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Séance en hémicycle du 23 mars 2010 à 15h00

Résumé de la séance

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Sommaire

La séance

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Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Mes chers collègues (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent), alors que nos travaux reprennent après trois semaines d'interruption, je me dois d'évoquer la violente tempête Xynthia, qui s'est abattue sur la France dans la nuit du 27 au 28 février.

Cette tempête a entraîné d'importants dommages matériels et la souffrance des populations de nombreuses régions. Elle a provoqué la mort de plusieurs dizaines de nos compatriotes. Je suis sûr de me faire l'interprète de la représentation nationale unanime en adressant aux familles des victimes les condoléances de notre assemblée.

Je tiens également à dire notre émotion et notre peine devant la mort du commandant de police tombé, dans l'accomplissement de son devoir, le 16 mars dernier à Dammarie-les-Lys.

Je vous invite à observer quelques instants de silence. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement observent quelques instants de silence.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Monsieur le Premier ministre, après la sévère défaite de votre majorité (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC), et avant que Jean-Marc Ayrault, notre président de groupe, ne vous interroge dans quelques minutes sur ses conséquences, je souhaite rappeler ici que vous avez toujours le projet de mettre en place un scrutin majoritaire uninominal à un seul tour, c'est-à-dire un scrutin injuste où celui qui arrive en tête au premier tour est élu sans la majorité des voix et ne peut donc avoir cette légitimité que donne une majorité d'électeurs, légitimité acquise par les présidents de région qui s'exprimeront après moi.

Depuis plusieurs mois, nous disons ici, avec d'autres, que ce mode d'élection porterait atteinte à l'égalité comme à la sincérité du suffrage des Français.

Regardons concrètement ce qui se serait passé si l'on avait appliqué votre projet aux élections régionales qui viennent de se tenir dans notre pays.

Dans neuf régions sur vingt-six, représentant plus de 19 millions d'électeurs inscrits, le choix majoritaire des électeurs au second tour n'aurait pas été respecté. Il s'agit d'un véritable déni de démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Dans huit régions, l'UMP, largement battue au second tour, aurait pourtant gagné en obtenant moins d'un tiers des voix au premier tour. Il s'agit là d'une aberration démocratique.

On voit donc bien que votre projet aurait entraîné un véritable scandale en donnant le pouvoir régional à des élus pourtant battus largement au second tour avec 20 % d'écart pour les uns ou encore plus de 400 000 voix en leur défaveur pour les autres.

En dehors des conséquences sur la réforme des collectivités territoriales que vous devez nécessairement tirer, allez-vous cesser aujourd'hui ces tripatouillages démocratiques ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienAlain Marleix, secrétaire d'état à l'intérieur et aux collectivités territoriales

Comme vous le savez, monsieur le député, l'un des axes majeurs de la réforme des collectivités territoriales vise à mettre en place un élu commun au conseil régional et au conseil général, qui siégera dans les deux assemblées, pour donner de la cohérence aux moyens affectés par l'une et l'autre.

Nous avons voulu mener cette réforme des collectivités dans la transparence (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), ce qui nous a conduits à déposer le même jour sur le bureau du Sénat le texte institutionnel et le projet de loi relatif à l'élection des conseillers territoriaux.

Vous êtes donc tout à fait éclairé sur le mode de scrutin qui est proposé pour l'élection des futurs conseillers territoriaux, dont le principe a déjà été voté par le Sénat il y a quelques semaines. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

C'est un scrutin majoritaire à un tour, ce qui permet l'ancrage territorial du futur conseiller territorial, ancrage qui, vous en conviendrez, fait actuellement défaut aux conseillers régionaux (« Non ! » sur les bancs du groupe SRC), avec une dose de proportionnelle permettant d'assurer la représentation des minorités et la parité.

Le texte relatif à l'élection des conseillers territoriaux sera examiné prochainement par le Sénat, probablement au mois de mai. Comme il l'a indiqué à plusieurs reprises, le Gouvernement, sera ouvert à toute amélioration du dispositif qu'il a proposé. C'est d'ailleurs tout le sens de la mise en place des différents groupes de travail qui, aujourd'hui, y réfléchissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-François Copé, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Monsieur le Premier ministre, au lendemain de la sévère défaite qu'a connue notre majorité à l'occasion des élections régionales,…

Plusieurs députés du groupe SRC. Bravo !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

…nous devons, comme cela doit se faire en pareille circonstance, tirer rapidement les leçons des messages qui nous ont été adressés par les Français. C'est un rendez-vous d'humilité, de vérité mais aussi de détermination.

Notre mission est à présent d'identifier ce que doit être dans les prochaines semaines le nouveau pacte majoritaire, au service des Français, répondant aux attentes qu'ils ont exprimées ainsi qu'à leurs légitimes inquiétudes dans le contexte de crise économique que nous connaissons.

Cela concerne les réformes vitales pour notre pays : réforme des retraites, baisse des déficits et de la dette. Ce sont aussi des rendez-vous liés à la question de l'emploi, parce qu'un taux de 10 % de chômage est une cote d'alerte, que connaissent d'ailleurs tous les grands pays européens, et contre laquelle il faut nous mobiliser.

C'est enfin un rendez-vous sur les valeurs de la République : la sécurité, la laïcité, mais aussi les inquiétudes pour l'avenir exprimées, notamment, par la France rurale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Notre conviction est que, d'ici à deux ans, les Français attendent de notre majorité un bilan des actions que nous aurons conduites : en clair, des résultats.

Du côté de la gauche également, un rendez-vous est attendu par les Français, et il sera d'ailleurs intéressant d'en faire la confrontation.

Plusieurs députés du groupe SRC. La question !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Pour nous, ce sera un rendez-vous de résultats ; pour la gauche, un rendez-vous de crédibilité. La gauche ne pourra désormais plus jouer à cache-cache avec les Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Il lui appartiendra de dire si elle est capable de gouverner, par exemple avec des Verts qui, hier soir encore – M. Hollande s'en souvient avec émotion –, nous ont expliqué qu'ils ne voulaient ni nucléaire ni nanotechnologies. Il faudra que la gauche ait dans ces domaines un rendez-vous de crédibilité. (Mêmes mouvements.)

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Mesdames et messieurs les députés, monsieur le président Copé, gouverner la France est difficile (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR), nous ne sommes pas les premiers à en faire l'expérience. Et c'est plus difficile encore lorsque notre pays est confronté à une crise économique et financière aussi brutale que celle que nous avons connue. (Mêmes mouvements.)

Nous avons subi une défaite électorale, et cela signifie clairement que nous n'avons pas su convaincre. Nous devons examiner cette situation avec beaucoup d'humilité…

Un député du groupe SRC. Oui !

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

…et ajuster ensemble ce qui doit l'être.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Mais je tiens à dire devant l'Assemblée nationale qu'avec le Président de la République nous ne transigerons pas sur la nécessité de moderniser notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) Nous sommes soixante-cinq millions de Français dans un monde de six milliards d'êtres humains ;…

Un député du groupe SRC. Jusque-là, ça va !

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

…notre devoir est d'adapter notre organisation économique et sociale pour protéger les Français, leur mode de vie et leur prospérité.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Dans ce contexte, l'action du Gouvernement s'orientera dans les prochaines semaines autour de trois priorités.

La première priorité est la croissance et l'emploi.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Nous devons ajuster nos dispositifs de lutte contre le chômage, d'autant que celui-ci s'inversera dans la deuxième partie de 2010, comme l'ensemble des prévisionnistes nous le disent. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Nous devons voter dans les meilleures conditions la loi de modernisation de l'agriculture, parce que c'est un des éléments de réponse importants à la crise très grave que rencontre l'agriculture française. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Nous devons mettre en oeuvre très rapidement les investissements d'avenir. Je serai intransigeant sur l'affectation des 35 milliards d'euros que vous avez votés aux priorités décidées par le Gouvernement et la majorité parlementaire.

Nous devons de même amplifier les mesures en faveur du renforcement de la compétitivité de notre économie…

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

…et, dans cet esprit, j'indique que les décisions que nous prendrons en matière de développement durable doivent être mieux coordonnées avec l'ensemble des pays européens, afin de ne pas creuser le déficit de compétitivité avec notre voisin allemand. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Notre deuxième priorité est la réduction des déficits. C'est une priorité absolue dans un contexte de crise financière en Europe. Cela signifie que nous poursuivrons la tenue des dépenses de l'État, la révision générale des politiques publiques, et que nous continuerons à ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux partant à la retraite (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP), parce que c'est une nécessité absolue pour lutter contre les déficits. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Nous soumettrons au Parlement la réforme de l'organisation territoriale et, enfin, nous engagerons ensemble une réflexion, que j'espère la plus consensuelle possible, pour faire en sorte que nos régimes de retraites soient financés d'une façon à la fois juste et efficace.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Enfin – troisième priorité –, nous voulons agir pour les deux piliers de notre pacte républicain que sont, d'une part, la sécurité, et, d'autre part, la laïcité et l'égalité entre les hommes et les femmes.

Pour la sécurité, il faut incontestablement inventer de nouvelles formes de lutte contre la délinquance et la violence qui s'adaptent, elles, en permanence à nos décisions. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe NC.)

Quant à la laïcité, il faut trancher la question, qui est un symbole, du voile intégral.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

Question centrale ! Aux élections régionales, il n'a été question que de la burqa !

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Telles sont, monsieur le président du groupe UMP, les priorités du Gouvernement. Je souhaite remercier la majorité de son soutien. Avec le Président de la République, nous mettrons notre point d'honneur à respecter nos engagements, parce que l'honneur d'un responsable politique, c'est le courage et le respect de la vérité. (Mmes et MM. les députés des groupes UMP et NC se lèvent et applaudissent. – Huées sur quelques bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

Monsieur le Premier ministre, je pourrais vous parler aujourd'hui de claque électorale (Rires sur plusieurs bancs des groupes GDR et SRC), des leçons à tirer de ce terrible désaveu de la politique que vous conduisez au profit de quelques privilégiés, mais je préfère évoquer des témoignages du quotidien recueillis au fil de multiples rencontres.

Nous avons tous entendu des mots de mal-être, des paroles de souffrance, des cris de colère. Nous avons tous rencontrés des paysans qui ne vivent plus de leur travail, au point d'en être écoeurés, des ouvriers dont l'usine ferme brutalement trois ans après son rachat par un fonds de pension, des chefs d'entreprise abandonnés par les banques et qui ne peuvent plus honorer leurs commandes, des mères de famille qui n'ont plus d'emploi après avoir été baladées dix ans durant de contrat aidé en contrat aidé, des jeunes comme des retraités exprimant un terrible sentiment d'abandon.

Et tant d'autres, comme ces victimes de l'amiante aux aciéries Aubert et Duval, aux Ancizes, dans le Puy-de-Dôme ; vingt-cinq ont déjà eu la mort en héritage, mais les salariés attendent toujours, la rage au coeur et les poumons rongés, d'être inscrits sur la liste des établissements ouvrant droit au dispositif de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante. Ils attendent toujours alors que le tribunal administratif puis la cour d'appel leur ont donné raison.

Le poète René Char disait : « Il ne faut pas s'arrêter à l'ornière des résultats. » Allez-vous enfin, monsieur le Premier ministre, au vu des résultats électoraux, mettre de l'humanité dans votre politique ? Allez-vous, par exemple, faire appliquer une simple décision de justice pour que des salariés puissent bénéficier d'un dispositif auquel ils ont droit ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Monsieur Chassaigne, je connais votre attachement à cette entreprise. Votre question concerne son inscription sur la liste des établissements ouvrant droit à la retraite anticipée pour les travailleurs de l'amiante.

C'est un sujet humainement très sensible ; on touche, concernant le risque d'exposition à l'amiante, à des situations individuelles douloureuses. C'est aussi un sujet complexe, sur lequel de nombreuses expertises ont été produites. Il s'agit d'évaluer le caractère significatif de l'exposition à l'amiante de certaines activités.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Comme vous l'avez rappelé, des décisions de justice ont été rendues. Ainsi, une décision du Conseil d'État du 30 décembre devrait conduire l'État à inscrire cette entreprise sur la liste en question.

Si c'était le cas, cette entreprise serait, je tiens à le dire, la seule aciérie de France à y être inscrite. Une telle décision serait lourde de conséquences pour l'organisation de l'entreprise puisqu'une bonne partie de ses employés seraient amenés à la quitter. La direction de l'entreprise et les syndicats, avec l'appui des services de l'État, réfléchissent donc à une solution alternative qui permette de satisfaire les salariés et de les protéger face aux risques pour leur santé, tout en évitant un dispositif général qui pourrait être préjudiciable au développement de cette entreprise dans votre département.

C'est un enjeu de santé de même qu'un enjeu social et industriel. Dans les jours qui viennent, nous aurons des solutions à vous présenter. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. François Sauvadet, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de François Sauvadet

Monsieur le Premier ministre, les élections régionales ont montré d'abord l'inquiétude et l'angoisse des Français face à une crise dont ils vivent dans leur vie quotidienne les conséquences. Ce sentiment s'est exprimé par un vote sanction incontestable pour la majorité présidentielle,…

Debut de section - PermalienPhoto de François Sauvadet

…mais aussi à travers une abstention très forte et par un vote extrême. Cette abstention et ce vote extrême constituent un message qui s'adresse à l'ensemble des partis politiques et à l'ensemble du Parlement.

Ce que les Français attendent, monsieur le Premier ministre, c'est une exigence plus forte en matière de justice et d'équité sociales. Il ne s'agit pas pour nous, au groupe Nouveau Centre, de remettre en cause la nécessité de la réforme. Les Français savent, au fond d'eux-mêmes, que celle-ci est nécessaire pour notre pays, nécessaire pour garantir l'avenir et la solidarité, et nous devons poursuivre l'effort de réforme. Mais nous considérons que les Français, par ce message, ont dit clairement qu'une réforme ne doit pas et ne peut pas faire l'économie de la justice et de l'équité sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de François Sauvadet

Nous avons devant nous plusieurs défis : l'accroissement des déficits publics, la très grande dépendance, les retraites, le pouvoir d'achat des plus fragiles, l'avenir du monde rural comme des quartiers sensibles. À cet égard, la gauche ne pourra pas continuer simplement à surfer sur les mécontentements.

Ce que nous attendons, nous, de cette réforme importante des retraites, qui n'a que trop attendu et à laquelle aucun gouvernement, y compris socialiste, ne s'est vraiment attelé, c'est que la garantie des retraites repose sur un effort juste et partagé. La prise en compte de la pénibilité du travail de chacun sera un des aspects essentiel de la réforme (Applaudissements sur les bancs du groupe NC), de même que, dans la perspective de l'uniformisation des régimes de retraite, la prise en compte des petites retraites et des pensions de réversion qui ne permettent plus à des petites gens de vivre leur quotidien.

Aussi, monsieur le Premier ministre, ma question est simple : quel va être le calendrier de cette réforme et dans quel esprit allez-vous aborder ce chantier à la lumière du récent scrutin ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Monsieur le président Sauvadet, nous allons ensemble définir le calendrier de la réforme. Il sera très précis, ce qui va amener à avoir une discussion, un dialogue et une concertation très approfondis. La concertation va se dérouler dans les jours qui viennent, jusqu'au début de l'été, puis nous préparerons un texte pour le présenter devant le Parlement à partir du mois de septembre. Cela nous laisse du temps pour discuter des retraites, un sujet fondamental et majeur pour l'avenir des Français, comme vous l'avez dit. C'est la protection de nos systèmes de retraite qui est en jeu. Nous sommes là pour protéger la retraite par répartition. Il faut que les Français puissent bénéficier d'un système de retraite qui les assure pendant toute leur vie. Comme celle-ci dure de plus en plus longtemps, on doit réfléchir ensemble, sereinement, tranquillement, mais avec beaucoup d'obstination, à l'évolution du système de retraite.

Vous l'avez dit à juste titre, monsieur Sauvadet : nous devons être guidés par un seul souci, celui de l'équité et de la justice sociales.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

C'est parce que la réforme sera équitable que les Français la comprendront. Je suis évidemment ouvert, comme le Premier ministre et le Président de la République, à la plus grande concertation possible. Je rencontrerai bien sûr l'ensemble des organisations syndicales et tous les parlementaires qui souhaiteront s'exprimer sur ce sujet. J'échangerai avec les commissions compétentes et avec celles et ceux qui souhaitent nous éclairer sur la manière de réformer les retraites. Cette réforme se fera dans le consensus, la concertation, le dialogue et l'écoute. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Monsieur le Premier ministre, votre majorité n'a plus le soutien que d'un Français sur trois. À un tel niveau de défiance, on n'est plus seulement dans le cadre d'un vote régional, mais devant une sanction nationale qui met en demeure le Président de la République de modifier tout le reste du cours de son quinquennat, sa politique, son style, sa méthode. Or, à ce désaveu massif, vous avez répondu par un mini-remaniement gouvernemental. Je viens de vous écouter : au-delà des mots, c'est le déni de la réalité !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Vous ne tirez aucune leçon de vos échecs ! Rien ne change dans vos priorités, si ce n'est l'abandon de la taxe carbone. À chaque revers, vous vous défaussez de vos responsabilités. C'est toujours la faute à la crise, à l'opposition, aux Français qui ne voudraient pas comprendre l'importance et le courage de vos réformes.

Non, monsieur le Premier ministre, l'impopularité n'est pas une politique ! Le courage n'est pas de gouverner contre les Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Le vrai courage, c'est de revoir de fond en comble la hiérarchie de vos priorités,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

…c'est de reconstituer une politique de l'emploi après celle que vous avez détruite, d'en finir avec le système de privilèges institué par votre politique fiscale, d'arrêter ce grand plan de suppressions massives d'emplois publics, en particulier dans l'éducation nationale et la police. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Le vrai courage, c'est aussi d'arrêter de passer partout en force, d'avoir la patience de négocier une réforme juste des retraites et d'abandonner les réformes partisanes qui divisent les Français, comme la réforme territoriale ou la suppression du juge d'instruction.

Monsieur le Premier ministre, vous ne pouvez plus faire comme si rien ne s'était passé. Votre légitimité est atteinte. La confiance est partie. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Pour exiger du pays qu'il change, il faut d'abord que vous-même changiez ! Faire le choix de la continuité, c'est faire le choix de l'enlisement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. François Fillon, Premier ministre. (« C'est scandaleux ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Le temps de parole attribué a été le même que précédemment, mes chers collègues. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur le Premier ministre, vous avez la parole.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Monsieur le président Ayrault, vous me demandez si le Gouvernement va tenir compte du résultat des élections régionales. Je vous réponds que oui, nous allons tenir compte du succès des listes de gauche aux élections régionales.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Votre parti présidera vingt-deux ou vingt-trois régions sur vingt-six. C'est une responsabilité considérable et je veux, dans un esprit républicain, saluer ceux et celles qui, demain, vont diriger les régions françaises. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.) Ils vont le faire dans un contexte de crise économique et sociale qui rend cette responsabilité d'autant plus importante. Il est essentiel, dans ce contexte, que nous coordonnions le mieux possible les politiques économiques locales et les politiques économiques nationales.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

J'espère que, dans un climat d'unité républicaine, nous pourrons y parvenir. Les régions ne sont pas des contre-pouvoirs. Ce sont des éléments constitutifs de la nation et de l'État. Je prendrai dans les prochaines semaines des initiatives pour voir, avec les présidents de région, comment nous pourrions mieux coordonner nos efforts face à la crise économique et sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mais le vote de dimanche n'a rien changé aux défis que doit relever la France : il n'a rien changé aux problèmes de compétitivité de l'économie française, notamment au regard de son grand voisin allemand, il n'a rien changé à la question de l'endettement, question si cruciale dans un contexte de crise financière en Europe (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR),…

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Vous parlez d'endettement, mais à qui la faute ?

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

…pas plus qu'à la nécessité de protéger notre modèle social face à l'allongement de la durée de la vie. Oui, nous allons amplifier nos efforts pour relever ces défis et pour protéger les Français. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Quant à vous, que proposez-vous ? Vous voulez que l'on arrête tout ce qui est mis en oeuvre ; et pour le remplacer par quelle politique ? Par l'immobilisme, qui conduirait évidemment à la destruction de notre système de retraite. (Mêmes mouvements.) Vous nous proposez de remplacer notre politique par un projet socialiste qui n'existe pas – en tout cas pas encore. Depuis 2007, la France a déjà beaucoup changé et, durant cette campagne, je n'ai pas entendu de Français me réclamer la suppression de l'autonomie des universités ou la suppression du revenu de solidarité active, ou encore me proposer le rétablissement des droits sur les petites et les moyennes successions ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur Ayrault, si votre question signifiait : allez-vous faire demi-tour ? ma réponse est « non ». (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Dominique Caillaud, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Caillaud

Merci monsieur le président, pour votre attention et celle de l'Assemblée aux sinistrés de Xynthia ; ils y sont sensibles.

Ma question s'adresse au ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer. Monsieur le ministre d'État, la nuit du 28 février 2010 marquera durablement, l'histoire de la Charente-Maritime et de la Vendée par l'ampleur et la brutalité de la catastrophe subie.

En Vendée, aux 31 morts dont 29 dans la seule commune de la Faute-sur-Mer, aux nombreux blessés et sinistrés, se sont ajoutés des dégâts matériels et économiques immenses sur tout le littoral.

Personne n'avait imaginé, dans un scénario catastrophe, autant d'éléments réunis simultanément – tempête de sud-ouest, dépression brutale, grande marée – déclenchant, en pleine nuit, cet incroyable déferlement de mer sur des habitants endormis.

Je veux ici remercier tous ceux – élus, population, sapeurs-pompiers, secouristes, bénévoles – qui ont donné l'exemple d'une solidarité immédiate et chaleureuse et d'une efficacité remarquable. Cette solidarité est devenue régionale et nationale, et nous en gardons à tous une profonde gratitude.

La présence du Président Nicolas Sarkozy à vos côtés, monsieur le ministre d'État, celle du Premier ministre François Fillon, celle des nombreux ministres concernés, et celle du commissaire européen Hahn ont témoigné de la compassion de l'État pour les familles des victimes, et de sa volonté d'apporter au plus vite les moyens matériels et financiers attendus en urgence.

Chacun a pu apporter les contributions possibles, soyez-en tous individuellement remerciés au nom des sinistrés.

Ma question, monsieur le ministre d'État, fait suite à la proposition du Président Sarkozy, lors de sa venue, d'accélérer les plans de prévention des risques et de réglementer deux catégories de zones inondables : celles à risque mortel avec construction ou reconstruction interdites ; celles à risque acceptable avec des aménagements spécifiques.

Aussi, monsieur le ministre d'État, pouvez-vous nous préciser quelles seront les procédures techniques et juridiques de définition de ces zones à risque mortel (« Et le respect du temps de parole ? » sur les bancs des groupes SRC et GDR),…

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Caillaud

…quels services auront la charge de cette définition (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR) et…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Merci, monsieur Caillaud.

La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Je vous prie de m'excuser, mes chers collègues. La nature de la question appelle une certaine solennité.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

Monsieur le président, mesdames et messieurs, étant donné la gravité de ce drame qui a fait 53 victimes, nous pourrions avoir un échange apaisé.

Monsieur Dominique Caillaud, je tiens d'abord à vous remercier d'avoir rappelé l'action des élus et des associations, et témoigné de la solidarité des services publics de toute nature, en un moment particulier qui a fait ressortir ce qu'il y a de meilleur dans notre pays.

Le Président de la République, qui s'est rendu deux fois sur les lieux, a été parfaitement clair le 15 mars : il n'est pas question de prendre le moindre risque en matière de construction ou de retour dans des habitations situées en zones de risques. C'est parfaitement clair !

