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Intervention de Jean-Michel Clément

Réunion du 7 janvier 2009 à 21h30
Projet de loi de finances rectificative pour 2009 — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Michel Clément :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, malgré l'heure tardive, j'aborderai un sujet un peu complexe. Je centrerai en effet mes propos sur l'article 3 du projet de loi pour l'accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés, qui nous renvoie sur ce point à la loi sur le contrat de partenariat adoptée le 28 juillet 2008.

Cet article vise essentiellement les mécanismes de cession de créances, dispositifs financiers censés réduire le coût du recours aux contrats de partenariat public-privé dont nous avons dénoncé les risques pour les collectivités publiques qui y ont fait appel. Nous le savons, c'est un mécanisme complexe que celui de la cession de créances qui s'établit dans le cadre d'un contrat de partenariat public-privé. Il recèle de nombreux risques inhérents à sa complexité, et on ne peut que s'inquiéter et s'interroger sur cette course en avant du Gouvernement, avant même toute évaluation de la loi déjà votée, évaluation dont on nous dit qu'elle devrait être la reine de toutes les vertus avant l'adoption de tout nouveau texte. L'article 7 du projet de loi organique pris en application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution énonce en effet, dans son alinéa 2, la nécessité d'une « évaluation préalable qui comprend une appréciation de la législation existante ».

On l'aura compris : l'urgence justifie tout aujourd'hui et demain. Mais quand même !

De quoi s'agit-il ? L'article 3 du projet de loi vise à accroître la part de la créance pouvant être cédée : 100 % au lieu de 80 % de la rémunération due au titre des coûts d'investissement et de financement. Néanmoins, seuls 80 % peuvent faire l'objet d'une acceptation par la personne publique.

La possibilité de céder 100 % avait, il est vrai, déjà été relayée par le rapporteur de la commission des lois, par la voie d'un amendement, qui fut repoussé, au projet de loi sur le contrat de partenariat adopté le 28 juillet 2008. Nous n'avons pas tardé à y revenir !

Nous assistons, j'y insiste, à une course en avant du Gouvernement. Cet article propose de modifier une disposition adoptée une première fois dans l'ordonnance du 17 juin 2004 et revue complètement dans la loi du 28 juillet 2008. Il est donc prévu de revoir la part de la créance pouvant être cédée par le titulaire du contrat de partenariat, alors même que l'article 6 du présent projet de loi prévoit de revoir par ordonnance l'ensemble des dispositions relatives à la commande publique.

Aucune évaluation, voire aucune utilisation du dispositif de cession de créances adopté dans la loi du 28 juillet 2008, n'est évidemment disponible.

Le caractère déjà large de l'assiette des créances cessibles doit permettre à la plupart des contrats de partenariat d'être réalisés en procédant à une cession de créances sans se heurter au plafond fixé par le législateur.

Il s'agit donc bien d'une course en avant du Gouvernement. Cette précipitation n'est pas compatible avec la complexité du mécanisme. La cession de créances, par la garantie qu'elle donne à l'établissement financier, permet de réduire les taux d'intérêt et facilite l'abaissement du coût global du contrat, nous dit-on, et ce serait la raison de cet empressement.

L'article L. 313-29 du code monétaire et financier prévoit, lui, le régime de l'acceptation. C'est un engagement spécial du débiteur – la personne publique – à payer directement le cessionnaire et surtout à ne pas lui opposer les exceptions fondées sur ses rapports personnels avec le cédant, l'entreprise titulaire du contrat de partenariat.

C'est l'acceptation qui constitue la protection du cessionnaire.

Un second contrat entre le débiteur et le cessionnaire, distinct du contrat principal entre le débiteur et le cédant, est créé, et les compensations et exceptions d'inexécution de ce dernier ne peuvent être opposées.

Mais la personne publique prend des risques en procédant à l'acceptation. Elle ne pourra pas, par exemple, précompter les pénalités sur les versements qu'elle effectue ni opposer au cessionnaire l'annulation, la résolution ou la résiliation du contrat.

Un déséquilibre du partage du risque au détriment de la personne publique se créée. Il est pourtant nécessaire de responsabiliser les entreprises titulaires d'un contrat de partenariat. En effet, à compter de la constatation de la réalisation de l'investissement, et à moins que le cessionnaire, en acquérant ou en recevant la créance, n'ait agi sciemment au détriment du débiteur public, aucune compensation, ni aucune exception fondée sur les rapports personnels du débiteur avec le titulaire du contrat de partenariat, telle que l'annulation, la résolution ou la résiliation du contrat, ne peut être opposée au cessionnaire,

Qu'en est-il ? Lorsque 80 % des coûts cédés seront acceptés, la personne publique devra, quoi qu'il en soit, verser à l'établissement financier 80 % de la rémunération due pour les coûts d'investissement et de financement, même si le contrat avec l'entreprise est résilié.

Par conséquent, comme l'ont reconnu les rapporteurs et le Gouvernement lors des débats de juin et juillet 2008, il est important qu'une fraction suffisante de la rémunération versée par la personne publique ne puisse être cédée afin de s'assurer que la personne publique puisse toujours opérer la compensation de la rémunération versée au partenaire et des éventuelles pénalités ou retenues sur le prix.

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