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Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 23 mars 2010 à 15h00
Développement des sociétés publiques locales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoland Muzeau :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, adoptée par le Sénat le 4 juin dernier, la proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui concrétise une attente forte des élus locaux et répond à une de leurs préoccupations essentielles : conforter le principe de leur libre administration.

Cette proposition de loi a en effet pour objet de tirer les conséquences de l'évolution de la jurisprudence européenne et de reconnaître aux collectivités locales la possibilité de bénéficier du régime « in house » pour les opérations économiques encore soumises au dogme libéral des obligations concurrentielles. Il s'agit en quelque sorte d'en revenir à la situation qui préexistait avant la remise en cause par la Commission européenne des contrats de mandat, passés entre les personnes publiques et les sociétés d'économie mixte, issus de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée, et de reconnaître à nouveau la spécificité de l'investissement public et des prestations des entreprises publiques locales.

Il s'agit certes d'une dérogation limitée, qui trouve son origine dans le fameux arrêt du 18 novembre 1999 de la Cour de justice des Communautés européennes qui, pour la première fois, a dégagé les critères permettant d'exempter le pouvoir adjudicateur – la collectivité publique – de l'obligation de mettre en concurrence une société à qui il souhaite acheter une prestation. Ces critères ont depuis été complétés et précisés. Je ne reviendrai pas sur les développements pertinents du rapport de notre collègue Jean-Pierre Schosteck, sinon pour rappeler que ces critères ont déjà été consacrés dans notre droit à l'occasion de la discussion de la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, qui avait notamment proposé la création, pour une période expérimentale de cinq ans, des sociétés publiques locales d'aménagement.

C'est le succès plus que mitigé de ces fameuses SPLA, aux règles de création complexes et au champ d'action très limité, qui a conduit les promoteurs de la présente proposition de loi à proposer la création de SPL au champ de compétences élargi. Cette unanimité sur l'ensemble de nos bancs est d'ailleurs réjouissante.

Ce texte, à l'instar des amendements adoptés par nos collègues sénateurs, tire les enseignements pratiques de l'expérimentation des sociétés publiques locales dans le domaine de l'aménagement. Ainsi, il a été proposé de permettre aux collectivités territoriales de déroger au code de commerce qui impose, s'agissant des sociétés anonymes, un minimum de sept actionnaires. Cette obligation faisait obstacle à la réalisation d'un projet ou à la gestion d'un équipement intéressant un nombre inférieur de partenaires publics.

Nous approuvons, bien entendu, cette nouvelle dérogation, de même que nous approuverons l'amendement proposé par notre rapporteur, qui complète la législation applicable aux délégations de service public afin de permettre aux SPL de bénéficier de la jurisprudence communautaire relative aux « prestations intégrées » dans les mêmes conditions et pour les mêmes motifs que les établissements publics. Cet amendement contribue en effet, à nos yeux, à consolider et unifier la notion d'opérateur public dégagée par le règlement du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007, relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer, et qui le définissait de la manière suivante : « une entité juridiquement distincte sur laquelle l'autorité locale compétente ou, dans le cas d'un groupement d'autorités, au moins une autorité locale compétente, exerce un contrôle analogue à celui qu'elle exerce sur ses propres services ».

Dotées de compétences élargies et renforcées, les sociétés publiques locales vont venir compléter utilement la boîte à outil des élus locaux afin de leur permettre de mieux répondre aux besoins des populations et des territoires.

Nous voterons donc le présent texte, sachant en particulier combien les entreprises publiques locales constituent un levier de développement indispensable au service des territoires et de leurs habitants. L'enjeu est de réaffirmer à travers cet outil la valeur fondamentale de la notion de service public, dont on sait à quel point elle est débattue.

Nous savons que ce texte heurte quelques dogmes de la pensée libérale et des tenants de la privatisation à outrance, mais il n'en constitue pas moins une avancée.

Certains n'ont pas hésité à parler de remunicipalisation, évoquant la nécessité d'éviter de faire en sorte que le développement des services publics locaux ne se fasse au détriment des entreprises privées. Ils oublient de rappeler que dans certains secteurs clefs, tels que la gestion de l'eau ou le transport, le marché est presque entièrement partagé entre quelques grands groupes privés, ce qui limite les bénéfices attendus de la concurrence quand cela n'engendre pas des surcoûts faramineux, comme nous le démontre l'actualité mois après mois.

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