Avec nos services respectifs, ceux de Benoist Apparu et ceux des deux conseils généraux – je remercie au passage le président Dominique Bussereau –, les deux préfets établissent une cartographie extrêmement précise des systèmes d'isolation nécessaires mais aussi des maisons qu'il faudra mettre hors d'état d'habitation.

Nous ne prendrons pas le risque d'un retour des populations ; nous engagerons les procédures d'arrêté de péril et les procédures de rachat, après débat avec les collectivités territoriales. L'État et le fonds Barnier seront mobilisés. En tout état de cause, nous assurerons la sécurité de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Roland Muzeau, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Monsieur le Premier ministre, le sarkosysme et la droite parlementaire sortent désavoués des élections régionales. La déroute est telle que, dans le département des Hauts-de-Seine, fief de la majorité présidentielle, la gauche est majoritaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Dans les urnes, nos concitoyens ont majoritairement sanctionné les choix de classe du Président de la République, inefficaces économiquement, injustes socialement, dangereux pour le vivre ensemble.

Les Français n'en peuvent plus de l'insolente prospérité de quelques privilégiés et de l'austérité toujours plus grande pour les plus modestes.

Un an et demi après le début de la crise financière, les Français la paient au prix fort et au quotidien. La finance est repartie de plus belle. Les salaires sont bloqués et le chômage explose. Les grandes entreprises du CAC 40 vont verser 35 milliards d'euros de dividendes aux actionnaires sur les 49 milliards d'euros de bénéfices engrangés l'an dernier.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Ils serviront la spéculation au détriment de l'investissement, des salaires et de l'emploi.

En 2009, quelque 8 000 traders se sont partagé 1,8 milliard d'euros de bonus, alors que 10 % de la population active est au chômage et que la saignée de l'emploi continue. Pour le seul secteur marchand, 120 000 emplois devraient encore être détruits cette année.

Pourtant, le Gouvernement n'a toujours rien décidé en matière d'indemnisation des demandeurs d'emploi et du million de chômeurs en fin de droits en 2010. L'État employeur en rajoute : il supprimera 33 000 postes de fonctionnaires cette année encore.

Le surendettement a bondi de 15 % en un an. Plus de cinq millions de retraités doivent se contenter d'une pension comprise entre 800 et 1 000 euros. La situation des femmes est pire encore.

Dans la rue, aujourd'hui, ces mêmes questions sont aux lèvres de centaines de milliers de manifestants. Entendez leurs aspirations à la justice et à la solidarité nationale ! Réveillez-vous !

Monsieur le Premier ministre, il y a urgence. Allez-vous convoquer une conférence nationale sur les salaires ? Allez-vous financer une allocation spécifique de crise en faveur des chômeurs en fin de droits ? Allez-vous enfin prendre des engagements concernant le maintien à soixante ans de l'âge légal du départ en retraite et le niveau minimum des pensions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Ah non ! C'est au Premier ministre de répondre ! Il y a des manifestants dans la rue !

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Monsieur Muzeau, le Premier ministre a rappelé à l'instant une conviction que nous partageons tous : l'emploi est la préoccupation majeure de tous nos compatriotes et celle de tous leurs représentants dans cette assemblée.

En cette période de crise, nous devons penser à ceux qui ont perdu leur emploi et particulièrement à ceux qui arrivent au bout de leurs droits à indemnités de chômage. Je pense plus particulièrement à ces familles de classe moyenne et modeste où deux sources de revenu entraient dans le foyer avant la crise, et où il n'y en a plus qu'une seule actuellement en raison d'une situation de fin de droits.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Avec Christine Lagarde, nous avons donc travaillé d'arrache-pied avec les partenaires sociaux, pendant tout le mois de mars, sur ce sujet. Nous avons tenu plus de seize réunions de travail et deux réunions bilatérales, sans même évoquer le sommet social sur l'emploi qui aura lieu autour du Président de la République au cours des semaines à venir.

Vous avez évoqué le nombre d'un million de chômeurs en fin de droits en 2010. Pour deux de ces personnes sur trois, il y a une réponse par le biais de la solidarité nationale. Aux 360 000 autres, nous devons apporter une réponse afin de les protéger en cette année qui restera difficile.

Nous avons commencé. Le rétablissement de l'allocation équivalent retraite, cette année, apporte une réponse aux demandeurs d'emploi seniors.

Nous avons poursuivre en appliquant un principe qui a été acté avec les partenaires sociaux, le cofinancement : un euro apporté par les partenaires sociaux, un euro par l'État. Nous travaillons ensemble, sans jeu de balle de ping-pong.

Hier, les partenaires sociaux ont demandé que nous puissions solliciter les régions pour la formation des demandeurs d'emploi, puisqu'elles ont des compétences dans ce domaine.

Enfin, le but n'est pas seulement d'apporter une réponse en termes de rémunération. On ne peut pas répondre uniquement sous forme d'assistanat. Il faut aussi aider les gens à retrouver un emploi et à se reconvertir, au moyen d'un outil principal : la formation.

Dans les prochains jours, vous pourrez juger du travail accompli avec les partenaires sociaux. Il ne s'agit pas là d'un choix de classe, mais d'une réponse républicaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Door

À la fin de l'année 2009, madame la ministre de la santé et des sports, notre pays a été touché, comme deux cents autres, par une épidémie de grippe sans précédent, la grippe A (H1N1). Je tiens une nouvelle fois, malgré les polémiques stériles et inutiles, à vous féliciter pour la gestion de cette crise sanitaire. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

L'heure est aujourd'hui au bilan. En effet, à l'occasion de cette épidémie, l'État français avait commandé 94 millions de doses de vaccin à quatre laboratoires pharmaceutiques, pour un montant de 700 millions d'euros. Bien que le virus circule toujours, la pandémie a été moins virulente que prévu, et seulement 5,5 millions de personnes ont été vaccinées.

Une mission de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques a étudié la situation d'autres pays ; ses membres se sont rendus à l'OMS il y a quelques jours pour analyser la crise et étudier la question des vaccins, ce qui donnera lieu à un rapport.

Il y a quelques semaines, madame la ministre, vous vous étiez engagée, avec l'établissement public responsable, à revoir les contrats passés avec les laboratoires pharmaceutiques. Ce matin, un quotidien français affirmait que l'État allait débourser 48 millions d'euros, au lieu des 358 millions initialement prévus pour la commande de 50 millions de vaccins, laquelle sera de fait annulée.

Le laboratoire Novartis a signé l'accord de résiliation avec l'EPRUS, l'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires ; quant aux deux autres laboratoires, les négociations avec l'État sont en cours.

Pouvez-vous, madame la ministre, infirmer ou confirmer l'annonce de ces résultats très satisfaisants, notamment au regard des conditions de résiliation dans les autres pays ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Et l'arnaque des laboratoires, vous n'en parlez pas ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Votre question, monsieur Door, anticipe sur la réponse que je m'apprête à faire, cet après-midi, à la commission d'enquête parlementaire du Sénat.

Les autorités sanitaires européennes ayant annoncé qu'une autorisation de mise sur le marché pouvait être accordée au vaccin administré en une seule dose, j'ai résilié, le 4 janvier dernier, la commande de 50 millions de doses auprès de trois laboratoires : 32 millions de doses auprès du laboratoire GSK ; 11 millions auprès du laboratoire Sanofi, qui a d'ailleurs résilié de lui-même, pour ainsi dire gratuitement, la commande de 9 millions de doses ; 7 millions de doses, enfin, auprès du laboratoire Novartis.

Nous avons pris cette décision en vertu du pouvoir unilatéral de résiliation de la puissance publique, mais ce pouvoir s'accompagne évidemment d'une indemnisation. Le 11 janvier, nous avons donc confié au directeur de l'EPRUS le mandat de négocier avec les laboratoires, ce qu'il a fait en suivant deux principes. Le premier est que les trois laboratoires soient traités de la même façon ; le second est qu'ils ne soient indemnisés que sur la base des dépenses effectivement engagées, et non sur celle d'un éventuel manque à gagner.

Comme vous l'avez indiqué, monsieur le député, c'est sur cette base précise, qui représente en l'occurrence 16 % du marché initial, que l'accord avec le laboratoire Novartis a été conclu. Nous allons mener la négociation à son terme avec les deux autres laboratoires. Vous comprendrez que je garde une certaine confidentialité sur le sujet ; si toutefois les négociations, que je souhaite transactionnelles, n'aboutissaient pas,…

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

…il y aurait une notification unilatérale sur la même base. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Victorin Lurel, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Victorin Lurel

Si vous n'avez pas entendu ou pas voulu comprendre le message des Français, monsieur le Premier ministre, nous l'avons de notre côté bien compris : ils demandent la suppression du bouclier fiscal et des déremboursements de médicaments (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC), ainsi qu'une réforme plus juste et plus équilibrée des retraites.

Vous avez engagé une formidable entreprise de recentralisation, dont la caractéristique principale consiste à affaiblir durablement les pouvoirs locaux et à anéantir l'opposition. Cette entreprise globale, faite au nom de la simplification, de la clarification et des économies, comporte plusieurs volets : la suppression de la taxe professionnelle, décision qui asphyxie financièrement les collectivités (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC – Protestations sur les bancs du groupe UMP) ; le projet de loi relatif au Grand Paris, qui dessaisit les élus franciliens du dossier ; le retour d'une culture préfectorale interventionniste et activiste ; le redécoupage électoral, qui vise à laminer la gauche ; cette fameuse réforme des collectivités territoriales, enfin, avec la création ex abrupto du conseiller territorial, lequel sera élu selon un mode de scrutin étrange et brutal qui, peu conforme à la tradition républicaine, porte atteinte à l'objectif constitutionnel de parité et se révèle outrageusement complaisant à l'égard du parti du chef de l'État.

En guise de simplification, cette réforme relève de la manipulation ; en guise de clarification, elle crée la confusion et renvoie aux calendes grecques la répartition des compétences entre les différents échelons ; en guise d'économies, elle porte en tout et pour tout sur une somme représentant un millième des dépenses de fonctionnement des budgets locaux, soit 70 millions d'euros.

Monsieur le Premier ministre, le couperet des urnes est tombé : c'est un désaveu cinglant de la politique conduite depuis 2007. Le vote de dimanche dernier est un plébiscite des Français contre la régression démocratique que vous avez engagée. Le Président de la République prétend qu'il n'est ni sourd, ni autiste, et vos amis osent penser…

Debut de section - PermalienPhoto de Victorin Lurel

…qu'il ne vit plus au pays des Bisounours. Comment comptez-vous renoncer… (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienBrice Hortefeux, ministre de l'intérieur

de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Monsieur Lurel, les territoires ultramarins se sont prononcés de manière équilibrée. Vous-même avez été réélu, et bien réélu en Guadeloupe (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC) ; l'un de vos collègues du groupe socialiste, M. Serge Letchimy, a été élu en Martinique. De même, des responsables de la majorité, ou qui s'en réclament, ont été élus : Rodolphe Alexandre en Guyane et votre collègue Didier Robert à La Réunion. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Le message est donc simple. S'agissant des territoires ultramarins, vous avez été attentif aux engagements pris dans le cadre des États généraux. Ces engagements, dont je rappelle brièvement l'objet, seront intégralement tenus : favoriser la concurrence pour faire baisser les prix ; rénover les relations entre la métropole et les territoires ultramarins ; faire le maximum en faveur du développement économique endogène. Lors des États généraux, nous nous sommes engagés ensemble sur 137 mesures ; toutes seront appliquées.

Les électeurs ont-ils, par leur vote de dimanche dernier, salué la clarté, la cohérence ou la simplicité de notre système territorial ? Vous êtes certainement le seul sur ces bancs, monsieur Lurel, à penser que tel est le message qu'ils nous ont adressé. (« Non ! » sur les bancs du groupe SRC.) Un effort de simplification et de lisibilité est bel est bien nécessaire ; il a déjà été engagé par un vote au Sénat, et votre assemblée sera bientôt appelée à en débattre. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Didier Quentin, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Quentin

Ma question s'adresse à M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé des affaires européennes.

Monsieur le secrétaire d'État, à la suite de la tempête Xynthia qui a fortement meurtri le littoral charentais et vendéen, nous avons été très sensibles à votre visite sur le terrain le jeudi 4 mars. Vous avez ainsi pu prendre toute la mesure du drame qui a très durement frappé les populations de Charente-Maritime et de Vendée.

Le commissaire européen à la politique régionale, M. Johannes Hahn, qui vous accompagnait, nous a assuré qu'il contribuerait à mobiliser dans les meilleures conditions les instruments financiers dont dispose l'Union européenne pour venir en aide aux sinistrés et faire jouer à plein la solidarité européenne. Il a notamment évoqué l'activation du Fonds de solidarité de l'Union européenne ou une réorientation du programme opérationnel FEDER.

Il conviendra aussi de veiller à ce que le plan d'urgence pour l'ostréiculture, d'un montant de 20 millions d'euros, soit bien eurocompatible et que les procédures soient conduites le plus rapidement possible compte tenu de la nouvelle crise sanitaire qui touche de plein fouet nos bassins de production conchylicole. Il y a vraiment urgence et beaucoup de gens dans la désespérance ne comprendraient pas que les aides soient retardées pour des raisons d'eurocompatibilité.

Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous apporter des précisions sur les aides que la Commission européenne entend mettre en oeuvre pour nous aider à reconstruire les infrastructures détruites, notamment les digues, et à relancer l'économie littorale et touristique des deux départements sinistrés ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé des affaires européennes.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Monsieur le député, avec le Président de la République, le Premier ministre et de nombreux collègues du Gouvernement, le secrétariat d'État aux affaires européennes a été mobilisé dès le premier instant après le passage de la terrible tempête qui a ravagé plusieurs régions de notre pays.

Dès le lendemain, le lundi, j'étais à Bruxelles pour déclencher en urgence le Fonds de solidarité. À mon invitation, le commissaire européen autrichien, Johannes Hahn, s'est rendu sur place à mes côtés pour rencontrer les élus et les populations sinistrées.

À travers vous, monsieur Quentin, je voudrais rendre hommage à l'ensemble des élus, de tous les bancs, qui se sont mobilisés, et qui le sont encore, pour gérer les conséquences de la catastrophe.

L'aide de l'Union européenne se décompose en trois volets.

D'abord, le Fonds de solidarité de l'Union européenne sert à dédommager l'État et les collectivités pour les investissements d'urgence, notamment ceux concernant l'hébergement et les besoins immédiats.

Ensuite, le commissaire européen a accepté – c'est une nouveauté – la réaffectation de crédits FEDER pour venir en aide à la population, notamment pour la reconstruction des digues : il s'agit de plusieurs millions d'euros. L'État va abonder ces sommes et j'invite les collectivités territoriales à faire de même.

Enfin, le Fonds agricole et le Fonds de la pêche européens – j'en prends à témoin mon collègue Bruno Le Maire – seront mobilisés pour venir en aide aux secteurs les plus touchés, notamment à la conchyliculture, qui est sinistrée.

Nos concitoyens considèrent souvent que l'Europe est trop distante et trop lourde : cette fois, elle s'est mobilisée rapidement et efficacement dans des circonstances dramatiques. Nous serons très attentifs, dans la suite, à la gestion de ces fonds avec l'Union européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Michel Vauzelle, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Merci au Front national !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vauzelle

Monsieur le Premier ministre, l'attente angoissée du peuple français, qui s'est exprimé dimanche, a enfin reçu la réponse espérée depuis si longtemps : l'entrée de M. Tron et de deux nouveaux ministres au Gouvernement ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Le peuple a compris que vous l'aviez compris, et la majorité vient de se lever, à l'instant, pour vous rendre hommage.

Vous renvoyez les présidents de région à leurs responsabilités régionales. Mais ce n'est pas votre genre car, chaque jour, vous et vos ministres, vous chargez un peu plus les régions et les collectivités locales des affaires de l'État, que vous démantelez et privatisez pan par pan. Les régions sont maintenant chargées d'une part de l'éducation dite autrefois « nationale », de la santé dite autrefois « publique », des grands investissements, dont 75 % – Dieu merci pour les Français ! – sont assurés par les collectivités territoriales. Aujourd'hui, vous vous proposez de supprimer les régions tout en vous adressant à leurs présidents.

Il y a même, en Provence-Alpes-Côte-d'Azur, un équipement unique au monde, ITER, qui devrait être financé par les États – la Chine, les États-Unis, la France –, qui porte les espoirs du monde entier, mais que le Premier ministre demande à la région de financer. (« Vous cédez aux Verts ! » et huées sur les bancs du groupe UMP.) Écoutez la colère d'une majorité qui découvre que l'État ne fait plus son travail : la Provence, Marseille et Nice ont répondu en votant pour la gauche ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Monsieur le président Vauzelle, là, vous y allez un peu fort ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Nous nous sommes battus ensemble pour faire venir le projet ITER en Provence-Alpes-Côte-d'Azur. Nous étions en compétition avec les Japonais et les Espagnols. Vous vous êtes engagé fortement à nous aider, et je vous en remercie. Mais là, parce que vous avez été élu – à l'occasion d'une élection triangulaire dont on pourrait parler (Huées sur les bancs du groupe UMP) – grâce à une coalition avec les écologistes, vous essayez de vous dégager de votre responsabilité. Je trouve cela honteux ! Cela augure assez mal du fonctionnement de certaines coalitions dans les régions. (Mmes et MM. les députés du groupe UMP se lèvent et applaudissent vivement.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Bernard Depierre, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Depierre

Ma question s'adresse à M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur.

Le sport, c'est l'école de la vie : on y apprend l'effort, la ténacité, le respect des autres, équipiers comme adversaires. Le sport, c'est aussi une fête. Comme des millions de nos compatriotes, j'aime le sport, qu'il soit amateur ou professionnel. J'aime les moments de partage qu'il nous offre.

Or, aujourd'hui, les actes de violence ont tendance à se répéter quasiment tous les week-ends à l'occasion de rencontres sportives, matchs de football en particulier : combats de rue en marge du match Rennes-Toulouse le week-end dernier ; quelques semaines plus tôt, du côté du Parc des Princes, bagarres entre supporters parisiens, au cours desquelles l'un d'entre eux a été mortellement blessé.

Nous ne pouvons tolérer qu'une poignée d'individus racistes, stupides et violents se permettent, au mépris du sport, au mépris des sportifs et des spectateurs, d'insulter les joueurs, de casser les installations collectives, ou se livrent à des violences physiques.

C'est pourquoi, avec mon collègue Richard Mallié et l'appui de plus de cent députés, nous avons déposé une proposition de loi visant à allonger la durée d'interdiction de stade de 6 à 24 mois, ou 36 mois en cas de récidive.

Le texte vise aussi à associer les fédérations et les supporters à ce combat en leur communiquant les noms des interdits de stade pour qu'aucun billet ne leur soit délivré.

Monsieur le ministre, la réponse donnée à ce problème à l'occasion de la nouvelle loi sur les bandes est peut-être encore trop timide. C'est pourquoi je souhaite connaître votre position sur notre proposition de loi et les solutions que vous envisagez afin de mettre un terme à ce déchaînements de violence.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienBrice Hortefeux, ministre de l'intérieur

Vous avez raison, monsieur le député : il faut donner un coup d'arrêt définitif à ces violences absurdes qui, concrètement, ont tout récemment abouti à ce qu'un hooligan tue un autre hooligan.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

Cela fait huit ans que vous êtes au pouvoir !

Debut de section - PermalienBrice Hortefeux, ministre de l'intérieur

Ce sont des violences auxquelles il faut mettre un terme.

Pour ce faire, nous avons déjà pris un certain nombre d'initiatives, avant même les événements que vous avez évoqués. Tout d'abord, nous avons créé, au sein de la direction de la sécurité publique, une division nationale de lutte contre le hooliganisme. De même, nous avons créé des sections d'intervention rapide capables de réagir pendant les matchs.

Je vous le dis, comme à M. Glavany, que ces sujets intéressent également : depuis le début de la saison, 556 interpellations ont été effectuées, soit une augmentation de plus de 20 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

C'est rien du tout ! Il y a 5 000 interpellations en Angleterre !

Debut de section - PermalienBrice Hortefeux, ministre de l'intérieur

Naturellement, des réunions se tiennent, dans le même temps, avec les ligues, avec la fédération et avec les clubs.

Ensuite, la loi du 2 mars dernier, vous avez raison, nous a donné de nouveaux instruments. Désormais, des interdictions administratives de stade, d'une durée pouvant aller jusqu'à 12 mois, sont effectivement prononcées, et l'éventuelle transgression de ces interdictions est passible d'une année de prison.

Aujourd'hui, ce sont 686 interdictions de stade qui ont été prononcées. Le mois dernier, ce nombre n'était que de 311.

Enfin, je vous le dis très clairement, je n'hésiterai pas à utiliser toutes les voies de droit permettant de mettre un terme à ce fléau.

Debut de section - PermalienBrice Hortefeux, ministre de l'intérieur

Qu'est-ce que cela veut dire ? Cela signifie que, s'il faut des tribunes vides, il y aura des tribunes vides. Tel a déjà été le cas, à l'initiative de la ligue. Ce sera également le cas ce soir, à mon initiative, pour éviter, à Auxerre, tout affrontement entre les hooligans du PSG.

Faut-il aller plus loin en interdisant certains déplacements de supporters ? Je ne l'exclus absolument pas, et il faudra peut-être légiférer sur ce sujet.

Nous sommes donc engagés, monsieur Depierre, dans une guerre, une guerre contre le hooliganisme, une guerre à toutes les bandes violentes qui empoisonnent la vie des honnêtes gens. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Alain Rousset, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

Refaites-nous la question de M. Vauzelle, monsieur Rousset !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Rousset

Tout à l'heure, monsieur le Premier ministre, vous avez dit entendre le message des Français. Je crois qu'ils ont affirmé leur adhésion et leur confiance à l'égard des régions et de la façon dont elles sont gérées.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Rousset

Cela dit, et malgré une grande fierté, nous sortons de ces élections avec un goût amer dans la bouche. La campagne de dénigrement engagée par le Gouvernement, notamment sur le plan fiscal, était indigne. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et quelques bancs du groupe GDR.) Elle l'était car, en même temps que vous évoquiez les problèmes de fiscalité des régions avec des propos aussi insensés que ceux que M. Bertrand a pu tenir, vous nous demandiez d'augmenter la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers pour financer les grandes infrastructures que l'État ne peut plus financer aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et quelques bancs du groupe GDR.)

Les régions portent la créativité et l'innovation, qu'elles financent aujourd'hui autant que l'Agence nationale de la recherche. Puisque je vous avais proposé, au nom des régions de France, d'engager un dialogue à l'occasion de cette crise, je vous demande, monsieur le Premier ministre, de ne pas nous considérer comme des services extérieurs de l'État ; je vous demande d'accepter que nous puissions au contraire coopérer, comme cela se fait dans tous les pays d'Europe sauf chez nous ; enfin, je vous demande de retirer un texte, celui de la réforme des collectivités territoriales, qui fait l'unanimité contre lui. (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Retirez-le, monsieur le Premier ministre, et engageons d'autres discussions.

Je souhaite que vous nous répondiez sur ces deux points. Dans l'intérêt de la France et de ses régions, nous serons de toute manière disponibles et ouverts à toute discussion.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienAlain Marleix, secrétaire d'état à l'intérieur et aux collectivités territoriales

Vous estimez en somme, monsieur le député, que la réforme des collectivités territoriales viserait à casser les régions ou à leur ôter une partie de leurs prérogatives. Ces propos sont assez surprenants, d'autant que votre collègue et ami politique Claudy Lebreton, président de l'Assemblée des départements de France, pense tout à fait le contraire. Il écrit effectivement partout que notre réforme vise à conforter les régions au détriment des départements. Il faudrait, chez vous, un peu de cohérence. Vous n'étayez d'ailleurs votre démonstration d'aucun élément objectif et précis.

Je crois important de bien resituer ce débat. Notre réforme, vous le savez bien car nous en avons souvent discuté tous les deux, pérennise le département et la région, ce qui est fondamental. Une clarification est cependant nécessaire car, depuis trente ans, les réformes successives ont ajouté des compétences nouvelles sans jamais simplifier. Il importe donc, notamment grâce à l'institution d'un élu comme le conseiller territorial, d'optimiser les moyens de ces deux collectivités et les politiques qu'elles mènent. Le contribuable, soyez-en sûr, y trouvera son compte. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Comme vous le savez, un cinquième texte visera à clarifier le partage des compétences entre régions et départements pour que ces collectivités puissent exercer non seulement des compétences d'attribution, mais aussi un pouvoir d'initiative et des compétences partagées dans des domaines comme la culture et le sport.

Votre contribution de député et de président de l'Association des régions de France à ce débat retient toute l'attention du Gouvernement…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Charles-Ange Ginesy, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles-Ange Ginesy

Ma question s'adresse à M. Marc-Philippe Daubresse, qui vient d'être nommé ministre de la jeunesse et des solidarités actives, et je tiens à lui apporter mon soutien plein et entier dans ses nouvelles fonctions.

Dans la crise que nous traversons, les jeunes risquent d'être les principales victimes. Je pense notamment à ceux qui viennent d'entrer sur le marché du travail. En tant que responsables politiques, nous ne pouvons pas admettre qu'une ou deux classes d'âge soient ainsi professionnellement et socialement sacrifiées. Nous nous devons d'agir pour cette génération.

De plus, aujourd'hui, sept millions de personnes vivent en France sous le seuil de pauvreté, dont deux millions d'enfants. Parmi les adultes en situation de pauvreté, on compte autant de personnes exclues de l'emploi que de femmes et d'hommes qui vivent dans la pauvreté bien que travaillant.

Monsieur le ministre, le visage de la pauvreté a changé. Vingt ans après la création du revenu minimum d'insertion, nos politiques de lutte contre la pauvreté doivent évoluer. Votre prédécesseur, M. Martin Hirsch, a déjà oeuvré dans ces domaines, avec l'ouverture du revenu de solidarité active aux jeunes actifs de moins de vingt-cinq ans, le lancement du chantier du service public de l'orientation, les nouveaux programmes expérimentaux en faveur de la jeunesse et, enfin, la création du service civique : autant de mesures qui figurent désormais dans la nouvelle équation sociale.

Quelles sont les orientations que vous souhaitez suivre et les marges de manoeuvre dont vous disposez ? Quels sont les axes sur lesquels vous souhaitez peser pour donner à notre jeunesse la dimension qu'elle mérite ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse, ministre de la jeunesse et des solidarités actives.

Debut de section - PermalienMarc-Philippe Daubresse, ministre de la jeunesse et des solidarités actives

Monsieur le député, en décidant de faire de la jeunesse et de la lutte contre la pauvreté un ministère de plein exercice, le Président de la République et le Premier ministre ont voulu à la fois saluer l'action menée par Martin Hirsch dans la conception de tous les programmes que vous venez de rappeler et montrer que la jeunesse et la lutte contre la pauvreté étaient au centre des priorités du Gouvernement dans cette période de sortie de crise.

Ma feuille de route est très simple.

S'agissant du revenu de solidarité active, c'est la feuille de route qui a été tracée par le Parlement, et singulièrement par cette assemblée. J'ai été rapporteur de la loi et j'ai entendu les députés sur tous les bancs, qui ont beaucoup amélioré le projet. J'entends donc appliquer cette loi avec un seul mot clé, le terrain : aller sur place, rencontrer les acteurs, simplifier les dispositifs, les rendre les plus efficients et les plus opérationnels possible.

S'agissant de la jeunesse, ma feuille de route est aussi très simple. Le discours du Président de la République, « Agir pour la jeunesse », a été prononcé l'an dernier. J'entends simplement jouer en transversalité. Avec Luc Chatel, nous allons mettre en place le service public d'orientation. Avec Nadine Morano, nous allons remettre la jeunesse au centre des politiques familiales. Avec Éric Woerth et Fadela Amara, nous allons mettre en place le service civique et, avec Laurent Wauquiez, les politiques d'insertion et d'emploi pour les jeunes en renforçant l'apprentissage.

Ma feuille de route, monsieur le député, est toute tracée et ma méthode est simple : agir au plus près du terrain en faisant jouer l'esprit collectif du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Feuille de route du ministre de la jeunesse et des solidarités actives

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Marc Le Fur.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

J'informe l'Assemblée que M. le président a pris acte au Journal officiel du dimanche 28 février 2010 de la démission de M. Didier Migaud, député de la quatrième circonscription de l'Isère.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

M. le président a reçu de M. le Premier ministre une lettre l'informant de sa décision de charger M. Frédéric Reiss, député du Bas-Rhin, d'une mission temporaire auprès de M. le ministre de l'éducation nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, pour le développement des sociétés publiques locales.

La parole est à M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienAlain Marleix, secrétaire d'état à l'intérieur et aux collectivités territoriales

Monsieur le président, monsieur le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, mesdames, messieurs les députés, vous êtes aujourd'hui appelés à examiner la proposition de loi relative au développement des sociétés publiques locales.

Je tiens, d'emblée, à préciser deux éléments de contexte. Tout d'abord, si cette proposition émane du Sénat, je dois mentionner que votre rapporteur, M. Jean-Pierre Schosteck, avait également déposé une proposition de loi similaire. J'ai ensuite noté le consensus dont ce texte a fait l'objet au Sénat, celui-ci l'ayant adopté à l'unanimité. Tout cela dénote une initiative parlementaire qui fédère les différents groupes politiques et je mesure donc la forte volonté du Parlement de proposer des outils nouveaux aux collectivités locales.

Cette proposition de loi vise, en effet, à apporter aux collectivités territoriales un nouvel outil juridique pour exercer les compétences qui leur sont confiées par la loi.

Comme vous l'avez relevé, monsieur le rapporteur, les collectivités territoriales et leurs groupements sont à l'origine de près des trois quarts des investissements publics dans notre pays. Dans les domaines de l'aménagement urbain, des grands équipements, du transport, du logement, du tourisme, leur action est ainsi essentielle.

Pour mettre en oeuvre leurs interventions, les collectivités territoriales et leurs groupements bénéficient déjà d'une large palette d'outils, dont certains ont récemment été simplifiés ou modernisés à l'initiative du Gouvernement. Je citerai, notamment, les sociétés d'économie mixte locale, bien établies dans le paysage juridique et local ; les contrats de partenariat public-privé, qui permettent de faire émerger les projets des collectivités et de trouver les financements nécessaires à leur réalisation ; les décrets du 19 décembre 2008 relevant les seuils des procédures formalisées pour les marchés de travaux ainsi que ceux relatifs aux dispenses de publicité et de mise en concurrence, ce qui donne plus de réactivité et de souplesse aux élus locaux ; la loi du 17 février 2009 sur l'accélération des programmes de construction et d'investissement publics privés qui s'inscrit dans le cadre du plan de relance et qui permet dorénavant aux conseils municipaux d'accorder délégation au maire concernant les marchés, quel que soit leur montant ; enfin, pour en revenir au sujet qui nous occupe aujourd'hui, la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, qui a permis aux collectivités territoriales et à leurs groupements de créer, à titre expérimental pour une durée de cinq ans, des sociétés publiques locales d'aménagement dont elles détiennent l'intégralité du capital. Ces sociétés peuvent conduire des opérations d'aménagement au sens du code de l'urbanisme.

L'initiative parlementaire que nous examinons aujourd'hui propose de développer cet outil, d'une part, en pérennisant les sociétés publiques locales d'aménagement et en élargissant leurs compétences, d'autre part, en créant des sociétés publiques locales aux compétences élargies, avec un domaine d'intervention calqué sur celui des sociétés d'économie mixte. Cette évolution tire profit des récents progrès de la jurisprudence dite « in house » de la Cour de justice des Communautés européennes.

Si le Gouvernement est favorable à cette évolution, il demeure très attentif à la fiabilité du cadre juridique proposé.

En effet, cette proposition de loi a pu susciter des inquiétudes de la part de certains acteurs économiques qui craignent que les missions et prestations de services publics échappent aux règles de mise en concurrence prévues par le droit communautaire. Une saisine ultérieure de la Cour de justice de l'Union européenne n'est d'ailleurs pas totalement à exclure et rien ne serait plus désastreux pour les collectivités territoriales qu'un outil juridiquement peu fiabilisé.

C'est pourquoi le Gouvernement a introduit des amendements en première lecture au Sénat permettant d'harmoniser le champ d'intervention des futures sociétés publiques locales avec la jurisprudence communautaire. C'est aussi la raison pour laquelle il soutient sans réserve les précisions apportées par votre rapporteur, à travers les amendements que nous examinerons dans quelques instants.

Rappelons quelques principes fondamentaux : premièrement, à l'instar des sociétés publiques locales d'aménagement, les futures SPL ne devront exercer leurs activités que pour leurs seuls actionnaires ; deuxièmement, la présence d'établissements publics parmi les actionnaires de la société est exclue, suite à l'adoption au Sénat d'un amendement gouvernemental ; troisièmement, la jurisprudence communautaire exige que le contrôle opéré par l'autorité publique soit analogue à celui qu'elle exerce sur ses propres services. À défaut, le juge communautaire estimerait que le lien de type « in house » entre la personne publique et la société serait rompu.

Votre proposition de loi reprend ainsi les différents concepts dégagés par la jurisprudence « in house », qui déroge aux principes du droit communautaire et s'examine au cas par cas.

J'espère que cette sécurisation suffira à lever les incertitudes, bien qu'on ne puisse totalement exclure tout risque de contentieux ultérieur, notamment compte tenu du très large champ d'application que vous avez voulu donner aux sociétés publiques locales. Il conviendra d'ailleurs d'inviter les collectivités territoriales qui auront recours à ce nouvel outil à rester particulièrement vigilantes dans l'objet et le fonctionnement des SPL qu'elles mettront en place. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Schosteck

de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les collectivités locales jouent un rôle économique essentiel pour soutenir le développement de l'activité dans notre pays, mais aussi pour aménager l'espace et offrir à nos concitoyens les services de proximité qu'ils sont en droit d'attendre. Ces collectivités doivent toutefois disposer d'outils juridiques adaptés pour construire les équipements nécessaires et gérer les services publics locaux avec efficacité, au meilleur coût et sans lourdeurs administratives inutiles.

Quelles que soient nos sensibilités politiques, nous partageons cet objectif pragmatique. C'est pourquoi je crois que la proposition de loi pour le développement des sociétés publiques locales, adoptée par le Sénat le 4 juin dernier, peut tous nous réunir, comme je l'ai constaté dans mes travaux de rapporteur ainsi que lors de l'examen du texte en commission des lois, le 3 février dernier. Il s'agit en effet de tirer le meilleur profit, dans la législation nationale, de l'évolution du droit communautaire applicable à la commande publique des collectivités locales.

Depuis le fameux arrêt Teckal rendu le 18 novembre 1999, la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes a confirmé et précisé la possibilité, pour les collectivités locales, de confier des opérations d'intérêt général à des sociétés publiques qu'elles détiennent et contrôlent étroitement, sans les mettre en concurrence.

Cette dérogation aux règles concurrentielles normalement applicables en matière de marchés publics ou de délégations de service public n'est possible, en droit communautaire, que si deux conditions sont réunies : la collectivité doit d'abord « exerce[r] sur la personne en cause un contrôle analogue à celui qu'elle exerce sur ses propres services », ce dont la CJCE a notamment déduit que le capital de la société devait être entièrement public. Il faut en outre que cette personne « réalise l'essentiel de son activité avec la ou les collectivités qui la détiennent ».

Vous trouverez dans le rapport de la commission des lois une analyse plus détaillée des évolutions de cette jurisprudence, qui s'est progressivement affinée, notamment depuis cinq ans, avec les arrêts Stadt Halle en 2005, Carbotermo SpA en 2006 et Coditel Brabant en 2008.

Notre droit a déjà commencé à tirer les conséquences de cette jurisprudence, puisque nous avons créé en 2006 les sociétés publiques locales d'aménagement, qui n'ont toutefois compétence qu'en matière d'aménagement. Les SPLA connaissent un regain d'intérêt depuis que leur régime a été assoupli l'an dernier, et le Sénat a logiquement proposé de les pérenniser, en insérant dans le texte initial un nouvel article 1er bis. L'article 2 de la proposition de loi renforce les prérogatives des SPLA pour acquérir et céder des immeubles et fonds de commerce. Mais surtout, son article 1er crée les sociétés publiques locales, dont l'objet sera beaucoup plus large puisqu'elles pourront effectuer, pour le compte et sur le territoire des collectivités qui la détiennent, toute activité d'intérêt général. Les collectivités pourront ainsi, en particulier, leur déléguer la gestion de services publics industriels et commerciaux sans mise en concurrence, à condition que les deux critères de la jurisprudence « in house »soient respectés.

Ces innovations vont dans le bon sens et font consensus chez les élus locaux : l'Association des maires de France, l'Assemblée des communautés de France ainsi que l'Assemblée des départements de France et l'Association des régions de France, ont toutes confirmé leur adhésion au projet.

La commission des lois a donc adopté à l'unanimité cette proposition de loi, reprenant l'essentiel du texte sénatorial. Elle a seulement décidé d'en renforcer la cohérence juridique et rédactionnelle, notamment par l'ajout d'un nouvel article 1er bis A. Il s'agit d'éviter toute ambiguïté sur le fait qu'une collectivité sera bien dispensée des obligations habituelles de mise en concurrence pour déléguer la gestion d'un service public à une société publique locale placée sous son contrôle, dans le cadre de ce que prévoit la jurisprudence communautaire relative aux prestations intégrées. Tel était bien l'objectif de la proposition de loi.

Nous avons également prévu, dans le même article, de renforcer le contrôle et l'information des assemblées locales sur les activités des sociétés publiques locales en cas de délégation, ce qui confortera là aussi la conformité de notre législation aux exigences communautaires : je vous rappelle que les personnes publiques à l'origine de la commande devront être en mesure d'exercer sur la société un « contrôle analogue à celui qu'elles exercent sur leurs propres services ».

Bien qu'elle soit modeste par son texte, cette proposition de loi représentera pour nos collectivités une avancée juridique importante, puisqu'elles bénéficieront de modes d'intervention économique plus diversifiés. C'est à elles seules qu'il reviendra de choisir, pour la gestion de leurs activités d'intérêt général, entre une gestion en régie directe ou par le biais d'un établissement public, le recours à une société publique locale qu'elles détiennent entièrement ou la gestion concurrentielle par une société ouverte à des capitaux privés. Cette palette d'outils confortera la libre administration des collectivités locales, tout en leur permettant de mieux contrôler leurs dépenses et la qualité du service rendu aux usagers.

Mes chers collègues, je me réjouis que cette initiative parlementaire, qui était partagée entre l'Assemblée nationale et le Sénat comme entre la majorité et l'opposition, puisse enfin prospérer. Je vous invite donc aujourd'hui à confirmer le choix clairement exprimé par la commission des lois. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Dans la discussion générale, la parole est à M. Roland Muzeau.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, adoptée par le Sénat le 4 juin dernier, la proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui concrétise une attente forte des élus locaux et répond à une de leurs préoccupations essentielles : conforter le principe de leur libre administration.

Cette proposition de loi a en effet pour objet de tirer les conséquences de l'évolution de la jurisprudence européenne et de reconnaître aux collectivités locales la possibilité de bénéficier du régime « in house » pour les opérations économiques encore soumises au dogme libéral des obligations concurrentielles. Il s'agit en quelque sorte d'en revenir à la situation qui préexistait avant la remise en cause par la Commission européenne des contrats de mandat, passés entre les personnes publiques et les sociétés d'économie mixte, issus de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée, et de reconnaître à nouveau la spécificité de l'investissement public et des prestations des entreprises publiques locales.

Il s'agit certes d'une dérogation limitée, qui trouve son origine dans le fameux arrêt du 18 novembre 1999 de la Cour de justice des Communautés européennes qui, pour la première fois, a dégagé les critères permettant d'exempter le pouvoir adjudicateur – la collectivité publique – de l'obligation de mettre en concurrence une société à qui il souhaite acheter une prestation. Ces critères ont depuis été complétés et précisés. Je ne reviendrai pas sur les développements pertinents du rapport de notre collègue Jean-Pierre Schosteck, sinon pour rappeler que ces critères ont déjà été consacrés dans notre droit à l'occasion de la discussion de la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, qui avait notamment proposé la création, pour une période expérimentale de cinq ans, des sociétés publiques locales d'aménagement.

C'est le succès plus que mitigé de ces fameuses SPLA, aux règles de création complexes et au champ d'action très limité, qui a conduit les promoteurs de la présente proposition de loi à proposer la création de SPL au champ de compétences élargi. Cette unanimité sur l'ensemble de nos bancs est d'ailleurs réjouissante.

Ce texte, à l'instar des amendements adoptés par nos collègues sénateurs, tire les enseignements pratiques de l'expérimentation des sociétés publiques locales dans le domaine de l'aménagement. Ainsi, il a été proposé de permettre aux collectivités territoriales de déroger au code de commerce qui impose, s'agissant des sociétés anonymes, un minimum de sept actionnaires. Cette obligation faisait obstacle à la réalisation d'un projet ou à la gestion d'un équipement intéressant un nombre inférieur de partenaires publics.

Nous approuvons, bien entendu, cette nouvelle dérogation, de même que nous approuverons l'amendement proposé par notre rapporteur, qui complète la législation applicable aux délégations de service public afin de permettre aux SPL de bénéficier de la jurisprudence communautaire relative aux « prestations intégrées » dans les mêmes conditions et pour les mêmes motifs que les établissements publics. Cet amendement contribue en effet, à nos yeux, à consolider et unifier la notion d'opérateur public dégagée par le règlement du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007, relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer, et qui le définissait de la manière suivante : « une entité juridiquement distincte sur laquelle l'autorité locale compétente ou, dans le cas d'un groupement d'autorités, au moins une autorité locale compétente, exerce un contrôle analogue à celui qu'elle exerce sur ses propres services ».

Dotées de compétences élargies et renforcées, les sociétés publiques locales vont venir compléter utilement la boîte à outil des élus locaux afin de leur permettre de mieux répondre aux besoins des populations et des territoires.

Nous voterons donc le présent texte, sachant en particulier combien les entreprises publiques locales constituent un levier de développement indispensable au service des territoires et de leurs habitants. L'enjeu est de réaffirmer à travers cet outil la valeur fondamentale de la notion de service public, dont on sait à quel point elle est débattue.

Nous savons que ce texte heurte quelques dogmes de la pensée libérale et des tenants de la privatisation à outrance, mais il n'en constitue pas moins une avancée.

Certains n'ont pas hésité à parler de remunicipalisation, évoquant la nécessité d'éviter de faire en sorte que le développement des services publics locaux ne se fasse au détriment des entreprises privées. Ils oublient de rappeler que dans certains secteurs clefs, tels que la gestion de l'eau ou le transport, le marché est presque entièrement partagé entre quelques grands groupes privés, ce qui limite les bénéfices attendus de la concurrence quand cela n'engendre pas des surcoûts faramineux, comme nous le démontre l'actualité mois après mois.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

La possibilité offerte aux collectivités de confier la gestion des services publics à des sociétés anonymes qu'elles détiendront intégralement est au contraire un gage d'efficacité, de réactivité et de sécurité juridique.

Il est donc essentiel que, dans l'intérêt général, l'Assemblée fasse preuve du même esprit de consensus que celui qui a conduit le Sénat à approuver ce texte. (Applaudissements.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de loi adoptée par le Sénat le 4 juin 2009, visant au développement des sociétés publiques locales, a pour objectif de tirer parti des évolutions de la jurisprudence communautaire afin d'adapter et de diversifier les instruments juridiques dont disposent les collectivités territoriales pour leurs interventions économiques.

Au Nouveau Centre, nous sommes très attachés au développement de la démocratie locale. C'est la raison pour laquelle nous sommes tout à fait favorables à tout assouplissement des conditions d'intervention économique des collectivités, qui assurent, de surcroît, près des trois quarts de l'investissement public en France. Nous nous sommes d'ailleurs amplement battus, lors des débats sur la suppression de la taxe professionnelle, pour que nos territoires puissent assurer leurs missions d'investissement dans les meilleures conditions possibles. C'est aussi pourquoi nous nous battons, de longue date, pour que l'autonomie fiscale, et non seulement financière, de nos collectivités soit respectée. À nos yeux, c'est en effet une condition non négociable d'une véritable décentralisation.

J'aimerais souligner deux aspects éminemment positifs de cette proposition de loi. D'abord, je me félicite qu'elle fasse l'objet d'un large consensus politique, aussi bien entre les deux chambres qu'entre la majorité et l'opposition. Ensuite, je me réjouis que nous ayons l'occasion de promouvoir une Europe qui n'est pas ce monstre de libéralisme sans limites que d'aucuns caricaturent à l'envi.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

J'avais marqué une pause, car je prévoyais cette interruption ! (Sourires.)

En vertu de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, les collectivités territoriales peuvent être exemptées de l'obligation de mettre en concurrence une société à qui elles souhaitent acheter une prestation. L'esprit et la lettre de ce texte sont en parfaite conformité avec le respect du principe de libre administration de nos collectivités territoriales, principe auquel la famille centriste est très attachée. Ce texte leur permettra en effet de diversifier les outils leur permettant de s'administrer librement. Aussi, de nombreux élus locaux souhaitent-ils voir cette mesure s'imposer le plus rapidement possible dans notre droit. Le rapporteur, premier vice-président de l'Association des maires de France, peut en témoigner.

Dans un arrêt du 18 novembre 1999, la CJCE a confirmé une jurisprudence rampante depuis une dizaine d'années visant à ce que les collectivités et leurs groupements puissent déroger aux obligations concurrentielles applicables aux marchés publics en développant la notion de « prestations intégrées. » Ce mécanisme n'est pas compatible avec les sociétés d'économie mixte locales, en raison de la participation de personnes privées à leur capital. Elles se trouvent donc dans l'incapacité de se soustraire aux règles concurrentielles, et cela représente un coût moyen d'environ 70 000 euros pour une petite collectivité locale.

Outre son avantage juridique indéniable, cette proposition présente donc pour nos collectivités un avantage économique que je veux souligner.

Avant le processus engagé en 2006 et poursuivi en 2009, force est de constater combien notre législation était lacunaire à ce sujet. Un nouvel outil juridique, les sociétés publiques locales d'aménagement, a bien été mis en place, en 2006, à titre d'expérimentation pour permettre aux collectivités de recourir aux services de tiers sans mise en concurrence. Le dispositif a été en partie assoupli en 2009, mais le processus reste largement inachevé.

Après le renforcement de la jurisprudence communautaire sur ce point, il nous est donc indispensable à la fois de pérenniser et de consolider ce dispositif.

Le pérenniser, d'abord, en mettant fin à son caractère temporaire. En effet, il ne peut pas y avoir d'investissement serein pour une seule durée de cinq ans. Les dispositions du texte permettront aux SPLA de gagner en cohérence et en attractivité. J'en profite pour redire tout l'intérêt de l'amendement déposé à l'article 33 de la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion par le président Ollier et notre collègue Piron : en ramenant de sept à deux le nombre minimal d'actionnaires présents au capital d'une SPLA, il a suscité un véritable regain d'intérêt pour cette société.

Consolider le dispositif ensuite, en élargissant le champ d'intervention des SPLA. En effet, jusqu'ici leur compétence était restreinte aux opérations d'aménagement. Les collectivités étaient donc contraintes de scinder les SEML pour pouvoir bénéficier de ce statut. Cela n'a pas de sens. Désormais, les SPLA pourront effectuer des études préalables, construire et rénover des immeubles et conclure des transactions en matière foncière, immobilière, artisanale et commerciale.

Surtout, cette consolidation passe par la création des sociétés publiques locales, qui recouvrent l'ensemble des interventions économiques de nos collectivités ainsi que de leurs groupements. À l'instar des SEML, les SPL pourront ainsi être chargées d'effectuer, pour le compte des collectivités et de leurs groupements, toute activité d'intérêt général, et non de seules opérations d'aménagement.

Cette disposition s'inscrit ainsi dans une nouvelle vision, non plus spécialisée, mais générale, de la mise en place par les collectivités de structures publiques dont elles ont le contrôle. Il s'agit là d'une avancée majeure.

Enfin, ce statut sera strictement encadré, puisque le bénéfice de cette dérogation suppose la satisfaction préalable de deux conditions cumulatives. D'une part, la collectivité doit exercer sur la personne en cause un contrôle analogue à celui qu'elle exerce sur ses propres services, ce qui implique que le capital de la société soit entièrement public. D'autre part, cette personne, juridiquement distincte de l'adjudicateur, doit réaliser l'essentiel de son activité avec la ou les collectivités qui détiennent la structure, ce qui implique que les activités complémentaires effectuées par une société souhaitant bénéficier de ce statut doivent rester marginales dans son chiffre d'affaires.

Mes chers collègues, vous l'aurez compris, le groupe Nouveau Centre votera en faveur de ce texte. Il permet de profiter au mieux de la jurisprudence communautaire en matière d'investissement public. Surtout, il permettra de parachever un processus amorcé en 2006 mais dont les lacunes sont aujourd'hui mises en lumière par le renforcement de la jurisprudence communautaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Bourdouleix

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, au-delà des clivages politiques, et contrairement aux idées reçues, les élus locaux recourent de plus en plus à la gestion directe de leurs services publics. Qu'il s'agisse de l'eau, des déchets, du transport, les collectivités locales, qui avaient abondamment délégué la gestion de leurs services publics, ont tendance à recourir, à nouveau, à un opérateur interne sous la forme juridique d'une régie simple, d'un EPIC ou bientôt, je l'espère, à l'issue du vote de ce texte, d'une SPL.

Pourquoi ce retour en grâce de l'opérateur interne ?

Je suis à même d'évoquer le secteur du transport public, que je connais particulièrement en tant que président de l'association AGIR qui fédère les collectivités qui ont fait le choix de l'indépendance face aux groupes de transport.

Les raisons de la tendance que l'on observe aujourd'hui sont multiples.

Il en est d'abord qui tiennent aux délégataires. Ceux-ci sont souvent jugés trop peu performants. À preuve, 40 % des collectivités changent de délégataire à la fin du contrat. Mais ils sont en situation oligopolistique : dans les transports, trois groupes se partagent 80 % des contrats. Par ailleurs, ces grands groupes pratiquent souvent des coûts excessifs, en raison des frais de siège et de la marge commerciale, notamment pour les intercommunalités petites et moyennes. Ce coût est en moyenne de 10 à 20 % supérieur à celui d'une régie. Enfin, les collectivités supportent les coûts liés à la procédure de mise en concurrence, notamment celui des bureaux d'études qui réalisent l'assistance à maîtrise d'ouvrage, et au temps passé par les services à analyser les offres.

À l'inverse, la gestion directe offre des avantages. Les collectivités locales disposent d'une parfaite maîtrise et d'un contrôle total sur la société gestionnaire et notamment sur ses comptes. Tous les administrateurs sont des élus. C'est la garantie que les orientations et les politiques publiques seront respectées. La réactivité est meilleure : considérés comme des prolongements des collectivités locales, les opérateurs internes n'ont pas à être mis en concurrence par leurs actionnaires pour l'attribution de toute nouvelle mission. C'est autant de temps gagné dans la conduite des projets. Enfin, entreprises à part entière, les opérateurs internes apportent souplesse et performance au service public local, dans une vision de long terme conforme à l'intérêt général.

Chaque année, plusieurs grandes villes, villes moyennes et départements abandonnent donc la délégation de service public à un grand groupe pour gérer en direct leur service de transport. Aujourd'hui, près de soixante collectivités ont déjà fait le choix de l'opérateur interne. Quand on sait qu'en dix ans, selon les chiffres du Centre d'études sur les réseaux, les transports, l'urbanisme et les constructions publiques, la contribution au budget transport des collectivités de plus de 300 000 habitants a augmenté de près de 50 % et celle des collectivités de moins de 300 000 habitants de 200 %, on comprend mieux pourquoi les collectivités cherchent à faire des économies tout en améliorant la qualité de leur service public. Dans ce contexte où les élus locaux reprennent en main leur service public et cherchent à développer des synergies entre eux, ce texte arrive à point nommé.

Je ne reviens pas sur la conformité du texte au droit communautaire, le rapporteur ayant parfaitement exposé la jurisprudence du « in house ».

Au-delà du fonctionnement juridique et technique de la SPL, je souhaite partager avec vous la vision que j'ai de ce nouvel outil. À mes yeux, ces nouvelles sociétés présentent un intérêt majeur : celui de la coopération institutionnelle. Sans se départir de leurs compétences, les autorités organisatrices locales pourront devenir actionnaires de ces sociétés afin de couvrir un bassin de vie qui dépasse les frontières géographiques d'une intercommunalité, d'un département, d'une région.

Par définition, un bassin de vie, est le périmètre dans lequel s'organise la vie quotidienne des habitants. Il s'agit d'un territoire présentant une cohérence géographique, sociale, culturelle et économique, exprimant des besoins homogènes en matière d'activités et de services.

On peut alors aisément imaginer une SPL dont l'actionnariat serait composé de plusieurs établissements de coopération intercommunale, d'un ou plusieurs départements, d'une région… La SPL, j'en suis convaincu, permettra aux élus d'élaborer une nouvelle organisation des services publics, au bénéfice d'une articulation renforcée de nos territoires. Elle constitue donc un outil cohérent au service d'un territoire pertinent, et je veux saluer l'implication de notre rapporteur dans cette évolution du droit.

Pour toutes ces raisons, je souhaite que l'ensemble du groupe UMP, et, au-delà, la plus large majorité possible, se prononce en faveur de cette proposition de loi adoptée par le Sénat et modifiée par les amendements que nous présentera dans un instant M. le rapporteur. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je me contenterai de quelques mots, car notre rapporteur comme, avant lui, celui du Sénat a déjà parfaitement décrit dans son rapport la démarche qui est la nôtre depuis longtemps. Il y a deux ans, j'avais ainsi déposé une proposition de loi comme l'avaient fait, de leur côté, les sénateurs de la majorité.

Je voudrais m'exprimer au nom des présidents des sociétés d'économie mixte départementales qui sont confrontés à de sérieux problèmes en raison de l'évolution de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes. L'exposé des motifs de la proposition de loi sénatoriale cite d'ailleurs trois arrêts de la CJCE : l'arrêt Teckal du 18 novembre 1999, l'arrêt Stadt Halle du 11 janvier 2005 et l'arrêt Asemfo du 19 avril 2007. Il faut savoir que, du fait de cette jurisprudence, nous nous trouvions collectivement dans une situation d'insécurité juridique : que nous soyons de gauche ou de droite, nous demandions donc qu'une solution soit trouvée rapidement.

Les sociétés publiques locales constituent une réponse et un bon outil,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

…à condition toutefois de ne pas ouvrir la boîte de Pandore.

L'opposition a donc accepté d'observer une discipline afin d'éviter une multiplication des amendements à l'infini. Certains auraient souhaité aller plus loin – je pense à mes collègues radicaux de gauche –, mais pour faire oeuvre utile, il fallait avant tout sécuriser la SPL.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

En effet, la CJCE avait défini de manière restrictive les conditions dans lesquelles une collectivité peut être dispensée d'appliquer les règles communautaires en matière de marchés publics, ce que l'on qualifie de jurisprudence « in house ».

Ainsi, selon l'arrêt Stadt Halle, la participation, même minoritaire, d'une entreprise privée dans le capital d'une société publique à laquelle participe également la collectivité adjugeant le contrat empêche la collectivité de déroger aux règles de droit commun en matière de marchés publics. Nous nous trouvions donc face à une difficulté majeure, à une insécurité juridique dangereuse, porteuse d'un véritable risque d'instabilité pour des opérateurs travaillant au service d'un conseil général, d'une commune ou d'une agglomération. Il faut dire qu'en France, de nombreuses SEM sont les bras armés des collectivités. Celle que je préside, comme la plupart des SEM départementales, qu'elles aient à leur tête un élu de gauche ou de droite, sont des SEM d'aménagement dont l'actionnaire dit « privé » n'est autre que la Caisse des dépôts et consignations.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Il fallait donc trouver une solution, mais sans tuer la SEM. La seule possibilité consiste à trouver un outil qui assure la sécurité juridique d'actes qui sont le prolongement naturel de l'action publique. Bien évidemment, il ne s'agit pas de multiplier les frais de gestion : il est possible d'être économe des deniers publics et l'on peut, par exemple, demander à une SEM de passer un accord en ce sens avec la collectivité concernée.

Cette proposition de loi apporte donc d'abord une sécurité juridique. Je l'avais déjà déposée, il y a deux ans, au nom du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, avec Jean-Marc Ayrault comme deuxième signataire – le président de Nantes Métropole était évidemment intéressé par le sujet –, et mes collègues de droite au Sénat avaient fait de même.

Sous réserve que nous respections les limites que présentait le rapporteur, ce texte est aussi compatible avec le droit européen puisque le dispositif proposé est la copie à l'identique du Stadtwerke allemand. L'Allemagne n'a pas de SEM, et les Stadtwerke assurent le prolongement naturel de l'action publique. Ils sont, en fait, des sociétés publiques locales, émanations directes de la collectivité.

Les exigences de transparence et de contrôle requises par le droit communautaire sont bien remplies : les SPL seront assujetties à toutes les règles de protection des élus et à celles relatives aux contrôles prévus dans le code général des collectivités locales pour les SEM.

Ainsi, monsieur le secrétaire d'État, à côté des SEM, nous disposerons d'un outil complémentaire, qui fait l'unanimité et qui constitue un bon moyen de coopération et de rapprochement, en particulier entre les structures intercommunales, ce qui sera bien utile.

Une préoccupation légitime des élus voit donc son aboutissement et nous pouvons nous en féliciter.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Je remercie le rapporteur, M. Schosteck. Nous avions pu parler très franchement lors de mon audition, y compris des amendements que nous pouvions adopter. J'ai d'ailleurs constaté que la commission des lois les avait votés.

Au nom du groupe socialiste auquel revient l'initiative de cette proposition de loi en accord avec les collègues du Sénat, y compris ceux de la majorité parlementaire, je crois que nous avons fait oeuvre utile. Nous souhaitons tous que ce texte soit voté et que les décrets d'application sortent immédiatement après la promulgation de la loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Bourg-Broc

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je ne vous apprends rien en rappelant que nos collectivités territoriales sont à l'origine de près des trois quarts des investissements publics en France.

En exerçant, avec plus ou moins de dynamisme suivant les régions, les compétences qui leur ont été attribuées par la loi dans le domaine de l'aménagement urbain, de l'équipement, du transport, du logement, du tourisme, de la culture ou encore de l'environnement, ces collectivités contribuent de manière très forte au développement économique de notre pays.

Toutefois, certaines interventions, qui concernent des domaines très précis comme l'aménagement foncier, la gestion de l'eau ou des déchets, nécessitent une expertise dont les collectivités locales ne disposent pas toujours elles-mêmes. Il est donc très important qu'elles puissent avoir recours aux services de tiers dans des conditions économiquement compétitives et juridiquement simples, mais aussi dans le respect du droit communautaire de la concurrence.

L'objet de cette proposition de loi, adoptée à l'unanimité par le Sénat le 4 juin dernier, est de parvenir à tirer le meilleur parti de l'évolution récente des règles communautaires auxquelles nous devons nous conformer, en adaptant et en diversifiant les instruments juridiques dont disposent les collectivités pour leurs interventions économiques. En effet, depuis une dizaine d'années, la Cour de justice des Communautés européennes a progressivement élaboré, avec les arrêts Stadt Halle, du 11 janvier 2005, et Asemfo, du 19 avril 2007, une jurisprudence qui autorise les collectivités, et leurs groupements, à déroger aux obligations concurrentielles applicables aux marchés publics lorsqu'elles confient certaines activités à des sociétés qu'elles détiennent et contrôlent étroitement. Il faut toutefois qu'elles respectent les deux conditions fixées, dès 1999, par l'arrêt Teckal, c'est-à-dire que la collectivité exerce sur son cocontractant un contrôle analogue à celui qu'elle exerce sur ses propres services et, dans le même temps, que cette entité réalise l'essentiel de son activité avec la ou les collectivités qui la détiennent.

Actuellement, en raison de la présence d'actionnaires privés dans les sociétés d'économie mixte, nos collectivités ne peuvent appliquer ce mécanisme, dit « des prestations intégrées » ou « in house », avec ces dernières. Pourtant, dans des domaines aussi importants que la construction et la gestion de logements, l'aménagement, la gestion d'équipements sportifs et culturels, l'eau ou encore les transports, nombre de sociétés d'économie mixte ne travaillent que pour leurs collectivités actionnaires.

En conciliant le respect du droit communautaire et le principe de libre administration, nous apportons aux collectivités, avec le développement des sociétés publiques locales, la possibilité d'exercer pleinement leurs compétences, au travers d'un statut sécurisé associant transparence et contrôle.

Par l'intermédiaire des SPL, nous allons faciliter le développement public local ; nous répondrons aux attentes des collectivités, en améliorant leurs conditions et leur capacité d'intervention. Ce texte permettra également de diversifier les instruments juridiques offerts aux collectivités pour mener certaines opérations économiques dans le secteur concurrentiel.

Nous traversons encore une période difficile, et nos collectivités restent les premiers acteurs de l'économie locale et l'un des acteurs majeurs de l'économie nationale. Je tiens à souligner plus particulièrement que la souplesse qui nous est ainsi donnée, comme représentants des collectivités territoriales, nous permettra d'agir avec rapidité et efficacité.

Cette solution instaure aussi un cadre juridique fiable.

Enfin, j'exprimerai ma satisfaction personnelle de voir le consensus dont ce texte fait l'objet au sein des deux assemblées. Cela montre que le Parlement s'occupe des collectivités territoriales et qu'il répond à leurs préoccupations.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Le Parlement ne s'occupe bien des collectivités locales que lorsqu'il est saisi de propositions de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Bourg-Broc

C'est pourquoi en tant qu'élu de la nation, mais également en tant qu'élu local, je voterai cette proposition de loi. Je m'associe au souhait que vient d'exprimer Jean-Pierre Balligand que les décrets d'application soient publiés très rapidement. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Clément

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cela est suffisamment rare pour être souligné, cette proposition de loi est le fruit d'une démarche consensuelle entre la majorité et l'opposition.

Il faut en effet rappeler l'origine de ce texte. Les députés du groupe SRC avaient déposé, en décembre 2008, une proposition de loi relative aux sociétés publiques locales : elle était quasiment identique à celle que nous examinons aujourd'hui puisque des sénateurs socialistes ont repris le flambeau. Cette démarche est bien consensuelle puisque, si j'ai bien compté, plus de 270 parlementaires de toute sensibilité politique ont cosigné ces propositions de loi. C'est la preuve, s'il en était besoin, de la pertinence d'un texte qui répond aux attentes des collectivités locales.

De quoi s'agit-il ? Cette proposition de loi vise à étendre notre droit positif relatif aux sociétés publiques locales – même s'il n'est pour l'instant que temporaire – à d'autres domaines d'activité que l'aménagement. Les élus locaux pourront ainsi avoir à leur disposition, dans tous les domaines de compétence visés par la loi, l'outil leur permettant d'appliquer pleinement le droit communautaire tout en respectant le principe de libre administration des collectivités territoriales.

L'adaptation des outils de nos collectivités au droit communautaire est indispensable. Les règles communautaires qui visent à garantir le jeu de la libre concurrence imposent des procédures rigoureuses de passation des marchés publics. Or ces règles contraignantes ne sont pas justifiées lorsque l'entreprise cocontractante de la collectivité ne travaille qu'au profit de cette dernière ; elle n'en est alors que le prolongement.

Consciente de cette singularité, la CJCE admet, depuis son arrêt Teckal de 1999, que les règles de passation des marchés publics soient écartées lorsque deux critères sont réunis : l'autorité publique exerce sur la personne en cause un contrôle analogue à celui qu'elle exerce sur ses propres services ; cette personne réalise l'essentiel de son activité avec la ou les collectivités qui la détiennent – « l'essentiel » ne signifie pas « exclusivement », nous aurions pu en débattre.

Dans tous les pays de l'Union européenne, les collectivités territoriales disposent déjà, dans leur arsenal juridique, d'outils leur permettant de tirer profit de cette possibilité. Tel n'était pas le cas de la France. En effet, nos sociétés d'économie mixte paraissaient inadaptées, puisqu'elles comprennent au moins, dans la formation de leur capital, un actionnaire privé dont, ainsi que l'a rappelé Jean-Pierre Balligand, nous connaissons souvent le nom par avance. Nous alourdissons inutilement la gestion de nos structures. Ainsi, les sociétés d'économie mixte ne peuvent être considérées, au sens du droit communautaire, comme étant dans une relation « in house », c'est-à-dire de prestation intégrée, vis-à-vis des collectivités détentrices de la majorité du capital.

Conscients de cette lacune, nos collègues Patrick Ollier et Jean-Pierre Grand avaient pris l'initiative de la combler à l'occasion de l'examen de la loi du 20 juillet 2005. Mais le Gouvernement, estimant nécessaire de réfléchir plus avant – on se demande bien pourquoi –, avait alors demandé le retrait de l'amendement proposé. À force d'insistance parlementaire – l'entêtement est parfois payant –, furent créées à titre expérimental par la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement les sociétés publiques locales d'aménagement, les SPLA.

Une SPLA a ainsi pu être constituée par les collectivités territoriales et leurs groupements, à titre expérimental, pour une durée de cinq ans, lesdites collectivités détenant la totalité du capital.

Outre que l'on peut s'interroger sur la notion d'expérimentation à propos d'une société qui a, par définition, vocation à durer l'éternité, il était nécessaire de revenir sur les SPL. Utile, ce nouvel outil a permis de s'adapter aux exigences communautaires concernant le mécanisme dit « des prestations intégrées ». Toutefois, il était limité, puisque la loi cantonne l'objet de ces sociétés publiques à l'aménagement du territoire des collectivités concernées.

Or il est évident que de nombreux autres domaines d'activité gagneraient à bénéficier d'un tel régime. Comment ne pas évoquer notamment la gestion des services publics du logement, de l'eau et de l'assainissement, des transports interurbains ou de l'énergie ? Ces services, qui sont actuellement gérés par des sociétés d'économie mixte, pourraient profiter, demain, du nouveau statut. Dans le rapport qu'il a consacré à la proposition de loi, le sénateur Mézard évoque les avantages qui y seraient associés : « efficacité, réactivité, sécurité ». Il permettrait en effet de rétablir la sécurité juridique dans ces différents secteurs, en permettant aux collectivités de racheter les participations privées dans les SEM afin de les transformer en SPL.

Il serait donc déraisonnable de ne pas pérenniser et de ne pas généraliser cette expérimentation.

Les précautions élémentaires ont été prises, puisque l'objet des sociétés publiques locales sera cantonné aux services d'intérêt général. Ces nouvelles entités ne seront nullement concurrentes de nos sociétés d'économie mixte, mais complémentaires de ces dernières. En outre, elles seront évidemment assujetties aux règles du code général des collectivités territoriales et à l'ensemble des contrôles actuellement imposés aux sociétés d'économie mixte. Ces précautions étant prises, je le répète, il serait déraisonnable de ne pas voter cette proposition de loi.

Il ne s'agit, en vérité, que de permettre aux collectivités d'exercer librement leurs compétences dans le respect du droit communautaire et de concrétiser ainsi un peu plus le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales.

Raisonnable, réfléchie, consensuelle : tels sont les adjectifs qui me semblent caractériser le mieux cette proposition de loi. Il est difficile, à cet égard, de résister à la tentation d'évoquer ici comme un contre-exemple malheureux la réforme des collectivités territoriales élaborée par le Gouvernement. L'adoption de la présente proposition serait donc, pour moi, une raison de rester optimiste quant à la capacité de notre assemblée à prendre les bonnes décisions et à s'opposer à celles qui s'écartent du chemin du bon sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Clément

Veillons, chers collègues, à ce que les collectivités ne perdent pas à l'avenir la marge d'action et de liberté qu'elles auraient gagnée grâce à cette initiative. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Abdoulatifou Aly

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi adoptée par le Sénat relative au développement des sociétés publiques locales répond incontestablement à la volonté des acteurs publics locaux de se doter d'un nouvel instrument, mieux adapté à leurs besoins d'intervention économique. Cette actualisation des moyens est nécessaire aussi bien en métropole qu'outre-mer. C'est pourquoi il importe de veiller à rendre ce texte applicable sur l'ensemble du territoire de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Abdoulatifou Aly

En effet, les sociétés d'État régies par la loi de 1946 ont fait leur temps, notamment parce qu'elles reléguaient les collectivités locales à un rôle mineur, alors que celles-ci en sont devenues progressivement les actionnaires majoritaires. De même, les sociétés d'économie mixte locales apparaissent à certains exécutifs locaux comme une contrainte, dans la mesure où la présence obligatoire d'un acteur privé dans le capital social ne correspond pas toujours à leur volonté politique. Par ailleurs, le statut des sociétés publiques locales d'aménagement présente l'inconvénient d'être à la fois expérimental, temporaire et, surtout, limité aux seules opérations d'aménagement visées à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme.

L'innovation que représente la société publique locale telle qu'elle est conçue dans cette proposition de loi consiste en trois points essentiels. Tout d'abord, son champ d'intervention peut porter sur toute activité d'intérêt général, et pas seulement sur des opérations d'aménagement limitativement énumérées. Ensuite, son capital ne sera pas mixte, mais totalement public, et le nombre de ses actionnaires est fixé au minimum à deux, collectivités ou groupements de collectivités publiques, au lieu de sept comme dans une SEM ordinaire, afin de pouvoir échapper légalement aux exigences de concurrence résultant des règles communautaires. Enfin, son activité doit impérativement se dérouler exclusivement sur le territoire des collectivités ou groupements de collectivités qui l'ont constituée.

Ainsi, cette proposition paraît d'autant plus intéressante qu'elle complète l'intercommunalité en l'étendant au-delà des préoccupations administratives, pour mieux investir le domaine économique. Surtout, elle étend la libre administration des collectivités locales en leur accordant plus de marges de manoeuvre. Vous comprendrez donc aisément que, dans une société où l'économie informelle prédomine, comme c'est le cas à Mayotte, cette nouvelle forme de société publique locale offre l'avantage de favoriser la mise en commun des moyens d'intervention, tout en respectant aussi bien les impératifs de formalisation des modalités de réalisation des projets économiques que les règles de bonne gestion de cette société commerciale. De ce fait, l'action concertée de collectivités de proximité est garantie.

Au-delà de cette solidarité salutaire de collectivités locales voisines, ce sont surtout le contrôle financier et la pertinence économique des projets qui se trouvent indirectement renforcés par cette intervention commune de plusieurs collectivités locales. Il n'en demeure pas moins qu'à l'heure où le capitalisme mérite d'être davantage…

Debut de section - PermalienPhoto de Abdoulatifou Aly

…encadré, une telle socialisation rampante de l'économie peut, à terme, poser la question de l'équilibre à trouver entre le poids des sociétés strictement privées et celui des structures publiques dans l'économie locale en France.

En tout état de cause, cette initiative sénatoriale me paraît heureuse et c'est sans hésitation que je la voterai. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Sermier

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, les collectivités territoriales sont les acteurs essentiels du développement de leurs territoires, pour lequel elles disposent fréquemment d'outils opérationnels dénommés SEM, SPL ou SPLA. Ces entreprises de droit privé sont soumises aux obligations concurrentielles et au code des marchés publics. Toutefois, l'Europe, que l'on accuse souvent de tous les maux, reconnaît, à travers la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, que certaines d'entre elles doivent pouvoir échapper à ce régime, à deux conditions : que le capital de la SA soit totalement public et que l'essentiel de son activité se fasse avec les collectivités qui la détiennent.

Cette jurisprudence est encore sujette à quelques évolutions – s'agissant, par exemple, de l'appréciation globale de l'activité avec un seuil minimum –, mais, globalement, les choses sont aujourd'hui suffisamment claires pour permettre une adaptation du droit français au droit communautaire. Au demeurant, les collectivités locales et leurs élus ont plus que jamais besoin d'une palette de modes d'intervention la plus large et, bien évidemment, la plus efficace possible.

Le cadre juridique actuel est très lourd, très long et très coûteux et nous pénalise dans notre réactivité. À titre personnel, je préside depuis quelques années une société d'économie mixte d'aménagement et de développement – la SOCAD – qui intervient avec succès dans deux départements et à la satisfaction de tous les élus, toutes tendances confondues, qui sollicitent ses services. Je n'en constate pas moins, comme vous, mes très chers collègues, que ce type de sociétés anonymes – les seules, actuellement, dans lesquelles les collectivités locales peuvent détenir des participations – a vocation à être opportunément complété par des SA à 100 % publiques, qui s'inscrivent parfaitement dans le droit communautaire. De telles sociétés, qui existent en effet dans tous les autres grands pays d'Europe, notamment en Espagne, en Autriche, au Portugal et en Suède, permettent de concilier maîtrise publique, modernisation de l'action locale, rapidité, sécurité et transparence.

La proposition de loi qui nous est présentée aujourd'hui par notre excellent collègue Jean-Pierre Schosteck vient donc à point nommé. J'en veux pour preuve son adoption à l'unanimité par le Sénat, le 4 juin dernier, et le soutien que lui apportent tous les groupes de notre assemblée, ainsi que l'ensemble des associations d'élus. Un tel consensus est suffisamment rare en cette période pour être souligné.

Ce texte, bref et clair, permettra de pérenniser le dispositif des sociétés publiques locales d'aménagement – les SPLA – dont nous avons unanimement voté la mise en place à titre expérimental pour cinq ans en 2006. Sept sociétés ont très vite été créées. Nous avons voté un premier assouplissement de leur régime en mars 2009, en abaissant le seuil minimum d'actionnaires de sept à deux. Depuis, le succès de cette formule ne cesse de se confirmer puisqu'une trentaine de projets ont vu le jour. Il s'agit aujourd'hui d'étendre à l'ensemble du champ des services publics industriels et commerciaux et d'intérêt général cette possibilité, pour les collectivités locales, de créer ces sociétés à 100 % publiques.

Je tiens donc à souligner l'excellent travail du Sénat et de notre rapporteur, qui ont veillé à ce que ces sociétés figurent sans aucune contestation possible dans le droit à l'autoproduction consacré par la jurisprudence européenne. Le texte qui nous est proposé précise à cet effet que le capital de la SPL doit être détenu en totalité par des actionnaires, au moins deux, dont le caractère public ne soulève aucune ambiguïté, que ces sociétés exercent leur activité exclusivement pour le compte de leurs actionnaires et sur leur territoire et que le principe de toute délégation de service public à une SPL doit être débattu par les assemblées délibérantes des collectivités territoriales et groupements concernés.

Consensus politique, sécurité juridique : la création des SPL et la pérennisation des SPLA s'annoncent sous les meilleurs auspices. C'est donc avec plaisir sur j'apporte mon entier soutien à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de André Vézinhet

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, étant le dernier intervenant, je vais sans doute être amené à répéter ce que d'autres ont dit avant moi…

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Comme disait Talleyrand, il vaut mieux se répéter que se contredire !

Debut de section - PermalienPhoto de André Vézinhet

…mais c'est avec plaisir que je me coulerai dans le moule du consensus.

La proposition de loi dont nous débattons confirme et valide l'exception du mécanisme du « in house » qui, interprété par les juges, connaît un nouvel élan avec les derniers arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment les arrêts Coditel Brabant et Sea.

Ces arrêts reconnaissent le principe de l'autonomie de gestion des collectivités territoriales. Ils établissent que le droit communautaire n'a pas pour mission de forcer les autorités publiques à privatiser la prestation des services d'intérêt général qui leur incombent. Ces mêmes arrêts indiquent la possibilité pour une autorité publique de recourir à ses propres moyens pour effectuer des missions de service public en collaboration avec d'autres autorités publiques, et précisent que dès lors, « dans le cas où plusieurs autorités publiques détiennent une entité concessionnaire à laquelle elles confient l'accomplissement d'une de leurs missions de service public, le contrôle que ces autorités publiques exercent sur cette entité peut être exercé conjointement par ces dernières ».

Cette évolution notable du « in house » doit permettre de considérer, si la loi est adoptée – mais cela ne fait guère de doute –, qu'une société publique locale pourra intervenir directement avec ses actionnaires, dans la mesure où ses structures décisionnelles permettent effectivement aux collectivités concernées d'exercer un contrôle analogue à celui qu'elles exercent sur leurs propres services.

C'est dans ce nouvel environnement que s'inscrit la proposition de loi initiée au Sénat par la Fédération des entreprises publiques locales, dont je suis membre depuis de nombreuses années – un privilège que je partage avec plusieurs collègues députés et sénateurs.

Les SPLA, qui pouvaient jusqu'à présent être constituées à titre expérimental pour une durée de cinq ans, voient leur statut consolidé. L'Hérault, département où j'ai été élu, a été l'une des toutes premières collectivités départementales à se doter d'une SPLA, dénommée Territoire 34, qui venait compléter harmonieusement un dispositif créé il y a bien longtemps avec la société d'économie mixte Hérault Aménagement.

Le texte proposé admet la validation par les SPL d'une structure à capital public de 100 %, avec un régime apparenté à celui des SEM. C'est là un retour à l'économie mixte à vocation publique que j'ai toujours préconisée et défendue.

Pour conclure, je veux exprimer ma satisfaction de voir les territoires français ainsi dotés d'un nouvel outil d'action venant renforcer la « boîte à outils » dont d'autres pays d'Europe disposent déjà. La panoplie des moyens d'action se trouve ainsi heureusement complétée. Le maître mot d'« aménagement du territoire », confié aux collectivités, prend ainsi plus de force pour les intervenants majeurs qui réalisent, à ce jour, plus de 70 % des investissements français – ce qui, convenons-en, pèse son poids, a fortiori dans la situation de crise que traverse notre pays.

Enfin, d'autres activités d'intérêt général, telle la gestion des services publics, se trouveront également concernées par ce texte. Cela contribue à notre volonté de soutenir sans réserve cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Patrick Roy, inscrit sur l'article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Le texte qui nous réunit, en cette paisible fin d'après-midi, dans un hémicycle désormais apaisé,…

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

M. Roy faisant l'éloge du calme ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

…est issu notamment de propositions de loi déposées par Jean-Pierre Balligand. Pour ma part, dès qu'un texte est inspiré par notre excellent collègue, c'est avec amour – un amour que j'espère partagé (Sourires) – que je le regarde. Celui-ci était très attendu par tous les élus. En tant que maire, je me félicite que nous nous apprêtions à le voter, et j'espère, monsieur le secrétaire d'État, que vous ne tarderez pas trop à prendre les décrets d'application, qui nous seront très utiles dans la gestion de nos collectivités.

Pour terminer sur une note un peu moins optimiste, je veux dire que si le Parlement s'occupe bien des collectivités territoriales quand on lui donne l'occasion d'en débattre sereinement, j'espère qu'il sera tout aussi efficace lorsqu'il s'agira de s'opposer à la réforme des collectivités territoriales, qui constitue une sinistre menace pour les semaines à venir.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 1.

Il s'agit d'un amendement de cohérence, monsieur le rapporteur ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Schosteck

Effectivement, monsieur le président. Pour apporter ma contribution à la sérénité du débat, que M. Roy goûte tant, je veux lui préciser qu'il n'est pas prévu de décrets d'application pour ce texte. Toutes les craintes que pouvait nourrir notre collègue sur ce point se trouvent ainsi immédiatement apaisées.

Debut de section - PermalienAlain Marleix, secrétaire d'état à l'intérieur et aux collectivités territoriales

Favorable. Je précise que s'il n'y aura pas de décrets d'application, il y aura tout de même une deuxième lecture au Sénat, et le texte sera opérationnel dès sa publication au Journal officiel.

(L'amendement n° 1 est adopté.)

(L'article 1er, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 2, de coordination.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Schosteck

Tout à fait.

(L'amendement n° 2, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 3, de coordination également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Schosteck

En effet.

(L'amendement n° 3, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L'article 1er bis A est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

L'article 1er bis ne faisant l'objet d'aucun amendement, je le mets aux voix.

(L'article 1er bis est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Schosteck

Absolument.

(L'amendement n° 4, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L'article 2, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Personne ne demande plus la parole ?.…

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je constate que le vote est acquis à l'unanimité. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Vote sur l'ensemble

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures trente-cinq, est reprise à dix-huit heures dix.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Jean-Pierre Door et plusieurs de ses collègues relative à l'expérimentation du dossier médical sur clé USB sécurisée pour les patients atteints d'affections de longue durée.

La parole est à M. Dominique Tian, rapporteur de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Tian

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État chargée des aînées, chers collègues, le texte que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui avec Jean-Pierre Door et Pierre Morange propose une mesure simple, de bon sens et peu coûteuse. Elle reprend une recommandation formulée dans le cadre des travaux de contrôle parlementaire par la mission d'information sur le dossier médical personnel, le DMP, présidée par notre collègue Jean-Pierre Door, et par la MECSS, coprésidée par nos collègues Pierre Morange et Jean Mallot.

De plus, nous avons déjà adopté par deux fois un dispositif similaire dans le cadre de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 et du projet de loi dit hôpital, patients, santé, territoires, l'an dernier. Toutefois, ces dispositions ont été censurées par le Conseil constitutionnel pour des raisons de pure forme.

Ainsi la mesure proposée est-elle susceptible de recueillir une large adhésion. De quoi s'agit-il ? D'une expérimentation consistant à fournir un dossier médical informatisé à des patients souffrant d'affections de longue durée. Une telle mesure s'inscrit pleinement dans la logique du parcours de soins coordonné que nous avons institué en 2004 et renforcé l'an dernier, avec la loi dite HPST. Ce parcours de soins repose en effet sur deux piliers : le médecin traitant et le DMP.

Le projet de DMP était très ambitieux. Comme vous le savez, sa mise en oeuvre s'est heurtée à des difficultés techniques qui ont engendré des retards importants, ce que nous regrettons tous, je crois. Loin de renoncer au DMP, les pouvoirs publics ont engagé en 2008 un programme de relance de ce projet. Il est néanmoins peu probable que le DMP soit opérationnel avant plusieurs années. C'est ce constat qui a conduit à envisager la création, dans les meilleurs délais, d'un outil préfigurant le DMP.

L'outil expérimental que nous vous proposons de créer aujourd'hui est plus souple à mettre en oeuvre que le DMP lui-même, car il ne pose aucun problème d'hébergement des données. Les données de santé seront enregistrées sur une clé USB qui restera la propriété du patient. Il n'y aura donc plus de problème de choix d'hébergeur, d'accès à Internet, de sécurisation des fichiers en ligne, etc. Plus non plus de réticences des patients et des professionnels, parmi lesquels l'idée d'un hébergement en ligne des données de santé a pu parfois susciter certaines méfiances.

La clé USB est un dispositif concret, familier et simple à utiliser. Les patients et les praticiens pourront ainsi s'habituer progressivement aux principes de fonctionnement du DMP sans être découragés d'emblée par la complexité de cet outil.

Je tiens à souligner ici que le plus intéressant dans le DMP ce n'est pas son architecture technique : c'est son contenu, c'est-à-dire les services qu'il peut apporter, les possibilités de coordination des soins qu'il offre. Or, depuis le démarrage du projet de DMP en 2004-2005, on s'est trop focalisé sur des questions technologiques, au détriment d'une réflexion de fond sur l'intérêt de ce dispositif pour la santé publique. Avec un outil simple comme une clé USB, on évacue un grand nombre de difficultés techniques liées au DMP, ce qui permettra de se concentrer sur le contenu.

C'est là tout le sens de la démarche expérimentale que nous proposons.

Je tiens à souligner à ce propos que, si nous avons choisi un processus expérimental et ciblé sur certains groupes de patients, c'est précisément pour insister sur le fait que notre proposition n'a nullement vocation à entrer en concurrence avec le DMP. Loin de court-circuiter le déploiement du DMP, elle sert au contraire à en préparer la mise en place.

Dans cette optique, pourquoi cibler des patients en ALD ? Parce que ce sont eux qui ont le plus besoin d'un outil de coordination des soins. C'est dans leur intérêt. Il suffit pour s'en convaincre de se rappeler que ce sont eux qui prennent le plus de médicaments et qu'ils sont de ce fait les plus exposés au risque iatrogénique, cause de 10 000 décès et de 130 000 hospitalisations par an. Notre proposition de loi ne stigmatise en aucun cas ces patients, comme on a pu l'entendre dire ici ou là.

Je tiens d'ailleurs à insister sur toutes les garanties offertes aux patients qui participeront à cette expérimentation. Les données personnelles de santé sont sensibles, et les auteurs de la présente proposition de loi accordent la plus haute importante à la protection de ces données, à leur confidentialité ainsi qu'à la sécurisation des dispositifs sur lesquels elles sont enregistrées.

C'est pourquoi la clé USB qui sera remise au patient sera bien sa propriété : lui seul pourra choisir de l'utiliser ou non, et de la présenter à tel ou tel professionnel de santé. Tout reposera exclusivement sur la libre volonté du patient.

Les informations enregistrées sur la clé USB ne seront accessibles qu'avec l'autorisation du patient. Ainsi, sa clé USB ne pourra pas être exploitée à d'autre fins que l'amélioration de sa prise en charge.

Bien entendu, le texte ne fixe pas tous les détails techniques de ce dispositif : par nature, cela relève non pas de la loi, mais du décret. Toutefois, notre proposition de loi enserre le renvoi au pouvoir réglementaire dans deux conditions visant à garantir l'intérêt des patients.

D'une part, ce renvoi précise expressément que les conditions d'application de la proposition de loi fixées par décret devront garantir la confidentialité des données de santé enregistrées sur la clé.

D'autre part, il soumet ce décret à l'avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL, garante d'un usage des données qui soit conforme aux principes établis par la loi du 6 janvier 1978.

Alors, me demanderont certains, pourquoi prévoir que l'avis de la CNIL soit seulement consultatif, et non pas conforme ? Tout simplement parce que ce serait anticonstitutionnel. En effet, dans sa décision sur la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, le Conseil constitutionnel a jugé que le fait de soumettre à l'avis conforme de la CNIL le décret d'application de l'article instituant un répertoire national des bénéficiaires de prestations sociales empiétait de façon disproportionnée sur le pouvoir réglementaire du Premier ministre. Le Conseil constitutionnel a soulevé d'office ce problème et a censuré la disposition en question.

Le décret d'application de cette proposition de loi définira aussi l'organisation du dossier médical enregistré sur la clé USB, ainsi que son processus d'alimentation.

S'agissant de son contenu, il est important que les informations médicales portées sur la clé soient bien classées, faute de quoi elles s'accumuleront et deviendront rapidement inexploitables. De même, lors des auditions auxquelles j'ai procédé, j'ai observé un large consensus pour que la clé USB comprenne un document de synthèse de l'état de santé du patient.

Ainsi, tous les professionnels de santé – le biologiste, le radiologue, l'infirmier, le pharmacien – pourraient alimenter le dossier médical par les données de santé qu'ils produisent. En revanche, il me semble que l'établissement et la mise à jour d'un document de synthèse sur l'état de la personne souffrant d'une maladie chronique relève plutôt du médecin traitant. Cela serait cohérent avec le mécanisme conventionnel qui charge celui-ci de l'établissement et du suivi des protocoles régissant les ALD.

Certains de mes interlocuteurs ont également relevé que notre proposition de loi ne prévoit pas de rémunération spécifique pour les médecins traitants qui participeraient à cette expérimentation. Dans mon esprit, une telle rémunération n'est nullement exclue, mais ce n'est pas à notre proposition de loi de la définir, non seulement parce que les règles qui s'imposent à nous en matière de recevabilité financière y font obstacle, mais aussi parce que sa définition me semble relever plutôt des négociations conventionnelles qui vont s'ouvrir dans les mois à venir.

Voilà, monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la teneur de cette proposition de loi. L'informatisation des soins constitue un véritable besoin pour les patients. Il appartient aux pouvoirs publics d'y répondre, faute de quoi on verra se multiplier des systèmes d'information difficiles à rendre interopérables – on en compte déjà, d'après le rapport d'Yves Bur, plus de 7 000 en France ! –, y compris des offres privées d'hébergement des données de santé. Une compagnie comme Air France propose déjà ce service, en lien avec une société d'assurance.

Notre proposition de loi répond à ce défi. Elle est, je le répète, le fruit d'un travail mené par-delà les frontières partisanes, au sein de la mission présidée par Jean-Pierre Door et de la MECSS, coprésidée par Pierre Morange et Jean Mallot. Je ne doute pas que nos discussions de ce soir puissent se poursuivre dans le même esprit constructif. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée des aînés.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée des aînés

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, la lutte contre les affections de longue durée est une priorité pour le Gouvernement.

Les patients en affection de longue durée souffrent de lourdes pathologies, chroniques, souvent combinées, et sont donc amenés à voir de nombreux professionnels de santé. La qualité de leur prise en charge, pluridisciplinaire, dépend donc pour une très large part d'une bonne coordination des soins qu'ils reçoivent, et cette coordination dépend elle-même de l'accès des professionnels de santé à l'information médicale concernant le patient.

Le partage de l'information médicale est donc au coeur de la qualité et de l'efficience des prises en charge médicale et médico-sociale des patients en ALD. L'intégration de l'éducation thérapeutique dans le parcours des soins de ces patients rend ce partage encore plus nécessaire.

C'est la raison pour laquelle ma collègue Roselyne Bachelot et moi-même sommes favorables à l'expérimentation que vous souhaitez mettre en oeuvre. Votre proposition de loi vise en effet à expérimenter un dossier médical sur un support portatif, afin que les patients, et plus particulièrement ceux souffrant d'ALD, puissent disposer d'une partie de leurs données de santé et de leurs parcours de soins, et mettre ces informations à la disposition des professionnels de santé.

Le dossier médical personnel, dont le déploiement débutera, comme s'y était engagée Roselyne Bachelot, dès la fin de cette année en prenant le relais des expériences pilotes d'ores et déjà menées dans cinq régions, poursuit également cet objectif. Ce déploiement va cependant prendre du temps, notamment du fait de la difficulté à faire communiquer ensemble les outils informatiques de tous les professionnels de santé, en libéral comme à l'hôpital, alors que ceux-ci sont aujourd'hui extrêmement variés. Or il ne peut y avoir de véritable coordination des soins – ce qui est l'objectif principal recherché par le DMP – sans interopérabilité des outils informatiques.

D'une certaine manière, l'expérimentation que vous proposez vise à compléter le projet DMP en testant une solution qui non seulement a une portée symbolique forte – puisqu'elle repose sur le portage de son dossier par le patient lui-même –, mais pourrait aussi être opérationnelle et déployée rapidement.

Dès lors que, comme je l'ai indiqué, l'amélioration de la prise en charge des ALD est une priorité du Gouvernement, l'expérimentation que vous proposez mérite d'être lancée.

Ses résultats seront connus d'ici à la fin de l'année 2012, ce qui est une échéance suffisamment lointaine pour tirer des conclusions, mais également assez proche pour coordonner ces résultats avec le déploiement du dossier médical personnel. Nous pourrons ainsi tirer les meilleurs bénéfices de l'évaluation d'un tel dispositif.

Je tiens cependant à souligner, comme l'avait d'ailleurs déjà fait Roselyne Bachelot lors des débats qui avaient eu lieu à ce sujet lors de l'examen du PLFSS pour 2008 et du projet de loi HPST, qu'un dossier médical sur un dispositif portable comme une clé USB pose des difficultés et présente certains risques.

En particulier, la question de la sécurisation des données, les conditions d'accès aux données de santé qui seront contenues dans la clé USB, mais aussi le support qui sera retenu, constituent pour le Gouvernement des sujets d'attention prioritaires.

La France, comme la plupart des autres pays ayant initié un projet national de dossier médical, a opté, en ce qui concerne le DMP, pour une solution consistant à ce que les données soient hébergées par un opérateur à l'échelle nationale et accessibles par internet. En effet, ces technologies sont aujourd'hui maîtrisées et permettent de sécuriser l'accès aux données de santé des patients.

À l'évidence, il sera moins facile de maîtriser et de sécuriser l'accès aux données de santé si celles-ci sont stockées sur un dispositif portable. Or, vous le savez, garantir la sécurité et la confidentialité des données de santé des patients, et en particulier des données numérisées, est une priorité absolue pour le Gouvernement.

C'est la raison pour laquelle nous nous félicitons que la proposition de loi prévoie un avis de la CNIL sur le décret d'application de cette proposition de loi. Je tiens, à cet égard, à dire très clairement que le Gouvernement sera extrêmement attentif à cet avis et qu'il n'est pas question de mettre en place un dispositif qui n'aurait pas reçu l'aval de la CNIL.

Cette condition étant clairement posée par la proposition de loi, je tiens à réaffirmer le soutien du Gouvernement à ce que le dossier médical sur dispositif portable soit testé sur un échantillon de patients atteints d'une ALD, et donc son soutien à la proposition de loi que vous présentez. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à Mme Catherine Lemorton.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il existe quelques dossiers législatifs qui, à force d'être repoussés, amendés, retardés, expérimentés – que sais-je encore ? –, deviennent des mythes que l'on évoque en hésitant entre l'incrédulité et l'amusement. Il semble, hélas ! que ce soit désormais le cas du dossier médical personnel.

Avant tout, il faut reconnaître à notre collègue Jean-Pierre Door de la suite dans les idées, à la fois dans sa volonté de promouvoir le DMP, mais également dans son entêtement à utiliser une clé USB comme contenant, avec un contenu – il faut le dire – au pourtour très flou. MM. Door et Morange ont pris pour marotte cette disposition prévoyant l'usage de la clé USB, qui est déjà venue deux fois devant nous par l'intermédiaire de textes à chaque fois retoqués par le Conseil constitutionnel – pour des raisons de forme, j'en conviens.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Le problème, c'est que ce temps d'échange ne s'arrête pas à un débat sur la mise en place du DMP, mais qu'il nous amène à discuter d'une expérimentation autour du DMP, à savoir d'un dossier médical qui, je le rappelle, n'est pas « personnel » dans l'intitulé de cette proposition de loi relative au « dossier médical sur clé USB sécurisée » pour les affections de longue durée.

Or, dès son premier examen devant notre assemblée, le texte nous est apparu bancal, mal ficelé, comme une tentative d'expérimentation solitaire, voire désespérée, alors que, dans le même temps, le fond du sujet était traité ailleurs.

Mes chers collègues, je vais tenter, au nom de mon groupe, de vous démontrer, au travers des réflexions qui nous sont venues instantanément et des informations que nous avons pu tirer des auditions – tardives – pourquoi cette proposition mériterait un renvoi en commission qui permettrait de lui donner une réelle utilité.

Commençons par le commencement, à savoir la justification de l'existence de cette proposition de loi. Le rapporteur ne cesse de répéter que ce texte est inspiré des travaux de notre collègue M. Door, grâce à son rapport de janvier 2008, ainsi que des préconisations de la MECSS qui, comme le dit notre rapporteur, est composée de l'opposition et de la majorité, et aurait émis un vote unanime sur les préconisations concernant ce sujet.

Je vais me permettre de donner quelques précisions qui me semblent utiles. D'abord, il est important de rappeler que la MECSS n'a pas préconisé la mise en place d'une clé USB. Si l'on se réfère au rapport sur les ALD, n° 1271, page 65, on s'aperçoit que la liste des propositions ne comporte nulle référence à ce support.

Ensuite, il est particulièrement désagréable d'entendre cet argument sur la prétendue unanimité de la MECSS. Dans le mode de fonctionnement de notre assemblée, la MECSS, comme les autres instances de contrôle, n'est utilisée que lorsque ses conclusions conviennent in fine au Gouvernement. Je vais vous en donner un exemple que j'ai déjà évoqué en commission.

Dans le cas présent, la MECSS est utilisée comme gage de consensus. Pourtant, dans d'autres cas où son vote a été unanime, la traduction législative a été moins évidente. C'est le cas notamment de ses travaux autour du médicament, sur lesquels j'étais rapporteure. Voté à l'unanimité, sans même que le groupe majoritaire apporte une contribution pour manifester la moindre divergence, ce rapport me semble quelque peu oublié ! Pour quelles raisons ? Pourquoi certains sujets seraient-ils plus acceptables que d'autres ?

Un autre point qui nous a immédiatement frappés – et alors que, je le répète, nous n'avions même pas entendu les syndicats de médecins –, c'est l'aspect contradictoire de cette proposition de loi avec l'objectif visé. Le rapport accompagnant ce projet revient en effet très longuement sur l'intérêt du passage au DMP : hausse de la qualité des soins, meilleure maîtrise des dépenses, réponse au « foisonnement » et au « cloisonnement » – pour reprendre les termes de notre collègue M. Bur – des systèmes existants. À cela nous acquiesçons.

Le rapport revient ensuite sur les difficultés freinant la mise en place du DMP. Je reprends là aussi ses termes : calendrier initial irréaliste, grande parcimonie des moyens, glissement stratégique mal maîtrisé, architecture complexe, expérimentations inabouties, bref un festival de louanges – si je puis dire – pour le ministre de l'époque, Philippe Douste-Blazy, qui le souhaitait, ainsi que pour les concepteurs du projet DMP. À cela encore nous acquiesçons.

Enfin, le rapport présente la redéfinition stratégique permettant le réenclenchement du DMP : redéfinition du projet, nouveau calendrier de déploiement, démarche expérimentale, projet de préfiguration du DMP pour une appropriation par les acteurs. Une nouvelle fois – car il faut bien tenter de rectifier le tir, le projet étant si mal engagé –, nous ne pouvons qu'acquiescer.

Mais cette brillante, cette foisonnante démonstration n'est en fait là que pour justifier un « dossier médical sur clé USB ou autre support pour les patients en ALD ».

Là, nous ne pouvons plus suivre. Comment, en effet, donner du crédit à une proposition de loi qui ne revêt pas d'importance stratégique dans la mise en place du DMP ? Comment donner du crédit à un texte qui, s'il est voté, viendra en doublon avec les actions de l'agenda de mise en place du DMP au moment même où, par exemple, un communiqué de l'Agence des systèmes d'information partagés de santé publié le 18 février dernier nous apprend qu'elle s'était réunie pour décider de l'attribution du marché de l'hébergement du DMP aux groupes Atos Origin et La Poste ?

Comment ne pas voir en ce texte une poursuite du foisonnement tant décrié par notre collègue Yves Bur ?

Comment, enfin, soutenir une mesure qui, si elle est mise en place, aura un coût qui, même faible, n'aidera pas à la mise en place du DMP ? Est-ce la même majorité qui a fait de la chasse au gaspillage le leitmotiv de son action ?

Mes chers collègues, notre première position sur ce texte est, vous l'aurez compris, loin d'être aussi consensuelle qu'on a pu l'annoncer çà et là.

Mais cette position a été confortée, amplifiée, légitimée par les tardives auditions des syndicats et de l'Ordre des médecins – auditions dont je dénonce la forme autant que le calendrier. Elles se sont tenues en pleine suspension de nos travaux, dans l'entre-deux-tours des élections régionales, et les convocations sont arrivées par courrier électronique le lundi soir à dix-huit heures, pour des auditions le mercredi à neuf heures trente ou dix heures. Ce n'est pas acceptable.

Ces auditions ont toutefois permis d'entendre les questions posées par les médecins libéraux sur le sujet et de comprendre leur position sur l'utilité de ce texte. Nous aurions d'ailleurs aimé entendre d'autres acteurs de santé – notamment les pharmaciens, qui ont déjà mis en place un dossier pharmaceutique : plus de 60 % des pharmacies de notre territoire sont aujourd'hui équipées. Ils auraient pu nous éclairer sur les forces et les faiblesses d'un tel dispositif, qui ne sont pas abordées dans cette proposition de loi.

Préparant mon intervention, je me suis ainsi rapprochée de l'Ordre des pharmaciens et des médecins de Midi-Pyrénées qui, il y a dix jours, n'avaient pas encore connaissance de cette proposition. C'est une nouvelle démonstration de votre intérêt pour l'avis, et pour la vie, des Français dans leur ensemble – ce qui explique le dimanche que vous avez vécu.

Pour en revenir aux médecins, nous pouvons rassembler les questions qu'ils ont posées autour des cinq points évoqués par M. Jacques Lucas, vice-président de l'Ordre des médecins : des questions sur l'éthique, la déontologie, l'organisation, l'appropriation par les professionnels et enfin la publication du décret d'application.

D'un point de vue éthique, les auditions ont permis de dégager les problèmes posés par un outil comportant des données essentielles sur la vie d'un malade, de surcroît atteint d'une affection de longue durée – données qui, si elles tombaient entre de mauvaises mains, pourraient lui être gravement préjudiciables. En effet, cette population spécifique comporte des personnes extrêmement fragilisées psychologiquement, et cette fragilité pourrait être exploitée par de nombreux intervenants – assureurs ou employeurs par exemple.

Déontologiquement, c'est la transcription du dossier médical sur la clé USB par le médecin traitant qui pose problème, et ce pour deux raisons.

D'une part, les avis divergent sur ce qui doit être transcrit : totalité du dossier ou synthèse ? Le texte n'apporte aucune réponse.

D'autre part, le problème de la responsabilité du médecin qui saisit le contenu a été abordé à de nombreuses reprises durant les auditions. Si le médecin traitant doit avoir une vision globale de la situation du patient, il est évident qu'il ne peut prendre la responsabilité de transcrire seul les informations. C'est en effet à chaque acteur de remplir les informations qui le concernent. De plus, dans le cas des ALD, il faut noter qu'un médecin traitant voit son patient en moyenne tous les trois mois : que faire si des consultations ont lieu dans cet intervalle, par exemple chez des spécialistes ? Là encore, le texte n'apporte aucune réponse à ces questions pourtant légitimes.

Au-delà, certains auditionnés ont même indiqué qu'ils n'étaient pas d'accord pour remettre à un patient toutes les informations sur sa situation, et ce dans l'intérêt du patient lui-même. C'est donc le bien-fondé de cette proposition de loi qui est ainsi mis en cause.

D'un point de vue organisationnel, les questions ont tourné autour de l'accès au dossier. Nous l'avons dit, le médecin traitant doit bien évidemment disposer d'un accès plein et entier. Toutefois, l'objectif d'améliorer la coordination des soins, prônée dans la loi HPST de Mme Bachelot, aurait dû amener le législateur à offrir un accès de même niveau à tous les intervenants dans le dossier.

Or, une fois encore, cette proposition de loi ne propose aucune solution concrète.

Un autre aspect important, et d'ailleurs pointé dans le rapport comme l'un des éléments capitaux de réussite ou d'échec de la mise en place du DMP, c'est l'appropriation par les professionnels. De ce point de vue, les auditions ont là encore été édifiantes.

Nombre des intervenants ont souligné une mauvaise qualité du texte en termes de périmètre géographique et de périmètre du public comme des acteurs concernés, exprimant par là même une faiblesse structurelle de cette proposition de loi.

D'autres problématiques ont également été soulevées, qu'il s'agisse des tâches administratives chronophages qui peuvent démotiver certains médecins qui attendaient le DMP, des problématiques techniques d'usure prématurée du matériel du fait des multiples manipulations du port USB, du coût de l'opération – que nous avons déjà souligné –, de la confusion que ce nouveau support peut faire naître chez certains patients ou encore du cryptage franco-français qui ne pourra pas être utilisé à l'étranger.

Voilà autant de questions, autant de problèmes qui ne plaident pas pour une adoption en l'état de cette proposition.

Les dernières réflexions émanant des auditions furent celles concernant le décret d'application. Comme échaudés par les expériences passées, certains intervenants ont bien signifié l'impérieuse nécessité d'engager un processus de consultation autour des aspects réglementaires de cette proposition. Il me semble que cette volonté marque bien un besoin de recadrer certaines dispositions afin de les rendre plus acceptables.

Pour conclure sur le sujet de ces auditions, je me dois une nouvelle fois de ne rien cacher. Un syndicat auditionné a bien assuré la proposition de son soutien. Deux ont dit leur neutralité, montrant un faible enthousiasme pour une proposition sans envergure réelle. Et deux enfin, avec plus ou moins de virulence, ont estimé que ce texte n'était tout simplement pas utile à la cause qu'il était censé servir.

Le sentiment général émanant de ces rencontres est donc le flou ou, pire, l'absence de dynamique. Pour un texte censé constituer une expérimentation du DMP, c'est un mal suffisamment profond pour se poser la question de son renvoi en commission.

Mais au-delà de ces remarques, déjà suffisantes à mes yeux, d'autres questions extrêmement graves restent en suspens. Tout d'abord, je tiens à rappeler que cette proposition de loi n'arrive pas dans un désert législatif. Au contraire, elle prend place dans une suractivité qui nous semble inquiétante pour les malades, et notamment les malades en affection de longue durée.

Je fais ici référence à l'article 35 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, qui introduit la notion de « guérison juridique d'un cancer estimée à cinq ans ». Je vous renvoie aux débats de ce projet ; ils verront pourquoi nous avions voté contre cet article.

Dans une société où le fléau des affections de longue durée ne cesse de se développer, cette position de la majorité est tout bonnement choquante.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Quel scientifique sérieux pourrait cautionner une telle ineptie ?

Quand on sait que, comme le rappelait notre collègue Jacqueline Fraysse lors de la discussion en commission, les patients en ALD représentent 14 % des assurés mais deux tiers des dépenses d'assurance maladie, on peut être enclin à imaginer de sombres desseins fomentés par le Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Si la clé USB servait de caution pour sortir des malades du système ALD, nous le dénoncerions avec force !

Je veux aussi, avant de conclure, évoquer la transparence – ou, plutôt, l'absence de transparence qui entoure ce texte. Ce texte émane d'on ne sait où, alors que les travaux sur le DMP se poursuivent ; l'examen de son accueil par les professionnels n'a pas été plus transparent, les auditions tardives n'ayant permis qu'à deux députés, M. le rapporteur et moi-même, d'être présents ou représentés.

L'absence de transparence n'est pas moins grande autour du pilotage de ce texte. Les auditions ont révélé que les professionnels veulent être associés à toute expérimentation, même aussi légère que celle-ci. J'aurais également aimé que les associations d'usagers du système de soins, et notamment les associations de patients atteints d'affections de longue durée, soient parties prenantes de la réflexion.

Cette attente ne pourra pas trouver de réponse puisque l'amendement créant un comité de pilotage a été retiré en commission.

Trop de questions, trop de flou, une absence de cohérence avec les travaux sur le DMP : tout cela doit nous amener à sonner le glas de ce texte. Loin d'emporter l'adhésion des professionnels, il les laisse de marbre, voire les divise. Loin de montrer une avancée technique inouïe et efficace, il fait sourire. Je vous invite d'ailleurs à regarder le dossier proposé sur le site i-med qui met en avant l'existence d'autres outils qui mériteraient d'être étudiés avant l'arrivée du DMP en fin d'année : je pense notamment à la messagerie sécurisée Apicrypt, au dossier synthétisé ou encore au DMPro qui ont été évoqués durant les auditions.

Loin de nous assurer qu'il sera au service des malades en ALD, ce texte ne fait que renforcer nos doutes.

En conclusion, je voudrais d'ailleurs vous faire part d'une lettre reçue d'un jeune homme lui-même en ALD. Il y fait part de son sentiment de méconnaissance par les rédacteurs de cette proposition de la réalité sociologique des personnes en ALD.

En effet, il rappelle – chiffres de la CNAM à l'appui, et j'ai vérifié – que 59,3 % des personnes en ALD ont plus de soixante ans et que 18,3 % ont plus de quatre-vingts ans : ce sont des personnes fragiles qui, sous la pression d'un assureur, pourraient être amenées, par exemple, à confier cette clé USB.

Comment estimer, de plus, comme le fait le texte, que ces personnes auront accès à un ordinateur pour consulter leur dossier sur clé USB ? C'est mal connaître l'environnement des aînés – j'utilise ce terme puisque c'est Mme la secrétaire d'État chargée des aînés qui est présente ce soir sur les bancs du Gouvernement.

N'est-ce pas faire preuve d'une certaine forme de légèreté quant aux pratiques informatiques de ces personnes ?

Dans un monde informatisé qui n'est pas le leur, certains auront, à la fin de l'année 2010, avec la même pathologie, un DMP en expérimentation, d'autres une clé USB, et beaucoup auront aussi un dossier pharmaceutique. Cela augure mal de leur adhésion au système !

M. Bur devrait d'ailleurs s'indigner de la confusion qui va émaner de cette proposition.

Mes chers collègues, je vous invite donc à renvoyer ce texte en commission afin de lever l'ensemble de ces doutes et de nous poser collectivement la question de l'intérêt d'une proposition complémentaire, si j'ose dire, durant cette phase de travail autour du DMP à laquelle nous assistons actuellement.

L'heure n'est pas à un remaniement technique de ce texte (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)…

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

…mais bel et bien à une refonte en profondeur pour que, tout simplement, il puisse avoir une quelconque utilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Tian

, rapporteur. J'ai trouvé Mme Lemorton un petit peu dure, d'autant que je rappelle qu'en commission le groupe socialiste a, après quelques hésitations, décidé de s'abstenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Je n'ai pas appelé à voter contre, j'ai demandé le renvoi en commission !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Tian

, rapporteur. À vous entendre, on croirait que la commission ne s'est pas réunie. Nous avons au contraire passé deux ou trois heures sur ce sujet, et il y a eu une vingtaine d'interventions, dont beaucoup étaient d'ailleurs très constructives : on avait plutôt le sentiment que les choses allaient bien se passer.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Je n'ai pas parlé de la réunion de la commission, mais des acteurs directement concernés.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Tian

, rapporteur. C'est un peu différent, d'accord ; mais le groupe socialiste avait dit qu'il s'abstiendrait. Je vois que vous êtes aujourd'hui dans une dynamique de victoire, qui vous amène peut-être à un durcissement de votre position ; c'est votre droit.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Tian

, rapporteur. En tout cas il me semble que les choses ont un peu évolué. Ce doit être l'euphorie de la victoire, vous êtes un peu grisés !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Il ne faut pas se laisser griser par la victoire, sinon vous allez vite disjoncter, et déchanter !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Tian

, rapporteur. Pour les auditions, il est vrai que les délais étaient courts. Nous avons mis du temps à convoquer les uns et les autres, car nous souhaitions que les cinq grands syndicats médicaux soient présents : il a fallu coordonner les emplois du temps. Je suis donc revenu mercredi dernier, et vous étiez vous-même représentée.

Nous n'avons pas la même version des déclarations des syndicats médicaux. Il me semble qu'ils sont plutôt sceptiques, car l'histoire du DMP les a rendus sceptiques : je ne peux pas le leur reprocher, puisque c'est aussi notre cas. (Sourires.)

Mais ils étaient plutôt intéressés par le système ; l'expérimentation leur paraissait louable, s'ils n'y croyaient pas tellement.

La vérité m'oblige à dire qu'ils disposent de leur propre système. Vous l'avez rappelé, Apicrypt fonctionne déjà : c'est une messagerie qui permet aux médecins d'obtenir des réponses quasiment en temps réel ; ils trouvent ce système, qui est uniquement médical, plutôt bon. Vous avez également évoqué le DMPro, l'enfant d'un syndicat professionnel qui en souhaite évidemment la réussite plutôt que celle de notre système : on ne peut le lui reprocher.

Mais vous ne pouvez pas dire que ce dossier médical n'est pas réclamé par tout le monde, surtout s'il est simple et facile d'utilisation.

Dans son rapport, Yves Bur indique que 7 000 dossiers médicaux existent déjà sous différentes formes qui ne sont pas interopérables. C'est un vrai souci.

Que vous le vouliez ou non, l'échange d'informations par l'intermédiaire de l'informatique est devenu tellement courant qu'en l'absence de législation les initiatives privées se multiplient. Air France par exemple propose, et on ne peut pas le lui reprocher, un dossier médical qu'on embarque – en cas de problème de santé à l'étranger, on utilise cette clé USB et on récupère des informations. La plupart des sociétés qui sont amenées à intervenir sur le plan médical à l'étranger utilisent des dossiers médicaux transportables pour ne pas découvrir un malade dans un état épouvantable sur lequel elles n'auraient pas un minimum d'informations. C'est logique.

Ce que Jean-Pierre Door, Pierre Morange et moi-même proposons n'a rien de révolutionnaire et viser les malades en ALD relève du simple bon sens : ce sont les cas les plus lourds. Retenir les sportifs de haut niveau en pleine santé ou les personnes avec des dossiers médicaux extrêmement légers n'aurait aucun intérêt. Nous devons prendre les malades qui ont les dossiers les plus importants, donc les malades les plus lourds, les malades en ALD. Je rappelle que la lutte contre l'iatrogénie constitue une priorité de santé : l'abus de médicaments dans notre pays, Mme la secrétaire d'État le sait, conduit à 130 000 hospitalisations et provoque la mort de 10 000 personnes.

S'il n'est évidemment pas question de « traquer », comme vous le dites, les gens en ALD, le simple bon sens nous amène à nous occuper de ce genre de malades.

Je pense donc que le renvoi en commission ne se justifie pas. La MECSS a beaucoup travaillé sur ce sujet, dans une relative unanimité, me semble-t-il.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Tian

Deux amendements ont été adoptés lors du PLFSS. La proposition que nous faisons est très connue, tout le monde sait exactement de quoi nous parlons.

Ce que nous avons essayé de faire, avec Jean-Pierre Door et Pierre Morange, c'est de présenter un outil simple, peut-être un peu nouveau mais qui existe néanmoins, peu coûteux et facile à mettre en place. C'est tout. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Dans les explications de vote, la parole est à M. Claude Leteurtre, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Leteurtre

Cette motion de renvoi en commission pose la question de l'utilité d'une expérimentation. La portée de cette proposition de loi est à l'évidence limitée et les deux questions que nous devons nous poser sont les suivantes : s'agit-il d'une réelle expérimentation et le cadre de l'expérimentation est-il susceptible de gêner la mise en place du DMP ?

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Leteurtre

Nous connaissons toute la difficulté de la mise en place de ce DMP, les aléas qu'elle connaît et les interrogations qu'elle suscite mais, très honnêtement, j'ai du mal à voir en quoi cette proposition de loi peut gêner la mise en place du DMP. Au contraire, j'ai le sentiment que, même si ce n'est pas totalement encadré, en essayant d'expérimenter quelque chose, on lui donne une chance.

Sur le terrain, dans les hôpitaux, dans les cabinets, nous sommes en effet confrontés à des démarches autonomes. Le cadre qui est proposé dans ce texte peut, me semble-t-il, aider à faire progresser le DMP.

Pour ces raisons, le groupe Nouveau Centre ne votera pas cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Door

Je ne comprends pas, madame Lemorton, votre intervention car, en commission, le débat semblait beaucoup plus serein.

Vous avez rempli votre sac d'arguments que je ne peux pas admettre car je les trouve fallacieux. Vous faites vraiment un procès d'intention à ce DMP sur clé USB.

Vous avez reproché une décision trop rapide. Je ne sais pas si vous en étiez mais je vous rappelle qu'une mission d'information sur le DMP a été mise en place, à laquelle des membres du parti socialiste ont participé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Door

Le problème de la clé USB avait été alors évoqué face aux syndicats médicaux, aux associations de patients et au Conseil de l'Ordre des médecins.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Door

Laissez-moi parler, je ne vous ai pas interrompue tout à l'heure.

Dans la mission sur les ALD, nous avons parlé, avec les syndicats médicaux et d'autres organismes, de la possibilité de documents informatiques portables. Tout cela avait été évoqué.

Nous avons procédé à l'audition des syndicats médicaux, le rapporteur vient de le rappeler, moi-même je les ai auditionnés. J'ai même assisté à des tables rondes avec la présidente du conseil national de l'Ordre des pharmaciens.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Monsieur Door, j'ai eu la présidente au téléphone !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Door

Personne, je vous le certifie, bien au contraire.

L'intérêt de ce DMP portable est de donner une base législative qui permettra à l'agence des systèmes d'information partagés de santé d'évaluer les projets. Aujourd'hui, ils pullulent. Ils sont plus de 10 000 aux États-Unis, et plus de 3 000 en France sur la toile. Des agences informatiques vendent des dossiers ou les font valoir aux assurés.

Il est nécessaire de mettre de l'ordre dans ce secteur et je pense qu'il reviendra à l'ASIP d'évaluer les projets, en particulier celui-ci.

Nous avons déjà donné une base législative au dossier pharmaceutique, le fameux DP, lors d'un PLFSS. En offrant aujourd'hui une base législative, nous pourrons disposer du DM pro, du dossier communiquant cancérologique, du dossier pharmaceutique et du dossier fantastique mis au point par un grand centre hospitalier parisien – son dossier informatique portable pour les patients n'attend qu'une chose, une base législative, pour être étendu alors qu'aujourd'hui il est expérimenté à l'intérieur de l'hôpital.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vitel

Nous allons leur donner cette base législative !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Door

Voilà le débat que nous attendons.

Bien entendu, le groupe UMP ne votera pas la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à Mme Marisol Touraine, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Le rapporteur a dit ce qu'il y avait à dire : c'est le scepticisme qui prévaut.

Lorsque la commission s'est réunie, nous n'avions pas procédé aux auditions qui auraient permis de connaître la manière dont les professionnels envisageaient la mise en place de ce dossier médical. Nous n'avions pas eu, et il n'y en a pas eu par la suite, de consultation des associations de patients pour voir comment elles envisagent la mise en place de ce dossier qui est susceptible de porter atteinte à un certain nombre de droits les concernant.

Notre demande de renvoi en commission, que Catherine Lemorton a défendue fort brillamment et très explicitement, est dictée par le fait que nous sommes face à un projet qui se présente comme un projet technique mais qui, en réalité, est un projet très important pour l'organisation du parcours de soins et pour la liberté du patient compte tenu du risque de divulgation d'informations le concernant.

Le scepticisme dont le rapporteur a fait état, et qu'il a bien voulu reconnaître comme étant le sentiment des professionnels de santé, nous amène à poser plusieurs questions complémentaires.

Manque de transparence, cela a été dit. Manque de cohérence également parce que, contrairement à ce que certains ont voulu faire croire, nous ne contestons absolument pas, au contraire, la nécessité de réfléchir à la mise en place d'un dossier médical dont on ne sait plus s'il faut l'appeler personnel ou partagé. Ce dossier médical, nous l'appelons de nos voeux depuis des années. Il nous avait été présenté comme une grande transformation à l'occasion de la loi Douste-Blazy mais nous nous apercevons aujourd'hui que rien n'a été fait. On nous annonce pour la fin de cette année l'arrivée du premier prototype de ce dossier médical personnel. La question qui se pose est celle de l'articulation entre le projet qui nous occupe aujourd'hui et l'arrivée dans quelques mois d'un dossier médical dont on ne sait absolument pas s'il sera différent de celui qui est présenté aujourd'hui ou s'il lui sera identique. Nous déplorons cette articulation incohérente entre un premier dossier médical et un futur dossier médical à vocation plus large.

Nous ne savons rien non plus de l'articulation entre le dossier des pharmaciens, le dossier des médecins ou celui des patients, et la nature même des informations qui demain seront contenues dans ce dossier n'est pas claire du tout.

Enfin, il nous paraît totalement incohérent d'imaginer que ce sont les patients atteints d'une affection de longue durée, parmi lesquels figurent beaucoup de personnes âgées, qui, d'un coup de baguette magique, d'un clic informatique, se convertiront aux nouvelles technologies, alors que nous savons que ce sont ceux qui ont les plus grandes difficultés à manipuler ces technologies. Une telle proposition nous paraît peu probante.

Pour toutes ces raisons, et parce que nous sommes favorables à un dossier médical partagé ou au moins personnel, nous pensons qu'il est nécessaire de revenir en commission pour étudier de façon plus approfondie le contenu d'un tel dossier. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Nous considérons que cette proposition de dossier médical sur clé USB pour les patients en ALD, ou plus exactement pour un échantillonnage de patients en ALD, n'est pas opportune à cette étape compte tenu de la perspective, que nous espérons voir se rapprocher, d'une mise en place du DMP. Je m'en expliquerai dans la discussion générale.

Une telle décision nous paraît en outre incohérente, ne serait-ce qu'avec la désignation récente du futur hébergeur du DMP. Nous ne comprenons pas bien pourquoi on met en chantier tous ces sujets alors qu'on a déjà bien du mal à traiter ceux qui sont en route.

Vous soulevez, à juste titre, monsieur Tian, avec d'autres collègues, le problème des accidents iatrogéniques. C'est un problème, c'est vrai, mais je doute que la clé USB soit à même de le régler. Je pense d'ailleurs qu'il serait opportun d'étudier très sérieusement les raisons qui conduisent à ces accidents iatrogéniques de manière à trouver les moyens de les surmonter.

Pour toutes ces raisons, sans acrimonie et sans passion, nous pensons que ce texte n'est pas opportun et nous soutiendrons la motion présentée par Catherine Lemorton.

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Dans la discussion générale, la parole est à M. Claude Leteurtre.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Leteurtre

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui un texte qui rentre dans une logique d'amélioration de l'efficacité de notre système de santé.

Je voudrais tout d'abord revenir à un sujet essentiel en lien avec la proposition de loi dont nous commençons la discussion : le dossier médical personnel, tel qu'il a été introduit en août 2004 par la loi de réforme de l'assurance maladie. Imaginé à cette époque comme un outil au service de la qualité des soins, il a fait l'objet de nombreuses critiques en raison du caractère vague de sa mission. Force est de reconnaître que, six ans après, il n'est toujours pas au point.

L'objectif du DMP est de permettre à chaque assuré social de disposer d'un dossier médical informatisé qui rassemble tout son historique médical. En 2007, il a été pris en défaut par la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Pour elle, les expérimentations montraient qu'il n'offrait pas un niveau suffisant de protection des données personnelles. Il faudra d'ailleurs tenir compte de ses observations pour la mise en oeuvre de cette proposition de loi. La CNIL estime en effet que les mesures de sécurité doivent être renforcées. Elle pointe des faiblesses plutôt alarmantes dans les systèmes actuellement testés. Comme il s'agit de données particulièrement sensibles, il ne peut y avoir de faille.

L'objectif initial était aussi de responsabiliser davantage les patients et de leur donner la possibilité de maîtriser leurs données : notre rapporteur, Dominique Tian, y a fait allusion. Or un système de stockage de données médicales sur internet correspond plutôt à une perte de la maîtrise des données.

Le DMP peut être un outil majeur pour optimiser un système de santé organisé, mais il présente également des risques d'atteinte aux données stockées si le système est inorganisé et mal contrôlé.

Poursuivant la mise en place du DMP, le 10 mars dernier, l'agence des systèmes d'information partagés de santé a notifié le marché d'hébergement du DMP. L'une des sociétés titulaires du marché héberge déjà le dossier pharmaceutique et ses 7 millions de fiches ; elle deviendra ainsi une sorte de « Big Brother » de la santé. On peut s'interroger sur le fait que la même société stocke les deux fichiers. Faisons confiance au directeur de l'ASIP santé, qui connaît particulièrement bien ladite société, et pour cause, pour éviter tous les risques.

Autre problème non encore résolu, celui de l'identifiant national de santé : C ou A. Je crois comprendre qu'un premier identifiant est adopté, le C, mais qu'il n'est pas le définitif.

Ainsi, la proposition de loi qui nous est soumise est un premier pas vers un début de réponse à toutes ces interrogations que pose encore le DMP. Quel en est le dispositif ?

Le texte prévoit que, de manière expérimentale, soit remis avant le 31 décembre 2010 à un échantillon de patients en affection de longue durée un dossier médical enregistré sur un dispositif portable d'hébergement de données informatiques.

Il faut également considérer cette proposition de loi sous l'angle économique puisqu'elle introduit un dispositif alternatif au DMP sur internet. Elle permet ainsi un rééquilibrage de la situation de monopole détenue par Santeos, l'un des hébergeurs retenu par l'ASIPS. C'est la raison pour laquelle les projets de DMP sur internet et sur support mobile doivent se dérouler dans une logique de libre concurrence ne visant qu'à réaliser des progrès dans le traitement médical.

On comprend bien la logique qui a conduit à ne retenir, dans le cadre de cette proposition de loi, que les seuls patients en ALD. Ils représentent au niveau national 13,8 % des assurés, et se voient consacrer presque 64 % des dépenses d'assurance maladie. Ce sont eux qui ont le plus besoin de soins et qui sont les plus exposés au risque iatrogénique, cause de 10 000 décès et de 130 000 hospitalisations par an. Qui plus est, pour nombre d'entre eux, l'éducation thérapeutique est essentielle. Le DMP dans sa version portable est une occasion supplémentaire de les impliquer non seulement dans leur traitement, mais aussi dans leur suivi.

Cette expérimentation doit se faire sur la base du volontariat. À l'évidence ne seront volontaires que ceux qui sont déjà familiarisés avec l'informatique. La population en ALD est en majorité composée d'une génération assez peu férue dans ce domaine, Il ne faudrait pas qu'il y ait une quelconque discrimination entre ceux qui seront volontaires et les autres. Par ailleurs, dans de telles conditions, je ne suis pas certain que les conclusions tirées de cette expérience puissent être généralisées.

Lors de l'examen de la proposition de loi en commission, je vous ai fait part de mes inquiétudes quant à la sécurisation du dispositif.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Leteurtre

Elles restent bien présentes aujourd'hui et je ne suis pas encore rassuré.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Leteurtre

Jean-Pierre Door m'a affirmé que de nouvelles technologies d'information et de sécurisation des données seraient utilisées dans la mise en place du dispositif, notamment l'identification biométrique et le cryptage des données.

Il précise également que, pour garantir une utilisation efficace et sécurisée de ce nouveau dispositif, les données du patient doivent être enregistrées par un médecin. Faut-il que ce soit seulement le médecin traitant du patient qui prenne en charge, avec lui, la coordination et le suivi du support mobile ? Les autres médecins consultés dans le cadre du parcours de soins auront-ils également un droit d'inscription dans le dossier ? Quels seront les droits du patient lui-même ? Pourra-t-il consulter son dossier ? Aura-t-il le droit de masquer une partie des informations ?

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Leteurtre

Tout cela pose la question de savoir s'il s'agit d'un dossier médical partagé ou d'un dossier médical personnel. Il y a là un problème de fond qui n'est toujours pas résolu. Le patient doit garder la maîtrise de ses données, c'est un point essentiel. Il faut sortir de la seule logique comptable qui, nous devons bien le reconnaître, avait inspiré le DMP en 2004. Il faut totalement impliquer le patient dans son suivi médical. Le DMP ne sera une réussite que si nos concitoyens en partagent l'intérêt et s'ils se sentent concernés et personnellement responsables.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Bacquet

On a déjà fait l'expérience du carnet de santé !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Leteurtre

Quoi qu'il en soit, il faudra veiller à instaurer un double cryptage des données sur le support mobile et une sauvegarde de ces données sur un disque dur chez le patient. Cela implique que le médecin ne les conserve pas sur son ordinateur mais les décrypte seulement pendant le temps de la consultation. Il le fera à l'aide d'un progiciel auquel il aura accès grâce à son numéro de licence d'habilitation et à un mot de passe.

Je m'interroge également sur la méthodologie de l'expérimentation. Qui aura la responsabilité de préparer le cahier de charges fonctionnel définissant ses objectifs ? Qui en suivra les résultats ? Il ne faudrait pas que, comme pour le DMP, nos concitoyens ne sachent rien ou presque des résultats de l'expérience.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Leteurtre

Comme l'a souligné Jean-Pierre Door, cette expérimentation devrait permettre de progresser dans la coordination des soins et d'améliorer l'efficience de notre système de santé.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Leteurtre

Le groupe Nouveau Centre souhaite contribuer activement à la solution des problèmes épineux que soulève encore la mise en place du DMP, en premier lieu, celui de savoir enfin si nous choisissons un dossier médical personnel ou partagé. Ce texte est un premier pas. Aussi, en dépit de toutes nos interrogations encore sans réponse, nous le voterons.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Door

Je vous remercie, monsieur le rapporteur, pour votre analyse exhaustive du texte et de cet objectif que nous poursuivons ensemble, avec Pierre Morange, depuis quelques années. Je vous remercie également, madame la secrétaire d'État, d'avoir accepté que nous débattions aujourd'hui sur ce sujet, après le renvoi à deux reprises de notre copie par le Conseil Constitutionnel, pour des raisons techniques : il s'agissait d'un cavalier social ou bien l'expérimentation devait être d'ordre réglementaire.

Cette proposition de loi vise à permettre l'expérimentation du dossier médical sur un support électronique portable sécurisé, pour les patients atteints de certaines ALD.

Cette disposition a été l'une des préconisations de la mission d'information sur le DMP et de la MECSS, coprésidée par Pierre Morange et Jean Mallot, et je suis personnellement heureux d'avoir obtenu la cosignature de quatre-vingt-dix collègues.

La capacité de stockage des outils informatiques ne cesse d'augmenter. Dans ce mouvement, la standardisation de matériels tend à privilégier les mémoires flash connectables sur port USB ou les simples cartes mémoires, SD par exemple.

L'objectif est de fournir à l'assuré social un support électronique qu'il puisse apporter à son médecin traitant comme au service hospitalier consulté, afin que ces derniers prennent connaissance des informations médicales stockées sur le support électronique à partir de leur poste de travail. Le succès de ces dispositifs reste toutefois tributaire de leur compatibilité matérielle et logicielle avec les équipements informatiques des professionnels de santé. De gros efforts dans ce domaine sont évidemment nécessaires.

Des questions se sont posées concernant l'intérêt, la confidentialité et la sécurisation du système, et cela appelle quelques réponses de notre part.

Son intérêt est une évidence, car c'est un service au patient incontestable, qui apportera des fonctionnalités complémentaires au prochain DMP qui sera développé à partir de la fin de 2010 par l'ASIP. Cette clé USB de santé permet au patient d'être propriétaire des divers documents produits lors de chaque venue à l'hôpital, de chaque consultation, et des comptes rendus correspondants.

La confidentialité sera bien entendu respectée. Certains patients pourront toujours refuser d'inscrire ou de faire inscrire leurs données médicales.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Door

Le dossier numérique détenu par son titulaire sera alimenté par le médecin traitant, par tout spécialiste consulté, par tout service hospitalier, à la demande expresse du patient.

La sécurisation est primordiale, qu'il s'agisse de la sécurité informatique, avec cryptage du support, authentification de l'utilisateur par mot de passe et biométrie, mais aussi de la sécurité de l'information par authentification de l'auteur des informations fournies et gravées, traçabilité des accès et, bien entendu, ce qui est techniquement possible, sécurité en cas de vol ou de perte du support.

L'essentiel de cette proposition est de rendre le dispositif facile et rapide à déployer tout en assurant une convivialité et une appropriation facile pour les usagers. Il ne se présente en aucune manière comme une alternative au DMP, mais plutôt comme un complément ciblé et une étape migratoire et – pourquoi pas ? – une plus-value, en se considérant comme « un service nomade médical sécurisé ».

En créant le DMP en 2001, le législateur voulait améliorer la prise en compte de la santé de toute personne dans sa globalité, mieux coordonner les acteurs de la santé, mieux assurer la continuité des soins, supprimer les actes répétitifs inutiles et le risque de iatrogénie et, enfin, améliorer la qualité des soins, grâce à un effort de collecte et de partage de l'information utile, le patient et les différents professionnels de santé participant, chacun dans son rôle, à l'acte de soin.

Si nous voulons être réactifs, nous devons être cohérents avec notre objectif, la qualité des soins, sachant que le nombre de sites internet consacrés à la santé était en 2004 supérieur à 10 000 aux USA et à 3 500 en France – il n'est pas loin de 7 000 aujourd'hui –, et que, de l'avis de ses acteurs, le marché de l'e-santé se développe avec une grande hétérogénéité dans la qualité des informations et des services proposés, entraînant des risques de santé particuliers pour l'usager internaute, notamment en matière de médicaments.

Expérimentation sur deux ans, orientation vers les porteurs de certaines affections de longue durée, maladies chroniques, contrôle et évaluation par l'ASIP, recherche de l'interopérabilité des logiciels métiers médicaux, dans le monde ambulatoire comme dans le monde hospitalier, tel est le cadre que nous proposons avec Dominique Tian et Pierre Morange.

Je souhaite, madame la secrétaire d'État, que ce texte reçoive votre assentiment. Le boîtier que je vous montre contient une clé USB pour dossier médical de très grande qualité, que personne ne peut lire sans l'authentification du service hospitalier ni la biométrie du patient. Ce dossier médical d'un grand service hospitalier parisien est un exemple de ceux qui attendent l'aval législatif que nous proposons aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Orliac

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, cette proposition de loi, présentée par plusieurs de nos collègues du groupe UMP, prévoit l'expérimentation du dossier médical sur clé USB sécurisée pour les seules personnes atteintes d'une affection de longue durée.

Le groupement d'intérêt public « Agence des systèmes d'information partagés de santé » sera chargé, d'une part, de fixer la liste des régions concernées par cette expérimentation et, d'autre part, d'en faire le bilan dans le cadre d'un rapport annuel au Parlement.

Les questions qui se posent d'emblée, à la lecture de cette proposition de loi, sont, pour nous, députés radicaux de gauche, les suivantes. Qu'apporte véritablement ce texte ? En quoi peut-on parler d'une avancée et d'une initiative législative inédite ? Ne s'agit-il pas plutôt d'une mesure gadget, d'une fausse bonne idée, ou peut-être même, pire encore, d'une mesure susceptible, en distinguant plusieurs catégories, de créer de la confusion dans la gestion du DMP et donc de nuire à l'ensemble ? On peut craindre en effet que le dispositif ne vienne brouiller la communication naissante sur la relance du DMP.

Quoi qu'il en soit, cette proposition de loi n'est jamais que la reprise – en d'autres termes et avec un champ d'application différent, certes, mais reprise tout de même – d'une disposition déjà adoptée deux fois par notre assemblée dans le cadre de textes beaucoup plus vastes : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, d'abord, puis projet Hôpital, patients, santé et territoires.

Dans les deux cas, le Conseil constitutionnel est revenu sur la mesure. Les arguments de forme auxquels il a recouru ne cachent pas pour autant un certain malaise quant au fond d'une telle disposition, qui n'est pas sans poser de réels problèmes de confidentialité et d'utilisation des données ainsi enregistrées sur un support informatique. J'y reviendrai.

Au-delà de l'expérimentation contenue dans la présente proposition de loi pour les seules personnes atteintes d'une affection de longue durée, le vrai débat qu'il nous faut avoir doit porter sur le DMP, qui se fait toujours attendre. Faut-il interpréter ce texte comme le début de la fin d'un DMP dont la mise en oeuvre ne cesse de prendre du retard ?

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Orliac

Instaurer l'expérimentation, dans certaines régions, d'un dispositif limité à certaines personnes tout en promettant de l'étendre plus tard à toute la population, c'est souvent le meilleur moyen d'enterrer un projet coûteux sans le dire. Si c'est cela, ce n'est pas acceptable, madame la secrétaire d'État. Il vous faut assumer le coût financier de vos réformes et des décisions votées par le Parlement, et certainement pas utiliser quelques stratagèmes pour gagner du temps et ajourner encore un projet attendu.

Car le DMP – cela a été dit à plusieurs reprises à cette tribune – est d'un grand intérêt pour les professionnels de santé comme pour les patients. Il assure aux premiers l'accès aux informations sur la santé du patient, avec bien évidemment l'accord de ce dernier. En même temps, il offre des garanties évidentes de suivi pour le patient. Vous le comprenez, si nous sommes plus que réservés sur cette proposition de loi, nous sommes, que les choses soient claires, tout à fait favorables au DMP, dont nous souhaitons l'entrée en application au plus vite.

La proposition de loi de nos collègues UMP pose encore d'autres problèmes de fond. Si ce texte vient à être adopté par le Parlement, comment seront retenus les bénéficiaires de cette clé USB, sachant que les critères doivent être établis par le groupement d'intérêt public ?

Par ailleurs, retenir les seuls patients atteints d'affections de longue durée peut laisser craindre une remise en cause de la prise en charge de ces affections, remise en cause déjà engagée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010. De plus, la population ciblée par l'expérimentation est susceptible de passer du secteur de soins ambulatoires au secteur d'hospitalisation ; aussi l'épisode de soins en hospitalisation devrait-il figurer sur cette clé USB.

Au regard de la déontologie médicale, de l'avis du docteur Lucas, du Conseil national de l'ordre des médecins, chaque médecin devrait inscrire lui-même les constatations et les conclusions de son intervention auprès du patient, qui est libre d'accepter ou de refuser le dispositif. L'inscription doit être authentifiée, datée et non altérable, et le médecin ne pourra refuser d'inscrire une donnée si le patient le lui demande. En outre, la responsabilité du médecin ne pourra être engagée dans le cas où une donnée ne serait pas inscrite, soit parce que le patient ne lui a pas dit qu'il disposait d'un dispositif portable, soit parce qu'il a refusé qu'une donnée soit inscrite. J'ajouterai que le dispositif ne doit pas alourdir la consultation et doit rester économe du temps médical ; c'est aujourd'hui essentiel.

Enfin, soucieux des libertés, les radicaux de gauche s'inquiètent de la confidentialité des données enregistrées sur la clé USB, qui n'est autre qu'un fichier supplémentaire. C'est pourquoi il nous semble indispensable que la CNIL puisse donner un avis conforme sur la rédaction du décret d'application. Aucun doute ne doit subsister, toutes les garanties doivent être apportées, et le Conseil national de l'Ordre des médecins doit être associé, avec l'ASIP Santé, à la rédaction de ce décret.

Monsieur le rapporteur et auteur de la proposition, mes chers collègues, les députés radicaux de gauche n'approuveront pas ce texte. Nous vous demandons, madame la secrétaire d'État, de faire le nécessaire pour permettre la mise en oeuvre au plus vite du DMP, un dossier médical personnel pour tous et sur tout le territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il ne fait pas de doute que la proposition de dossier médical sur clé USB qui nous est faite aujourd'hui est une façon de relancer le dossier médical personnel, créé par la loi sur l'assurance maladie d'août 2004 et qui devait voir le jour en 2007, l'année même où, selon M. Douste-Blazy, alors ministre de la santé, l'assurance maladie devait revenir à l'équilibre. Je n'insiste pas.

Né sous de tels auspices, le DMP mérite amplement son surnom de « dossier mal parti ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Il semble effectivement urgent de faire quelque chose pour le relancer. Mais mettre le dossier médical sur une clé USB ne nous semble pas la solution. Il est même à craindre que cela n'enterre le DMP.

Dans le principe, on ne peut qu'approuver l'objectif d'un dossier médical recensant toutes les données d'un patient et accessible aux médecins qui le suivent, même si, dès le départ, ce DMP repose sur une grave ambiguïté : est-ce un outil au service de la santé du patient ou un outil de contrôle au service de l'assurance maladie ? Le principal obstacle au DMP est-il une question d'outil ou tient-il plutôt au sens que l'on veut donner à cet outil ? Ces questions doivent être débattues et tranchées.

Bonne idée dans son principe, le DMP se heurte, dans la pratique, à des difficultés d'ordre technique et à d'autres ayant trait à la protection de la vie privée. Avant d'expérimenter l'hébergement de ce dossier sur clé USB, il est donc nécessaire de surmonter ces obstacles, car cette expérimentation ne le permettra pas, se contentant d'en ajouter de nouveaux.

D'ailleurs, cette nouvelle expérimentation s'inscrit, vous le savez, dans une longue série d'échecs. En 1985 et 1986 a été expérimentée la carte santé pour le centre hospitalier de Blois, les cliniques privées et les médecins libéraux environnants. En 1988, ce fut Santal, à Saint-Nazaire, puis la carte Vitale 2 avec son volet santé. Si l'on doit retenir une seule leçon de ces échecs successifs, c'est que, pour qu'un tel dispositif fonctionne, il faut non seulement qu'il soit au point techniquement, mais aussi que ceux qui doivent l'utiliser, les patients et les médecins, y trouvent un avantage, un intérêt réel.

Concernant le dossier médical sur clé USB, ces deux conditions ne nous paraissent pas remplies. On a vu que les défauts inhérents au dossier médical personnalisé concernaient également la clé USB, mais d'autres problèmes techniques viennent encore s'ajouter.

Les patients auxquels l'expérimentation de ce dispositif sera proposée sont des patients « lourds », en ALD, ayant par conséquent un dossier médical volumineux. Or la mémoire des clés USB ne semble pas suffisante à l'heure actuelle pour accueillir toutes les données de ces patients, notamment celles de l'imagerie médicale.

Par ailleurs, les contraintes de sécurité et de moyens financiers semblent antinomiques. Il est prévu que le dossier médical sur clé USB soit sécurisé par un dispositif biométrique. Il existe certes des clés dotées d'un lecteur d'empreintes digitales, mais elles coûtent cher, nettement plus que l'estimation avancée de huit euros pièce.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Enfin, il existe un risque non négligeable de contamination par des virus informatiques des ordinateurs dans lesquels seront insérées les clés USB.

À ces problèmes techniques s'ajoute celui de la nécessaire mise à jour du dossier. Il est prévu que seul le médecin traitant puisse ajouter des données au dossier médical de son patient, les médecins spécialistes n'ayant que la possibilité de lire ces informations. Or la mise à jour du dossier médical ne pourra se faire que dans le cadre de la consultation, puisque la clé USB sera transportée par le patient et que ses empreintes digitales seront nécessaires pour avoir accès aux données. Est-ce vraiment le rôle du médecin généraliste, déjà débordé de travail, de rentrer les résultats des examens complémentaires pratiqués par ses confrères ? Est-ce la conception que l'on se fait du médecin généraliste, « médecin de premier recours », sorte de secrétaire médical chargé de mettre à jour pour ses confrères spécialistes le dossier de ses patients ?

Cerise sur le gâteau : le médecin généraliste, seul habilité à transcrire les résultats des examens pratiqués par d'autres, assumera également seul la responsabilité en cas d'erreur de transcription, alors que sa salle d'attente est pleine et que le tarif de ses consultations n'est toujours pas revalorisé.

Ce dispositif n'apporte donc rien aux généralistes chargés de sa gestion, sinon du travail en plus. Aussi les chances pour qu'ils l'adoptent me paraissent-elles bien minces. Or, sans eux, c'est l'échec assuré.

Il existait bien un dispositif prévoyant l'obligation, pour le médecin qui y adhérait, de tenir à jour le dossier médical de ses patients. C'était l'option du médecin référent, par laquelle les médecins volontaires, contre une rémunération forfaitaire, s'engageaient notamment à respecter les tarifs conventionnés, à ne pas pratiquer de dépassements d'honoraires, à prescrire des médicaments génériques, à participer à des campagnes de prévention et, enfin, à tenir pour chaque patient un dossier médical informatisé. C'était une très belle expérience, et c'est justement la loi de 2004 sur l'assurance maladie qui, sous la pression des syndicats de médecins libéraux, a enterré cette option à laquelle 15 % des médecins généralistes avaient pourtant adhéré et qui se faisait progressivement une place.

Si cette option existait encore, elle constituerait une expérimentation pertinente, grandeur nature, nous permettant de croire en la faisabilité du dossier médical sur clé USB. Sans elle, les médecins généralistes ne donneront pas de leur temps précieux pour jouer les secrétaires, et ce dispositif sera un échec de plus.

Il appartient aux élus de définir les priorités. Or, dans le contexte actuel, où l'accès et la continuité des soins sont mis à mal, où les hôpitaux publics se voient soumis à des contraintes budgétaires incompatibles avec leurs missions de service public, l'expérimentation d'un tel dispositif, sinon voué à l'échec, en tout cas redondant avec le dossier pharmaceutique, ne me paraît pas une priorité. Bien au contraire, elle est incohérente avec la désignation récente, au terme d'un appel d'offres, du futur hébergeur du DMP. Nous devrions nous concentrer plutôt sur le dossier médical personnel en nous attachant à résoudre les difficultés qui lui font obstacle. Ne nous égarons pas dans un énième dispositif, inutile, risquant d'ajouter de nouvelles difficultés et, de surcroît, quoi qu'on en dise, stigmatisant pour certaines catégories de patients.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Delatte

Madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, entre les sceptiques et les défaitistes, nombreux sont ceux qui se désespéraient de voir un jour le dossier médical personnel mis en place. Aujourd'hui, grâce à l'initiative de nos collègues Jean-Pierre Door, Pierre Morange et Dominique Tian, nous versons enfin dans le camp des optimistes et surtout des volontaristes. Je me félicite de leur proposition de loi, dont l'objet est majeur puisqu'il engage l'expérimentation du DMP, rejoignant ainsi la position, je dirai même la détermination, de Mme la ministre de la santé dans le cadre de la loi HPST.

Nous partageons les uns et les autres l'objectif de ce dispositif qui tend à améliorer l'efficience de notre système de santé, en assurant un meilleur suivi des patients et une meilleure coordination des soins.

Dans mon rapport sur les crédits de santé de la loi de finances pour 2010, j'avais souligné que la réussite de la diffusion du DMP passait inévitablement par une montée en charge rapide de la diffusion de la carte de professionnel de santé, la CPS, pour qu'elle soit généralisée au plus vite tant auprès des médecins libéraux que des professionnels hospitaliers. Les deux éléments sont en effet liés.

Si l'expérimentation ainsi proposée à destination des patients atteints d'affections de longue durée est judicieuse et chargée d'espoir pour la généralisation du DMP, je souhaite cependant formuler deux observations.

Premièrement, je souligne qu'il ne faut pas s'enfermer dans un choix réducteur et contraignant en se limitant à la clé USB comme support technique sécurisé du DMP. D'ailleurs, je ne pense pas qu'un tel choix technique relève de la décision législative. Surtout, au regard des évolutions technologiques galopantes, la pérennité d'un tel support pourrait rapidement être rattrapée par son obsolescence. De plus, ce support est relativement encombrant. Je vous remercie, monsieur le rapporteur, d'avoir entendu cette observation en acceptant l'amendement que j'ai déposé devant la commission des affaires sociales visant à substituer aux mots : « clé USB », les mots : « support portable numérique sécurisé » dans le titre de la proposition de loi. J'ajoute que cette modification est en cohérence avec l'article unique puisque l'alinéa 2 emploie l'expression plus générale de « dispositif portable d'hébergement de données informatiques ».

Deuxièmement, je reste persuadé qu'il est nécessaire de crédibiliser la démarche d'expérimentation du dossier médical sur support mobile informatique sécurisé par la mise en place d'un comité de pilotage composé de l'ensemble des acteurs concernés. En 2010, dans son rapport public annuel, la Cour des comptes a d'ailleurs souligné combien il est important d'associer à cette démarche l'ensemble des personnes concernées par le développement des systèmes d'information de santé, notamment les professionnels du champ sanitaire. Il est en effet essentiel que les professionnels et les usagers puissent être intégrés, à un moment ou à un autre, au processus expérimental. C'est à mon sens un gage de réussite pour la promotion du DMP. Aussi, je regrette que la commission des affaires sociales n'ait pas retenu l'idée d'un comité de pilotage et de suivi. Je reconnais toutefois que le texte prévoit qu'un rapport annuel dressera le bilan de l'expérimentation.

Cette proposition de loi constitue une étape déterminante dans la mise en place du DMP car, contrairement à ce que je viens d'entendre de la part de quelques collègues, l'expérimentation va à la fois révéler toute sa pertinence au travers de la population cible, pour laquelle les risques iatrogéniques sont majeurs, et ouvrir les voies de la vulgarisation du dispositif, source d'efficacité et de modernité pour notre système d'information de santé.

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, on a le sentiment que ce texte constitue une tentative de rattrapage d'un dossier situé sur un toboggan géant et qui, depuis plusieurs années, dévale à toute allure, on ne sait trop vers où...

Il y a six ans, à l'occasion de l'adoption de la loi qui porte le nom du ministre de la santé de l'époque, Philippe Douste-Blazy, était voté en grande pompe un dispositif qui faisait du dossier médical – à l'époque partagé – le pivot d'une politique de santé qui devait être à la fois plus rigoureuse financièrement et mieux structurée autour du patient. C'était l'idée que d'une meilleure structuration du parcours de soins pourraient naître un certain nombre d'économies, évidemment présentées comme fondamentales. Mais, au fur et à mesure que le temps passait, on a eu le sentiment que le débat devenait de plus en plus technique, avec un dossier médical dont la définition variait et dont on ne savait plus quel objectif lui était assigné.

Aujourd'hui, au terme d'un processus dont nous ne savons pas s'il est maîtrisé, nous nous retrouvons devant un dossier médical qui n'est plus « partagé » – parce que c'est apparu comme trop dangereux au regard des données qu'il contient – mais « personnel ». Le parcours pour en arriver là aura coûté énormément d'argent : combien aura été dépensé sans aucun résultat ? J'aimerais que le Gouvernement nous donne une estimation du montant. Je rappelle que les dépenses s'élèvent à 44 millions pour la seule année 2009. Je ne sais trop si nous nous retrouvons aujourd'hui pour tenter de sauver le soldat perdu ou pour essayer d'ouvrir une nouvelle perspective.

Ce qui a été également fatal au dossier médical personnel, c'est, depuis toutes ces années, la volonté gouvernementale d'en faire un instrument technique de rationalisation financière bien plus qu'un instrument au service d'une politique de santé qui place le patient au coeur du dispositif. Comme cela a été rappelé, le dossier médical avait pleinement son sens adossé à un médecin référent et à une restructuration du système de santé autour de la personne malade ou susceptible de le devenir. Mais, progressivement, il est apparu qu'il s'agissait purement et simplement de réaliser des économies. C'est sans doute ce qui a contribué à sa perte.

Faut-il se réjouir de cette proposition de loi et y voir le signe d'un nouveau départ ? Faut-il au contraire y voir l'énième rebondissement d'une histoire qui n'en a que trop compté ? Je crains qu'il ne faille répondre à la seconde question par l'affirmative car ce texte présente deux écueils fondamentaux qui nous amènent à le considérer avec beaucoup de scepticisme. En effet, il fait preuve d'un manque de cohérence flagrant au regard de l'environnement politique actuel et il n'est pas pertinent dans ses choix techniques.

L'année dernière, Mme Bachelot nous annonçait, avec un sens certain de la théâtralisation, que 2009 serait « l'année du passage à l'acte pour le dossier médical personnel ». Je ne sais pas ce qu'elle entendait exactement par ce passage à l'acte annoncé de manière tonitruante. Peut-être s'agissait-il seulement de la mise en place de l'Agence pour les systèmes d'information partagés, qui a effectivement enfin vu le jour et qui a attribué l'hébergement des données du dossier médical au consortium La Poste - Atos Origin. En tout cas, au-delà de cette mise en place, il n'y a rien eu. C'est donc l'année 2010 qui devrait enfin permettre au DMP de voir le jour.

Or, précisément au moment où nous touchons au but, si je prends au pied de la lettre les déclarations du Gouvernement, au moment où, enfin, ce dossier médical va voir le jour, la majorité nous sort de son chapeau un projet de nouveau dossier que l'on ne sait même pas comment appeler. En effet, de deux choses l'une : ou bien l'expérimentation proposée n'a rien à voir avec le projet plus vaste de dossier médical qui nous est annoncé, mais expérimentation suppose à terme généralisation, et je me demande pourquoi devraient coexister à l'avenir deux types de dossier médicaux, dont on ne sait pas en plus comment ils pourraient s'articuler ; ou bien le dossier présenté aujourd'hui est en tout point semblable à celui qui va arriver demain et il s'agit simplement d'anticiper sur la marche à suivre, mais alors je ne vois pas la raison de faire aujourd'hui ce qui est annoncé pour demain et je ne vois absolument pas comment s'articuleront les deux processus. Je comprends donc qu'au Sénat, Nicolas About ait qualifié de « gadget » cette version light du DMP. On a le sentiment que l'on nous donne un os à ronger en attendant que voie le jour le dossier médical. Mais puisque nous attendons depuis six ans, on peut bien attendre six mois de plus. Nous saurons réfréner notre impatience.

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Dès lors, nous avons plutôt l'impression que cette proposition de loi acte l'échec du DMP dans sa forme initiale, et donc qu'il s'agit d'un autre projet.

Mais ce nouveau projet est-il pertinent ? Notre réponse est négative. Certes, le tout informatique est une belle idée, mais qui risque de rester malheureusement théorique. Sur le plan des principes, nous ne pouvons évidemment pas être hostiles à un dispositif sur support virtuel mais, concrètement, il en va différemment. Ainsi, s'agissant des médecins, seuls 67 % d'entre eux sont informatisés d'après la Cour des comptes, et les parcs informatiques des hôpitaux sont pour la plupart obsolètes. Quant aux Français qui disposent d'un matériel informatique moderne, ils ne sont pas majoritaires. Une clef USB lue seulement dans un cabinet médical sur deux, ce n'est tout de même pas le gage d'une efficacité formidable.

Pour les patients, ce que vous nous proposez n'est rien d'autre que la version informatique du carnet de santé sur papier, le carnet de santé Juppé qui a connu un échec retentissant et très coûteux : 400 millions d'euros. On ne voit pas pourquoi ce qui n'a pas marché en version papier marcherait miraculeusement parce que l'on serait passé à la version informatique. On peut d'autant plus se poser la question que le texte fait le choix d'une expérimentation auprès des personnes qui souffrent d'une affection de longue durée alors que 60 % d'entre elles sont âgées de plus de soixante ans, et 20 % de plus de quatre-vingts ans. Ce n'est pas la population qui est la plus spontanément portée vers les nouvelles technologies.

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Monsieur le rapporteur, vous nous avez dit que tous les ordinateurs du monde acceptent les clefs USB, mais il n'est pas sûr que tous les patients en ALD de France soient sensibilisés à l'informatique.

Je suis également sceptique s'agissant du choix de faire porter cette expérimentation sur les personnes souffrant d'une affection de longue durée ; il aurait été préférable de tenir compte de la diversité des situations médicales, par exemple en centrant l'expérimentation sur un territoire géographique donné. Mais, comme vous l'avez dit vous-même, les 14 % d'assurés en ALD représentant les deux tiers des dépenses, peut-être avez-vous la tentation de faire de ce dispositif un outil de contrôle supplémentaire.

Je terminerai en soulignant que les questions non résolues soulevées par cette proposition de loi restent très nombreuses. Ce dispositif n'a de sens que si l'on met en place un stockage centralisé des données, ce qui permettrait notamment que la perte de la clef n'entraîne pas une perte des données. Or rien n'est prévu à ce sujet dans le texte. Et qu'en est-il de la sécurité des données, du droit au masquage des informations, de l'interopérabilité des différents systèmes ? Ces questions demeurent toujours sans réponse. Cela fait six ans que cette absence de réponse nous empêche d'avancer. Manifestement, rapports, missions et expérimentations se succèdent sans apporter de solutions concrètes.

Cette proposition de loi, mes chers collègues, apporte seulement un peu plus de complexité au dispositif existant. C'est parce que nous aurions voulu un véritable dossier médical personnel, voire partagé, au centre d'un dispositif de santé faisant du patient le coeur du système, que nous ne pouvons nous satisfaire de la mesurette que vous nous présentez.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Bernier

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le 25 mai 2004, dans ce même hémicycle, je posais une question d'actualité au ministre de la santé et de la protection sociale de l'époque, M. Philippe Douste-Blazy, sur son annonce de dossier médical informatique pour tous. En effet, ce dossier alors appelé « dossier médical partagé » était en cours d'expérimentation dans mon département de la Mayenne, et sa généralisation sur tout le territoire national était prévue en 2007. Me réjouissant alors de cette perspective, je lui demandais comment on allait garantir la confidentialité des données médicales.

Cher Jean-Pierre Door, nous avons travaillé ensemble, dans le cadre d'une mission d'information parlementaire, sur ce dossier médical devenu « personnel ». Presque six ans après la question que je viens d'évoquer, il nous faut admettre que ce projet n'a pas connu le développement que nous espérions alors. Les raisons de ce retard, nombreuses et variées, ont été rappelées par divers orateurs : difficultés techniques, inadéquation des dispositifs mis en place, problème épineux de la confidentialité, volonté des patients de garder le droit de masquer certaines informations, sans compter l'invalidation par le Conseil constitutionnel, deux fois de suite, de dispositions que nous avions votées. Ce sujet devient un véritable serpent de mer !

C'est ainsi que nous nous retrouvons aujourd'hui pour envisager une expérimentation du dossier médical sur clé USB sécurisée pour les patients atteints d'affections de longue durée. Cette disposition, nous l'avions déjà votée lors de l'adoption de la loi HPST.

Certes, il s'agit là d'un pas important puisque ces patients sont de gros consommateurs de soins : ils représentent 15% des assurés mais consomment 65% des dépenses d'assurance maladie. Il est donc important qu'ils puissent bénéficier de cette innovation dont les avantages attendus sont nombreux.

Si nous soutenons ce dossier médical depuis tant d'années, c'est bien parce que l'on en espère un meilleur suivi du patient, une meilleure coordination des soins et une amélioration de leur qualité.

Le DMP contribuera aussi à éviter les problèmes d'iatrogénie médicamenteuse, dont le risque est amplifié chez les patients atteints d'affections de longue durée. Il est donc essentiel qu'ils puissent en bénéficier en premier.

Nous y voyons aussi une source de maîtrise des dépenses de santé, puisque ce partage va permettre d'éviter les actes et les examens redondants, encore nombreux actuellement.

Enfin, le DMP participera à la modernisation de notre système de santé. Avec la télémédecine, c'est l'un des outils susceptibles de faciliter la vie et le suivi des patients mais aussi la tâche des professionnels de santé.

Ces outils seront particulièrement précieux dans les zones où l'offre de soins est déficitaire et où les déplacements constituent une plus grande contrainte pour les patients et une charge plus lourde pour la sécurité sociale.

Pour toutes les raisons que je viens d'évoquer, je serai donc très heureux de voter en faveur de l'expérimentation du dossier médical sur clé USB. Celle-ci sera une étape avant la mise en oeuvre du dossier médical et elle contribuera à l'amélioration de notre système de santé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Robinet

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, j'avais été très intéressé, lors du vote du projet de loi HPST, par les dispositions prévues à l'article 50 de ce texte.

Sur le fond, tout d'abord. Étant moi-même praticien hospitalier, j'imagine bien tous les avantages que pourrait apporter le système clé USB à la gestion du dossier médical personnel.

Mais l'objectif du dossier est de permettre une meilleure coordination des soins et d'améliorer l'efficience de notre système de santé. Il s'inscrit dans le mouvement en faveur de l'informatisation des dossiers médicaux et du système de santé.

La France accuse un certain retard, notamment en matière de partage d'informations sur les données de santé. Or ce partage est au coeur d'enjeux considérables : amélioration de la continuité et de la coordination des soins ; meilleure maîtrise des dépenses de santé en évitant notamment les actes et les examens redondants ; réduction de l'iatrogénie médicamenteuse.

Le système clé USB s'inscrit pleinement dans le cadre de la relance du programme du dossier médical personnel. Je me réjouis donc des perspectives que va offrir sa prochaine expérimentation pour les patients atteints d'affections de longue durée.

Cependant, nous connaissons tous le processus par lequel cette disposition est passée : elle a été censurée à deux reprises par la Conseil constitutionnel. Je crois utile de rappeler que cette censure était purement procédurale et que rien, sur le principe, n'aurait pu être reproché au texte.

Après ces épisodes, le dépôt de la proposition de loi que nous soumettent nos collègues de la commission des affaires sociales Dominique Tian, Pierre Morange et Jean-Pierre Door – qui avait notamment présidé la mission d'information sur le dossier médical personnel – est une bonne nouvelle pour nous tous.

Sur la forme, ensuite, je rappelle que la première initiative en ce sens découlait d'un amendement parlementaire au PFLSS pour 2009, à nouveau déposé lors de l'examen du projet HPST. Aujourd'hui, c'est bien une proposition de loi qui nous est soumise. Dans nos rangs, nous comptons des scientifiques qui travaillent dans le domaine de la santé. Ces initiatives sont, à mon avis, une preuve de leur capacité à apporter dans la loi des réponses concrètes aux enjeux de santé publique auxquels ils sont confrontés dans leur vie professionnelle.

Sur le dispositif lui-même, enfin, j'observe que le public – patients ou observateurs des travaux parlementaires – pourrait se demander pourquoi ne sont concernés que les patients atteints d'affections mentionnées à l'article L322-3, alinéa 3 et 4, du code de la sécurité sociale, c'est-à-dire d'affections de longue durée. Il est donc important de préciser – comme l'ont fait certains orateurs et aussi les auteurs d'amendements dans leurs exposés des motifs – que ces affections représentent près de 64% de nos dépenses d'assurance maladie.

Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

J'appelle maintenant l'article unique de la proposition de loi dans le texte de la commission.

Je suis saisi d'un amendement de coordination de la commission, n° 6.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée des aînés

Avis favorable.

(L'amendement n° 6 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n°4, qui fait l'objet d'un sous-amendement n°5.

La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l'amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Decool

Il s'agit de garantir l'information complète de l'assuré avant la mise en oeuvre du dispositif prévu.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Tian

Sous réserve de l'adoption de son sous-amendement n°5, qui est de simple coordination, la commission émet un avis favorable.

En effet, s'il ne me paraît pas indispensable, cet amendement peut aller dans le sens d'une meilleure protection des patients et lever ainsi certaines réticences. Il est vrai que l'information du patient est déjà prévue expressément, mais une répétition ne nous dérange pas, même si elle alourdit un peu la loi et la rend bavarde.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement et l'amendement ?

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée des aînés

Favorable.

(Le sous-amendement n° 5 est adopté.)

(L'amendement n° 4, sous-amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n°3.

La parole est à M. Jean-Pierre Decool.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Decool

Il convient que le futur décret fixant les conditions d'application de l'article unique envisage également le problème de la sécurisation des données recueillies, dans le but de protéger l'assuré et de respecter sa vie privée.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Tian

Favorable. Nous comprenons et partageons l'objectif de M. Decool d'aller vers une sécurisation maximale, et surtout de rassurer les patients – voire les médecins – sur ce point.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Juste une intervention très rapide et sous forme de question : comment se situe le dossier pharmaceutique par rapport à cette clé USB ou ce support informatique ?

Il était prévu que le DP puisse s'intégrer dans le DMP, une fois qu'il serait en place, donnant ainsi un historique beaucoup plus complet du patient. Puisque l'on parle d'accidents iatrogéniques, le DP avait toute sa place dans le DMP.

Le DP comprend à la fois les médicaments prescrits et l'automédication, elle aussi responsable d'iatrogénies médicamenteuses. Au cours de l'expérimentation sur cette clé USB ou tout autre support informatique, y aura-t-il la possibilité d'une interopérabilité avec le DP ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Door

Je me propose de répondre à Mme Lemorton.

Le DP est un dossier entre le pharmacien et l'assuré ; il reste dans l'ordinateur du pharmacien. Il pourra être relié au DMP ultérieurement. Mais il ne sera pas directement relié à la clé USB, sauf si le médecin l'y transcrit parce qu'il a connaissance des ordonnances et des traitements. On ne pourrait faire le lien immédiatement entre le DP et la clé USB que si celle-ci était compatible avec l'ordinateur du pharmacien. Ce n'est pas prévu dans le cadre de l'expérimentation, à moins que l'ASIP ne l'autorise par la suite.

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Ce n'est pas très intéressant alors !

(L'amendement n° 3, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Avant de mettre aux voix l'article unique de la proposition de loi, j'indique à l'Assemblée que, conformément aux conclusions de la commission, le titre est ainsi rédigé : « Proposition de loi relative à l'expérimentation du dossier médical sur tout support portable numérique sécurisé pour les patients atteints d'affections de longue durée ».

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je mets aux voix l'article unique de la proposition de loi.

(L'article unique de la proposition de loi, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Proposition de loi visant à encadrer la profession d'agent sportif.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma