Encore faut-il qu'elle soit appliquée car beaucoup de maires et de préfets sont réticents à la mettre en oeuvre.
Au point où nous en sommes, ma conception de la réquisition est la suivante : elle doit être utilisée comme arme de dissuasion. Dans ma ville, quand j'ai écrit aux institutions propriétaires de trois ou quatre immeubles vacants que j'étais prêt à faire usage de cette procédure, dans les trois mois qui ont suivi, la situation a connu un dégel : ou bien ces immeubles ont été réaffectés à des activités économiques, ou bien ils ont été réhabilités pour servir de logements et, s'ils n'intéressaient plus leurs propriétaires, vendus et préemptés par la mairie pour servir de logements sociaux.
Pour moi, la réquisition, surtout entre les mains d'un maire, est d'abord et avant tout une arme de dissuasion. Chaque fois que l'on en a la possibilité, il faut savoir l'utiliser.
La question de la réquisition a été récemment réactualisée par les étudiants de Jeudi Noir à travers leurs opérations d'occupation d'immeubles appartenant à des propriétaires privés mais aussi à la puissance publique.
Pour ce qui est de l'immeuble de la place des Vosges, propriété privée, est-il normal qu'il soit resté en jachère pendant quarante-cinq ans ? C'est impensable, je dirai même que c'est scandaleux. C'est la raison pour laquelle je reste persuadé que l'arme de la réquisition, qu'elle serve à dissuader ou qu'elle soit réellement mise en oeuvre faute d'entente avec le ou la propriétaire, aurait dû être utilisée.
Venons-en aux immeubles appartenant à l'État ou à des établissements publics. Est-il normal qu'un foyer de La Poste soit resté en déshérence pendant dix ans sans que personne ne s'en soucie alors que nous aurions pu faire pression ou le réquisitionner, en droit ou en fait ? Jeudi Noir l'a investi pendant un certain temps, ce qui a permis de réveiller les consciences : cet immeuble a été depuis racheté par ADOMA pour en faire des logements sociaux destinés à des travailleurs d'origine étrangère.
Rue de la Harpe, un immeuble appartenant au CROUS est resté vacant pendant quatre ans alors même qu'il y a une pénurie de logements pour les étudiants. Une opération a là encore été nécessaire et après la médiation à laquelle j'ai bien volontiers participé entre le rectorat de Paris, le CROUS et les membres de Jeudi Noir, une solution à l'amiable a pu être trouvée pour régler cette affaire en toute sérénité.
Voilà pourquoi, monsieur le secrétaire d'État, je vous dis très sincèrement que l'arme de la réquisition, complétée par l'arme de la préemption, doit pouvoir être utilisée dans des situations aussi scandaleuses que celles que nous vivons.
Pour ce qui concerne les étudiants de Jeudi Noir, non seulement je ne suis pas choqué par leurs actions, mais je les accompagne. Est-il normal qu'aujourd'hui des étudiants, à Paris, vivent dans des caves, victimes des marchands de sommeil ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Est-il normal que des étudiantes se prostituent pour obtenir un logement ou en partager un afin de poursuivre leurs études ? Tant que des situations aussi scandaleuses que celles-ci perdureront, je ne trouverai rien de choquant à la réquisition de fait, telle que la pratique Jeudi Noir. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)