La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de MM. Noël Mamère, Yves Cochet, François de Rugy pour un tiers secteur de l'habitat participatif, diversifié et écologique ( n° 1990).
La parole est à M. Noël Mamère, rapporteur de la commission des affaires économiques.
Mes chers collègues, il est difficile de vous trouver tellement nous sommes peu nombreux, ce qui illustre bien une forme d'imposture de la réforme de la Constitution voulue par le Président de la République…
Nous sommes très exactement six députés : vouloir rééquilibrer les pouvoirs entre l'exécutif et le législatif est un leurre. Il y a fort à parier que le Gouvernement, sur cette proposition de loi comme sur les deux autres qui vont suivre, demande la réserve du vote pour permettre aux députés de sa majorité d'être dans leurs circonscriptions, quitte à faire passer par pertes et profits des propositions de loi qui pourraient cependant faire progresser la société en accordant plus de pouvoirs aux habitants et en renforçant la démocratie participative. Nous ne pouvons que le regretter. Pourtant, la proposition de loi que je présente au nom des Verts aurait pu être acceptée au-delà de nos différences partisanes puisqu'il s'agit de reconnaître les coopératives d'habitants. Nous sommes de nombreux élus à avoir des responsabilités au niveau local, et nous avons pu constater qu'aujourd'hui un certain nombre d'habitants, face aux difficultés de logement, cherchent à se regrouper pour favoriser l'autopromotion, l'autoconstruction, et participer à la gestion de leur habitat. Cette idée est née dans les années 1930 grâce à des pères fondateurs comme Charles Gide et Marcel Mauss. Ce n'est pas M. le secrétaire d'État chargé du logement qui me démentira si je rappelle combien fut utile l'action des Castors au lendemain de la deuxième guerre mondiale,…
Nous ne sommes plus à cette époque !
…au moment même où l'abbé Pierre lançait son appel en faveur des mal logés, en 1953. Grâce aux Castors, de nombreuses familles ont pu se loger. L'autoconstruction et l'autopromotion leur ont permis d'échapper à la crise du logement. Aujourd'hui, nous savons qu'environ 3 500 000 Français sont mal logés. Or, entre le domaine privé livré à la spéculation des promoteurs et le domaine social géré par les HLM, il reste une place pour ce que nous appelons, nous, un tiers secteur de l'habitat qui permettrait à un certain nombre de Français de se loger dans des conditions décentes.
Je reviens un instant sur l'habitat coopératif. La France a pris beaucoup de retard, même si la loi du 13 juillet 2006, en créant les sociétés civiles immobilières d'accession à la propriété, a marqué un tout petit progrès.
On parle beaucoup des écoquartiers. Ce ne sont pas forcément des quartiers aisés, mais des lieux où il s'agit d'abord, au-delà de la recherche de l'efficacité énergétique, de faire participer les habitants.
Le quartier Vauban à Fribourg, visité par nombre d'élus et de Français, a été construit sur une ancienne caserne par des squatters qui ont finalement été régularisés. C'est aujourd'hui un quartier cité en exemple dans le monde entier, pour sa bonne empreinte écologique mais aussi parce qu'il associe les habitants à la gestion de leur quartier.
Ce ne sont pas vraiment des ouvriers qui y habitent !
Nous pourrions encore citer un exemple qui nous vient d'Angleterre, le quartier du BedZED, initié par des groupes d'habitants. La France a pris beaucoup de retard dans ce domaine. Regardez, en Angleterre, le phénomène du co housing, ou les transition towns, en cours d'expérimentation, ces villes où l'on instaure un nouveau mode de vie, de consommation, d'habitat pour lutter contre l'effet de serre. Cela se passe en Angleterre, qui n'est pas une dictature, ni un régime totalitaire, ni un régime révolutionnaire.
Dans l'Italie de Berlusconi, la gauche et la droite, en 1998, ont voté à l'unanimité la régularisation de squatteurs qui, dans une région du Lazio, à côté de Rome, avaient pris possession de tout un quartier, leur accordant ainsi la possibilité de le remettre en état.
En Hollande, le woongroepen permet à des habitants de plus de cinquante ans de gérer collectivement leur habitat, en particulier les espaces communs.
Aujourd'hui, en France, des associations oeuvrent dans le même sens. La plus connue, Habicoop, à Lyon, est à l'origine de nombreuses initiatives que la loi n'a malheureusement pas reconnues. Notre proposition n'a pas pour objet de déréglementer le code de l'urbanisme, mais de l'aménager pour permettre à ces habitants de bénéficier de toutes les aides existantes, en particulier celles issues du Grenelle de l'environnement, comme le droit à l'expérimentation. Ces coopératives d'habitants, qui ne sont pas reconnues, peuvent exister grâce à la « complicité », mais complicité objective, des élus. Citons encore AREA à Toulouse, Ecobox ou MHGA.
S'agissant du droit à l'expérimentation, nous disposons d'outils comme le plan d'urbanisme, construction, architecture – le PUCA –, qui est resté lettre morte.
Alors que nous nous attachons à réduire notre empreinte écologique en agissant sur les transports, la consommation, la préservation des ressources et des matières premières, l'habitat, je rappelle que le logement neuf ne représente que 1 % du logement global et que si nous voulons lutter efficacement contre l'effet de serre, nous devons nous pencher sur l'habitat ancien. Bien souvent, ces coopératives d'habitants tendent vers deux objectifs : améliorer notre empreinte écologique et permettre aux habitants de participer à la construction et la rénovation de leur logement pour pouvoir bénéficier des aides. Malheureusement, les normes actuelles, trop strictes, font obstacle à ce droit d'expérimentation.
L'État doit reconnaître et encourager ce nouveau mode de vie nécessaire qui permet à tous d'accéder à un logement, mais aussi de créer des lieux cogérés et de faciliter les liens entre les générations. Nous avons rédigé des dispositions en ce sens qui pourraient être votées par l'ensemble des députés, toutes tendances confondues, car elles permettraient de débloquer des situations encore verrouillées.
Cette proposition de loi aborde également d'autres aspects du mal-logement. Je pense en particulier à l'habitat mobile, qui peut être choisi mais aussi imposé, dans des conditions indécentes. Nous vous proposons de reconnaître cette forme d'habitat. Nous avons rencontré quelques-unes des associations d'habitants qui choisissent ce mode de vie. Ils sont souvent bien intégrés dans les villes ou les villages où ils se sont installés mais il arrive que certains soient harcelés parce qu'ils n'entrent pas dans la norme.
Un autre point concerne le logement vacant. Faut-il citer les actions menées par le DAL, Jeudi Noir, Don Quichotte, qui permettent à des mal logés de bénéficier de logements inoccupés depuis longtemps ? Je pense à cet hôtel particulier de 1200 mètres carrés, place des Vosges, abandonné depuis 1965.
Enfin, j'ai visité lundi le foyer de travailleurs migrants de la rue des Mûriers, dans le XXe arrondissement. Vous devriez, monsieur le secrétaire d'État, vous y rendre également. Voilà des gens qui travaillent pour notre pays, dont on exige qu'ils respectent les lois de la République, mais qui n'ont même pas le droit d'être locataires, qui ne sont que des résidents, qui paient 350 euros pour vivre dans des conditions que même un détenu n'accepterait pas. Cette situation est indécente. Je vous le demande solennellement, allez leur rendre visite et vous prendrez, non pas sous le coup de l'émotion mais parce que vous considérerez que ces conditions sont indécentes, des mesures pour leur faciliter la vie. Ils demandent depuis longtemps de pouvoir être considérés comme des locataires et d'avoir un droit de regard sur la gestion des espaces communs de ces foyers, ce qui n'est toujours pas le cas.
Voilà les différents aspects de la proposition de loi que je suis venu vous présenter au nom des Verts. Je ne sais pas ce qu'il en adviendra. Si j'en juge par le sort qui lui a été réservé à la commission de l'économie, cette proposition ne sera pas votée, ce que je regrette d'autant plus vivement qu'elle aurait pu faire l'objet d'un consensus et que, de toute manière, un jour ou l'autre, nous serons appelés à aménager le code de l'urbanisme pour faciliter l'accès au logement de toutes ces personnes qui ne sont bénéficiaires ni du logement privé ni du logement social, ce que nous appelons le tiers secteur de l'habitat participatif, écologique et diversifié. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
La parole est à M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques.
Je souhaite intervenir à cet instant pour, bien sûr, rappeler que la commission n'a pas accepté cette proposition, mais ce n'est pas ce que je considère comme le plus important.
Je vous ai écouté avec attention, monsieur Mamère.
Vous parlez d'imposture, de leurre, vous parlez des lois de la République.
On ne peut pas faire comme si rien ne s'était passé hier, mes chers collègues. (« Oh ! » sur les bancs du groupe GDR.)
Vous pouvez lever la main, monsieur Mamère : je vous mets en cause personnellement.
Si vous connaissiez le règlement, vous sauriez que lorsqu'un député demande la parole pour un fait personnel, elle ne lui est accordée qu'en fin de séance, en l'occurrence ce sera vers treize heures.
C'est vous, monsieur Mamère, qui êtes à l'origine des incidents graves qui se sont passés ici hier.
Ce n'est pas moi qui ai fait introduire les représentants de Greenpeace dans l'hémicycle !
C'est vous, disais-je, qui avez applaudi lorsque certains sont venus bafouer les règles de la République,…
Je vous demande de m'écouter, monsieur Mamère, comme je vous ai moi-même écouté.
Nous ne sommes pas ici pour nous faire insulter, mais pour discuter d'une proposition de loi !
Vous avez hier, par votre attitude, bafoué les règles de la République !
Et parce que vous l'avez fait, vous avez été sanctionné hier soir par le Bureau de l'Assemblée,…
…qui a reconnu votre responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
On ne peut pas faire comme si l'on pouvait d'un coup de gomme effacer un incident de la plus haute gravité…
Monsieur Mamère, vous parlerez à la fin de la séance ! Vous continuez à ne pas respecter…
Monsieur Ollier, nous ne sommes pas là pour régler de vieux comptes ni pour figurer au procès-verbal !
Je ne règle pas de vieux comptes, je veux terminer ce que j'ai à dire. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.) Le groupe UMP ne participera pas à cette séance.
Et parce que je ne cautionne pas votre attitude, tant que le président Sandrier, au nom de son groupe, n'aura pas présenté d'excuses pour ce qui s'est passé hier, en ma qualité de président de la commission, je ne siégerai pas auprès de vous, monsieur Mamère. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je souhaite préciser qu'à ma connaissance, pour avoir assisté à la réunion du Bureau de l'Assemblée, hier, aucune sanction n'a été prononcée. (« Voilà ! » sur les bancs du groupe GDR.)
Je peux l'attester, j'étais présent comme vous !
La parole est à M. Noël Mamère, pour une minute.
C'est scandaleux ! Le règlement prévoit que les faits personnels doivent être évoqués en fin de séance !
Je prends la parole juste pour une minute et pour calmer les esprits. Je comprends que notre collègue Ollier se complaise dans ce jeu de rôle consistant à se draper dans sa vertu supposément outragée…
…parce que des militants de Greenpeace sont venus ici hier.
Ce que je ne peux pas accepter, monsieur le président, c'est d'être accusé par M. Ollier d'avoir fomenté ce coup-là. Le Bureau s'est réuni. Il n'avait pas la possibilité de m'imposer une sanction et je ne vois du reste pas pourquoi l'on m'infligerait une sanction.
Je m'élève contre les méthodes du président de l'Assemblée car c'est lui qui a donné l'autorisation aux services de sécurité de venir dans mon bureau…
Il ne me semblait pas que nous siégions dans une assemblée aux méthodes policières.
C'est Hortefeux qu'il faut sanctionner ! C'est lui qui doit assurer la sécurité !
Et qu'a-t-on trouvé ? Une banderole sur un canapé.
J'ai le droit, monsieur le président de la commission des affaires économiques,…
…qui avez été président de l'Assemblée nationale, j'ai le droit d'exprimer mon opinion dans cet hémicycle,…
…qui est un lieu inviolable, et vous n'empêcherez pas un député de la République d'exprimer son soutien à des gens qui ne font que leur travail. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Monsieur Mamère, si vous permettez, je considère que l'incident est clos. J'ai rappelé qu'aucune sanction n'a été prise au cours de la réunion du Bureau à laquelle j'ai assisté. Nous ne sommes pas ici pour régler des problèmes personnels.
On ne peut tout de même pas faire comme si rien ne s'était passé hier !
En ce qui me concerne, à la place que j'occupe en ce moment, je suis entièrement solidaire des décisions prises par le président de l'Assemblée, et je le lui ai dit.
La parole est donc maintenant à M. le secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme.
Cela suffit : tout à l'heure ! (Protestations sur les bancs du groupe GDR.)
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à neuf heures cinquante, est reprise à dix heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Bernard Accoyer.)
La séance est reprise.
Mes chers collègues, je voudrais, au moment de reprendre la séance, vous dire quelques mots qui concernent les événements qui se sont produits hier, hélas, dans notre hémicycle, ainsi que le début de la séance de ce matin.
D'abord, je crois que nous pouvons partager regrets, consternation et indignation devant les incidents graves qui se sont déroulés ici, dans cet hémicycle, hier après-midi. Tous les présidents de groupe les ont condamnés. Il y a eu, c'est clair, une insulte à la représentation démocratique. Je vous appelle aujourd'hui à mettre tout votre coeur à ce que nos débats se déroulent avec dignité et témoignent de l'apaisement qui sied évidemment en ces lieux.
Tout à l'heure, M. Mamère aurait dit, ici même, que les forces de l'ordre seraient entrées dans son bureau. C'est faux. Les forces de l'ordre ne sont pas entrées dans son bureau puisque, hier, c'est un gardien en uniforme qui est allé retirer une banderole qui était accrochée à sa fenêtre…
…et que ses propres collaborateurs avaient enlevée avant qu'il n'entre. Je démens donc catégoriquement ce qui a été allégué. Mais je pense que ce n'est pas la peine d'aller plus loin,…
…c'est simplement une information que je donne à notre assemblée.
Je vous appelle, mes chers collègues, à revenir à la sérénité. Nous devons cela à nos compatriotes, à ceux qui nous ont fait l'honneur de nous élire pour siéger sur ces bancs.
Mon intervention se fonde sur l'article 58, alinéa 1, de notre règlement.
Ce que nous souhaitons, monsieur le président, c'est que le débat que nous proposons ait lieu, et qu'il ait lieu d'une manière sereine. Or nous avons été quelque peu étonnés de l'intervention un peu rude et acide de M. Ollier ce matin. Cinq textes sont aujourd'hui inscrits à l'ordre du jour. Ce sont cinq textes importants, qui concernent la vie de nos concitoyens. Ils portent sur le logement et l'habitat, sur les finances de notre pays – un pôle financier public –, sur l'environnement et sur les revenus agricoles. Nous souhaiterions que ce débat ait lieu.
J'en profite au passage pour relever qu'à l'ouverture de la séance, étaient présents dans l'hémicycle huit députés UMP et dix ou douze députés de la gauche. Il ne faudrait pas se retrancher derrière le fait que des textes donnent lieu à un vote solennel le mardi suivant pour ne pas débattre dans notre hémicycle des propositions qui sont faites soit par le groupe SRC, soit par le groupe GDR. Ce ne serait pas une bonne chose pour la démocratie. Je pense qu'il faut que ces débats aient lieu.
