La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
La parole est à M. Michel Havard, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, avec Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie, vous représenterez la France au Forum mondial de l'eau qui s'est ouvert hier à Istanbul.
D'après les Nations Unies, à l'horizon 2030, près de la moitié de la population de la planète vivra dans des régions souffrant d'une pénurie aiguë d'eau.
Aujourd'hui, un milliard d'hommes, de femmes et d'enfants demeurent sans accès à une eau potable saine, et deux milliards et demi d'individus ne bénéficient toujours pas d'assainissement de base. Les maladies liées à l'eau, faut-il le rappeler, sont la première cause de mortalité dans le monde et tuent environ huit millions de personnes par an.
En 2000, à New York, les pays de l'ONU s'étaient fixé comme septième objectif du « Millénaire pour le développement » de réduire de moitié la population n'ayant pas accès de façon durable à un approvisionnement en eau potable et à des services d'assainissement de base.
Comment atteindre cet objectif ?
Les difficultés sont nombreuses. En effet, la croissance démographique et le développement économique accroissent la demande en eau, et les changements climatiques raréfient la ressource. La concentration de la population dans des mégapoles où l'eau potable et l'assainissement sont des problèmes particulièrement aigus rend l'objectif fixé encore plus difficile à atteindre ; et je n'ai même pas abordé la question des financements des équipements nécessaires.
Monsieur le ministre d'État, alors que nous sommes confrontés à toutes ces questions, quelles actions entendez-vous promouvoir, à Istanbul, avec Chantal Jouanno, pour relever les défis de l'eau du XXIe siècle ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.
Monsieur Michel Havard, la plupart du temps, dans un pays tempéré comme le nôtre, le problème de l'eau n'est pas perçu avec l'acuité qu'il mérite.
Pourtant, la pénurie d'eau potable est la cause de huit millions de morts par an, et 80 % des victimes sont des enfants.
Le problème de l'eau est d'abord celui de la gestion des cours d'eau, qui fait courir des risques extrêmement graves. Au nom du Gouvernement, je suis heureux de vous informer que la France sera le dix-neuvième État à ratifier la convention sur la gestion internationale des cours d'eau. (Applaudissements sur divers bancs des groupes UMP et NC.)
À Istanbul, avec Chantal Jouanno, nous porterons la parole de la France sur des sujets tels que l'énergie et l'eau, le dessalement de l'eau, l'eau souterraine, et le traitement des eaux. Nous proposerons également d'accueillir le prochain Forum mondial de l'eau en France, à Marseille, dans les Bouches-du-Rhône.
Enfin nous tenterons d'étendre nos discussions à un sujet qui dépasse la question de l'eau. Nelson Mandela le disait : « Les toilettes sont le début de la dignité ». En Afrique, beaucoup de petites filles ne vont pas à l'école car ces dernières ne sont pas équipées de toilettes. Grâce à la loi Oudin-Santini, un programme de financement complet sera mis en place de façon que la France porte fortement les valeurs de l'eau.
L'eau constituera, si nous n'y prenons pas garde, la prochaine bombe à retardement de l'humanité. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Patrick Roy, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC - Huées et claquements de pupitres sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur Roy, vous avez la parole.
Monsieur le Premier ministre, avec un culot incroyable, certains ministres n'ont pas hésité à qualifier le bouclier fiscal de « mesure de justice sociale ». Incroyable ! En effet, pour un nombre impressionnant de Français, il apparaît non seulement comme une injustice flagrante, mais aussi comme un véritable boulet qui plombe le vrai plan de relance dont la France a besoin.
C'est la crise, mais le Trésor public distribue aujourd'hui des sommes indécentes aux privilégiés que vous soutenez ! Au moment où les plus démunis sont frappés de plein fouet par la crise, où les entreprises remercient massivement les intérimaires – c'est notamment le cas du secteur automobile dans ma circonscription –, ces cadeaux fiscaux aux plus favorisés sont tout simplement scandaleux ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)
Même dans vos rangs, le bouclier fiscal est remis en cause. Ainsi, Gérard Larcher, président du Sénat, vient de déclarer qu'« on ne peut pas demander à certains de faire des efforts et pas à d'autres ». Vous devriez l'écouter !
Monsieur le Premier ministre, ma permanence d'élu regorge de situations familiales où il est question non pas de vie, mais de survie. Aussi ma question est-elle claire : avant le cri de colère que les Français pousseront jeudi, allez-vous revenir sur ces cadeaux fiscaux ?
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Non !
Allez-vous supprimer le bouclier fiscal ? (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)
La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
Monsieur Roy, à question directe, réponse directe : non. Bien sûr que non ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP - Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Contrairement à ce que vous croyez, le bouclier fiscal est tout simplement une mesure de justice. (Vives protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Vous dites qu'il faut du culot pour l'affirmer. Eh bien, j'estime, quant à moi, que votre question relève de la gesticulation pure et simple et de la démagogie ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP. - Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Le bouclier fiscal permet aux Français de ne pas payer plus de 50 % de leur revenu en impôt, de ne pas travailler plus d'un jour sur deux pour l'État. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
En outre, plafonner la pression fiscale, c'est limiter le départ des Français vers des pays dont la fiscalité est moins élevée. Il s'agit donc évidemment d'une mesure de productivité et de justice.
Je m'étonne que vous posiez le débat en ces termes. Monsieur le député, est-il vraiment illégitime de gagner de l'argent en France ? (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Serions-nous pervertis au point de dénigrer ceux qui réussissent ? Seriez-vous prêt à montrer du doigt les chefs d'entreprise de votre circonscription ? (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Est-il interdit de réussir en France ? Veut-on chasser de France ceux qui réussissent et ceux qui ont décidé d'y investir, d'y créer des richesses et de l'emploi ? Vous êtes décidément totalement à côté de la plaque ! (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
J'ajoute que le bouclier fiscal représente 458 millions d'euros, soit 6 % des plus de 7 milliards de la loi « Travail, emploi, pouvoir d'achat ». (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Monsieur le secrétaire d'État chargé de l'emploi, la Cour des comptes estime, dans son dernier rapport, que la crise économique que nous vivons depuis plusieurs mois atteindra son paroxysme en 2010. Notre économie ressent déjà lourdement les effets de la crise, les résultats cumulés des quarante premières entreprises françaises marquant un recul de près de 40 % en 2008.
Face aux restructurations des groupes en difficulté, les pouvoirs de l'État sont limités. (Protestations sur quelques bancs des groupes SRC et GDR) Certes, un arsenal juridique permet d'imposer le respect pointilleux de la procédure d'élaboration du plan social et les entreprises doivent respecter des obligations précises sur l'aide au reclassement quand leur effectif excède un millier de salariés.
Selon un rapport récent du Centre d'études de l'emploi, le chômage partiel n'est pas une assurance anti-licenciements en soi. Il ne fait que calmer les tensions sociales quand il n'est pas couplé à un programme de formation professionnelle ambitieux.
Les entreprises de moins d'un millier de salariés disposent, en revanche, d'un outil efficace avec le contrat de transition professionnelle qui affiche un taux de retour durable à l'emploi de près de 60 %. Le Président de la République avait annoncé, au mois de novembre dernier, l'extension du CTP à dix-huit nouveaux bassins industriels en difficulté. Envisage-t-il d'étendre le dispositif à plusieurs villes du grand Ouest en reconversion industrielle, comme Fougères ? Estime-t-il pertinent d'allonger à trois ans la durée des contrats d'accompagnement dans l'emploi qui céderont le pas en 2010 aux contrats uniques d'insertion ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Et du chômage !
Monsieur le député, vous m'interrogez sur les outils qui sont à notre disposition en cette période de crise où, sur certains territoires, la situation est extrêmement difficile.
L'objectif du Gouvernement est d'utiliser tous les leviers qui sont à sa disposition – et vous en avez cité deux – pour aider et protéger nos compatriotes.
Le premier, c'est le contrat de transition professionnelle, lequel a trois objectifs.
Tout d'abord, certains territoires, qui souffrent plus que d'autres, ont plus besoin que d'autres de notre aide et de notre accompagnement. Avec le CTP, mis en place par Jean-Louis Borloo, nous disposons d'un outil plus souple, qui se caractérise par une meilleure indemnisation et un accompagnement plus personnalisé.
Ensuite, ce contrat permet de s'occuper des petites entreprises. L'employé d'une entreprise de moins de mille salariés ne doit pas avoir moins de chances de reconversion que celui d'une entreprise de plus de mille salariés. Grâce au CTP, il sera couvert de la même manière.
Enfin, il permet d'organiser les reconversions. Si, dans le secteur que vous avez évoqué, il n'y a plus d'emplois, il est possible d'en retrouver dans d'autres domaines.
Il y a quinze jours, nous nous sommes rendus à Saint-Dié, où nous avons rencontré des salariés qui avaient perdu leur emploi dans le secteur du tournage de bois. Grâce au CTP, plus de six sur dix d'entre eux ont pu se reconvertir, notamment dans la construction de maisons à ossature en bois, qui est un des produits du Grenelle de l'environnement.
Quant à la situation de Fougères, dont j'ai bien compris qu'elle vous préoccupait particulièrement, nous l'étudierons. Toutefois, je puis vous faire une proposition. Nous avons amélioré, avec les partenaires sociaux, la convention de reclassement personnalisé. Vous avez souligné l'intérêt de la formation ; je vous propose d'ores et déjà d'étudier sur votre territoire la possibilité de mettre en place un dispositif de nature à accompagner les salariés en difficulté.
La parole est à M. Yves Cochet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, je M.'adresse à vous puisque, cet après-midi vous êtes le Premier ministre.
Force est de constater que le plan de relance ne constitue pas une réponse satisfaisante au problème de l'emploi. Dans tous les secteurs sinistrés – l'automobile, l'agriculture, la chimie, la machine-outil –, nous pensons qu'il sera impossible de créer des emplois, et même de maintenir les emplois existants, sans procéder à une conversion écologique de l'activité, c'est-à-dire à une conversion du contenu même de la production.
À cet égard, nous affirmons que dix millions d'emplois verts pourraient être créés en Europe, dont 500 000 à court terme en France, dans des filières nouvelles telles que les économies d'énergie, les énergies renouvelables, la rénovation des bâtiments, l'agriculture biologique, l'aide aux personnes, les services de proximité, le recyclage, la réparation, l'artisanat et bien d'autres. Nous proposons que, à l'instar du Grenelle de l'environnement qui s'est tenu il y a deux ans, soit mis en place à l'échelon européen le Bruxelles de l'emploi (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP), qui réunirait enfin les syndicats, les associations, les mouvements de chômeurs et de précaires, les patrons, les artisans, les députés européens et les collectivités territoriales, afin que puissent enfin être créés ces dix millions d'emplois verts en Europe.
Monsieur le ministre d'Etat, vous qui avez porté le Grenelle de l'environnement, allez-vous également porter le projet du Bruxelles de l'emploi, afin de créer de l'emploi en Europe ? (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes GDR et SRC.)
La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.
Monsieur le député, Chantal Jouanno, Dominique Bussereau, Nathalie Kosciusko-Morizet et moi-même sommes heureux de vous entendre évoquer le Grenelle de l'environnement et la nécessaire mutation objective qu'il permet à notre pays au travers de la loi de finances et des engagements fiscaux et budgétaires. Le chiffre de 500 000 emplois que vous citez correspond bien à celui de l'ensemble du Grenelle de l'environnement.
L'Europe est la première région du monde à avoir pris des engagements au sujet de ce que l'on désignait par le terme barbare de « paquet climat-énergie », regroupant les bâtiments, les véhicules automobiles, l'ensemble de la bureautique, les lampes à incandescence, les transports collectifs, les quotas d'émission et sur l'énergie, et je suis convaincu que nous honorerons ces engagements. Cependant je suis également convaincu, monsieur Cochet, que nous pouvons probablement aller un peu plus loin sur le plan européen, avec les syndicats européens, avec les grandes fédérations professionnelles, avec les parlements nationaux et le Parlement européen, ainsi qu'avec les différents États membres.
Après la grande loi qui a été votée par le Parlement européen en décembre dernier, nous allons devoir nous mobiliser pour l'importante négociation qui va avoir lieu prochainement à Copenhague : l'Europe est pour le moment le chevalier blanc de cette initiative, mais il va falloir tendre la main à nos amis africains et à l'ensemble des pays émergents.
La parole est à M. René-Paul Victoria, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le secrétaire d'État chargé de l'outre-mer, après la Guadeloupe et la Martinique, la Réunion est confrontée à son tour à un profond malaise qui a donné lieu à de violents affrontements, sans entraîner toutefois un blocage de l'île. Un collectif regroupant des organisations syndicales, politiques et associatives de la Réunion, le COSPAR, a formulé soixante-deux revendications, et des négociations sont actuellement en cours entre l'État, le patronat, les collectivités et le COSPAR.
Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous faire un point de l'avancée de ces négociations ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Monsieur le député, l'île de La Réunion connaît effectivement, depuis un peu plus d'une semaine, une situation de tension, même si l'on peut se féliciter qu'aujourd'hui, le calme règne à nouveau sur l'île. Cette tension est née d'un certain nombre de revendications portées par un collectif. Comme nous l'avons fait aux Antilles et en Guyane, le préfet de La Réunion s'est mis immédiatement à la disposition des parties en présence afin de permettre que s'engagent des discussions sur tous les sujets.
Sur les soixante-deux points que vous avez évoqués, l'État a apporté nombre de réponses, notamment sur les sujets sociaux. Ainsi, la transformation du revenu de solidarité active en revenu supplémentaire temporaire d'activité va permettre à 80 000 Réunionnais de toucher une prime exceptionnelle d'activité de 100 euros par mois. Vous-même connaissez bien ce dispositif, puisque vous menez une mission sur la question du RSA. Le préfet a également fait en sorte que les partenaires concernés – entreprises d'une part, collectivités locales d'autre part – puissent se retrouver autour d'une table.
Les discussions sont toujours en cours actuellement. Le préfet a proposé, il y a quelques instants, un accord global aux différents partenaires. J'espère que nous réussirons, dans les jours qui viennent, à sortir La Réunion de la situation de blocage de l'économie où elle se trouve. Conformément à sa vocation, l'État garantit le dialogue social.
Par ailleurs, lorsque certains cherchent à s'emparer des conflits sociaux pour imposer des dérives inacceptables, nous nous employons également à faire respecter l'État de droit. Négociation d'une part, fermeté face aux dérives de l'autre : telle est la recette que nous appliquons à La Réunion et qui, je l'espère, aboutira très vite à nous offrir une porte de sortie. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Élisabeth Guigou, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le ministre des affaires étrangères et européennes, depuis 1966, la France a quitté les structures militaires de l'OTAN tout en restant membre des instances politiques de l'Alliance Atlantique. La France est restée amie des Américains sans leur être subordonnée.
Cette position originale, confirmée par François Mitterrand en 1981, fait consensus dans notre pays depuis quarante-trois ans. Elle a permis de garantir la crédibilité de notre dissuasion nucléaire et de préserver notre autonomie de décision diplomatique et militaire. Elle ne nous a pas empêchés de participer à certaines opérations militaires de l'OTAN ni d'obtenir, au Kosovo, un droit de regard sur les frappes aériennes. Enfin et surtout, la France a joué un rôle, très utile, de pont entre l'Alliance et les pays non alignés, en Asie, en Afrique, dans le monde arabe.
La rupture que le Président Sarkozy veut imposer nous fera perdre la position originale et privilégiée qui est la nôtre et ne nous fera rien gagner, au contraire. Car vous n'avez exigé aucune réforme de l'OTAN, vous n'avez obtenu aucune garantie, aucune contrepartie.
La défense européenne, qui n'a fait aucun progrès réel ces dernières années, en sera encore plus fragilisée. Notre influence dans le monde sera diminuée.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Mais non !
Pire, nous courrons le risque d'être entraînés, malgré nous, dans des croisades occidentales qui alimentent le choc des civilisations. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Alors, monsieur le ministre, pourquoi, par cette rupture, briser un consensus qui est un atout pour notre pays, pourquoi banaliser la France, pourquoi compromettre l'avenir de la défense européenne…
… pourquoi lâcher la proie pour l'ombre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.
Madame Elisabeth Guigou, je suis d'accord avec tout ce que vous avez dit au début.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Alors ?
Mais je ne suis pas d'accord avec ce que vous avez dit ensuite. Oui, il y a eu un consensus de quarante ans qui, d'ailleurs, suivait un consensus de près de vingt ans. En 1966, le général de Gaulle posa un acte majeur dans un contexte très particulier, celui de la guerre froide, du stationnement, sur notre territoire, d'armées étrangères, et d'une riposte, intégrée, quasi automatique, face au Pacte de Varsovie.
Oui, le général de Gaulle a préservé à ce moment-là notre indépendance. Mais, le monde ayant changé, si nous avions conservé ce dispositif, c'est notre influence qui aurait diminué.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Vous n'y croyez pas !
J'y crois et je l'affirme, ce qui renforce ma croyance. Le monde a changé, le Pacte de Varsovie a été rompu.
Sur le Kosovo, vous n'avez pas tout à fait raison. Nous ne connaissions pas l'origine des plans, parce que nous n'étions pas dans le bureau intégré des plans militaires. Certes, cela ne nous a pas empêché de dire notre désaccord. Mais si nous avions participé au scénario, nous aurions eu l'occasion de le dire neuf mois avant. Voilà ce qui aurait changé !
Il faut un débat : nous allons l'avoir cet après-midi. Ne dites pas que nous avons diminué l'influence de la France. C'est une erreur. Depuis près de deux ans, nous avons entièrement suivi notre propre jugement. Et lorsqu'il fallait s'opposer à nos amis américains, nous l'avons fait.
Vingt-trois pays européens sont au sein de l'OTAN. Ils nous remercient de les rejoindre et d'être ainsi capables de prendre nos décisions non pas contre eux, mais avec eux. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, la mobilisation du monde universitaire ne s'essouffle pas et entre dans sa septième semaine de grève. A cette occasion, les députés du Nouveau Centre souhaiteraient avoir des éclaircissements de la part du Gouvernement sur deux points.
À la suite de la fronde des enseignants-chercheurs sur le projet de décret redéfinissant leur statut, le Gouvernement a su faire preuve d'écoute en acceptant de réécrire le texte, en concertation avec les syndicats universitaires.
Ainsi, le 6 mars dernier, un accord a été conclu avec les principales organisations syndicales sur le volet essentiel de la modulation de service d'un enseignant-chercheur, qui ne pourra dorénavant être mise en oeuvre sans l'accord de l'intéressé, ce dont nous nous félicitons. Pourriez-vous nous indiquer le calendrier de mise en oeuvre de ce nouveau décret ?
Par ailleurs, certaines voix s'élèvent pour demander l'abrogation de la loi « Libertés et responsabilités des universités », votée à l'été 2007 qui, je le signale, est actuellement appliquée dans vingt universités. Le groupe Nouveau Centre tient à rappeler que le principe de cette autonomie était inscrit dans les programmes des trois principaux candidats à l'élection présidentielle, comme condition indispensable à l'amélioration du niveau de nos universités. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe NC.)
Pourriez-vous nous donner l'assurance que le Gouvernement tiendra le cap de ce processus d'autonomisation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
La parole est à Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Monsieur le député, aujourd'hui, une trentaine d'universités sont perturbées à des degrés divers. Je tiens à dire devant la représentation nationale que je condamne vigoureusement les actes de violence qui ont été commis contre les biens et les personnels dans les universités de Toulouse et de Montpellier. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) Ils sont le fait d'une minorité très violente, parfois même extérieure à l'université. Je tiens à rappeler ici que les premières victimes des blocages universitaires sont les étudiants, et d'abord les plus fragiles d'entre eux.
Alors, la seule réponse aux interrogations qui s'expriment aujourd'hui dans la communauté universitaire, c'est le dialogue. Vous l'avez dit, monsieur le député, celui-ci a déjà porté ses fruits puisqu'il nous a permis de réécrire le nouveau statut des enseignants-chercheurs, qui sera examiné par les instances paritaires la semaine prochaine. Ce dialogue se poursuivra sur la formation des maîtres avec mon collègue Xavier Darcos. D'ici à la fin de la semaine, je recevrai également les organisations syndicales représentatives de la recherche.
Tous ceux qui aiment l'université, et je sais qu'ils sont nombreux dans cet hémicycle, tous ceux qui croient à l'autonomie des universités doivent désormais appeler au dialogue. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – « Karoutchi aussi ! » sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Serge Letchimy, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse au Premier ministre.
Il est certes trop tôt pour disposer d'une évaluation réelle des événements qui se sont déroulés aux Antilles, mais ce serait, d'après moi, une erreur de réduire ces mouvements sociaux aux seules revendications des plateformes syndicales. Il y a derrière un problème de fond.
Si le Gouvernement s'est attaché à répondre aux enjeux sociaux, il nous appartient de ne pas sombrer dans le syndrome de la recette à court terme et de bien prendre conscience que les événements ne procédaient ni de caprices d'assistés ni d'un macoutisme larvé.
Ainsi nous devons réagir à certaines insinuations qui s'efforcent de présenter nos pays comme des appendices coûteux que la République porterait à bout de bras et qui n'apporteraient rien au patrimoine français. Je pourrais faire la démonstration contraire, aux plans intellectuel, géopolitique ou écologique.
En fait, l'Hexagone nous connaît mal, et il faudrait y répandre l'idée qu'il n'y a pas seulement, dans nos régions, des populations à assister, mais des entités véritables, faites d'histoires, de cultures, de savoirs. Un exemple incompréhensible, monsieur Borloo : comment expliquez-vous l'abandon du projet d'inscrire les plantes médicinales dans la pharmacopée française, alors que cela figurait dans le Grenelle I ?
Les événements ont révélé un désir de Martinique, un vouloir de Guadeloupe, une volonté de faire peuple et d'être reconnus comme tels sans pour cela entrer dans une logique de rupture avec la France.
Ma question demande moins une réponse, qu'une prise de conscience politique : Quand donc la France renouera-t-elle avec ce génie qui fut le sien dans l'exigence de liberté, de dignité et de responsabilité offerte à tous les peuples du monde ? Quand la France réussira-t-elle à conjuguer droit à l'égalité et droit à la différence ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le député-maire de Fort-de-France, vous avez raison de vouloir dépasser les aléas de l'actualité, aussi difficile soit-elle. En effet, au-delà de la crise sociale et des revendications, même fondées, qui la sous-tendaient, c'est à l'avenir du lien entre les outremers et la République qu'il faut réfléchir.
Il nous appartient de convaincre nos compatriotes qui connaissent peu ou mal l'outremer que cette partie importante de notre pays possède une véritable utilité stratégique, qu'elle fait partie de notre histoire et de notre roman national, qu'elle est porteuse d'espoirs et de perspectives.
Concernant votre question précise sur la pharmacopée, je vous rassure : Jean-Louis Borloo et moi-même avons à coeur de ne pas abandonner cette perspective, tout en respectant le principe de précaution.
Dans le cadre du projet de loi de développement économique de l'outre-mer, qui viendra en discussion dans quelque jours devant la représentation nationale, nous souhaitons également faire évoluer le modèle économique de développement de l'outremer, en l'appuyant sur ses atouts propres, ses productions locales, sa capacité à développer de la croissance et pas seulement sur une économie de transferts, certes nécessaire pour compenser les handicaps, mais insuffisante face aux défis du XXIe siècle.
Nos régions ultramarines sont une chance pour notre pays et pour l'Europe, et je ne doute pas qu'ensemble, à l'occasion des états généraux, nous parviendrons à convaincre ceux qui ont pu en avoir une vision caricaturale, que l'outremer, c'est l'avenir de la France ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Philippe Morenvillier, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable, et de l'aménagement du territoire, dans un contexte économique difficile, les prix des produits pétroliers sont désormais, et depuis quelque temps, revenus à des niveaux plus abordables. Les Français le constatent d'ailleurs à la pompe, où le litre de carburant s'est heureusement éloigné des prix très élevés constatés en 2008.
Cette modération des prix constitue une bonne nouvelle pour les consommateurs résidentiels comme pour les clients industriels. Ainsi que nous le savons, le prix du gaz est lié à celui des produits pétroliers. Le gaz est une énergie importante dans notre pays, puisque plus de 500 TWh sont consommés chaque année, principalement dans le secteur résidentiel et tertiaire.
Ce sont ainsi plusieurs millions de foyers qui utilisent quotidiennement le gaz naturel pour le chauffage, la cuisson ou l'eau chaude sanitaire. Nos concitoyens sont donc très attentifs à son coût, comme ils le sont, de manière plus générale, à leurs dépenses en énergie.
En conséquence, pouvez-vous nous préciser les intentions du Gouvernement sur l'évolution des tarifs réglementés de vente de gaz naturel ? Un mouvement de baisse serait naturellement une bonne nouvelle pour les nombreuses familles consommatrices de gaz naturel.
Pouvez-vous par ailleurs nous préciser la façon dont sont calculés les tarifs réglementés de gaz naturel et rappeler la politique du Gouvernement en ce qui concerne l'aide aux consommateurs démunis ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.
Monsieur le député, les prix du gaz sont fonction de la matière première, elle-même indexée sur le pétrole, et du coût des infrastructures.
Il y a quelques mois, alors que les cours du pétrole étaient en hausse, nous avions refusé d'augmenter le prix des infrastructures. Aujourd'hui, le prix du pétrole a baissé, et la position du Gouvernement est claire : le prix du gaz baissera en France pour les particuliers de 10 % au 1er avril, selon les règles de transparence que nous nous sommes fixées. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Les industriels quant à eux devraient également pouvoir bénéficier d'une baisse effaçant l'effet des dernières augmentations.
Enfin, le prix social du gaz concerne 260 000 familles et représente pour chacune d'elles une économie de 180 euros par an. Tel est l'effort du Gouvernement.
Je vous confirme en tout cas que, le 1er avril, le prix du gaz baissera de 10 % pour les particuliers. (Applaudissements sur divers bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Henri Nayrou, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adressait à M. le Premier ministre, et concerne la réforme des collectivités.
Des deux côtés du périphérique et de l'échiquier politique, les propositions de la commission Balladur ont provoqué réserves, critiques, et colère.
D'une part, elles dédaignent la diversité territoriale de notre pays ainsi que l'esprit de la décentralisation, trois ans seulement après son soi-disant acte II. D'autre part, elles témoignent du fossé grandissant entre les élites et la réalité du terrain.
Nul ne conteste la nécessité d'une réforme de fond. Mais vous avez préféré viser en premier les institutions, alors que la première cible aurait dû être la clarification des compétences, une meilleure péréquation, et une vraie solidarité territoriale (Applaudissements sur plusieurs sur les bancs du groupe SRC.) ; et la deuxième cible aurait dû être une fiscalité juste et stabilisée dont les annonces improvisées sur la taxe professionnelle constituent, hélas ! le parfait contre-exemple.
Avec le Président de la République, c'est toujours pareil : il caricature d'abord, il décide ensuite et il réfléchit après ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Ainsi, pour M. Balladur, les divers niveaux de collectivités, les clauses générales de compétences et les financements croisés n'auraient aucune vertu. Sur le terrain, c'est tout autre chose, et la suite des événements le démontrera.
Je fais d'ailleurs remarquer que l'État ne donne pas le meilleur exemple puisque, pour la ligne à grande vitesse Sud-Ouest, il impose des financements croisés aux régions, aux départements et aux communes, et en guise de superposition de strates, il ajoute les ministres de l'Élysée à ceux du Gouvernement.
On a coutume de dire que quand on veut enterrer un problème, il suffit de créer une commission. Ne pensez-vous pas que pour recréer la confiance, il vous suffit d'enterrer la commission ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR. — Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales.
à l'intérieur et aux collectivités territoriales. Comme le Président de la République l'a indiqué à plusieurs reprises, la réforme des collectivités locales sera le grand chantier de l'année 2009, fondé d'ailleurs, comme vous le souhaitez, non seulement sur la clarification des compétences, mais aussi sur la péréquation.
Cette réforme répond, vous le savez bien, à une forte attente de nos concitoyens qui dénoncent régulièrement, à juste titre et avec force, les gaspillages et les lourdeurs qu'engendre l'empilement des structures.
C'est un chantier qui sera mené dans la concertation, comme l'ont été les travaux de la commission pluraliste dirigée par M. Balladur. À cet égard, je suis en mesure de vous annoncer qu'un débat se tiendra dès demain au Sénat autour du rapport d'étape de la mission temporaire sur l'organisation et l'évolution des collectivités territoriales. Par ailleurs, la Conférence nationale des exécutifs sera réunie dès le 25 mars, sous la présidence du Premier ministre : ce sera le point de départ de cette concertation, à laquelle seront bien entendu associés les parlementaires et les présidents des grandes associations nationales d'élus.
Le chef de l'État l'a précisé à maintes reprises : l'objectif est de pouvoir déposer au Parlement, d'ici à l'automne, un projet de loi qui pourrait s'articuler autour d'une loi-cadre définissant les grands principes de la réforme ; le volet fiscal et financier sera quant à lui traité en loi de finances.
Le premier thème qui pourrait être examiné est celui de l'intercommunalité, car c'est celui qui fait le plus consensus.
De plus, nous pourrons nous appuyer largement sur l'avant-projet de loi que j'ai proposé il y a quelques semaines.
La parole est à M. Claude Goasguen, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
J'associe à ma question tous mes collègues qui ont signé l'appel pour le retrait de la France de la conférence Durban II.
Monsieur le ministre des affaires étrangères et européennes, du 20 au 24 mars se déroulera à Genève une conférence communément appelée « Durban II », par référence à un souvenir que nous aimerions oublier : cette catastrophique conférence de Durban I.
Pour l'anecdote, je rappelle que les travaux préparatoires de cette conférence sont menés sous présidence libyenne : chacun sait que la Libye est un pays expert en matière de droits de l'homme ! (Vives exclamations et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Vous les avez invités !
Le rapporteur est cubain, et Cuba est un autre pays expert en matière de droits de l'homme ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Nous en sommes, semble-t-il, à négocier auprès de ces illustres représentants de l'humanisme international le respect de la Déclaration des droits de l'homme de 1948. Nous supplions que la liberté d'expression soit respectée – et nous avons beaucoup de mal. Nous supplions qu'il n'y ait pas de politique discriminatoire en fonction du sexe – et la cause des femmes n'est pas même retenue dans les débats. Nous supplions que chacun puisse reconnaître qu'il y a encore de l'esclavage dans son pays !
Nous supplions tellement qu'un certain nombre de pays ont quitté cette conférence ; c'est le cas en particulier des États-Unis du président Obama. Monsieur le ministre, allons-nous être les derniers à partir de la conférence préparatoire de Durban II ? Monsieur le ministre, qu'allons-nous faire dans cette galère ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP. — Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.
Monsieur Goasguen, il me faut encore deux à trois jours pour répondre à votre question. Vous avez, bien sûr, raison dans les allusions que vous faites à la première conférence, en 2001. Il était absolument impossible de ne pas réagir, d'où la conférence qui sera organisée au mois d'avril de cette année.
Nous l'avons préparée avec l'ensemble des pays européens, avec l'ensemble des pays qui voulaient bien s'associer à nos protestations prononcées par avance.
Il y a des lignes rouges très claires. Vous les avez citées : la stigmatisation d'un pays, l'absence de possibilité de critique d'une religion, la discrimination notamment des femmes, ainsi que des personnes en fonction des tendances sexuelles, et évidemment l'esclavage. Tout cela est très clair.
Vous avez raison : les États-Unis sont revenus il y a huit jours, puis, face au texte préparé, ont à nouveau refusé l'hypothèse d'une conférence. Le Canada, l'Italie, Israël ont fait de même.
Un facilitateur russe nous a proposé un texte aujourd'hui à quatorze heures. Nous ne l'avons pas encore lu, mais il semblerait que des améliorations précises aient été apportées.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Quelle honte !
Nous avons décidé d'avoir une position commune avec les autres pays européens. Nous saurons très vite si nous pouvons ou non accepter ce texte, et nous vous le ferons savoir dans la semaine qui vient, je l'espère – en tout cas dès qu'il sera en notre possession. Je le redis : une position commune sera plus efficace qu'un départ comme celui de l'Italie, sans consultation des autres pays.
La parole est à M. Serge Janquin, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Je tiens d'abord à dire à Mme Pecresse que la protestation force parfois, heureusement, à la concertation qu'elle avait malheureusement écartée.
Ma question s'adresse à Mme Lagarde.
Les industries de l'automobile et leurs équipementiers sont dans l'oeil du cyclone : il devient difficile de faire l'inventaire des fermetures de sites et des plans de licenciements.
Le groupe SRC a exprimé, à de nombreuses reprises, ses désaccords avec le plan de relance du Gouvernement. En effet, ce plan ne lui paraît pas à la hauteur de la crise : il est boiteux, il mise tout sur l'investissement, ce qui mettra du temps à produire des effets, et ne laisse que des miettes pour le pouvoir d'achat. Si nous n'arrivons pas à vous en convaincre, les réalités le feront et la révolte des travailleurs laissés pour compte vous donnera, tôt ou tard, son verdict.
S'agissant en particulier de l'automobile et de ses équipementiers, il faut s'assurer de l'efficacité de vos mesures. Ainsi, le Gouvernement a-t-il mesuré l'efficacité de la prime à la casse ?
Les concours apportés aux grandes firmes et aux équipementiers sont-ils engagés ? Si oui, quels effets ont-ils eus ? L'exigence, affirmée par le Président de la République, de ne fermer aucun site pendant cinq ans est-elle contractuellement opposable, ou s'agit-il d'une simple clause de style, comme, semble-t-il, vous l'avez indiqué à la Commission européenne ? Était-il bien raisonnable de confier, pour partie, aux grandes firmes, le soutien à leurs sous-traitants, alors que, depuis des années, elles les étranglent par des ordres techniques, économiques et financiers de plus en plus drastiques ?
Très significative est à cet égard la situation du site d'Auchel, sur lequel le groupe Peugeot ne peut, ou ne veut, concourir au maintien de son équipementier Faurecia. C'est toute une filière industrielle qu'il s'agit de sauver.
Au carrefour de ces politiques, l'État doit prendre ses responsabilités. M. Lefebvre, porte-parole de l'UMP, n'a-t-il pas déclaré que lorsqu'un site fermait, il devait y avoir reconstruction d'une activité ? Qu'envisage de faire le Gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services.
Monsieur le député, c'est vrai, cela ne sert à rien de le nier, il y a une crise dans l'industrie automobile européenne. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Cette crise a été une crise du crédit, une crise économique avec des conséquences sociales.
Face à cela, je ne peux vous laisser dire que nous n'avons rien fait ou, plus exactement, que nous n'aurions pas pesé les actes qui ont présidé à la tenue des états généraux de l'automobile, lesquels ont débouché sur plusieurs décisions.
Ces décisions ont d'abord concerné la trésorerie des entreprises. Nous avons ainsi assuré des prêts à l'industrie automobile, mis en place des garanties, à travers le fonds de garantie OSEO, réduit les délais de paiement, si importants dans cette filière qui compte beaucoup de petites et moyennes entreprises. Nous avons également instauré des soutiens à l'investissement.
Néanmoins nous n'avons pas fait que cela, et vous le savez bien. Vous me demandez d'évaluer la prime à la casse. Eh bien, cette prime a été si efficace que, ça et là, des tensions apparaissent pour fournir les automobiles. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous ne pouvez pas prétendre que cette prime à la casse n'a pas été efficace, monsieur Janquin.
Enfin, nous nous sommes préoccupés, lors de ces états généraux, de l'avenir, en agissant sur l'innovation à travers le crédit impôt-recherche, en agissant sur la compétitivité à travers la suppression de la taxe professionnelle. Je ne vous ai pas entendu vous réjouir de ces mesures et c'est cela, monsieur le député, que je regrette. L'opposition est aux abonnés absents dans le plan de relance automobile. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.). Avec cette majorité, le Gouvernement continuera à agir. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Yves Censi, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, à l'automne 2008, lors du G7 réuni à Washington à l'initiative du Président de la République, Mme Lagarde avait insisté sur la nécessité d'une nouvelle régulation de la finance internationale, notamment sur la nécessité de traiter à ce titre le cas des paradis fiscaux.
La mise en place d'une nouvelle régulation mondiale des marchés financiers passe obligatoirement par une transparence véritable entre tous les États, y compris ceux appelés paradis fiscaux. Depuis lors, monsieur le ministre, vous avez oeuvré, auprès de vos homologues du G7 et du G20, à la présentation de mesures concrètes pour le prochain sommet du G20 à Londres, particulièrement sur l'aspect de l'évasion fiscale et du secret bancaire.
Ma question sera simple : quelles mesures allant dans le sens de la transparence fiscale pourraient être adoptées lors du prochain sommet du G20 les 1er et 2 avril prochain à Londres ? Détenez-vous par ailleurs un calendrier concret des mesures envisagées aujourd'hui par le Gouvernement ?
La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
Monsieur le député, je vous remercie de cette question qui aborde un sujet dont on parlait peu depuis de nombreuses années, sur lequel on agissait peu, et sur lequel on obtenait peu de résultats, c'est le moins qu'on puisse dire.
Dans la liste publiée par l'OCDE ces derniers mois, trois pays apparaissaient comme étant réellement des paradis fiscaux aux yeux de la communauté internationale : Andorre, le Liechtenstein et Monaco. Les autres pays n'étaient pas concernés.
Au vu de ce constat, et à la demande du Président de la République, nous avons, avec l'OCDE, décidé, en collaboration avec les autorités allemandes, de revoir cette liste pour faire apparaître la réalité en plein jour et faire en sorte que, compte tenu de la crise mais, d'une certaine façon, au-delà même de la crise, l'ensemble des pays de la communauté internationale ne subissent plus la concurrence déloyale, le trou noir, que représentent les paradis fiscaux.
Le G20 qui va se réunir début avril prendra des décisions, je l'espère vraiment, sur la base d'une vision totalement renouvelée des paradis fiscaux, sous la pression très forte de la communauté internationale. Certains pays ont d'ailleurs déjà indiqué qu'ils allaient évoluer, notamment dans le domaine du secret bancaire ; je pense à la Suisse, au Luxembourg, à la Belgique, à l'Autriche, au Liechtenstein, à Andorre, à Singapour, à Hong-Kong, à Monaco. Tous ces pays ont fait acte de volontarisme très positif, en disant qu'ils allaient mettre fin au secret bancaire qui est aujourd'hui opposé à l'administration fiscale lorsqu'elle cherche à lutter contre la fraude.. Il ne peut pas y avoir un monde financier régulé sans qu'on aille au bout des choses dans le domaine de la lutte contre les paradis fiscaux. (Applaudissements sur divers bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Martine Martinel, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le ministre de l'éducation nationale, vendredi dernier, vous avez publié un communiqué détaillant une série de décisions relatives à la réforme de la formation et du recrutement des enseignants. Ces annonces ne satisfont ni la communauté universitaire, ni les étudiants, ni la plupart des syndicats enseignants du premier et du second degré.
Tous s'accordent pour réclamer le report, si ce n'est le retrait de cette réforme.
Ne saurez-vous tirer les leçons de l'échec de la réforme du lycée ? Pourquoi reprendre la même méthode : une réforme bâclée, menée à la hâte, sans concertation sur le fond ? Malgré votre réponse, lors de la séance du 11 mars, au député socialiste Pascal Terrasse, on peut s'étonner que le terme même d'IUFM n'apparaisse pas dans les sept points de votre communiqué. N'est-ce pas une provocation qui va, selon votre expression, « affoler l'opinion » ?
Par ailleurs, ne pensez-vous pas qu'il est urgent d'organiser un vrai débat à l'Assemblée nationale, comme vous le demandait, toujours le 11 mars, le député UMP René Couanau sur « la façon dont seront formées des générations d'écoliers, de collégiens et de lycéens pendant les quarante prochaines années » ?
Monsieur le ministre, retirez donc votre réforme et engagez, à l'Assemblée nationale, un vrai débat à la hauteur du service public de l'éducation que tous les Français sont en droit d'attendre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, je répondrai en mon nom et en celui de Mme Pécresse.
Madame la députée, ce n'est pas ainsi que les choses se passent actuellement.
Nous poursuivons un dialogue soutenu avec l'ensemble des représentants des personnels tant du second degré que de l'université. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Aujourd'hui même, nous avons reçu une réponse de la conférence des présidents d'université actant le fait que les propositions du Gouvernement permettront vraisemblablement de débloquer le dossier.
Les demandes fondamentales présentées par nos partenaires portaient sur deux points.
D'une part, pour garantir que la formation professionnelle des futurs professeurs, nous proposerons des stages à ceux qui sont en M1 ou en M2, les seconds étant rémunérés à hauteur de 108 heures.
D'autre part, aux professeurs qui seront titularisés après le concours, nous proposerons un système de mise en alternance qui leur permettra de découvrir le métier, en continuant d'être formés par des formateurs d'IUFM intégrés dans des universités.
La seule question qui reste posée est celle de la transition. Mais nul ne conteste le principe d'un recrutement à bac plus cinq, comparable à celui qui se pratique dans tous les pays développés, qui assurera aux professeurs de France une meilleure rémunération. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
Pour l'année 2009-2010, nous veillons à résoudre le problème de la transition. La semaine prochaine, nous recevrons, Mme Pécresse et moi-même, l'ensemble de nos partenaires. Je vous assure que nous trouverons une solution. Cette réforme ne devrait pas faire polémique, puisqu'elle est menée dans l'intérêt des professeurs, des étudiants, de l'université, en vue de faire progresser la culture et les connaissances scientifiques des Français. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Philippe Vitel, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Madame la secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme, vous vous êtes rendue en Thaïlande, il y a quelques jours. Je salue cette initiative, car ce pays a toujours été un partenaire important de la France en Asie du Sud-Est. Après une période turbulente marquée par plusieurs coups d'État militaires et une instabilité politique majeure depuis 2006, un nouveau gouvernement est entré en fonction en décembre 2008. Votre visite a offert l'occasion de renforcer les relations entre nos deux pays.
Par ailleurs, dans cette région du monde, nous continuons d'être préoccupés par la situation en Birmanie. Même si une vingtaine de prisonniers politiques vient d'être libérée, plus de trois cents ont été condamnés depuis l'automne 2008 à des peines allant jusqu'à soixante-cinq ans de prison. Malgré les efforts de la communauté internationale, les autorités birmanes restent sourdes à nos appels en vue de libérer l'ensemble des prisonniers politiques dont Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la paix en 1991, et d'engager un processus de dialogue et de réconciliation nationale.
Cette situation amène chaque jour nombre de Birmans à traverser encore et toujours la frontière birmano-thaïlandaise, afin de trouver refuge dans des camps. Pour certains, arrivés il y a vingt-cinq ans, ce qui devait être une situation provisoire s'est malheureusement révélée une installation de longue durée. Vous avez vu dans quelles conditions vivent ces familles, dans le camp de Ban Mai Nai Soi, où vous les avez rencontrées.
Enfin, l'Asie du Sud-Est, notamment la Thaïlande, est malheureusement perçue comme une destination de tourisme sexuel. Plusieurs Français viennent d'être condamnés pour tourisme sexuel aggravé à des peines de prison exemplaires. Mais ce problème reste pour nous tous un véritable sujet de préoccupation.
Madame la secrétaire d'État, ma question est triple. Comment la France compte-t-elle donner un nouvel élan à ses relations avec la Thaïlande, partenaire ô combien important en Asie du Sud ?
Quelles initiatives la France compte-t-elle engager face au blocage de la situation en Birmanie ?
Enfin, quel type de collaboration…
La parole est à Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme.
Vous l'avez rappelé, monsieur le député, je rentre d'une visite de trois jours en Thaïlande, où vous étiez d'ailleurs avec moi, ce dont je vous remercie. (Rires et exclamations sur tous les bancs.)
Mes chers collègues, je vous prie d'être attentifs ! Écoutez la réponse !
Durant ces trois jours, nous avons travaillé au renforcement des relations bilatérales. J'ai entériné avec le ministre des affaires étrangères thaïlandais, M. Kasit Piromya, un nouveau plan d'action bilatérale pour 2009-2013. Vous avez pu constater vous-même que la question des droits de l'homme a été au coeur de nos discussions.
S'agissant de la Birmanie, plus que jamais, la communauté internationale, y compris l'ASEAN, que préside actuellement la Thaïlande, doit poursuivre ses efforts en faveur de la démocratie. Cela passe non seulement par la libération des prisonniers politiques, parmi lesquels figure Aung San Suu Kyi, dont je ne cesse de réclamer la libération, mais aussi par une réconciliation nationale intégrant les partis d'opposition, dont celui du prix nobel de la paix.
Les réfugiés birmans sont nombreux en Thaïlande. Nous avons visité ensemble un camp de réfugiés de la minorité ethnique des Karennis. J'ai fait part aux autorités thaïlandaises de notre souhait que soient respectés leurs droits et que soit signée la convention de 1951 sur les réfugiés. La France a également augmenté sa contribution financière en faveur des réfugiés birmans.
Quant au tourisme sexuel, je me suis rendue dans un centre d'accueil de victimes de la traite. Comme moi, vous avez pu entendre les témoignages de ceux qui luttent contre ce fléau…
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Le temps est écoulé !
Je vous en prie, mes chers collègues. Mme la secrétaire d'État a été interrompue. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
…et qui ont demandé une coopération accrue de la France. Nous accéderons à leur demande, car notre pays est pleinement engagé dans cette cause.
Le Premier ministre et le Gouvernement ont mis en place une politique volontariste. Je présenterai demain en Conseil des ministres…
…un projet de loi autorisant la ratification de la convention du Conseil de l'Europe pour la protection des enfants contre l'exploitation sexuelle.
Droits de l'homme en Thaïlande et en Birmanie
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt.)
L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, faite en application de l'article 49, alinéa 1, de la Constitution sur la politique étrangère, le débat et le vote sur cette déclaration.
La parole est à M. le Premier ministre.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, durant ces derniers mois, notre politique étrangère et notre politique de défense ont fait l'objet de plusieurs débats au sein de cette assemblée. Nous avons débattu à trois reprises de la question afghane, et vous avez dû, pour la première fois dans l'histoire de la Ve République, vous prononcer sur la prolongation de nos opérations militaires extérieures.
Sous l'impulsion du Président de la République, le domaine dit autrefois « réservé » est devenu plus ouvert et plus partagé. Nous l'avons voulu ainsi parce que les frontières entre les affaires intérieures et extérieures sont de plus en plus imbriquées.
Je rappelle respectueusement à l'opposition que par le passé le pouvoir régalien du Président s'affirmait pleinement, et François Mitterrand l'a utilisé sans réserve. De son soutien à l'installation des missiles Pershing américains en République fédérale d'Allemagne à l'interruption brutale de nos essais nucléaires en 1992, de l'intervention au Tchad en 1983 à celle en ex-Yougoslavie en 1992, jamais le vote de votre assemblée ne fut sollicité.
Seul notre engagement en Irak, en 1990, fit l'objet d'un vote de confiance, mais, vous le reconnaîtrez, il intervint alors même que les hostilités étaient déjà engagées.
Mesdames, messieurs les députés, ce bref rappel du passé nous dispense d'avoir à écouter les leçons de démocratie que certains se plaisent à nous donner aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Parce que notre politique étrangère et de défense est l'affaire de la nation, me voilà devant vous,…
… sollicitant la confiance de la majorité pour servir une certaine idée de la France dans le monde. Car oui, ce débat ne peut se résumer à la seule question de l'OTAN, qui ne constitue qu'un des volets de notre diplomatie et de notre sécurité.
Si l'Alliance atlantique était autrefois une réponse des démocraties face à la menace soviétique, et de ce fait l'un des symboles idéologiques et militaires de la guerre froide, elle n'est désormais qu'une structure parmi d'autres. Elle n'est plus et elle n'est pas l'expression d'une politique globale !
En 1966, notre retrait de l'organisation, au paroxysme des tensions entre l'Est et l'Ouest, constitua un choc. Mais en 2009, notre retour ne constitue qu'un ajustement qui, de ce fait, ne provoque aucun émoi dans le concert des nations.
Notre pleine participation aux structures de l'Alliance n'est qu'un moyen parmi d'autres de placer notre pays en capacité de répondre aux défis de notre temps.
La France n'est grande, mesdames et messieurs les députés, que lorsqu'elle est grande pour le monde. C'est ainsi : notre nation s'est toujours investie d'une responsabilité universelle et les circonstances géopolitiques en élargissent aujourd'hui les horizons.
L'interdépendance des enjeux sécuritaires, économiques, écologiques constitue la césure historique avec le XXe siècle. Elle est la conséquence de la disparition de la bipolarité d'hier, de l'extension de l'économie de marché et du développement accéléré des technologies de l'information et de la communication. Cette interdépendance signe la fin du monopole de la puissance et du progrès si longtemps détenu par les seuls Occidentaux. La spectaculaire émergence de la Chine et de l'Inde est le point saillant de ce rééquilibrage politique et économique.
Ce monde globalisé et complexe ne rend que plus légitime et plus nécessaire notre vocation internationale. En son nom, nous croyons à l'égale dignité des nations et à la liberté des peuples à disposer d'eux-mêmes.
Face aux tyrannies, nous sommes l'avocat des droits de l'homme.
Devant l'uniformité rampante, nous défendons de Dakar à Québec la diversité des héritages culturels et linguistiques.
Face aux tentations hégémoniques, nous opposons la légalité internationale et le multilatéralisme.
Devant les grands enjeux actuels, nous militons en faveur d'une mondialisation réorganisée, plus équilibrée et mieux maîtrisée.
Cet universalisme français prolonge la défense de nos intérêts nationaux.
N'en déplaise aux esprits angéliques qui négligent les rapports de forces et aux idéalistes qui prophétisent la fin des nations, la France demeure une puissance qui a des objectifs propres.
Ces objectifs, nous les orchestrons de façon collective. Nos intérêts se conjuguent avec ceux de l'Europe. Ils s'articulent avec ceux de nos alliés les plus fidèles dont font partie les États-Unis, mais aussi avec ceux de nos partenaires qui entretiennent des relations de confiance avec nous.
Au Maghreb, au Proche-Orient, en Afrique, en Amérique du Sud, en Asie, en Russie, il y a des grands peuples avec lesquels nous partageons une estime réciproque qui s'enracine dans les profondeurs de nos mémoires et de notre histoire.
La promotion de nos valeurs et de nos intérêts constitue notre permanence politique. Elle est servie, mesdames, messieurs les députés, par notre indépendance. Notre nation ne reçoit d'ordre de personne ! (Approbations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Elle doit être libre de décider par elle-même et pour elle-même. L'autonomie de notre politique est complète tant sur le plan stratégique, avec notre force de dissuasion nucléaire qui protège nos intérêts vitaux, que sur le plan diplomatique.
De notre engagement armé en Yougoslavie à celui en Afghanistan, de notre refus catégorique de nous associer à la seconde guerre en Irak à l'initiative franco-égyptienne en faveur de Gaza, la France agit et agira toujours selon ses convictions.
Lorsque nous relançons le dialogue avec la Syrie, tant critiquée sur certains de ces bancs, ou avec la Libye, lorsque nous demandons, avant la conférence de Bali, des engagements contraignants de réduction des émissions de CO2, lorsque nous prenons l'initiative d'intervenir dans la crise entre la Russie et la Géorgie, nous décidons et oeuvrons selon nos vues.
Cette indépendance de ton et d'action qui est la marque de la France, s'inscrit dans notre choix résolu de la solidarité.
Solidarité d'abord avec l'Union Européenne pour laquelle tous les présidents de la République se sont engagés de façon continue, avec un objectif identique : faire de l'Europe, non pas seulement un espace économique, mais une véritable force politique.
Sous la conduite de Nicolas Sarkozy, la présidence française de l'Union aura révélé l'Europe sous un jour nouveau. Oui, mesdames et messieurs les députés, l'Europe peut influer et peser sur les affaires du monde ! L'Europe a un destin singulier dès lors qu'elle s'en saisit avec courage. L'Europe mérite, avec le traité de Lisbonne, une organisation institutionnelle plus stable. La France a la conviction que l'Europe ne peut rester un géant économique sans prétendre au premier rang diplomatique et militaire.
Solidarité ensuite avec nos alliés, notamment nos alliés américains. De la crise de Cuba à la première guerre en Irak, de la crise des euromissiles au 11 septembre 2001, la France ne s'est jamais départie de son amitié à l'égard du peuple américain.
La France, alliée mais pas vassale, fidèle mais insoumise, toujours fraternelle mais jamais subordonnée : voilà la nature de notre relation avec l'Amérique ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
L'Amérique est une puissance globale, et la sagesse comme les réalités géopolitiques nous commandent de juger sa diplomatie sur ses actes et non pas sur ses intentions. L'amitié ne se confond pas avec la naïveté. L'élection du président Obama ouvre pourtant des perspectives que nous devons saisir. Je note d'ailleurs que la gauche a applaudi à tout rompre cette élection américaine, mais qu'elle n'hésite pas à marquer sa défiance vis-à-vis de l'Amérique dès lors que l'on évoque l'Alliance atlantique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Entre fascination et appréhension, il existe pourtant une voie pragmatique pour renouveler les instruments et les objectifs de la relation franco-américaine et de la relation euro-américaine.
Plusieurs sujets cruciaux réclament une nouvelle dynamique commune.
Il y a d'abord l'Iran.
Notre devoir absolu est d'éviter la contagion nucléaire. Pour cela, nous devons défendre le régime international de non-prolifération.
Nous avons renforcé les sanctions du Conseil de sécurité et poursuivi notre offre de dialogue avec Téhéran. Aujourd'hui, les États-Unis nous rejoignent sur cette approche ferme mais ouverte. Il semble qu'ils convergent vers l'idée que nous défendons depuis longtemps d'un dialogue franc et direct avec Téhéran.
Avec la Corée du nord, la crise iranienne a fait ressurgir la question nucléaire qui est aggravée par le développement des missiles balistiques de moyenne portée.
La question nucléaire doit être résolue par le partage encadré du nucléaire civil. Elle doit l'être aussi par une attitude responsable de la part de ceux qui détiennent la dissuasion. Dans cet esprit, nous demandons aux États-Unis comme à la Chine de ratifier le traité d'interdiction complète des essais nucléaires, comme nous l'avons fait nous-même il y a onze ans.
Nous soutenons la relance d'une négociation entre les États-Unis et la Russie, afin d'aboutir, de part et d'autre, à une dissuasion strictement minimale.
Nous souhaitons enfin l'ouverture sans délai de la négociation d'un traité d'interdiction de la production des matières fissiles pour les armes nucléaires.
Il y a aussi l'Afghanistan.
J'ai défendu ici même la nécessité de l'engagement de la France dans ce pays, qui fut la base arrière du terrorisme international.
Je veux ici saluer la mémoire du caporal Belda, du 27e bataillon de chasseurs alpins, qui a trouvé la mort au cours d'un accrochage dans la province de Kapisa, samedi dernier.
Mesdames, messieurs les députés, le courage et le professionnalisme de nos soldats font l'honneur de la France. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC et sur de nombreux bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Sécuriser l'Afghanistan, reconstruire ses infrastructures, réconcilier le peuple afghan, transmettre aux autorités légitimes les moyens d'exercer la pleine souveraineté de cet État : voilà notre stratégie. Pour tout cela, nous voulons rompre avec une gestion exclusivement militaire de la crise afghane. Il faut une approche politique d'ensemble et il semble que les États-Unis y soient désormais sensibles.
II y a enfin, avec nos partenaires américains, le sujet central de la lutte contre le changement climatique.
Sous l'impulsion de la France, l'Union européenne est parvenue à un accord très ambitieux. Mais l'Europe ne peut agir seule. Les États-Unis semblent enfin prendre, avec la nouvelle administration, la mesure de leurs responsabilités vis-à-vis des prochaines générations. Avec le sommet de Copenhague, il va falloir passer cette année aux décisions et aux actes.
Cette solidarité de la France s'exprime aussi avec l'espace méditerranéen.
Le projet de l'Union pour la Méditerranée marque notre ambition de dessiner les contours d'une étroite collaboration euro-méditerranéenne. Nous voulons désavouer et désarmer ceux qui en appellent au choc des civilisations. Nous refusons la logique des fanatiques. Nous refusons de nous laisser enfermer dans des schémas manichéens. Entre l'Occident et l'Orient, la France est et restera une médiatrice.
En toute indépendance et malgré les critiques, nous avons repris le dialogue avec Damas, parce que nous croyons que la Syrie peut apporter une contribution importante à la paix dans la région.
Elle l'a montré au Liban, avec la conclusion de l'accord de Doha. Elle peut nous aider à convaincre le Hamas de faire le choix de la raison, c'est-à-dire celui de la réconciliation interpalestinienne et de la négociation avec Israël.
Dès le premier jour de la crise de Gaza, le Président de la République française a cherché une issue au conflit, dans un esprit d'équilibre et de justice. Cette crise et son bilan dramatique montrent qu'il n'y aura pas de solution militaire à ce conflit.
La France affirme qu'Israël doit pouvoir vivre en paix, dans des frontières reconnues, et que la Palestine doit pouvoir vivre libre, en jouissant de sa pleine souveraineté.
Dans cette région, seul le courage des compromis politiques permettra de sortir de l'impasse. C'est dans cet esprit que le Président de la République a proposé de tenir au printemps un sommet de relance du processus de paix.
Solidarité aussi de la France avec l'Afrique.
Nous croyons en l'avenir de cet immense continent meurtri. C'est pourquoi nous demeurons l'un des principaux pourvoyeurs d'aide publique au développement.
Nous nous sommes engagés au Darfour en sécurisant les camps à l'est du Tchad. Nous avons amené, avec Bernard Kouchner, nos partenaires européens à nous appuyer dans la mise en oeuvre de l'EUFOR, la plus grande opération militaire de l'Union européenne. Signe de son succès, les Nations unies viennent de prendre le relais de cette force européenne.
Solidarité enfin avec l'Organisation des Nations unies.
Pour la France, le droit international est l'expression d'une morale universelle. II est la source d'un ordre légal face à la violence.
En l'espace d'un demi-siècle, les interventions successives de l'ONU ont couvert les échecs de la Société des nations. Pour autant, la France estime que la gouvernance internationale, issue de l'après-guerre, ne répond que très partiellement aux enjeux d'aujourd'hui.
Nous soutenons le processus de réforme du Conseil de sécurité des Nations unies et militons en faveur de son élargissement. Nous avons proposé les premiers l'extension du G8 en G14. Nous avons joué un rôle moteur dans la réforme des droits de vote au sein du FMI.
Enfin, nous nous faisons sans cesse les avocats d'une meilleure représentation de l'Afrique au Fonds monétaire international et à la Banque mondiale.
Avec l'Union européenne, la France a pris la tête des efforts pour bâtir une véritable régulation financière internationale.
Nous voulons corriger les causes de la crise actuelle. Le Conseil européen du 19 mars définira une position européenne pour le sommet du G20 à Londres le 2 avril.
La France exigera des changements clairs en matière financière : régulation des hedge funds et des agences de notation, encadrement des rémunérations, réforme des normes comptables, lutte contre les centres offshore.
Mesdames, messieurs les députés, s'il est une leçon que nous devons retenir du général de Gaulle, c'est bien celle qui consiste à ne jamais regarder l'avenir avec les yeux du passé. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La politique étrangère, c'est une action pour un idéal à travers des réalités. Ces réalités sont changeantes. Dès lors, rien n'est plus contre-productif et plus dangereux que de sacraliser le statu quo. Nous ne devons jamais hésiter à ajuster et rénover nos politiques dès lors que les faits et nos buts nous le recommandent.
À cet égard, la gauche a l'art d'être en retard d'une révolution stratégique. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) En 1966, elle s'opposa violemment à la décision du général de Gaulle de nous retirer des structures intégrées de l'OTAN. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.) Cette décision trahissait aux yeux de l'opposition d'alors : « une position hargneuse à l'égard de nos alliés américains et une sorte de poujadisme aux dimensions de l'univers ».
Ce prétendu « poujadisme » d'hier est devenu votre code de bienséance d'aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Puis, la gauche s'opposa frontalement à notre force de frappe, et ce n'est qu'en 1978 que les socialistes acceptèrent du bout des lèvres notre dissuasion nucléaire, et cela après le parti communiste. (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe UMP.) Enfin, je n'ose citer les terribles hésitations de certains de nos hauts responsables devant la chute du mur de Berlin et la réunification allemande.
À cet instant, l'Europe échappait à l'ordre binaire auquel ils s'étaient accoutumés, mais auquel de Gaulle n'avait pu, lui, se résoudre.
Il est toujours piquant de voir l'opposition faire appel aux mannes du gaullisme, elle qui le combattit sans relâche !
Quarante ans après les faits, voir la gauche célébrer un héritage qu'elle a tellement contesté, c'est assez heureux mais finalement très conformiste. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Atlantiste quand il fallait être gaulliste, attentiste lorsqu'il convenait d'être réactif, nostalgique lorsqu'il s'agit d'être pragmatique : la gauche ne s'est jamais distinguée par son audace stratégique. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Il y a dix-huit ans de cela,...
..je publiais dans un journal du soir une tribune, peut-être un peu provocante, en faveur du retour de la France dans l'OTAN.
Avec la chute du mur Berlin, j'estimais que nous devions profiter de l'occasion pour rééquilibrer l'Alliance au profit de l'Europe et convaincre nos partenaires de renoncer à la tutelle américaine.
À la lecture de cette tribune, le Président Mitterrand m'invita à venir m'entretenir de ce sujet avec lui.
Je garde en mémoire son verdict : «Vous voyez, me dit-il, nous avons eu tellement de mal à faire venir les Américains en Europe, qu'il ne faut rien faire qui puisse les en faire partir. » À l'évidence, François Mitterrand ne voulait pas d'une initiative qui aurait risqué d'entraîner le désengagement des Américains.
II ne m'appartient pas de juger de l'analyse d'un homme dont la pensée reflétait toute une époque, mais aussi toutes les ambivalences d'une posture oscillant entre indépendance et alliance, défiance et attirance à l'égard des États-Unis.
En revanche, il me revient de souligner que les termes du débat ont radicalement changé. Notre sécurité ne se joue plus à nos frontières et le spectre de la destruction mutuelle assurée ne pèse plus sur notre continent. La bipolarité d'antan a laissé place à la multiplicité des acteurs et à la dissémination des risques. La France et l'Europe ne sont plus menacées d'envahissement. Leur sécurité n'est pas pour autant acquise.
De nouvelles menaces exacerbées par les conflits en cours au Proche et Moyen-Orient ont surgi : le terrorisme global qui instrumentalise et détourne l'islam, la prolifération des armes de destruction massive.
L'URSS est devenue la Russie et s'est ralliée à l'économie de marché. L'empire soviétique disloqué, ses États satellites se sont libérés et ont rejoint l'Union européenne et, pour certains d'entre eux, l'Alliance atlantique.
Les États-Unis ont retiré 80 % de leurs forces de notre continent qu'ils ne jugent plus comme une priorité au regard des intérêts que recouvrent l'Asie et le Moyen Orient.
L'ONU, je l'ai dit, s'est renforcée et l'Europe s'est affermie. À la lisière de toutes ces transformations, l'OTAN n'est plus l'organisation dont certains parlent.
Il y a quarante ans, le général de Gaulle se retirait d'une organisation compacte, dressée face au pacte de Varsovie, et exclusivement dirigée par les États-Unis. Depuis, c'est la notion de coalition d'États volontaires à participation variable qui s'est imposée au détriment des schémas rigides de la guerre froide.
En 1966, mesdames et messieurs les députés, la logique des blocs réglait la géopolitique mondiale.
Rester dans les structures intégrées de l'OTAN, c'était aliéner les choix politiques de la France à cette logique binaire que le général de Gaulle voulait justement transcender.
En 1966, les États-Unis imposaient la doctrine de la riposte graduée à l'OTAN et ils n'y prévoyaient aucun partage des responsabilités. Rester dans les structures intégrées, c'était prendre le risque de nous retrouver engagés dans des conflits qui n'étaient pas les nôtres.
En 1966, il y avait 26 000 soldats américains sur le sol français, et aucune perspective de réorganisation de l'Alliance.
En 1966, la France disposait, depuis deux ans, d'armes nucléaires opérationnelles et notre stratégie de dissuasion et d'action nous portait à repenser les termes de notre autonomie.
Cette autonomie ne fut cependant jamais conçue comme une marque de neutralité ou de défiance vis-à-vis de l'Alliance atlantique dont nous sommes toujours restés membres.
Du reste, à peine le retrait décidé, nous confirmons par plusieurs accords notre volonté de continuer à travailler avec l'OTAN – l'accord Ailleret-Lemnitzer en 1967 et l'accord Valentin-Ferber en 1974.
En 1983, se tient à Paris un Conseil atlantique, ce qui constituait une première depuis 1966. En 1991, la France participe à la rédaction du nouveau concept stratégique de l'Alliance. Dans les années 1990, nous sommes de toutes les opérations en Bosnie, où la France, pour la première fois, participe à une opération de l'OTAN.
À partir de 1993, toujours sur décision de François Mitterrand, le chef d'état-major des armées est autorisé pour la première fois à intervenir au comité militaire de l'OTAN, sur les questions de maintien de la paix. À partir de 1994, il y est autorisé sur l'adaptation des structures de l'Alliance, sur la coopération avec l'Est et sur la non-prolifération.
En 2004, plus d'une centaine de Français sont affectés aux commandements de Mons et Norfolk. Aujourd'hui, nos troupes sont engagées avec l'OTAN au Kosovo et en Afghanistan. Nous sommes le quatrième contributeur de l'OTAN en termes de forces et nous sommes présents dans quasiment tous les comités de l'OTAN.
Insensiblement, les faits et la volonté politique recréaient donc notre participation croissante aux structures de l'OTAN. II s'agit aujourd'hui de franchir une dernière marche.
Cette dernière marche, prétend l'opposition, affaiblira notre indépendance, ce qui est naturellement faux. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Il faut avoir peu confiance en la France pour penser un instant qu'elle puisse être ligotée par sa présence dans un comité.
Et c'est, au surplus, bien mal connaître le fonctionnement de l'OTAN.
Depuis la déclaration d'Ottawa de 1974, rien ni personne ne vient contester l'autonomie de notre stratégie nucléaire qui n'est pas négociable.
Chacun sait que la participation à l'OTAN n'entraîne aucune automaticité politique et que les décisions du Conseil atlantique sont prises à l'unanimité.
Dois-je rappeler que l'Allemagne a refusé de s'engager en Irak aux côtés des Américains et que la Turquie a refusé de leur servir de base arrière pour ce même conflit ?
Dois-je souligner que même dans le cadre de l'Article V de l'Alliance, qui concerne la défense collective en cas d'agression d'un de ses membres, chaque nation décide des moyens qu'elle entend employer ?
Nous conserverons l'indépendance de notre dissuasion nucléaire et notre liberté d'appréciation sur l'envoi de nos troupes. Nous ne placerons pas de contingent en permanence sous commandement allié en temps de paix.
Ces trois principes sont du reste posés par le livre blanc, et personne au sein de l'Alliance n'a trouvé à les contester.
Et puis j'invite ceux qui jouent sur la corde nationale à aller dire, les yeux dans les yeux, à Angéla Merkel, Gordon Brown ou José Luis Zapatero, que leurs nations ne sont pas souveraines dans leurs choix ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. C'est pourtant la vérité !
En réalité, la question de l'indépendance et de l'autonomie qu'agite l'opposition n'en est pas une. La vraie question, me semble-t-il, est la suivante : pourquoi prendre cette décision maintenant et pour quoi faire ?
Pourquoi maintenant ?
Nous sommes là au coeur d'un des principes clés de la politique étrangère : l'art d'utiliser les circonstances. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Quatre événements nous poussent à réinvestir l'OTAN : premièrement, la présidence française de l'Union européenne, qui a redonné du sens à l'action politique et à l'autonomie diplomatique de l'Europe, comme l'a montré la crise géorgienne ; deuxièmement, l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, qui doit servir de levier pour accentuer l'efficacité et le rayonnement de l'Union européenne ;…
…troisièmement, l'arrivée d'une nouvelle administration américaine, dont il faut saisir au plus vite les potentialités, avant que les habitudes ne reprennent le dessus ; (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.) quatrièmement, la redéfinition du concept stratégique de l'OTAN, qui date de 1999.
Voilà les circonstances qui militent en faveur d'une initiative française.
Que voulons-nous faire dans l'OTAN et que voulons-nous faire de l'OTAN ?
C'est la seconde question qui importe.
Notre nation entend faire partager ses convictions. Pour la France, l'OTAN doit d'abord être un instrument de défense destiné à la protection de ses membres. Elle doit être avant tout une alliance militaire, fondée sur des valeurs communes, et non une sorte de fer de lance occidental agissant partout et sur tout.
En dehors de cela, elle est au service du droit international et ne peut être l'outil d'un interventionnisme unilatéral.
Un député du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. C'est ridicule !
Nous voulons défendre la règle du consensus au Conseil atlantique dont dépend la prise en compte de nos positions. Nous voulons alléger et simplifier les structures actuelles. Nous voulons, dans le cadre des accords Berlin Plus, donner à l'Union européenne le pouvoir d'utiliser réellement les moyens de l'Alliance. Nous voulons, en réinvestissant l'OTAN, permettre à notre pays d'influer plus largement sur la définition des stratégies et la conduite des opérations. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Nous voulons en particulier, mesdames et messieurs les députés, que la Russie soit traitée en partenaire. C'est à Paris, en mai 1997, que fut signé, à l'initiative de la France et de l'Allemagne, l'acte fondateur sur la coopération et la sécurité mutuelles entre l'OTAN et la Russie.
La France, avec son partenaire allemand, croit à la nécessité de respecter la Russie.
Cette grande nation européenne doit être amenée à contribuer aux équilibres du monde. Depuis le XVIIIe siècle, ce pays immense a toujours été au centre des équilibres européens. Comme avec les États-Unis, nous avons des liens particuliers avec le peuple russe qui, par deux fois, en août 1914 et en 1944, contribua à sauver la France. Le dialogue et la collaboration avec Moscou sont parfois difficiles mais ils sont indispensables. Ils ne peuvent en aucun cas se limiter au seul face à face avec les États-Unis. La France et l'Europe doivent y prendre toute leur place.
Nos relations avec la Russie ne doivent pas être bousculées par des élargissements précipités de l'Alliance atlantique. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) C'est du reste dans cet esprit que nous nous sommes opposés, avec l'Allemagne, aux décisions qui prévoyaient ces élargissements lors du dernier Conseil atlantique. En retour, la Russie doit respecter l'indépendance des pays qu'elle a elle-même acceptée. Nous avons en partage la stabilité et la sécurité de notre continent. Nous sommes communément menacés par les risques de dissémination nucléaire et par le développement des armes balistiques de moyenne portée. Face à cette menace potentielle, c'est ensemble, c'est-à-dire avec la Russie, que nous pourrions imaginer un système de défense anti-missile compatible, étant entendu que, pour la France, cela ne saurait jamais être qu'un complément à la dissuasion nucléaire et en aucun cas une alternative.
De l'Atlantique à l'Oural, c'est ensemble que nous devons définir un nouveau pacte de sécurité continental !
Mesdames et messieurs les députés, la France prend toute sa place dans l'OTAN pour donner à l'Europe de la défense sa véritable dimension.
Pourquoi l'Europe reste-t-elle encore en ce domaine, et malgré les progrès accomplis, bien en deçà de ce qu'elle devrait être ?
La raison en est simple, et elle n'est pas nouvelle – chacun la connaît – : pour nos principaux partenaires européens, un pas de plus vers l'Europe de la défense a toujours été considéré comme un pas en arrière dans l'OTAN. Les Européens ne veulent pas avoir à choisir entre l'Europe de la défense et la protection que les Américains, à travers l'Alliance atlantique, leur apportent. Cette crainte inhibe les initiatives. Nous voulons la dissiper.
Nous voulons stopper ce jeu à somme nulle qui consistait à monter l'Europe de la défense contre l'OTAN et l'OTAN contre l'Europe de la défense. Nous voulons sortir l'Europe de cette impasse en allant convaincre nos partenaires là où ils sont, c'est-à-dire à l'OTAN ! Et il est difficile de dire, comme je l'ai entendu tout au long de cette matinée, que notre pleine participation à l'OTAN va affaiblir l'Europe de la défense alors même que l'ensemble des pays de l'Union européenne salue la décision que nous venons de prendre. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Pour audacieuse qu'elle soit, cette décision n'est pas totalement inédite.
En 1990, alors que le débat sur l'architecture européenne post-guerre froide battait son plein, François Mitterrand s'interrogea sur la façon de résoudre la triple équation que nous avons décidé de trancher : comment réconcilier le statut particulier de la France et sa participation croissante dans les activités de l'Alliance ? Comment peser sur les évolutions de l'institution atlantique ? Enfin, comment, du même coup, faire émerger une défense européenne digne de ce nom ? Le Président Mitterrand tenta de résoudre cette équation, sans y parvenir.
Entre 1995 et 1997, Jaques Chirac lança, très officiellement, une initiative destinée à replacer la France dans l'OTAN avec, pour contrepartie, l'attribution du commandement de la zone sud et le renforcement du pilier européen de défense. L'initiative, on le sait, échoua.
Aujourd'hui, le Président de la République renouvelle les termes de cette ambition, avec la conviction que les conditions s'y prêtent et qu'il faut agir maintenant.
Elles s'y prêtent car les États-Unis reconnaissent enfin l'utilité et la légitimité d'une Europe de la défense plus solide.
Elles s'y prêtent car l'Europe prend chaque jour un peu plus ses responsabilités.
Sous la présidence française de l'Union européenne plusieurs décisions ont été actées sous l'impulsion d'Hervé Morin. Une direction de la planification civile et militaire sera créée au mois de juin prochain. Elle disposera d'une composante déployable. Des projets capacitaires à géométrie variable, tels que la création d'une flotte de transport aérien stratégique et le lancement d'un programme de satellites d'observation militaire, sont lancés.
Les vingt-trois opérations civiles ou militaires, que nous menons avec les autres pays de l'Union européenne en ce moment même, prouvent que l'Europe est en mesure de faire entendre sa voix et sa force.
C'est le cas dans le Golfe d'Aden face aux pirates. Je tiens à noter que ce sont la France et l'Europe qui, les premiers, ont pris l'initiative d'intervenir pour mettre un terme aux pratiques moyenâgeuses qui rendent le trafic maritime dangereux dans cette région. C'est le cas au Tchad où nous avons permis le retour de 40 000 réfugiés.
C'est le cas en Géorgie où l'Europe surveille la situation. Et ce pourrait être enfin le cas pour sécuriser les frontières de Gaza.
Au coeur de toutes ces opérations, il y a la France, qui est bien décidée à donner à l'Union européenne l'audace qui lui fit, par le passé, trop souvent défaut.
Mesdames et messieurs les députés, je connais les critiques de l'opposition et je les crois peu convaincantes.
Notre indépendance et notre autonomie, dit-elle, seront réduites.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. C'est vrai.
J'ai répondu à cette contre-vérité qui ignore le fonctionnement de l'Alliance atlantique.
En toute hypothèse, le destin de la France ne se décide pas dans des comités !
D'autres dans l'opposition prétendent que notre réintégration, dont ils conviennent qu'elle est déjà très largement engagée, serait inutile. Mais si elle est, comme ils le disent, inutile, notre pleine participation à l'OTAN n'a donc pas la gravité qu'ils tentent par ailleurs de démontrer ! J'ai répondu qu'il fallait sortir du statu quo pour provoquer au sein de l'Alliance et de l'Europe une nouvelle donne.
En mal d'arguments solides, l'opposition évoque enfin la question du symbole. C'est un argument que je ne balaye pas d'un revers de main. Notre histoire est traversée de symboles.
Quarante ans après la décision de 1966, que nous soyons encore là à évoquer l'héritage du général de Gaulle soulève en moi une fierté et une immense gratitude pour l'homme du 18 juin. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC - Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Mais toute sa vie, le Général s'est défié des situations acquises. Les circonstances dictent les actes. Les actes doivent anticiper les situations de demain et non reproduire celles d'hier. Seuls comptent le rang et l'intérêt de la France. Or rien n'est plus contraire à notre rayonnement que la nostalgie.
La donne géopolitique ayant changé, nous prenons l'initiative ! Nous la prenons en Europe, à l'ONU, au G20 et dans l'Alliance atlantique. Nous sommes en mouvement, l'opposition est à l'arrêt. Nous regardons le monde, l'opposition s'observe. Nous tentons de saisir le cours de l'Histoire, l'opposition tente vainement de la freiner.
Pour tous les peuples qui se font une certaine idée de notre République, la France reste la France, avec son exigence de vérité et son exigence de grandeur ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Mesdames et messieurs les députés, en son nom, et selon les termes de l'article 49, alinéa 1, de la Constitution, j'invite le Parlement à honorer le Gouvernement de sa confiance. (Les députés des groupes UMP et NC se lèvent et applaudissent le Premier ministre.)
La parole est à M. Jean-François Copé, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
(M. Marc Laffineur remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, après le vote sur l'envoi de troupes supplémentaires en Afghanistan en septembre 2008, après le vote sur le maintien de nos soldats en opérations extérieures en janvier 2009,…
…nous voici appelés une nouvelle fois à voter en conscience sur une décision dont la dimension symbolique – et probablement historique – n'a échappé à personne. D'abord parce qu'elle est une nouvelle illustration du changement institutionnel en cours.
Pour s'en convaincre, il suffit de penser à 1966. Lorsque le général de Gaulle a décidé le retrait de la France du commandement intégré de l'OTAN, il l'a fait par une lettre au président américain, le Parlement français n'ayant eu son mot à dire que parce que l'opposition avait déposé une motion de censure.
En 2009, la représentation nationale est totalement impliquée dans le long processus de rénovation de nos relations avec l'OTAN. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Il y a eu l'élaboration du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, avec un débat ici même en juin, puis des consultations parlementaires nombreuses et approfondies – le groupe UMP ayant par exemple reçu le conseiller diplomatique et le chef d'état-major particulier du Président de la République. Enfin, nous en débattons ici même avant d'émettre un vote décisif. (« Mais non ! » sur de nombreux bancs du groupe GDR.)
J'étais un partisan résolu d'un engagement de la responsabilité du Gouvernement devant notre Assemblée.
Je salue donc cette décision car elle marque, selon la formule que vous avez employée le 22 septembre dernier, monsieur Fillon, « la fin du domaine réservé ». Ce geste correspond à l'esprit et à la lettre de notre nouvelle Constitution.
Ce n'est pas la IVe République non plus que la VIe, mais la Ve bis : un régime dans lequel le Président de la République est chargé de l'essentiel mais dans lequel le Parlement, expression de la souveraineté nationale, prend toute sa part aux grands débats et, le cas échéant, par un vote.
C'est dire, mes chers collègues, que ce vote, aujourd'hui, est de très grande importance, qu'il crée un précédent.
Cette nouvelle responsabilité nous oblige et commande que nous parlions franchement. Aussi, au nom du groupe UMP, vous livrerai-je ma conviction et mon cheminement personnel sur cet enjeu majeur.
D'abord, notre retour dans le 39e comité de l'OTAN, celui des plans de défense, est souvent présenté comme une pièce d'un puzzle cohérent et à juste titre.
Je concentrerai mon propos sur cette décision. Ne tournons pas autour du pot : l'OTAN est le coeur du débat qui nous mobilise aujourd'hui. (« Mais non ! » sur quelques bancs du groupe GDR.) Comme en toutes circonstances, la seule question qui vaille est celle de l'intérêt de la France. En conscience, ma réponse est simple.
Il est dans notre intérêt de reprendre toute notre place dans le commandement de l'OTAN. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
…où nous subissons tous les inconvénients d'un engagement de poids dans les structures de l'Alliance sans en avoir aucun avantage.
Prenons l'exemple de l'Afghanistan : 3 400 de nos soldats sont engagés dans cette mission, sur le terrain. Nous avons même le commandement de la région de Kaboul. Pourtant, ne participant pas au commandement militaire au niveau stratégique, la France n'est pas associée à la préparation de décisions essentielles destinées à assurer le succès de l'opération. Qui peut soutenir que c'est normal ? (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.) Qui peut dire sérieusement qu'il trouve normal que nous soyons le quatrième contributeur en hommes, le cinquième en moyens financiers, sans être partie prenante de la définition de la stratégie au plus haut niveau ?
Rien que pour cette raison, je suis partisan d'assumer toutes nos responsabilités. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
Ma conviction est claire : si nous acceptons d'envoyer des soldats lorsque notre intérêt est en jeu, nous devons avoir le droit de participer aux décisions stratégiques sur leur emploi. C'est pour moi un devoir à l'égard des hommes et des femmes qui risquent leur vie pour la France.
Je le dis avec d'autant plus de vigueur que, comme mes collègues, j'ai étudié cette question sans a priori.
Je me suis forgé une conviction : comme pour beaucoup de Français, le 7 mars 1966 faisait pour moi figure de date mythique.
À l'école, on nous présentait presque cet événement comme la naissance de l'indépendance nationale. Nous finissions d'ailleurs par apprendre, par un raccourci, que la France était sortie de l'OTAN. La vérité est que nous ne l'avons jamais quittée. En effet, dès 1967, nous avons entamé une longue marche pour affirmer davantage notre participation à l'Alliance.
Je vous invite à lire l'ouvrage de Pierre Lellouche (Exclamations ironiques sur les bancs des groupes SRC et GDR), très documenté, qui montre très justement ce qu'il en est de l'histoire des relations entre la France et l'OTAN. Ainsi, dans l'intérêt de la France, François Mitterrand puis Jacques Chirac ont travaillé à un rapprochement progressif. Si Jacques Chirac avait finalement refusé que la France revienne pleinement dans le commandement de l'Alliance, c'est parce qu'il estimait que deux conditions n'étaient pas remplies.
La première concernait le partage des responsabilités au sein du commandement. Il y avait à l'époque un blocage de nos alliés américains. Les temps ont changé et bien des réticences sont tombées. La seconde condition, c'était l'avancée de la défense européenne. Là aussi, la situation a évolué et le malentendu est levé puisque, pour la première fois, il y a un an, les États-Unis ont reconnu explicitement cette avancée au sommet de l'OTAN à Bucarest.
Quant aux Européens, ils ont très clairement exprimé, dans le traité de Lisbonne, que défense européenne et OTAN constituaient les deux piliers d'une même stratégie.
Permettez-moi d'ouvrir une parenthèse et de vous faire part de notre surprise en apprenant que les députés socialistes avaient choisi Laurent Fabius comme porte-voix pour ce débat. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR. – « Et alors ? » sur de nombreux bancs du groupe SRC.) Vous grognez, mais au moins, cette fois, c'est pour quelque chose. Surprise aussitôt transformée en impatience ! M. Fabius va sans doute nous dire, comme il l'a fait dans les médias, que la défense européenne est sa nouvelle obsession et que notre implication renforcée dans l'OTAN la rendrait impossible. Nous brûlons d'impatience, à droite, de comprendre comment il va l'expliquer sans rire, lui qui s'est opposé à toutes les avancées récentes de la défense européenne,…
…en votant d'abord « non » au traité constitutionnel puis « non » au Traité de Lisbonne. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Au demeurant, soyons justes, cette incapacité à surmonter les clivages partisans pour reconnaître l'intérêt de la nation est un problème constant à gauche depuis plusieurs années. En effet, à gauche, vous êtes systématiquement contre et, dans le meilleur des cas, nous avons droit à l'abstention. Cela, même quand le consensus serait possible : « non » au traité de Lisbonne, « non » à la réforme des institutions, « non » à l'envoi de renfort en Afghanistan,…
…et, aujourd'hui, je crains que vous ne soyez défavorable à la réintégration du commandement intégré de l'OTAN.
Quand, à droite, nous nous trouvions dans l'opposition, nous avions une autre conception de l'intérêt national et nous avions voté, avec la majorité de gauche, en faveur de l'envoi de troupes en Afghanistan et de l'ensemble des décisions européennes. Il est des moments où nous assumons le fait que l'intérêt de la France est bien supérieur aux clivages partisans dont vous ne savez jamais vous défaire. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Sans vouloir aggraver mon cas, j'ai tout de même constaté que vous avez enfin accepté le principe de la dissuasion nucléaire en 1978. Je ne désespère donc pas de vous voir un jour nous rejoindre sur les positions que nous défendons aujourd'hui qui répondent à l'intérêt de la France.
Si la décision sur l'OTAN était incompatible avec le renforcement de la défense européenne, je l'affirme en conscience : je ne l'aurais pas acceptée. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Vingt-trois États membres de l'Union européenne sont membres de l'OTAN, dont l'ensemble des anciens pays de l'Est sans lesquels nous ne pourrons pas construire de défense européenne. Eux qui ont vécu le traumatisme de l'histoire ont quelques bonnes raisons de trouver dans l'OTAN une première explication de leur présence au sein de l'Europe. Nous devons nous montrer pragmatiques et constants. La réintégration de l'OTAN est une étape essentielle dans la construction de la défense européenne de demain. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
J'en viens rapidement aux objections à la démarche que nous appelons de nos voeux. Au sujet de l'indépendance de la France, je trouve vraiment choquant d'entendre que notre pays remettrait en cause son indépendance face aux États-Unis, alors même que le système de décision est individuel et qu'un pays comme l'Allemagne a refusé de participer à la guerre en Irak,…
…tout en étant présent au sein des instances de l'OTAN. De la même manière, l'approche de la gauche est choquante car cette même gauche qui nous explique qu'Obama est l'homme de la situation,…
…passe son temps à expliquer – posture bien française à gauche et parfois ailleurs – que si les États-Unis sont contents, c'est mauvais, et s'ils sont mécontents, c'est bien. Cette approche n'est ni juste ni fausse mais totalement décalée par rapport à la réalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Enfin, la France perdrait sa vocation diplomatique spécifique...
…en intégrant le 39e comité de l'OTAN. Je me fais pour ma part une autre idée du message universel de la France. Il ne se banalisera pas parce qu'elle entrera au sein du 39ecomité.
Ce sera en revanche le cas si elle renonce à ce à quoi elle croit profondément depuis des décennies. Nous sommes convaincus, à l'UMP, que la France a bien des messages à délivrer au monde.
En outre, notre présence au sein de l'OTAN permettra justement la rénovation de cette institution qui en a bien besoin, et nous permettra d'assumer, partout où le monde l'exige, les valeurs universelles de notre pays.
Il est donc dans l'intérêt de la France d'intégrer le 39ecomité de l'OTAN et de montrer par là que nous sommes pragmatiques, que nous savons regarder l'avenir – première condition de l'aptitude d'un homme d'État au commandement.
Tant pis si la gauche a du retard,…
…mais nous devons assumer cette décision dans l'intérêt de la France et des valeurs universelles que nous servons. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Monsieur le président, mes chers collègues, je souhaite, monsieur le Premier ministre, commencer mon propos en formulant à votre égard un compliment. Je trouve qu'il faut beaucoup de talent – et vous en avez – pour exposer pendant une demi-heure les raisons qui justifient, selon vous, la réintégration de la France dans le commandement militaire de l'OTAN, sans aborder les trois contradictions majeures qui faussent ce débat.
La première, évidente, est chronologique. Vous affirmez que ce débat est décisif ; sauf que la décision a déjà été prise et rendue officielle par le Président de la République la semaine dernière. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Je relève une contradiction de procédure ensuite. On nous dit que nous appliquons la Constitution, le Gouvernement engageant sa responsabilité. Il y aurait eu d'autres possibilités. Certains pensent que sur une affaire aussi essentielle, il aurait fallu consulter la population. Depuis la révision constitutionnelle, aux termes de l'article 50-1, il aurait également été possible, pour le Gouvernement, de faire une déclaration pouvant donner lieu à un vote mais sans que sa responsabilité ne soit engagée. Or, si vous choisissez d'engager aujourd'hui la responsabilité du Gouvernement, monsieur le Premier ministre, nous avons bien compris que ce n'était pas seulement sur la question de la réintégration de l'OTAN mais, plus généralement, sur votre politique étrangère.
Vous auriez ainsi quelque difficulté à assumer votre attitude – troisième contradiction. En effet, si je vous ai bien entendu, vous soutenez, comme le Président de la République, que cette décision, au fond, ne change rien. Ne faisons-nous pas déjà partie de 38 comités sur 40 ? Ne nous contenterions-nous pas d'interpréter une partition qui existe déjà ?
Mais si c'était le cas, mes chers collègues, alors pourquoi ces déclarations officielles du Président de la République ? Pourquoi cet engagement de responsabilité ? Pourquoi la nouvelle position de la France est-elle la question centrale du soixantième anniversaire de l'OTAN ? Pourquoi, dans tellement de chancelleries à travers le monde, qui jusqu'ici n'avaient pas été particulièrement enclines à aider l'indépendance de la France, se réjouit-on de cette nouvelle position ?
Et surtout, mes chers collègues qui vous en prenez à la gauche, pourquoi un Premier ministre issu de vos rangs fustige-t-il cette décision en disant – le terme est peut-être excessif, mais c'est le sien – qu'elle risque de nous faire passer « sous les fourches caudines d'un pays étranger » ? C'est un Premier ministre UMP qui parle ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Et si l'on m'objecte que ce point de vue reflète une tendance particulière, je rappellerai qu'un autre Premier ministre, qui a plus de retenue,…
…s'interroge publiquement, avec une retenue qui n'a d'égale que sa cruauté.
Il y a d'autres Premiers ministres. Pourquoi ne les citez-vous pas ? Il y a M. Raffarin, par exemple.
Comme vous sentez très bien cela, monsieur le Premier ministre, vous changez de registre et vous nous dites en substance : c'est une décision fondamentale, et j'en apporte les justifications. Je voudrais me situer sur ce terrain, car c'est effectivement la question principale.
Mais auparavant, une précision, tout de même. Vous nous avez parlé de politique étrangère, et c'est normal : les choses sont liées. Je n'ai pas le temps, à cette tribune, de dresser le bilan détaillé de la politique étrangère de M. Sarkozy. Mais enfin, si j'en avais le temps, je distinguerais ce qui, incontestablement est bon, c'est-à-dire l'énergie dont fait preuve le Président de la République ;…
…ce qui, incontestablement, est moins bon, je pense aux palinodies absolument incompréhensibles sur nos relations avec la Chine ; ce qui est proprement incongru, je pense aux déclarations sur le Québec ; et ce qui est carrément mauvais, je pense au scandaleux discours de Dakar sur « l'homme africain » (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR), je pense à la difficulté d'établir des relations stables avec nos voisins européens, je pense aussi, et ce n'est pas une petite affaire, à notre absence de ce continent du futur qu'est l'Asie et du Pacifique, alors que c'est là que se jouera l'avenir dans bien des domaines. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
J'en viens aux justifications que vous avancez, monsieur le Premier ministre.
La première, nous l'avons tous entendu, c'est le contexte international, et ce à partir d'un raisonnement qui relève d'une pratique que M. le Président de la République affectionne, celle des fausses évidences. On nous dit : écoutez, la décision prise par le Général de Gaulle, c'était il y a quarante-trois ans ; depuis, le monde a changé ; donc, il faut changer.
C'est vrai que le monde a changé. Personne ici n'ira contester que l'URSS n'existe plus, que le Pacte de Varsovie n'existe plus,…
…que l'Europe s'est développée, que les pays émergents sont apparus. Bien sûr, le monde a changé. Mais il ne s'agit pas de disserter sur les changements du monde, il s'agit de savoir si l'occurrence de ces changements et la vision qu'en a la France doivent nous amener ou pas à changer de position sur nos relations avec l'OTAN.
Et là, nous sommes en complet désaccord. Vous avez évoqué la décision du Général de Gaulle, à laquelle il est tout à fait exact que les socialistes – et d'autres, d'ailleurs – étaient opposés. Mais quels sont les fondements de la décision qu'il a prise en 1966 ? Ils résident en ceci que, dans un regard anticipateur, il était opposé au monde bipolaire, et appelait de ses voeux un monde multipolaire. C'est ce que nous, socialistes, groupe SRC, nous voulons faire aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Et vous êtes complètement à contre-courant, alors même que ce monde multipolaire est en vue, de vous raccrocher à la logique des blocs et de faire en sorte que l'alpha et l'oméga de votre position soit la défense de l'OTAN, la défense de « l'Occident ». Nous n'acceptons pas ce concept, qui est dangereux, parce qu'il est à la base de tensions dans le monde. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Le contexte international, c'est la première justification. Elle ne vaut pas.
La deuxième, ce sont les fameuses « contreparties ». Je veux m'y arrêter un instant, si toutefois on veut bien, sinon m'entendre, du moins m'écouter.
Vous nous dites, monsieur le Premier ministre : il y a des contreparties militaires. Les ministres nous ont parlé en commission, et j'imagine que vous n'allez pas le démentir, du fait que nous seraient « promis », si nous réintégrons le commandement militaire, un commandement à Norfolk, en Virginie, et un autre à Lisbonne. Et je vois le ministre des affaires étrangères qui approuve.
Tous les spécialistes de ces questions, et il y en a de nombreux dans cet hémicycle, savent que ces commandements – comment dire, pour ne vexer personne ? – ne sont pas les commandements majeurs.
Et d'ailleurs, si je devais avancer une preuve irréfutable de ce que j'avance, je rappellerais que le Président Chirac, qui avait lui-même examiné la possibilité de réintégrer le commandement militaire de l'OTAN,…
…avait exigé des contreparties. Mais celles proposées, les commandements de Norfolk et Lisbonne, ne pouvaient suffire.
Si vous contestez cela, M. le Premier ministre pourra nous répondre tout à l'heure.
Je voudrais savoir si ces commandements sont bien les mêmes qu'avait demandés – en vain – le Président Chirac, ou bien si vous avez simplement abaissé les demandes de la France.
Il y a un domaine fort important que vous n'avez pas abordé, monsieur le Premier ministre, et qui pourtant devrait tous nous intéresser, mes chers collègues, je veux parler des contreparties industrielles. Ce sujet est très souvent abordé dans les milieux spécialisés. On nous dit : si nous réintégrons le commandement militaire, nous allons obtenir des marchés qui, jusqu'à présent, étaient réservés aux Américains.
J'aimerais que ce raisonnement soit exact, mais je crains qu'il ne le soit pas. La France détient un certain nombre de marchés, qui représentent beaucoup d'emplois, et ce non seulement parce que ses matériels sont excellents, mais aussi parce que sa diplomatie est spécifique. À partir du moment où nous serons banalisés dans l'OTAN, je crains fort que nous cesserons de les obtenir.
Et puis, il y a une troisième contrepartie, qui n'est pas la moins importante. On nous dit : actuellement, vous ne pesez pas dans la définition du futur de l'OTAN ; réintégrez le commandement militaire, et vous pèserez. C'est une contrepartie en termes d'efficacité.
Je crois qu'il y a là une erreur complète dans la logique. Vous ne nous dites pas : d'abord, pesons sur le futur de l'OTAN, définissons la stratégie, et ensuite nous verrons comment nous devrons réintégrer. Vous nous dites : d'entrée de jeu, soyons à 100 % dans l'OTAN, et nous verrons ensuite quel sera le futur.
Dans votre exposé, monsieur le Premier ministre, il y avait beaucoup de questions précises dont les réponses ne l'étaient pas. Nous aimerions tous savoir quels sont les pays nouveaux que vous accepterez ou que vous n'accepterez pas comme pays membres. Vous avez cité l'Ukraine, la Géorgie. Combien de temps votre position durera-t-elle ? Mais l'on parle d'autres pays, situés en Asie ou ailleurs.
Nous aurions aussi aimé que vous nous disiez quelle gouvernance vous prévoyez. Nous aurions aussi aimé que vous nous disiez, au-delà d'une pétition de principe, ce que vous acceptez en termes de localisation géographique. Car enfin, la réalité, c'est que le pacte atlantique et l'action de l'OTAN, initialement conçus d'une manière strictement défensive, et uniquement sur l'Europe, nous font agir aujourd'hui jusqu'en Afghanistan, et jusqu'à nous préoccuper de l'environnement.
Bref, nous avons le sentiment que votre deuxième justification, celle qui met en avant les contreparties, n'est pas pertinente, elle non plus.
Et la troisième, on y a fait allusion en souriant, c'est tout simplement la question de la défense européenne.
Mais bien sûr ! Ça nous intéresse tous !
Et là, il est un mot que vous n'avez pas employé, monsieur le Premier ministre, mais vos ministres l'ont fait en commission. Il nous ont dit : il faut faire un « pari ». Si la défense européenne n'avance pas, c'est parce que nous n'avons pas réintégré le commandement de l'OTAN. Donc, parions, et les choses vont avancer.
D'abord, je vous mets en garde : en matière de sécurité, je me demande s'il faut faire des paris. C'est une première question.
Les paris, ils les perdent tous !
Mais la deuxième question est la suivante. Il y a un juge de paix, pour ceux qui connaissent ces sujets, un juge de paix absolu. Cela fait des années et des années que nous avons une controverse avec les Américains, avec les Britanniques, sur la question d'un état-major massif au niveau européen. Avez-vous avancé sur ce point ? Pouvez-vous nous dire que vous avez des garanties qui vous permettraient d'engager ce pari avec une chance de le gagner ?
D'autre part, lorsque vous parlez de la défense européenne, le raisonnement s'inverse totalement. On sait que dans toute une série de pays de l'Est, on est opposé à la constitution d'une défense européenne. À partir du moment où la France – qui défend, jusqu'ici, un pilier européen – se sera elle-même ralliée à une intégration de l'OTAN, croyez-vous sincèrement, monsieur le Premier ministre, que les pays de l'Est, et d'autres, vont défendre ce concept que la France elle-même aura d'une certaine manière, à leurs yeux, abandonné ? Croyez-vous qu'ils engageront les dépenses militaires nécessaires ? Nous ne le croyons en aucun cas. Vous nous dites que la réintégration dans le commandement militaire va encourager la défense européenne, vous risquez au contraire de la tuer. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Je veux ajouter deux ou trois arguments qui mériteraient d'être examinés.
D'abord, une question absolument incontestable se pose, celle du consensus. Il n'y a pas beaucoup de terrains de consensus, en France, et vous-même, monsieur le Premier ministre, vous brocardez la gauche en disant : il faudrait le consensus, il faudrait le consensus. Mais alors que le consensus existait jusqu'ici sur ce terrain, et depuis des décennies, c'est vous-même, monsieur le Premier ministre, et vous, mesdames et messieurs de l'UMP, qui faites en sorte qu'il ne puisse plus exister. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Vous nous dites : l'Amérique change. Et vous, comme M. Copé, avez cité M. Obama. Nous sommes, comme vous, j'en suis sûr, ravis de l'élection de M. Obama, et très admiratifs de ces premiers pas. Mais enfin, nous devons à l'histoire de rappeler que ce n'est pas avec M. Obama que M. Sarkozy a décidé la banalisation de la position de la France, c'est avec le peu regretté Président Bush. Et il ne faudrait pas réinterpréter l'histoire aux fins de justification d'une décision contestée. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Il y a bien sûr la question très importante de l'indépendance. Pour qu'il n'y ait pas de faux débat, j'écarte tout de suite la question de savoir si, oui ou non, nous abandonnons notre indépendance nucléaire. Il n'en est pas question. Et dans les textes, juridiquement, nous conservons totalement notre indépendance nucléaire, de même que nous conservons la possibilité d'engager ou non nos troupes.
Mais l'indépendance, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs de l'UMP, ce n'est pas simplement une question juridique. C'est une question de volonté, et une question pratique. Au moment de la deuxième guerre d'Irak, qui peut croire que si nous avions réintégré le commandement militaire de l'OTAN, la France aurait pu – car si l'on parle de l'Allemagne, elle n'était pas à la tête de ce mouvement –, avec la vigueur qu'elle a suscitée, prendre la tête d'un mouvement qui était juste et qui a fait école partout dans le monde ? Nous aurions été dans l'incapacité pratique et politique de le faire. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Bien sûr que si ! Vous le contestez parce que cela vous touche. Je le répète, l'indépendance n'est pas simplement une question juridique, c'est une question pratique. Et si la France avait été banalisée et alignée sur la décision des Américains, il aurait été absolument impossible de prendre la tête de ce juste combat. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)
Reste, évidemment, la question de l'influence. Comme cela a été souligné, l'influence, c'est une question de symboles. On peut dire : les symboles, ça ne compte pas. Si, ça compte énormément. Nous savons tous que les hommes et les femmes agissent, et parfois même donnent leur vie pour des symboles.
Ça ne risque pas de vous arriver ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Ne vous rapetissez pas, monsieur. C'est suffisant, comme vous êtes.
Parmi les symboles qui expliquent que la France soit plus que la France, qu'elle soit plus grande que sa population et que sa superficie, il y a le fait qu'à travers l'histoire, et depuis des décennies, quelle que soit la diversité de ses gouvernements, elle a toujours défendu un certain nombre de causes, un certain nombre de valeurs, a toujours été fidèle à un certain nombre de principes. Et parmi ces principes, il y a le fait que si nous avons toujours été fidèles en amitié avec les Américains, nous avons toujours refusé d'être alignés sur les décisions américaines. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Que vous le vouliez ou non, au Proche et au Moyen-Orient, en Amérique du Sud, en Russie, en Afrique, si l'on sait demain que la France est rentrée dans le rang, et c'est ainsi que votre décision sera considérée (« Mais non ! » sur les bancs du groupe UMP. – « Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC), cela portera tort à son influence. Vous aurez beau le contester, nous le verrons dans les faits.
Dès lors, nous vous demandons, monsieur le Premier ministre, que le Parlement de la République soit saisi chaque annéed'un rapport exposant aussi précisément que possible ce que nous aura rapporté ou ce que nous aura coûté, en termes de défense européenne et de défense nationale, de politique étrangère et de politique de sécurité, la décision que vous vous apprêtez à prendre.
Ainsi, nous aurons un état précis qui mettra fin aux querelles que je suis en train d'entendre.
Pour terminer, je ferai, comme chacun d'entre nous, référence au général de Gaulle, avec qui je n'ai pas eu de conversation, à la différence de vous qui en avez eue avec le Président Mitterrand. En 1958, le général de Gaulle a écrit un mémorandum au Président Eisenhower et au Premier ministre McMillan. En homme qui aimait les mots et qui connaissait leur force,…
…il dit, un peu plus tard, dans ses « Mémoires d'espoir », à propos de ce texte : « Dès 1958, je hisse les couleurs ». Aujourd'hui, la question est de savoir si nous pourrons continuer à hisser les couleurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Pas simplement les couleurs des Français, mais les couleurs des Européens et celles de tous les peuples du monde qui sont attachés, comme nous, comme vous, mes chers collègues, à la liberté, à l'égalité, à la paix, au développement et à l'indépendance des peuples.
Avec le Président de la République, vous nous dites que cette décision nous apportera un plus : nous pensons que c'est illusoire. Qu'il n'y a aucun risque : nous pensons qu'il y a des risques. Que ce sera autant d'indépendance et plus d'influence : nous vous mettons en garde, nous pensons que ce sera vraisemblablement moins d'indépendance et, en tout cas, moins d'influence.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le Premier ministre, nous ne pouvons pas vous suivre, car ce serait contraire à notre conception de l'intérêt de la France. (Mmes et MM. les députés du groupe SRC et quelques députés du groupe GDR se lèvent et applaudissent longuement. – Les autres députés du groupe GDR applaudissent.)
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, à peine le Congrès a-t-il adopté la réforme de notre Constitution, censée donner plus de pouvoir au Parlement, que vous vous empressez de la détourner, par crainte de vous retrouver en minorité dans votre propre camp. Ce qui se passe ici, cet après-midi, ressemble plus à une arnaque politique qu'à un débat sur le sujet de portée hautement symbolique qu'est le retour de la France dans le commandement intégré de l'OTAN.
C'est le choix d'un homme, le Président de la République, qui vous impose cette mascarade, monsieur le Premier ministre, et qui vous rabaisse au rang de « collaborateur » (Murmures de désapprobation sur les bancs du groupe NC), obligé d'exécuter les basses oeuvres et de trahir vos engagements devant le Congrès de Versailles, où vous nous aviez dit, la main sur le coeur : « Nous allons donner au Parlement un véritable pouvoir démocratique ». Tout cela, nous nous en rendons compte aujourd'hui, n'était que cynisme. La vérité apparaît brutale, humiliante pour la représentation nationale, prise au piège d'une manoeuvre vulgaire qui en dit long sur l'état de votre majorité mais qui ne trompe personne. La potion que vous voulez nous faire avaler risque d'être amère pour votre gouvernement.
Ceux qui, tout à l'heure, approuveront votre politique étrangère, accepteront non seulement le retour de la France dans le commandement intégré de l'OTAN sous domination des États-Unis, mais aussi tout ce qui va avec, comme s'ils achetaient un lot de marchandises en vrac : la rupture avec la politique arabe de la France, le renforcement continu de l'intervention militaire en Afghanistan, la construction d'une base militaire dans les Émirats, sous-traitants de la politique américaine, la continuation de la Françafrique et le soutien aux dictateurs, l'abandon de ce qui n'a été qu'une posture de campagne électorale sur la question des droits de l'homme – souvenons-nous de l'accueil triomphal réservé au dictateur libyen, du soutien à Ben Ali, du cafouillage sur le Tibet et, notre collègue Laurent Fabius l'a rappelé, du honteux discours de Dakar. La liste est si longue qu'elle prendrait à elle seule tout le temps de parole qui nous a été accordé.
La cohérence entre le retour dans l'OTAN et cette politique, c'est tout simplement la mort symbolique du gaullisme. Pour ce qui concerne les Verts, nous sommes très à l'aise puisque, nés, entre autres, des luttes pour le désarmement et contre les programmes nucléaires civils et militaires, nous n'avons jamais participé à cette controverse franco-française sur la capacité réelle ou supposée de notre pays à sauvegarder les moyens de son indépendance.
Depuis les années 1980, nous sommes entrés dans l'ère de la mondialisation, où la France ne pèsera que si elle met son intelligence collective, sa culture, ses capacités économiques, financières, humaines et donc militaires, au service d'une ambition qui la dépasse et dont le seul niveau pertinent est l'Europe, une Europe politique, axe d'un monde multipolaire. Ainsi, sommes-nous d'autant plus fondés à considérer la défense européenne sous commandement de l'OTAN comme une dangereuse illusion, basée sur une sorte de troc diplomatique : la France reprend toute sa place au sein de l'OTAN, à condition qu'elle occupe des postes de responsabilité à la mesure de sa contribution militaire et que l'Alliance atlantique prenne davantage en compte le poids et l'influence de l'Union européenne. Sauf que le déséquilibre est si important que ce troc est mort-né. Ce qui creuse concrètement un fossé, ce sont les moyens militaires des États-Unis et ceux du reste du monde : ils représentent 45 % des dépenses mondiales, soit 596 milliards de dollars, contre 296 milliards de dollars pour l'Europe occidentale. À lui seul, le budget militaire des États-Unis cumule le total des budgets de vingt-trois pays !
Tant que l'Europe ne se décidera pas à prendre en main ses propres capacités de défense et son autonomie stratégique, elle ne sera qu'un nain politique dépendant des choix de l'administration américaine. Nos atlantistes ingénus – mais beaucoup ont quitté l'hémicycle – devraient se poser trois questions : quelle est aujourd'hui la légitimité de l'OTAN, quand cette organisation politico-militaire est née de la guerre froide et avait vocation à la mener ? Quel est aujourd'hui notre ennemi ? Qui peut identifier clairement les missions, les zones d'intervention et même les pays membres de l'Alliance atlantique ?
De ce point de vue, le Président de la République a une certaine cohérence : en prônant à outrance le rapprochement avec les Etats-Unis, et cela dès le début de son quinquennat, il est en train de donner un nouveau cours à la politique internationale française pour l'adapter à la mondialisation libérale. Il le fait, il l'a dit, au nom du « camp occidental » et d'une vision de la gouvernance mondiale, qui se réduirait à un G 8 éventuellement élargi, fonctionnant comme un directoire du monde, à côté de l'OMC conçue comme un ministère du commerce, du FMI qui serait le ministère des finances, de la Banque mondiale qui serait le ministère de l'économie et des politiques sociales, et de l'OTAN, doté des compétences des ministères de la défense et de l'intérieur. Ce système a sa logique, mais elle n'est pas la nôtre.
Face à cet unilatéralisme modernisé, nous opposons une conception d'un monde multipolaire, où les ensembles régionaux construisent entre eux des coopérations renforcées. Pour nous, l'ONU a encore un sens, elle doit devenir un Parlement contrôlant la gouvernance mondiale et donc l'usage de la force. Nous ne voulons pas d'un monde où les riches dominent les pauvres au moyen d'une puissance globale militaire et, disons-le mot, coloniale. L'ordre global que nous défendons est pluriel. Le retour dans le giron de l'OTAN, c'est l'exact contraire de cette vision.
Nicolas Sarkozy, Président de la République, a choisi le camp de l'occidentalisation du monde. Il se trompe et il fait prendre de gros risques à notre pays et à l'Europe.
Un tel choix ne permettra plus à la France de jouer son rôle historique de passerelle avec le reste du monde.
La deuxième question liée à l'OTAN est celle de l'adaptation au nouvel aspect de la guerre. Nous vivons une époque de guerres asymétriques, prenant la forme d'actions violentes des mafias, du terrorisme, de crises internes, souvent ethniques ou liées au contrôle des ressources. La question de la sécurité collective ne se pose donc pas comme en 1966 ou comme à l'époque du déploiement des missiles SS 20. Nous ne gagnerons aucune victoire avec la force seule. La guerre a toujours été une chose trop sérieuse pour la confier aux seuls militaires : aujourd'hui, cette formule est plus vraie que jamais.
Le renforcement du lien transatlantique et la coopération avec les États-Unis seront d'autant plus fructueux qu'ils seront fondés sur le respect, non sur la vassalisation que nous propose de manière déguisée le Président de la République.
Tant que l'Europe ne disposera pas d'un état-major interarmes indépendant, d'une force intégrée capable de défendre ses frontières et d'établir des accords de défense, d'une agence européenne de la défense, elle ne sera pas respectée par les Américains, non plus que par le reste du monde, qui attend beaucoup de cette Europe.
Les Américains, sous quelque administration que ce soit, ne connaissent qu'une seule doctrine, synthétisée en son temps par Madeleine Albright, secrétaire d'État du Président Clinton : « No decoupling, no duplication, no discrimination». En fait, elle expliquait qu'il n'y avait pas d'avenir pour une entité militaire découplée des États-Unis, disant tout haut la vérité de cette politique d'alignement. Sous le Président Obama, quelles que soient ses vertus, la doctrine américaine n'a pas changé,…
…et le Président français semble l'avoir fait sienne au nom d'un atlantisme dépassé.
C'est en ce sens que le troc auquel il nous convie ressemble à un marché de dupes. Dans ce cadre, la prétendue autonomie de l'Europe restera toujours lettre morte. Comme l'a très bien dit, un ancien ministre des affaires étrangères d'un gouvernement de gauche, Hubert Védrine : « La réintégration donnerait à la France une influence comparable à celle des autres alliés, c'est-à-dire quasi nulle ». Les États qui ont rejoint cette organisation commencent d'ailleurs à le comprendre. L'OTAN n'agit qu'en fonction des intérêts tactiques et stratégiques de Washington. Elle a fait croire qu'elle pourrait être le bouclier de la Géorgie : on a vu ce qu'il en était. L'Ukraine a compris la leçon, et les malheureux Tchétchènes, sous la botte depuis des décennies, l'ont assimilée depuis bien longtemps.
Les autres objectifs proclamés de l'OTAN revisitée sont, paraît-il, la guerre contre le terrorisme, contre la prolifération nucléaire et pour le contrôle de la sécurité énergétique. Voyons un peu le bilan :
La théorie de la guerre préventive contre le terrorisme a été un échec sur toute la ligne, du Pakistan jusqu'à l'Irak. Quant à la prolifération nucléaire, la France y participe activement. Nous avons un Président qui s'est mué en commissionnaire d'AREVA, d'EDF et du CEA, et qui, de la Chine à la Libye, partout où il passe, dissémine le nucléaire civil,…
…première phase du développement du nucléaire militaire. La sécurisation énergétique du monde occidental ressemble à celle de la politique coloniale des canonnières.
Considérer le mode de vie du monde riche comme un îlot à protéger par la force relève d'une cécité mentale qui sera balayée par la crise. Au lieu d'aligner la France sur les valeurs de la famille atlantiste, vous seriez plus inspiré, monsieur le Premier ministre, d'en finir avec les paradis fiscaux, d'annuler la dette odieuse qui fait crever de faim des millions d'humains dans le monde, ou encore de réaliser les objectifs du millénaire sur la santé, l'éducation et le développement, adoptés à l'unanimité des pays membres de l'ONU en 2000.
En juin 2007, peut-être vous en souvenez-vous, Nicolas Sarkozy a lancé l'opération « Livre blanc ». En fait, il poussait à contretemps la doctrine d'emploi des forces françaises dans le sens d'un alignement sur les normes du système stratégique, sécuritaire et expéditionnaire du Pentagone.
Or, en quelques mois, la crise a modifié tous les paramètres des menaces et des décisions en matière de défense et de sécurité. Cette nouvelle donne exigerait au contraire un Livre blanc européen de la défense.
Mes chers collègues, si la question de la guerre redevient une question essentielle, c'est que la crise s'approfondit. On ne peut sans cesse comparer 2009 à 1929, sans voir que 1929 a précédé 1933 et 1940. Aujourd'hui ce qui est en jeu, ce n'est pas le nombre de missiles balistiques. Nous savons que les guerres ne seront pas conduites pour conquérir des territoires, comme par le passé, mais pour garantir la sécurité énergétique, pour piller les ressources en eau, pour maîtriser les matières premières nécessaires au fonctionnement des pays riches. Ces guerres, nous le savons, excluront les pauvres et organiseront ce qui a commencé d'être à l'oeuvre : l'apartheid planétaire.
Dans ces conditions, l'OTAN sera un instrument de cette guerre militaire, un gendarme du monde, qui sera prêt à l'emploi, pour organiser l'apartheid planétaire.
Nous ne voulons pas de cet OTAN-là. Nous allons même plus loin, nous sommes pour sa dissolution. La France et l'Europe ne sont pas solubles dans l'OTAN. Elles valent mieux que ce triste destin auquel vous nous préparez. Ces questions méritaient vraiment un débat sanctionné par un vote Mais vous avez eu peur de votre majorité. Vous avez eu peur des Français, monsieur le Premier ministre, et vous vous êtes malheureusement transformé en exécuteur des volontés d'un Président de la République qui a pris les décisions avant même que de nous faire débattre.
Franchement, nous avons le sentiment d'être ici une armée des ombres et d'avoir été trahis depuis le Congrès de Versailles, lorsque vous nous avez promis que vous renforceriez les pouvoirs du Parlement. Aujourd'hui, le Parlement n'est considéré par le Président de la République que comme une serpillière sur laquelle il essuie ses mocassins bouclés. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur de nombreux bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, vous imaginez bien que la tonalité de mon intervention ne sera pas de même nature que celle de M. Mamère, dont j'ai trouvé les derniers propos déplacés.
Nous avons à débattre et à nous exprimer au Parlement sur des sujets considérés jusqu'à présent comme des domaines réservés du Président de la République.
Une grande chance est offerte au Parlement : débattre sur son avenir, sur l'avenir du pays et sur des sujets qui touchent à l'essentiel – la politique de défense, la politique étrangère, l'engagement de nos forces armées.
Je regrette d'ailleurs que nous ayons pris dans le débat des habitudes tirées du passé et que lorsque chacun des présidents de groupe s'est exprimé, les bancs se vident, car on considère que le débat est achevé. Cela me choque profondément. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
Le Nouveau Centre a demandé un débat sur la politique étrangère de la France, un débat sur le retour dans le commandement intégré de l'OTAN. Je suis choqué que l'on se retrouve pratiquement à s'exprimer entre soi, alors qu'il s'agit d'un débat utile pour le pays, un débat qu'attendent les Français, un débat que nous souhaitions au Parlement.
Monsieur le Premier ministre, vous avez souhaité engager la responsabilité du Gouvernement sur la politique extérieure conduite depuis dix-huit mois et sur l'engagement de réintégrer le commandement militaire intégré de l'OTAN.
Nous souhaitions que chaque parlementaire, chaque groupe politique puisse s'exprimer sur la politique conduite depuis dix-huit mois. Il relève de la responsabilité de chacun des parlementaires qu'il combatte ou qu'il soutienne le Gouvernement de dire si, oui ou non, il a été engagé aux côtés du Gouvernement et du Président de la République, ces dernières années.
Monsieur le Premier ministre, lorsque nous avons eu pour la première fois à nous exprimer sur l'engagement de nos troupes et la poursuite de cet engagement en Afghanistan, j'avoue, à cette tribune, avoir senti plus qu'auparavant la responsabilité de chaque parlementaire et du Parlement devant les Français, devant nos soldats.
J'ai eu le sentiment – et je l'ai regretté – que sur le sujet sur lequel nous devrions rechercher les voies de convergence, pour porter la voix de la France aux côtés du Président de la République, certains utilisaient ces moments pour en faire des moments de politique politicienne, alors qu'il s'agit simplement du rôle et de la place de la France dans le monde.
Ces débats démocratiques – je le dis à la gauche – sont utiles, nécessaires, pas simplement pour contrôler l'action du Gouvernement, mais aussi pour éclairer les Français sur les enjeux de ces opérations, clarifier les positions de chacun.
Monsieur Fabius, je voudrais vous dire que j'ai apprécié la tonalité que vous avez donnée à votre intervention, même si je ne la partage pas. Partout ce débat s'est ouvert. Faut-il que la France continue d'être présente sur les théâtres d'opération extérieure ? Nous avons eu ce débat ici même sur l'Afghanistan et sur d'autres sujets. Oui, je pense profondément qu'il ressortit au rôle et à la grandeur de la France d'exercer sa mission pour la paix.
Monsieur le Premier ministre, au cours de ces dix-huit mois, le monde a été confronté à de sérieux soubresauts. J'étais fier d'entendre la voix de la France, qui s'est exprimée chaque fois avec force et avec engagement. Il y a eu la relance du processus européen, la relance du Traité de Lisbonne. Nous le souhaitions au Nouveau Centre. Vous l'avez engagé.
Il y a eu les premiers effets de la crise financière, pour laquelle le Président de la République était en première ligne en Europe et dans la relation avec les États-Unis, d'où venait cette crise.
Il y a eu la crise géorgienne. Et on a bien vu à travers la résolution de cette seule crise que la France a un rôle particulier, un rôle fort à jouer pour ne pas laisser face à face à la Russie et aux États-Unis.
Il y a eu l'engagement du Président de la République dans le drame israélo-palestinien. J'ai accompagné le Président de l'Assemblée avec les autres présidents de groupe, lors d'une visite sur place. Lorsque l'on voit la guerre en face, on mesure mieux la responsabilité qui est la nôtre, pour parvenir à la paix là où existe cette guerre. Les images des événements que j'ai vécus avec mes collègues sont inscrites au fond de moi et je mesure encore mieux notre responsabilité, la responsabilité de la France. Je tiens à saluer l'action décisive du Président de la République française.
Puis, il y a eu la relance, cher Hervé Morin, de la défense européenne et les initiatives que vous avez prises avec le Gouvernement dans ce domaine. Je tiens à saluer votre engagement.
Je le dis comme je le pense, il faut que chacun assume la responsabilité qui est la sienne. Nous, les centristes, avons toujours souhaité, de manière constante, depuis 1966 pouvoir réintégrer et assumer pleinement notre mission au sein de l'OTAN.
Dans le bilan, dont je viens de tracer les grandes lignes et qui est clairement positif pour nous, nous devons dire au Parlement si oui ou non nous avons confiance dans la politique extérieure conduite depuis dix-huit mois et si nous souhaitons la soutenir pour l'avenir.
Monsieur le Premier ministre, je le dis, au nom du groupe Nouveau Centre, nous avons confiance. Je dirai même que les événements dans le monde et l'intervention de la France ces derniers mois dans le monde ont renforcé cette confiance.
Je ne comprends pas que sur des sujets aussi lourds que notre place dans le monde, l'on ne puisse pas sortir des argumentations politiciennes et dogmatiques comme celles de l'opposition socialiste. J'ai vu, au fur et à mesure des années, une sorte de conversion par rapport à des engagements antérieurs. L'opposition n'est pas de mise sur des sujets qui doivent nous rassembler, comme celui de la politique extérieure, comme celui de la voix de la France, qui méritent une lecture partagée et un engagement partagé.
Au moins, dans le débat de cet après-midi, que le groupe Nouveau Centre avait souhaité, chacun sera amené à prendre ses responsabilités et à les assumer devant les Français.
Monsieur le Premier ministre, vous avez choisi – je le répète – d'engager la responsabilité du Gouvernement sur la politique extérieure. Cela montre clairement que la réintégration dans le commandement de l'OTAN, présentée par les uns comme une rupture ou un renoncement est, en fait, comme l'écrivait un grand journal du soir, davantage « l'aboutissement d'un processus qu'une ère véritablement nouvelle ». Puis elle s'inscrit, vous l'avez rappelé, dans un monde qui a profondément changé.
Et quand je parle de processus, je souhaiterais simplement rappeler les mots qui ont ponctué ce long chemin. Pierre Joxe parlait d'inévitable retour à propos de l'OTAN. François Mitterrand, lui-même l'un des plus sévères à l'idée du retrait de l'OTAN, disait que cela « trahissait une volonté d'isolement fondée sur l'idée que le nationalisme est la vérité de notre temps ». Cette phrase prend aujourd'hui tout son sens.
Jacques Chirac aussi estimait qu'une identité proprement européenne de défense ne pouvait se construire que dans l'OTAN. D'où sa décision, en 1995, en pleine crise bosniaque, je le rappelle, de faire siéger la France au Conseil des ministres de la Défense et au Comité militaire de l'organisation, et la décision, prise plus tard, de participer à plusieurs opérations sous l'égide de l'OTAN, le Kosovo, monsieur le ministre des affaires étrangères, en 1999, et l'Afghanistan, en 2001.
Monsieur le Premier ministre, j'évoquais les dix-huit mois passés, mais nous avons devant nous des étapes qui restent difficiles et qui nécessitent un minimum d'unité nationale. J'ai déjà eu l'occasion de l'exprimer à cette tribune lors du débat sur l'Afghanistan. Lorsque nos troupes sont engagées, lorsque la paix du monde est en jeu, il faut s'éloigner des postures.
La politique extérieure, comme la politique intérieure, est marquée en 2009 par une crise d'une extraordinaire profondeur. Cette crise ne restera pas sans conséquences sur l'équilibre du monde. Elle va incontestablement participer à la redistribution des cartes au niveau international. Elle va sans doute précipiter encore le mouvement – vous l'avez évoqué, monsieur Fabius – d'émergence d'un monde multipolaire dans lequel nous aurons, plus que jamais, un rôle à jouer.
Nous avons, nous, la responsabilité, comme cela a été dit et fait, de porter l'idée de moralisation du capitalisme financier et d'équilibre au niveau du monde. Cette moralisation doit se traduire dans des faits. Elle passe par une remise à plat de l'architecture internationale des grandes organisations. Je pense évidemment au FMI, à la Banque mondiale. Toutes ces institutions ont montré leurs limites. Elles n'ont pas su anticiper une crise qu'elles ont été incapables de prévenir et de juguler. Il faut revoir le fonctionnement, les outils et les objectifs de ces institutions. Je pense que la France, qui a pris, en cette matière, l'initiative, doit continuer de jouer pleinement son rôle.
Cette moralisation passe également par le renforcement d'une idée, celle que l'entreprise ne peut pas se faire sans les hommes, que l'emploi doit être la priorité. Surtout en ces temps de crises et partout dans le monde, les entreprises doivent remettre l'homme et le salarié au coeur de nos préoccupations.
Il faut aussi intégrer encore davantage l'impact environnemental. La France doit porter ce message partout dans le monde, car cette crise nous offre des opportunités nouvelles en matière d'économie et nous ne devons pas reproduire les mêmes erreurs.
Il faut aussi agir dans le domaine du climat. Il faudra faire entendre notre voix, fortement, lors de la conférence de Copenhague. Sur tous ces sujets, la France a une responsabilité particulière ; elle doit faire entendre sa voix dans tous les domaines.
Dans le Livre Blanc sur la Défense, le Gouvernement et le ministre de la défense ont esquissé un tableau des nouvelles menaces auxquelles nous sommes confrontés – elles ont évolué, les menaces terroristes en particulier – et des nouvelles orientations que nous devons prendre pour nous en protéger.
La défense française a été réorganisée sur notre territoire même – j'aurais aimé que l'opposition s'exprime aussi sur ce sujet – avec la réforme de la carte militaire, pour mieux faire face à ces nouvelles exigences.
Vous avez également avancé dans la construction d'une Europe de la Défense, et cela doit être une priorité pour peser dans l'ordre du monde. L'élan que vous avez donné, monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre de la défense, est utile. Il créera, je le souhaite, une dynamique salutaire. Cette construction européenne ne peut se faire contre nos partenaires et en dehors de l'histoire qui a été celle de notre Europe.
Nous avons quelques questions simples à poser au moment où nous allons ou non accorder notre confiance au Gouvernement.
Est-ce que le fait que la France reprenne toute sa place dans l'OTAN est un risque pour la défense européenne ? Cette question a été abordée. À l'évidence, non ! Au contraire, je crois que c'est une nouvelle chance donnée à cette défense européenne. D'ailleurs, les Européens, faut-il le rappeler, représentent vingt-trois des vingt-six membres de l'OTAN.
Y a-t-il ou non, en intégrant le commandement militaire de l'OTAN, un risque d'alignement sur les Américains ? Je tiens à rappeler que ce n'est pas un risque. L'Allemagne l'a montré : elle n'a pas hésité à s'opposer, elle aussi, à Washington lors de la guerre en Irak.
Nous devons dire aux Français que beaucoup de nos nouveaux voisins européens, parmi l'ancien bloc de l'Est, ont un lien particulier avec l'Alliance. Cette organisation mise en place en 1949 pour protéger l'Europe de l'Ouest de la menace soviétique a été perçue, après l'effondrement de l'URSS, par les anciens pays satellites comme la meilleure des protections. Ces pays ne se sont alors pas privés de nous faire comprendre qu'il n'y aurait pas de défense européenne avec eux sans une clarification de la position française à l'égard de l'OTAN.
Ces jeunes démocraties, plus récentes dans l'Europe, portent un regard neuf sur ces deux entités. Elles ont le sentiment que l'OTAN et l'Europe sont les deux piliers d'une politique de défense efficace. Il faut les entendre.
Le renouveau de nos relations avec l'Alliance est une garantie pour faire avancer les programmes d'armement et participer à la construction de l'Europe de la défense. À cet égard, vous avez tenu des propos honteux, monsieur Mamère, à l'égard du Président de la République, qui est allé promouvoir l'emploi en France à travers les exportations, et notamment AREVA. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.) Ce secteur est porteur d'emplois en France, je peux en témoigner. Dans ma circonscription, à Montbard, Valinox Nucléaire, qui fabrique des tubes pour générateurs de vapeur, va créer 150 emplois. C'est une bonne nouvelle pour la France et l'emploi de nos compatriotes, monsieur Mamère ! (Mêmes mouvements.)
Comme vous l'avez rappelé, monsieur le Premier ministre, nous n'avons jamais quitté l'Alliance, loin s'en faut, et nous nous en sommes toujours progressivement rapprochés. Nous participons déjà à trente-huit des quarante comités civils ou militaires. Depuis 1995, nous avons envoyé des troupes dans toutes les opérations menées par l'OTAN. Un général français a même assuré le commandement de l'opération menée au Kosovo. Nous sommes parmi les premiers contributeurs tant en termes d'hommes qu'en termes de financement. Chaque année, nous versons 170 millions d'euros à l'Alliance, soit la quatrième contribution, et nos effectifs représentent 7 % du total. La France est donc bel et bien un membre de l'organisation et, on peut même ajouter, un membre important.
Pourtant, en dépit de tout ce que nous apportons, nous avions une position en quelque sorte passive en ne participant pas aux instances décisionnelles, ce qui n'était pas logique.
Réintégrer le commandement militaire, c'est ainsi redevenir membre du comité des plans de défense, l'une des trois plus hautes instances décisionnelles de l'Alliance, dont l'objet est de fixer les orientations militaires, de définir les besoins capacitaires ainsi que les objectifs à atteindre par chacun des alliés. Nous aurons donc voix au chapitre et il était difficile d'imaginer qu'il en soit autrement durablement. Telle est la position du groupe Nouveau Centre.
Réintégrer l'Alliance suppose de nouvelles responsabilités pour nous et c'est loin d'être anecdotique. En effet, non seulement nous participerons aux décisions, mais nous aurons également des postes de commandement importants. C'était d'ailleurs ce sur quoi s'était battu Jacques Chirac.
Réintégrer l'Alliance, est-ce perdre notre indépendance ?
Je dis non ! Bien au contraire. Réintégrer l'Alliance, c'est la possibilité de faire davantage valoir auprès des Américains notre ambition pour l'Europe de la défense.
C'est là que se situe l'enjeu de la décision que nous devons prendre. En rentrant dans le commandement intégré, nous offrons une voix plus grande encore en faveur de cette construction. On le voit bien, l'enjeu est tel que nous devrions tous faire preuve d'unité nationale sur ces sujets.
À une époque François Mitterrand, Guy Mollet et René Pleven dénonçaient l'attitude du Général qu'ils jugeaient trop « cocardière ». Eh bien aujourd'hui, à front renversé, leurs successeurs dénoncent l'attitude du Président de la République qu'ils qualifient de « retournement stratégique » pour les uns et d'« amputation » pour les autres.
Je le dis comme je le pense au nom du groupe Nouveau Centre, le choix d'une plus grande influence de l'OTAN ne remet pas en cause l'indépendance. C'est une logique d'alliance et une volonté de peser dans l'ordre du monde.
C'est le bon moment, aujourd'hui, pour prendre cette décision – vous l'avez précisé, monsieur le Premier ministre –,une décision qui sera un pas supplémentaire et décisif sur le chemin de la construction d'une Europe de la défense cohérente et efficace. Tous ici, nous devons partager cette même ambition, ce même espoir d'une Europe forte et protectrice.
Participer de manière décisionnaire à l'OTAN ne constitue ni un affaiblissement ni un renoncement pour la France. C'est, au contraire, lui permettre d'assumer, pleinement et d'une voix forte, son influence tout en conservant son indépendance. Monsieur le Premier ministre, nous vous faisons confiance pour poursuivre cette mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
(M. Bernard Accoyer remplace M. Marc Laffineur au fauteuil de la présidence.)
La parole est à M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, le long débat portant sur le retour complet de la France dans l'OTAN que nous avons initié dans nos commissions, Guy Teissier et moi-même, depuis maintenant plus de trois mois, s'achève aujourd'hui, ponctué par la confiance que nous allons apporter au gouvernement de François Fillon.
Nous avons beaucoup auditionné, beaucoup écouté, beaucoup réfléchi à cette question importante pour notre pays. Pour ma part, plus je suis entré dans le sujet, plus j'ai été convaincu du bien-fondé de la décision du Président de la République et de l'aspect inéluctable de cet aboutissement.
Les raisons de la rupture voulue par le Général en 1966 ne sont plus d'actualité aujourd'hui, nous le savons bien. La France ne participera pas au groupe des plans nucléaires ; il n'est pas question d'envisager la réouverture de bases américaines en France ni de tolérer la remise en question de notre souveraineté dans notre espace aérien. Par ailleurs, les forces européennes ne sont plus intégrées sous commandement américain depuis longtemps.
Le retour complet de la France dans l'OTAN est donc le résultat logique d'un long processus. En 1983, le président Mitterrand se prononce courageusement en faveur de l'accueil des missiles Pershing américains en Allemagne, en précisant : « Les régions entières de l'Europe ne doivent pas être dépourvues de parade face à des armes nucléaires dirigées contre elles. Je constate que les pacifistes sont à l'Ouest et les euromissiles à l'Est ». En 1989, le mur de Berlin s'effondre et, avec lui, c'est la menace soviétique qui disparaît. Le monde a changé, le monde d'aujourd'hui n'est plus celui de 1966, notre relation à l'OTAN a évolué en quarante-trois ans, et l'OTAN elle-même a profondément changé.
L'OTAN n'est plus dirigée par un duopole américano-britannique. Quant aux opérations militaires de l'OTAN, il n'est pas inutile de rappeler qu'elles sont toutes postérieures à 1989 et qu'elles ont toutes été réalisées, à une exception près, sous mandat de l'ONU.
Cela a été successivement l'Adriatique en 1992, pour contrôler l'embargo sur les armes imposé par l'ONU à la Yougoslavie ; la Bosnie-Herzégovine, de 1995 à 2004, pour faire cesser le conflit ; l'Albanie, en 1999, pour une opération humanitaire au profit des réfugiés kosovars ; le Kosovo, à partir de 1999, pour mettre fin à ces crimes contre l'humanité perpétrés par le pouvoir serbe et certains de ses généraux ; puis, la Macédoine en 2001 pour stabiliser et sécuriser le pays. Enfin, l'Afghanistan a, à partir de 2003, constitué la première intervention de l'OTAN hors du cadre euro-atlantique avec une participation de trente-sept pays et avec la mission d'étendre l'autorité du pouvoir central afghan et de faciliter la reconstruction du pays, ce qui reste une tâche difficile.
Depuis 1995, la France s'est sérieusement rapprochée de l'OTAN puisqu'elle a participé à chacune de ses opérations militaires. Elle a aussi réintégré trente-huit des quarante agences ou comités dédiés au soutien du commandement politique et militaire de l'OTAN. Elle est également un acteur à part entière de la Force de réaction rapide avec les états-majors de Lille, Toulon et Taverny, pour chacune de ses composantes.
En fait, il convient de distinguer la réalité de nos intérêts et le symbole qu'ils suscitent. La réalité, c'est que nous avons aujourd'hui toutes les charges et responsabilités d'un pays membre à part entière sans peser de toute notre influence, sans faire valoir nos idées et nos conceptions, puisque nous sommes absents du comité des plans et du commandement intégré.
Mais surtout, le fait marquant de cette réintégration complète sera la confiance rétablie avec l'ensemble de nos partenaires européens qui nous soupçonnent continuellement d'un « agenda caché », à savoir de vouloir créer une structure concurrente à celle de l'OTAN. (Exclamations sur quelques bancs du groupe SRC.)
Or le sommet de Prague de novembre 2002 et les arrangements dits « Berlin plus », ont ouvert la voie à une collaboration politique et militaire étroite entre l'Union européenne et l'OTAN en termes de moyens et de capacités compatibles et complémentaires.
Mes chers collègues, que cela nous plaise ou non, il faut être bien conscient que pour la plupart de nos partenaires européens, l'OTAN reste l'organisation de sécurité et de défense de référence. En continuant à nous prévaloir d'un statut à part, justifié en 1966, mais incompris aujourd'hui, nous entretenons le doute quant à nos intentions réelles, qui rend illusoire toute avancée significative de l'Europe de la défense.
La réalité est donc que nous sommes, d'ores et déjà, très présents dans l'OTAN, mais que nous en avons tous les inconvénients et pas tous les avantages. Notre intérêt est donc de peser davantage politiquement et opérationnellement.
Reste alors la valeur symbole de ce complet retour. D'aucuns prétendent que la France perdrait de sa spécificité, de son originalité, de son statut à part. Pour vous dire la vérité, cet argument, on ne l'entend qu'en France. Nulle part ailleurs.
J'en viens à penser qu'en fait de symbole, on est plus dans la posture.
Et ce n'est pas grandir notre liberté de choix et d'appréciation que de s'enfermer dans un prisme aussi dépassé.
Pourquoi la France perdrait-elle de sa liberté, voire de son indépendance ? Pourquoi deviendrait-elle plus alignée sur l'Amérique ? C'est avoir bien peu confiance dans notre disposition à peser sur les affaires du monde. Je ne pense pas une seconde qu'elle se tairait lorsque les droits de l'homme sont en cause ou lorsqu'un impérialisme, quel qu'il soit, se manifeste. Et surtout, nous continuerons à affirmer nos convictions : que nous sommes admiratifs de la démocratie américaine tout en condamnant son protectionnisme ; que nous souhaitons développer nos échanges avec la Chine, mais restons préoccupés par le sort du Tibet ; que nous voulons le gaz de la Russie, mais sommes soucieux de ses visées nationalistes ; que nous protégeons Israël dans ses frontières, mais dénonçons sa politique des colonies.
L'Union pour la Méditerranée ne doit son envergure qu'aux efforts déployés par le Président de la République. Et qui peut croire que la Syrie, le Liban ou Cuba ne nous accordent leur confiance que parce que nous sommes absents des commandements intégrés de l'OTAN ? Ce n'est évidemment pas crédible.
Mes chers collègues, la sécurité et la défense de la France et des Français reposent aujourd'hui sur trois piliers.
D'abord, le pilier que constitue l'ensemble des forces armées françaises.
Ensuite, le pilier européen qu'est la PESD pour les opérations de maintien de la paix de vaste ampleur que nous menons avec nos partenaires européens.
Enfin, le pilier OTAN pour les opérations de crises extérieures qui justifient la participation de nos alliés américains.
Le monde est devenu global. La menace n'est plus à nos frontières ou proche de nos frontières. Elle est lointaine et nécessite un renforcement de nos alliances et de nos partenariats les plus stratégiques.
Il est de notre intérêt d'être le plus influent possible dans chacun de ces partenariats, d'en être les acteurs afin de complètement faire valoir nos vues et nos objectifs, en particulier au moment où un nouveau concept stratégique de l'OTAN doit être élaboré. À l'évidence, il est préférable d'y contribuer de l'intérieur que d'en être témoin de l'extérieur.
Mes chers collègues, nous savons bien tous qu'une fois cette décision acquise, aucun gouvernement futur ne reviendra en arrière.
C'est bien quelque part que cette décision est justifiée. C'est bien quelque part que cette décision fera consensus, dans le futur, en matière de politique étrangère pour la France. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Guy Teissier, président de la commission de la défense nationale et des forces armées.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, mes chers collègues, le Président de la République a souhaité que la France reprenne toute sa place dans l'Alliance atlantique.
Après m'être interrogé comme beaucoup sur ces bancs, tant l'OTAN fait partie d'un « marqueur identitaire de la Ve République » selon l'expression de notre collègue Pierre Lellouche, je considère qu'il s'agit de la meilleure position pour que la France puisse prendre, au regard de l'évolution du contexte géostratégique, toute sa place dans le monde.
Beaucoup de choses ont été dites sur les conséquences de cette décision, sur notre indépendance, sur notre identité, sur le poids du symbole que cette démarche revêt. Et ce, à mon sens, pas toujours avec la clairvoyance et la sincérité que ce type de débat suppose.
En préambule, il me semble important de rappeler que notre retour dans les instances de l'OTAN est aujourd'hui devenu pour la France non seulement une nécessité politique et militaire, mais surtout la suite logique d'une politique de rapprochement initiée par la quasi-majorité des Présidents de la République qui ont succédé au général de Gaulle. Il s'agit donc tout simplement d'une normalisation.
Le fait que la France reprenne toute sa place au sein de l'Alliance est une nécessité politique dans la mesure où nos alliés et partenaires européens, à commencer par les douze derniers adhérents à l'Union européenne, ne s'associeront pas à un projet de défense européenne en dehors de l'Alliance, pour des raisons stratégiques et budgétaires que nous connaissons.
Bien sûr que si !
Depuis les années 90, la France a essayé de développer son projet d'Europe de la défense en dehors de l'OTAN, se heurtant aux écueils que l'on sait. Aujourd'hui, le projet que la France nourrit pour l'Europe garde tout son sens, mais nous ne convaincrons nos partenaires que si nous renouons la confiance et parvenons à mettre sur pied un dispositif européen qui garantisse notre autonomie tout en montrant la complémentarité entre une défense européenne et l'OTAN.
Je suis d'ailleurs convaincu que l'évolution de notre position vis-à-vis de l'OTAN a, par exemple, favorisé la participation des Britanniques à l'opération européenne contre la piraterie et les a incités à en prendre le commandement.
Ce projet est aussi une nécessité militaire, contrairement à ce que disait Laurent Fabius tout à l'heure. Depuis la crise des Balkans, nous avons plusieurs fois participé aux opérations de l'OTAN visant à assurer la sécurité de notre continent. Force est de constater que notre absence du commandement intégré ne nous a pas permis de peser sur les choix stratégiques et les opérations militaires, alors que nous en avons été et que nous en restons les principaux contributeurs.
Monsieur Michel, savez-vous qu'il aura fallu attendre cinq ans pour qu'un général français prenne le commandement de l'opération menée dans les Balkans, au seul prétexte que nous ne faisions pas partie de la force intégrée ? (« Et alors ? » sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Et alors, vous trouveriez normal que l'on envoie nos soldats s'y faire tuer (Protestations sur les bancs du groupe GDR)…
…sans faire partie du commandement ? Je reconnais bien là le raisonnement des postmarxistes ! (Approbation sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe GDR.)
Voilà pourquoi la stratégie du Président de la République me paraît juste et doit aboutir…
Mieux vaut être dans le bourbier qu'au goulag ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP. –Protestations sur les bancs du groupe GDR.)
Je voudrais maintenant souligner combien les risques que cette décision ferait peser sur la France relèvent du fantasme ou, pire, de l'ignorance. L'opposition nous dit qu'en reprenant toute sa place au sein de l'Alliance, la France hypothéquerait son indépendance.
L'opposition feindrait-elle d'ignorer que la France conserve une armée capable d'agir partout dans le monde, une diplomatie reconnue partout et, surtout, une capacité de dissuasion totalement indépendante ? (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
Aurait-elle oublié que l'OTAN n'a jamais été et ne sera jamais une organisation supranationale ? Le processus décisionnel reposant sur l'unanimité de ses membres, la France pourra toujours s'opposer à l'engagement de ses moyens, voire au déclenchement d'une opération de l'OTAN. Notre excellent collègue socialiste Jean Michel Boucheron l'a reconnu lui-même il y a peu : la France pourra toujours dire non.
Sur ce point, la gauche fait preuve d'une incohérence surprenante en affirmant aujourd'hui que l'appartenance au commandement militaire intégré impliquerait une présomption de disponibilité des forces françaises au service de l'OTAN,…
…ce qui aurait été vrai du temps de la guerre froide, mais n'a plus aujourd'hui aucun sens.
Sur ce point, l'opposition a une vision dépassée de l'Alliance ; et cela, ce n'est pas une simple présomption ! Mais, connaissant votre archaïsme, cela ne m'étonne pas ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Le repli sur soi, la frilosité, les procès d'intention qui caractérisent les propos de Laurent Fabius (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) sont à l'image de ceux d'un grand ministre de l'intérieur…
…qui fut aussi un illustre maire de Marseille. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) Gaston Defferre (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)…
…n'avait-il pas dit dans cet hémicycle, à propos de la décision du général de Gaulle, qu'elle relevait d'un nationalisme maurassien ? M. Fabius s'inscrirait-il aujourd'hui dans cette lignée ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
En revanche, mes chers collègues, nous sommes en droit de nous demander pourquoi la France, qui dispose d'une voix pleine et entière au conseil de sécurité de l'ONU, n'aurait pas la même au sein du commandement intégré de l'OTAN,…
Parce que c'est Sarkozy, et que Sarkozy est en ligne directe avec le Pentagone !
…dont le siège se trouve en Europe et dont les membres sont pour l'essentiel des pays européens.
Après avoir mis en doute notre indépendance, l'opposition nous dit aussi qu'en reprenant toute sa place au sein de l'Alliance, la France affaiblirait son identité et sa singularité. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Soyons sérieux, chère madame ! Tout d'abord, l'actualité de ces derniers mois, en particulier la crise en Géorgie, a montré la capacité de la France à se mobiliser, à agir et à afficher ainsi son identité propre. (Protestations sur les bancs du groupe GDR.)
Ensuite, les pays du Proche et du Moyen-Orient, ou ceux d'Asie, ne se demandent pas si la France appartient ou non à l'organisation militaire intégrée de l'OTAN. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Ils observent sa politique, en se félicitant de son autonomie et de son sens des responsabilités comme membre permanent du conseil de sécurité des Nations unies.
C'est vous qui le dites !
Ils savent aussi que l'Alliance est intervenue hier en Bosnie, et intervient encore aujourd'hui au Kosovo et en Afghanistan. Permettez-moi de rappeler qu'il s'agit pour l'essentiel de pays musulmans.
Ils savent – mais pas vous, semble-t-il – que des pays comme le Maroc,…
…la Jordanie ou les Émirats arabes unis sont engagés dans les opérations de l'Alliance. Mais il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre.
Ils savent aussi que la Turquie, État laïque, certes, mais à majorité musulmane, est membre de l'OTAN.
Absolument, mon cher collègue. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Dans ce domaine, rien n'est binaire. Nous n'insisterons jamais assez sur ce point : la décision du Président de la République ne comporte aucun risque pour notre identité, nationale et européenne, car intégration n'est pas synonyme d'assimilation.
Je voudrais enfin aborder une dimension supplémentaire, peu évoquée : la dimension militaire de ce choix. Aujourd'hui, nos soldats risquent leur vie en Afghanistan – les événements de ce week-end en témoignent – aux côtés de leurs camarades de l'Alliance. Pour eux, la distinction entre Alliance atlantique et OTAN a-t-elle un sens ? En a-t-elle encore un pour nous, du reste ?
La vérité, la voici : l'OTAN est devenu un outil indispensable qui a permis de développer une véritable communauté militaire fondée sur l'expérience des opérations. Notre réintégration au sein du commandement intégré de l'Alliance ne peut que renforcer ce sentiment et relégitimer l'action sur le terrain.
Le présent débat m'amène à vous proposer, chers collègues, une relecture du traité de Washington, et notamment de son article 3. Cet article nous engage à accroître nos capacités individuelles et collectives de résistance à une attaque armée. Il légitime, me semble-t-il, les efforts consentis par la France pour développer l'Europe de la défense. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
C'est pourquoi je plaide pour une européanisation des forces multinationales créées par les Européens.
« Où est l'ennemi ? », me demande-t-on à l'extrême gauche. Je vais vous répondre : quand on n'a pas sa propre armée, on a toujours celle des autres dans son pays. Je préfère donc avoir la mienne.
Il me paraît aujourd'hui particulièrement important de rendre l'existence d'une défense européenne visible pour l'opinion publique, en regroupant toutes les unités multinationales existantes en une force européenne de maintien de la paix. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Ensuite, notre rapprochement vis-à-vis de l'OTAN doit s'accompagner d'une amélioration de l'efficacité de l'Union, donc de sa réactivité, qui passe par la création d'un état-major militaire européen apte à planifier et à commander des opérations européennes. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Bien entendu, il ne s'agit pas de dupliquer ce qui se fait déjà dans le cadre de l'OTAN. Les Européens pourront se déclarer prêts à mettre le futur état-major européen à disposition de l'OTAN en cas de nécessité.
Je suis bien conscient du fait que notre retour ne va pas lever tous les obstacles comme par enchantement,…
…mais gouverner, c'est aussi savoir faire preuve d'audace. Et quand l'audace rencontre le sens de l'histoire, nous contribuons à forger le destin des nations et des continents.
En conclusion, je tiens à vous faire part de ma conviction : le rapprochement voulu par le Président de la République n'affaiblira en rien la voix de la France, ni celle de l'Europe.
Vous, mesdames, messieurs de l'opposition, ne donnez pas l'image d'une gauche à contretemps de l'histoire, comme en 1966.
Et nous, mes chers collègues de la majorité, montrons que la France reste la France, volontaire et ambitieuse ! Nous vous faisons confiance pour cela, monsieur le Premier ministre. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le président, monsieur le ministre des affaires étrangères, monsieur le ministre de la défense, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de remercier Jean-François Copé, et l'équipe qui l'entoure au sein du groupe, de favoriser l'expression publique de différentes sensibilités sur un débat qui n'est ni neutre ni médiocre.
C'est l'honneur du groupe UMP que de permettre à chacun de prendre position et d'exprimer non sa part de vérité, mais sa conviction, son intuition, sa sensibilité et une certaine vision de l'avenir.
Car, sur ce débat d'une grande importance, qui concerne en particulier la place de la France au sein de l'OTAN, et sur lequel vous, monsieur le Premier ministre, avec les membres de votre gouvernement ici présents, engagez votre responsabilité, il n'y a pas une seule ligne, une seule pensée, une seule vision, une seule vérité. Il y a un débat : un débat sur l'objectif – il faut le dire –, un débat sur le calendrier – qui peut le taire ? –, un débat sur la méthode – comment l'ignorer ?
Sur la méthode, tout d'abord, je ne fais pas partie de ceux qui pensent que l'initiative présidentielle est solitaire. Le chef de l'État est aussi le chef des armées. Les prérogatives que lui confère la loi fondamentale incluent le pouvoir d'imprimer des impulsions en la matière.
La question de confiance que vous posez est en revanche un peu plus éloignée de l'esprit de nos institutions, et un peu plus surprenante ; mais elle est conforme à la volonté des parlementaires d'être désormais plus associés à toutes les grandes décisions qui engagent l'avenir de notre nation.
On peut s'interroger plus sérieusement sur le calendrier. Quelle urgence y avait-il, en pleine crise financière, économique et sociale, alors que tout le monde s'interroge non sur l'avenir, mais sur le lendemain, à provoquer un tel débat,…
…en prenant le risque de briser un consensus de plusieurs décennies – et ils ne sont pas si nombreux –entre la droite et la gauche ?
Sur l'objectif, enfin – et c'est de loin le plus important –, vous avez développé l'argumentation en faveur de la réintégration pleine et entière de la France dans le dispositif de l'Alliance.
Les partisans de cette décision se font l'écho d'arguments désormais bien connus : notre pays a déjà fait 90 % du chemin qui mène à la réintégration ; nous participons à la force de réaction rapide de l'Alliance ; nous siégeons à nouveau dans toutes les instances de l'OTAN, à l'exception de deux comités ; nous sommes devenus l'un des premiers contributeurs de cette même organisation ; nous avons déjà placé plusieurs dizaines d'officiers dans la structure intégrée ; et nous avons participé, sous le commandement de l'OTAN, à plusieurs opérations sur le terrain.
On nous dit aussi, à juste titre, que l'unanimité de la décision est le meilleur garant des intérêts particuliers, que nous pourrons toujours dire non, et que cela ne changera donc pas grand-chose, si ce n'est que nous pourrons modifier de l'intérieur le fonctionnement de l'organisation.
Cette démonstration n'est pas dépourvue de force ; c'est incontestable. Mais elle peut aussi se retourner facilement. Puisque nous sommes déjà si forts, si actifs, si présents, puisque nous disposons d'un tel pouvoir de décision, quel avantage tirerons-nous de cette perte d'originalité et de singularité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Puisque nous pesons déjà si lourd et que toutes les décisions se prennent à l'unanimité, de quelle influence supplémentaire allons-nous disposer ?
Une fois à l'intérieur de l'Alliance, pourrons-nous effectivement relancer avec nos amis européens la politique européenne de sécurité et de défense ? C'est évidemment l'une des questions essentielles de ce débat.
Si les avancées et l'évolution de l'Europe de la défense sont aussi timides, cela est dû à une raison profonde, structurelle, intime même : beaucoup de nos voisins n'en veulent pas. La protection militaire américaine, dans le cadre de l'OTAN, suffit largement à bon nombre d'entre eux.
Il suffit de mesurer l'effort de défense des pays européens – dans une certaine mesure, on peut sans doute faire une exception pour la Grande-Bretagne – pour se convaincre que, pour beaucoup d'entre eux, le pilier européen de la défense se résume à l'OTAN. Là se situe bien l'une des pierres d'achoppement qui a bloqué les tentatives françaises précédentes de rapprochement avec l'OTAN. L'Europe de la défense était une condition préalable à une possible évolution, au même titre que l'attribution à la France de commandements régionaux essentiels ou majeurs.
La relation singulière et particulière que nous entretenons avec les États-Unis constitue évidemment l'autre élément de blocage. Quelle que soit la sympathie naturelle que l'on peut éprouver à l'égard de Barack Obama et de la nouvelle administration américaine, chacun le sait, l'Amérique restera toujours l'Amérique. Le point important à conserver à l'esprit est que le syndrome unilatéraliste fait partie de la culture politique américaine. Il est le pendant du credo isolationniste de Georges Washington, le refus des alliances permanentes d'un côté, des interventions unilatérales de l'autre, lorsque les intérêts américains les commandent.
Effectivement, monsieur Lellouche, on trouve les meilleures sources auprès des bons auteurs. J'allais vous rendre justice, d'autant que vous n'êtes pas suspect d'anti-américanisme primaire !
Il y a une grande part d'utopie dans le fait d'imaginer qu'en réintégrant le commandement militaire de l'OTAN, on pourra modifier en profondeur plus qu'un état d'esprit, plus qu'un mode de fonctionnement, en fait, une véritable culture qui vient de loin et qui ne s'arrêtera pas demain. Je pourrais naturellement développer bien d'autres arguments, mais le temps est compté et les dés ont déjà roulé.
Vous me direz que l'utopie d'aujourd'hui peut être la réalité de demain. On a envie d'y croire, un peu comme un pari de Pascal.
Monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre des affaires étrangères, c'est bien sur des fondements d'actualités, et non sur l'attachement à une décision prise il y a plus de quarante ans, que s'organise ce débat. C'est bien à la lumière de l'évolution dangereuse, chaotique et incertaine du monde dans lequel nous vivons et de notre organisation mondiale que l'on mesure le mieux la singularité et la puissance du « non » exprimé par le président Jacques Chirac lors de la gestion de la question irakienne. C'est ainsi que les positions des uns et des autres peuvent se comprendre.
Quatre de vos prédécesseurs, monsieur le Premier ministre, ont exprimé des réserves et des oppositions. Je suis convaincu de la sincérité de leur démarche. Sur des sujets comme ceux-là, l'expérience, la conviction et l'intuition l'emportent très largement sur les postures : cela doit nous interpeller. Hubert Védrine, ancien ministre socialiste des affaires étrangères, dont la parole est écoutée, s'interroge aussi. Il s'est exprimé publiquement en défaveur de cette évolution. Tout cela compte et permet d'éclairer notre débat.
Monsieur le Premier ministre, vous posez la question de confiance, mais vous la posez plus largement. Cette extension m'amène naturellement à vous réaffirmer mon soutien et ma confiance. Toutefois, chacun le sait, la confiance n'exclut pas le contrôle et il faudra des clauses de rendez-vous devant la représentation nationale pour faire un point précis sur l'évolution de cette décision majeure.
Et puis la confiance, même ressourcée, n'efface pas les regrets, et vous l'avez compris, monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre – je le dis avec toute l'estime et l'amitié que j'ai pour François Fillon, et le respect que je porte à son sens de l'État – : je regrette cette décision. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR et sur quelques bancs du groupe UMP.)
Face au discours officiel qui tente de justifier la réintégration de la France dans l'OTAN, je veux essayer, dans le temps qui m'est imparti, de donner à nos concitoyens un éclairage différent.
Que s'est-il passé depuis l'élection présidentielle de 2007 ? Que pourrions-nous retenir de cette « chronique d'une réintégration annoncée » ? Celle-ci a été voulue unilatéralement par le Président de la République sans que jamais cette intention ne soit annoncée lorsqu'il était candidat. Placée sous le signe de la rénovation du lien transatlantique, la décision de réintégrer l'OTAN ne date pas des dernières élections américaines. Elle a été prise très tôt, en septembre 2007. George Bush était alors aux commandes, et nous nous situions donc au pire moment d'une administration américaine qui menait une politique internationale contestable et contestée aujourd'hui par le président Obama. Son prédécesseur avait choisi de mentir devant les instances de l'ONU pour justifier la guerre en Irak, ce qui a conduit une grande démocratie à se perdre dans le scandale de Guantanamo.
D'ailleurs, en 2008, la commission du Livre blanc n'a pas eu d'autre choix que de légitimer une décision prise par avance par l'Élysée, selon un agenda déjà programmé pour nous mener au débat qui nous réunit cet après-midi. Or cette décision posait de nombreux problèmes et ne faisait pas l'unanimité au sein de cette commission. Ce facteur, parmi d'autres, a motivé mon départ et celui du sénateur Didier Boulaud.
D'entrée, le Président de la République avait pourtant conditionné cette réintégration à des progrès significatifs dans le domaine de l'Europe de la défense lors de la présidence française de l'Union européenne. Or, si il y a eu quelques avancées, les résultats restent bien loin des annonces tonitruantes du discours présidentiel. Lors de son allocution du 11 mars, le Président de la République ne s'est d'ailleurs que très peu attardé sur ce bilan. Ces voeux ont-ils été oubliés ou sont-ils abandonnés ?
Le Président de la République fait aujourd'hui un pari risqué en liant à une nouvelle dynamique de l'Europe de la défense notre réintégration dans une organisation qui ne connaît plus ses missions.
À ce propos, je tiens à souligner que les socialistes sont particulièrement favorables à une Europe de la défense, autant qu'ils sont favorables à une coopération au sein d'une alliance atlantique aux conditions de fonctionnement revisitées et équilibrées entre l'Europe et les États-Unis.
Par ailleurs, il est aujourd'hui certain que la crise nous obligera, comme nos partenaires, à réviser à la baisse nos ambitions en matière de défense – ce que nous avons démontré dans un rapport récent sur l'exécution de la loi de programmation militaire. De plus, à ce jour, aucun débat n'a été ouvert avec le Président Obama sur les missions de l'OTAN, même si la réorientation de la politique des États-Unis ne peut que susciter une écoute attentive de notre part. Un tel débat aurait pourtant été nécessaire pour permettre à la France de prendre position en toute connaissance de cause sur l'évolution de l'Alliance.
Le consensus prévalait jusqu'alors sur la politique de défense et sur la position particulière de la France vis-à-vis de l'OTAN. Celui-ci constituait l'un des piliers de notre démocratie, il a d'ores et déjà volé en éclat. En France des voix se sont exprimées, de droite comme de gauche, et non des moindres, comme celles des anciens Premiers ministres, Alain Juppé, Dominique de Villepin, Lionel Jospin et Laurent Fabius. Je citerai M. Juppé, selon lequel « Un débat de fond est nécessaire sur un choix qui engage l'avenir du pays. » Il s'est aussi interrogé sur les bénéfices à retirer de ce changement de cap ; nous ne pensons pas autre chose. M. Jospin rappelle pour sa part que, sous son gouvernement, la France demeurée hors du commandement intégré a su relancer la défense européenne, a pu empêcher certaines frappes de l'OTAN trop lourdes pour les populations civiles au Kosovo, et se démarquer de l'Irak. Demain, nous doutons que cette marge de manoeuvre perdure.
Face à ces difficultés, le Président et le Gouvernement ont tenté de banaliser un choix qui posait des questions fondamentales, en le ramenant – voire en le rabaissant – au niveau d'une simple décision d'ordre technique. Aujourd'hui, il s'agirait, pour reprendre une expression du Président, d'une « simple pierre » dans un processus plus vaste, tellement vaste que les contours en restent particulièrement flous.
Nous en sommes arrivés au point où un double discours est tenu qui consiste à présenter la réintégration aux Français comme la conclusion presque banale d'un processus continu et, dans le même temps, à annoncer que la même réintégration marque un moment historique plein de promesses sur le plan international et européen. Mais qui peut comprendre cela ?
D'ailleurs, vous n'avez pas cherché à reconstruire un consensus, ni devant la représentation nationale, avec un débat digne de ce nom, ni devant les Français. En effet, ce qui compte pour le Président de la République, c'est d'entériner une décision déjà arrêtée et de respecter son propre agenda.
Monsieur le Premier ministre, aujourd'hui, faute d'avoir pu convaincre, votre gouvernement est contraint d'utiliser l'arme procédurale, dont chacun sait ici qu'elle n'est pas tant dirigée contre l'opposition que contre les voix discordantes de la majorité. Évidemment, vous refusez qu'un vote ait lieu au Sénat, car cela serait visiblement trop dangereux pour votre gouvernement.
De ce point de vue, le choix de la réintégration est déjà marqué par l'échec. Mais il s'agit aussi de l'échec de la construction de la défense européenne tant voulue par nous tous : elle reçoit ainsi un signal d'arrêt.
Monsieur le Premier ministre, j'espère que vous accéderez à la demande de Laurent Fabius – partagée par l'orateur qui m'a précédée – qui souhaitait que chaque année soit présenté au Parlement un rapport circonstancié sur l'application de cette décision et les conséquences qu'elle aura, tant sur notre politique européenne de défense que sur l'engagement de nos forces. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.)
En pleine crise économique et sociale, le chef de l'État cède à l'un de ses fantasmes politiques : la réintégration de la France dans le commandement intégré de l'OTAN.
Ce passage à l'acte a lieu dans des conditions pour le moins contestables sur le plan démocratique. Cette décision qui engage l'avenir de notre pays est prise loin du peuple, à l'abri de la sanction populaire. L'hypothèse d'un référendum fut balayée par l'exécutif d'un revers de mains méprisant. La Ve République est décidément le régime où le fait du prince prime sur la volonté du peuple, comme si ce dernier était incapable de se prononcer directement sur le retour de la France dans le commandement intégré de l'OTAN.
Même l'expression de la représentation nationale se trouve corsetée. Le Gouvernement a en effet décidé de verrouiller le débat parlementaire en ayant recours à l'article 49, alinéa 1, de la Constitution. La méthode est déplorable : il s'agit d'un débat-caution, organisé pour mieux ignorer les critiques et l'opposition forte qui s'expriment, y compris dans les rangs de la majorité.
Monsieur le Premier ministre, la preuve est faite que non seulement vous avez peur du peuple, mais que vous avez aussi peur de votre propre majorité.
Le moment est historique et grave. Il s'agit d'un retour en arrière, d'un reniement du temps où la France, par la voix du général de Gaulle, en 1966, avait clairement affiché sa volonté d'indépendance à l'égard des États-Unis.
Merci de le rappeler : effectivement, cette décision avait été soutenue, à l'époque, par les communistes. Et aujourd'hui, nous continuons à soutenir la particularité de la France sur la scène internationale.
Le moment est grave car, contrairement à ce que vous clamez, la réintégration dans le commandement intégré de l'OTAN ne constitue en aucun cas une simple formalité ou une décision technique.
Il s'agit d'une décision politique dont la charge symbolique est extrêmement forte. Il s'agit d'une rupture fondamentale dans la politique de la France, puisqu'elle signe la fin de plus de quatre décennies d'une « exception française » au sein de l'Alliance atlantique.
Cette rupture est à la fois injustifiée et dangereuse. Elle est injustifiée, tout d'abord, car les arguments avancés par l'exécutif ne convainquent pas. La prétendue influence que la France y gagnerait pour « européaniser » l'Alliance est un argument fallacieux. En fait, vous le savez, la capacité militaire de chacun des États détermine son poids au sein de l'Alliance. Son statut par rapport au commandement militaire intégré ne rentre guère en ligne de compte.
Ensuite, les deux futurs postes de commandements – l'un basé à Norfolk en Virginie, et l'autre à Lisbonne – attribués par les États-Unis à des généraux français en contrepartie de ce retour ne permettront pas non plus à la France d'accroître son influence. Il s'agit de deux postes de moyenne importance qui ne seront pas suffisants pour compenser la suprématie des Américains dans la chaîne opérationnelle de l'OTAN.
Il en sera ainsi tant que le processus décisionnel de l'Alliance n'aura pas été modifié en profondeur.
Or, jusqu'à aujourd'hui, le nouveau président américain n'a donné aucun signe concret d'une volonté inédite de partager les responsabilités de l'Alliance avec des partenaires dont le poids en matière de défense est loin d'être analogue à celui des États-Unis. On a donc peine à imaginer qu'en réintégrant pleinement l'Alliance, la France pourra influencer les décisions prises à Washington.
Outre cette chimère relative à la prétendue nouvelle influence que la France obtiendrait par son « retour », le second argument principal invoqué par l'exécutif consiste à lier le retour dans le commandement intégré de l'OTAN au progrès de l'Europe de la défense. Cet argument relève également du fantasme. En effet, non seulement la défense européenne est une idée « franco-française », mais la réintégration dans le commandement intégré de l'OTAN affecte toute raison d'être d'un tel projet.
Il apparaît que la perspective du retour de la France dans l'OTAN, loin de renforcer la Politique européenne de sécurité et de défense, participe, au contraire, à son affaiblissement. Ainsi, on a pu constater que la présidence française de l'Union a échoué à obtenir la création d'un état-major de commandement permanent pour la PESD. Or on sait que sans cet état-major, la défense européenne n'a pas d'autonomie et dépend de la planification et des moyens collectifs de l'OTAN pour les opérations lourdes.
Par ailleurs, le retour complet dans l'OTAN n'empêchera-t-il pas l'Union européenne de sauvegarder un pôle européen indépendant dans le domaine de l'armement ? Il semble en effet que l'indépendance technologique de l'industrie française et européenne soit remise en cause par cette décision.
La réalité est qu'il n'y a pas de volonté des États membres de l'Union européenne d'avoir une défense européenne autonome. Ils ne veulent pas « concurrencer » l'OTAN et préfèrent s'abriter sous le « parapluie » américain pour leur sécurité. Les traités européens spécifient que la politique de défense européenne doit être « compatible » avec les positions adoptées par l'OTAN. Or, selon le secrétaire général de l'OTAN, il est « important que l'OTAN et l'Union européenne collaborent. Nous ne voulons pas de concurrence ou de doubles emplois inutiles ».
Nous considérons que la place que nous désirons pour l'Europe dans le monde ne peut être assumée ni en construisant une défense européenne dépendante de l'OTAN, ni en créant un clone européen du modèle américain. Nous considérons que la décision de Nicolas Sarkozy d'intégrer le commandement et d'envoyer des renforts en Afghanistan prend le contre-pied des évolutions qu'implique l'autonomisation européenne.
Le rapprochement atlantique tétanise ou affaiblit la capacité de penser des dynamiques de sécurité autres que militaires. Nous sommes favorables à une organisation européenne de sécurité collective fondée tout à la fois sur la prévention des crises, la résolution politique et multilatérale des conflits, le respect du droit international et des résolutions de l'ONU. L'Union européenne ne doit pas devenir une puissance militariste de plus, qu'elle soit inféodée à la superpuissance américaine ou même qu'elle cherche à s'en distancier. La France et l'Union européenne doivent oeuvrer à la solution politique et négociée des conflits régionaux.
Enfin, le ministre de la défense, Hervé Morin, nous a indiqué, lors de son audition devant la commission de la défense, que le retour de la France dans le commandement intégré de l'OTAN « ne changeait rien, concrètement », car la France est déjà à 90 % dans l'Alliance, que les Français participent à toutes les opérations de l'OTAN depuis 1995, que nous commandons des opérations de l'OTAN, dont nous avons réintégré trente-huit comités sur quarante.
Aussi une question s'impose-t-elle : pourquoi revenir sur le statut de la France au sein de l'OTAN ? Votre décision n'est pas justifiée. Or, elle marque, je le répète, une rupture fondamentale dangereuse dans la politique de la France. L'annonce du retour de la France au sein de l'OTAN est l'expression de la nouvelle conception diplomatique « occidentalo-atlantiste », fondée sur l'alliance avec les États-Unis et sur la perception que les transformations du monde menacent la « famille occidentale ».
Comment définir les États et les peuples n'ayant pas le privilège de faire partie de ce cercle sélectif ? S'ils ne sont pas nos alliés, faut-il les considérer comme des ennemis potentiels, par définition ? Cette logique binaire qui marque votre conception du monde est dangereuse et n'est pas sans rappeler le penchant bushiste du Président Sarkozy, dont le maître à penser concevait le monde à travers les catégories du Bien et du Mal.
Le Président Sarkozy a clairement exposé son positionnement, dans son discours devant le corps diplomatique, le 18 janvier 2008 : « J'ai d'abord voulu situer, nettement et franchement, la France au sein de sa famille occidentale [...] En se plaçant clairement dans sa famille occidentale, la France, et c'était mon objectif, accroît sa crédibilité, sa marge d'action, sa capacité d'influence à l'intérieur comme à l'extérieur de sa famille. »
Ces propos relèvent de l'incantation, mais ni de la vérité, ni même d'un espoir. Comme le fait remarquer très justement Bertrand Badie, la décision de réintégrer le commandement de l'OTAN témoigne de la volonté du Président Sarkozy de renouer avec le courant, dominant sous la IVe République, qui rappelle que la France appartient d'abord au monde occidental et que son rôle est de contribuer à le promouvoir et à le protéger. Le chercheur précise que le thème de l'Occident a accompli son grand retour autour des années 2005-2006, avec la crise des Balkans – qui a à nouveau fait apparaître un clivage Est-Ouest en Europe –, avec l'évolution de la scène moyen-orientale – qui a contribué à faire renaître les thèmes culturalistes les plus extrémistes et a opposé jusqu'aux fantasmes Islam et Occident – et, surtout, avec la crise financière, qui conduit les États issus de cet ancien monde occidental à se sentir solidaires d'une même menace, dans la mesure où leurs économies se ressemblent, leurs inquiétudes sont les mêmes et leur interdépendance s'en est trouvée renforcée.
Ce qu'il faut bien comprendre aujourd'hui, c'est que la France ne rejoint pas l'Alliance de 1949, celle d'un monde bipolaire, qui n'a plus de justification historique. En cela, la décision présidentielle a quelque chose de profondément anachronique.
Il s'agit d'une vision tournée vers le passé, non vers un avenir pacifié.
La France rejoint une organisation qui s'élargit géographiquement, qui multiplie ses missions, sans qu'une réflexion globale ait été menée, et ce dans le but de préserver les intérêts du monde occidental.
La France rejoint non pas une alliance qui a vocation à faire face à un ennemi communément craint – que vous ne parvenez d'ailleurs pas à nommer –, mais un club dont l'ambition est de dicter les règles du monde. À ce jeu-là, la France risque de perdre sa crédibilité, son rayonnement et sa singularité politique aux yeux du monde. Par cette décision, elle affirmera sa banalisation dans le camp occidental.
Ce qui est dangereux, c'est la logique véhiculée selon laquelle l'union de tous les peuples du monde étant irréaliste, il suffit d'en déléguer les droits à un club d'États qui se ressemblent dans leur puissance, leur richesse et leur culture. Dans cette configuration, les États-Unis renouvellent plus que jamais une volonté d'hégémonie qu'il leur est indispensable de maintenir tant qu'une organisation de ce type entendra ainsi prendre une place qui devrait revenir aux Nations unies.
C'est au regard de ce qu'est devenue cette nouvelle alliance, une arme de consolidation de la domination occidentale et de ses intérêts, que les députés communistes, républicains et du parti de gauche s'opposent au retour de la France dans le commandement intégré de l'OTAN.
Les députés communistes, républicains et du parti de gauche défendent le concept d'une politique étrangère fondée sur le maintien de la paix et le développement de la coopération.
Nous considérons que la recherche de sécurité doit essentiellement se fonder sur des voies politiques de réduction des menaces militaires. Le combat pour la paix, le désarmement et la sécurité doit être réactivé.
Nous considérons que la France et l'Europe doivent être des acteurs indépendants d'un type nouveau. Cela suppose de s'émanciper de l'OTAN – il ne s'agit pas donc pas de défendre le statu quo, monsieur le Premier ministre – et d'avancer vers sa dissolution, de prendre des initiatives significatives en faveur de la sécurité internationale pour éliminer les armes nucléaires et toutes les armes de destruction massive, pour créer une dynamique de désarmement général, pour faire appliquer le traité de non-prolifération, pour instaurer un contrôle public national et international sur la vente d'armes, pour proscrire tout recours à la guerre comme moyen de régler les problèmes du monde – ce qui implique notamment de reconquérir une maîtrise publique des industries d'armement –, pour promouvoir un multilatéralisme authentique et pour faire appliquer point par point tous les engagements pris par la communauté internationale, notamment les « objectifs du millénaire » fixés par l'ONU.
Une souveraineté égale entre les États, le devoir de coopération lié à la résolution des problèmes et conflits, le respect du droit international et les Nations unies constituent les piliers fondamentaux de la politique étrangère que nous prônons.
Cette politique s'engage pour la paix, considérée comme une valeur fondamentale, et pour le refus de recourir à la guerre comme moyen de règlement des différends internationaux. Dès lors, les priorités en termes de budget, d'orientation et de réflexion stratégique doivent être dirigées vers les dimensions non militaires de la sécurité.
Pour conclure, les députés communistes, républicains et du parti de gauche voteront contre le choix particulièrement dangereux de réintégrer la France dans le commandement militaire intégré de l'OTAN. Nous dénonçons avec force la décision du Président de la République de contourner le peuple pour entériner ce choix historique. Il s'agit là d'une méthode affligeante, qui n'est malheureusement pas inédite. On se souvient en effet que le Président de la République avait déjà écarté le peuple en décidant de recourir à la voie parlementaire pour obtenir l'autorisation de ratification du traité de Lisbonne, lequel n'était qu'une copie de la défunte « Constitution européenne », que le peuple avait rejetée en 2005.
Mépriser le peuple, le laisser sciemment à l'écart de décisions fondamentales, bafouer le droit des citoyens de manifester contre le sommet de l'OTAN des 3 et 4 avril prochains en rendant inaccessible le centre-ville de Strasbourg,…
…voilà le genre de décisions qui amènera nos concitoyens à se mobiliser lors des prochaines élections européennes pour exprimer la sanction populaire que vos choix méritent. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
(M. Marc Laffineur remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre, les arguments échangés pour justifier la rénovation de la relation entre la France et l'OTAN sont souvent réversibles. Cela changerait peu de choses, et c'est essentiel. Le progrès de la politique européenne de sécurité et de défense est-il la cause ou la conséquence de cette rénovation ? Décide-t-on de la continuité ou s'agit-il d'une rupture ? Le débat doit aujourd'hui être tranché, et je soutiens cette rénovation parce que nous sommes prêts et parce que ce choix est, pour moi, l'expression d'une triple conviction : atlantique, européenne, patriotique.
L'exécutif a démontré, sur cette question, un réel savoir-faire : une orientation énoncée en 2007, un diagnostic proposé dans un Livre blanc sur la défense en 2008, une décision prise en 2009. Il s'agit de marquer la continuité d'une orientation. Le temps a été donné à l'explication et au débat. En bonne conclusion, l'Assemblée nationale vote.
Puisse cette méthode inspirer davantage. Elle est en tout cas bienvenue ici, tant une politique de défense efficace exige un soutien démocratique fort. Le débat permet de mieux justifier le soutien à la rénovation de notre relation à l'OTAN. Il se joue bien au-delà du mot, traditionnel, de réintégration.
Certaines critiques posent tout simplement la question de notre appartenance à l'OTAN. Oui, il existe une communauté de nations euro-atlantiques unies par des valeurs. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
L'Europe n'est pas simplement la péninsule occidentale de l'Eurasie. Aussi puissantes soient la Russie et la Chine, l'Europe existe et aime à regarder au-delà de l'Atlantique.
Cela ne dispense pas l'OTAN d'une rénovation politique. Elle ne survivra qu'en faisant évoluer l'affirmation impériale américaine. L'avenir de la solidarité atlantique exige plus que jamais, comme le demandait Jacques Chirac au Congrès américain en 1996, « un partage des rôles et des responsabilités ». Ce doit être le message de la commémoration des soixante ans de l'OTAN.
L'affirmation européenne nous ôtera tout complexe. Il y a aujourd'hui davantage de soldats européens que de soldats américains. Dans l'Océan indien, les Balkans ou au Tchad, nous menons des opérations réelles et utiles. Nos alliés américains reconnaissent la légitimité de la PESD et son importance pour l'Alliance, et même les Anglais comprennent l'intérêt de la faire avancer.
Il nous revient maintenant d'accomplir d'indispensables progrès politiques, militaires et industriels. Une politique industrielle européenne est plus que jamais nécessaire, notamment dans le contexte de crise actuel. Il est de l'intérêt de tous que le « fardeau » des dépenses militaires soit mieux partagé. Peut-il y avoir une affirmation européenne, une convergence budgétaire, financière et économique sans compréhension de cette nécessité ?
La rénovation trouve toute sa cohérence dans le Livre blanc. Au moment où nous affirmons notre solidarité atlantique et où nous voulons lancer une nouvelle dynamique européenne, il serait bienvenu d'accélérer le calendrier de certains choix d'équipements. Je pense en particulier à la construction du deuxième porte-avions, en coopération avec les Britanniques. L'affirmation patriotique doit nous conduire à sanctuariser les dépenses militaires,…
…comme la loi de programmation le prévoit, tout en étant conscients des tensions budgétaires extrêmes de l'après crise.
Enfin, retrouver pleinement l'OTAN, construire l'Europe de la défense, ce ne doit pas être moins de France, mais cela doit être plus de France. Affirmons nos valeurs,…
Soyons nous-mêmes, par la force de nos projets, l'originalité de nos propositions. L'universalisme est au coeur du message de la France.
Certains de nos amis, et des meilleurs, considèrent que notre indépendance est menacée. Leur analyse est forte et sincère. Je crois assez en mon pays pour penser que, si nous le voulons vraiment, nous saurons changer l'OTAN, pour le meilleur du monde et pour la grandeur de la France (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR – Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, permettez-moi d'associer à mon propos François-Xavier Villain, député maire de Cambrai.
Ce retour dans le commandement militaire intégré de l'OTAN nous paraît incongru et dangereux. Incongru, d'abord, car personne ne le demandait, pas même les États-Unis.
Le Président de la République s'y était-il engagé devant les Français pendant la campagne présidentielle ? Non !
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Pas du tout !
La France se trouvait-elle jusqu'à présent empêchée d'agir sur les différents théâtres d'opérations ? Non, les faits le prouvent !
Le président Obama a-t-il donné des assurances sur la mise en oeuvre de la « codécision » dont a rêvé à voix haute le Président de la République dans son discours de l'École militaire ? Non !
Et ce ne sont pas les deux commandements secondaires de Norfolk et Lisbonne qui changeront la nature de l'organisation militaire. Ce ne sont là – pardonnez-moi de le dire sans fard, mes chers collègues – que des hochets.
On nous dit que nous aurons plus de poids à l'intérieur pour réformer l'Alliance, mais pourquoi signer un chèque en blanc, plutôt que d'obtenir d'abord une réforme et de décider ensuite en pleine connaissance de cause ?
Vous avez parlé d'une participation qui nous permettrait d'être enfin associés. Associés comme spectateurs, peut-être, mais pas comme acteurs est le véritable enjeu : revenir pour quoi faire et dans quelle position ?
Le général de Gaulle avait déclaré en 1966 : « la volonté qu'a la France de disposer d'elle-même est incompatible avec une organisation de défense où elle se trouve subordonnée ».
Rien n'a changé en ce domaine : nous ne serons, dans ce commandement intégré, qu'un subordonné de plus.
En quoi l'addition d'un subordonné, parmi d'autres subordonnés, fera-t-elle progresser Europe de la défense ? Tout au contraire, cette décision de la France tue l'idée même d'une Europe indépendante, puisque le seul pays – le nôtre – qui pouvait être le levain de la pâte, s'enferme dans un rôle de sous-traitant et de supplétif des États-Unis.
J'en veux pour preuve que avant même que cette décision soit formellement prise, le Gouvernement a annoncé de nouveaux renforts français en Afghanistan. Dans ces conditions, comment accepter de voir notre pays, sans aucune contrepartie réelle, se priver d'une telle carte, c'est-à-dire renoncer à sa singularité, l'un de ses atouts majeurs dans le monde avec son siège à l'ONU ?
En définitive, en abandonnant notre différence pour des chimères, vous lâchez la proie pour l'ombre. Mais cette fameuse différence, cette certaine idée de la France que tous les Présidents de la République successifs ont su, à leur façon, incarner, Nicolas Sarkozy y tient-il vraiment ? L'évolution de notre politique étrangère au cours des deux dernières années permet d'en douter.
La jachère aggravée de la francophonie, l'engagement dans le bourbier afghan, ce retour précipité dans l'OTAN, forment un tout. D'ailleurs, le Président ne s'en cache pas, en ne cessant d'affirmer son « appartenance au camp occidental ». Pourtant la France pourrait parfaitement être solidaire des États-Unis sans épouser obligatoirement en toutes circonstances leur lecture du monde. Le retour dans le commandement militaire intégré est, à cet égard, un contresens historique majeur.
Loin de moi l'idée, contrairement à ce que veut parfois faire croire le Premier ministre, de demander le statu quo. Mais de grâce, monsieur le Premier ministre, ne faites pas passer pour une avancée un retour en arrière. La question est simple : veut-on définitivement faire de l'OTAN le bras armé de l'Occident ou, au contraire, imaginer une nouvelle organisation de défense, partenaire des Etats-Unis, mais non plus placée sous leur contrôle, une organisation qui parlerait au monde avec sa voix propre ?
Au moment où la vision d'un monde multipolaire imaginé par le général de Gaulle en pleine guerre froide se fait jour – car la situation a évidemment changé – la France met un peu plus le doigt dans un engrenage de guerres qui ne sont pas les siennes, la France abîme son image, renonce à sa part de liberté. Oui, la France renonce un peu plus à constituer le trait d'union entre l'Est et l'Ouest, entre le Nord et le Sud, prisonnière d'une vision occidentaliste de son président ! Quel gâchis ! Comme le disait encore le général de Gaulle « la politique la plus coûteuse, la plus ruineuse, c'est d'être petit ».
Toutefois la faute n'est pas seulement géopolitique, elle est aussi politique, car cette rupture va fragiliser un peu plus notre cohésion nationale.
Je conclus, monsieur le président.
C'est bien parce que la France menait une politique indépendante des États-Unis qu'un exceptionnel consensus s'était, au fil du temps, forgé dans notre pays autour de nos armées, en faveur de l'effort de défense. Or, sans effort de défense, il n'y a pas de pays libre, maître de son destin. À cet égard, il n'est pas étonnant de voir le Gouvernement adopter, en même temps que s'effectue cette réintégration, un livre blanc réduisant sensiblement notre effort de défense.
Mes chers collègues de la majorité, vous ne servez pas le gouvernement que vous soutenez en le laissant commettre une telle erreur. Voilà pourquoi, monsieur le Premier ministre, en mettant en jeu la responsabilité du Gouvernement, vous m'obligez, sur la politique étrangère et de défense, à vous retirer, à regret, ma confiance. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous vivons aujourd'hui une journée historique, comme l'ont été celle du 4 avril 1949 – avec la signature du traité de l'Atlantique Nord, dont l'article 5 prévoit la solidarité entre ses membres en cas d'agression – et, dix-sept années plus tard, celle du 7 mars 1966, lorsque le général de Gaulle a annoncé officiellement l'intention de la France de se retirer de la structure militaire de l'organisation du traité de l'Atlantique Nord. À ce moment de l'histoire, le général de Gaulle voulait, pour notre nation, un État militairement fort, un État souverain, un État placé sous aucune domination quelle qu'elle soit, concernant le devenir de sa stratégie politique en matière de défense nationale, en particulier avec le développement de la dissuasion nucléaire.
Ce même 7 mars 1966, Charles de Gaulle, Président de la République a demandé aux États-Unis de quitter leurs bases situées sur le territoire français.
Depuis lors, la défense de notre nation et celle de l'Europe vivent en parallèle. En 1952, avec la crainte d'une possible troisième guerre mondiale, dans le contexte de la guerre froide entre les deux grands blocs de l'Est et de l'Ouest, quelques États signent le traité de paix de Paris instituant la Communauté européenne de défense. Deux années plus tard, la France rejette cette communauté européenne de défense que nous réclamons avec force aujourd'hui, sous la forme d'une armée européenne.
À l'époque, ceux qui siégeaient dans cet hémicycle craignaient le réarmement de l'Allemagne et les conséquences qui pourraient en découler, forts d'une histoire récente. Cela eut pour conséquence l'intégration de l'Allemagne dans l'OTAN.
La fin de la guerre froide aurait dû signifier la fin de l'intérêt même de l'existence de l'OTAN. Bien au contraire, l'OTAN n'a cessé de se renforcer ; en 2004, entre autres, avec l'accueil de l'Estonie, de la Lettonie, de la Bulgarie, de la Lituanie, de la Roumanie, de la Slovaquie et de la Slovénie. Voilà un symbole fort, douze ans après l'écroulement du bloc communiste.
Lors de la conférence internationale sur la sécurité à Munich, le Président de la République Nicolas Sarkozy a annoncé que la France allait réintégrer pleinement l'OTAN, toutes les conditions étant réunies. Ce n'est pas trahir l'esprit du général de Gaule, qui avait posé l'objectif de rendre à nos armées leur caractère complètement national.
En effet, nos forces armées sont et resteront nationales, la souveraineté de la France ne sera absolument pas mise en défaut. Il est inexact de dire que nous perdrons notre autonomie de décision.
Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale précise que la liberté d'appréciation totale sur l'emploi de nos troupes en opération doit être l'usage et qu'aucun de nos contingents ne doit, en temps de paix, être placé sous commandement de l'OTAN en permanence.
Par ailleurs, la dissuasion nucléaire reste sous l'autorité du chef de l'État. Rien, dans le traité de l'Atlantique Nord ne s'oppose à ces principes.
Le retour de la France dans le commandement intégré est conditionné par deux piliers : celui du renforcement de la défense européenne, et celui de la maîtrise de la décision de mener nos troupes au combat.
Aujourd'hui, l'Europe devient une réalité et une puissance mondialement reconnue. Sur 27 pays européens, 21 sont membres de l'OTAN et ils ne comprennent pas pourquoi, nous, Français, restons à l'écart.
Il suffit de tourner nos regards vers les autres nations européennes pour constater que l'annonce du Président de la République, évoquée depuis août 2007, a renforcé notre influence en Europe et dans le monde (Rires et vives exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
Il est clair que le retour plein et entier de la France dans l'OTAN, c'est avant tout instituer plus d'Europe dans l'OTAN.
Il est temps de mettre fin à l'hypocrisie qui règne, monsieur Gremetz. En effet, depuis fort longtemps, nous participons aux opérations militaires de l'OTAN, en y envoyant nos troupes sans être dans le commandement au niveau stratégique où s'élaborent les décisions. Ainsi, 5 500 militaires français sont engagés dans les opérations conduites par l'OTAN.
En outre, la France, précédemment exclue des programmes d'équipement de l'OTAN, voit les regards se tourner vers notre industrie de défense qui revient dans le giron des industries mondiales les plus performantes. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
La sophistication technologique des outils de défense exige, pour plusieurs raisons, la mutualisation des moyens.
Il est faux de penser que l'Europe de la défense risque d'être reléguée au second plan face à l'OTAN. Bien au contraire, nombreux sont les pays européens aujourd'hui membres de l'OTAN qui pensaient que la France voulait opposer l'organisation européenne de la défense face aux forces de l'OTAN et créer ainsi un bloc anti-américain. Demain, la réintégration entière de la France dans l'OTAN marquera le début d'une nouvelle ère pour l'Europe de la défense.
Nous sommes aujourd'hui, mes chers collègues, le quatrième contributeur des forces dans l'Alliance. Arrêtons d'être des observateurs au bras armé, mais participons pleinement aux décisions qui impactent les opérations dont nos militaires sont les acteurs !
Vous vous souvenez du cabri dont parlait le général de Gaulle en disant « L'Europe ! L'Europe ! » ? Il se moquait déjà de vous !
Les USA, qui semblent être le point d'achoppement de celles et ceux qui s'opposent au retour total de la France dans le commandement intégré, ont au contraire compris que l'Amérique a besoin d'alliés forts, de vrais partenaires. Cette réorganisation de l'Alliance apportera plus d'autonomie et plus de poids aux Européens. C'est une opportunité nouvelle pour notre défense européenne et pour les moyens que nous sommes prêts à y consacrer.
Faut-il se souvenir, mes chers collègues, que le monde de 1966 n'est pas celui de 2009 ?
À cette époque, la guerre froide des deux blocs plaçait la France au centre géographique et le général de Gaulle estimait que l'OTAN était un outil au service de Washington. Entre-temps, le communisme s'est effondré, le mur de Berlin a disparu et les menaces se sont déplacées, devant plus diffuses et transnationales.
En 1966, Charles de Gaulle avait raison. Sa décision était de bon sens et elle a permis à notre nation de développer son outil de défense et d'accéder à l'arme de dissuasion.
Nous ne sommes plus dans le contexte de 1966 et, dès 1991, sous la présidence de François Mitterrand, des négociations ont été menées avec les USA, sans toutefois aboutir. C'est en 1996 que la France a réintégré le comité militaire : en plein conflit balkanique, le Président Jacques Chirac tentait un retour de la France dans l'organisation militaire intégrée, sans succès.
Le sommet de Prague de 2002 a donné un nouveau visage à l'OTAN, avec une procédure de modernisation pour répondre aux défis de sécurité du XXIe siècle.
L'engagement capacitaire de Prague donne naissance à la force de réaction rapide de l'OTAN.
L'OTAN élargit ainsi sa coopération avec des pays partenaires, tels la Russie, l'Ukraine et tous les pays qui participent au dialogue méditerranéen.
Comment la France pourrait-elle avoir, aujourd'hui, un pied dedans, un pied dehors, alors même qu'au fil des années, tous les acteurs politiques, les Présidents de la République successifs se sont progressivement tournés vers une réintégration pleine et entière de la France dans le commandement de l'OTAN ?
Ce n'est pas trahir le général de Gaulle, c'est aller vers une modernisation de la défense de nos nations, c'est aller vers une Europe nouvelle.
On observe curieusement que certains chantres de l'Europe, que certaines forces politiques qui voulaient le retour de la France dans le commandement intégré, il n'y a pas si longtemps que cela, combattent aujourd'hui cette démarche.
Ce qui unit les États-Unis et les pays d'Europe est plus important que ce qui les sépare. Les risques et menaces ont changé de nature et le poids des Occidentaux décroît. L'intérêt stratégique des Européens est multipolaire : être les alliés des États-Unis tout en devenant pour la Russie un lien indispensable. Une récente publication de l'IHEDN constate : « L'heure est donc à la refondation du lien transatlantique pour faire entrer l'Alliance dans le XXIe siècle ; il faut pour cela que les États-Unis et leurs principaux alliés d'Europe harmonisent leurs projets politiques respectifs en prenant mieux en compte leurs visions et priorités. »
Le groupe Nouveau Centre plaide pour la réintégration totale de la France dans l'OTAN.
C'est normal vous avez toujours été de cet avis ! Cela est moins compréhensible pour les gaullistes !
Cela mettra fin à un affichage hypocrite : avoir sa famille à l'intérieur et rester devant la porte. Plus de France dans l'OTAN, c'est plus d'Europe dans l'OTAN. Notre contribution en hommes, en matériel et financière, impose ce choix. Il est naturel de prendre part aux décisions lorsqu'on est l'un des principaux contributeurs.
Fêtons dignement le 60e anniversaire de l'OTAN ! (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, j'ai peu de temps pour dire beaucoup. Je vais donc exprimer trois choses simples, évoquer les trois dangers qui nous guettent si la France devait se fondre, demain, dans l'OTAN.
Le premier danger, c'est de briser le consensus.
Depuis Suez et les gerboises, la France a choisi une stratégie, celle du général de Gaulle, entérinée par les Assemblées, les Gouvernements et les Présidents de la République qui ont suivi. Cette stratégie du faible au fort, cette stratégie d'union nationale autour du concept de défense a été la bonne. Son résultat en atteste : nous avons, depuis, vécu dans la paix. Faites le compte : combien de pays dans le monde l'auront connue aussi longtemps ? Quel pays a été à ce point hermétique aux tentatives de déstabilisation ?
Si nous entérinons ce choix, vous n'aurez plus de consensus et comment pourriez-vous en trouver un s'il s'agit, à l'avenir, non pas de forger une analyse, une action de la France devant un obstacle, mais de savoir si l'on suit, un peu ou beaucoup, les Américains. (Approbations sur les bancs du groupe SRC.) Projetons-nous cinq ans en arrière : intégration voulait dire, alors, aller en Irak !
Deuxième danger, l'OTAN est un outil diplomatique, militaire et politique qui a toujours été l'outil de la dispersion des Européens.
Chacun a en tête la façon dont il a servi, systématiquement, à briser le moindre rapprochement, le moindre nouveau pas vers une défense européenne. Chacun a en tête des séquences illustrant ce que je dis. J'ai gardé en mémoire, pour ma part, Saint-Malo, les rencontres Sharping-Richard, les échanges entre notre commission et nos collègues allemands et britanniques, bref l'élaboration d'un processus nouveau, vite entravé par la demande d'assistance et de survol américaine pour aller bombarder les Balkans, demande qui créait, en Europe, entre nous, de nouveau, une divergence.
Sauf à ignorer cette histoire sans cesse répétée, personne ne peut valablement soutenir que notre arrivée dans le commandement intégré va aider la construction d'une défense européenne.
Troisième danger : nous allons perdre la maîtrise de l'emploi de nos forces.
La France s'est forgée, je l'ai déjà souligné, une position diplomatique et militaire originale qui nous a permis de jouer notre partition dans le concert des nations – nous l'avons vu avec l'Irak – et de conserver une sphère d'influence, une capacité de relation avec les autres pays du monde. Au moment où l'économie se fragilise au point de nous faire entrer dans une période d'instabilité politique, voilà que nous allons choisir l'alignement, l'alignement sans contrepartie si ce n'est un strapontin à l'ACT à Norfolk aux États-Unis, lorsque les choix se font à Mons ou à Naples, en Europe.
Voilà, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, les trois dangers que je souhaitais évoquer : perte du consensus, perte de la défense européenne, perte de notre liberté.
Vous avez pris le parti de ne pas affronter le défi que la France relève depuis cinquante ans, et de nous proposer une voie moyenne qui demeure, pour les Radicaux et pour la plupart de mes collègues, infréquentable. Vous avez pris le parti de ne rien faire, de laisser faire, alors qu'au moindre chien écrasé on réclame des rapports, des sanctions, des lois ou des démissions. Là, c'est la démission de la France que vous nous demandez. Les Radicaux ne vous la donneront pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.)
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'OTAN est une curiosité historique : la seule alliance à avoir survécu à la dissolution de son objet. Elle aurait dû disparaître en même temps que le Pacte de Varsovie.
Si elle a perduré, c'est parce qu'elle offrait aux États-Unis l'instrument d'un protectorat sans équivalent et qu'elle dispensait la plupart des Européens d'un effort national de défense. Cette OTAN maintenue est devenue un ensemble protéiforme au service de stratégies américaines tous azimuts : refouler la Russie, bombarder une capitale européenne, traiter la menace terroriste...
La France aurait pu tenter d'être l'agent d'une transformation substantielle de l'OTAN en une alliance partenariale, avec des missions actualisées, un périmètre clarifié, des membres européens prenant leur part des dépenses militaires, mais le Président de la République n'a pas attendu de poser cette question de confiance à la nouvelle administration américaine. Il avait en main un atout précieux. Il l'a sacrifié, sans obtenir de contreparties significatives.
Or les conséquences diplomatiques de la décision de Nicolas Sarkozy sont particulièrement lourdes. Notre position spécifique au sein de l'Alliance signifiait que la France était porteuse d'une ambition stratégique propre à l'Europe. En y renonçant, nous nous enfermons dans l'euro-atlantisme et nous y enfermons nos partenaires européens avec nous.
La dérive était déjà inscrite dans le traité de Lisbonne, à l'article 42. Il y a donc une vraie cohérence entre la défense du traité de Lisbonne et la réintégration complète dans l'OTAN, mais c'est une cohérence qui ne mène pas au renforcement de l'Europe. C'est la volonté française d'indépendance qui constituait le principal et peut-être l'unique aiguillon en faveur d'une défense vraiment européenne.
Si la sécurité de « la famille occidentale » est, comme l'affirme le Président de la République, indivisible, qu'est-ce qui justifie alors de donner à l'Europe les instruments de son autonomie stratégique ? Pourquoi y consacrer des moyens ?
La question de la défense européenne risque de ne plus être appréhendée que dans un cadre atlantique, c'est-à-dire sous leadership américain. Et même si celui-ci se fait plus aimable, cela ne change rien au fond. Le pilier européen, tel que l'envisage Washington, se réduira – on le voit déjà s'esquisser à propos de l'Afghanistan – à une sorte d'agence civile. Ce n'est pas cela qui renforcera le rôle politique propre de l'Europe dans la gestion des crises internationales. Au contraire, cette logique nous expose au syndrome du suivisme. Elle risque un jour de nous emporter sur la pente de la réduction de nos propres dépenses militaires et du délaissement de nos industries de défense.
Philippe de Villiers déclarait récemment : « Si nous n'incarnons plus un certain non-alignement, qui intéresserons-nous ? »
Hubert Védrine, dans ses recommandations au Président de la République, a souligné que le statut particulier de notre pays dans l'OTAN n'était pas un problème à régler, mais un atout à valoriser. Le retour de la France au bercail atlantique donnera à notre pays, disait-il, « une influence comparable à celle des autres alliés, c'est-à-dire quasi nulle ». « Et le prix politique à payer sera très élevé : la France sera considérée comme réalignée sur les États-Unis et traitée comme telle », avait-il ajouté.
La rupture n'a d'intérêt que si elle apporte une réelle valeur ajoutée. Or quelle valeur ajoutée donne à notre pays et à l'Europe le renoncement au statut spécifique de la France dans l'OTAN ? Aucune. Pire, il nous fait perdre sur tous les tableaux, car notre marge de liberté avait fini par être acceptée et même appréciée par les États-Unis.
Notre statut particulier apportait une contribution originale et stimulante à la relation transatlantique. Il était le symbole positif et attirant d'une indépendance de la France aux yeux du monde. Il incarnait la volonté et préservait les chances d'une politique européenne de défense autonome. Il était l'objet d'un précieux consensus national dont aucun motif solide ne justifie la rupture.
Telles sont les raisons, majeures, pour lesquelles, monsieur le Premier ministre, sans vouloir aucunement la chute de votre gouvernement, nous voterons sur la seule question qui aurait dû nous être posée : nous voterons contre la réintégration de la France dans les organes militaires intégrés de l'OTAN. Nous ne voterons sur rien d'autre que sur cette question essentielle. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes UMP et SRC.)
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, on ne peut que se réjouir du débat que nous avons aujourd'hui. Il permet en effet à chacun d'exprimer son avis y compris au sein de la majorité, même si la question de confiance, telle qu'elle est posée, oblige à assumer une décision qui peut susciter des doutes et des incertitudes.
Des doutes parce qu'elle dérange un consensus national qui s'est établi dans notre pays sur tout l'échiquier politique. Le silence assourdissant des anciens Présidents de la République, les remarques de trois des quatre derniers Premiers ministres en sont des exemples parmi d'autres. L'opposition elle-même, désormais pendue aux branches de la croix de Lorraine, et qui donne beaucoup de leçons de gaullisme, à remords, sans doute, serait plus crédible si elle s'engageait à revenir sur cette décision, ce qu'elle se garde bien de faire.
Des incertitudes parce que notre influence au sein de l'OTAN se mesure, non pas à un statut dans un commandement militaire intégré, mais d'abord à nos capacités militaires.
Quels que soient les postes attribués, ce sont les États-Unis, et eux seuls, qui détiennent l'essentiel de l'expertise et du pouvoir de décision en matière de réorganisation des forces et d'actualisation des doctrines militaires. Espérer influencer le processus de planification de défense est hardi parce que celle-ci est dictée par la doctrine d'emploi de l'armée américaine.
C'est Michel Barnier qui expliquait à Hubert Védrine qu'un jour, Condoleezza Rice lui avait dit que l'OTAN était l'instrument de l'influence des États-Unis en Europe, et qu'il n'était pas question de changer cet état de chose.
L'Européanisation de l'OTAN est donc un vrai défi quand on considère l'exemple britannique qui n'y a jamais réussi.
Des incertitudes parce que cette question risque de compromettre la volonté française de promouvoir une Europe de la défense dont la presque totalité des États de l'Union ne veut pas, puisqu'ils n'y consacrent guère de moyens du fait que l'OTAN, selon eux, y pourvoit.
La France n'a pu, pour le moment, obtenir la création d'un état-major de commandement permanent pour la politique européenne de sécurité et de défense, à laquelle se sont opposés les Britanniques. Sans cet état-major, la défense européenne n'a pas d'autonomie et dépend de la planification et des moyens collectifs de l'OTAN.
Rien n'indique que la nouvelle administration américaine – même si elle est plus aimable – ait décidé de renoncer aux privilèges de son leadership. Tout en promettant les plus larges consultations, le vice-président Joe Biden, vient de déclarer à Munich que « les USA agiraient en partenariat chaque fois qu'ils le pourraient mais seuls quand ils le devraient ».
L'OTAN suscite donc bien des interrogations chez les Européens : Avec qui et contre qui ? Jusqu'où et pour quel objectif ? La réponse, les Américains l'ont donnée dès le 12 décembre 1989, un mois après la chute du mur de Berlin, par la bouche de leur secrétaire d'État James Baker, qui affirmait que l'OTAN devait évoluer vers un rôle politique de plus en plus important et évoquait « une nouvelle Europe sur la base d'un nouvel Atlantisme ».
Après Ronald Reagan à l'ONU, le 7 décembre 1988, qui parlait de la « maison commune », c'est George Bush junior qui évoquait à Ljubljana, le 16 janvier 2001, « la grande alliance euroatlantique de San Francisco à Vladivostok », dont l'objectif inavoué était d'isoler la Chine. Cela peut expliquer l'expansionnisme de l'OTAN vers l'Est, au-delà de la Turquie, Turquie dont on voit mal dans ce contexte comment on pourrait lui interdire d'entrer dans l'Union européenne, au nom précisément de la nouvelle Europe de la défense.
En reprenant place dans la famille occidentale dont nous avons toujours fait partie, le risque est réel de recréer un nouveau bloc, une « Sainte Alliance » qui, depuis le 11 septembre 2001, a un nouvel adversaire : l'Islam radical utilisé trop abusivement par les États-Unis et face auquel l'administration Bush a été tentée de se comporter en « super GIGN », pour reprendre la formule d'Hubert Védrine.
C'est dire si la normalisation de la place de la France au sein de l'OTAN interpellera bon nombre d'États et surtout de peuples dans le monde, pour qui la France incarne toujours le refus de tous les hégémonismes.
Cependant, le vote sur lequel nous devons nous prononcer ne concerne pas que la réintégration de la France dans les commandements de l'OTAN,…
…dont l'arme nucléaire est heureusement exclue (Exclamations sur les bancs du groupe GDR)…
Pour combien de temps ?
…et qui, seule, fonde de fait l'indépendance nationale. Le vote concerne d'abord et surtout l'ensemble de la politique étrangère de notre pays menée par le Président de la République, lequel a su s'imposer avec brio dans le concert international des chefs d'États qui pèsent sur le cours des événements.
Je n'aurais vraisemblablement pas accepté d'approuver la seule réintégration mais, puisque la France conserve la maîtrise de l'arme nucléaire, qui est l'assurance de notre indépendance, et parce que dans votre intervention, monsieur le Premier ministre, vous avez réaffirmé la continuité de notre politique étrangère, je voterai la confiance. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, arrivé à ce point du débat et ayant apprécié l'intervention remarquable du Premier ministre, qui a rappelé les fondements de la politique extérieure de la France et la foi que nous avons dans l'avenir et dans le rôle de l'Europe, je souhaite centrer mon propos sur les critiques exprimées par quelques-uns des orateurs qui m'ont précédé.
Certains ont tenté de nous expliquer que la normalisation de la position française à l'égard du commandement militaire intégré de l'OTAN allait faire obstacle à la construction si attendue de l'Europe de la défense. Comment professer une telle contrevérité, alors même que notre pays a ratifié le traité de Lisbonne dont on sait – à condition de l'avoir lu – qu'il contient des dispositions affirmant que la politique de sécurité et de défense commune de l'Union est compatible avec la politique de sécurité et de défense arrêtée dans le cadre de l'OTAN ?
Si, comme beaucoup le souhaitent ici, le traité de Lisbonne vient à être adopté, l'Union européenne se trouvera immédiatement confrontée à la mise en oeuvre de la coopération structurée permanente prévue à l'article 27. Il s'agit d'une opportunité historique pour faire sortir la défense européenne de ses limbes. La France, et l'Europe avec la France, ont un rendez-vous qu'elles ne peuvent pas rater.
Toutefois comment contester qu'il faudra alors être capable de susciter l'élan de tous les Européens, élan qui ne peut être fondé que sur la confiance ? Or qui ignore que, depuis des années, notre pays est soupçonné, du fait de sa position originale par rapport à l'OTAN, d'inciter les Européens à distendre leurs alliances traditionnelles ? On connaît la controverse sur l'agenda caché, eh bien, il est indispensable d'en sortir ! Il faut que la France puisse montrer à ses partenaires européens que l'énergie, les convictions, qu'elle s'efforce de leur faire partager sur la nécessité de créer une défense européenne pour peser sur les affaires du monde n'a d'autre finalité que de donner à l'Europe la place qui doit être la sienne.
On nous dit aussi que le choix qui nous est proposé est un pari hasardeux. Dois-je rappeler que l'action politique n'est pas exempte de paris ? N'était-ce pas en effet un pari que de vouloir convaincre nos partenaires européens que, nonobstant notre positionnement par rapport à l'OTAN, ils devaient nous faire confiance et construire avec nous une défense européenne ? Ce pari, l'avons-nous gagné ? Ce n'est pas vraiment le cas. Alors pourquoi refuser de nous remettre en question ?
Enfin, avant de conclure, il me paraît nécessaire de répondre à M. Fabius, qui exhortait la France à la volonté pour tenir son rang. Il a raison, et le général de Gaulle n'a pas manqué de volonté lorsqu'il a pris la décision que l'on sait, car il a porté le budget de la défense à plus de 5 % du PIB de notre pays. Ce n'est pas lui qui a cherché à toucher les dividendes de la paix, au point de mettre en péril nos forces armées, comme ce fut le cas entre 1997 et 2002. (Murmures sur les bancs du groupe SRC.)
Une chose est de discourir ici sur la place de la France dans le monde ; une autre est de lui donner les moyens de tenir cette place en prenant ses responsabilités politiques.
Comme l'a rappelé M. le Premier ministre, la France regarde le monde en face, tel qu'il est. Elle se détermine selon ses intérêts, mais également en considération des intérêts de la construction européenne. Nos intérêts et ceux de l'Europe nous commandent de conforter le pacte de confiance avec nos partenaires européens, comme ils nous commandent de normaliser nos relations avec nos alliés de l'OTAN. Nous accompagnerons donc le Président de la République dans la démarche lucide et responsable qu'il nous propose. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.)
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je répondrai brièvement aux deux contradictions apparentes que M. Fabius a relevé dans mon intervention.
La première tiendrait au fait que le Président de la République a déjà pris sa décision, rendant inutile notre débat d'aujourd'hui.
Qui peut penser un seul instant qu'un vote négatif de la majorité ne conduirait pas naturellement le Président de la République à renoncer à la décision qu'il a prise ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Rires et vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
C'est en effet à la majorité d'en décider. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La nouveauté, c'est que l'on puisse débattre de cette question, car jamais par le passé aucune décision concernant l'OTAN n'avait fait l'objet d'un débat à l'Assemblée nationale. Jamais ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Lorsque François Mitterrand a décidé que la France participerait à la renégociation du concept de l'OTAN en 1990, y a-t-il eu un débat à l'Assemblée nationale ? Non !
Lorsque, en 1993, il a décidé que le chef d'état-major des armées participerait pour la première fois au comité miliaire de l'OTAN, y a-t-il eu un débat à l'Assemblée nationale ou une question d'un parlementaire ? Non !
Lorsque Jacques Chirac a voulu entamer le processus de réintégration au commandement de l'OTAN, y a-t-il eu un débat à l'Assemblée nationale ? Non !
Son initiative a échoué mais cela n'a pas empêché nos militaires d'intégrer plus nombreux les comités de l'OTAN, puisque cent officiers français sont entrés en 2004 dans l'organisation, à Mons et à Norfolk, ce qui, d'ailleurs, peut nous amener à nous interroger sur le paradoxe qui consiste à envoyer sans cesse davantage de monde dans les comités de l'OTAN, sans jamais prendre la responsabilité d'un de ces comités pour y assumer notre rang et notre place.
La deuxième contradiction que vous souleviez, monsieur Fabius, concerne la procédure.
Vous prétendez qu'il ne fallait pas engager la responsabilité du Gouvernement, mais simplement faire une déclaration suivie d'un vote. Pourtant c'est le président du groupe socialiste qui en a fait la demande par écrit ! Il est donc difficile de vous contenter. (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Comment osez-vous dire cela ? Voulez-vous voir la lettre ? Vous l'aurez ! Je vais la faire publier dans le quart d'heure ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Il y a des limites à ne pas franchir, monsieur Fabius !
J'ajoute que je suis d'accord avec M. Ayrault, car nous ne sommes plus sous la IVe République. Je considère que la politique étrangère est conduite par le chef de l'État, élu au suffrage universel, et qu'elle ne doit pas être négociée avec le Parlement. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.) C'est la raison pour laquelle je vous demande de l'approuver. Je le répète : la politique étrangère de notre pays ne se négocie pas, ni à l'Assemblée nationale ni au Sénat !
M. Fabius a parlé ensuite de contreparties. Or il n'a jamais été question de contreparties ! Ce n'est pas ma conception de notre politique de défense, de notre indépendance ou de notre liberté.
Notre retour au comité des plans militaires, monsieur Fabius, ne se fera que dans la mesure où la place de la France sera pleinement reconnue dans l'organisation militaire de l'OTAN. Nous voulons prendre toute notre place là où l'on discute de l'avenir de l'OTAN. Nous ne prétendons nullement à des commandements qui nous conduiraient à contrôler des forces militaires américaines, en Europe ou ailleurs.
Là résidait sans doute la faiblesse de la proposition de Jacques Chirac, qui souhaitait que nous prenions le commandement de Naples, ce qui aurait conduit un officier français à commander des forces américaines.
Ce n'est pas souhaitable et cela ne sera pas. Ce que nous demandons aujourd'hui c'est de prendre le contrôle d'un commandement qui n'existait pas à l'époque où Jacques Chirac avait entamé ses démarches, celui de Norfolk, où se décide la transformation de l'Alliance.
Quant aux contreparties industrielles, j'ignore à quoi vous faites allusion. Que nous participions ou non au commandement militaire intégré, il n'y guère de conséquences industrielles, car la règle, c'est la compétition.
Nous somme en compétition avec l'industrie américaine ; elle ne nous fait pas de cadeaux et ne nous en fera pas plus demain. C'est à nous d'être les meilleurs. Vous verrez d'ailleurs, dans les prochains jours, que les contrats passés par la France dans le domaine militaire en 2008 et en 2009 sont en forte progression.
Vous m'avez ensuite interrogé sur l'élargissement, la réforme et la compétence géographique de l'OTAN.
L'OTAN est, à mes yeux, une alliance de défense. Ce n'est pas un glaive occidental agissant partout et pour tout. C'est la France d'aujourd'hui et le Gouvernement que j'ai l'honneur de diriger sous l'autorité du Président de la République française qui, pour la première fois, s'est opposé à l'élargissement de l'Alliance, rompant avec l'unanimité qui était jusqu'alors la règle et sans laquelle rien ne peut se décider en la matière.
En 1999, c'est avec l'accord du Gouvernement français que l'OTAN a été élargie à la République tchèque, la Hongrie et la Pologne ; en 2004, c'est toujours avec son accord que l'Alliance a accueilli la Bulgarie, l'Estonie, la Lituanie, la Lettonie, la Roumanie, la Slovénie et la Slovaquie.
Comment pouvez-vous aujourd'hui prétendre que la position que nous prenons va réduire l'indépendance de notre pays, alors même que, l'année dernière, avec le Gouvernement de Mme Merkel, nous nous sommes, pour la première fois, opposés à l'élargissement de l'OTAN à l'Ukraine et à la Géorgie ?
Enfin, monsieur Fabius, reconnaissez qu'il est assez difficile – pour vous-même et pour les autres socialistes – de critiquer l'intervention de l'OTAN en Afghanistan.
Nous parlions de l'extension géographique de la zone dans laquelle l'OTAN intervient ; on peut effectivement s'interroger, et j'ai moi-même précisé tout à l'heure les limites que j'entendais apporter à cette action de l'OTAN, qui doit s'intégrer dans le droit international et respecter les décisions prises par les Nations unies.
S'agissant de l'Afghanistan, il se trouve que c'est une décision que nous avons prise ensemble et qui a fait, comme vous l'avez rappelé vous-même, l'objet d'un vote presque consensuel de l'Assemblée nationale.
Tous les arguments sont respectables, sauf lorsqu'ils sont faux. Ainsi il en est un auquel je ne peux pas ne pas répondre : celui qui consiste à dire que si nous avions appartenu au comité des plans militaires, nous aurions été obligés d'aller en Irak lors de la seconde guerre. C'est une contre-vérité absolue ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Vous nous auriez expliqué qu'il y avait là-bas des armes de destruction massive !
D'ailleurs M. Fabius a lui-même reconnu que, juridiquement, cela n'avait aucun sens ; mais c'est surtout une véritable insulte au Gouvernement de M. Schröder, qui a pris le premier, avant celui de la France, la responsabilité de dire non à cette intervention américaine en Irak, sans même évoquer la Turquie, dont chacun sait qu'elle est un allié très proche des États-Unis et qui n'a pas accepté que son territoire soit utilisé comme base arrière pour l'intervention en Irak ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
S'agissant de la défense européenne, enfin, chacun a reconnu qu'elle avançait lentement, trop lentement.
Chacun sait bien que les raisons en sont d'abord liées à nos institutions européennes, à la difficulté d'avoir une vraie politique étrangère et un véritable leadership politique en Europe. Cependant c'est aussi, il faut le reconnaître, parce que, les uns comme les autres, depuis vingt ans, nous n'avons jamais réussi à convaincre les autres Européens que nous pouvions proposer une alternative crédible à la protection que leur apportait l'OTAN.
Soit nous poursuivons comme cela, et nous continuons à accepter l'idée que la défense européenne est un sujet de colloque, de discours, de voeux, sur lequel on avance par tout petits pas. Soit nous débloquons la situation en démontrant aux Européens qu'à côté de la solidarité atlantique en construction, nous pouvons inventer une défense européenne.
Vingt-trois pays membres de l'Union européenne le sont aussi de l'OTAN et aucun d'entre eux n'entend substituer la défense européenne à l'OTAN. Vous devriez d'ailleurs – je suppose que vous le faites – évoquer ces sujets avec vos camarades socialistes en Europe : dans tous les pays européens où les socialistes sont au pouvoir, la participation de la France au commandement intégrée est saluée. Je ne prendrai que les exemples de la tribune signée, il y a quelques jours, par Felipe González, et du soutien de José Luis Zapatero.
Le principal blocage venait en réalité des États-Unis, qui, comme plusieurs d'entre vous l'ont rappelé, se sont toujours opposés à la construction d'une véritable défense européenne indépendante.
Le premier Président américain qui ait, dans un discours, indiqué que la défense européenne était nécessaire et qu'elle n'était pas un obstacle à la solidarité atlantique – pardon de le dire – n'est pas le Président Clinton, mais le Président Bush lors du sommet de l'OTAN à Bucarest.
Nous serons attentifs aux engagements que prendra le Président Obama sur ce sujet. Ils conditionneront le mouvement de la France, qui ne sera pas décidé en un jour ; ce sera un mouvement proportionnel qui tiendra compte des décisions prises par nos alliés.
Oui, monsieur Fabius, le général de Gaulle hissa les couleurs en 1958 ! Vous avez combattu chacune de ses initiatives, comme vous combattez aujourd'hui celles que nous prenons. C'est un fait : si la gauche avait été entendue, nous n'aurions jamais quitté le commandement intégré de l'Alliance ; si la gauche avait été entendue, nous n'aurions pas d'armes de dissuasion nucléaire (Protestations sur les bancs du groupe GDR.)
Si la gauche avait été entendue, nous n'aurions pas les institutions politiques qui donnent à la voix de la France aujourd'hui dans le monde la force qui est la sienne ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Le Gouvernement ne craint pas que le Parlement évalue chaque année, comme c'est d'ailleurs son devoir, les conséquences de la décision que nous allons prendre. En attendant, monsieur Fabius, la France continuera à hisser les couleurs sur tous les continents pour défendre notre message universel de liberté, d'égalité et de fraternité. (Applaudissements prolongés sur les bancs des groupes UMP et NC dont de nombreux membres se lèvent.)
Vous n'avez pas répondu à tous les groupes, monsieur le Premier ministre !
Il n'est pas très facile, monsieur le Premier Ministre, de m'exprimer après vous, tant votre fougue et la force de vos arguments ont naturellement déjà convaincu l'ensemble du groupe que j'ai l'honneur de représenter aujourd'hui.
À l'issue de ce bon et grand débat – dans les commissions depuis plusieurs semaines, et au sein du groupe UMP, grâce à notre président Jean-François Copé – je crois que nous avons tous maintenant compris les enjeux de cette affaire.
Je n'ai qu'un seul regret : certains orateurs – dans la tradition du débat sur l'OTAN, depuis ses débuts – ont choisi de s'inscrire dans la gestuelle, le symbolisme, voire dans l'invective et le procès d'intentions, plutôt que dans la raison et dans les faits. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Applaudissements sur divers bancs du groupe UMP.)
S'il est ainsi légitime, comme l'a fait tout à l'heure François Baroin, avec beaucoup d'honnêteté,…
…de se poser la question de savoir si l'on a effectivement plus de chances de faire avancer l'Europe de la défense à l'intérieur de l'Alliance plutôt qu'à l'extérieur, cette interrogation pose problème lorsqu'elle vient de M. Fabius.
L'auteur du plan B, celui qui a fossoyé le référendum en France, celui qui a fait du mal à la France en Europe, est bien mal placé pour nous parler ici de défense européenne ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP. — Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
De même, monsieur Fabius, au lendemain de la guerre froide, il était possible de s'interroger sur la politique de défense et sur l'avenir de l'Alliance atlantique. Mais il y a eu un seul homme politique pour tenter d'engranger les dividendes de la paix, c'est-à-dire pour tenter de faire du désarmement unilatéral : c'est vous, monsieur Fabius ! Vous avez eu faux sur tout. Pourquoi, aujourd'hui, venez-vous nous donner des leçons en vous plaçant sous le drapeau du général de Gaulle alors que comme vient de le rappeler M. le Premier Ministre, vous n'avez cessé de le combattre ?
Je vous renvoie à la lecture, que j'ai faite, des débats d'avril 1966, mais je n'aurai pas la cruauté de rappeler les énormités qu'ont dites les grands chefs socialistes de l'époque.
S'agissant de l'UMP, j'ai l'honneur de vous dire que oui, quatre fois oui, nous soutiendrons le Gouvernement.
Oui, d'abord, au nom du bon sens et de l'intérêt national.
Voilà quarante ans que, au-delà de la gestuelle et des discours politiques, la France s'est rapprochée de l'OTAN, tous gouvernements confondus. Nous sommes aujourd'hui parmi les tout premiers contributeurs de l'Alliance ; nous nous sommes battus en Bosnie, nous nous sommes battus au Kosovo ; nous sommes aujourd'hui, sous mandat de l'ONU et de l'OTAN, en Afghanistan.
Combien de temps allons-nous continuer à être contributeurs sans être codécisionnaires ? Reprendre pleinement notre place et peser sur les décisions qui engagent la vie de nos soldats et la stratégie de la France est donc une affaire de bon sens et d'intérêt national.
Oui, ensuite, pour l'Europe.
Il s'agit en effet de faire, pour l'intérieur de l'Alliance, ce qu'il a toujours été impossible à la diplomatie française de faire de l'extérieur tout simplement parce que, comme l'a rappelé le Premier Ministre, chaque fois que nous avons essayé de mettre nos partenaires européens devant le choix entre l'union de l'Europe de la défense et l'Alliance atlantique, ils ont refusé de choisir. Mes chers collègues, c'est en prenant pleinement notre place dans l'Alliance que nous construirons l'Europe de la défense.
J'ajoute, car c'est important, que si cette Europe ne progresse pas, c'est d'abord pour des raisons budgétaires. Aujourd'hui, les 500 millions d'Européens des vingt-sept nations de l'Union dépensent 40 % du budget de défense américain, et ne disposent que de 10 % des forces américaines. La vraie question est là.
Quant aux compensations industrielles, monsieur Fabius, regardez donc non pas l'OTAN mais l'article 296 du Traité européen : le domaine de l'armement n'est pas compris dans le marché unique. Le jour où nous ferons le marché unique pour l'armement, nous lutterons à armes égales avec les États-Unis !
Le troisième oui est celui de la démocratie.
Assez d'hypocrisie ! Depuis quarante-trois ans, la France – tous gouvernements confondus – s'est rapprochée de l'Alliance sans le dire aux Français. Voici enfin un Président de la République et un Premier Ministre qui traitent les Français en adultes : au nom de la démocratie, permettez-moi de m'en réjouir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Oui, enfin, car ce retour plein et entier de la France dans l'OTAN se fait par la grande porte.
Nous obtiendrons une forte européanisation de l'Alliance à travers le commandement suprême de Norfolk et le commandement régional de Lisbonne. (Protestations sur les bancs du groupe GDR.)
Alors, oui, pour toutes ces raisons, monsieur le Premier Ministre, c'est avec beaucoup de plaisir et de fierté que l'ensemble du groupe UMP vous accorde sa confiance. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Monsieur le Premier ministre, vous annoncez, avec le Président de la République, le retour de la France dans le commandement intégré de l'OTAN. Au terme de ce débat, je ne vois pas clairement ce que nous allons gagner ; je vois en revanche ce que nous allons perdre.
Contrairement à ce que vous affirmez, la France n'y gagnera pas de codiriger l'Alliance ou, selon l'étonnante formule du ministre de la défense, d'en être à la fois la tête et les jambes. Cette intégration se fera en effet sans préalable et sans négociation ni sur les objectifs, ni sur les méthodes de l'Alliance, ni sur la place de la France. Cela a été dit : c'est le contraire de la démarche suivie par le général de Gaulle.
Il est vrai qu'à cette époque, cette position n'avait pas fait l'unanimité ; mais regardez la réalité : aujourd'hui – cela a été dit et répété, y compris par vos propres amis – c'est un élément du consensus sur notre politique étrangère et de sécurité. On nous dit ici ou là – vous ne l'avez pas déclaré aussi nettement, monsieur le Premier Ministre – que François Mitterrand voulait rentrer dans l'OTAN. La vérité est qu'il n'acceptait pas les extensions permanentes de sujets, de zones et d'interventions de l'OTAN, et qu'il a fait le contraire de ce que vous faites : il a voulu négocier pour changer l'OTAN ; mais comme l'OTAN n'a pas changé, la France n'est pas rentrée dans l'Alliance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Vous nous expliquez que nous pèserons plus lourd dans les décisions de l'OTAN. Or, en 1999, au Kosovo, nous n'étions pas membres du commandement intégré de l'OTAN ; pourtant la France, grâce à sa volonté politique, a pu peser pour accepter ou refuser les missions proposées à nos forces aériennes : nous avons notamment pu refuser un certain nombre de frappes qui auraient pu être dangereuses pour les populations civiles. Pour cela, nous n'avons pas eu besoin d'appartenir au commandement intégré de l'OTAN.
Vous nous dites, ainsi que les orateurs qui vous soutiennent, que cette décision va renforcer la défense européenne. Où avez-vous vu une chose pareille ? Je ne trouve aucune trace d'aucune déclaration de personne en Europe nous disant que le retour de la France permettra que, dès demain, nous nous mettions au travail sur la défense européenne ! Certains, c'est vrai, ont salué cette décision, mais la vérité, c'est que l'Europe de la défense est en panne, je crois que nous sommes tous d'accord sur ce point. Et la France n'en porte pas la seule, ni même la principale responsabilité.
Enfin, pendant la présidence française de l'Union européenne, quelles avancées significatives avons-nous faites sur l'Europe de la défense ? Où en sommes-nous sur l'Agence européenne, sur la création d'une force d'intervention rapide de 50 000 hommes, sur la constitution d'un état-major européen ? (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Monsieur le Premier Ministre, vous ou votre ministre de la défense l'avez dit : ce sont au total 900 officiers, sous-officiers et hommes du rang qui iront dans les états-majors de l'OTAN. Ceux-là ne seront pas disponibles pour constituer le noyau d'une future force européenne.
À vrai dire, l'Europe de la défense n'a avancé significativement que pendant trois ans, de 1999 à 2002, en particulier lors du sommet de Saint-Malo entre la France et l'Angleterre. Pourtant, nous n'étions pas membre du commandement intégré de l'OTAN.
Vous nous dites que l'Europe de la défense va être plus facile parce que les préjugés qu'auraient contre nous un certain nombre de pays européens vont disparaître. Je ne le crois pas. Au contraire, si la France rentre dans le rang, je pense que ce sera une raison supplémentaire pour ces pays de ne pas bouger. L'histoire nous départagera, monsieur le Premier ministre.
Sur aucun plan, je le répète, je ne vois de gain pour nous. En revanche, je vois bien ce que nous avons à perdre.
Quelle urgence y avait-il – cela a été dit, y compris dans votre propre majorité – à ouvrir ce débat en pleine crise financière, économique et sociale, qui préoccupe tant les Français ?
Monsieur le Premier ministre, le consensus national, même daté et reposant sur des évolutions diverses, est capital. La force de la France, dans les politiques étrangère et de défense, c'est d'avoir un certain nombre d'axes de consensus. Or, aujourd'hui, ce consensus, vous le brisez, y compris dans votre majorité. C'est pour cela que vous n'avez pas voulu de vote au Sénat, parce que vous saviez que vous n'auriez pas la majorité au sein de la Haute assemblée. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) C'est pour cela que vous avez choisi une procédure qui contraint vos députés, certains l'ont dit, à voter oui parce qu'ils veulent vous soutenir.
Monsieur le Premier ministre, vous avez parlé de vérité. Permettez-moi de vous en rappeler une : avant le 1er mars, l'article 50-1 de la Constitution n'était pas applicable ; on ne pouvait pas obtenir un débat par référence à cet article. Dès qu'il a été applicable, nous en avons la preuve, le président du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, a demandé à la conférence des présidents l'application de cet article 50-1. Cela lui a été refusé. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le Premier ministre, ce que vous allez décider aujourd'hui n'est pas un détail, un simple ajustement ; c'est une décision très grave. L'histoire jugera. Je crains qu'elle ne vous juge très sévèrement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)
Monsieur le Premier ministre, permettez-moi d'abord de formuler une remarque : vous avez répondu à l'excellent Laurent Fabius mais vous n'avez pas daigné répondre aux autres orateurs, notamment des autres sensibilités, faisant ainsi montre de peu de respect pour le Parlement.
Par ailleurs, je tiens à préciser que, en 1966, nous avons soutenu, au moins dans les rangs communistes, à la fois le discours de Phnom Penh du général de Gaulle et le retrait de la France du gouvernement intégré de l'OTAN. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
La participation de notre pays au commandement intégré de l'OTAN marque un tournant aussi radical que dangereux dans la politique extérieure de la France. En aucun cas, ce revirement atlantiste ne permettra de relancer une politique européenne de défense autonome, pas plus qu'il ne renforcera l'influence de la France au sein de l'OTAN ou son indépendance sur la scène internationale. Le retour dans le commandement intégré de l'OTAN est en réalité un blanc-seing accordé aux États-Unis, les contreparties évoquées avec force par le chef de l'État ayant fait long feu.
Faut-il rappeler, monsieur le Premier ministre, que l'OTAN a trouvé sa justification dans un contexte d'affrontement de bloc à bloc qui n'est heureusement plus d'actualité ? Comment pourrions-nous soutenir le maintien de cette organisation anachronique et apporter notre caution à une géopolitique fondée sur l'épreuve de force et le conflit ? On ne fait pas la guerre pour se débarrasser de la guerre, comme l'affirmait Jaurès.
La doctrine de l'OTAN, sans aucune légitimité depuis la destruction du mur de Berlin, tente de se réinventer, mais ne nous méprenons pas : les nouvelles orientations de l'OTAN visant à prévenir les conflits et à lutter contre le terrorisme ont toujours pour objectif la mainmise des États-Unis sur les ressources stratégiques de la planète ; c'est une politique de type impérialiste qui se pérennise.
Réfugiés climatiques, immigration massive, voilà les nouvelles menaces imaginées par les stratèges de l'OTAN. Cela signifie-t-il que les populations pauvres sont devenues les ennemis du monde développé ?
Le Président de la République évoque à l'envi une famille occidentale qui doit convaincre les autres pays d'adopter ses valeurs. Je vous le demande : le retour dans l'OTAN marque-t-il de nouvelles croisades manichéennes et bellicistes de nature à nourrir le choc des civilisations ?
Quant à la cogestion de l'OTAN, soyons clair : l'administration états-unienne continuera à défendre ses intérêts de superpuissance. Pour cette raison, le Président Chirac avait justement abandonné le projet de réintégrer l'OTAN.
Peut-on engager l'indépendance et la sécurité de la France sur des bases d'un pari perdu d'avance ? L'opposition unanime des anciens dirigeants de notre pays, au-delà des divergences partisanes, est une réponse forte à l'atlantisme unilatéral du chef de l'État.
En revanche, le rôle accru de la France dans l'OTAN impliquera inévitablement des responsabilités alourdies. Monsieur le Premier ministre, comment la France pourra-t-elle refuser au président Obama les troupes supplémentaires qu'il réclame en Afghanistan ? Pourtant, cette guerre, aux buts inavouables, fédère aujourd'hui les courants les plus larges de la société afghane dans un mouvement de libération nationale. C'est désormais d'une guerre coloniale qu'il s'agit. Va-t-on engager nos troupes dans un nouveau Vietnam ?
La gravité des enjeux interpelle les consciences. Chers collègues, le consensus national forgé au coeur de la crise irakienne préservant l'indépendance de la France et son message de paix dans le concert des nations ne doit pas être brisé.
Selon le Président de la République, la défense européenne aurait piétiné en raison des ambitions françaises. La solution choisie est donc d'enterrer toute ambition d'une politique européenne autonome de sécurité. En 2007, le Président de la République a évoqué devant le Congrès américain une Europe de la défense crédible et forte au sein d'une alliance rénovée. Voilà une bien curieuse conception de l'Europe, vassale des États-Unis, une conception inscrite au coeur même du traité de Lisbonne que nous avons dénoncé vigoureusement.
Le Président de la République avait promis aux Français un débat dans un esprit de franchise et de droiture. Que reste-t-il de ce débat, dont l'issue est déjà tranchée ? Votre Gouvernement opère un véritable déni démocratique par crainte de la souveraineté populaire. Nous réclamions et continuons à réclamer avec force que, sur une décision qui engage la sécurité de notre pays et l'équilibre du monde, les Français soient consultés par voie référendaire. Le ministre de la défense a écarté l'idée de cette consultation au motif que le peuple ne répondrait pas à la question. Cependant c'est vous, monsieur le Premier ministre, qui avez décidé d'engager aujourd'hui la responsabilité de votre Gouvernement pour éviter un vote sur la réintégration et pour faire taire les oppositions, y compris celles de votre majorité.
Monsieur le Premier ministre, nous assistons sous nos yeux à l'émergence d'un monde nouveau, déstabilisé par la crise mondiale du capitalisme. Votre déclaration, loin de promouvoir ce monde multipolaire qui s'impose pour assurer le dialogue entre les nations, soumet la France et l'Europe à l'hégémonie américaine.
Le groupe GDR et ses composantes, communiste, républicaine, verte, ultra-marine et le Parti de gauche, sanctionneront donc votre gouvernement par un vote négatif. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur de nombreux bancs du groupe SRC.)
Monsieur le Premier ministre, mes premiers mots seront pour vous remercier d'avoir provoqué, sur la question, ô combien importante, du retour de la France dans le commandement intégré de l'OTAN, ce vote de confiance. (Murmures sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Les députés du groupe Nouveau Centre vous l'accorderont avec enthousiasme. En cela, ils se veulent pleinement fidèles à leur engagement européen.
Quand, en 1966, le général de Gaulle a quitté le commandement militaire intégré, il n'a pas pour autant quitté l'OTAN. Dans un monde marqué par la division entre les blocs, il a voulu, à l'époque, préserver la capacité de la France à défendre une ligne politique autonome. Il a voulu marquer sa volonté d'entretenir le dialogue avec les pays d'Europe de l'Est, soumis à l'influence soviétique, sans être pour autant retenu par les liens d'un dispositif militaire.
Aujourd'hui, les circonstances ont complètement changé. Le bloc soviétique n'est plus. Les pays européens qui en faisaient partie se sont tous portés candidats à l'Union européenne et, dans le même mouvement, ils ont souhaité leur adhésion à l'OTAN.
Ce lien quasi-organique a pu surprendre certains d'entre nous, mais c'est un fait, un fait qui s'impose d'autant plus que nous avons fait de l'entrée de ces pays dans l'Union européenne un objectif politique prioritaire. Nous avons décidé de ne pas tenir compte des handicaps et des différences de structures qui pouvaient plaider contre telle ou telle candidature et nous avons bien fait. Ces pays sont membres de l'Union européenne.
Ces pays, que nous avons bien fait d'accueillir, ont exprimé une attente que les Européens convaincus que nous sommes ne peuvent ignorer. L'Europe de la défense, que nous souhaitons dans le cadre de l'Union européenne, ne se construira ni contre ni sans l'OTAN.
En rejoignant la structure militaire d'une organisation dont elle n'a jamais cessé d'être membre, la France répond au voeu de ces pays. Elle sera d'autant plus forte à promouvoir auprès d'eux, et de ses autres partenaires, l'idée d'une politique de défense concertée dans l'espace européen.
Nous sommes nombreux à souhaiter, dans cette assemblée, un rééquilibrage entre l'Europe et les États-Unis, notamment pour la prise des décisions stratégiques. Nous appuyons ainsi une préoccupation légitime du Président de la République. En rejoignant le commandement militaire intégré, nous supprimons un obstacle à la prise en compte de cet objectif, sans porter atteinte au coeur de notre souveraineté. Faut-il rappeler, à cet égard, que chaque pays membre reste libre de participer ou de ne pas participer à une opération militaire ?
Que le retour dans le commandement militaire intégré n'affecte pas l'emploi de la dissuasion nucléaire ?
Faisant confiance au Président de la République et à votre gouvernement, monsieur le Premier ministre, pour donner corps à notre préoccupation européenne, le groupe Nouveau Centre répondra positivement et avec enthousiasme à l'appel à la confiance que vous lui adressez. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur quelques bancs du groupe UMP.)
Mes chers collègues, le Premier ministre ayant engagé la responsabilité du Gouvernement, je vais donc mettre aux voix l'approbation de sa déclaration sur la politique étrangère.
Le vote se déroulera dans les salles voisines de l'hémicycle.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale. Il est ouvert pour une durée de quarante-cinq minutes. Il sera donc clos à vingt et une heure.
Je vais maintenant suspendre la séance. Elle sera reprise, pour la proclamation des résultats, vers vingt et une heures.
Explications de vote
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures dix, est reprise à vingt et une heures, sous la présidence de M. Bernard Accoyer.)
La séance est reprise.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 567
Nombre de suffrages exprimés 567
Majorité absolue 284
Pour l'approbation 329
Contre 238
L'Assemblée nationale a approuvé la déclaration du Gouvernement sur la politique étrangère. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt-deux heures :
Proposition de loi tendant à favoriser l'accès au crédit des petites et moyennes entreprises.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt et une heures cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma