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Intervention de François Asensi

Réunion du 17 mars 2009 à 15h00
Débat et vote sur la déclaration du gouvernement relative à la politique étrangère — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Asensi :

Par ailleurs, je tiens à préciser que, en 1966, nous avons soutenu, au moins dans les rangs communistes, à la fois le discours de Phnom Penh du général de Gaulle et le retrait de la France du gouvernement intégré de l'OTAN. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

La participation de notre pays au commandement intégré de l'OTAN marque un tournant aussi radical que dangereux dans la politique extérieure de la France. En aucun cas, ce revirement atlantiste ne permettra de relancer une politique européenne de défense autonome, pas plus qu'il ne renforcera l'influence de la France au sein de l'OTAN ou son indépendance sur la scène internationale. Le retour dans le commandement intégré de l'OTAN est en réalité un blanc-seing accordé aux États-Unis, les contreparties évoquées avec force par le chef de l'État ayant fait long feu.

Faut-il rappeler, monsieur le Premier ministre, que l'OTAN a trouvé sa justification dans un contexte d'affrontement de bloc à bloc qui n'est heureusement plus d'actualité ? Comment pourrions-nous soutenir le maintien de cette organisation anachronique et apporter notre caution à une géopolitique fondée sur l'épreuve de force et le conflit ? On ne fait pas la guerre pour se débarrasser de la guerre, comme l'affirmait Jaurès.

La doctrine de l'OTAN, sans aucune légitimité depuis la destruction du mur de Berlin, tente de se réinventer, mais ne nous méprenons pas : les nouvelles orientations de l'OTAN visant à prévenir les conflits et à lutter contre le terrorisme ont toujours pour objectif la mainmise des États-Unis sur les ressources stratégiques de la planète ; c'est une politique de type impérialiste qui se pérennise.

Réfugiés climatiques, immigration massive, voilà les nouvelles menaces imaginées par les stratèges de l'OTAN. Cela signifie-t-il que les populations pauvres sont devenues les ennemis du monde développé ?

Le Président de la République évoque à l'envi une famille occidentale qui doit convaincre les autres pays d'adopter ses valeurs. Je vous le demande : le retour dans l'OTAN marque-t-il de nouvelles croisades manichéennes et bellicistes de nature à nourrir le choc des civilisations ?

Quant à la cogestion de l'OTAN, soyons clair : l'administration états-unienne continuera à défendre ses intérêts de superpuissance. Pour cette raison, le Président Chirac avait justement abandonné le projet de réintégrer l'OTAN.

Peut-on engager l'indépendance et la sécurité de la France sur des bases d'un pari perdu d'avance ? L'opposition unanime des anciens dirigeants de notre pays, au-delà des divergences partisanes, est une réponse forte à l'atlantisme unilatéral du chef de l'État.

En revanche, le rôle accru de la France dans l'OTAN impliquera inévitablement des responsabilités alourdies. Monsieur le Premier ministre, comment la France pourra-t-elle refuser au président Obama les troupes supplémentaires qu'il réclame en Afghanistan ? Pourtant, cette guerre, aux buts inavouables, fédère aujourd'hui les courants les plus larges de la société afghane dans un mouvement de libération nationale. C'est désormais d'une guerre coloniale qu'il s'agit. Va-t-on engager nos troupes dans un nouveau Vietnam ?

La gravité des enjeux interpelle les consciences. Chers collègues, le consensus national forgé au coeur de la crise irakienne préservant l'indépendance de la France et son message de paix dans le concert des nations ne doit pas être brisé.

Selon le Président de la République, la défense européenne aurait piétiné en raison des ambitions françaises. La solution choisie est donc d'enterrer toute ambition d'une politique européenne autonome de sécurité. En 2007, le Président de la République a évoqué devant le Congrès américain une Europe de la défense crédible et forte au sein d'une alliance rénovée. Voilà une bien curieuse conception de l'Europe, vassale des États-Unis, une conception inscrite au coeur même du traité de Lisbonne que nous avons dénoncé vigoureusement.

Le Président de la République avait promis aux Français un débat dans un esprit de franchise et de droiture. Que reste-t-il de ce débat, dont l'issue est déjà tranchée ? Votre Gouvernement opère un véritable déni démocratique par crainte de la souveraineté populaire. Nous réclamions et continuons à réclamer avec force que, sur une décision qui engage la sécurité de notre pays et l'équilibre du monde, les Français soient consultés par voie référendaire. Le ministre de la défense a écarté l'idée de cette consultation au motif que le peuple ne répondrait pas à la question. Cependant c'est vous, monsieur le Premier ministre, qui avez décidé d'engager aujourd'hui la responsabilité de votre Gouvernement pour éviter un vote sur la réintégration et pour faire taire les oppositions, y compris celles de votre majorité.

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