Je continue la lecture du rapport du CES :
« En filigrane, son but est de maximiser ses gains. Du point de vue de la présentation comptable, dans ce schéma, la valeur ajoutée vient en premier et sert à payer les charges et autres frais. Dans cette logique, la distribution éventuelle de dividendes intervient en fin de processus. Le niveau et les modalités de la distribution des dividendes devraient être tels qu'ils permettent aux apporteurs de capitaux de rester dans l'entreprise et de contribuer à son développement en apportant de nouveaux fonds.
« Avec la financiarisation, ce schéma est bouleversé : la rémunération des pourvoyeurs de fonds propres vient en premier et s'impose à l'entreprise comme un objectif. La gestion privilégie peu à peu la création de valeur actionnariale immédiate plutôt que la pérennité de l'entreprise et la valorisation sur le long terme des actifs. Dès lors, les autres facteurs – tout particulièrement la masse salariale et l'investissement – de même que les fournisseurs et les sous-traitants, font désormais office de principales variables d'ajustement.
« Dans un tel contexte, le concept même de risque change de sens : à quoi bon investir dans la production, c'est-à-dire assumer un risque plus ou moins important, alors que des placements apparemment moins hasardeux et rémunérateurs existent ? Les techniques sophistiquées d'évaluation et de diversification du risque qui se développent actuellement ne modifient pas fondamentalement les données du problème : permettant un meilleur report du risque, ces techniques accentuent même son aspect systémique. L'introduction de nouvelles normes comptables internationales – le fameux IRFS – contribue également à faire pencher la balance au bénéfice de la vision de court terme. Élaborées pour répondre aux attentes des marchés financiers, ces normes ont été adoptées par un règlement européen dans le but d'harmoniser les présentations des comptes des sociétés cotées et de renforcer l'utilisation de la valeur de marché pour certains actifs. Elles présentent le grave inconvénient d'amplifier les mouvements des marchés alors que la comptabilisation aux coûts historiques constituait un facteur stabilisateur. Les pratiques des agences de notation vont aussi dans ce sens et amplifient du reste la préférence pour le court terme. Enfin, les médias jouent également un rôle non négligeable en véhiculant cette dérive vers la financiarisation. »
J'ai tenu à vous faire cette citation, certes fort longue, parce qu'elle est très claire et repose sur une analyse objective que personne ne peut contester sérieusement. Ce n'est pas le conseil confédéral de la CGT qui a rédigé ce rapport, c'est le Conseil économique et social, et il en tire vingt-trois propositions pour développer l'investissement productif tant public que privé, améliorer la cohérence du système productif, mieux utiliser la fiscalité, les subventions et les aides publiques pour une véritable politique industrielle.