Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui un texte qui rentre dans une logique d'amélioration de l'efficacité de notre système de santé.
Je voudrais tout d'abord revenir à un sujet essentiel en lien avec la proposition de loi dont nous commençons la discussion : le dossier médical personnel, tel qu'il a été introduit en août 2004 par la loi de réforme de l'assurance maladie. Imaginé à cette époque comme un outil au service de la qualité des soins, il a fait l'objet de nombreuses critiques en raison du caractère vague de sa mission. Force est de reconnaître que, six ans après, il n'est toujours pas au point.
L'objectif du DMP est de permettre à chaque assuré social de disposer d'un dossier médical informatisé qui rassemble tout son historique médical. En 2007, il a été pris en défaut par la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Pour elle, les expérimentations montraient qu'il n'offrait pas un niveau suffisant de protection des données personnelles. Il faudra d'ailleurs tenir compte de ses observations pour la mise en oeuvre de cette proposition de loi. La CNIL estime en effet que les mesures de sécurité doivent être renforcées. Elle pointe des faiblesses plutôt alarmantes dans les systèmes actuellement testés. Comme il s'agit de données particulièrement sensibles, il ne peut y avoir de faille.
L'objectif initial était aussi de responsabiliser davantage les patients et de leur donner la possibilité de maîtriser leurs données : notre rapporteur, Dominique Tian, y a fait allusion. Or un système de stockage de données médicales sur internet correspond plutôt à une perte de la maîtrise des données.
Le DMP peut être un outil majeur pour optimiser un système de santé organisé, mais il présente également des risques d'atteinte aux données stockées si le système est inorganisé et mal contrôlé.
Poursuivant la mise en place du DMP, le 10 mars dernier, l'agence des systèmes d'information partagés de santé a notifié le marché d'hébergement du DMP. L'une des sociétés titulaires du marché héberge déjà le dossier pharmaceutique et ses 7 millions de fiches ; elle deviendra ainsi une sorte de « Big Brother » de la santé. On peut s'interroger sur le fait que la même société stocke les deux fichiers. Faisons confiance au directeur de l'ASIP santé, qui connaît particulièrement bien ladite société, et pour cause, pour éviter tous les risques.
Autre problème non encore résolu, celui de l'identifiant national de santé : C ou A. Je crois comprendre qu'un premier identifiant est adopté, le C, mais qu'il n'est pas le définitif.
Ainsi, la proposition de loi qui nous est soumise est un premier pas vers un début de réponse à toutes ces interrogations que pose encore le DMP. Quel en est le dispositif ?
Le texte prévoit que, de manière expérimentale, soit remis avant le 31 décembre 2010 à un échantillon de patients en affection de longue durée un dossier médical enregistré sur un dispositif portable d'hébergement de données informatiques.
Il faut également considérer cette proposition de loi sous l'angle économique puisqu'elle introduit un dispositif alternatif au DMP sur internet. Elle permet ainsi un rééquilibrage de la situation de monopole détenue par Santeos, l'un des hébergeurs retenu par l'ASIPS. C'est la raison pour laquelle les projets de DMP sur internet et sur support mobile doivent se dérouler dans une logique de libre concurrence ne visant qu'à réaliser des progrès dans le traitement médical.
On comprend bien la logique qui a conduit à ne retenir, dans le cadre de cette proposition de loi, que les seuls patients en ALD. Ils représentent au niveau national 13,8 % des assurés, et se voient consacrer presque 64 % des dépenses d'assurance maladie. Ce sont eux qui ont le plus besoin de soins et qui sont les plus exposés au risque iatrogénique, cause de 10 000 décès et de 130 000 hospitalisations par an. Qui plus est, pour nombre d'entre eux, l'éducation thérapeutique est essentielle. Le DMP dans sa version portable est une occasion supplémentaire de les impliquer non seulement dans leur traitement, mais aussi dans leur suivi.
Cette expérimentation doit se faire sur la base du volontariat. À l'évidence ne seront volontaires que ceux qui sont déjà familiarisés avec l'informatique. La population en ALD est en majorité composée d'une génération assez peu férue dans ce domaine, Il ne faudrait pas qu'il y ait une quelconque discrimination entre ceux qui seront volontaires et les autres. Par ailleurs, dans de telles conditions, je ne suis pas certain que les conclusions tirées de cette expérience puissent être généralisées.
Lors de l'examen de la proposition de loi en commission, je vous ai fait part de mes inquiétudes quant à la sécurisation du dispositif.