Aujourd'hui, nous sommes face à la crise systémique d'un capitalisme mondialisé, dérégulé, financiarisé, productiviste, qui a pour objectif permanent de repousser toujours davantage les limites de l'exploitation des travailleurs et des ressources naturelles. Ce système périssable n'est absolument pas intéressé par des solutions favorables à l'économie réelle qui, pourtant, est la seule à produire des richesses concrètes. Ses tenants rêvent, une fois la crise surmontée, de recommencer comme avant, entraînant les peuples dans la catastrophe.
Bien évidemment, la crise financière ne peut être déconnectée des autres crises qui frappent notre planète dans le contexte de la mondialisation capitaliste. La crise avait commencé bien avant l'épisode des subprimes, comme l'a illustré l'affaire Enron aux États-Unis. Pour en rester à 2008, l'une des poussées en a été une crise alimentaire, dont vous n'avez pas parlé, avec des pénuries et la flambée des prix de produits de base, le riz, le maïs, le blé, qui ont entraîné des émeutes de la faim dans plusieurs pays. Cet aspect de la crise est maintenant passé au second plan et a été atténué par quelques bonnes récoltes, mais le problème de fond subsiste car le marché est à peine équilibré et la situation va être aggravée par les dérèglements climatiques et l'essor rapide des agro-carburants qui soustrait des terres à la production alimentaire.
En matière énergétique, la situation sur le marché pétrolier ne s'est améliorée temporairement que grâce à la baisse de la consommation, et une reprise économique aura pour conséquence un nouvel envol des prix. Je ne ferai qu'évoquer la crise climatique, due au réchauffement planétaire provoqué par la consommation intensive d'énergies fossiles fortement émettrices de gaz carbonique et autres gaz à effet de serre, tout en soulignant que son coût, évalué par M. Nicholas Stern, ancien économiste de la Banque mondiale, mandaté par le gouvernement britannique, sera au minimum de 5 500 milliards d'euros.
La mondialisation, dont la pensée unique ne nous a présenté, pendant des années, que les aspects supposés bénéfiques, par exemple l'afflux de produits à bas prix fabriqués dans des pays émergents, en acceptant sans discuter l'absence de toute règle sociale ou environnementale, se révèle être un énorme chaudron qui engloutit l'énergie et les matières premières avec tous les dégâts collatéraux que l'on constate sur les écosystèmes. Le développement rapide de la production et de la consommation des pays émergents a fait entrer le monde dans un processus de rareté des ressources naturelles, notamment de l'eau, et créé un choc inflationniste, le tout accentué par la spéculation.
Autre conséquence : la mondialisation soumet l'industrie des pays développés et les salariés concernés à une concurrence des industries des pays à bas salaires et à faibles protections, notamment sociales et environnementales, concurrence utilisée pour faire pression sur les salaires et revoir à la baisse les protections sociales.
Corrélativement, on constate un partage de la valeur ajoutée de plus en plus défavorable aux salariés, et cela au profit des actionnaires. C'est là que le bât blesse, vous le savez évidemment. Il n'y a pourtant rien d'inéluctable. Des mesures d'assainissement et de moralisation s'imposent, par exemple la mise hors d'état de nuire des paradis fiscaux et bancaires, en premier lieu au sein de l'Union européenne.
De même, la persistance et l'aggravation des déficits aux États-Unis, tant du budget fédéral que de la balance commerciale, créent une situation de déséquilibre permanent qui appelle une correction rapide.
La crise résulte pour une grande part de l'exigence impossible des détenteurs de capitaux d'obtenir, pour l'ensemble du capital investi, une rentabilité alignée sur les rendements à deux chiffres que les actifs financiers ont permis sur certains segments, comme celui des crédits hypothécaires à hauts risques, les subprimes, aux États-Unis.
Mais la loi économique de la valeur intervient périodiquement pour rappeler que le volume des richesses produites est borné par l'extraction de la plus-value, c'est-à-dire qu'il est impossible de distribuer plus de richesses qu'on en produit, madame la rapporteure. Les actifs financiers ne sont au fond que des droits de tirage sur la plus-value, et l'hypertrophie de l'économie financière détruit l'économie réelle. Et il n'est pas besoin, messieurs les ministres, d'être marxistes pour comprendre cela. Comme il n'est pas besoin d'être astrophysicien pour comprendre que la terre tourne autour du soleil.