Lorsqu'un président de groupe demande la parole, on la lui donne, comme vous l'avez fait, monsieur le président. Cela fait partie des actes démocratiques légitimes qu'il faut respecter.
M. Ollier s'est permis de souhaiter que le président du groupe GDR présente des excuses. Ce dernier n'a évidemment aucune excuse à présenter pour une simple raison – nous en avons discuté, hier, en réunion de Bureau – : le groupe GDR n'a donné aucun billet de séance aux personnes qui étaient présentes hier après-midi. Les choses sont avérées.
Le groupe GDR ne porte aucune responsabilité pour ce qui s'est passé dans l'hémicycle. J'ai eu l'occasion de condamner, au Bureau, ce qui s'est produit, notamment avec l'association Greenpeace. Il serait bon que les origines soient rappelées.
Une autre question doit être réglée. Il faut admettre que chacun, chacune d'entre nous a, dans cet hémicycle, une part de la souveraineté populaire, qui ne peut être remise en cause par personne.
J'estime qu'il n'est pas bien que l'on dise que l'on ne veut pas écouter tel ou tel député. Personne, ici, ne peut s'ériger en juge pour deux raisons. Le député a deux juges. D'abord le règlement de l'Assemblée. S'il doit être appliqué, il faut l'appliquer. Ensuite, les électeurs et personne d'autre. Il est important de le souligner.
Il serait souhaitable, contrairement à ce que vient de dire M. Ollier, que nos collègues de l'UMP puissent être présents pour l'ensemble des débats de la journée. Leur absence déprécierait, qu'ils le veuillent ou non, le travail de notre assemblée. Ce n'est pas une bonne chose et ce n'est pas ce qui était souhaité par le Président, ni lors du changement de règlement. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Je voudrais, avant de reprendre nos travaux, apporter quelques précisions au président Jean-Claude Sandrier.
Premièrement, le président de séance Tony Dreyfus a immédiatement suspendu la séance. C'est une consigne : dès lors que la présidence de séance est mise en cause, les travaux sont suspendus. Cette jurisprudence sera constamment suivie.
Deuxièmement, je le répète, s'agissant des événements tristes, regrettables, indignes qui se sont déroulés ici hier après-midi, le Bureau s'est déjà réuni une fois. Il se réunira à nouveau dans quelques jours et disposera alors de tous les éléments nécessaires pour pouvoir, s'il le juge utile, prendre des décisions, tirer des conclusions ou établir des règles nouvelles.
Je rappelle enfin que des plaintes ont été déposées par moi-même, hier, à la suite de ces incidents.
Mes chers collègues, je vous appelle maintenant à reprendre nos débats en toute sérénité et à faire un travail approfondi, comme vous nous y avez vous-même invités, monsieur le président Sandrier.
Nous reprenons l'examen de la proposition de loi.
La parole est à M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission, mesdames, messieurs les députés, il existe certainement autant de façons d'habiter un lieu que de modes de vie. Le logement présente une constante : il n'a cessé d'évoluer, de changer, au gré de l'homme et de son environnement.
Je considère que le logement touche à l'intime. Voilà pourquoi la diversité dans son choix est évidemment souhaitable. Mais je crois qu'il faut conjuguer cette diversité avec un principe peut être plus significatif encore : le principe de liberté.
Cependant, je crois qu'il convient aussi de privilégier une approche globale du logement, de ne pas segmenter à outrance. En créant des cloisons, on réduit la possibilité de mobilité, de continuité dans le parcours résidentiel.
Soyons clairs, monsieur le rapporteur : vous ne trouverez pas de ce côté de l'hémicycle des défenseurs d'un monopole de l'habitat quel qu'il soit. Nous souhaitons au contraire promouvoir l'ensemble de l'habitat, et non une seule de ses composantes.
D'une part, en matière d'habitat participatif, ces modes existent déjà, soit dans les copropriétés, où la loi de 1965 définit des institutions de gouvernance démocratique, soit dans les HLM, où les associations de locataires, avec qui je suis quotidiennement en contact, travaillent étroitement avec les bailleurs.
D'autre part, l'habitat diversifié reste une exigence : il faut des types de logements variés pour répondre aux besoins et aux contraintes de profils aussi différents que les familles, les jeunes, les personnes âgées, les personnes à mobilité réduite, sans pour autant créer de nombreuses catégories juridiques.
Votre proposition de loi soulève également la question de l'habitat écologique. Auriez-vous déjà oublié le Grenelle de l'environnement, dans lequel nous avons fixé un horizon au-delà duquel les nouvelles constructions devront répondre à une norme basse consommation, au 1er janvier 2013 ? Là encore, nous avons voulu que cette obligation soit globale, et non cantonnée à quelques bâtiments labellisés.
La préservation de l'environnement n'est pas une lubie, ce n'est pas non plus un luxe. C'est pourquoi nous avons mis sur la table des moyens pour développer la construction de logements durables et améliorer la performance énergétique du bâti avec l'éco-PTZ, le crédit d'impôt développement durable, l'éco-prêt logement social.
Dans quelques jours se déroulera à Copenhague une conférence, je l'espère, historique. Le logement en sera un thème majeur parce que, aujourd'hui, nous ne pouvons plus parler environnement sans parler logement. En effet, 42 % de nos dépenses d'énergie proviennent du logement – c'est le quart de notre production de CO2.
Voilà pourquoi nous avons développé les outils que je viens de rappeler. Ils sont accessibles à tous, sur tous les types de logements. Il n'y aura pas – nous ne le souhaitons– de discriminations en la matière.
Nous avons, il est vrai, simplement privilégié l'incitation, qui nous semble plus efficace que la contrainte. Vous proposez de créer un statut particulier pour les coopératives d'habitation. Le besoin que vous exprimez me semble d'ores et déjà avoir trouvé une forme de réponse dans les sociétés civiles immobilières. Celles-ci offrent la possibilité d'instaurer des règles de décision indépendantes de l'apport de chacun en capital – je tiens à cette liberté de décision – ou même du choix de partager des équipements communs dans un immeuble. C'est déjà possible, je le répète, dans les SCI.
Je crois que les coopératives d'habitation que vous présentez dans votre texte sont trop rigides. Là encore, nous préférons le choix à la contrainte.
Le concept d'habitations légères me semble, à ce titre, beaucoup trop imprécis et juridiquement vague pour justifier un statut à part entière. Introduire un statut particulier pour les habitations légères risquerait de créer une filière d'habitat sommaire. L'habitat léger ne doit pas devenir celui de la précarité.
En revanche, comme je l'ai indiqué hier soir aux représentants de l'association Droit au Logement, nous pouvons réfléchir ensemble à une forme de reconnaissance qui ne passe pas nécessairement, par la loi.
Je suis d'ailleurs fondamentalement contre l'idée d'ajouter des normes à d'autres normes, de toujours passer par des lois pour complexifier ce qui existe déjà.
Je suis partisan d'une approche expérimentale. C'est le sens du dispositif de résidence temporaire créé par la loi logement du 25 mars 2009. Vous souhaitez revenir sur ce dispositif, alors que le décret d'application est encore soumis pour avis au Conseil d'État. Nous n'avons pas encore expérimenté ce dispositif qu'il faudrait déjà le modifier !
Le dispositif qui résulte de la loi du 25 mars 2009 fonctionne déjà dans d'autres pays et répond à de vrais besoins. Et nous souhaitons expérimenter ce système en France.
Globalement, et c'est un axe fort de notre vision du logement, nous avons besoin de stabilité législative. Ce n'est pas en faisant une loi par an que nous résoudrons le problème du logement en France.
Les outils sont là, il faut maintenant les utiliser. Il faut que les acteurs du logement se les approprient avant de les changer une énième fois.
On pourrait, certes, nous opposer la nécessité de loger des personnes par tous les moyens nécessaires, créer des lois, s'armer de bons sentiments et invoquer des principes forts. C'est une possibilité, mais je ne crois pas que ce soit la réponse aux besoins exprimés dans notre pays.
Je terminerai sur ce point. Parmi les différents principes, que vous évoquiez, j'ai bien noté votre volonté de recourir plus massivement aux dispositifs de réquisition pour loger les personnes dans le besoin.
Je ne crois absolument pas à cette solution. (Exclamations sur les bancs des groupes GDR et SRC.) Il y a un équilibre à respecter entre un principe constitutionnel, le droit de propriété, et un droit reconnu, le droit au logement. Nous devons maintenir cet équilibre.
J'ajoute que l'expérience montre que, même renforcé, ce dispositif n'est pas efficace.
Mise en oeuvre en 2001, la campagne de réquisitions à Paris a été un échec retentissant : 96 000 adresses de locaux vacants identifiés par Bercy, 34 potentiellement réquisitionnables. Finalement, aucun logement n'a été réquisitionné, tant les travaux de réhabilitation nécessaires étaient lourds, coûteux et longs
Cette procédure est inefficace et elle n'est pas à la hauteur des réponses que nous devons apporter à nos concitoyens.
Si l'on veut être efficace et rapide, je crois plutôt à la mobilisation effective du contingent de l'État, qui apporterait sur la seule région Île-de-France 5 000 logements supplémentaires.
Je tiens à réaffirmer, mesdames, messieurs les députés, que l'État continue d'engager sa responsabilité pour répondre aux attentes des Français.
Je tiens à réaffirmer notre vision du principe de liberté comme l'équilibre entre les règles qui s'imposent uniformément à tous et les aspirations de chacun. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
(M. Tony Dreyfus remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mesdames, messieurs les députés, nos collègues de l'UMP restent, contrairement à ce qui s'est passé hier. Je m'en félicite.
Le rapporteur est présent !
La discussion de notre proposition respecte donc le règlement, monsieur le président ?
Les niches parlementaires accordées à l'opposition subissent systématiquement le même sort. Il n'y a ni vote ni débat. Il y aura un vote solennel, global, mardi prochain. Mais il n'y a pas, aujourd'hui, franchement de débat en séance, ce qui est tout à fait regrettable, comme l'a fort bien dit M. Sandrier voici quelques minutes.
En ce qui concerne notre proposition de loi, portée par l'excellent rapporteur Noël Mamère, j'aimerais que, sur un sujet aussi grave que le logement, comme vous l'avez vous-même fait remarquer, monsieur le secrétaire d'État, les clivages et les postures habituels soient un peu transcendés , …
…pour qu'on essaie de réfléchir collectivement à cet enjeu complexe et presque toujours cruel du logement.
Le texte présenté par Noël Mamère aborde de façon exhaustive et inédite le problème récurrent du logement pour mettre en forme des solutions parfois préexistantes. Dans le titre II de la proposition de loi, il est précisé que les coopératives d'habitants déjà en place doivent être aidées pour favoriser le développement de nouvelles organisations communautaires. L'habitat hors normes est là de fait ; il convient donc de le régulariser, de légiférer à son sujet : c'est l'objet du titre III.
Je voudrais citer quelques chiffres connus – mais il est toujours bon de les rappeler – pour donner la mesure du mal-logement en France. La Fondation Abbé Pierre, dans son rapport 2009, évalue à 3 498 800 le nombre de nos concitoyens concernés par le phénomène du mal- logement.
Il rappelle que 600 000 personnes âgées vivent sous le seuil de pauvreté, avec moins de 628 euros mensuels.
Le « ministère de la crise du logement », situé rue de la Banque, rappelle qu'à Paris un logement sur dix est vide,…
…alors que 350 000 étudiants boursiers attendent un logement décent et bon marché.
Le gouvernement Raffarin s'était engagé, jadis, à construire 50 000 nouveaux logements et à en rénover 70 000 en dix ans. En trois ans, seuls 6 000 logements ont été construits et 12 000 chambres rénovées : même pas la moitié du programme prévu ! Ce qui justifie le titre IV de notre proposition de loi consacré aux dispositions relatives à la lutte contre les logements vacants.
Je rappelle également l'importance de la corrélation entre le logement et le lien social pour l'accès à l'emploi ou le droit de vote par exemple. Nous souhaitons encourager l'inventivité dans le domaine du logement, le système D, la solidarité locale. Nous voulons accorder un droit d'existence à l'habitat hors normes et participatif pour sortir de l'idéal pavillonnaire.
L'éco-habitat ne devrait pas être réservé à quelques privilégiés. L'habitat précaire se transforme en passoire thermique et condamne ces habitants à une double peine : la précarité sociale et énergétique ; 300 000 ménages sollicitent chaque année une aide pour le règlement de factures énergétiques impayées selon le dossier de l'ADEME de septembre 2007.
Dans le Grenelle 1, le programme à grande échelle de lutte contre la déperdition énergétique dans les logements est coûteux et long.
Il y a un stock important d'immeubles à gérer !
Les modalités d'application doivent être définies dans le Grenelle 2, sans doute au printemps prochain.
Confirmez-vous cette date, monsieur le secrétaire d'État ? En tout état de cause, le plus tôt sera le mieux.
Des outils facilitent d'ores et déjà la prise en compte de l'environnement dans les projets d'aménagement et de construction. C'est l'objet de l'article 3 du titre Ier de notre proposition de loi, qui fixe un droit à l'expérimentation écologique pour les logements du tiers secteur participatif. L'expérimentation est un procédé ancien de modernisation de l'administration que seul le législateur est habilité à autoriser. J'en profite pour souligner l'importance de l'enjeu des interactions qui peuvent exister entre l'expérimentation et la poursuite de l'organisation décentralisée de la République. Or nous n'allons pas dans ce sens, comme nous l'avons vu récemment avec le projet du Grand Paris, qui tend au contraire à la recentralisation.
Permettons à ceux qui, pour des raisons économiques ou par redéfinition de leur chemin de vie, ont opté pour un habitat alternatif – cabanes, mazets, yourtes ou autres – et ont une vision courageuse et inventive de la liberté, une conception de l'autonomie matérielle, énergétique et financière comme le préconisait Ivan Illich dans les années soixante-dix, de régulariser leur choix de vie, en adoptant ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Je constate que l'on me prête des intentions que je n'avais pas même envisagées ! (Sourires.)
Je reprendrai un peu plus en détail les divers points de la proposition de loi, car on m'a reproché, en commission, d'être un peu lapidaire.
Toutefois, vous comprendrez que l'on puisse être ému par ce qui s'est passé hier dans notre hémicycle. (« Encore ? » sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Je pèse mes mots, chers collègues. Je reprendrai donc chacun des articles de la proposition de loi, mais j'indique d'ores et déjà que nous ne participerons pas à la discussion. (Protestations sur les bancs du groupe GDR.)
C'est cela la démocratie ? Qu'est-ce que vous faites à la tribune ? Si c'est pour dire cela, ça ne vaut pas la peine !
Nous écouterons bien sûr les uns et les autres. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
L'article 3 de la proposition de loi autorise pour l'habitat participatif un droit à l'expérimentation écologique en accordant des dérogations aux dispositions législatives relatives à l'urbanisme et au droit de l'habitat afin de favoriser le recours aux matériaux écologiques et aux économies d'énergie. Les conséquences d'un tel article, s'il était adopté, pourraient être dangereuses. En effet, en cas de malfaçons, par exemple, il n'y aurait quasiment pas de possibilités de recours.
L'article 4 prévoit la contribution du 1 % logement à la démarche participative. Le 1 % a été extrêmement sollicité, à tel point que le président de cet organisme a même évoqué Molière : « Le poumon, le poumon ! » Nous n'en sommes pas exactement là. Toutefois, la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion demandant déjà au 1 % un effort considérable en matière d'amélioration des logements privés menée par l'ANAH et de politique de rénovation urbaine, il nous semble peu souhaitable de modifier les missions d'Action Logement quelques mois seulement après la réforme.
Les articles 5 et 6 concernent les coopératives d'habitation où les habitants sont locataires de leur logement et propriétaires de parts de coopératives. Ce point mérite incontestablement d'être examiné.
Des réflexions sont actuellement en cours sur la mise en oeuvre de coopératives d'habitation. Je vous invite à attendre les conclusions de ces réflexions, ce serait de bonne politique, avant de légiférer sur le sujet. Ce qui distingue l'action de l'agitation, c'est qu'elle est précédée par la réflexion. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
L'article 8 dispose que les PLU pourront, à titre expérimental, autoriser l'implantation d'habitations légères. Il est possible aujourd'hui de réaliser ces habitations sur l'ensemble du territoire. Telle qu'elle est formulée, cette disposition rendrait impossible l'implantation d'habitations légères en dehors des périmètres prévus ou ne permettrait aucune implantation si le PLU ne prévoit rien. Cela ne nous semble répondre ni à votre intention ni à l'intérêt général.
L'article 9 vise à octroyer un statut aux habitants des parcelles de camping louées plus de six mois consécutifs, aux résidents d'aires d'accueil et de terrains familiaux. Un tel article peut contribuer à précariser davantage ces habitants.
L'article 10 prévoit la possibilité pour les associations et les collectifs d'artistes de devenir attributaires des logements vacants. Avec cet article, il s'agit de l'équilibre entre le droit de propriété et le droit à l'accès à un logement décent. Nous avons déjà abondamment discuté de l'équilibre toujours fragile entre ces deux principes. Nous n'entendons pas le modifier.
L'article 11 porte sur le contrat de résident temporaire. La loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion prévoit la mise en oeuvre à titre expérimental du contrat de résident temporaire. Cette mesure est en cours d'élaboration et vient d'être soumise au Conseil d'État. Vous devriez avoir des éclaircissements qui répondront à vos attentes.
L'article 12 porte sur la cogestion de la vie dans les foyers. Cet article tend à restreindre les droits des organismes propriétaires de foyers de travailleurs migrants et peut avoir pour conséquence de bloquer la réalisation de travaux nécessaires pour assurer notamment la sécurité et le bien-être des occupants.
Nous ne souscrivons évidemment pas à ce but.
Telles sont les raisons techniques qui nous amènent à proposer le rejet de la proposition de loi. Un bon nombre de dispositions proposées dans ce texte n'ont aucune portée normative et, par conséquent, n'ont pas vocation à figurer dans la loi. Je comprends que l'on cède à quelques digressions déclaratives, mais le but du législateur, c'est d'élaborer des règles reposant sur des rationalités plus austères que celles que vous nous proposez. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je regrette la décision du groupe UMP de ne pas participer à notre débat. Il s'agit d'une attitude désinvolte et méprisante à l'égard de nos concitoyens qui n'ont pas les moyens de se loger et sont abandonnés à leur errance.
Si nous examinons aujourd'hui deux propositions de loi ayant trait au logement, ce n'est pas un hasard. Je rappelle que le groupe socialiste du Sénat a également présenté une proposition de loi concernant la vacance des logements. C'est la preuve que les parlementaires que nous sommes, élus de terrain, ne sont pas satisfaits du résultat des mesures qui sont prises depuis plusieurs années maintenant. Ces parlementaires sont conscients qu'il est indispensable de se mobiliser davantage encore pour répondre à la demande de nos concitoyens.
Permettez-moi, monsieur le secrétaire d'État, de revenir sur quelques faits. la trêve hivernale a commencé le 1er novembre dernier et le Gouvernement a lancé peu de temps après son plan d'urgence pour les sans-abri. Pourtant, en Île-de-France, des ménages avec enfants ont été expulsés de leur logement quelques jours avant cette date alors qu'ils avaient été reconnus prioritaires par la commission de médiation du droit au logement.
La crise économique se poursuit avec son cortège de licenciements et de situations alarmantes. Le nombre de chômeurs a augmenté de presque 30 % en un an et demi. Lors du premier jour de leur campagne hivernale, les Restos du coeur ont enregistré 10 % de demandes d'inscription en plus que l'an passé. On estime à près de deux millions le nombre de ménages qui peinent à s'acquitter de leur loyer et, parmi eux, 500 000 sont en situation d'impayés. On évalue à 3,2 millions le nombre de mal logés en France. Dans le même temps, nous savons qu'il manque 900 000 logements et que l'effort de l'État est insuffisant, contrairement aux effets d'annonce.
Il est facile de rappeler les chiffres de 2000, en matière de constructions, pour tenter de masquer la réalité. Depuis que la droite est au pouvoir, l'effort financier de l'État n'a pas cessé de diminuer pour se situer à 1,79 % du PIB en 2008, malgré l'avènement du droit au logement opposable et son lot de nouvelles obligations.
Le volume des crédits affectés au logement dans le projet de loi de finances ne nous rassure pas particulièrement. Que fait l'État pour aider les communes qui souhaitent construire du logement social ? Il propose une subvention de 1 000 euros par logement, à peine de quoi payer la peinture. Pour les logements très sociaux, il propose un peu mieux, 12 700 euros, mais cette somme n'a pas bougé depuis des années alors que les coûts de construction ont augmenté.
Et la TVA à 5,5 % par exemple ? Et toute une série d'autres mesures ?
Enfin, pour toutes les communes où le parc est vieillissant, l'État n'a comme seule réponse que la démolition. Plus un centime n'est accordé pour la rénovation des HLM, les organismes devant se débrouiller seuls. De l'autre côté, le Gouvernement prolonge le dispositif Scellier, l'étend aux zones C,…
N'importe quoi !
…sauve les promoteurs en rachetant leurs programmes « plantés » et perpétue ainsi les erreurs qui alimentent depuis des années la crise du logement.
Après avoir écouté les débats sur le Grand Paris, un certain nombre de collègues ont considéré que le texte était muet sur cette question et qu'il n'était pas à la hauteur des enjeux.
Que nous proposent nos amis communistes et verts ? Rien de moins que des ajustements du droit existant pour doter les communes et la société tout entière d'outils nouveaux pour sortir de la crise et qui font penser à la proposition de loi socialiste présentée le 17 novembre dernier au Sénat.
Quelle sera votre réponse, monsieur le secrétaire d'État ? Nous direz-vous que la France n'a pas besoin de mesures urgentes pour le logement ? Je ne le pense pas et mon collègue Jean-Yves Le Bouillonnec saura vous démontrer le contraire. Nous direz-vous que la création d'un secteur coopératif et participatif est une mauvaise idée ? À Niort, comme dans d'autres villes, plusieurs quartiers ont été construits sur ce modèle dans les années soixante.
C'est donc possible !
Ce sont aujourd'hui encore des quartiers résidentiels vivants, bien intégrés à la ville. Leur succès est dû à la participation active des habitants aux projets qu'ils ont imaginés et conçus ensemble.
Or c'est précisément un nouvel âge des projets participatifs que nous proposent nos collègues. Nous direz-vous que les coopératives d'habitants et les comités de résidents sont inutiles ?
Non !
Nous direz-vous que vous vous opposez une fois de plus à la reconnaissance d'un statut de l'habitat mobile, diversifié et écologique ? Nous ne pouvons plus considérer les habitants des campings comme des parias de la société qui n'ont droit à aucune aide sous prétexte qu'ils ne peuvent accéder à l'habitat en dur.
Nous direz-vous qu'il est inutile de lutter contre la vacance des logements ? Le Gouvernement peut-il laisser les collectivités lutter seules contre les cas de vacance spéculative ou contre les marchands de sommeil, souvent multipropriétaires et aussi nombreux à Paris qu'en province, qui proposent des logements indécents au détriment des plus fragiles ?
La taxe sur les logements vacants est une taxe d'État. Ce n'est pas une taxe locale !
Par principe, nous ne pouvons accepter plus longtemps que certains agents économiques utilisent des logements, biens de première nécessité, comme des denrées spéculatives.
Fondées sur une réalité : le manque de logements, ces propositions suggèrent une solution simple qui consiste à améliorer celles qui existent déjà et à étendre le champ des possibles offerts aux collectivités. Elles osent un changement d'approche et reposent sur la mobilisation de tous les acteurs de la société, y compris privés, en particulier les propriétaires. Elles nous font changer de monde : voilà l'avenir des politiques publiques du logement.
Monsieur le secrétaire d'État, quand, en juin dernier, le Conseil d'État a rendu un rapport sur le droit au logement, nous ne nous attendions pas à ce qu'il confirme la validité de toutes les idées socialistes en la matière. Relisez ce rapport : vous y trouverez toutes les propositions que formule la gauche depuis des années au sein des deux assemblées. Faites-nous donc confiance, et acceptez de discuter de ces propositions de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues – j'allais également saluer M. le président de la commission…
…, mais il a manifestement préféré boycotter le débat, ce qui est regrettable –, nous évoquons aujourd'hui la politique du logement par le biais de plusieurs propositions de loi, dont celle dont je suis cosignataire et dont M. Mamère est rapporteur.
C'est l'intérêt des niches parlementaires – même si je n'aime pas beaucoup cette expression – que d'attirer l'attention sur des questions spécifiques qui, sans elles, ne seraient jamais inscrites à l'ordre du jour. Nous y viendrons plus tard, nous dit-on ; mais si l'on doit en débattre à propos d'un projet de loi ou à la suite de rapports, pourquoi ne pas le faire lorsque des parlementaires inscrivent des propositions à l'ordre du jour ?
Je dirai d'abord quelques mots de la politique du logement en général. J'espère que vous partagerez mon constat, monsieur le secrétaire d'État : tous les Français le sentent bien, la crise du logement est loin d'être finie. Du reste, le terme de crise, qui suggère que le problème est limité à un moment, concomitant à la crise des subprimes et à la crise financière, n'est peut-être pas approprié s'agissant d'un déficit récurrent de logements par rapport à la demande de nos concitoyens, laquelle correspond, rappelons-le, à un besoin vital.
Dans ce domaine comme dans bien d'autres, nous défendons non pas une solution unique, mais une diversité de mesures et un grand nombre de moyens. Monsieur le secrétaire d'État, vous avez parlé d'approche globale ; nous sommes d'accord, sauf si cette approche permet de dissimuler le fait que plusieurs secteurs du logement sont oubliés. À nos yeux, en effet, la politique du logement devrait être semblable à une chaîne dont tous les maillons se tiennent, du logement d'urgence à la propriété privée, en passant par le logement social et le logement locatif privé. J'insiste sur ce dernier secteur, indispensable pour satisfaire la demande, du moins s'il demeure abordable ; malheureusement, ces dernières années, les loyers du secteur privé ont beaucoup trop augmenté.
De ce point de vue, certaines mesures récentes comportent des effets pervers. Par exemple, l'application de la loi DALO, qui partait d'une bonne intention, déplace aujourd'hui le problème : on donne la priorité à une certaine catégorie, et tant mieux pour ceux qui ont besoin de logements d'urgence ; mais on évince ainsi d'autres personnes qui ont également besoin de logements. Cela résulte principalement du fait que l'on ne construit pas assez de logements. Comme l'a dit récemment un responsable associatif, ce ne sont pas les tribunaux qui construisent des logements. L'affirmation d'un droit opposable ne suffit donc pas si elle n'est pas soutenue par une politique publique volontariste.
Le Gouvernement, sous l'impulsion du Président de la République, fait de l'accession à la propriété une priorité absolue qui confine à l'obsession, comme si le fait que la France compte 43 % de locataires pour 57 % de propriétaires posait un problème.
Les Français préfèrent être propriétaires !
Cela vous a conduits à adopter des mesures à contretemps. Nous l'avions dénoncé en 2007 : le fameux « paquet fiscal » incluait des mesures sur le logement aussi inefficaces d'un point de vue économique qu'injustes d'un point de vue social, l'exonération des intérêts d'emprunt se réduisant à un effet d'aubaine pour ceux qui avaient déjà les moyens d'accéder à la propriété.
Vous avez quelque peu rectifié le tir en créant le Pass-foncier et en tentant de relancer l'investissement locatif, mais sans critères, contrairement au dispositif Besson – du nom de Louis Besson, alors ministre du logement, précisons-le –, dont les critères de loyers et de revenus permettaient de créer une offre de logements locatifs abordables.
Nous faisons de même : vous oubliez le Scellier social !
Nous attendons enfin une offensive globale, qui commencerait par la transformation de votre pauvre petit secrétariat d'État en ministère à part entière. Vous voyez que je plaide votre cause !
La proposition de loi que défend Noël Mamère en notre nom a l'immense avantage d'attirer l'attention sur deux questions en particulier : l'expérimentation, notamment celle des techniques de construction, aujourd'hui entravée, et je regrette que M. Piron ne soit plus là pour l'entendre ; l'habitat coopératif, ensuite. Sur ce dernier point, outre qu'il est intéressant d'encourager la participation directe des habitants à la conception même de quartiers ou de logements, il s'agit de développer l'esprit coopératif, ce qui est salutaire de nos jours. Parce que la collectivité publique ne peut pas tout et parce que tout ne peut pas être résolu par le simple jeu du marché, surtout en matière de logement, le système coopératif peut en effet représenter un bon compromis entre l'initiative privée – non seulement individuelle, mais aussi collective – et des pratiques de solidarité actives.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous avons souhaité inscrire à l'ordre du jour cette proposition de loi, que nous invitons tous nos collègues à adopter. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, à l'initiative de nos collègues verts qui siègent au sein du groupe GDR, nous sommes réunis pour débattre d'une proposition de loi visant à instaurer « un tiers secteur de l'habitat participatif, diversifié et écologique ».
Au-delà de son titre, peut-être un peu ronflant, ce texte part du constat éminemment juste d'une double urgence : l'urgence écologique et l'urgence du logement. Sans m'étendre sur les éléments factuels qui étayent ce constat à l'échelle nationale, je me contenterai de souligner qu'il s'applique parfaitement au territoire que j'ai l'honneur de représenter ici : notre futur département de Mayotte. Dans notre île tropicale, qui possède l'un des plus grands lagons au monde, nous sommes en effet aux premières loges pour mesurer les conséquences du réchauffement climatique.
En outre, nous sommes confrontés à une grave pénurie de logements et, trop souvent, à l'insalubrité du parc actuel.
Ce qui nous intéresse au premier chef dans cette proposition de loi, c'est l'appel au « tiers secteur ». Celui-ci n'est manifestement plus l'apanage de je ne sais quels soixante-huitards partisans de l'autogestion : il a acquis ses lettres de noblesse et apporte une contribution non négligeable à la richesse nationale, au travers de l'économie sociale et solidaire. Cette dernière, composée des coopératives, des mutuelles, des associations, des syndicats et des fondations, ne représente aujourd'hui pas moins de 10 % de l'emploi salarié en France, agriculture non comprise. Selon des économistes et penseurs de grand renom, tels Jeremy Rifkin ou, davantage encore, le prix Nobel Muhammad Yunus, ce secteur devra jouer un rôle majeur dans la nécessaire et urgente refondation de notre système économique.
Tout ce qui concourt à renforcer ce tiers secteur, comme le fait le présent texte, ne peut donc que recueillir notre assentiment, même si les modalités de fonctionnement et de gouvernance des coopératives d'habitat prévues au titre II, notamment à l'article 6, se caractérisent incontestablement par une certaine complexité.
J'apprécie également le volontarisme du titre Ier s'agissant de la généralisation de l'écohabitat et de sa démocratisation au profit des catégories sociales plus modestes, qui y accèdent aujourd'hui difficilement.
Dans le même esprit, je salue la prise en considération, dans le titre III, du problème spécifique de l'habitat mobile. Vous mettez plusieurs propositions sur la table ; nous devons en débattre. Mais il faut assurément apporter des solutions aux problèmes que pose cette réalité. Une nuance seulement : ne confondons pas les personnes qui choisissent ce type d'habitat et celles qui le subissent, lesquelles ont vocation à accéder à un logement en dur.
Très juste.
Les titres IV et V apportent plusieurs précisions sur l'habitat vacant et les foyers de résidents. J'en prends également acte, comme des propositions d'amélioration.
Au vu de ces éléments, je suis donc globalement favorable à la proposition qui nous est soumise…
…, à condition de l'associer à une pluralité de réponses faisant appel tant au développement du parc privé qu'à celui du logement social et privilégiant de manière très volontariste l'accession à la propriété. En d'autres termes, il ne s'agit pas de l'unique solution, mais d'une piste sympathique et intéressante, qui, si elle peut sembler encore utopique et devra être précisée pour être efficace, a néanmoins le mérite d'apporter une ébauche de solution originale à de véritables problèmes.
C'est donc sans hésiter que je participe au débat ouvert par la proposition de loi qui nous est soumise. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, j'évoquerai deux titres de la proposition de loi : tout d'abord, la création des sociétés coopératives d'habitation, préoccupation que je partage depuis plusieurs mois ; ensuite, le titre IV, qui réunit les dispositions relatives à la lutte contre les logements vacants.
J'avais envisagé, il est vrai, de déposer des amendements au projet de loi de Mme Boutin, au printemps dernier, afin de tenter d'y introduire le nouvel outil que constituent les sociétés coopératives d'habitation.
Malheureusement, lorsque j'ai rencontré les responsables de cette initiative, que j'ai reçus à plusieurs reprises, il était un peu tard pour en mesurer tous les tenants et aboutissants, et je l'avais d'ailleurs indiqué à Noël Mamère. Je m'étais également rendu à Genève pour voir les résultats de cette expérimentation que j'avais trouvée extrêmement intéressante.
Seulement, la réflexion, du côté du Gouvernement comme du Parlement, n'était pas suffisamment aboutie pour inscrire des dispositions en ce sens dans le projet de loi et pour compléter les dispositions relatives au logement par la suite, Michel Piron l'a rappelé.
À ce propos, je me permets de rappeler qu'avant même que nous légiférions sur la loi DALO, nous avions plusieurs fois mis en avant l'idée de droit opposable au logement, que ce soit dans le cadre des débats budgétaires ou des lois relatives au logement examinées ces dix dernières années.
Je reste persuadé qu'à l'instar du droit au logement cette disposition se concrétisera un jour sous forme législative. À Genève, je le rappelle, j'ai vraiment été très agréablement surpris par la réalisation de cette forme d'habitat coopératif, initié par ses futurs habitants, dans une volonté de mutualiser leurs espérances, et construit pour partie par eux. Toutefois, aujourd'hui, il est encore un peu tôt, il faut le reconnaître en toute honnêteté : nous n'en avons pas encore mesuré toutes les conséquences. Mais il ne faut pas rejeter cette idée, bien au contraire.
J'en viens maintenant aux dispositions relatives à la lutte contre les logements vacants.
Hier, dans le cadre du colloque consacré au bilan de la loi DALO, nous avons eu de nombreuses discussions à ce propos. Il y a une semaine, nous avons également eu un débat dans le cadre du comité de suivi de cette loi. En raison de la conjoncture très difficile que nous vivons, marquée par la pénurie de logements sociaux, tous ceux qui se sont exprimés ont évoqué la question de la réquisition.
Que les choses soient bien claires : la réquisition existe dans notre législation.
Encore faut-il qu'elle soit appliquée car beaucoup de maires et de préfets sont réticents à la mettre en oeuvre.
Au point où nous en sommes, ma conception de la réquisition est la suivante : elle doit être utilisée comme arme de dissuasion. Dans ma ville, quand j'ai écrit aux institutions propriétaires de trois ou quatre immeubles vacants que j'étais prêt à faire usage de cette procédure, dans les trois mois qui ont suivi, la situation a connu un dégel : ou bien ces immeubles ont été réaffectés à des activités économiques, ou bien ils ont été réhabilités pour servir de logements et, s'ils n'intéressaient plus leurs propriétaires, vendus et préemptés par la mairie pour servir de logements sociaux.
Pour moi, la réquisition, surtout entre les mains d'un maire, est d'abord et avant tout une arme de dissuasion. Chaque fois que l'on en a la possibilité, il faut savoir l'utiliser.
La question de la réquisition a été récemment réactualisée par les étudiants de Jeudi Noir à travers leurs opérations d'occupation d'immeubles appartenant à des propriétaires privés mais aussi à la puissance publique.
Pour ce qui est de l'immeuble de la place des Vosges, propriété privée, est-il normal qu'il soit resté en jachère pendant quarante-cinq ans ? C'est impensable, je dirai même que c'est scandaleux. C'est la raison pour laquelle je reste persuadé que l'arme de la réquisition, qu'elle serve à dissuader ou qu'elle soit réellement mise en oeuvre faute d'entente avec le ou la propriétaire, aurait dû être utilisée.
Venons-en aux immeubles appartenant à l'État ou à des établissements publics. Est-il normal qu'un foyer de La Poste soit resté en déshérence pendant dix ans sans que personne ne s'en soucie alors que nous aurions pu faire pression ou le réquisitionner, en droit ou en fait ? Jeudi Noir l'a investi pendant un certain temps, ce qui a permis de réveiller les consciences : cet immeuble a été depuis racheté par ADOMA pour en faire des logements sociaux destinés à des travailleurs d'origine étrangère.
Rue de la Harpe, un immeuble appartenant au CROUS est resté vacant pendant quatre ans alors même qu'il y a une pénurie de logements pour les étudiants. Une opération a là encore été nécessaire et après la médiation à laquelle j'ai bien volontiers participé entre le rectorat de Paris, le CROUS et les membres de Jeudi Noir, une solution à l'amiable a pu être trouvée pour régler cette affaire en toute sérénité.
Voilà pourquoi, monsieur le secrétaire d'État, je vous dis très sincèrement que l'arme de la réquisition, complétée par l'arme de la préemption, doit pouvoir être utilisée dans des situations aussi scandaleuses que celles que nous vivons.
Pour ce qui concerne les étudiants de Jeudi Noir, non seulement je ne suis pas choqué par leurs actions, mais je les accompagne. Est-il normal qu'aujourd'hui des étudiants, à Paris, vivent dans des caves, victimes des marchands de sommeil ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Est-il normal que des étudiantes se prostituent pour obtenir un logement ou en partager un afin de poursuivre leurs études ? Tant que des situations aussi scandaleuses que celles-ci perdureront, je ne trouverai rien de choquant à la réquisition de fait, telle que la pratique Jeudi Noir. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte dont l'Assemblée a été saisie initialement, puisque la commission n'a pas adopté de texte.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, en application de l'article 96 du règlement de l'Assemblée nationale, le Gouvernement demande la réserve des articles et des amendements de la présente proposition de loi. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Elle s'impose parce que la gauche est majoritaire : quel beau symbole !
Tout à l'heure, on m'a accusé d'avoir employé un mot peu convenable et politiquement incorrect : « imposture ». Je le répète, la réforme de la Constitution visant à donner plus de pouvoirs au Parlement, notamment grâce aux initiatives des députés, n'est qu'une imposture. Nous venons d'en avoir une nouvelle preuve avec la demande du Gouvernement de réserver les votes. (Murmures d'approbation sur les bancs du groupe GDR.)
Nous avons eu un débat limité à quelques-uns d'entre vous, malheureusement. Mais il a montré que la proposition de loi que j'ai présentée au nom des Verts dans le cadre du groupe de la Gauche démocrate et républicaine transcendait largement les clivages politiques. Je vous renvoie au discours de M. Aly et aux considérations de notre collègue Étienne Pinte.
S'agissant de la double peine dont sont frappés certains de nos concitoyens qui ne peuvent accéder à des logements décents, victimes à la fois de l'injustice sociale et de l'injustice environnementale, il me semblait que notre assemblée aurait pu s'accorder sur les coopératives d'habitation, qui donnent un sens au tiers secteur de l'habitat, où les habitants participent à la promotion et à la construction de leurs logements ainsi qu'à la gestion des espaces communs.
Les propos de notre collègue Étienne Pinte sur la réquisition et les logements vacants sont éclairants. Nous pourrions à sa suite citer bien d'autres exemples. Il a évoqué les initiatives de Jeudi Noir, on pourrait y ajouter les actions de leur précurseur, l'association Droit au logement.
Nous ne sommes toutefois pas là pour soutenir des actions qui sembleraient hors du commun, mais pour soutenir des actions qui permettent à des personnes se trouvant dans le plus grand dénuement de se loger convenablement.
Il ne s'agit pas de transformer ces associations en une sorte d'intermédiaires qui permettraient à des promoteurs peu scrupuleux de se saisir de ces logements vacants pour les attribuer à des ménages qui n'auraient pas de difficulté de logement alors que le logement très social connaît un grave déficit aujourd'hui dans notre pays.
Il en va de même pour l'habitat mobile. La règle veut que l'on propose des solutions décentes aux personnes qui le subissent. Mais, dans une démocratie, chacun a le droit de choisir le type d'habitat dans lequel il veut vivre. Il n'y a pas de raison que nous soyons les complices de ces élus de communes ou de communautés de communes qui harcèlent ceux qui ont choisi un certain type d'habitat tout en respectant les règles d'urbanisme, et qui, souvent, prennent des initiatives en matière écologique. Nous pourrions là encore citer de nombreux exemples.
En tant que rapporteur de cette proposition de loi, je suis à la fois déçu et choqué par l'attitude du Gouvernement. Autant nous dire, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président – et je m'adresse à travers vous au président de notre assemblée –, que la réforme votée à Versailles n'était qu'un leurre destiné à distraire le grand public pour lui faire croire que cette assemblée ne serait pas une armée des ombres mais serait dotée de pouvoirs.
Le Gouvernement ne donne pas une grande idée de cette maison où devrait battre le coeur de la démocratie (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) en passant son temps à escamoter cette dernière et à refuser le débat. Il faut l'affirmer encore car, sur cette proposition de loi, nous aurions pu trouver un accord. Nous regrettons ce procédé et le condamnons solidairement.
Fondé sur l'article 58, alinéa 2, monsieur le président.
Les différentes interventions que nous avons entendues donnent matière à discussion et incitent à aller plus loin dans le débat. Je partage l'observation du rapporteur selon laquelle les initiatives parlementaires ne sont rien d'autre qu'un petit cirque pour amuser la galerie alors que des débats particulièrement intéressants peuvent avoir lieu dans le cadre des séances d'initiative parlementaire. Je suis moi aussi choquée et déçue par la demande de réserve formulée par le secrétaire d'État.
Au nom du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, je tiens à m'élever contre cette décision. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Avec le nouveau règlement, nous assistons à une caricature de démocratie. La proposition de loi du groupe GDR aurait pu donner lieu à un débat intéressant et sérieux, avec des ponts liant les différents courants politiques de cette assemblée malgré certains points controversés.
La décision du Gouvernement est inacceptable. Elle est la négation objective de ce que sont la démocratie et la représentation nationale.
Il s'agit du règlement de l'Assemblée !
Plus concrètement, il s'agit peut-être d'un refus de votre part, monsieur le secrétaire d'État, de prendre vos responsabilités devant l'opinion publique sur des propositions sérieuses et innovantes, qui intéressent l'ensemble de la population, plus particulièrement les personnes mal logées.
Derrière tout cela, il y a aussi votre volonté de ne pas assumer vos responsabilités alors que notre pays subit une crise profonde du logement : j'y reviendrai en présentant la proposition de loi suivante. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
En l'absence de leurs auteurs, les amendements n°s 1 et 2 ne sont pas défendus.
(Le vote sur l'article 3 est réservé.)
L'amendement n° 3 n'est pas défendu.
(Le vote sur l'article 8 est réservé.)
L'amendement n° 4 n'est pas défendu.
(Le vote sur l'article 11 est réservé.)
Nous avons achevé l'examen des articles.
La suite de la discussion de ce texte aura lieu le mardi 8 décembre, après les questions au Gouvernement.
Monsieur le président, je ne reviendrai pas sur la caricature que nous sommes en train de donner du travail de l'Assemblée nationale. C'est terrible ! On nous avait expliqué que le nouveau règlement permettrait de mieux respecter l'opposition, de favoriser une présence accrue des députés dans l'hémicycle et de donner plus d'intérêt au débat. Je vous fais juge du résultat : c'est vraiment triste ! Nous sommes dans le formalisme. À une époque, on parlait de chambre d'enregistrement ; aujourd'hui, on peut parler d'une Assemblée nationale virtuelle. C'est affligeant !
Nous avons écrit au président de l'Assemblée pour lui faire une proposition et lever toute ambiguïté. Ce que vous avez fait, monsieur le secrétaire d'État, revient à donner un bon de sortie aux députés de l'UMP. Comme ils sont minoritaires, on reporte le vote à plus tard. Le président Copé ne veut pas prendre le risque que son groupe soit minoritaire. Il y a deux solutions pour dissiper sa peur tout en respectant les règles de la démocratie : le Gouvernement peut demander une seconde délibération sur chacun des articles et le président du groupe peut tout simplement demander, ce qu'il a fait d'ailleurs, un vote solennel.
Laissons en tout cas le débat se tenir ici. Sinon, c'est totalement manquer de respect à l'opposition. Il faut très rapidement changer cette manière de faire qui nous ridiculise. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Nous allons maintenant aborder la discussion de la proposition de loi suivante.
Monsieur le président, je vous demande une suspension de séance de quelques minutes.
Rappel au règlement
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures trente-cinq, est reprise à onze heures quarante.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État chargé du logement, mes chers collègues, la politique du logement est-elle une priorité en France ? Cette question mérite d'être posée au regard de la situation subie par de nombreuses communes et des difficultés rencontrées par les ménages.
Il est évident que l'offre n'est pas à la hauteur des besoins. Est-il nécessaire de rappeler que ces besoins sont évalués à quelque 450 000 logements supplémentaires par an, tous secteurs confondus, et que la France ne se trouve pas en tête des pays européens pour l'offre de logements sociaux, loin s'en faut ?
Le secteur du logement social est en effet particulièrement affecté par cette crise. Le loyer et les charges représentent souvent une part excessive du revenu disponible : 30 ou 40 % selon les cas. Le logement constitue ainsi la principale dépense des Français.
Depuis 1973, les loyers ont d'ailleurs augmenté plus fortement que l'indice des prix, avec une accélération sensible depuis l'an 2000. Aspect préoccupant, nous remarquons depuis dix ans une déconnexion totale entre la hausse des loyers et l'amélioration de l'habitat. Je note cependant que cette hausse des loyers a été particulièrement exponentielle dans le parc privé. Nous sommes parvenus aujourd'hui à un écart qui avoisine les 30 % entre le secteur privé et le secteur public, et ce notamment depuis 1986, date de la libéralisation des loyers.
À ce rythme, le marché est incapable de satisfaire convenablement la demande de la population. Le désengagement massif de l'État, dont témoigne la baisse constante des crédits alloués au logement, revêt un caractère dramatique face à la gravité et à l'ampleur de cette crise.
Plus grave encore, l'État contribue à la marchandisation du logement et accompagne la spéculation qui l'entoure. J'en veux pour preuve la politique de défiscalisation qui est mise en oeuvre. Le budget dit positif du logement dans le projet de loi de finances pour 2010 s'établit aux alentours de 7,5 milliards. Les dispositifs de défiscalisation et autres niches représentent, quant à eux, 25 milliards par an.
Contrairement au Gouvernement, les députés communistes, républicains et du Parti de gauche considèrent que le rôle et les missions du secteur du logement social doivent être à la base d'un véritable service public d'intérêt national. Cette réaffirmation est inscrite en premier point dans la présente proposition de loi des députés communistes, républicains et du Parti de gauche.
Leur proposition de loi vise à répondre à l'urgence d'une situation. Elle n'est pas, comme vous l'avez dit tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'État, une énième « grande loi » sur le logement, rarement suivie d'effets. Les mesures qui vous sont présentées, si elles étaient votées, auraient un impact direct et rapide sur le quotidien de millions de Français. En effet, par la modification de certaines règles de notre droit du logement, il est possible de rectifier certaines dérives.
Sait-on que la France a été condamnée en juillet 2008 par le Comité européen des droits sociaux au titre de la charte sociale du Conseil de l'Europe dont elle est signataire ? L'insuffisance de l'offre de logements à un coût abordable et la faiblesse des mesures préventives à l'expulsion des locataires ont ainsi été relevées car considérées inférieures aux standards européens.
Sur ces deux points essentiels, la proposition de loi entend profondément changer la donne grâce à une série de mesures concrètes, réalistes, qui peuvent être mises en oeuvre immédiatement.
D'abord, il convient de pénaliser plus lourdement les communes défaillantes dans la réalisation des objectifs de construction au bénéfice du logement social. Cela concerne naturellement l'application de la loi SRU. Une forme de malthusianisme social perdure. C'est pourquoi il est indispensable de relever de façon significative les pénalités pour carence à la charge de ces communes, dans la limite de 10 % de leurs dépenses de fonctionnement.
II est également indispensable que le préfet, face au constat d'une inertie durable, puisse directement contracter avec un organisme HLM pour accroître le parc de logements d'une commune qui refuserait de réaliser son propre programme local de l'habitat, ce qui, nous le savons, est malheureusement trop souvent le cas.
Je le dis sans détour : il y a dans ce pays ce que nous appelons des « communes voyous ». Elles ont d'ailleurs essayé de faire à nouveau passer la pilule dans le cadre du débat sur le Grand Paris. Outre le fait qu'elles ne respectent pas la loi, elles exercent sur les autres communes, celles qui construisent du logement social, une pression intolérable. Ces autres communes, nous les connaissons et, avec l'application de la loi DALO, elles seront sans doute davantage pénalisées.
Dans le même esprit, la proposition de loi institue l'obligation, pour les prestataires des services de l'électricité, du gaz et du chauffage, de ne plus interrompre le service dans les situations d'impossibilité de paiement des factures pendant toute la durée de la période hivernale. Cette mesure est indispensable à l'heure où la France enregistre en une année une augmentation de 20 % du nombre de chômeurs – 40 % chez les jeunes – et où la crise sociale est malheureusement loin d'être terminée.
Il est également prévu, dans notre proposition, de conférer une réelle portée à la notion de droit au logement. Il s'agit de donner aux préfets un pouvoir effectif de réquisition des logements manifestement vides de toute occupation, par le biais du raccourcissement des délais de constatation de la vacance des lieux.
Il s'agit également de doubler le taux de la taxe progressive sur les logements vacants afin d'inciter les propriétaires à ne pas laisser sans occupants les locaux qui leur appartiennent. Nous rejoignons ainsi les préoccupations exprimées dans le débat qui vient d'avoir lieu.
Les députés communistes, républicains et du Parti de gauche entendent véritablement donner un contenu à une notion souvent évoquée mais bien mal prise en considération par l'actuelle politique du logement : la mixité sociale, qui apparaît essentielle. Or les dernières lois de 2007 et 2009, je pense notamment à la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion, la loi MOLLE,…
…ont des effets contraires à l'instauration d'une mixité sociale durable et bien établie au sein du parc social de logements.
Notre proposition consiste d'une part à relever de 10,3 % les plafonds de ressources pour l'attribution du logement social, ce qui serait un juste retour des choses ; d'autre part à limiter à 20 % des revenus de l'ensemble des personnes composant un même foyer le total du loyer, d'un éventuel surloyer et des charges locatives. Car les charges locatives pèsent de plus en plus lourdement sur les ménages, y compris dans l'habitat social.
S'agissant de l'une des dispositions de la loi MOLLE de 2009, pour laquelle, d'ailleurs, le décret d'application n'a toujours pas été publié, la proposition de loi substitue la notion de « possibilité » à celle d'« obligation » faite aux organismes HLM de signer des conventions d'utilité sociale. Il nous apparaît qu'une telle obligation, en l'état actuel, ne peut pas aboutir à une réalité effective dès lors que les CUS conclues avec l'État ne sont que la déclinaison sans effets directs des programmes locaux de l'habitat. Or la défaillance de trop nombreuses communes dans la définition puis la mise en oeuvre de leurs programmes locaux de l'habitat vide de sens l'intention initiale du législateur. J'ajoute que cette obligation peut sembler contraire aux lois de décentralisation, s'agissant des organismes HLM communaux.
Enfin, il nous est également apparu indispensable de conforter deux sources essentielles de financement du logement social.
En premier lieu, notre proposition de loi entend mobiliser les ressources de la Caisse des dépôts à destination du logement social. Pour cela, nous proposons de relever à 20 000 euros le plafond du livret A. Au cours de cette année 2009, où l'offre du livret A a été ouverte à tous les établissements bancaires, ce à quoi nous étions opposés, nous constatons une forte décollecte de cette épargne populaire, menaçant à terme la capacité de financement du logement social et de la politique de la ville. Le relèvement du plafond des dépôts pourrait sans doute atténuer ce phénomène inquiétant pour l'avenir du logement social à condition, comme nous le proposons, de recentraliser l'intégralité de la collecte du livret A au sein des fonds d'épargne de la Caisse des dépôts, qui pourra ainsi prêter plus et dans de meilleures conditions aux organismes HLM.
En second lieu, de lourdes menaces pèsent sur le « 1 % logement » ; en témoigne la volonté des gestionnaires patronaux du système de le débaptiser pour lui donner le nom tout à fait équivoque d'« action logement ».
En accord avec les syndicats !
Il y a d'ailleurs longtemps que cette contribution est indûment appelée « 1 % ». En effet, le prélèvement opéré sur les salaires bruts n'est plus que de 0,45 %, ce qui a fait perdre d'importantes disponibilités qui auraient pu aider les salariés à se loger.
Notre but est donc de rétablir un véritable « 1 % », en accord avec les syndicats, et de revenir à un assujettissement de toutes les entreprises comptant au moins dix salariés, toujours en accord avec les syndicats, afin de revenir sur le pillage opéré dans le cadre de la loi MOLLE.
Outre cette mesure de justice, il conviendrait de réviser profondément les modes de gouvernance des organismes collecteurs, qui ont encore récemment fait l'objet d'observations peu flatteuses de la Cour des comptes.
C'est fait !
Il est indispensable que les élus et les représentants des salariés disposent de plus de pouvoirs.
Telles sont, mes chers collègues, les mesures que nous vous proposons d'adopter. Elles se veulent pratiques et d'application immédiate, au bénéfice du logement social, un secteur qui souffre d'une cruelle absence de volonté des pouvoirs publics. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
La parole est à M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission, mesdames, messieurs les députés, comme vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur, le logement occupe aujourd'hui une place centrale dans les préoccupations des Français, qui lui consacrent en moyenne 25 % de leurs revenus.
Le constat sur la crise, ou plutôt sur les crises du logement, nous le connaissons parfaitement. Elles sont le fruit d'un retard de construction pris pendant une décennie, et que cette majorité, sous l'impulsion de Jean-Louis Borloo, avec le plan de cohésion sociale, s'est attachée à rattraper.
Les objectifs de production seront atteints, même s'il est vrai que les besoins restent importants dans certains territoires. Cette situation nous impose d'être réalistes, d'apporter des solutions concrètes, opérationnelles, mais aussi durables.
Or, à la lecture, monsieur le rapporteur, de votre proposition de loi, qui présente des mesures urgentes pour le logement, je ne vois pas de solutions pleinement capables, me semble-t-il, d'apporter une réponse à la hauteur des enjeux.
Tout d'abord, un certain nombre de vos propositions me semblent être peu efficaces, voire s'avérer contre-productives, même si elles visent à répondre à des constats que l'on peut partager, par exemple la nécessité d'appliquer pleinement l'article 55 de la loi SRU. J'y suis attaché, mais le dispositif actuel, qui permet déjà de doubler le prélèvement en cas de carence, a démontré son efficacité, sans qu'il soit besoin de l'augmenter excessivement.
Un chiffre pour le préciser : les obligations liées à l'article 55 de la loi SRU sont appliquées en Île-de-France à 154 %.
Pas dans les Hauts-de-Seine ! Sur trente-six communes, quatorze, toutes de droite, ne les appliquent pas ! Regardez Neuilly !
Autrement dit, nous remplissons en Île-de-France plus d'une fois et demie les obligations de la loi SRU.
Je vous rappelle également que le préfet a déjà la possibilité, dans les communes en constat de carence, d'utiliser le droit de préemption, et qu'il peut le déléguer à un bailleur. C'est là que se situe le vrai levier. C'est votre collègue Étienne Pinte, présent tout à l'heure, qui l'a proposé dans le cadre de la loi de mobilisation pour le logement de mars 2009, et le Gouvernement a souhaité que cette mesure très symbolique soit adoptée.
Votre proposition contient aussi ce que j'appellerai de fausses bonnes idées. Par exemple, vous proposez le doublement de la taxe sur les logements vacants. Cette mesure aurait exactement l'effet inverse de celui que vous souhaitez. En effet, si vous doublez la TLV, celle-ci sera supérieure à la taxe d'habitation et, par conséquent, le logement vacant deviendra une résidence secondaire, pour laquelle est acquittée la taxe d'habitation. Il n'y aura donc aucune recette supplémentaire mais un effet d'éviction du logement vacant vers la résidence secondaire.
Autre fausse bonne idée, me semble-t-il : les mesures que vous proposez pour interdire dans certains cas ou rendre plus difficiles les expulsions. Ce n'est pas le signal que nous souhaitons envoyer aux propriétaires. Je crois profondément qu'un tel message serait contre-productif et même de nature à accroître la vacance.
Je souhaite quant à moi, avec la majorité, rétablir la confiance entre propriétaires et locataires. C'est l'objectif de la nouvelle garantie des risques locatifs voulue par le Président de la République, négociée avec l'ensemble des partenaires sociaux, et qui entrera en vigueur début 2010.
Je sais aussi que nous devons revenir à l'esprit de la loi de 1998 de lutte contre les exclusions et mettre en place tous les moyens pour repérer les premiers impayés et les traiter en amont du recours contentieux. Je viens de lancer une mission d'expertise à ce sujet et, dans le cadre de la garantie des risques locatifs, il y aura un dispositif similaire pour intervenir dès le deuxième mois d'impayés.
Vis-à-vis des propriétaires privés, le Gouvernement a toujours préféré mener une politique d'incitation et d'orientation. C'est la raison pour laquelle je suis également défavorable à l'évolution des procédures de mobilisation des logements vacants que vous préconisez.
Vous souhaitez par ailleurs revenir sur certaines dispositions votées par le Parlement à l'occasion de la loi du 25 mars 2009 et qui, pour moi, sont de vraies avancées.
Par exemple, rendre obligatoires les conventions d'utilité sociale, c'est se doter enfin d'un véritable outil de pilotage partagé entre l'État et les bailleurs sociaux, pour mettre en oeuvre les priorités de la politique du logement. Nous bâtissons ainsi un projet avec les organismes HLM, celui de répartir plus équitablement la construction de logements sociaux sur notre territoire.
Nous souhaitons prendre en considération les inégalités de besoins, pour mieux répondre aux attentes des Français et satisfaire ainsi leurs demandes. Ces conventions sont indispensables pour donner l'impulsion nécessaire à la construction de nouveaux logements sociaux. C'est le sens du décret que j'ai présenté hier en conseil des ministres. Chaque aspect de la politique menée par les organismes HLM sera assorti d'objectifs précis à atteindre. Une évaluation du respect des engagements et de l'atteinte des objectifs fixés sera réalisée tous les deux ans. Le non-respect de ces obligations pourra entraîner des sanctions.
Plus de 950 projets de convention portant sur quelque4 650 000 logements devront être adressés aux préfets avant le 30 juin 2010 et signés avant le 31 décembre 2010. Ces conventions, je vous le rappelle, seront conclues pour une durée de six ans renouvelable.
En outre, les règles que nous avons introduites en matière de surloyer me semblent répondre à un vrai souci d'équité entre les locataires du parc social et ceux du parc privé.
La loi du 25 mars 2009 comporte des avancées majeures pour répondre à la crise du logement qui touche certains territoires. Plutôt que de la remettre en cause, il faut au contraire s'attacher à l'appliquer au plus vite pour améliorer les conditions de logement de nos concitoyens. C'est d'ailleurs la feuille de route que m'a donnée le Premier ministre.
En prenant mes fonctions, j'ai constaté qu'il y avait eu six lois en six ans.
Nous disposons aujourd'hui d'une boîte à outils complète pour mettre en oeuvre une politique du logement efficace et opérationnelle.
L'urgence, maintenant, c'est de mobiliser l'ensemble des partenaires du logement pour mieux utiliser le « coffre » cher à M. Piron, afin que ces dispositions vivent et deviennent opérationnelles. C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité rencontrer sur le terrain, dans chaque région, l'ensemble des partenaires de la chaîne du logement pour leur présenter l'ensemble de ces outils et permettre ainsi de les rendre utilisables le plus efficacement possible. Je serai demain en Lorraine où, comme dans les quinze autres régions que j'ai déjà visitées ces derniers mois, je suis certain de trouver chez l'ensemble des partenaires locaux la volonté de s'impliquer activement dans les différentes actions que nous avons lancées.
Je tiens à vous rappeler que nous disposons des moyens pour mettre en oeuvre cette politique. L'effort de l'État, l'engagement du Gouvernement, n'a jamais été aussi important. En 2010, le budget du logement est en augmentation de 7 %. Ce montant s'inscrit dans une enveloppe globale, l'effort de la nation, qui atteint les 2 % du PIB pour 2010. Cela va nous permettre de battre des records, notamment en matière de financement du logement social : nous avons fixé la barre pour 2010 à 140 000 logements. C'est 8 % de plus par rapport à cette année, où nous aurons financé 125 000 logements sociaux, c'est-à-dire trois fois plus qu'en 2000.
De 2000 à 2009, l'augmentation atteint, je le souligne, 300 %.
Nous allons mobiliser tous les moyens et tous les outils à notre disposition pour atteindre ces objectifs et pour être plus efficaces dans l'utilisation des deniers publics. C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité, dans le cadre du budget 2010, mieux territorialiser la production de logements sociaux. Je tiens à vous rappeler un chiffre, édifiant me semble-t-il : en 2009, nous aurons financé 60 % du logement social dans des zones faiblement ou moyennement tendues, et à peine 40 % dans des zones tendues. L'enjeu des politiques que nous menons aujourd'hui est de réorienter la production des logements sociaux là où nous en avons besoin, notamment en Île-de-France.
Il s'agit de permettre aux maires bâtisseurs de favoriser le développement du parc social. Je pense, par exemple, au président Ollier qui, dans sa ville des Hauts-de-Seine, oblige les promoteurs à prévoir 30 % de logements sociaux dans les programmes qu'ils mettent en oeuvre.
C'est cela la véritable mixité. Je tiens à le rappeler : elle existe également dans les Hauts-de-Seine. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.)
Enfin, mesdames, messieurs les députés, je vous confirme que le Gouvernement est fermement décidé à résoudre ces crises du logement. Nous allons mobiliser tous les outils à notre disposition. Il s'agit évidemment de favoriser la construction de logements sociaux et de miser sur des expérimentations telles que l'intermédiation locative. Cette nouvelle forme de politique du logement constitue pour nous un enjeu important car elle constitue un vrai outil pour prendre des mesures plus efficaces.
C'est dans ce sens que le Gouvernement continuera à mener sa politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques.
Je vais brièvement expliquer la position de la commission.
Tout d'abord, je tiens à dire que je comprends les bonnes intentions de M. Gosnat, qui les a longuement exposées en commission. Mais M. le secrétaire d'État a parfaitement montré qu'il s'agissait de fausses bonnes idées ; et, dans un instant, M. Piron, au nom de la majorité, entrera dans les détails pour expliquer plus avant les choses sur le plan technique.
Je veux insister sur deux points.
Le premier concerne l'application de la loi MOLLE. En commission, M. Taugourdeau a demandé, au nom de la majorité, qu'une mission d'information soit créée à ce sujet, et M. Le Bouillonnec, le compte rendu en fait foi, a trouvé que c'était une très bonne idée. Nous allons donc créer cette mission de contrôle de l'exécution de la loi. Je m'en suis entretenu avec le secrétaire d'État, et il est en total accord avec nous. Il est important de pouvoir effectuer ce travail de contrôle législatif.
Le second point, c'est la vente à l'occupant des logements HLM, à raison de 1 % du parc chaque année, ce qui devrait rapporter environ 2 milliards d'euros annuels. C'est un choix stratégique, quasiment un choix de société, que nous avons opéré. Nous n'avons pas fait le même que les signataires de cette proposition de loi, mais nous l'assumons totalement.
Au passage, monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de reconnaître ce que j'ai fait dans ma ville de Rueil, mais je ne suis pas le seul à mener une telle politique. J'agis ainsi parce que je suis pour la mixité sociale. Je fais tout ce que je peux pour répondre aux demandes de logements sociaux.
J'en reviens à la vente à l'occupant. La commission et plus particulièrement moi-même avions déjà déposé des amendements pour développer ce dispositif. En effet, nous croyons en la propriété, nous pensons qu'elle responsabilise. La vente à l'occupant permettra ainsi d'améliorer la gestion des parcs sociaux, et aussi de répondre à l'urgence de trouver des fonds pour y investir et les renouveler. Ces deux objectifs indissociables nous encouragent à aller dans cette direction. Je vous demande donc, mes chers collègues de l'opposition, de nous rejoindre car la principale difficulté est de parvenir à financer les efforts en la matière. Je ne veux pas ouvrir de polémique, mais ce n'est pas notre faute si un retard a été pris autrefois.
Le problème, c'est surtout que vos amis ne veulent pas construire de logements sociaux !
Nous faisons ce que nous pouvons pour le combler.
Je conclurai par le plus important, que M. Gosnat a omis de rappeler : la commission a voté contre sa proposition de loi. J'appelle donc la majorité à ne pas la soutenir.
Monsieur le secrétaire d'État, vous dites que nos propositions ne sont pas de nature à résoudre la crise du logement. Mais nos neuf articles sont bien évidemment contraints par quelques obligations, notamment celle de la recevabilité au titre de l'article 40.
Nous n'avons pas pu formuler de propositions plus ambitieuses car, si nous engagions un seul euro, notre texte serait irrecevable. C'est tout de même un paradoxe alors que la véritable question qui se pose aujourd'hui, c'est celle des drames humains qui résultent de la crise du logement. Des centaines de milliers de gens vivent dans la douleur faute de moyens pour se loger ! On a parlé des étudiants, mais ce sont plusieurs millions de personnes qui vivent dans des conditions totalement inconfortables et attendent un logement décent. La solution passe obligatoirement par la construction d'un grand nombre de logements sociaux.
C'est ce que nous faisons !
Vous ne pouvez pas vous contenter de dire que vous essayez de changer la situation,…
Les résultats sont là !
…parce que cela fait tout de même longtemps que vous êtes au gouvernement, et la crise ne s'est absolument pas calmée. En effet, même s'il y a plus de constructions, desquelles s'agit-il ? Le véritable logement social représente aujourd'hui à peine 13 % des constructions,…
C'est faux !
…et ce faible pourcentage affecte évidemment les populations les plus démunies. Tout le reste est constitué par l'accession à la propriété, les mesures fiscales, les PLS, etc.
Vous citez pour 2010 des chiffres en légère augmentation, mais prenez ceux de l'année qui s'achève : moins 700 millions pour l'aide à la pierre. Cela pose un problème, et vous n'y apportez strictement aucune réponse.
Pire : vous créez des conditions susceptibles d'aggraver les inégalités sociales. Le président de la commission estime que la solution est à trouver dans la vente des logements sociaux. Mais c'est un vrai scandale !
Je ne suis pas par principe contre l'accession à la propriété – je suis d'ailleurs maire d'une ville où 1 000 des 2 000 logements que nous avons construits en huit ans sont en accession à la propriété –, mais j'estime que les logements sociaux, qui ont bénéficié de l'aide publique, doivent rester dans le domaine public, dans le parc social. Si nous allons dans votre sens, monsieur Ollier, non seulement il y aura moins de logements sociaux, donc moins de capacités d'accueil pour les gens les plus en difficulté, mais on réduira encore les marges de manoeuvre dont nous disposons.
En ce qui concerne les conventions d'utilité sociale, l'État se désengage totalement. Vous imposez aux organismes HLM de signer des conventions dans lesquelles vous ne mettez pas un centime !
Et la TVA à 5,5 %, et les aides à la pierre, c'est zéro ?
Attendez ! Les organismes HLM ne pourront bénéficier des aides à la pierre ou des déductions fiscales que s'ils signent les CUS. Vous les obligez à se mettre à la disposition de l'État.
Non : à respecter la loi !
Sans doute, mais une loi qui les met complètement sous tutelle.
Bref, je pense que votre politique n'apporte strictement aucune réponse à la crise du logement. Bien au contraire, elle ne fait que l'aggraver. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, dix millions de personnes touchées par la crise du logement en France, dont plus de 100 000 vivent à la rue, 3,5 millions de personnes sans-abri ou très mal logées, 6,5 millions de personnes fragilisées : tel est le constat effectué par le collectif des trente et une associations organisatrices de la « Nuit solidaire pour le logement ». Cette manifestation symbolique s'est tenue dimanche dernier pour dénoncer le manque de volonté politique face à l'ampleur de la crise et exiger des mesures fortes permettant l'application du droit au logement pour tous.
Manque de volonté politique, disais-je : la critique, directement orientée vers la majorité présidentielle, reste polie, mais fixe bien le cadre du bilan de mi-mandat que le Président de la République se refuse à faire. Ce bilan en matière de politique du logement, les députés du groupe GDR ont commencé à l'établir à travers cette proposition de loi déposée par mon collègue et ami Pierre Gosnat. Conforter un véritable service public du logement, avec des engagements financiers, des objectifs chiffrés de mise en chantier de logements neufs ou de réhabilitation, dans le cadre d'une stratégie de maîtrise du foncier : autant d'ambitions complètement absentes de la feuille de route gouvernementale.
Comment pourrait-il en être autrement ? Car, depuis juin dernier – on me pardonnera ce jeu de mots –, le ministère du logement a « dis-apparu » (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP),…
Et vous, ce que vous dites n'est pas très « amiable » ! (Sourires.)
…enterré au détour d'un remaniement estival. C'est sur sa tombe que s'élève l'énième stèle des promesses non tenues du candidat aujourd'hui président, Nicolas Sarkozy : celle du zéro SDF en 2008 ! Cette stèle, c'est vous, monsieur le secrétaire d'État, qui l'avez dressée en déclarant, peu après votre arrivée : « Je sais que certains avaient essayé de lancer cette théorie du zéro SDF. Objectivement, je n'y crois pas. Cela sera très difficile d'y arriver. »
Ce ne sont pas vos récentes annonces en faveur de l'hébergement d'urgence qui régleront le problème. Sans aligner de moyens, l'État se défausse une fois de plus sur les associations, auxquelles il assigne une mission impossible.
Le secrétariat d'État chargé du logement a donc été placé sous la tutelle du ministère de l'écologie. Cela explique sans doute pourquoi Mme Pécresse préconise, pour répondre aux difficultés de logement rencontrées par les quelque deux millions d'étudiants de France, d'importer d'Estonie des sortes de modules de bois, habitats de fortune, dont elle qualifie elle-même le confort de « spartiate ». Avant, on avait l'habitude de mettre un coup de blanc pour cacher la misère dans les résidences universitaires ; maintenant, on va construire des cabanes !
En juin 2008, le Conseil de l'Europe a établi un bilan où il condamne la France pour « insuffisance manifeste de l'offre de logements sociaux », comme l'a rappelé Pierre Gosnat.
Plus grave, dans les attendus de cette décision, on lit : « Le Gouvernement ne donne pas d'informations statistiques pertinentes ou ne procède pas à une confrontation entre besoins constatés, moyens dégagés et résultats obtenus. »
Ces mots sont lourds de sens. Or, je veux le dire solennellement, ils caractérisent parfaitement l'atteinte qui est régulièrement portée au principe constitutionnel de contrôle de l'action du Gouvernement par le Parlement.
Un exemple illustre bien cette atteinte : le fait que votre ministère ne réponde parfois que par des chiffres datant de 2006 au questionnaire adressé par la commission des affaires économiques pour le budget 2010.
Ainsi en est-il des statistiques concernant le statut d'occupation. Le Président voulait permettre à tous les Français d'être propriétaires de leur logement, mais vous ne donnez aucun chiffre depuis 2006, date à laquelle la France comptait 57,2 % de propriétaires. Je ne suis pas loin de penser que cette opacité est un aveu d'échec.
Si cette promesse d'une France de propriétaires est parfaitement illusoire, elle a parfaitement légitimé votre décision d'octroyer des crédits d'impôt en faveur de l'acquisition.
Cette dépense fiscale et d'autres amputent chaque année de 10 à 15 milliards d'euros le budget du logement, et réduisent d'autant la part qui pourrait être consacrée à l'aide à la pierre, amenuisant par là même toute politique qui pourrait être menée en matière de logement social. Nous proposons donc de les revoir.
Un député du Nouveau Centre a jugé utile de défendre, dans le cadre de l'examen du projet de loi sur le Grand Paris, un prétendu bilan Boutin-Apparu de 120 000 logements sociaux construits en 2009. Nous ne savons pas si vous y intégrez les 25 000 logements revendus par Icade en Île-de-France à des bailleurs sociaux, ce qui serait tout bonnement scandaleux, après que la droite n'eut trouvé mot à dire de son entrée en Bourse et de la privatisation de ce parc en 2006.
Le bilan est objectivement mauvais. Vous l'avez rappelé, monsieur le secrétaire d'État, les lois se multiplient – six en six ans – mais elles ne changent rien quand elles n'aggravent pas la situation, car la volonté politique fait défaut, ne produit aucune contrainte et ne dégage pas les moyens à la hauteur d'une crise du logement exceptionnelle.
Prenons l'exemple des Hauts-de-Seine, que je connais bien.
En matière de logement social, quatorze communes sur trente-six ne respectent pas la loi SRU, par exemple. Parmi ces quatorze communes – toutes de droite –, douze se permettent en outre de ne pas respecter les objectifs du plan départemental d'action en faveur des personnes défavorisées, issu de la loi Borloo de 2006, alors que le département des Hauts-de-Seine continue à concentrer les populations les plus en difficulté dans les quelques villes qui dépassent largement les objectifs de la loi.
Le système craque de partout. Dans leur récent rapport sur la loi Borloo, mes collègues Gérard Hamel et Jean-Yves Le Bouillonnec relèvent que son « application est relativement lente » et s'interrogent sur « la pertinence d'adopter des mesures au terme de deux lectures devant chacune des assemblées, pour ensuite les modifier avant leur mise en oeuvre effective. »
À Levallois-Perret, toujours dans les Hauts-de-Seine, l'adjointe au logement du député-maire UMP écrit noir sur blanc aux locataires de l'office municipal qu'elle est contrainte d'appliquer la loi MOLLE, alors qu'elle n'y est pas favorable. Nous ne la contredirons pas, nous qui avons si largement dénoncé les dangers de cette loi pour la mixité sociale.
Si vous êtes d'accord avec le maire de Levallois, alors… (Sourires)
Aussi proposons-nous de faire de 2010 l'année du logement social, celle qui permettra de tout repenser en termes de réalisation, de financement, de rénovation et d'urbanisme.
Pourquoi tant d'intérêt pour le logement social, nous demanderez-vous ? Notamment parce que le taux d'effort pour se loger dans le parc privé atteint des niveaux déraisonnables, les loyers y étant 45 % plus chers que dans le parc public.
Et tandis que le Gouvernement s'obstine, dans son idéologie sociale-libérale, à financer, quoiqu'à un niveau faible, l'aide à la personne plutôt que l'aide à la pierre,…
Quinze milliards d'euros en plus : vous avez raison, ce n'est rien !
…plus d'un million de nos concitoyens restent demandeurs d'un logement social.
Pour relever ce défi éminemment grave, il faudrait mettre en place une sécurité sociale du logement, pour que ce poste ne dépasse pas 20 % du budget des familles, et aussi augmenter de manière significative l'APL.
Dans les plans locaux d'urbanisme, il faudrait imposer une disposition obligeant à inclure 40 % de logements sociaux dans tout programme de plus de douze logements, dans les villes qui ne respectent pas la loi.
Il faudrait obtenir le réengagement financier de l'État à hauteur de 2 % du PIB pour l'aide à la pierre et la construction effective de 120 000 logements vraiment sociaux, c'est-à-dire des logements PLUS et PLAI, jusqu'à satisfaction des besoins.
Enfin, face à la pénurie actuelle, il faudrait faire cesser immédiatement le scandale de la vente des logements sociaux.
Les députés communistes, républicains et du Parti de gauche vous proposent donc de changer la donne immédiatement, en adoptant des mesures d'urgence pour le logement, dont certaines sont issues des politiques ambitieuses menées directement par des élus locaux, malgré la politique gouvernementale et la complicité de certaines collectivités.
Nous proposons ainsi de pénaliser plus lourdement les communes défaillantes en matière d'application de la loi SRU, de protéger les plus démunis en prenant des mesures contre les expulsions et les coupures de gaz et d'électricité, de mobiliser les logements vacants par leur réquisition immédiate, de relever les plafonds de ressources pour l'attribution des logements sociaux, de plafonner le loyer de solidarité, de rendre facultatives les conventions d'utilité sociale entre l'État et les organismes HLM, de développer la collecte de l'épargne en relevant le plafond des versements sur le livret A, et enfin de renforcer la participation des employeurs au financement du logement.
La majorité n'a proposé aucun amendement. Nous ne pouvons imaginer que c'est par désintérêt pour le sujet. Nous invitons donc l'ensemble de la représentation nationale à soutenir nos propositions concernant l'une des premières préoccupations de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, je voudrais d'abord rappeler que le Gouvernement et les députés de la majorité n'ont pas attendu – malheureusement, dirai-je – la proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui pour affronter la crise du logement. Depuis 2002, notre majorité mène une politique particulièrement active dans ce domaine. Cette politique se traduit notamment par la mise en oeuvre du droit opposable au logement, même si je conviens bien volontiers que son efficacité n'est pas totale,…
…et par la lutte contre l'exclusion à travers la loi dite MOLLE, dont j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur.
Cette loi – renforcée par le plan de relance, j'en conviens également – a proposé de nombreuses réponses à la crise immobilière.
Elle a d'abord permis d'améliorer la gestion du parc social avec les conventions d'utilité sociale conclues entre l'État et les bailleurs sociaux. L'extension du dispositif du Pass-foncier au logement collectif a également favorisé l'accession sociale à la propriété.
Elle a réformé en profondeur – ô combien – la gouvernance du 1 % logement, en mobilisant ses moyens à destination notamment de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine et de l'Agence nationale de l'habitat, accélérant et confortant la politique de rénovation urbaine – immense chantier qui concerne 480 quartiers et plus de trois millions d'habitants –, sans oublier d'y ajouter le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés, ces trois actions totalisant 1,3 milliard d'euros.
Par ailleurs, l'adoption récente du budget du logement et de la ville pour 2010 poursuit pleinement l'effort précédent. Avec 7,1 milliards d'euros en crédits de paiement, ce budget entend répondre aux besoins des Français et plus particulièrement aux attentes des quartiers les plus en difficulté. Une augmentation de plus de 8 % en 2010 du financement des aides personnelles permettra ainsi d'aider les ménages les plus modestes à accéder à un logement ou à s'y maintenir. Quelque 110 000 logements sociaux seront ainsi financés en 2010 – je n'ai pas dit réalisés, je connais la nuance. Il convient d'y ajouter les 30 000 logements sociaux prévus par le plan de relance.
Monsieur Gosnat, je suis pour le moins étonné du chiffre que vous avez cité tout à l'heure, laissant accroire que les logements sociaux ne représenteraient que 13 % des constructions cette année. Votre comptabilité a dû laisser s'évaporer la catégorie dite des PLUS, qui est tout sauf négligeable et même très importante en matière de logement social. Même l'USH – qui n'est autre que la fédération des organismes de bailleurs sociaux – atteste la construction effective de quelque 80 000 logements sociaux sur un total de 305 000 à 310 000 pour l'année 2009. Nous voyons ainsi que les pourcentages varient en fonction de la définition donnée aux catégories en question.
Nous avons besoin des PLUS !
Précisément, je salue l'USH qui signale ce rôle contra-cyclique, c'est-à-dire l'importance de la construction de logements sociaux, inégalée depuis des années : le nombre de mises en chantier dépassera très certainement les 80 000. Le rôle contra-cyclique du logement social est parfaitement reconnu par l'ensemble – j'y insiste – des organismes de bailleurs sociaux.
Ce que dit le Conseil d'État n'est pas forcément l'évangile selon saint Jean !
L'accession à la propriété sera de surcroît fortement encouragée par la prolongation du prêt à taux zéro jusqu'en 2012 et par le maintien de son doublement jusqu'au 30 juin 2010.
Les dispositifs d'aide à l'investissement locatif ainsi que le crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt complètent les nombreux dispositifs déjà existants.
De même, nous avons notablement renforcé la prévention de l'exclusion : la dotation allouée en 2010 aux structures d'hébergement d'urgence fait suite à un effort sans précédent consenti depuis deux ans en la matière.
Logement et urbanisme ont été logiquement regroupés dans un secrétariat d'État, rattaché au grand MEDAD, ce que tout le monde souhaitait – je n'ai donc pas compris les critiques que je viens d'entendre à ce propos.
Le 10 novembre dernier, le secrétaire d'État a présenté 20 mesures destinées à refonder et réorganiser le dispositif actuel d'hébergement et d'accès au logement des personnes sans abri ou mal logées. Il prévoit notamment le renforcement de la politique de prévention des expulsions et de la lutte contre l'habitat indigne, la mise en place d'un service de l'hébergement et de l'accès au logement. Enfin, il donne une priorité à l'accès au logement, y compris pour les publics les plus vulnérables.
Comme vous le voyez et le savez, mes chers collègues, de nombreuses lois ont déjà été adoptées dans le domaine du logement et de la politique de la ville.
Modifier à nouveau la législation serait-il à ce jour raisonnable, alors que le Grenelle viendra bientôt revoir les règles existantes ? Sincèrement, je ne le crois pas.
Conforter d'abord la mise en oeuvre de la loi MOLLE et utiliser ses outils : voilà l'obligation que nous nous sommes donnée depuis quelques mois. Tenons cela, si vous le voulez bien, et seulement cela.
Nous ne pouvons donc retenir la proposition de loi qui nous est faite aujourd'hui. Tout d'abord parce que le texte qui nous est soumis prévoit une redéfinition très extensive des missions du logement social : « Le logement social vise à assurer l'effectivité du droit pour chaque citoyen d'accéder à un logement. » Vous le savez comme moi, monsieur Gosnat, une telle définition du logement social aurait pour conséquence d'y rendre éligible la totalité de la population française.
Permettez-moi de vous rappeler que la vocation du logement social est précisément d'offrir aux personnes à revenus modestes la possibilité de se loger décemment. Cela suppose des priorités et des choix.
Vous proposez ensuite diverses mesures d'urgence visant à pallier la crise du logement. C'est notamment le cas du droit ouvert au préfet de se substituer aux maires qui refusent la construction de logements sociaux sur leur territoire. La loi MOLLE a déjà conféré au préfet l'exercice du droit de préemption dans les communes faisant l'objet d'un arrêté de carence. Ce dispositif nous semble suffisant.
Tout à fait !
En effet, il faut que la loi soit appliquée, mais je répète qu'elle est très claire. Nul besoin d'en rajouter !
Par ailleurs, l'extension de la trêve hivernale du 15 octobre au 1er avril, l'interdiction des coupures d'électricité ou de gaz durant cette période, ainsi que la procédure facilitée de mobilisation de logements vacants, risqueraient de porter atteinte à l'équilibre fragile entre le droit de propriété et le droit d'accès à un logement vacant. Cet équilibre, nous nous sommes efforcés de le garantir, y compris et encore lors de l'examen de la loi MOLLE.
De surcroît, ce n'est pas un hasard si, dans cette loi, notre majorité a fait le choix de réduire de 10 % les plafonds de ressources encadrant l'accès au logement social. Nous avons ainsi visé les 60 % de ménages français éligibles au logement social qui en ont le plus besoin. N'est-ce pas acceptable et même recommandable ?
Vos propositions, enfin, sur le financement de la politique du logement pourraient entraîner une augmentation très lourde des charges pesant sur l'État, sans garantir un impact significatif sur la production de logements sociaux. Est-ce bien raisonnable ?
Mes chers collègues, notre engagement en faveur du logement – 34 milliards d'euros en 2009 – ne s'est jamais démenti depuis plus de sept ans. Je n'aurai pas l'outrecuidance de prétendre que nous répondons à tout et à tous. Je vous demande seulement d'admettre que le logement figure clairement au rang de nos priorités. Voilà pourquoi, restant dans le champ du possible, le groupe UMP ne votera pas la proposition qui nous est soumise. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le secrétaire d'État, il y a peut-être les fausses bonnes idées, que vous imputez à l'opposition ; il y a assurément les constats des mauvaises politiques, celles du Gouvernement en particulier, inacceptables parce que ce sont nos compatriotes qui les subissent.
Pouvons-nous espérer que vous serez le premier, après vos cinq prédécesseurs, à ne pas servir à vos interlocuteurs, de la majorité comme de l'opposition, cette dialectique politicienne qui consiste à renvoyer aux statistiques, au demeurant contestées, de 2000 ? Venez dans ma commune ou dans celle de Pierre Gosnat, venez dans le Val-de-Marne : vous verrez si nous ne sommes pas mobilisés sur le logement, dans toutes ses composantes. Je vous serais donc reconnaissant d'abandonner cette référence à 2000, alors que le contexte était totalement différent : nous pourrions alors parler du fond. En effet, tant que la situation s'aggravera, vous trouverez dans cet hémicycle des hommes et des femmes, notamment de l'opposition, qui exigeront que vous rendiez la politique de l'État efficace.
Record de financement depuis trente ans !
Si vous siégez sur ces bancs quand la gauche sera revenue aux affaires, vous assumerez votre responsabilité d'élu en pressant de la même façon vos successeurs. Si l'opposition devait purement et simplement acquiescer à l'action du Gouvernement, elle ne serait plus une opposition.
Une opposition, certes, mais pas par principe !
Ce n'est pas le cas ! Vous le constaterez avec mon intervention.
La crise du logement, prégnante depuis de nombreuses années, s'aggrave, dans un contexte de crise économique généralisée. Si le diagnostic est partagé, l'adoption de mesures urgentes et appropriées s'impose avec d'autant plus d'acuité. La proposition de loi du groupe GDR vous invite, comme le groupe SRC l'avait déjà fait, à un réel changement de cap, car les circonstances l'imposent et les Français l'attendent. Insécurité pour les ménages, perte de pouvoir d'achat, peur de perdre son emploi, peur de ne pas ou de ne plus avoir de logement : telles sont les réalités vécues par la majorité de nos concitoyens.
Vous le savez, le logement est devenu le premier poste de dépense des ménages, passant de 19 % à 25 % de leur budget. Mais il ne s'agit que d'une moyenne, qui confirme que, dans bien des territoires, et notamment pour le parc privé, ce taux dépasse 40 %. Face à un tel constat, le Gouvernement tarde toujours à mettre en oeuvre une politique d'envergure et des mesures appropriées.
Malgré l'ampleur de la crise, le Gouvernement et la majorité n'ont eu de cesse de se désengager financièrement,…
C'est faux !
…se fourvoyant dans des dispositifs fiscaux non ciblés. Résultat : l'État ne contribue plus qu'à hauteur de 3 % aux plans de financement pour les logements sociaux, alors qu'il en manque tant.
C'est totalement faux ! Cela s'appelle un mensonge !
Je maintiens ce chiffre : ouvrons le débat ; si vous me traitez de menteur, cela m'autorise à vous retourner le compliment. Dans ma modeste commune, ce taux de 3 % n'est même pas atteint.
C'est totalement faux ! Vous oubliez la TVA, la surcharge foncière et d'autres données !
Vous pouvez toujours m'interrompre, monsieur le secrétaire d'État, mais, dans ma commune, la participation de l'État est inférieure à 3 %. Quant à la surcharge foncière, vous ne la payez plus,…
Mensonge ! La dotation a augmenté cette année !
…et vous ignorez tous les dispositifs d'accompagnement du logement social, lequel, selon vous, n'est qu'un instrument du déclic économique qui, pour l'heure, retient toute votre attention, car le secteur privé a, pour des raisons financières, abandonné cette année la construction de logements.
C'est faux !
Comme d'habitude, on a appelé le logement social à la rescousse ! Cela fait plusieurs années que nous dénonçons cette incongruité politique : nous avons alerté à plusieurs reprises les gouvernements successifs sur l'urgence de faire des choix audacieux et judicieux en la matière.
Sous la précédente législature et au cours de celle-ci, notamment en avril 2008, notre groupe a fait des propositions, dont la pertinence a été reconnue, afin de renforcer les APL, d'instaurer un bouclier logement et de rendre effective l'application de l'article 55 de la loi SRU. Ces propositions, le Conseil d'État les a lui-même évoquées dans son rapport de juin 2009 intitulé « Droit au logement, droit du logement », où il suggère que l'État consacre au moins 2 % du PIB annuel à la politique du logement : voilà un vrai critère !
Et ce sera le cas en 2010 !
Ne nous faites pas rire avec les chiffres de 2010 ! On sait ce que sera le déficit de l'État !
Le Conseil d'État évoque l'obligation de construire 30 % de logements sociaux dans tous les programmes de plus de dix logements, l'encadrement des loyers à la relocation – proposition que nous avions faite en 2008 –, l'imposition de densités minimales en agglomération et une meilleure répartition de la rente foncière. À chaque débat sur le logement, nous essayons de faire accepter nos amendements et nos propositions : en vain. Mais nous ne céderons pas sur les mesures préconisées par ce rapport ; nous finirons par obtenir des politiques adaptées.
Nous parvenons à travailler ensemble lorsqu'il s'agit d'évaluer les lois ; pourquoi est-ce impossible lorsque nous les écrivons ? Je pense notamment à l'article 40, qui nous empêche de formuler des propositions dont nous savons qu'elles affectent le budget de l'État ;…
…mais comment pourrait-il en être autrement ?
Autre exemple récent : les sénateurs socialistes vous ont proposé des mesures pragmatiques pour lutter contre les logements vacants et en appeler à la solidarité nationale. La gauche a soutenu cette démarche. Mais vous lui avez répété votre habituel refrain : les mesures proposées sont pertinentes, mais nous préférons les rejeter. Pourtant, l'ensemble de la commission des affaires économiques du Sénat avait souligné l'intérêt et la qualité de cette proposition de loi.
Saisissez donc l'occasion qui vous est offerte aujourd'hui de prendre toute la mesure de la crise du logement, toute la mesure du mal-logement et de la souffrance qui en découle pour des millions de Français ; montrez que le débat n'est pas joué d'avance et que votre écoute n'est pas de pure politesse – encore que cela ne fut pas vraiment le cas il y a un instant – ; acceptez d'agir en adoptant le présent texte, dont la pertinence est évidente.
Le logement, en effet, n'est pas un bien comme un autre : c'est un élément structurant de l'individu et, à ce titre, il est inscrit au coeur de la vie des gens. L'État doit donc remplir son office et réinvestir ce champ en se lançant dans une politique publique d'envergure pour rendre effectif le droit au logement dont il est le garant.
La crise économique que nous traversons peut être une chance si l'État en tire objectivement toutes les conséquences. Le marché ne se régule pas lui-même : il est de plus en plus question de régulation étatique sur le plan économique et social. Une régulation du marché immobilier par une action sur le foncier et l'urbanisme est nécessaire mais, avant ce changement de cap, vous pouvez agir de façon très ciblée en améliorant l'existant.
L'État est garant du droit au logement. Il doit à ce titre disposer des outils propres à rendre ce droit effectif. C'est pourquoi l'article 1er de la proposition de loi vise à conforter un véritable service public de la construction, de l'aménagement, de l'attribution et de la gestion du parc locatif social. Cette disposition n'est pas anecdotique. Vous invoquez le chiffre de 110 000 logements sociaux, mais 50 000 de ces constructions relèvent des logements PLS, inaccessibles à tous les demandeurs du DALO et à la moitié des demandeurs de logement.
Il n'y a pas que les demandeurs du DALO à loger ! Il y a beaucoup d'autres personnes !
Pourquoi, par ailleurs, l'engagement de l'État s'est-il réduit à 12 000 euros pour les logements PLAI et à 1 000 euros – contre 2 000 l'an dernier – pour les PLUS ?
Pour accroître le financment de la surcharge foncière !
Il faudrait, monsieur le secrétaire d'État, augmenter la participation de l'État dans la construction des logements PLAI et PLUS et, surtout, cesser d'assimiler les PLS à des logements sociaux, ce qu'ils ne sont pas pour les trois quarts des demandeurs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.) Tant que durera cette présentation statistique, nous serons en désaccord. Hier, à l'issue de la manifestation à laquelle vous vous êtes rendu, les questions portaient sur la sortie des centres d'hébergement d'urgence ; or on n'en sort pas, monsieur le secrétaire d'État, avec des PLS !
Tant que vous n'aurez pas compris cela, tant que l'État n'aura pas cassé sa tirelire, ou plutôt mobilisé ses moyens, non pour le soutien de la propriété privée mais au profit de ceux qui ne peuvent payer des loyers ni sur le marché privé ni via des PLS, votre politique sera un échec.
Tel est bien le fondement de nos divergences. Nous pouvons travailler sur l'accession au logement et sur la diversité de l'offre, comme Pierre Gosnat l'a rappelé,…
…mais vous devez d'abord, monsieur le secrétaire d'État, répondre aux besoins de ceux qui, faute d'une autonomie financière ou sociale suffisante, se trouvent dans l'incapacité de trouver un logement. Tant que vous persévérerez dans la politique que vous menez, vous refuserez de leur donner un logement.
Le jour où l'on aura donné un logement à ceux qui sont dans les centres d'hébergement, le droit au logement deviendra une réalité : c'est tout notre dilemme, et c'est pour cela qu'il faut casser la tirelire de l'État ! Si on ne peut le faire en raisons des bêtises passées telles que le bouclier fiscal, il faut revenir aux bons choix : aider les 1,4 million de demandeurs de logement, et non les 500 000 bénéficiaires des investissements locatifs, lesquels ne profitent pas à l'offre de logements en France.
Vous ne pouvez prétendre que mes convictions sont moins honorables que les vôtres : elles marquent la différence entre la droite et la gauche ! Et je suis convaincu qu'au fil du temps les Français s'apercevront de cette différence, et qu'ils choisiront de nous confier la politique du logement au niveau national.
L'État ne peut plus se décharger sur les collectivités, les partenaires sociaux, le 1 % logement – lequel, cette année, permet quasiment de financer l'ANRU, l'ANAH et l'ensemble des opérations sur le patrimoine de logements anciens. Ce n'est pas en pillant les ressources des organismes de HLM par les conventions d'utilité sociale et en mettant de multiples barrières à leur action que vous permettrez au logement social de jouer un rôle dans l'offre de logements locatifs. L'article de la proposition de loi rendant facultative la convention entre l'État et les organismes de HLM est opportun : il constituerait un signe positif envoyé à l'ensemble des organismes de HLM, qui subissent de plein fouet les effets conjugués de la crise et du désengagement de l'État.
De même, pour accroître les ressources disponibles pour la construction de logements sociaux, il existe un outil qui a fait ses preuves : le livret A. Notre collègue a raison de proposer de revenir à des propositions formulées dans cet hémicycle lors des débats sur la loi de modernisation de l'économie : faire en sorte que la totalité des dépôts collectés par le livret A soient bien utilisés en faveur du logement social et relever le plafond de dépôt.
Au mois d'octobre, les retraits ont une fois de plus été supérieurs aux dépôts.
Nous avons une marge de 40 milliards d'euros !
À terme, les ponctions réalisées sur les dépôts manqueront à l'offre de construction.
Je voudrais, pour conclure, reparler des expulsions. Le crime qui a été commis lorsque les délais de la procédure d'expulsion ont été réduits de trois à un an pèse sur la mise en oeuvre du DALO, car les dossiers étant examinés plus vite, les gens sont expulsés plus tôt et vont prématurément alimenter la liste des demandeurs. Nous sommes bien là dans l'irrationnel.
Les mesures contenues dans la proposition de loi de notre collègue sont pertinentes Elles permettraient de régler immédiatement certains problèmes. Il ne s'agit pas de refaire le monde, mais d'utiliser quelques clefs pour débloquer des situations particulières. Vous avez parlé, monsieur le secrétaire d'État, de la taxe sur les locaux vacants. Dans les cinq agglomérations où elle a été mise en oeuvre à titre expérimental…
Il y en a huit !
Dans ces huit agglomérations, donc, la taxe a fait la preuve de son efficacité et l'on constate une division par cinq du nombre de logements vacants.
Si ça marche, pourquoi la doubler ?
C'est bien ce dispositif qui permet de réintégrer des logements vacants dans l'offre de logements.
Mais pourquoi doubler le taux si la taxe est déjà efficace ?
Votre réflexion est extraordinaire ! Quand on touche au montant de la taxe, on provoque immédiatement une réaction du propriétaire. C'est d'ailleurs ce que M. Pinte a dû vous dire hier et qu'il a répété tout à l'heure à propos d'une autre option, le droit de préemption, qui devrait d'abord être exercé par l'État.
Sous le bénéfice de ces remarques – et même si nos échanges m'ont un peu écarté de celles que j'avais prévu de vous livrer –, je vous confirme, monsieur le secrétaire d'État, que nous voterons la proposition de loi du groupe GDR. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
J'aimerais répondre sur quelques points et rétablir, peut-être, quelques vérités. J'avoue trouver assez savoureux le développement que vient de faire M. Le Bouillonnec sur les différences entre la droite et la gauche On connaît la rengaine : « Nous, nous sommes bien, mais pas vous ! »
Encore faut-il considérer les chiffres. La vraie différence, monsieur Le Bouillonnec, savez-vous où elle se trouve ? En 2000, vous avez fait 5 000 PLAI.
Cette année, nous en ferons 25 000, soit cinq fois plus.
Il ne peut pas prétendre ne pas m'avoir interrompu quand j'avais la parole !
Nous vous communiquerons les chiffres exacts.
D'autre part, il est un chiffre qui me paraît extraordinaire. Si je comprends bien, l'État ne financerait que 3 % du logement social. C'est en tout cas ce qui ressort de l'exemple que vous avez cité, celui de votre ville. Vous avez simplement oublié le taux réduit de TVA, l'exonération de taxes sur le foncier bâti, les aides de circuit, l'APL : bref, vous avez tout oublié !
Je vous enverrai le tableau des chiffres, monsieur Le Bouillonnec.
La réalité des chiffres montre que, sur 100 euros d'aide au financement du logement social, 66 viennent de l'État.
Dans le financement d'un PLAI, l'État participe pour 47 %.
Je vous enverrai les chiffres et je serais surpris que vous mainteniez vos 3 % après les avoir vus. Si c'est le cas, il nous faudra retirer la TVA, l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties et tout le reste, que vous ne comptez pas. Est-ce vraiment ce que vous souhaitez ? Arrêtez donc de travestir la réalité.
Nos débats n'en seront que plus clairs.
Enfin, vous criez haro sur le PLS, considérant, grosso modo, qu'il n'entre pas dans le cadre du logement social, et qu'il ne faut plus en faire. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Mais vous ne voulez plus que le PLS soit comptabilisé dans le logement social.
La réalité, monsieur Le Bouillonnec, c'est que nous considérons que la chaîne des produits de logement doit correspondre aux besoins de nos compatriotes. Nous avons besoin de faire du PLS, et nous avons notamment besoin d'avoir des loyers autour de 9 euros le mètre carré. Voilà ce qui nous différencie vraiment.
Je ne veux pas vous brimer, monsieur le rapporteur, mais vous êtes déjà longuement intervenu, et je vous serais reconnaissant de ne dire qu'un mot.
Monsieur le président, le secrétaire d'État s'est permis à tout moment de couper la parole à notre collègue Jean-Yves Le Bouillonnec, ce qui me paraît assez scandaleux.
Forcément, il joue deux rôles en même temps : le sien et celui de l'UMP, qui est totalement absente !
Monsieur le secrétaire d'État, nous ne faisons pas, aujourd'hui, le même constat, ce qui, de votre part, doit être volontaire. Vous ne voyez pas que la crise du logement s'aggrave…
…qu'il est de plus en plus difficile de se loger, que les gens vivent de vrais drames. Je vous ai entendu dire l'autre jour, en commission élargie, qu'on ne pouvait peut-être pas appliquer le DALO, mais que cela fonctionnait dans 90 % des départements.
Je n'ai pas dit qu'on ne pouvait pas l'appliquer !
Reste que le DALO a été fait précisément pour les zones tendues, celles où l'on constate une surchauffe, où les gens n'arrivent pas à se loger. Tout cela vient de ce que votre politique abandonne le logement social.
Vous avez parlé de la surcharge foncière. Aujourd'hui, il est quasiment impossible de construire des logements sociaux dans des régions telles que l'Île-de-France ou dans des secteurs à forte densité urbaine. Vous dites que nous travestissons les chiffres : ce sont ceux que vous donnez qui sont faux. Ainsi, depuis des années, nous vous demandons d'augmenter l'aide personnalisée au logement, qui stagne. Voilà une réalité !
Le budget de 2010 est en relative augmentation, c'est vrai, mais chacun sait pourquoi. Si on le compare au budget de 2007, on constate une baisse de 236 millions. Cette année, même, les aides à la pierre baissent de 70 millions.
Nous n'avons pas encore parlé d'un programme considérable : les rénovations urbaines de l'ANRU. Certaines opérations sont sur le point de s'achever, mais nous ne savons pas ce qu'il va advenir du reste, et nous le savons d'autant moins que vous avez siphonné l'argent du 1 % logement et qu'il n'y a plus, dans le budget de l'État, de quoi réaliser ces opérations ANRU. Chacun, ici, peut témoigner que de nombreux dossiers sont en attente, alors qu'ils sont l'aboutissement d'une longue préparation et de discussions avec la population. Vous prenez le risque que tous ces dossiers soient définitivement enterrés.
Quant au livret A, vous avez voulu nous faire croire – mais nous n'avons pas voté cette mesure – que le transfert aux banques pouvait être une bonne solution pour conforter le livret A. Cette réforme se solde par une décollecte catastrophique, liée à la baisse du taux du livret A. Vous dites que nous avons une réserve de 40 milliards. Mais nous ne pouvons pas nous contenter de cela. Qu'allons-nous faire de cet argent ? À quoi allons-nous l'utiliser ? Comment allons-nous développer l'épargne populaire ? Telles sont les questions qui se posent, alors que vous avez permis que des milliards soient donnés aux banques privées. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte dont l'Assemblée a été saisie initialement, puisque la commission n'a pas adopté de texte.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, en application de l'article 96 du règlement de l'Assemblée nationale, le Gouvernement demande la réserve des votes sur les articles et les amendements de la présente proposition de loi. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur Candelier, vous êtes inscrit pour deux minutes sur l'article, mais ce serait encore mieux si vous pouviez vous contenter d'une seule. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
Monsieur le président, certains orateurs qui étaient inscrits dans la discussion générale n'ont pas parlé : nous avons donc encore du temps !
Comme mes collègues du groupe GDR, je déplore l'absence de débat. Ces journées de dupes reflètent bien la volonté de la majorité de régler les affaires du pays de façon unilatérale et autoritaire. Une telle situation donne une mauvaise image de sa conception de la démocratie.
La situation du logement en France est très alarmante. C'est une préoccupation constante des Français, qui souffrent de la pénurie de logements sociaux, d'une inadaptation des logements et de prix trop élevés. Combien de nos concitoyens viennent, dans nos permanences, nous demander des logements ? Dans le Douaisis, dont je suis l'élu, il manque actuellement près de 10 000 logements, et ce ne sont pas les lois votées par l'UMP qui permettent de faire face à cette situation. Nous prenons donc nos responsabilités en proposant des mesures d'urgence pour répondre aux besoins élémentaires et garantir la dignité humaine. Nous nous opposons au tout-marché, que prône le Gouvernement, et défendons une politique qui réponde vraiment aux besoins et développe un véritable service public du logement pour tous. Nous devons interdire les expulsions des personnes en détresse sociale, limiter le prix du loyer à 20 % des revenus, alors que cette charge représente actuellement 30 %, et rétablir dans sa forme originelle la participation des employeurs à l'effort de construction. Voilà des mesures utiles.
Le comité chargé du suivi de la loi sur le droit au logement opposable, portée par Nicolas Sarkozy, lui a demandé solennellement de procéder à des réquisitions de logements vacants. C'est une question épineuse pour la droite et les nantis, mais pas pour les députés communistes. À la fin du mois de juin, 7 200 familles en grande précarité n'avaient pas obtenu de logement dans les délais prévus par la loi DALO. Fin septembre, les chiffres étaient pires : 9 780 ménages éligibles n'avaient pas de logement. Face à l'aggravation de la situation des mal logés, pour respecter le droit au logement, il faut réquisitionner les logements vides et appliquer le droit de préemption des préfets. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Je vous remercie, monsieur Candelier, de votre concision.
Le vote sur l'article 1er est réservé.
Les votes sur les articles 2 à 9 sont réservés. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Mes chers collègues, ne m'en veuillez pas, je ne suis que le petit télégraphiste !
Nous avons achevé l'examen des articles de la proposition de loi.
La suite de la discussion de ce texte aura lieu le mardi 8 décembre, après les questions au Gouvernement.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Proposition de loi sur la planification écologique ;
Proposition de résolution sur le service public bancaire ;
Proposition de loi sur le droit au revenu des agriculteurs.
La séance est levée.
(La séance est levée à treize heures.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma