans des produits financiers apparemment sûrs ; c'est l'impossibilité, pour les ménages modestes, d'obtenir un prêt immobilier ; c'est le refus opposé au chef d'entreprise d'obtenir de sa banque la ligne de trésorerie qui lui permettrait de faire face à ses charges ou le prêt pour tel ou tel investissement.
Nous avons auditionné M. Ricol et il a été très clair. Selon lui, il est faux de dire que le plan, les 40 milliards et les 320 milliards du Gouvernement ont servi à faire redémarrer quoi que ce soit jusqu'à présent.
Il est vrai que vous n'exercez aucun véritable contrôle sur les banques.
C'est la vérité ! Mme Lagarde se réjouit que les prêts bancaires aient augmenté de 0,34 %. Je comprends que les membres de la majorité se rendent de plus en plus souvent chez l'ophtalmologiste : il leur faut des lunettes pour parvenir à mesurer ce qui ne représente que l'épaisseur d'un trait. Les chiffres étaient déjà très mauvais. Cette augmentation de 0,34 % démontre l'échec des dispositions que vous avez prises. Mais, aveuglés par une idéologie qui vous intoxique, vous ne voulez pas venir à résipiscence, alors que ce serait conforme à l'intérêt du pays.
Pendant ce temps, comme l'a promis le Président de la République, on continue les réformes. « La réforme, disait Jaurès, est une étape vers l'objectif final. » En l'occurrence, il s'agit de la destruction de notre système social, au sens le plus large. C'est dans cette direction que vous allez. Vous obtenez d'ailleurs des résultats, mais ils ne semblent pas vous émouvoir. Parfois, cependant, quand l'émotion de l'opinion grandit, vous versez des larmes de crocodile, par exemple quand on annonce que 600 emplois sont supprimés chez Adecco, 296 chez Amora, 360 chez Altadis, 1 400 chez Arcelor, 960 à la CAMIF, 580 chez Hewlett Packard, 251 chez le chimiste Henkel, 3 500 chez PSA Citroën, 4 500 chez Renault et 312 chez Sony. Même dans l'industrie de luxe, qui ne s'est jamais aussi bien portée qu'aujourd'hui, on supprime des emplois. L'occasion est trop belle d'augmenter encore les dividendes en liquidant des emplois.
Dans cette crise, les plus touchés sont les plus faibles. Le 24 décembre, dans Les Échos, un article intitulé « Les plus pauvres davantage touchés selon le CREDOC », indiquait : « Si la consommation globale des ménages se maintient, celle des plus pauvres se contracte. » L'étude comparait les conséquences de la crise sur les ménages moyens et ceux qui vivent sous le seuil de pauvreté, c'est-à-dire avec moins de 880 euros par mois pour une seule personne. Il en ressortait que 56 %, c'est-à-dire plus de la moitié, des ménages pauvres interrogés déclaraient avoir moins de 250 euros par mois, une fois payées les dépenses fixes : logement, crédits, téléphone… La moitié d'entre eux avait l'impression de s'en sortir plus difficilement que trois mois plus tôt. Comment feriez-vous pour vivre avec vos enfants, chers collègues, si vous ne disposiez que de cette somme ? Vous savez bien que l'équation est insoluble et que certains de nos concitoyens ont faim. Les sondages montrent que 66 % des ménages pauvres ont réduit encore leurs dépenses alimentaires.
Le Gouvernement nous assure que le revenu médian a augmenté. Certes ! Entre le smicard et M. Ghosn, l'écart s'est creusé. Mais quelle escroquerie intellectuelle et morale que d'établir une moyenne entre ces millions de Français qui vivent dans la gêne, la pauvreté et la misère, et ceux qui se gobergent en s'accordant à eux-mêmes des salaires indignes, qui devraient troubler leur sommeil, quand tant de gens, du fait de votre politique, sont réduits à la misère. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
Votre discours était foisonnant, monsieur Brard. Comment argumenter autrement qu'en répétant ce que M. Devedjian ou moi-même avons déjà dit ? Il est bien malaisé de répondre à un exercice de style.
Quoi qu'il en soit, je propose le rejet de la motion que vous avez défendue.
Dans les explications de vote sur la question préalable, la parole est à Mme Frédérique Massat.
Comme l'a excellemment montré M. Brard, avec lequel il me serait difficile de rivaliser,…
…ce plan de relance apporte de mauvaises réponses à la crise. Le Président de la République a voulu montrer sa détermination en nommant, en décembre, un ministre chargé de la relance, qui nous a même annoncé un « commando de la relance ». Le 4 décembre, il a prononcé un autre discours pour rassembler les annonces contenues dans ses interventions précédentes et présenter des mesures nouvelles. Quelques jours après le vote de la loi de finances pour 2009, il veut montrer qu'il est réactif. Notre débat dans cet hémicycle n'a pas d'autre but : il s'agit d'abord d'une opération de communication.
Pas un mot sur l'intervention de M. Brard ? Quel mépris ! Quelle désinvolture !
En effet, soit les mesures étaient contenues dans la loi de finances ou la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, et n'avaient a priori aucun lien avec la crise économique et sociale ; soit elles ont été intégrées au cours du débat parlementaire sur le collectif budgétaire de 2008 ; soit elles pouvaient l'être dans le cadre des débats parlementaires en cours : loi de finances initiale ou collectif.
En agissant ainsi, le Gouvernement cherche à montrer qu'il a élaboré un plan de relance massif. Cet artifice de présentation ne permet cependant pas de masquer l'inefficacité ni l'insuffisance des moyens mis en oeuvre pour aider les Français, dont les difficultés s'accroissent quotidiennement en raison de la faiblesse de leur revenu et de la multiplication des plans de licenciement.
Le plan de relance n'est pas à la hauteur des besoins.
Il porte optiquement sur une somme globale de 26 milliards d'euros sur deux ans, qui, au total, ne représente que 1,3 % de la richesse produite dans notre pays. En réalité, les moyens vraiment nouveaux ne dépassent pas 6,2 milliards d'euros sur deux ans. Le plan de relance n'engage aucune action en faveur du pouvoir d'achat des Français, ce qui s'inscrit dans la continuité de la politique menée depuis juin 2007. Il n'aura aucun effet sur les licenciements attendus ou en cours. Il est même en deçà des annonces contenues dans les discours précédents, puisqu'on annonçait 175 milliards sur trois ans.
Il représente seulement l'ensemble des avancées de trésorerie que l'État va consentir aux entreprises : majoration du coefficient d'amortissement dégressif sur les investissements ; remboursement de la TVA versé chaque mois, et non chaque trimestre ; restitution anticipée d'excédents d'impôts sur les sociétés ; remboursement anticipé du crédit d'impôt recherche. Ces dispositions ont été votées, en décembre dernier, dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2008. En définitive, elles sont évaluées à 9,2 milliards d'euros pour 2009. Le reste correspond à l'année 2010.
Le plan de relance annonce également des dépenses d'investissement, que l'État va engager à hauteur de 4 milliards d'euros. Une fois baissées les dépenses d'investissement direct dans le cadre de la loi de finances pour 2009 – seuls 2,7 milliards de crédits de paiement sont inscrits dans le projet de loi de finances rectificative –, les 4 nouveaux milliards annoncés ne sont en réalité que des autorisations d'engagement. Par ailleurs, le plan annonce, au nom des entreprises publiques, 4 milliards de dépenses nouvelles d'investissement. Mais, en l'occurrence, ces entreprises anticipent sur des investissements futurs. Elles ne lancent pas de nouveaux projets.
Il ne s'agit pas d'une explication de vote ! Nous sommes en pleine discussion générale !
L'intervention de Mme Massat ne comporte pas un mot sur la motion défendue par M. Brard !
Face au pragmatisme que revendique la majorité, qui a accusé M. Muet de s'en tenir à un cours magistral d'économie, j'ai une question à poser : chers collègues, que direz-vous aux territoires qui souffrent ? Je suis l'élue d'un département rural, l'Ariège, où les entreprises ferment et licencient à tour de bras. C'est le lot quotidien dans la papeterie ou le textile. Que répondrai-je demain à mes électeurs quand ils me demanderont ce qu'apportera ce plan de relance ?
Augustin Bonrepaux, qui écoutait ses collègues, ne se serait pas permis de passer ainsi leur intervention sous silence !
Que leur apportera-t-il, quand ils ont perdu leur emploi, qu'ils ne peuvent plus payer leur loyer, et encore moins acheter un logement ? On nous assure que l'État va investir. Mais, il y a trois semaines, lors d'une réunion sur les politiques territoriales où tous les partenaires – État, régions, départements, collectivités – étaient autour de la table, il n'avait pas un centime à consacrer aux investissements.
Il ne pouvait financer ni la culture ni les routes ni les stations de ski. Et voilà qu'on nous annonce que, demain, les milliards pleuvront. C'est pour cette raison que nous voterons la question préalable défendue par M. Brard. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. le ministre a indiqué tout à l'heure que le Président de la République était à l'avant-garde de la lutte contre la crise. Mais je l'invite à davantage de prudence : nous jugerons sur les résultats. Il est un peu tôt pour ce type de déclaration.
Ce que nous savons, pour l'instant, c'est que le Président de la République s'est montré à l'avant-garde pour défendre ce qui a provoqué la crise. Nous avons même eu de la chance qu'il n'ait pas instauré les crédits hypothécaires dans notre pays, comme il le souhaitait. Nous sommes passés très près de la déroute. Nous savons en outre que la politique du Gouvernement consiste depuis longtemps à faire pression sur les salaires et les coûts salariaux, au nom de la compétitivité. Cette politique a favorisé l'augmentation des dividendes dans des proportions invraisemblables, l'accumulation financière et la spéculation, ce qui a fait dire à Patrick Artus que l'argent coulait à flots.
Vous disiez tout à l'heure qu'il n'y en avait pas assez !
Ce même Patrick Artus, professeur à la Sorbonne, écrit : « L'économie monde n'en est pas arrivée là par hasard, mais parce que l'ensemble des acteurs se sont tacitement entendus depuis plus d'une décennie sur un objectif unique : la croissance la plus rapide possible du crédit, quel qu'en soit le prix. Les faits sont là : banques centrales, gouvernements, institutions financières, banques commerciales, régulateurs, chacun à sa place a oeuvré pour que le monde se gave de liquidités jusqu'à l'overdose. » Répétera-t-on encore qu'on ne savait pas ? Nous, nous savions qu'on allait dans le mur. Stiglitz a écrit Quand le capitalisme perd la tête en 2003, et certains avertissements étaient encore antérieurs.
Je ne plaisante pas, monsieur de Courson. On aurait pu penser que l'on allait tirer les leçons de cette crise et chercher ses responsables. Votre plan de relance montre le contraire. La seule conclusion qui s'impose est qu'il faut modifier le partage des richesses et ramener vers les salaires et le travail celles qui ont été dirigées vers le capital.
Cela aurait deux effets : limiter la quantité d'argent qui « coule à flots », selon Patrick Artus, et cherche toujours plus de rentabilité, d'une manière extrêmement nuisible pour l'économie, et augmenter la quantité d'argent attribuée aux salariés, ce qui permettrait consommation, production et emploi. C'est la faiblesse des revenus et de la consommation qui a poussé le capital à chercher dans la spéculation, notamment dans des produits financiers de plus en plus sophistiqués, le moyen d'accroître son taux de rentabilité. Il faut donc remplacer aujourd'hui un cercle vicieux par un cercle vertueux. Votre plan de relance ne le fait pas. C'est pourquoi nous voterons la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Monsieur Brard, si votre intervention s'appuyait bien sur les trois « C » – commisération, circonvolutions et citations –, il n'a guère été question, lors de votre défense de la question préalable, du projet de loi pour l'accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés. Forcément, cela pose problème pour que nous puissions voter cette motion de procédure.
Comme cela est de coutume dans vos propos, vous avez cité Jaurès et évoqué votre grande amie Mme Bettencourt. Aujourd'hui, nous avons moins entendu parler de Montreuil que d'habitude – il faut croire que votre discours évolue. Quant au texte que nous examinons, vous n'en avez pas parlé. Vous avez commencé par être plutôt drôle avant de vous engager dans une critique assez classique dans votre bouche de l'ensemble de la politique gouvernementale. Au moins sur ce terrain, votre discours ne change pas.
Comment pourrions-nous nous prononcer sur cette motion de procédure alors que ni vous ni Mme Massat, qui présentait l'explication de vote du groupe SRC, n'avez évoqué aucun des sept articles du projet de loi que nous examinons ? En conséquence, le groupe Nouveau Centre ne votera pas cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
Monsieur Brard, je crois que vous êtes meilleur quand vous énoncez que lorsque vous dénoncez. (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Votre lecture de l'avis du Conseil économique et social était parfaite. Je ne trouve d'ailleurs rien à redire à la dénonciation par cette institution de la financiarisation excessive de l'économie et d'un certain nombre d'abus. Vous avez eu l'honnêteté intellectuelle, et la grande prudence, de nous dire que cet avis n'émanait pas de la CGT. J'ai même cru comprendre que c'était la raison pour laquelle il était incontestable ! (Sourires.) J'en prends acte.
Je vous accorde qu'il faut dénoncer les abus, mais faut-il le faire de manière excessive ? Sur ce terrain, évidemment, je ne peux plus vous suivre. Vous évoquez les pertes d'emplois. Certes, elles existent, et c'est bien pour cette raison qu'existe un plan de relance, mais faut-il pour autant oublier que, pour qu'il y ait des emplois, il faut que des employeurs prennent le risque d'employer ?
Heureusement, il y a beaucoup de bons employeurs. Sans eux la situation serait bien pire que celle que nous connaissons aujourd'hui.
Monsieur Brard, je veux bien que vous fassiez référence à la Révolution, et en réalité je devrais dire « aux révolutions », car entre 1789, 1793, 1848 et 1917, je ne sais pas toujours…
Pardonnez cet oubli. Il n'en demeure pas moins qu'il ne s'agit pas de jeter le bébé avec l'eau du bain.
N'oublions pas que si des actions n'avaient pas été menées pour sauvegarder le financement de l'industrie et du bâtiment par les banques, aujourd'hui, la situation dans notre pays serait bien plus dégradée. Voilà qui justifie, en tout cas, que le groupe UMP ne vote pas cette question préalable. Nous souhaitons au contraire passer très rapidement à l'examen des articles d'un texte qui nous permettra d'apporter des remèdes à des situations que, tout comme vous, nous pouvons parfois déplorer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
(La question préalable sur le projet de loi pour l'accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés n'est pas adoptée.)
Dans la discussion générale commune aux deux projets de loi, la parole est à M. Jérôme Chartier.
Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, face à une crise économique et financière d'une importance telle que tout le monde s'accorde à dire que l'après-crise ne pourra plus être comme l'avant-crise, la majorité est totalement mobilisée pour assurer la réussite du plan de relance soumis aujourd'hui à notre approbation.
Ce plan s'inscrit dans la logique, d'une part, de l'adoption du plan de sauvetage des banques, qui a notamment permis de fluidifier le crédit et d'irriguer le système bancaire, et, d'autre part, de l'adoption du projet de loi de finances rectificative pour 2008, qui a permis de soutenir efficacement l'investissement des entreprises et la construction de logements privés. Ainsi, le groupe UMP, qui se félicite de la réactivité du Gouvernement et des ministres Patrick Devedjian et Éric Woerth, votera ce plan de relance, sans aucune ambiguïté, et avec toute la détermination que les conditions actuelles exigent.
Face à la mobilisation de la majorité, la réaction de nos collègues de l'opposition semble se focaliser sur deux points : la nature du plan de relance et son montant.
Tout d'abord, pour ce qui concerne la nature de la relance que nous entendons mettre en oeuvre, il s'agit d'une relance de l'investissement pour soutenir l'emploi et stimuler le pouvoir d'achat. Nos chers collègues de l'opposition nous proposent une relance « par le pouvoir d'achat »,…
…ce qui reviendrait à distribuer de l'argent sans contrepartie d'activité supplémentaire. Souvenons-nous des conséquences d'une telle politique au début des années 1980 et de ses résultats.
Monsieur Chartier, il ne s'agissait pas du tout de la même crise, et vous le savez bien !
La vérité historique c'est qu'à l'époque, à la différence d'aujourd'hui, on sortait, sous la présidence de Valéry Giscard d'Estaing, d'une période d'augmentation record des salaires nominaux.
Il semble donc peu opportun de reproduire – certes dans des conditions différentes, mais avec des résultats qui seraient probablement très proches – une politique de relance « par le pouvoir d'achat ».
En revanche, en soutenant la trésorerie des entreprises et en augmentant les investissements publics pour qu'elles puissent remplir leurs carnets de commandes, on agit pour l'emploi, pour les salaires et donc pour le pouvoir d'achat.
En effet, une entreprise qui échappe à la pression de la crise économique grâce à un surplus de trésorerie rendu possible par l'État, n'est pas contrainte de licencier. Une entreprise qui bénéficie de davantage de commandes publiques embauche pour arriver à honorer son carnet de commandes et distribue davantage d'heures supplémentaires à ses salariés, lesquels seront mieux payés, d'autant qu'ils bénéficient sur ces revenus d'une franchise d'impôts ainsi que de la franchise sociale. Voilà une preuve supplémentaire de la cohérence de la politique économique mise en oeuvre depuis 2007 par le Gouvernement et la majorité. Et si en adoptant le projet de loi « Travail, Emploi et Pouvoir d'achat », devenu la loi du 21 août 2007, personne ne pouvait prévoir la crise économique actuelle, nous pouvons tous nous féliciter que cette loi ait été votée et que les mesures relatives au pouvoir d'achat bénéficient aujourd'hui aux salariés.
Ensuite, en ce qui concerne le montant total du plan de relance, nos chers collègues de l'opposition essaient de nous refaire, avec une honnêteté parfois discutable, le coup du paquet fiscal. Or malgré le talent de certains d'entre eux en matière de désinformation, la ficelle est bien trop grosse. Vous prétendez ainsi que le plan de relance se chiffrerait, pour l'État, à seulement 4 milliards d'euros de dépenses supplémentaires. Il s'agit d'un mensonge flagrant. En effet, le budget pour 2009, avant le plan de relance, prévoyait un déficit d'environ 57 milliards d'euros. Or le budget rectificatif pour 2009, intégrant le financement du plan de relance, indique un déficit d'environ 76 milliards d'euros. La différence est de 19 milliards d'euros : personne ne peut, donc, dans ces conditions, soutenir que l'État, pour faire face à la crise économique, injecte moins de 19 milliards d'euros dans notre économie. En réalité, le plan de relance mobilise 19 milliards d'euros provenant de l'État en 2009, et 26 milliards sur toute la période d'exécution du plan, si l'on tient compte des entreprises publiques.
Avant de m'intéresser au contenu du plan qui nous est proposé, je voudrais m'arrêter sur les points forts de notre économie aujourd'hui. Ils existent, n'en déplaise à ceux qui ajoutent de la peur à la crise, de la tension aux difficultés, du fatalisme à la morosité. L'économie française possède bien des atouts.
D'un point de vue conjoncturel, nous pouvons noter que la consommation se maintient, selon l'INSEE, au mois de novembre 2008. Les dépenses de consommation des ménages en produits manufacturés ont augmenté de 0,3 %. Il faut également relever la baisse du prix du pétrole : alors qu'il avait atteint les 150 dollars le baril, il cotait hier, à New York, à 48,58 dollars. Cette évolution a eu comme conséquence de ramener le coût du litre d'essence dans une zone de prix plus acceptable. Enfin, toujours selon l'INSEE, les prix baissent en novembre 2008. L'indice des prix à la consommation de l'ensemble des ménages a ainsi diminué de 0,5 %.
Parallèlement, quatre autres éléments viennent amortir les effets de la crise. Le taux d'épargne des Français, proche de 16 % selon l'INSEE, reste important en comparaison de celui observé, par exemple, dans les autres pays de l'Union européenne. Notre système de protection sociale, que nous avons renforcé en adoptant le RSA, joue un rôle de bouclier social. Le flux des départs à la retraite, du fait de notre pyramide des âges, soutient le marché de l'emploi. Enfin nos banques, qui n'ont pas trop développé leurs activités de financement et d'investissement au détriment de l'activité de détail, apparaissent incontestablement plus solides que leurs homologues étrangères.
Par ailleurs, la baisse du coût du crédit, consécutive au plan de sauvetage des banques et à la baisse du principal taux directeurs de la BCE à 2,5 % début décembre, constitue, sur le plan européen, un signe positif supplémentaire.
Fort de ces éléments et conscient du caractère exceptionnel de la situation, le Gouvernement est donc amené à prendre des mesures tout aussi exceptionnelles. C'est pourquoi ce plan de relance est sans précédent. Il se décline selon trois axes : un réel accroissement des commandes publiques, un soutien actif à la trésorerie des entreprises, et une solidarité réaffirmée avec les personnes les plus exposés aux conséquences de la crise.
Pour 12 milliards d'euros, il soutient massivement notre économie en accroissant comme jamais la commande publique. L'État va ainsi augmenter ses commandes aux entreprises de 16 %, soit 4 milliards d'euros supplémentaires. Il faut y ajouter 2,5 milliards d'euros que l'État donnera aux collectivités locales qui investiront plus en 2009 qu'en 2008 ; 4 milliards d'investissements supplémentaires par les entreprises publiques, et 500 millions d'euros que l'État doit aux PME qui travaillent avec le ministère de la défense et n'avaient pas été payées à ce jour.
Par ailleurs, la construction de logements sera démultipliée, l'État investissant sur ce seul secteur 1 milliard d'euros en 2009. La filière automobile sera soutenue par le versement d'une prime au remplacement des véhicules anciens pour les particuliers.
Pour 13 milliards d'euros supplémentaires, ce plan de relance soutient la trésorerie des entreprises pour qu'elles continuent à embaucher et à augmenter les salaires. L'État débloquera de manière anticipée le crédit d'impôt recherche pour les entreprises qui innovent et qui sont en déficit. Il proposera aux entreprises déficitaires qui ont connu une période bénéficiaire lors des trois années précédentes de leur rembourser immédiatement, et en une seule fois, l'impôt sur les sociétés réglé ces trois années, selon la formule du carry back. L'État remboursera la TVA tous les mois plutôt que tous les trimestres, augmentant ainsi la trésorerie des entreprises. Il permettra un amortissement accéléré des investissements et se montrera exemplaire sur la question des marchés publics : il versera désormais 20 % de leur montant en avance, au lieu de 5 % actuellement. Enfin, l'État permettra aux entreprises de moins de dix salariés d'embaucher de nouveaux salariés sans aucune charge sociale au niveau du SMIC, et avec des charges réduites jusqu'à 1,6 SMIC, afin de maintenir le niveau des recrutements dans ces structures particulièrement exposées à la crise et au chômage. Cette dernière mesure est entrée en vigueur dès le 4 décembre dernier.
Pour plus d'un milliard d'euros, ce plan comprend des mesures en faveur de la solidarité. Anticipant le RSA, l'État versera ainsi 200 euros à 3,8 millions de foyers, soit près de 800 millions d'euros investis pour les ménages à revenu modeste.
De plus, 500 millions supplémentaires seront mobilisés pour venir en aide aux personnes qui risqueraient d'être touchées par le chômage et faciliter leur transition professionnelle.
Mes chers collègues, peut-être vous êtes-vous rendus à la chancellerie au cours des semaines passées ? Vous avez alors pu admirer l'éclairage féerique de la place Vendôme. Comme vous l'avez sans doute lu dans un célèbre journal du soir, il a été réalisé par la société Festilight, qui se trouve dans l'Aube et emploie vingt-six salariés. En 2008, cette entreprise dépassera, pour la première fois, les 6 millions d'euros de chiffre d'affaires. Pour que des entreprises françaises de ce type puissent continuer à exister et à se développer, aux côtés de nos grands groupes nationaux, la majorité se bat et ne cessera de se battre, sous l'impulsion du Président de la République et du Premier ministre, afin de structurer une croissance française stable et pérenne au profit de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, mon intervention concernera plus particulièrement le Fonds stratégique d'investissement, ce fonds souverain constituant le seul dispositif nouveau créé par un plan qui n'a de réalité que conjoncturelle.
Ce fonds devrait être doté de 20 milliards d'euros – dont 14 en actifs et, pour qu'il se mette rapidement au travail, 6 en numéraire – apportés à parité par la Caisse des dépôts et par l'État, qui versent 10 milliards chacun. Depuis longtemps, les socialistes sont favorables à ce que les fonds publics participent au financement de l'économie. À titre personnel, si je siège à la commission de surveillance de la Caisse des dépôts, c'est parce que je considère que, même dans des économies où le marché domine, un tel outil est indispensable, ne serait-ce que pour faire du benchmarking par rapport au secteur privé. Dans les années 1997-2000, nous avons fixé à 12 % le retour sur fonds propres à la Caisse des dépôts : à cette époque, toute la place disait que ceux qui, dans la sphère financière, étaient à moins de 20 % étaient mauvais. C'est bien là, et nulle part ailleurs, qu'il faut chercher l'origine de la crise : dans le rendement sur fonds propres et dans l'exigence d'avoir des retours rapides. Tout le reste découle de cela.
Il est donc bon d'avoir, comme la France, un investisseur de long terme. Je ne prétends pas que ce soit pour cela que nous nous portons mieux que d'autres, mais cette structure permet d'atténuer les crises. On voit bien ce qui se passe dans les économies ultralibérales, comme en Grande-Bretagne : si la crise y est aussi violente, c'est parce que tout – absolument tout – y a été privatisé.
La même explication vaut pour les États-Unis. Si, dans la crise mondiale, notre vieux pays interventionniste, un peu étatiste – ce qui, il n'y a pas si longtemps, était la pire des hontes, y compris pour certaines personnes siégeant ici –, s'en sort un peu mieux, ou un peu moins mal, c'est parce qu'il a conservé des structures d'intervention publique. Pendant longtemps, cette nécessité s'est imposée à tous : le mouvement gaulliste a très largement utilisé la Caisse des dépôts pour faire de l'investissement de long terme ; les socialistes l'ont fait également. Nous avons fait des choses utiles pour notre pays. Transformer de l'épargne liquide en investissement à long terme, ce n'est pas totalement absurde. On ne fait pas seulement du logement social : on peut faire du transport en site propre dans les villes...
…ou de la reconstruction urbaine ; on a fait des autoroutes ou des canaux. En cent quatre-vingt-dix ans, nous n'avons pas trop mal travaillé.
Avec 20 milliards d'euros, nous ne créons pas un grand fonds souverain : Singapour, Abou Dhabi ou la Norvège, qui a des excédents pétroliers, ont constitué des fonds beaucoup plus substantiels. Toutefois, l'initiative est bonne. Encore faut-il être clair et répondre à quelques questions.
Ainsi, quels objectifs fixe-t-on à ce fonds ? Quelle est sa doctrine d'investissement ? On nous explique qu'il s'agit d'agir sur les PME, notamment sur celles opérant dans les nouveaux secteurs à développer. Pourquoi pas ? La Caisse des Dépôts le fait déjà, avec CDC Entreprises et avec tous les fonds de capital-investissement qui ont été créés depuis de nombreuses années. Pourquoi ne pas les développer dans un fonds souverain ? Mais, dans le même temps, le Président de la République n'a cessé de répéter que le fonds doit également intervenir dans des secteurs qui sont en crise et où une action rapide est indispensable. C'est pour cela que nous demandons des précisions rapides, car 6 milliards, c'est vite dépensé.
Même avec la cotation boursière d'aujourd'hui, 10 % d'Alstom, cela représente 1,2 milliard, soit un cinquième de la totalité du cash disponible dans le fonds. Il faut savoir dans quel secteur on interviendra.
Un directeur général – M. Michel – a été recruté. Je ne veux pas polémiquer, mais je peux comprendre que le souverain français ait envie d'un fonds souverain. (Sourires.)
Ce n'est pas seulement une boutade. Je le dis solennellement : il faut être très prudent. Ce fonds n'est pas un jouet : c'est beaucoup d'argent. Il faut avoir des doctrines, garantir les positions. Il faut renoncer à investir dans telle ou telle affaire – par exemple dans un groupe équipementier automobile rencontrant des difficultés depuis des années – où l'on risquerait d'engloutir des sommes considérables sans avoir la certitude de faire oeuvre utile. Il faut avoir un peu de recul. C'est d'ailleurs la raison d'être de la Caisse des dépôts, qui agit en investisseur avisé, et en toute autonomie : le directeur général de la Caisse est inamovible pendant cinq ans. Pendant cent quatre-vingt-dix ans, quels que soient les gouvernements, on a su qu'il fallait que la Caisse soit loin de Bercy et, autrefois, de la Rue de Rivoli.
La question de la gouvernance, que je viens d'aborder, mérite d'être posée. Je ne doute pas des compétences de la présidente du comité d'investissement, Mme Barbizet –espérons qu'elle sera tout aussi compétente pour l'intérêt public qu'elle l'a été pour M. Pinault. Mais elle a été nommée avant que le conseil d'administration ne soit créé, avant que le directeur général du fonds ne soit connu. Je n'ai jamais vu cela dans aucune société ! Et elle a été nommée par une personne – le Président de la République – qui ne détient pas la majorité dans le capital. Aussi clairvoyant soit-il – et, étant républicain, je suis respectueux du Président de la République –, il n'a pas à nommer le président du comité d'investissement, pas plus qu'il n'a à nommer M. Dehecq président du comité d'orientation. Si ce fonds n'est pas un jouet au service du pouvoir exécutif – ce que je ne crois pas –, il doit servir à éviter que des secteurs entiers, notamment dans l'industrie, mais peut-être aussi dans les services, ne soient sous-capitalisés, avec des risques d'OPA substantiels de la part d'autres fonds souverains, voire de fonds privés qui, à un moment donné, reviendront saisir les opportunités.
Je le répète, nous souhaitons qu'une doctrine soit définie pour l'investissement. On doit savoir dans quel secteur travailler car, avec 6 milliards, on ne pourra pas agir tous azimuts.
D'autre part, il faudra monter progressivement en charge. Ce n'est pas un secret, l'État apporte une petite partie de France Télécom dans ses 7 milliards d'actifs. Or France Télécom est cessible, sa cotation n'ayant pas dégringolé comme la plupart des valeurs du CAC 40. Mais d'autres actifs, qui peuvent être apportés par la Caisse ou par l'État, ne sont pas obligatoirement cessibles dans l'immédiat : il vaut mieux attendre de retrouver une valorisation correcte et il serait dommage d'être obligé de vendre trop tôt. Si nous dépensons trop vite les 6 milliards en numéraire, nous serons contraints de vendre une partie des actifs apportés, ce qu'il conviendrait d'éviter dans les six prochains mois.
Sans esprit polémique, mais avec fermeté, je répète qu'on n'a pas le droit de jouer avec cela, car des centaines de milliers d'emplois sont en jeu. Il est un peu dommage que, à l'occasion de l'examen du plan de relance, la question du FSI ne soit pas au centre des préoccupations. La Caisse des Dépôts a 51 % ; c'est son directeur général qui est le président du fonds ; elle est donc responsable : dans ces conditions, quel est le niveau d'autonomie du fonds ? Tout cela, mon collègue Michel Bouvard, ici présent, pourra le dire mieux que moi, avec sa sensibilité politique, forcément différente de la mienne.
Jusque-là, je suis d'accord avec vous, sauf pour ce qui concerne les nominations !
Quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons, nous pouvons avoir un certain sens de l'intérêt général. Dans une période de crise, les questions que je pose ne doivent pas être considérées de manière polémique…
ministre en charge de la mise en oeuvre du plan de relance. Elles ne le sont pas !
…mais eu égard au niveau de responsabilité qu'elles supposent. Ce fonds n'est pas un jeu, mais quelque chose de fondamentalement sérieux, un outil intéressant. Je suis inquiet de l'absence totale de gouvernance et de philosophie d'engagement des fonds. Comme nombre de mes collègues, j'ai besoin de savoir si les bénéfices éventuels seront récupérés par l'État et la Caisse des dépôts, ou s'ils resteront dans le fonds. Pour apporter ses 3 milliards en numéraire, l'État contracte un emprunt. Il serait donc normal qu'il puisse avoir un retour, ne serait-ce que pour honorer sa dette. Du reste, il faut aussi qu'il y ait des bénéfices : nous n'allons pas verser de l'argent pour le plaisir, dans une sorte de tonneau des Danaïdes !
Toutes ces questions exigent des réponses précises. Si nous ne pouvons les obtenir aujourd'hui, il serait important que la représentation nationale puisse avoir quelques assurances dans les semaines et dans les mois qui viennent. Au centre du dispositif, avec 51 %, vous avez placé la Caisse des dépôts, qui n'est pas un outil de l'exécutif. Si la Restauration a créé la Caisse des dépôts, c'est parce qu'un souverain – Napoléon – avait ruiné l'épargne des Français. C'est la raison pour laquelle la Caisse a été créée et placée sous le contrôle du Parlement, afin de ne plus dépendre de l'exécutif.
C'est le roi qui l'a voulu !
Effectivement, et cela a bien fonctionné, comme sous les républiques qui se sont ensuite succédé.
Alors que, même pendant les guerres, la Caisse des dépôts et consignations n'a jamais été sollicitée à plus de 10 milliards d'équivalents euros, en trois mois de l'année 2008, elle l'a été à hauteur de 30 milliards d'euros !
Quand on dit que l'État apporte telle et telle somme, ne perdons pas de vue qu'en fait, il met largement la Caisse à contribution. Dans ces conditions, il importe de veiller à ce qu'elle puisse continuer à produire des résultats en gardant sa gouvernance et sa spécificité.
Le Fonds stratégique d'investissement, c'est aussi la Caisse des dépôts. Il y a quelques années, sous le gouvernement précédent, et alors que M. Francis Mayer en était le directeur général, la Caisse a vendu ses parts dans le Club Méditerranée, qu'elle a échangées contre des actions de la holding Accor. Cette affaire s'est conclue avec un double droit de vote par rapport au nombre d'actions que possède la Caisse. Accor étant opéable et ayant beaucoup perdu en valorisation, il fallait protéger cette importante société du secteur hôtelier. La Caisse a rempli cette fonction.
Alors, il ne faudrait pas déshabiller la Caisse des dépôts – qui me paraît se trouver aujourd'hui dans une situation dangereuse – pour habiller le FSI. Pour cela, il convient d'arrêter certaines doctrines et de les respecter. Ainsi, il convient de s'attacher au critère de rentabilité si l'on veut éviter que l'argent public ne soit gaspillé. À titre personnel, je souhaite que la gouvernance des objectifs du FSI soit précisée, que la doctrine de cession des actifs soit arrêtée et que la commission des finances de l'Assemblée nationale soit régulièrement informée de ces éléments. À l'avenir, monsieur le ministre, nous serons très vigilants sur cette question qui n'est ni neutre ni sans importance. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Messieurs les ministres, votre plan de relance a la couleur de ce qu'il faudrait faire, il en a le goût, mais malheureusement ce n'est pas ce qu'il faut faire ! Pourquoi ?
En premier lieu parce que, comme les économistes le disent quasi unanimement, son impact sera extrêmement limité et n'empêchera pas une récession durable, voire une aggravation plus profonde de la crise.
En second lieu, ce plan est inadapté. En effet, le Président de la République a insisté sur le fait qu'il était « essentiellement centré sur l'investissement » ; or, en France l'essentiel de la croissance économique est dû à la consommation. Sauf quelques miettes ici et là, il y a une absence quasi totale du volet consommation et pouvoir d'achat dans ce plan de relance.
Troisièmement, enfin : à l'extrême faiblesse de ce plan de relance et à sa mauvaise orientation s'ajoute le fait qu'il ne tire aucune leçon de la crise que nous traversons. Aucune des causes des phénomènes qui nous ont amenés à cette situation n'est traitée, tout reste en place.
Sur le premier point, c'est-à-dire le peu d'effets prévisibles de votre plan de relance, il suffit de prendre les chiffres. D'abord pour souligner qu'il ne s'agit pas de 26 milliards d'euros injectés dans l'économie, mais très précisément de 9,8 milliards d'euros inscrits en crédits de paiement pour 2009, et dont on peut évaluer que seulement 5 à 6 milliards – j'ai même parfois entendu 4 – sont des crédits nouveaux.
Lorsqu'on sait qu'avec les 15 milliards d'euros du paquet fiscal censés provoquer un « choc de croissance », le Président de la République avait prévu d'aller chercher un point de croissance avec les dents, il faudra plus que les dents du Président pour que ce plan de relance ait un quelconque effet !
Le reste de ce que vous avez annoncé consiste soit en des versements anticipés – ce sera le cas pour les PME et pour les collectivités locales, que l'on encourage en fait à s'endetter un peu plus –, soit en des projets avancés, notamment en matière d'infrastructures. Il n'y a donc rien de vraiment nouveau. Je souligne d'ailleurs que l'effort aurait pu être plus substantiel et plus efficace, quand on sait que seulement 800 millions sont inscrits pour les routes, le rail, la santé et l'agriculture. Il y avait pourtant là une occasion exceptionnelle de lancer un grand programme ferroviaire de lignes à grande vitesse, de rénovation du réseau et d'impulsion du fret, réalisant ainsi une avancée importante dans la lutte contre les gaz à effet de serre. C'était également l'occasion de moderniser nos hôpitaux.
En ce qui concerne le logement, le tour de passe-passe est, là aussi, évident : vous proposez de construire 100 000 logements supplémentaires en deux ans, mais la baisse des constructions a été de 70 000 logements en un an. Cela revient en fait à compenser le déficit de constructions de cette année.
Quant à l'automobile, nous y reviendrons fin janvier, car il y a sur ce dossier beaucoup à dire, à commencer par le problème des soi-disant stocks, alors qu'il faut jusqu'à six mois avant d'obtenir un véhicule neuf !
Rien que par l'examen des chiffres, nous savons déjà que ce plan sera largement insuffisant. L'INSEE et le FMI le confirment, d'autant que l'estimation de suppression de 220 000 emplois en France au premier semestre est largement partagée. Même si les voix gouvernementales s'évertuent à dire que la situation est pire chez les autres que chez nous – alors que vous n'avez cessé pendant des années de nous expliquer l'inverse –, il n'en reste pas moins que les efforts consentis par la Grande-Bretagne et l'Espagne sont quatre à cinq fois plus importants que les nôtres. Quant à ceux que l'Allemagne s'apprête à accomplir, ils sont également bien supérieurs. Il est pour le moins nécessaire de multiplier par deux ou trois l'effort actuel en faisant comme la Grande-Bretagne et 1'Espagne, c'est-à-dire en l'orientant prioritairement vers l'accroissement de la consommation.
J'en viens ainsi à ma deuxième remarque : comment être aveuglé au point de ne pas voir que c'est l'insuffisance criante de la demande qui pose problème ? Même si la consommation se tient relativement bien, elle baisse et va continuer à baisser d'après toutes les indications actuelles. Or l'action sur la consommation doit être prioritaire, comme plusieurs pays européens l'ont bien compris. En France, elle représente 75 à 80 % de la croissance, et les faux arguments sur les importations n'y changeront rien. Correctement orientée, c'est-à-dire vers les catégories les plus modestes et moyennes – notamment par des hausses des salaires et retraites –, la relance de la consommation présente, en outre, l'avantage d'être un levier immédiat. Vous vous en privez, c'est une erreur. Je reviendrai ultérieurement à la question de la compétitivité.
Avant d'évoquer nos principales propositions, je voudrais souligner que l'insuffisance fondamentale de ce plan réside dans le fait qu'il ne tire aucune leçon de la crise du capitalisme que nous traversons. Empêche-t-il la spéculation, qui nous a menés là où nous en sommes, de continuer ? Non ! Apporte-t-il une contribution pour empêcher la libre circulation des capitaux qui alimente cette spéculation ? Non ! Gèle-t-il les dividendes, alors même que, pour 2009, plus de la moitié des entreprises du CAC 40 annoncent qu'elles pourront satisfaire aux attentes de leurs actionnaires ? Non ! Que fait-il pour empêcher que les banques recapitalisées, garanties, regaranties et contre-garanties, n'utilisent les variations de taux des banques centrales pour se renflouer sur le dos du consommateur moyen ? Rien !
Ce plan de relance prévoit-il un rééquilibrage, au moyen de la fiscalité et des hausses de salaires, du partage de la valeur ajouté en faveur du travail et au détriment du capital, ce qui réduirait d'autant les marges pour la spéculation et dégagerait du pouvoir d'achat pour la relance de la consommation ? Non ! Qu'en est-il des paradis fiscaux ? Qu'en est-il d'une harmonisation sociale et fiscale par le haut pour éviter les avantages dangereux consentis aux actionnaires ? Je pourrais continuer la liste des carences de ce plan.
Ce que nous voyons à l'oeuvre aujourd'hui avec ce gouvernement, ce sont des pompiers qui, non seulement ont contribué à mettre le feu, mais sont également de mauvais pompiers, car ils ne s'intéressent absolument pas aux moyens de combattre les causes des incendies à venir. C'est bien là le fond du problème : vous voulez sauver un système incapable de se réformer et encore moins de se moraliser. Nous en vivons l'énième crise, avec cette particularité que plus nous avançons dans le temps, plus ces crises se rapprochent et plus elles sont fortes, la mondialisation les rendant dangereuses pour toute l'humanité,
Proposer un plan de relance – nécessaire aujourd'hui – rapidement efficace et qui ne consiste pas à relancer la machine infernale de l'accumulation financière et des produits dérivés – spéculation, taux de profit exorbitants, enrichissement scandaleux de quelques-uns, avec leurs corollaires que sont la pression sur les salaires, les retraites, 1'emploi, les moyens des services publics –, c'est faire dès maintenant des choix très clairs et très forts dans trois directions.
Premièrement, il convient de relancer la consommation en augmentant salaires, traitements, retraites, pensions et minima sociaux et en opérant une baisse significative de TVA sur les produits de première nécessité.
Deuxièmement, il faut relancer l'investissement, et en premier lieu l'investissement public, tombé très bas : le transport ferroviaire, y compris le fret, la construction de 200 000 logements sociaux par an pendant cinq ans, la santé, avec la construction d'hôpitaux et de maisons de retraite, l'éducation nationale, la recherche, l'agriculture, sans oublier évidemment l'environnement et le développement durable. Il y a matière à mettre en oeuvre un grand programme public de recherche et d'investissement.
Il importe, en second lieu, de relancer l'investissement privé, en particulier des PME, par un crédit sélectif – voire des prêts à taux zéro – réservé aux entreprises qui embauchent, forment et innovent. Les aides publiques doivent être conditionnées par le maintien et le développement de l'emploi, ainsi que par le maintien des sites de production.
La création d'un pôle public bancaire rendrait possible de tels objectifs.
Troisièmement, il convient d'apporter une aide exceptionnelle aux collectivités locales. Le remboursement immédiat de la TVA est une mesure qui doit être pérenne, mais ne suffit pas. L'État doit compenser entièrement ses transferts afin d'empêcher l'augmentation des impôts locaux et accorder une aide exceptionnelle pour des investissements dans des infrastructures, pour le développement économique ou encore la santé, la culture et le social.
Pour financer ce plan, nous proposons notamment de récupérer 12 des 15 milliards d'euros accordés aux plus riches par le paquet fiscal ; de récupérer 25 des 32 milliards d'exonérations de cotisations sociales jugées inutiles pour l'emploi par la Cour des comptes ; de taxer, comme le demandait la Cour des comptes, les stock-options à hauteur de 3 milliards d'euros ; de doubler le rendement de l'ISF et de supprimer le bouclier fiscal, pour 4 milliards d'euros. Avec ces mesures, nous en sommes déjà à plus de 40 milliards d'euros de financement !
Rappelons par ailleurs que récupérer un point de PIB sur les dix transférés depuis vingt ans des revenus du travail vers ceux du capital représente 18 milliards d'euros. Rappelons aussi que les niches fiscales, qui représentent aujourd'hui 73 milliards d'euros, ont augmenté de 46 % en cinq ans, pendant que vous nous rebattiez les oreilles avec le déficit du budget et les caisses soi-disant vides. Enfin, le coût du stress au travail a été estimé à 65 milliards d'euros par une récente étude.
Il nous faut rappeler cela à tous ceux qui souffrent d'une addiction à l'idéologie du rendement, de la concurrence libre et non faussée, du capital libre, du marché libre et, finalement, du renard libre dans le poulailler libre ! Vous vous moquez du « tout État » et vous avez raison, mais si c'est pour nous assujettir au « tout capital », au « tout marchandise » et au « tout concurrence », alors vous avez tort !
Enfin, pour vous éviter, comme à 1'habitude, les réponses démagogiques du style « vous, les communistes, vous ne changez pas », je terminerai en citant les propos de cet éditorialiste des Échos – sans doute « affreux » communiste – qui nous explique deux choses qu'il faut se rappeler en ce moment. Évoquant dans l'édition du 31 décembre 2008 « la puissance fantastique » avec laquelle l'État est intervenu « pour écraser les taux d'intérêt, prêter aux banques, éviter la spirale déflationniste », il explique que « la puissance déployée est d'autant plus fabuleuse que les pouvoirs publics auraient dû empêcher 1'incendie… en fait ils ont fait l'inverse ». Remarque ô combien juste ! Et il poursuit: « Ce que nous voyons à 1'oeuvre, c'est l'État-pompier », tandis qu'il faudrait surtout voir « l'État qui reste aux abonnés absents, à savoir 1'État-stratège, celui qui prépare le futur, qui soutient la perspective de long terme ». Il cite enfin l'économiste américain Lester Thurow, auteur des Fractures du Capitalisme : « Les innovations majeures qui changent aujourd'hui le monde, comme les technologies de l'information ou le génie génétique, sont toutes issues de grands programmes publics de recherche lancés il y a plusieurs décennies, programmes qui n'ont pas de successeurs. » Et pour cause, puisque partout le leitmotiv a été de réduire les dépenses publiques.
Votre système du fric a cassé l'avenir. Ce que Patrick Artus a évoqué en accusant « la logique court-termiste de la rentabilité élevée, qui suppose de sacrifier l'avenir ».
Enfin, l'éditorialiste des Échos ajoute qu'après « l'État-stratège » il manque « l'État-arbitre, régulateur, seul acteur en mesure de dépasser la logique individuelle qui ne garantit pas l'équilibre collectif » – c'est le moins que l'on puisse dire. « L'équilibre collectif », quelle horrible expression, n'est-ce pas ?
Eh bien, il est heureux qu'en ce moment il n'y ait pas que des communistes pour en parler et pour dire que voilà la grande leçon à tirer de la crise du système que pendant des années vous avez porté aux nues !
Oui, plus de justice, de solidarité, d'égalité, de liberté, c'est bien, comme l'a dit si fortement Jean Ziegler, ex-rapporteur spécial des Nations unies pour le droit à l'alimentation, « passer du capitalisme à la civilisation ». Votre plan de relance non seulement ne le permet pas mais il ne permet même pas de satisfaire 1'objectif que vous vous êtes vous-mêmes fixé. Les élus communistes, verts et ultra-marins du groupe GDR ne pourront que le rejeter.
Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, le groupe Nouveau Centre votera en faveur du projet de loi de finances rectificative pour trois raisons.
D'abord parce que le plan de relance s'inscrit dans un cadre européen et international.
Son montant de 26 milliards d'euros correspond en gros à 1,3 % du PIB, alors que l'Union européenne a demandé 1,2 % à tous les États : vous êtes dans l'épure. Au plan international ensuite, on annonce qu'aux États-Unis le futur président Obama va lancer un projet de relance de 800 milliards de dollars, soit 600 milliards d'euros. Attendons de voir son contenu mais il semble que les Américains iront plus loin que les Européens.
Ensuite, nous voterons ce texte parce que le Président de la République a fait le choix d'une relance par l'investissement. Ce choix est très critiqué par l'opposition, moins sur le principe que parce qu'il manquerait à votre plan un second volet. Or ce second volet existe déjà dans la loi de financement de la sécurité sociale et dans la loi de finances. En effet, les mesures prises pour la revalorisation des petites retraites et des pensions de réversion entraînent une augmentation de 6,1 % de l'ensemble des avantages vieillesse – soit 12 milliards d'euros supplémentaires, qui permettent d'atteindre un montant global supérieur à 190 milliards.
À cela s'ajoute le milliard et demi du RSA, sachant que je suis de ceux qui pensent qu'il faut appliquer, comme cela m'a été enseigné à la Cour des comptes, le coefficient π aux estimations du ministère de la solidarité : on part de 1,5 milliard pour finir à 4,5 ! Avec, en sus, les 2 milliards inclus dans le plan de relance, nous arrivons à un total de 16 ou 17 milliards d'euros affectés au soutien de la consommation. Les critiques de l'opposition sont donc infondées.
Nous voterons enfin ce plan parce qu'il est limité dans le temps, l'essentiel des mesures n'ayant d'incidence que sur 2009, 2010 n'étant affecté qu'à hauteur d'un milliard d'euros. Si certains le regrettent, ce n'est pas le cas des députés du Nouveau Centre, et j'en viens ainsi à la seconde partie de mon exposé, qui concerne les trois contraintes que nous estimons devoir être respectées.
Il faut, en premier, lieu revenir à l'équilibre budgétaire. Et si la gauche revient un jour au pouvoir, chers collègues de l'opposition, vous ne pourrez pas continuer à creuser des déficit budgétaires qui, d'après les estimations de notre rapporteur général, approchent les 4,8 ou 4,9 % mais peuvent fort bien finir aux alentours de 5 ou 5,2 %. Certes, c'est moins bien qu'en 1992 ou 1993, puisqu'en mars 1993, lorsque la nouvelle majorité a été élue, nous atteignions les 6,3 % et qu'il a fallu prendre immédiatement un certain nombre de mesures correctrices pour ramener le déficit à 6 %.
Je pourrais également rappeler les abîmes face auxquels nous a laissés, en 2002, le dernier gouvernement socialiste…
Nemo auditur propriam turpitudinem allegans, j'en conviens tout à fait, mais félicitons simplement le Gouvernement d'avoir pris des mesures ponctuelles, pratiquement sans incidences sur 2010 et qui préservent notre crédibilité pour le redressement des finances publiques.
Officiellement, le déficit prévisionnel de l'État s'élève à 79 milliards d'euros après collectif, mais peut fort bien plonger encore de 4 ou 6 milliards, si l'on continue à décrocher. En effet, les dernières estimations concernant l'IS au 15 décembre ne sont pas bonnes et se situent 2 à 3 milliards en dessous des prévisions. La TVA pourrait décrocher à son tour. Il faut donc être raisonnable.
Nous pensons, en second lieu, qu'une partie des mesures ne sont pas suffisamment liées à un effort d'investissement. En ce qui concerne, par exemple, le FCTVA, on demande simplement aux collectivités de ne pas abaisser leurs investissements, ce qui n'est pas très dur. Nous avons eu à ce sujet un long débat, et la commission des finances vous proposera, messieurs les ministres, de passer d'une moyenne triennale à une moyenne quinquennale, ce que nous approuvons.
Il faut enfin préciser de quels investissements on parle : s'agit-il des seuls investissements éligibles au FCTVA ou de l'ensemble des investissements ? La commission des finances, comme le groupe Nouveau Centre, milite en faveur d'une conception large, budgets annexes inclus.
En revanche, sur le crédit d'impôt recherche, la mensualisation du remboursement de TVA ou l'anticipation des déficits pour l'IS, on aurait pu conditionner le remboursement de ces sommes par un effort d'investissement des entreprises. Ce n'est pas le cas, et nous ne sommes sans doute pas assez rigoureux.
Je trouve enfin les critiques de nos collègues socialistes infondées lorsqu'ils dénoncent le caractère unijambiste du plan de relance. Car il y a bel et bien deux jambes, dans ce projet mais aussi dans les textes antérieurs.
Nous attendons avec une grande impatience le 20 janvier pour que les socialistes nous expliquent s'ils ont réussi à se mettre d'accord sur un plan de relance. Cela nous intéressera car, d'après ce que j'ai vu des documents officiels émanant du parti socialiste, une bonne partie de ce qu'ils proposent n'est rien d'autre que ce que nous sommes en train de voter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons s'inscrit dans le cadre plus large de la réponse que le chef de l'État et le Gouvernement, soutenus par leur majorité parlementaire, entendent, depuis plusieurs semaines voire plusieurs mois, apporter à la crise qui éprouve durement notre pays. Comme chacun le sait, cette crise, née aux États-Unis en 2007, s'est propagée successivement de la sphère financière à l'économie réelle et du continent nord-américain à l'ensemble du monde. Confrontée à ce défi sans précédent, la France a su prendre les mesures qui s'imposaient, car il ne fait aucun doute que l'attentisme aurait été la pire des solutions. Mieux, l'action engagée par le Président de la République au niveau européen a permis d'apporter une réponse concertée aux économies de la zone euro.
La première urgence était, au mois de septembre dernier, d'assurer la pérennité de notre système financier et de restaurer la confiance. C'est ce qui a été fait avec des moyens sans précédent. Les prêts interbancaires ont été garantis à hauteur de 265 milliards d'euros, 40 autres milliards ont été mis de côté afin de faire face à toute éventualité et 10,5 milliards d'euros ont été prêtés aux établissements financiers pour leur permettre à leur tour d'injecter pas moins de 65 milliards d'euros supplémentaires dans l'économie. Car, s'il a fallu sauvegarder les banques, c'était bien pour qu'elles puissent continuer à jouer leur rôle en répondant aux besoins de financement de l'économie.
Avec en outre 23 milliards d'euros de prêts mis à la disposition des PME et un Fonds stratégique d'investissement doté de 20 milliards pour sécuriser le capital de nos entreprises stratégiques, massive, déterminée, l'action du Gouvernement a déjà pu faire la preuve de son efficacité, évitant le pire pour les banques et donc pour les Français.
Impossible toutefois de s'en tenir là, car la crise n'est plus seulement financière. Sa propagation à l'économie réelle appelle en effet d'autres mesures. C'est la raison d'être de la politique de relance mise en place ces dernières semaines, face à une conjoncture particulièrement difficile. Des choix clairs ont été faits et une ligne politique nette a été tracée.
Le Président de la République a expliqué à nos compatriotes comment il entendait faire de cette crise un tremplin pour mieux préparer la France aux défis de demain. Comme il l'a lui-même indiqué, « dans les circonstances exceptionnelles où nous nous trouvons, nous avons la responsabilité historique de remettre la France à niveau du point de vue de ses équipements, de ses infrastructures, de ses universités et de sa recherche. Nous avons la responsabilité historique de lui faire prendre le tournant de la révolution numérique, des technologies propres, de la croissance verte. » L'idée d'augmenter la dette sans contrepartie durable a donc été exclue, ce qui est courageux. Dans le contexte budgétaire particulièrement tendu que connaît notre pays, le Gouvernement a choisi en priorité la relance par l'offre et l'investissement. Avec ce choix, redisons-le, il s'agit de moderniser notre pays et de préparer l'avenir.
Voilà pourquoi, si le déficit budgétaire devait être creusé en 2009 à 3,9 % du PIB contre 3,1 % prévus initialement, l'objectif de 2012, tel qu'il a été fixé par la loi de programmation des finances publiques, est et doit être maintenu.
Les dépenses engagées, en effet, ne le seront pas à fonds perdus, puisqu'il s'agit d'investissements gagés par des actifs dont bénéficieront les générations futures. Je pense bien sûr aux 4 milliards d'investissement qui seront confiés aux entreprises publiques pour moderniser les réseaux postaux, énergétiques et ferroviaires ; je pense également à l'enseignement supérieur et à la recherche, qui conditionneront la croissance des années à venir, mais aussi au développement durable, qui doit préparer notre société à faire face à des ressources limitées, dans un monde où les sources d'énergie, et en particulier le pétrole, se feront plus rares et plus chères.
Je pense encore au logement, dont nous reparlerons.
Je pense enfin à l'automobile. En instaurant une prime à la casse de 1 000 euros pour les voitures de plus de dix ans remplacées par un véhicule neuf émettant moins de 160 grammes de CO2, nous n'avons pas seulement soutenu les 10 % de la population active employés directement ou indirectement par la filière – ce qui est déjà très important –, mais nous avons également incité nos concitoyens à moderniser le parc national, et ce faisant à réduire nos émissions de CO2 et notre dépendance énergétique.
À l'issue de ce plan de relance, notre pays doit donc se trouver à la fois plus performant – d'une manière qu'il nous est assez difficile d'expliciter aujourd'hui puisqu'elle repose largement sur l'innovation – et mieux équipé. La valeur des ces investissements est un premier gage pour nos finances publiques.
Par ailleurs, pour en revenir aux critères de Maastricht et aborder un volet essentiel de cette politique économique et de ce projet de loi, les dépenses engagées par les mesures qui nous sont présentées aujourd'hui étaient pour la plupart prévues, mais étalées dans le temps. En les accélérant, ce projet de loi doit nous permettre, et permettre à nos entreprises, de tenir jusqu'à l'amélioration de la conjoncture.
Pour revenir plus précisément au logement, après les trente mille ventes espérées en l'état futur d'achèvement – et je crois qu'à ce jour, nous approchons déjà des vingt mille –, après le doublement du prêt à taux zéro pour les primo-accédants, l'objectif est de construire 100 000 logements. La simplification des règles de révision et de modification des plans locaux d'urbanisme, d'une part, le fait de favoriser la réalisation d'opérations d'intérêt national par la mobilisation des terrains publics nécessaires, d'autre part, y contribueront fort utilement.
L'un des amendements adoptés en commission, qui prévoit de donner aux organismes HLM la possibilité d'acquérir en l'état futur d'achèvement plus de 50 % des logements d'une même opération immobilière, est également une manière d'anticiper sur le vote de la loi de mobilisation pour le logement, dont l'article 4 prévoit une telle mesure.
Avec l'accessibilité accrue des contrats de partenariat public-privé, qui sont un puissant outil d'accélération de la commande publique, la puissance publique et les entreprises privées devraient travailler de concert à la réalisation d'équipements importants pour notre pays, et qui demanderaient beaucoup plus de temps s'ils devaient être réalisés selon des procédures plus classiques.
L'article 5, en permettant d'anticiper le déclassement d'une installation publique de santé pour dégager de plus grandes marges d'autofinancement, nous permettra, là encore, de gagner du temps, puisque cette disposition était prévue à l'article 11 du projet de loi portant réforme de l'hôpital.
Enfin, l'article 6, en habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnances, permettra d'introduire plus rapidement un régime d'autorisation simplifiée pour les installations classées pour la protection de l'environnement : ce régime intermédiaire sera moins contraignant que le régime actuel, qui est très lourd.
Ce projet de loi suit donc aujourd'hui, logiquement, les mesures qui nous sont soumises dans le projet de loi de finances rectificative pour 2009. Cette logique aura compté trois temps : celui du diagnostic, mondial, puis celui d'une stratégie, européenne ; celui de la mise en oeuvre, qui exige désormais des réponses nationales. Annoncées dans le discours-programme du Président de la République à Douai le 4 décembre dernier, plusieurs mesures sont déjà entrées en vigueur ; neuf décrets sont parus. Il appartient maintenant au Parlement de jouer son rôle.
Monsieur le ministre chargé du plan de relance, vous nous avez assuré que 75 % des 26 milliards engagés seront dépensés en 2009. C'est sans aucun doute un choix volontaire et lucide, car il s'agit très certainement de la meilleure réponse que nous puissions apporter à la crise et à ce que les circonstances exigent de nous. C'est aussi un choix courageux car, si nous mettons en place les conditions de la croissance de demain, nous savons aussi que les résultats que nous escomptons ne seront pas aussi visibles que si nous avions cédé à la logique de la facilité, celle d'une relance par la seule demande. Le choix de l'investissement est celui de l'avenir ; c'est aussi celui de la responsabilité. Voilà pourquoi nous l'assumerons en soutenant le texte qui nous est proposé.
Madame la présidente, monsieur le ministre chargé du plan de relance, mes chers collègues, je souhaite inscrire mes propos dans la réflexion générale et les analyses de mon groupe, mais j'insisterai, pour ma part, sur les enjeux du logement et de la construction dans les deux dispositifs que constituent la loi de finances rectificative pour 2009 et le programme de relance de la construction.
J'ai pu, dans mon explication de vote sur l'exception d'irrecevabilité, parler de malhonnêteté intellectuelle. C'est un terme sévère, j'en conviens, mais je le maintiens, et j'affirme que ces deux textes le méritent.
S'agissant du projet d'accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés, comment qualifier autrement les quelques mesurettes sans réel impact qu'il contient ?
Simplification des règles de mitoyenneté en dérogeant aux procédures des enquêtes publiques jusqu'à la fin de l'année 2010 ; élargissement de l'inopposabilité à l'État du droit de priorité et de préemption des collectivités territoriales ; trois dispositifs techniques sur les partenariats public-privé ; rectification d'une erreur matérielle après décision du Conseil Constitutionnel ; habilitation gouvernementale à procéder par ordonnances pour les établissements classés afin de réformer le régime d'autorisation simplifiée ; et enfin, réforme de l'indemnité temporaire versée outre-mer aux retraités pour les pensions civiles, dont tout le monde sait que cela servira grandement à la relance économique et à la lutte contre la crise : voilà votre programme d'accélération de la relance de l'investissement pour la construction !
La baisse colossale de la construction, le déséquilibre de la promotion immobilière, les graves difficultés des entreprises du bâtiment et de travaux publics – et les risques déjà avérés de licenciements qui en découlent – n'ont appelé de la part du Gouvernement que ces indigentes propositions.
Après les déclarations du Président, nous étions légitimement en droit d'attendre autre chose, un engagement plus créatif, plus mobilisateur et donc plus ambitieux.
Je voudrais faire un petit rappel : « Le logement méritait une attention particulière à cause du rôle qu'il joue dans l'économie et parce qu'il se retrouve aujourd'hui à l'épicentre de la crise […] le logement dont l'activité déterminante pour la conjoncture et pour l'emploi d'aujourd'hui, mais aussi pour les équilibres sociaux de demain, car si la construction ralentit, l'écart déjà trop grand se creusera davantage entre l'offre et le besoin de logement. »
Ce sont les propos tenus par Nicolas Sarkozy dans son discours de Douai, le 4 décembre 2008.
Il y a loin de la coupe aux lèvres, loin du propos à la politique concrètement engagée !
Le dispositif du projet de loi de finances rectificative pour 2009 n'est pas un plan de relance, mais un malhabile plan de rattrapage des effets désastreux du désengagement de l'État, que vous aviez programmé et inscrit dans la loi de finances pour 2009. Je vous rappelle que le budget logement de la loi de finances était en baisse de 6 %. Vous aviez prévu de prolonger cette baisse en 2010 et 2011. Ce rattrapage est d'ailleurs insuffisant puisqu'il sera loin de permettre une remise à niveau des crédits nécessaires, tant le décrochage du budget de l'État est colossal, que ce soit pour la construction de nouveaux logements ou pour la rénovation urbaine.
C'est un texte scandaleux, un texte qui n'est que d'affichage et qui prouve votre incapacité à mettre en oeuvre une vraie stratégie financière et technique dans le domaine du logement et de la construction ; il risque d'accentuer les graves difficultés rencontrées par les entrepreneurs, les promoteurs, les bailleurs, les petites et moyennes entreprises et les artisans, et qui viennent s'ajouter aux difficultés des particuliers pour accéder à la propriété, voire au logement. Je vais le démontrer.
En ce qui concerne le logement social, votre plan de relance prévoit la construction de 70 000 logements supplémentaires en deux ans, s'ajoutant à la reprise des 30 000 ventes en l'état futur d'achèvement annoncée par le Président de la République.
Pour ce programme de 30 000 logements en VEFA, on ne trouve pas un centime d'euro dans le budget puisque ce sont les grands bailleurs qui en sont chargés.
Ce n'est pas l'État qui paye ! Sur les 70 000 autres logements, 30 000 seulement seront véritablement sociaux et donc accessibles au plus grand nombre. Dois-je rappeler que le budget 2009 ne permettait pas de financer les 78 000 logements sociaux pourtant inscrits dans ses objectifs ? Les 340 millions d'autorisations d'engagement supplémentaires apportés par le projet de loi de finances rectificative permettront au mieux de compenser les insuffisances du budget du logement, sans assurer le financement des logements supplémentaires prévus par ce plan de relance.
Dois-je aussi rappeler que, dans la loi de finances 2009, la réduction de moitié de la surcharge foncière versée par l'État avait pour premier effet de compromettre l'engagement de ces opérations de construction de logements sociaux ? De 260 millions d'euros en 2008, on passe à 143 millions d'euros en 2009. Alors, pensez, le plan de relance !
Ce plan n'est qu'un plan de rattrapage, qui ne permet même pas de respecter les engagements minimaux du plan de cohésion sociale – à ma connaissance toujours d'actualité.
En outre, alors que les banques, plus exigeantes, prêtent très difficilement aux ménages, notamment aux plus modestes, l'effort consenti en faveur de l'accession sociale à la propriété est insuffisant et inadapté. L'apport supplémentaire à hauteur de 50 millions d'euros pour le Pass-foncier ne produira pas l'effet escompté. Le doublement du prêt à taux zéro, que nous avions d'ailleurs proposé lors de la discussion de la loi de finances, doit s'accompagner, pour être efficace, d'un recentrage en faveur des ménages qui en ont le plus besoin et d'une augmentation de son montant, pour qu'il constitue l'apport personnel nécessaire pour l'octroi du crédit bancaire de droit commun.
Nous faisons cette observation depuis plusieurs années.
Votre rattrapage est plus scandaleux encore à la lecture des dispositions tendant à accélérer la rénovation urbaine. Vous vous targuez d'apporter un financement complémentaire de 350 millions d'euros en autorisations d'engagement.
Peut-on dire complémentaire, alors que le budget 2009 a sonné le glas de la participation de l'État au budget de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, participation pourtant prévue par la loi ?
Dois-je rappeler que l'État, dans le budget 2009, a désactivé la quasi-totalité des financements consacrés à l'ANRU en ponctionnant les fonds du 1 % logement à hauteur de 320 millions d'euros pour compenser son désengagement ? Cette ponction énorme ne permettait pas pour autant d'assurer à l'ANRU des moyens financiers à la hauteur de ses besoins. Je rappelle que, dans la loi de finances rectificative pour 2008, vous aviez déjà annulé près de 120 millions d'euros de crédits de paiement dans le programme « Rénovation urbaine ».
Votre plan de relance est donc bien un plan de rattrapage qui maintient à l'ANRU un financement étale et assuré désormais principalement par le 1 %. Il sera loin de permettre une remise à niveau du budget de l'agence, dont l'existence et la pérennité des opérations sont désormais compromises.
Pour relancer véritablement les programmes de rénovation urbaine, je vous demande un réengagement sérieux de l'État dans le financement de l'ANRU. Sans cela, nous courons à la catastrophe.
Dois-je rappeler également que le 1 %, sous le poids de la ponction exorbitante qu'il subit, doit renoncer à de très nombreuses actions dans le domaine de la réhabilitation du parc privé. Ainsi, le Pass-travaux, qui représentait près d'un milliard d'euros d'investissements, est quasiment condamné puisque le 1 % ne pourra le maintenir qu'à hauteur de 200 millions, à la suite de la ponction de l'État, nous a-t-on affirmé. Cela va provoquer une réduction des travaux voulus par les propriétaires privés : 800 millions de financement en moins, qui auraient été bien utiles aux toutes petites entreprises et aux petites et moyennes entreprises, aux artisans, qui en sont habituellement les prestataires. C'est quand même une manière bien singulière de les soutenir.
Et vous osez parler de la lutte contre l'habitat indigne, alors que la loi de finances pour 2009 a usé de ce même mécanisme pervers ! Je rappelle en effet que l'État s'est également défaussé sur le 1 % logement à hauteur de 480 millions d'euros, en ce qui concerne sa participation au budget de l'Agence nationale d'amélioration de l'habitat. Combiné à la suppression des crédits PALULOS de droit commun qui servaient aux opérations de réhabilitation, le budget 2009 avait consacré le désengagement définitif de l'État en faveur de la lutte contre l'habitat indigne. Dès lors, les 200 millions d'euros que vous annoncez à ce titre dans votre projet de loi de finance rectificative sont bien en deçà de votre désengagement.
Vous comprenez que, dans ces conditions, les deux dispositifs que vous proposez ne sauraient être compris par tous les acteurs de l'immobilier, de la construction et du logement comme constituant vraiment, sérieusement et effectivement, les instruments d'une relance du programme de construction et d'investissement.
Ce plan de relance, qui n'est même pas un réel plan de rattrapage, est d'autant plus décevant que le Gouvernement aurait pu se saisir de solutions à effet direct et immédiat. Je viens d'évoquer la rénovation urbaine. Ne croyez-vous pas qu'en pleine crise économique, le plan de relance aurait dû revenir sur votre décision inique de réduire les aides aux zones franches urbaines par le plafonnement des exonérations liées à l'embauche de publics en difficulté, au risque, au mieux, de réduire les possibilités d'embauche et, au pire, de provoquer des licenciements dans ces territoires ?
Le Gouvernement a été incapable de proposer un vrai programme de relance de la construction et de l'investissement pour le logement ; il échoue aussi de façon inacceptable à prendre en compte les enjeux du pouvoir d'achat. Et en matière de logement, qui constitue le premier poste de dépenses des ménages, c'est une défaillance coupable !
Qu'aurait-il fallu décider à ce sujet ? Je ne donnerai que trois exemples, déjà évoqués en loi de finances.
Il aurait fallu réévaluer les aides à la personne, dont le nombre de bénéficiaires va augmenter avec la crise ; il aurait fallu renoncer au relèvement de la participation forfaitaire des ménages qui augmente de 2 euros dans le budget 2009, soit une économie de 60 millions d'euros réalisée sur les plus démunis ; enfin, il aurait fallu supprimer le seuil de versement des APL qui prive les familles les plus modestes d'une partie du paiement.
Votre projet de relance promet des financements supplémentaires qui ne compensent ni les diminutions effectives du budget 2009, ni les annulations et les gels de crédits du budget 2008. Il ne soutient pas les ménages pour les aider à assumer leurs dépenses courantes, ce qui montre votre refus de prendre en compte la situation de la majorité de nos concitoyens, leurs conditions de vie et ce qu'ils doivent vraiment supporter.
J'ai parlé de malhonnêteté intellectuelle, de rattrapage manqué et de défaillance coupable. Le jugement, je l'admets encore, est sévère, mais je viens de le démontrer : il est juste. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le ministre, mes chers collègues, l'année qui commence va être difficile. La crise fait déjà ressentir ses premiers effets : le nombre de chômeurs augmente à un rythme inquiétant. Face à la violence de cette crise, le Gouvernement a agi rapidement. C'était nécessaire et nous ne pouvons que l'en féliciter.
Toutefois, cette rapidité pourrait, si nous n'y prenions garde, ajouter à l'incertitude de demain. Nous avançons vite, très vite, tant en ce qui concerne le travail sur les textes que la portée des mesures qu'ils contiennent. Je salue votre souplesse et votre réactivité, mais nous examinons le troisième collectif budgétaire en quelques mois. Comment faire que le travail qui, des auditions devant la commission, vient très vite dans l'hémicycle pour être voté par les parlementaires, soit correctement fait ? Il y a là matière à réflexion.
Cette très grande rapidité ne sert pas toujours la lisibilité de mesures que l'avenir, aujourd'hui incertain, pourrait bien malmener. C'est pour cette raison que nous avons demandé la création d'une mission chargée d'accompagner la mise en oeuvre du plan de relance en suivant précisément l'évolution des mesures prises, l'état d'avancement de leur réalisation et, surtout, les effets produits. Étant donné l'importance des moyens et la gravité du moment, cela semble bien normal.
On nous a malheureusement répondu qu'il s'agissait de l'une des missions de chacune des commissions concernées. Il nous semble pourtant évident qu'étant donné le caractère exceptionnel et surtout transversal de ce plan de relance, une mesure exceptionnelle de suivi devait s'imposer.
Nous espérons bien être entendus.
Toutefois, comme je l'ai déjà dit, le plan de relance, dans son ensemble, et ce texte, en particulier, vont dans le bon sens.
Je ne reviendrai pas sur le choix du Président de la République, que nous partageons largement, de recourir à l'investissement plutôt qu'à la consommation pour relancer l'économie française – nous avons largement débattu de la question tant au cours de la défense des différentes motions que des explications de vote. C'est un choix de bon sens car l'investissement apporte, et apportera, une réponse aux difficultés et aux handicaps les plus lourds et les plus ancrés dans notre économie, notamment notre manque de compétitivité. L'investissement permet une réforme en profondeur de notre économie, qui l'aidera non seulement à faire face aux coups durs à venir, mais également à trouver une place de premier ordre dans un système économique profondément modifié par la crise.
Bien entendu, il était impératif de prévoir également des mesures ponctuelles pour aider notre économie à passer ce cap difficile. C'est ce que vous avez fait avec des mesures budgétaires et réglementaires de soutien à la trésorerie des entreprises et d'aide aux personnes les plus en difficulté. Il fallait trouver un certain équilibre : vous avez su le faire et nous vous en félicitons.
Votre plan n'est pas seulement équilibré, il est également complet puisqu'il s'adresse à tous les acteurs économiques : État, collectivités territoriales, entreprises et particuliers. Chacun est aidé et chacun est mis à contribution.
C'est toutefois au niveau local que la crise se réglera. Si l'État doit être le maître d'oeuvre et impulser la relance, notamment sur le plan financier, c'est aux collectivités territoriales qu'il appartiendra d'appliquer, chez elles, les mesures décidées, avec leur savoir-faire, leur connaissance du terrain et leurs moyens.
N'oublions pas que les collectivités territoriales représentent près des trois quarts des investissements publics. Décentralisation et responsabilisation sont, vous le savez, deux thèmes chers aux centristes : à nos yeux, les collectivités territoriales doivent exercer leurs responsabilités et jouer un rôle central dans ces programmes d'investissement et d'aide aux entreprises. Par collectivité territoriale, j'entends naturellement les départements, mais je tiens à rappeler qu'une grande partie de nos régions bénéficie d'une santé financière relativement bonne qui doit impérativement être mise à contribution.
Or, lorsqu'on regarde aujourd'hui les politiques régionales, on est frappé par l'absence de volet économique et l'inexistence, entre autres, des emplois tremplins si âprement défendus, encore à l'instant, par nos collègues socialistes. Vous avez râlé, vous avez crié, vous avez demandé, maintenant agissez !
Ces régions doivent impérativement apporter leur aide à nos entreprises, particulièrement à nos PME qui doivent affronter aujourd'hui une très grande frilosité de la part des banques.
Monsieur le ministre, vous avez choisi d'aider les entreprises par un coup de pouce à leur trésorerie, c'est très bien. Mais il faut maintenant rétablir la confiance et faciliter l'accès au crédit pour maintenir et relancer l'activité économique. Pour mobiliser cette épargne de proximité, le Nouveau Centre a proposé, il y a quelques semaines, de lancer un grand emprunt d'État d'un montant initial de 60 milliards d'euros, répartis en trois tranches de 20 milliards sur trois, cinq et sept ans. Cet « emprunt confiance », à base obligataire et garanti par l'État, serait suffisamment rémunérateur – on peut imaginer un point au-dessus du livret d'épargne – pour mobiliser l'épargne de proximité. N'étant pas destiné à financer les déficits publics, il n'accroîtrait pas l'endettement net de l'État. Il s'agirait seulement de financer des crédits à l'économie, distribués via les réseaux bancaires, les banques devant acquitter une marge bénéficiant à l'État et assumer le risque. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.) Une partie de cet emprunt pourrait, au surplus, servir au financement de travaux d'infrastructures, en cohérence avec les engagements récemment pris dans le cadre du Grenelle de l'environnement. Vous le voyez, le Nouveau Centre fait des propositions de bon sens, concrètes et efficaces. Puissions-nous être entendus – mais je n'en doute pas !
En ce qui concerne le volet budgétaire du plan de relance, vous savez combien nous sommes nous, centristes, très chatouilleux sur le sujet. C'est à nos yeux une question morale que de ne pas faire porter à nos enfants le poids de nos décisions.
Nous avons fait de l'équilibre budgétaire un dogme, qui poursuit heureusement son chemin parmi les idées de la majorité, et dont nous nous sommes faits les gardiens.
Alors, naturellement, prévoir 26 milliards supplémentaires de dépenses est loin de nous réjouir. Mais à circonstances exceptionnelles, décisions exceptionnelles. Le plan de relance est nécessaire, les dépenses qui y sont liées aussi : nous ne pouvons que les soutenir malgré le creusement du déficit qu'elles entraînent.
Toutefois, en bons gardiens du temple, nous veillerons à ce qu'elles ne soient que ce qu'elles prétendent être, c'est-à-dire non pas un surplus de dépenses mais une « avance sur dépenses ». Puisque les trois quarts des crédits devront être utilisés en 2009, dès 2010 il faudra reprendre le chemin de la rigueur budgétaire avec pour objectif l'équilibre, même si nous savons que le terme sera plus éloigné que celui que nous pouvions imaginer il y a seulement une année. Soyez assuré, monsieur le ministre, que nous y veillerons.
Je voudrais également vous suggérer d'autres mesures qui, sans accroître le déficit budgétaire, entrent parfaitement dans le cadre du projet de loi de relance des investissements dont nous discutons aujourd'hui. Je pense aux programmes de mise en accessibilité des établissements publics, chers à Colette Le Moal, aux opérations programmées d'amélioration de l'habitat, chères à Yvan Lachaud, ou encore aux programmes d'équipement en énergies renouvelables prévus par le Grenelle de l'environnement, chers à Philippe Vigier. Ces politiques, déjà engagées, n'ont besoin que d'un coup de pouce pour être relancées et avoir des effets presque immédiats et visibles sur le bâtiment, pan essentiel de notre économie. Ce ne seraient, comme le plan de relance, que des anticipations de dépenses, avec un impact neutre sur notre déficit de fonctionnement.
Je pense également aux contrats de plan, dont il faudrait apurer les retards, et aux contrats de projets, dont il faudrait accélérer les dernières années de réalisation.
Vous le voyez, les idées sont nombreuses pour relancer l'investissement. C'est pourquoi nous espérons, monsieur le ministre, que vous pourrez nous confirmer au cours du débat votre engagement à soutenir ces programmes en vue d'accélérer leur réalisation.
Votre texte développe enfin une bonne, voire une excellente idée : simplifier et assouplir certaines procédures. C'est évidemment indispensable pour permettre une relance efficace. Vous le faites pour les contrats de partenariat, pour les sites classés et pour l'urbanisme.
C'est une idée simple mais essentielle pour les entreprises, souvent noyées et découragées par la lourdeur et la lenteur des procédures – on le sait sur le plan local. Nous défendons cette idée depuis longtemps avec, notamment, le Small business act,…
…et, plus récemment, dans le cadre de la création du statut d'auto-entrepreneur, nous avons apporté notre soutien au texte présenté par Hervé Novelli.
Il y a eu plusieurs milliers de demandes pour ce nouveau statut : si la demande est forte, c'est la preuve qu'il va dans le bon sens.
Monsieur le ministre, j'ai également souhaité présenter un amendement relatif aux architectes des Bâtiments de France. Il y a, là aussi, matière à simplifier, même si nous devons respecter, dans les secteurs protégés, le patrimoine et son architecture. Dans le cadre de ce texte ou d'un texte à venir, nous devrions trouver les moyens permettant à tous ceux qui le souhaitent – commerçants, particuliers ou investisseurs des collectivités locales – de faire de votre plan une réussite.
Le groupe Nouveau Centre considère que votre plan de relance dans son ensemble et ce texte en particulier vont dans le bon sens. Étant donné la gravité et l'urgence de la situation, nous soutenons votre action, tout en espérant qu'elle puisse être complétée et améliorée, sous peu, par les mesures que nous avons proposées. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, l'examen des deux projets de loi qui nous sont soumis aujourd'hui constitue la dernière touche à la mise en oeuvre du plan de relance présenté par le Président de la République le 4 décembre dernier à Douai, mais dont les toutes premières mesures étaient plus anciennes.
Le projet de loi d'accélération des programmes de construction et d'investissements publics et privés est une nécessité pour accompagner la relance, en accélérant les conditions de réalisation de ces investissements. Toutefois, je centrerai mon propos sur le second texte, le projet de loi de finances rectificatives pour 2009, en évoquant notamment, en tant que président de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, le rôle joué par cette institution.
Cette loi de finances rectificative est la troisième que nous examinons en quelques mois.
La première visait à soutenir le secteur bancaire dans sa mission de financement de l'économie, par le biais du refinancement du marché interbancaire et des interventions en fonds propres. Je pense notamment à l'intervention de la Caisse des dépôts et de l'État en faveur de la banque Dexia, que j'ai eu l'occasion d'évoquer devant vous en décembre. Si ce premier volet a permis d'éviter le pire, le comportement des banques suscite cependant des interrogations. Ainsi les établissements bancaires, malgré les aides qu'ils ont reçues, se sont montrés incapables de répondre à plus du tiers des adjudications prêts locatifs sociaux – prêts mis en place dans le cadre du programme VEFA présenté, à juste titre, comme ultra-prioritaire par le Président de la République – et ce alors même qu'il avait été recommandé à la Caisse des dépôts de ne pas accorder elle-même directement tous les prêts.
Ma deuxième interrogation concerne la relance puisqu'il s'agit d'éviter une plus grande dégradation de l'emploi : dans le dossier relatif au consortium des électro-intensifs, où plus de 3 milliards d'euros doivent être levés à la suite d'une discussion excessivement difficile mais conduite avec succès auprès de la Commission européenne par le Gouvernement de François Fillon avec l'appui du Président de la République, les établissements financiers n'ont jusqu'à présent répondu qu'à la hauteur d'un peu plus d'un milliard d'euros en vue de permettre le maintien des capacités de production des plus grands groupes industriels du pays. Que font les établissements bancaires des aides et des mécaniques mises en place par le Gouvernement ?
Ma troisième interrogation porte sur les prêts à l'exportation. En discutant avec des industriels, j'ai eu la surprise de constater que leurs clients ne réussissent pas à mobiliser des prêts qui leur sont nécessaires, les établissements financiers n'étant pas au rendez-vous. C'est pourquoi, une fois de plus, on se tourne vers la Caisse des dépôts et consignations !
Cela me conduit à souligner, dans le cadre de ce plan de relance, combien il est important de préserver les liquidités des fonds d'épargne de la Caisse des dépôts, qui ont été largement sollicités depuis le début de la crise financière. Il est normal de mobiliser les liquidités disponibles afin de soutenir l'économie. Dès lors que la priorité des priorités des fonds d'épargne, à savoir le logement social, est financée et que nous gardons le volume nécessaire de ressources permettant d'assurer la disponibilité des placements de nos concitoyens dans les produits d'épargne réglementés, il n'y a pas d'obstacle à la mobilisation d'une partie de ces liquidités sur des objectifs stratégiques définis par l'État en matière de soutien à l'économie. Encore cela suppose-t-il qu'on nous laisse des disponibilités suffisantes sur les fonds d'épargne et qu'on arrête le transfert en direction des banques dès lors qu'elles se montrent incapables de répondre aux objectifs qui leur sont assignés par les pouvoirs publics, notamment en ce qui concerne de grandes priorités nationales comme les crédits à l'exportation, Exceltium ou le logement social. Et puisque les banques réclament beaucoup, il est de mon devoir, en tant que président de la commission de surveillance de la Caisse, de rappeler l'utilité des liquidités des fonds d'épargne et pourquoi nous avons besoin de les conserver.
Cela dit, je souhaite aborder le contenu du texte en exprimant ma satisfaction à propos des priorités relatives à l'investissement, à l'apurement des retards de paiement des créances de l'État vis-à-vis des entreprises ou à l'accélération de leur versement. Nous savons en effet qu'un certain nombre de programmes budgétaires abondés à cette occasion – je pense au patrimoine – vont permettre de lancer immédiatement une multitude de chantiers attendus, de donner du travail à des artisans et de consolider des entreprises spécialisées. Nous savons que les mesures prévues permettront la construction de logements et le maintien de l'activité du bâtiment. Nous savons également que les 731 millions d'euros consacrés aux universités contribueront à améliorer l'économie de la connaissance – priorité nationale également – et à moderniser nos campus.
J'ai à ce sujet une interrogation, monsieur le ministre : on peut se réjouir de ces ressources supplémentaires mais il serait intéressant que vous nous indiquiez à quel niveau sont mobilisés les crédits provenant de la cession de titres d'EDF. C'est pour nous une préoccupation constante de savoir comment ces titres sont mobilisés, quel est leur niveau de consommation et s'il ne serait pas possible de rendre plus dynamique la gestion de ces titres qui ont permis de doter les universités françaises de moyens importants destinés à leur modernisation.
Ayant évoqué ma satisfaction quant à la priorité donnée à l'investissement, priorité qui ne détériore pas, à terme, la structure de la dépense publique puisque le choix du Gouvernement n'a pas été celui d'une relance massive par la consommation ni celui d'une augmentation massive des frais de fonctionnement par le biais de recrutements d'emplois publics qui n'auraient pas été nécessaires, je voudrais revenir aux sollicitations dont fait l'objet la Caisse des dépôts et dire un mot de l'intervention de Jean-Pierre Balligand.
La Caisse a été sollicitée pour le plan de refinancement des banques, notamment en vue de renforcer les fonds propres de Dexia, et pour le redéploiement des excédents d'épargne réglementée des livrets de développement durable et des livrets d'épargne populaire, afin de compenser les surplus des livrets A, à hauteur de 17 milliards d'euros, en contrepartie d'un engagement d'utilisation au profit des PME. La Caisse participe au plan de financement des PME à travers la convention qui la lie à OSEO. Elle est directement engagée dans le plan de rachat de 30 000 logements en VEFA, annoncé en octobre 2008, avec plus de 6 000 logements déjà négociés par la Société nationale immobilière.
La CDC est aussi fortement engagée dans le présent plan de relance qui prévoit qu'elle pourra participer au financement des partenariats public-privé – qui ont peut-être plus de difficultés à se financer compte tenu de la crise bancaire – à hauteur de 8 milliards d'euros supplémentaires en matière de prêts infrastructures, en mobilisant une partie des fonds d'épargne gérés par elle. Une nouvelle ligne de refinancement est prévue pour renforcer OSEO-Garantie. En ce qui concerne le logement, enfin, une enveloppe de prêts de 4,5 milliards d'euros est prévue pour 2009 par le biais des financements traditionnels des fonds d'épargne.
Mais le principal engagement de la Caisse des dépôts dans le plan de relance passe par le Fonds stratégique d'investissement. Nous constatons avec satisfaction que l'État apporte, à travers ce collectif budgétaire, 3 milliards d'euros de liquidités immédiatement disponibles, la Caisse agissant de même de son côté, permettant ainsi au Fonds d'entamer immédiatement ses activités.
Il faut se réjouir que tout soit allé très vite puisque un mois s'est écoulé entre l'annonce de l'intention du Président de la République de mettre en place ce Fonds stratégique et sa création, et un autre mois entre le discours de Montrichard qui a consacré la création du Fonds et la mise en place de ses structures. Contrairement à Jean-Pierre Balligand, les nominations ne me posent aucun problème puisque les concertations nécessaires sur la répartition des responsabilités entre les deux actionnaires ont eu lieu avec le directeur général de la Caisse des dépôts et avec le président de la commission de surveillance.
Je partage en revanche avec Jean-Pierre Balligand l'idée qu'il est nécessaire de préciser un certain nombre de points. Ce n'est certes pas le cas en ce qui concerne le Fonds lui-même, les doctrines d'investissement ayant été annoncées par le chef de l'État qui a précisé ce que le Fonds n'aurait pas à faire. Nous avons publié, avec Augustin de Romanet, les doctrines d'investissement de la Caisse. Le Fonds stratégique en étant une filiale, ses doctrines devront s'inspirer de celles de la Caisse.
Si ce dernier point ne présente aucune difficulté, en revanche, l'État doit être conscient que, malgré les disponibilités de la Caisse des dépôts, nous avons atteint aujourd'hui le maximum d'intervention sur les fonds d'épargne, d'une part, et sur la section générale, d'autre part. Il faut en effet que l'institution garde des possibilités d'intervention stratégique : le dossier de La Poste viendra en son temps.
Nous devons aussi, avec l'État, respecter soigneusement la logique de rentabilité du Fonds, consistant à investir dans des entreprises qui ont un avenir. C'est d'ailleurs ce que son directeur général, M. Michel, a dit ce soir devant la commission de surveillance.
La Caisse des dépôts est dans son rôle en intervenant chaque fois que des événements majeurs se produisent dans le pays. Elle l'a fait au moment de la reconstruction au lendemain de la guerre et à chacune des grandes étapes de l'histoire industrielle et économique de la France.
Cette institution dispose aujourd'hui de ressources qui n'ont jamais été aussi élevées. Elles sont engagées, mobilisées au service de l'économie, mais il ne saurait être question de procéder comme pour le jeu du bonneteau. Il faut donc que les choix arrêtés prennent en compte les demandes urgentes mais aussi les stratégies de long terme que la Caisse a toujours défendues et qui lui permettent aujourd'hui d'être au rendez-vous de l'urgence.
Il ne faudrait pas basculer dans la seule réponse à l'urgence et oublier ce qui fait l'originalité de la Caisse et sa pertinence : préserver une vision à long terme. Je compte donc sur vous, monsieur le ministre, pour que nous partagions cet objectif et pour que la Caisse apporte, dans ces conditions, sa pleine contribution à la réussite du plan de relance.
Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, les deux projets de loi que nous examinons, appelés « plan de relance », sont destinés à lutter contre la crise – une crise financière devenue aussi et surtout une crise industrielle et une crise de la consommation, avec une explosion du chômage et, déjà, une baisse de la production.
Votre objectif, tel qu'il figure dans l'exposé des motifs, est d'accélérer le rythme des réformes engagées. Seulement, vous présentez ce plan comme une rupture avec les politiques budgétaires menées depuis 2002 ; s'agirait-il du constat des limites de ces politiques ?
La vraie rupture serait le choix d'un autre modèle, plus vertueux et plus respectueux des hommes et de l'environnement. En cela, un plan de relance, pour être efficace, doit être massif, équilibré, global et d'effet immédiat. Ce n'est pas le cas du vôtre.
Le ministre du budget reconnaît un déficit supplémentaire, en année pleine, de 17 milliards d'euros. Or le paquet fiscal doit coûter, en année pleine, 17 milliards d'euros ; est-ce une coïncidence ?
La France avait du retard, disiez-vous, car trop régulée, trop contrainte. C'était le triomphe de la mondialisation et de l'ultralibéralisme. Il fallait se rapprocher du modèle américain : retraites par capitalisation et fonds de pension, incitation à l'endettement par prêt hypothécaire pour acheter un bien immobilier qui ne devait cesser de prendre de la valeur… Vous ne laissiez pas d'accuser la France d'être en retard mais, au fond, c'est votre Gouvernement qui l'a été, pour avoir sous-estimé, voire nié la crise, dont pourtant Didier Migaud – dès septembre 2007 – nous avait annoncé l'arrivée en France.
Votre pari d'une récession courte et de faible ampleur, ne nécessitant pas une intervention massive de l'État, est risqué. Il montre que vous sous-estimez de nouveau l'importance du phénomène. Aujourd'hui – n'est-ce pas étonnant ? –, les grands dérégulateurs occidentaux n'entrevoient plus le salut que dans l'intervention massive de l'État.
Or la crise ne met pas seulement notre économie à rude épreuve, comme vous l'indiquez dans l'exposé des motifs, elle atteint les plus modestes, les plus fragiles qui se retrouvent au chômage les uns après les autres. Et l'inquiétude s'amplifie chez les Français, dont bon nombre deviennent des travailleurs pauvres. Les classes moyennes sont menacées, les salariés retraités malmenés, et vous ne leur donnez que des raisons supplémentaires d'inquiétude.
Par arrêté publié au Journal officiel du 3 janvier 2009, vous incitez au recours au chômage technique, le ministre du budget soulignant qu'« il vaut mieux garder un contrat de travail, quitte à travailler moins » et, bien sûr, sans doute à gagner moins. Il est loin le temps où vous incitiez les entreprises à user des heures supplémentaires défiscalisées et faire « travailler plus pour gagner plus ». De surcroît, cette annonce est en contradiction avec l'objectif premier de votre plan de relance, qui est de favoriser l'emploi.
Que proposez-vous aux salariés – j'ai eu le cas dans ma circonscription – qui, contraints d'accepter le chômage technique et la perte de la moitié de leur salaire, doivent toujours honorer les emprunts souscrits pour leur maison et se voient refuser par leur établissement bancaire un étalement des remboursements ?
Et quand, avec les 35 heures, vous leur avez ôté le recours aux heures supplémentaires ?
Vous incitiez pourtant tous les Français à devenir propriétaires. Ils se retrouvent aujourd'hui piégés !
Le projet que vous nous avez fait examiner en urgence le 22 décembre dernier en commission des affaires économiques a pour objet de favoriser l'investissement public et privé.
Concernant l'investissement public, Éric Woerth disait lui-même hier soir, lors d'un entretien télévisé, que « la dépense publique est aussi une politique de relance » : voilà un bel aveu. Or, dans le même temps, vous continuez à vous désengager, à réduire les crédits dévolus aux services publics, à diminuer les effectifs de leurs personnels, qui sont pourtant des consommateurs stables.
S'agissant des collectivités locales, qui réalisent près de 75 % des investissements publics, il faudrait accompagner plus vigoureusement leur politique de grands travaux. Tous vos projets, pour être mis à exécution, nécessitent des sommes équivalentes à celles qu'elles engagent : le plan sur les infrastructures en est le meilleur exemple. Le gouvernement espagnol a décidé d'injecter des sommes beaucoup plus importantes dans ses collectivités.
Quant aux 2,6 milliards d'euros correspondant à l'accélération des investissements déjà programmés de l'État, ils ne sont que le rattrapage de retards pris dans le cadre des contrats de plan État-région. Du reste, les universités sont très inquiètes pour la réalisation du plan « Campus » – leurs présidents ont écrit à Nicolas Sarkozy.
Surtout, les Français sont les grands absents de votre plan. Ils entendent parler de nouveaux milliards mais n'en voient la couleur ni pour eux-mêmes, ni pour les services publics. Le soutien à l'investissement est nécessaire mais un effort sur la consommation est indispensable. Au moment où le moral des Français fait une chute spectaculaire, la lutte contre la crise doit s'appuyer sur la confiance.
Vous citez toujours le RSA en réponse aux demandes d'amélioration du pouvoir d'achat. Vous avez pourtant eu les plus grandes difficultés à trouver 1 milliard d'euros pour le financer. Vous avez même dû geler l'indexation de la prime pour l'emploi afin de récupérer 400 millions d'euros, alors que la PPE est versée à 9 millions de Français.
Ce plan ne pourra donc soutenir ni l'emploi, ni le pouvoir d'achat. C'est une mauvaise réponse à une crise bien réelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis de toutes les mesures prises dans le cadre du plan de relance, et surtout de celles qui concernent le logement et l'hébergement, que j'appelais de mes voeux bien avant que nous ne prenions conscience des crises financière et économique auxquelles nous sommes confrontés.
Lorsque j'étais, l'année dernière, parlementaire en mission auprès de François Fillon, notre Premier ministre, chargé d'une étude sur l'hébergement et l'accès au logement des personnes sans abri et mal logées, je m'étais déjà rendu compte à quel point, malgré les efforts consentis, nous n'arrivions pas à atteindre nos objectifs de construction de 500 000 logements par an, dont 145 000 logements sociaux.
Il est vrai que, comme M. Le Bouillonnec et un certain nombre d'entre vous, j'ai été déçu lorsque nous avons voté le projet de loi de finances pour 2009, car j'estimais que les efforts en matière de logement étaient insuffisants. Mais les mesures qui nous sont aujourd'hui proposées par le Gouvernement constituent effectivement un plan de rattrapage.
Les bailleurs sociaux ainsi que tous les acteurs du logement social ont un droit de tirage sur les centaines de millions qui sont mis sur la table. Encore faut-il qu'ils l'exercent, alors qu'à la fin de l'année 2008, tous les crédits n'avaient pas été utilisés. La direction du budget a beau jeu de nous dire que puisque les crédits n'ont pas été utilisés, ils ne seront pas reconduits l'année suivante.
Ces crédits supplémentaires sont indispensables pour soutenir l'activité du bâtiment et toute notre économie, mais ils le sont d'abord parce qu'un grand nombre de nos concitoyens sont mal logés ou sans abri.
Nous manquons de logements en France. Nous ne construisons pas assez de logements, en particulier de logements très sociaux ou adaptés aux populations les plus fragiles. On estime à 100 000 le nombre de sans-abri, à 600 000 le nombre de logements indignes, à 900 000 le nombre de personnes qui n'ont pas de domicile personnel et à 3,5 millions le nombre de mal logés.
Et pourtant, ces dernières années, les services de l'État, un certain nombre d'élus, de bailleurs sociaux et d'associations se sont mobilisés pour répondre aux besoins et imaginer des réponses plus adaptées : maisons relais, résidences hôtelières à vocation sociale, villages de l'espoir, etc.
En votant, il y a deux ans, le droit au logement opposable, nous avons lancé un défi extraordinaire au pays. Il a contribué à accélérer, heureusement, la prise de conscience collective du besoin de construire beaucoup de logements pour répondre à l'attente de nos concitoyens.
Mais j'ai pu constater au cours de cette mission parlementaire que l'argent ne suffit pas. Il faut une volonté politique de tous les instants et de tous les décideurs. Il faut une détermination sans faille des services de l'État. Il faut convaincre tous nos concitoyens, et en particulier les plus récalcitrants, qu'une société harmonieuse repose d'abord sur l'offre d'un toit pour toutes les catégories sociales et dans tous les quartiers de nos villes. Il faut que les élus locaux, premiers décideurs en la matière, prennent conscience de l'intérêt humain, social et économique d'investir dans le logement.
L'article 55 de la loi SRU, tant décrié par certains, a eu le mérite de booster la construction de logements sociaux. Mais il faudra vraisemblablement aller plus loin. Atteindre 20 % partout est un minimum. La loi doit être respectée, et elle est insuffisante dans les secteurs tendus, où les demandes sont plus importantes que les offres, même quand le taux de 20 % est atteint. Les préfets doivent disposer des moyens de la faire respecter. Ce sera l'objet de la prochaine loi sur le logement, que nous examinerons dans le courant de ce mois-ci ou du mois prochain.
L'État doit absolument montrer l'exemple en transformant une partie de ses locaux non utilisés en logements sociaux. Il est en effet scandaleux, monsieur le ministre, que certains ministères ou certaines administrations laissent en jachère depuis de nombreuses années des immeubles importants comme des hôpitaux désaffectés ou des casernes abandonnées. Il est scandaleux de constater que certains bâtiments publics, en instance d'affectation publique, restent vides pendant des mois ou des années sans être entretenus. Ils sont ensuite, malheureusement, l'objet de squats ou de dégradations, alors qu'ils pourraient abriter des occupants temporaires, étudiants, salariés en formation ou personnes en attente d'un logement définitif.
Il est urgent d'utiliser une partie des sommes débloquées à l'achat de plusieurs milliers d'appartements et au développement de l'intermédiation locative en Île-de-France, où les besoins sont, vous le savez, les plus criants.
Voilà quelques pistes. Je vous renvoie, pour mes autres propositions, au rapport que j'ai remis au Premier ministre au mois de septembre dernier.
Enfin, monsieur le ministre, je voudrais aborder la question des aides aux entreprises. Je souhaite que les fonds prévus en la matière soient aussi consacrés à celles dont les responsables sont tentés de délocaliser leur outil de travail. Il serait peut-être même intelligent d'aider les entreprises déjà délocalisées à l'étranger à revenir sur le territoire national, en raison de l'augmentation des coûts de transport et de la baisse de qualité des productions dans certains pays lointains.
Compte tenu de ces réflexions, je voterai bien entendu avec plaisir vos deux projets de loi.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec la loi de finances rectificative, ce plan de relance apporte une réponse ambitieuse, et surtout pragmatique, aux problèmes graves que connaissent nos entreprises, et en particulier nos PME.
Ce plan de relance est fondé sur des investissements massifs. Certains préféreraient, du côté gauche de l'hémicycle, qu'il soit fondé sur la consommation. Or l'histoire montre que, sous des gouvernements de droite comme de gauche, la relance par la consommation n'a pas été la bonne solution. Comme l'a fort bien souligné le Président de la République, un plan de relance qui privilégie la consommation ne contribue qu'à créer des déficits. C'est verser de l'eau dans le sable.
Tout au contraire, un plan de relance fondé sur l'investissement permet aux entreprises de remplir leur carnet de commandes, tout en ne créant pas de dépenses récurrentes. L'argent public est trop souvent utilisé pour du fonctionnement, et je ne peux donc que me réjouir que, pour une fois, l'État ait choisi de privilégier l'investissement.
Nous devrions tenir le même raisonnement en ce qui concerne les aides aux entreprises. Aujourd'hui, l'État accorde des prêts aux banques pour que, par la suite, elles prêtent éventuellement ce même argent aux entreprises. Or, plus nous allons nous enfoncer dans la crise, plus il va falloir agir vite, et donc privilégier des relations directes entre l'État et les entreprises, notamment en ce qui concerne le poste le plus crucial, celui de la trésorerie.
Des mesures ont été prises en ce sens, mais ne vont pas assez loin, à mon sens. Le report général du paiement de la taxe professionnelle et de tout ou partie des charges fiscales et sociales, pour les PME, aurait un impact bien plus fort, financièrement mais aussi psychologiquement. Cela permettrait de pérenniser des emplois, car nous allons vivre une période ou la priorité va être de tout faire pour préserver les emplois, avant de penser à en créer de nouveaux.
De même, de telles mesures, si elles étaient prises, permettraient de renforcer la trésorerie des PME, et donc leurs chances de survie, tout en pérennisant les recettes futures de l'État.
J'approuve les assouplissements apportés aux règles concernant les marchés publics, notamment par la série de décrets du 20 décembre dernier. Je comprends la logique de ce formalisme destiné à éviter les fraudes, les ententes illicites et les malversations. Mais force est de reconnaître que ce formalisme excessif est anti-économique. En tant que chef d'entreprise, il y a bien longtemps que je ne soumissionne plus aux appels d'offres. Trop compliqués, trop coûteux, trop longs, pour obtenir des marchés très souvent modestes. En période de crise, c'est clairement un obstacle majeur à une bonne application du plan de relance, car nombre d'entreprises, si les règles ne sont pas allégées, auront largement le temps de faire faillite avant que des marchés ne leur soient attribués.
Je souhaite la pérennisation de certains assouplissements, car l'actuel code des marchés publics ne vise qu'à empêcher toute dérive de la part des élus, sans se préoccuper le moins du monde d'efficacité économique. J'aimerais, monsieur le ministre, connaître votre position à ce sujet.
Adopter des dispositions, c'est bien. Les faire appliquer, c'est encore mieux. La réussite du plan de relance est désormais entre vos mains. J'aimerais attirer votre attention sur plusieurs éléments qui m'apparaissent essentiels.
Cet été, nous avons voté une réduction des délais de paiement. En période d'activité normale, le respect des délais de paiement posait déjà problème. En période de crise, ce problème devient encore plus aigu. Il est donc primordial que la réduction des délais de paiement soit réellement et fermement appliquée. À quoi cela sert-il que l'État aide massivement les PME, si tous ne jouent pas le jeu ? Il ne faudrait pas que, sous couvert de la crise, certains en profitent pour ne pas appliquer la réduction des délais de paiement votée par le Parlement, ou multiplient les demandes de dérogation. J'attends du Gouvernement une vigilance particulière à ce sujet.
Plusieurs mesures ont été votées dans la loi de finances initiale. Je pense en particulier au prêt à taux zéro écologique et à l'extension du Pass foncier au logement locatif. Ces mesures sont très attendues par les professionnels, car elles répondent parfaitement à leurs attentes. Encore faut-il que les décrets d'application sortent rapidement. Monsieur le ministre, je vous fais confiance pour accélérer les procédures et faire comprendre aux services des différents ministères concernés combien il est urgent de rendre ces mesures applicables le plus rapidement possible.
Je pense que la crise qui se profile peut aussi être un moment propice pour accélérer les réformes dont notre pays a tant besoin. Toutes les études ont été menées, nous savons parfaitement ce qu'il faudrait faire, mais de nombreux obstacles et des résistances corporatistes bloquent certaines de ces réformes. L'État est en mesure d'obliger des secteurs comme l'automobile ou la banque à bouger et à se réformer. Qu'on en profite également pour moderniser notre économie, en libérant les énergies, en privilégiant des mesures pragmatiques comme celle du statut de l'auto-entrepreneur. Nous avons tout à y gagner et cela nous permettrait de sortir renforcés de cette crise.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, quelques mots, d'abord, sur la crise financière. Car si nous sommes là, c'est quand même bien parce qu'un certain nombre de personnes portent des responsabilités qui ont certes été dénoncées, mais pas sanctionnées.
Je rappelle que les banquiers ont, après tout, joué avec notre argent. Ils ont fait des bêtises. C'est ce que ressentent nos concitoyens. Ils ont même participé à la folie financière des Américains. Ils ont aussi largement participé à la bulle immobilière française, qui est en train d'éclater. Cela se savait depuis un certain temps. Si cela ne se savait pas dans les banques, cela se savait ailleurs. Et c'est nous qui, maintenant, allons devoir payer.
Le Président de la République a bien dit que les responsables allaient payer. Mais j'attends de voir. Je lis la presse tous les jours, et je constate que tous les banquiers sont à la même place.
Attendez ! Nous avons quand même quelques preuves.
À la Société générale, qui paie ? Kerviel, pas Bouton. C'est-à-dire le lampiste, pas le patron. On sait pourtant que dans ces banques, auparavant, si les traders – mot que l'on traduit en français par joueurs – avaient tant de liberté, c'était bien parce que les patrons la leur donnaient,…
…car elle permettait, à l'époque, d'assurer de bonnes marges, d'ailleurs fictives, comme on l'a vu depuis.
À la Caisse d'épargne, on nous dit que le président a été sanctionné. Mais, monsieur le ministre, beaucoup de salariés, qui ne sont pour rien dans la crise, qui appartiennent à des entreprises sous-traitantes du secteur automobile, accepteraient très facilement la même sanction que le patron de la Caisse d'épargne : se retrouver, avec le même salaire, dans une autre filiale de la société qui les embauchait déjà ! Je crois qu'il faut le dire, parce que c'est un peu trop facile de prétendre que les responsables ont été sanctionnés. Dites-le aux Français sur les marchés, et vous verrez comment ils comprendront ces sanctions.
La réalité, c'est que les Français vont payer plusieurs fois. Ils ont déjà commencé à payer, et d'abord par l'augmentation des taux. Car, en fait, la baisse des taux de la BCE est aujourd'hui consommée par l'augmentation des marges bancaires. Il y a deux ans, pour les prêts aux collectivités territoriales, les banques pratiquaient des marges de 0,1 à 0,2 %. L'année dernière, elles sont passées de 0,2 à 0,3 %. En décembre dernier, il y a moins d'un mois, monsieur le ministre, pour des prêts de plus de 1,5 million d'euros, dans ma région – mais cela doit être vrai ailleurs –, les marges allaient de 0,8 à 2 %. Et quels sont ceux qui pratiquaient les plus élevées ? Je vous le donne en mille : ce sont Dexia Crédit Local et la Caisse d'épargne : 1,9 % pour l'un, 2 % pour l'autre.
J'entendais cet après-midi notre collègue Serge Poignant affirmer qu'il fallait soutenir ces établissements. Je veux bien, mais les soutenir à ce prix-là, cela commence à poser problème, pour nos concitoyens comme pour l'économie. On dira que c'est normal : il faut bien aujourd'hui qu'ils reconstituent leurs marges, puisqu'ils n'en ont plus.
Nos concitoyens, disais-je, ont payé de plusieurs façons. D'abord par la crise. Je ne vais pas faire de dessin, chacun sait bien les conséquences qu'elle a pour les familles françaises.
Ensuite, par les impôts. Pas tout de suite, certes, mais si l'on creuse les déficits, il faudra bien les payer un jour, tout le monde le sait.
Par la moindre rémunération de l'épargne, pour ceux qui en ont encore.
Enfin, comme je viens de le dire, par la majoration des marges bancaires.
Beau travail ! Et pendant ce temps, on attend, j'y insiste, les premières sanctions qui devraient frapper les responsables dans les banques. On apprend d'ailleurs par un journal satirique paraissant le mercredi que le Président de la République aurait dit qu'il ne pouvait rien parce que les banquiers n'avaient pas voulu. Il est clair que si l'on veut me sanctionner et que l'on attend ma réponse pour savoir si j'accepte de l'être, je dirai que je ne suis pas d'accord. Si je m'en sors de cette façon, ce sera une bonne leçon.
Alors, pour que nos concitoyens retrouvent confiance, eux qui savent ou qui comprennent au moins confusément qu'ils n'ont pas une grande responsabilité dans la crise, il faudrait que les vrais responsables soient véritablement sanctionnés. Ceux qui le sont aujourd'hui, ce sont en réalité les victimes des charrettes de licenciements économiques que nous avons déjà connues et continuerons à connaître dans les mois qui viennent. Ils ne sont pour rien dans ce qui s'est passé, mais ils paieront un lourd tribut pour les erreurs des autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le ministre, je limiterai mon intervention à la rénovation urbaine, sujet particulièrement important.
Malgré la bonne volonté que vous manifestez dans ce plan de relance pour favoriser la construction de logements et d'équipements dans le cadre du plan national de renouvellement urbain, vous ne pourrez pas mettre en oeuvre vos projets, car les crédits inscrits dans le projet de loi de finances rectificative ne sont pas suffisants.
Le calcul est simple. L'ANRU, c'est 42 milliards d'euros de travaux contractualisés avec les collectivités locales pour les années à venir. Une grande partie de ces dossiers sont actuellement en panne, car les procédures sont plus longues que prévu. Lorsque les appels d'offres sont fructueux, on s'aperçoit que le coût des travaux à réaliser est en réalité plus proche de 47 milliards. Sur cette somme, l'ANRU ne finance que 12 milliards, comme c'était prévu dans le plan de renouvellement urbain.
Pour financer le surcoût, tout le monde le sait, l'ANRU a besoin, afin de respecter ses engagements et de faire aboutir les projets, d'ajouter 1,3 milliard d'euros à sa contribution. Dans le plan de relance, vous proposez 350 millions. Le calcul est simple : il manque toujours un milliard uniquement pour permettre la réalisation des projets déjà contractualisés. Il n'est donc pas question d'en financer d'autres.
Si vous ne financez pas le milliard manquant, nombre de collectivités n'engageront pas ces travaux dont tout le monde a besoin – les entreprises et surtout les habitants des quartiers concernés.
Comment peut-on imaginer que, dans la situation économique où se trouve notre pays, alors que des travaux doivent être réalisés pour 42 milliards, nous ne trouvions pas les moyens, dans un plan de relance de 26 milliards, d'en affecter un seul à cette priorité ? C'est incompréhensible.
Le plan de relance que vous annoncez a été pris en compte par l'ANRU. Aujourd'hui, l'agence est tout juste capable, avec ces fameux 350 millions, de boucler quelques dossiers, et elle a déjà annoncé à un certain nombre de collectivités qu'elle ne pourra pas abonder leurs budgets pour leur permettre de finaliser leurs projets. C'est très concret. D'un côté, il y a les annonces du Président de la République et du Gouvernement sur les sommes abondées et, de l'autre, les réponses faites par l'ANRU au maire d'une ville, pour l'informer qu'elle n'est pas en mesure de compléter le financement de ses projets, faute des ressources nécessaires.
La volonté de terminer le plan de renouvellement urbain, indispensable pour nos quartiers, est louable. Mais le compte n'y est pas. On nous parle de 200 millions d'euros supplémentaires. Mais les besoins de financement de l'ANRU pour l'année qui commence sont de 950 millions : 770 millions seront pris sur le 1 % et l'État, dans la loi de finances pour 2009, n'a inscrit que 14 millions. Avec les 200 millions d'euros que vous ajoutez aujourd'hui, on parvient donc à peine, au total, aux 950 millions dont l'ANRU a besoin en 2009 pour respecter ses engagements. Encore ne sera-ce pas suffisant pour que l'ensemble des projets contractualisés soient menés à bien.
Il est donc nécessaire – Gilles Carrez le disait tout à l'heure – de revoir très rapidement les chiffres annoncés. Sinon, la volonté, qui est bonne, de mener à terme le plan de renouvellement urbain restera sans effet : les habitants de nos quartiers ne verront pas les grues entrer en action, et les travaux dont ils ont besoin pour relancer l'économie et le bâtiment ne se réaliseront pas.
Monsieur le ministre, revoyez les comptes. Il est urgent que l'Assemblée se saisisse du dossier de l'ANRU, car nous savons que les années 2010 et 2011 nécessiteront que l'État donne plus d'un milliard d'euros pour que l'agence puisse respecter ses engagements. Cette année, 214 millions d'euros seulement seront investis. Comment parviendra-t-on, en 2010 et 2011, à financer les projets ?
Il est urgent qu'une commission soit mise en place pour que les projets initiaux soient finalisés et que nous puissions mettre en oeuvre cet ANRU II, dont ont besoin nos quartiers et nos entreprises. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, malgré l'heure tardive, j'aborderai un sujet un peu complexe. Je centrerai en effet mes propos sur l'article 3 du projet de loi pour l'accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés, qui nous renvoie sur ce point à la loi sur le contrat de partenariat adoptée le 28 juillet 2008.
Cet article vise essentiellement les mécanismes de cession de créances, dispositifs financiers censés réduire le coût du recours aux contrats de partenariat public-privé dont nous avons dénoncé les risques pour les collectivités publiques qui y ont fait appel. Nous le savons, c'est un mécanisme complexe que celui de la cession de créances qui s'établit dans le cadre d'un contrat de partenariat public-privé. Il recèle de nombreux risques inhérents à sa complexité, et on ne peut que s'inquiéter et s'interroger sur cette course en avant du Gouvernement, avant même toute évaluation de la loi déjà votée, évaluation dont on nous dit qu'elle devrait être la reine de toutes les vertus avant l'adoption de tout nouveau texte. L'article 7 du projet de loi organique pris en application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution énonce en effet, dans son alinéa 2, la nécessité d'une « évaluation préalable qui comprend une appréciation de la législation existante ».
On l'aura compris : l'urgence justifie tout aujourd'hui et demain. Mais quand même !
De quoi s'agit-il ? L'article 3 du projet de loi vise à accroître la part de la créance pouvant être cédée : 100 % au lieu de 80 % de la rémunération due au titre des coûts d'investissement et de financement. Néanmoins, seuls 80 % peuvent faire l'objet d'une acceptation par la personne publique.
La possibilité de céder 100 % avait, il est vrai, déjà été relayée par le rapporteur de la commission des lois, par la voie d'un amendement, qui fut repoussé, au projet de loi sur le contrat de partenariat adopté le 28 juillet 2008. Nous n'avons pas tardé à y revenir !
Nous assistons, j'y insiste, à une course en avant du Gouvernement. Cet article propose de modifier une disposition adoptée une première fois dans l'ordonnance du 17 juin 2004 et revue complètement dans la loi du 28 juillet 2008. Il est donc prévu de revoir la part de la créance pouvant être cédée par le titulaire du contrat de partenariat, alors même que l'article 6 du présent projet de loi prévoit de revoir par ordonnance l'ensemble des dispositions relatives à la commande publique.
Aucune évaluation, voire aucune utilisation du dispositif de cession de créances adopté dans la loi du 28 juillet 2008, n'est évidemment disponible.
Le caractère déjà large de l'assiette des créances cessibles doit permettre à la plupart des contrats de partenariat d'être réalisés en procédant à une cession de créances sans se heurter au plafond fixé par le législateur.
Il s'agit donc bien d'une course en avant du Gouvernement. Cette précipitation n'est pas compatible avec la complexité du mécanisme. La cession de créances, par la garantie qu'elle donne à l'établissement financier, permet de réduire les taux d'intérêt et facilite l'abaissement du coût global du contrat, nous dit-on, et ce serait la raison de cet empressement.
L'article L. 313-29 du code monétaire et financier prévoit, lui, le régime de l'acceptation. C'est un engagement spécial du débiteur – la personne publique – à payer directement le cessionnaire et surtout à ne pas lui opposer les exceptions fondées sur ses rapports personnels avec le cédant, l'entreprise titulaire du contrat de partenariat.
C'est l'acceptation qui constitue la protection du cessionnaire.
Un second contrat entre le débiteur et le cessionnaire, distinct du contrat principal entre le débiteur et le cédant, est créé, et les compensations et exceptions d'inexécution de ce dernier ne peuvent être opposées.
Mais la personne publique prend des risques en procédant à l'acceptation. Elle ne pourra pas, par exemple, précompter les pénalités sur les versements qu'elle effectue ni opposer au cessionnaire l'annulation, la résolution ou la résiliation du contrat.
Un déséquilibre du partage du risque au détriment de la personne publique se créée. Il est pourtant nécessaire de responsabiliser les entreprises titulaires d'un contrat de partenariat. En effet, à compter de la constatation de la réalisation de l'investissement, et à moins que le cessionnaire, en acquérant ou en recevant la créance, n'ait agi sciemment au détriment du débiteur public, aucune compensation, ni aucune exception fondée sur les rapports personnels du débiteur avec le titulaire du contrat de partenariat, telle que l'annulation, la résolution ou la résiliation du contrat, ne peut être opposée au cessionnaire,
Qu'en est-il ? Lorsque 80 % des coûts cédés seront acceptés, la personne publique devra, quoi qu'il en soit, verser à l'établissement financier 80 % de la rémunération due pour les coûts d'investissement et de financement, même si le contrat avec l'entreprise est résilié.
Par conséquent, comme l'ont reconnu les rapporteurs et le Gouvernement lors des débats de juin et juillet 2008, il est important qu'une fraction suffisante de la rémunération versée par la personne publique ne puisse être cédée afin de s'assurer que la personne publique puisse toujours opérer la compensation de la rémunération versée au partenaire et des éventuelles pénalités ou retenues sur le prix.
En conclusion, madame la présidente, ces contrats sont présentés comme la solution miracle en temps de restrictions budgétaires. Néanmoins, leur coût n'est pas négligeable. L'entreprise privée titulaire du contrat, placée dans une logique de rentabilité financière, facture le service rendu à l'opérateur public. Qui profitera de ces contrats ? Les grands groupes ! Et il est presque impossible d'évaluer objectivement le coût d'un contrat de partenariat dont le paiement du « loyer » par la personne publique est étalé sur vingt ou trente ans.
Les retours d'expériences étrangères devraient nous alerter à défaut d'évaluation préalable. Nous le savons, ces contrats conduisent à une logique potentiellement dangereuse : des entreprises refinancées par la cession de leurs créances répondront à un autre appel d'offres avec cession de créances, et ainsi de suite.
Madame la présidente, je vous remercie d'avoir bien voulu me donner la parole alors que je n'étais pas inscrit. Cela prouve que l'on peut parler à toute heure à l'Assemblée.
Lorsque je vois tous les experts se pencher sur la crise comme s'ils l'avaient prévue depuis très longtemps, cela me rappelle les vulcanologues qui expliquaient, il y a vingt ou trente ans, au lendemain de tremblements de terre ou de grands séismes, pourquoi c'était inévitable. Cela me rappelle également tous ces généraux à la retraite qui commentaient en direct les avancées américaines sur le sol irakien. Nous sommes tous très forts pour dire ce qui va se passer une fois que c'est arrivé.
Très modestement, dans l'ouvrage que j'ai publié l'an dernier et dont je vais devoir écrire un deuxième épisode, j'avais expliqué que, depuis la chute du mur de Berlin – je crois que tout a commencé à ce moment-là –, notre société s'est petit à petit transformée. On a réussi à y croiser le capitalisme américain, féroce et nécrophage, avec la technocratie soviétique. Voilà ce que nous avons réussi à faire.
Le capitalisme a pris un mauvais coup, sans être pour autant fatal. Nous pouvons nous interroger sur le fait que, tout en étant les pays les plus riches de la planète, nous sommes pourtant les plus endettés. C'est la preuve que, depuis une trentaine d'années, nous avons laissé les choses aller à la dérive. L'argent a été disséminé un peu partout sauf là où il aurait dû être injecté. C'est la faute de tout le monde et de personne. Inutile de vouloir donner des leçons !
Dans ces conditions, monsieur le ministre, je ne vois pas de raisons particulières de critiquer votre plan de relance. Vous faites de votre mieux et vous n'avez oublié aucun secteur, si ce n'est la consommation. L'argent affecté à la consommation des familles n'aurait pas été de trop car il aurait été immédiatement réinjecté dans l'économie et aurait rendu service à des salariés disposant de revenus très bas.
Vous aurez du mal à atteindre les campagnes car, dans ces territoires très vastes, les dossiers concernant les infrastructures sont restés lettre morte. À la technocratie soviétique féroce, qui n'est pas touchée et qui sévit toujours au sommet de l'État comme à Bruxelles, et dans le monde entier, est venue s'ajouter la mafia verte (Murmures sur les bancs du groupe SRC), laquelle fait excellent ménage avec la technocratie, je puis vous l'assurer ! Nous avons, il n'y a pas longtemps, vu l'un de ses parrains, le dénommé Nicolas Hulot, présenter une émission à succès. Je peux vous garantir que son réchauffement de la planète commence singulièrement à me refroidir !
Toutes les crises peuvent être utiles, comme le disait le Président de la République, à condition de prendre conscience des réalités. L'argent n'est plus aujourd'hui entre les mains de ceux qui devraient, au nom du peuple, pouvoir l'orienter. La force d'impulsion que devraient avoir les assemblées et les gouvernements issus du suffrage universel, n'est plus entre les mains de ceux qui ont été élus, mais de ceux qui se sont autoproclamés ! Malheureusement, les grands courants de pensée qui traversent aujourd'hui le monde, sans aucun contrôle d'expertise, font avaler n'importe quelle pilule à nos concitoyens, qui n'y comprennent plus rien.
Le programme qui nous est proposé prévoit ce qu'il peut dans tous les domaines, mais le mal est profond. S'il nous permettait de prendre conscience de la gravité du fléau qui s'est abattu sur nous, ce serait un moindre mal. Je vous invite donc à consacrer un peu de temps à méditer mes modestes propos. Peut-être vous rendrez-vous compte, alors, que les solutions peuvent exister ailleurs.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, plusieurs députés étant intervenus sur la principale insuffisance du plan de relance que vous nous soumettez, à savoir le manque de soutien du pouvoir d'achat, je ne reviendrai pas à ce point pourtant essentiel.
En ce qui concerne la relance de l'investissement, nous pouvons déplorer le manque de cohérence – voire la schizophrénie, comme je l'ai dit en commission – de l'action gouvernementale. En effet, après le vote quasi unanime du Grenelle 1, nous pouvions espérer que l'urgence économique et sociale ne vous ferait pas oublier l'urgence écologique. C'est en effet dans les dix prochaines années qu'il faut passer le pic de CO2 si nous voulons tenir les objectifs que nous venons de faire adopter par l'Union européenne. S'il est indispensable de répondre aux préoccupations immédiates de nos concitoyens en termes d'emploi et de pouvoir d'achat, c'est le rôle des politiques que nous sommes d'inscrire ces réponses dans la cohérence d'une vision à moyen et long terme, celle d'un développement durable. Car si les crises financières et économiques sont cycliques, la crise écologique est structurelle, et ses conséquences sociales toucheront d'abord les plus modestes qui, à peine sortis des crises précédentes, seront frappés de nouveau et ne sortiront en fait jamais de la crise.
C'est pourquoi votre plan de relance doit s'inscrire dans une préoccupation écologique, même si cela déplaît à Jean Lassalle. C'est ce que propose d'ailleurs Nicolas Stern, qui considère la crise actuelle comme une « opportunité » pour réorienter nos modèles de société.
Or, dans vos propositions, on ne trouve nulle trace de cette volonté de réorientation que nous avons ensemble exprimée en votant le Grenelle 1. Du reste, le Président de la République l'a reconnu implicitement quand il a reçu en décembre dernier les ONG et leur a demandé de faire des propositions pour « verdir » ces mesures, même si ce terme s'apparente au greenwashing des entreprises.
Faute de tenir compte de la crise écologique, le plan de relance pouvait au moins ne pas l'aggraver et ne pas alourdir ses conséquences sociales.
Il eût été bon, par exemple, de conditionner le doublement du prêt à taux zéro par le respect des normes que nous venons de voter dans le Grenelle 1, et de n'augmenter de 20 % les droits à construire que dans les zones desservies par les transports en commun. Sinon, on enferme d'ores et déjà des populations dans des difficultés futures liées aux variations du coût de l'énergie.
On peut se poser les mêmes questions sur le rachat par les organismes HLM de 30 000 logements de la promotion immobilière privée, sans aucune interrogation sur les raisons de leur mévente. Peut-être ne sont-ils pas assez performants en termes d'isolation ?
Il s'agit de programmes en VEFA et vous savez fort bien que ces programmes ne démarrent que si l'on en a vendu un certain nombre. Peut-être ces lotissements sont-ils mal situés par rapport aux transports en commun.
Il est indispensable que la relance dans l'habitat permette une anticipation des décisions que nous avons votées dans le Grenelle. La relance, c'est aller plus loin dans la réhabilitation des 800 000 logements HLM prévue par le Grenelle 1. Au lieu de faire celle-ci en deux temps, le premier en passant de 280 kilowattheures par mètre carré par an à 150, le deuxième, dans un horizon plus lointain et plus aléatoire, pour atteindre 50 kilowattheures, il faut profiter du plan de relance pour aller tout de suite à 50 kilowattheures, quitte à démolir là où faire du neuf est préférable : cela évitera d'installer des populations dans du logement social dont les dépenses énergétiques seront, dans vingt ans, trois fois plus élevées que celles du parc privé neuf construit à partir de 2012.
Le plan de relance vise à créer des emplois. La réhabilitation du parc privé, liée aux contraintes du changement climatique, est une source potentielle considérable d'emplois non délocalisables et pérennes. Pour les créer rapidement, il faut mettre en oeuvre une mesure du type emploi-jeunes pour former dès aujourd'hui dans les entreprises la main-d'oeuvre qualifiée dont nous avons besoin pour atteindre les objectifs que nous avons votés. Une mesure de ce type, nous l'avons vu sous le Gouvernement Jospin, a contribué à la relance de l'économie et au rétablissement de la confiance. Aujourd'hui, elle aurait, de plus, un impact écologique. Est-ce votre manque d'esprit d'innovation ou votre manque de volonté politique qui vous freine dans cette voie de relance ?
Une autre mesure de votre plan vise à relancer l'emploi dans le secteur de l'automobile, durement touché : c'est la prime à la casse. Cette mesure aura peut-être un – faible – impact climatique au niveau européen, mais elle s'avère inefficace en termes de relance de l'emploi en France dans le secteur de l'automobile, car elle favorise la vente de petites voitures assemblées en Europe de l'Est ou en Espagne. Au passage, la prime à la casse accordée pour l'achat de véhicules émettant moins de 160 grammes de CO2 par kilomètre est un recul par rapport au bonus-malus calibré sur 130 grammes par kilomètre. En fait, plutôt que de raisonner à partir des modes de déplacement datant du XXe siècle – où le véhicule est immobile pendant 95 % de sa durée de vie parce qu'il est au parking ou au garage –, n'est-il pas plus judicieux de réfléchir aux nouveaux comportements, comme la location d'un service de mobilité pendant un temps donné, et de définir déjà les produits répondant à cette demande du XXIe siècle ? De même, pour répondre aux besoins de mobilité, on peut dès maintenant favoriser la remise à niveau des lignes secondaires du réseau ferroviaire, dont la vétusté freine le développement des TER malgré une demande croissante.
Rappelons enfin que 10,5 milliards d'euros ont été mobilisés pour venir en aide aux banques sous-capitalisées, sans que l'État soit représenté au sein du conseil d'administration des établissements concernés. C'est une occasion manquée de participer à la réorientation des flux financiers vers les projets nécessaires à une économie « décarbonée », par exemple, comme le propose Nicolas Stern, en garantissant en priorité les prêts bancaires destinés à l'investissement dans les technologies propres et les énergies renouvelables.
En conclusion, pour remédier à la crise actuelle, il faut rétablir la confiance, ce qui suppose que soient remplies au moins deux conditions.
La première est que nos concitoyens soient convaincus que l'effort de mobilisation est équitablement partagé. Il est donc nécessaire, dans cette période de crise, de remettre en cause le bouclier fiscal et le paquet fiscal, injustes socialement et inefficaces économiquement.
Cela aurait pour effet de rendre disponibles entre 9 et 15 milliards d'euros par an pour une relance durable.
La deuxième condition pour inverser les anticipations pessimistes est d'inscrire la relance dans un projet susceptible de restaurer la confiance en l'avenir et de fédérer les énergies : la prise en compte de la dimension écologique conduisant à un nouveau modèle économique et social participe de l'élaboration de ce projet. Inscrire notre plan de relance dans les perspectives du « paquet climat énergie » qui vient d'être adopté sous la présidence française paraît dès lors indispensable si on veut répondre à l'urgence économique et sociale sans oublier l'urgence écologique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La discussion générale est close.
La parole est à M. le ministre en charge de la mise en oeuvre du plan de relance.
Je souhaite remercier l'ensemble des orateurs qui se sont exprimés dans la discussion générale. S'agissant des problèmes particuliers qu'ils ont soulevés, nous aurons l'occasion d'y revenir demain, dans le cadre de la discussion des articles et des amendements.
En effet ! Mais nous aurons tout de même un peu de temps pour dormir, ce qui nous fera le plus grand bien.
Je remercie M. Chartier et M. Piron du soutien qu'ils ont apporté au plan de relance, notamment pour ce qui concerne la trésorerie.
Mes remerciements vont également à Charles de Courson, qui a rappelé que nous avions revalorisé les petites retraites de plus de 6 %, ce qui représente 12 milliards d'euros.
J'informe M. Le Bouillonnec qu'en dépit de la colère qu'il a exprimée – une noble colère, et je ne lui en veux pas, car je sais qu'il a un grand coeur – il aura satisfaction avec la loi sur le logement de Mme Boutin que vous examinerez au mois de janvier.
De cette année ! Mais vous êtes bien sûr sceptiques.
S'agissant de l'ANRU, et je m'adresse à M. Pupponi, 350 millions d'euros sont inscrits dans le plan de relance au titre des autorisations d'engagement et 200 millions au titre des crédits de paiement. Les caisses de l'ANRU contiennent déjà 700 millions d'euros.
Pour l'année 2009, il n'y a donc pas de difficulté. Vous avez raison de souligner que tel ne sera pas le cas en 2011, j'en conviens. Mais avec le plan de relance, je pense d'abord à 2009, puis à 2010 ! À chaque jour suffit sa peine.
Une première mesure a déjà été prise : les avances sur travaux qui étaient de 15 % seront dorénavant de 30 %. C'est dans le cadre du plan de relance que le conseil d'administration de l'ANRU a pris cette décision.
Il s'avère du reste que le véritable obstacle est d'ordre plus administratif que financier à cause de dossiers très complexes à monter. Je le vois dans les petites communes, où les maires ont beaucoup de difficulté à faire face aux normes bureaucratiques imposées par l'ANRU. Nous suivons l'ANRU avec vigilance parce qu'elle doit engager un processus de simplification. La loi qui a pour objet l'accélération des procédures ne traite pas de l'ANRU, mais l'agence, dont la bonne volonté n'est pas à mettre en doute, a bien compris la nécessité de simplifier ses procédures de manière réglementaire. Le fond du problème tient d'abord, j'y insiste, à la complexité des procédures. Un certain nombre de dossiers sont arrêtés moins pour des questions d'argent que pour des raisons juridiques.
Je tiens à remercier M. Perruchot pour son engagement. Je note qu'il a bien compris l'intérêt qu'il y avait à faire passer le plan de relance par les collectivités territoriales. À cet égard, nous avons déjà de nombreuses réponses d'élus de tous bords attestant la volonté des collectivités territoriales de participer au plan de relance. Je ne suis pas inquiet : les préfets sont au travail, et nous aurons au moins dix projets par département, soit mille projets en tout. Nous respecterons naturellement le principe d'équité territoriale. De ce point de vue, il y aura, sur tous les bancs de l'Assemblée, du grain à moudre.
Je veux dire à Michel Bouvard, comme à Jean-Pierre Balligand, que nous sommes sensibles à la question de la gouvernance du Fonds stratégique d'investissement, dont nous reparlerons peut-être plus longuement demain. En tout état de cause, dès lors que nous nous serons dotés d'une gouvernance, la stratégie et les règles seront plus faciles à établir. Mais, quant au fond, je suis d'accord : c'est indispensable.
Étienne Pinte a rappelé les problèmes de logement, en particulier de logement indigne, et les efforts à consentir en la matière, ainsi que la nécessité d'intervenir en faveur de certaines entreprises situées à la marge et aujourd'hui susceptibles de revenir sur le marché si elles bénéficient d'un soutien. Le plan de relance devrait le permettre.
Monsieur Tardy, je vous remercie naturellement de votre intervention. Vous avez tout à fait raison d'insister sur les obstacles administratifs souvent considérables qui s'opposent à la mise en oeuvre de projets. Je le soulignais à l'instant pour l'ANRU, mais cela vaut bien plus généralement. Je l'ai dit au cours du débat : si le Président de la République a voulu dédier un ministère au plan de relance, c'est afin que celui-ci soit massif et produise ses effets rapidement, c'est-à-dire dès 2009. Il y va de notre réactivité face à la crise. Et cela suppose naturellement de faire oeuvre de simplification, de suivre l'application des mesures et d'en rendre compte. Nous y serons particulièrement attentifs.
Quant à la responsabilité des banques, sur laquelle a insisté M. Gaubert, lorsque l'État est intervenu en entrant au capital d'un établissement, il a exigé la démission de tous les dirigeants responsables des difficultés de ce dernier. Cette exigence était particulièrement claire s'agissant de Dexia. Peut-être peut-on par ailleurs, dans le secteur privé, juger sévèrement l'attitude des dirigeants qui n'ont pas personnellement assumé des fautes de gestion ou qui se sont montrés trop souples en la matière. Mais, lorsque la justice est saisie – comme dans le cas de la Société générale, que vous avez cité –, c'est à elle de déterminer les responsabilités et de dire si M. Kerviel – qui a droit à la présomption d'innocence – est le lampiste. Pour ma part, je me garderai bien de me prononcer sur ce point.
Plus généralement, on a plusieurs fois reproché aux banques de maintenir leurs marges…
…ou de les accroître pour tenter de les reconstituer. Mais on oublie trop souvent que le marché monétaire se caractérise à terme par des taux très élevés. Si le marché est bas au jour le jour, puisqu'il répercute la baisse des taux, le différentiel d'intérêts, déjà considérable à trois mois, ne fait que se creuser à six mois. Les banques, qui empruntent assez cher, voire très cher sur le marché monétaire, prêtent donc à leur tour à des taux élevés.
Vous parliez de la marge bancaire, soit.
Mais le travail du médiateur du crédit et, dans chaque département, des directeurs de succursale de la Banque de France et des TPG a permis d'obtenir des résultats très intéressants : 60 à 70 % des cas problématiques soumis à la médiation du crédit ont trouvé une solution. Il en reste 30 à 40 %, me direz-vous ; mais certaines difficultés n'étaient pas nécessairement liées à la crise.
Monsieur Lassalle, contrairement à ce que vous avez dit, les campagnes ne seront pas abandonnées par le plan de relance, loin s'en faut. En effet, en vertu du principe d'équité territoriale que j'ai évoqué, tous les préfets de département, saisis par nous, solliciteront les collectivités territoriales pour dresser une liste de projets. Le plan traitera donc naturellement de manière équitable les campagnes, dont rien ne justifierait qu'elles soient tenues à l'écart.
La montagne, c'est aussi la campagne ! (Sourires.) M. Lassalle est du reste un montagnard.
Voici une bonne nouvelle pour M. Tourtelier, qui a fait part de ses préoccupations en matière d'écologie : le conseil des ministres a adopté hier le projet de loi très dense issu du Grenelle 2. M. Tourtelier devrait y trouver la réponse à bon nombre de ses questions.
Quant à la prime à la casse, en un mot, elle fonctionne. Si j'admets avoir émis quelques réserves lorsqu'elle a été instaurée, je dois bien reconnaître son efficacité après m'être rendu chez Renault en compagnie de Luc Chatel, puisque dans soixante-cinq succursales – ce qui constitue une série statistique –l'augmentation des ventes a atteint 40 % entre novembre et décembre.
Vous avez raison, monsieur Tourtelier : des voitures Renault ont été montées dans des pays de l'Est qu'il est inutile de citer et que nous ne souhaitons pas stigmatiser. Mais on aurait tort de croire qu'une voiture montée en Roumanie, par exemple, est entièrement étrangère, puisque les pièces et les équipements qui la constituent ont pu être fabriqués en France. Ainsi, même en vendant une Renault fabriquée à l'étranger, on vend également du travail accompli en France. Ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain !
Enfin, monsieur Clément, le Gouvernement a fait le choix qui s'imposait en limitant délibérément la cession à 80 % du montant des créances, puisqu'un risque demeure. Nous avons considéré que l'entreprise, elle aussi, devait continuer à supporter un risque : 100 %, c'eût été trop facile.
Je crois, mesdames et messieurs les députés, que l'heure tardive m'autorisait ces brèves réponses. Nous aurons tout loisir de les compléter dès demain, à l'occasion de la discussion des articles.
Prochaine séance, aujourd'hui, à neuf heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2009 et du projet de loi relatif à l'accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés.
La séance est levée.
(La séance est levée, le jeudi 8 janvier 2009, à une heure cinquante.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma