J'ai eu le sentiment – et je l'ai regretté – que sur le sujet sur lequel nous devrions rechercher les voies de convergence, pour porter la voix de la France aux côtés du Président de la République, certains utilisaient ces moments pour en faire des moments de politique politicienne, alors qu'il s'agit simplement du rôle et de la place de la France dans le monde.
Ces débats démocratiques – je le dis à la gauche – sont utiles, nécessaires, pas simplement pour contrôler l'action du Gouvernement, mais aussi pour éclairer les Français sur les enjeux de ces opérations, clarifier les positions de chacun.
Monsieur Fabius, je voudrais vous dire que j'ai apprécié la tonalité que vous avez donnée à votre intervention, même si je ne la partage pas. Partout ce débat s'est ouvert. Faut-il que la France continue d'être présente sur les théâtres d'opération extérieure ? Nous avons eu ce débat ici même sur l'Afghanistan et sur d'autres sujets. Oui, je pense profondément qu'il ressortit au rôle et à la grandeur de la France d'exercer sa mission pour la paix.
Monsieur le Premier ministre, au cours de ces dix-huit mois, le monde a été confronté à de sérieux soubresauts. J'étais fier d'entendre la voix de la France, qui s'est exprimée chaque fois avec force et avec engagement. Il y a eu la relance du processus européen, la relance du Traité de Lisbonne. Nous le souhaitions au Nouveau Centre. Vous l'avez engagé.
Il y a eu les premiers effets de la crise financière, pour laquelle le Président de la République était en première ligne en Europe et dans la relation avec les États-Unis, d'où venait cette crise.
Il y a eu la crise géorgienne. Et on a bien vu à travers la résolution de cette seule crise que la France a un rôle particulier, un rôle fort à jouer pour ne pas laisser face à face à la Russie et aux États-Unis.
Il y a eu l'engagement du Président de la République dans le drame israélo-palestinien. J'ai accompagné le Président de l'Assemblée avec les autres présidents de groupe, lors d'une visite sur place. Lorsque l'on voit la guerre en face, on mesure mieux la responsabilité qui est la nôtre, pour parvenir à la paix là où existe cette guerre. Les images des événements que j'ai vécus avec mes collègues sont inscrites au fond de moi et je mesure encore mieux notre responsabilité, la responsabilité de la France. Je tiens à saluer l'action décisive du Président de la République française.
Puis, il y a eu la relance, cher Hervé Morin, de la défense européenne et les initiatives que vous avez prises avec le Gouvernement dans ce domaine. Je tiens à saluer votre engagement.
Je le dis comme je le pense, il faut que chacun assume la responsabilité qui est la sienne. Nous, les centristes, avons toujours souhaité, de manière constante, depuis 1966 pouvoir réintégrer et assumer pleinement notre mission au sein de l'OTAN.
Dans le bilan, dont je viens de tracer les grandes lignes et qui est clairement positif pour nous, nous devons dire au Parlement si oui ou non nous avons confiance dans la politique extérieure conduite depuis dix-huit mois et si nous souhaitons la soutenir pour l'avenir.
Monsieur le Premier ministre, je le dis, au nom du groupe Nouveau Centre, nous avons confiance. Je dirai même que les événements dans le monde et l'intervention de la France ces derniers mois dans le monde ont renforcé cette confiance.
Je ne comprends pas que sur des sujets aussi lourds que notre place dans le monde, l'on ne puisse pas sortir des argumentations politiciennes et dogmatiques comme celles de l'opposition socialiste. J'ai vu, au fur et à mesure des années, une sorte de conversion par rapport à des engagements antérieurs. L'opposition n'est pas de mise sur des sujets qui doivent nous rassembler, comme celui de la politique extérieure, comme celui de la voix de la France, qui méritent une lecture partagée et un engagement partagé.
Au moins, dans le débat de cet après-midi, que le groupe Nouveau Centre avait souhaité, chacun sera amené à prendre ses responsabilités et à les assumer devant les Français.
Monsieur le Premier ministre, vous avez choisi – je le répète – d'engager la responsabilité du Gouvernement sur la politique extérieure. Cela montre clairement que la réintégration dans le commandement de l'OTAN, présentée par les uns comme une rupture ou un renoncement est, en fait, comme l'écrivait un grand journal du soir, davantage « l'aboutissement d'un processus qu'une ère véritablement nouvelle ». Puis elle s'inscrit, vous l'avez rappelé, dans un monde qui a profondément changé.
Et quand je parle de processus, je souhaiterais simplement rappeler les mots qui ont ponctué ce long chemin. Pierre Joxe parlait d'inévitable retour à propos de l'OTAN. François Mitterrand, lui-même l'un des plus sévères à l'idée du retrait de l'OTAN, disait que cela « trahissait une volonté d'isolement fondée sur l'idée que le nationalisme est la vérité de notre temps ». Cette phrase prend aujourd'hui tout son sens.
Jacques Chirac aussi estimait qu'une identité proprement européenne de défense ne pouvait se construire que dans l'OTAN. D'où sa décision, en 1995, en pleine crise bosniaque, je le rappelle, de faire siéger la France au Conseil des ministres de la Défense et au Comité militaire de l'organisation, et la décision, prise plus tard, de participer à plusieurs opérations sous l'égide de l'OTAN, le Kosovo, monsieur le ministre des affaires étrangères, en 1999, et l'Afghanistan, en 2001.
Monsieur le Premier ministre, j'évoquais les dix-huit mois passés, mais nous avons devant nous des étapes qui restent difficiles et qui nécessitent un minimum d'unité nationale. J'ai déjà eu l'occasion de l'exprimer à cette tribune lors du débat sur l'Afghanistan. Lorsque nos troupes sont engagées, lorsque la paix du monde est en jeu, il faut s'éloigner des postures.
La politique extérieure, comme la politique intérieure, est marquée en 2009 par une crise d'une extraordinaire profondeur. Cette crise ne restera pas sans conséquences sur l'équilibre du monde. Elle va incontestablement participer à la redistribution des cartes au niveau international. Elle va sans doute précipiter encore le mouvement – vous l'avez évoqué, monsieur Fabius – d'émergence d'un monde multipolaire dans lequel nous aurons, plus que jamais, un rôle à jouer.
Nous avons, nous, la responsabilité, comme cela a été dit et fait, de porter l'idée de moralisation du capitalisme financier et d'équilibre au niveau du monde. Cette moralisation doit se traduire dans des faits. Elle passe par une remise à plat de l'architecture internationale des grandes organisations. Je pense évidemment au FMI, à la Banque mondiale. Toutes ces institutions ont montré leurs limites. Elles n'ont pas su anticiper une crise qu'elles ont été incapables de prévenir et de juguler. Il faut revoir le fonctionnement, les outils et les objectifs de ces institutions. Je pense que la France, qui a pris, en cette matière, l'initiative, doit continuer de jouer pleinement son rôle.
Cette moralisation passe également par le renforcement d'une idée, celle que l'entreprise ne peut pas se faire sans les hommes, que l'emploi doit être la priorité. Surtout en ces temps de crises et partout dans le monde, les entreprises doivent remettre l'homme et le salarié au coeur de nos préoccupations.
Il faut aussi intégrer encore davantage l'impact environnemental. La France doit porter ce message partout dans le monde, car cette crise nous offre des opportunités nouvelles en matière d'économie et nous ne devons pas reproduire les mêmes erreurs.
Il faut aussi agir dans le domaine du climat. Il faudra faire entendre notre voix, fortement, lors de la conférence de Copenhague. Sur tous ces sujets, la France a une responsabilité particulière ; elle doit faire entendre sa voix dans tous les domaines.
Dans le Livre Blanc sur la Défense, le Gouvernement et le ministre de la défense ont esquissé un tableau des nouvelles menaces auxquelles nous sommes confrontés – elles ont évolué, les menaces terroristes en particulier – et des nouvelles orientations que nous devons prendre pour nous en protéger.
La défense française a été réorganisée sur notre territoire même – j'aurais aimé que l'opposition s'exprime aussi sur ce sujet – avec la réforme de la carte militaire, pour mieux faire face à ces nouvelles exigences.
Vous avez également avancé dans la construction d'une Europe de la Défense, et cela doit être une priorité pour peser dans l'ordre du monde. L'élan que vous avez donné, monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre de la défense, est utile. Il créera, je le souhaite, une dynamique salutaire. Cette construction européenne ne peut se faire contre nos partenaires et en dehors de l'histoire qui a été celle de notre Europe.
Nous avons quelques questions simples à poser au moment où nous allons ou non accorder notre confiance au Gouvernement.
Est-ce que le fait que la France reprenne toute sa place dans l'OTAN est un risque pour la défense européenne ? Cette question a été abordée. À l'évidence, non ! Au contraire, je crois que c'est une nouvelle chance donnée à cette défense européenne. D'ailleurs, les Européens, faut-il le rappeler, représentent vingt-trois des vingt-six membres de l'OTAN.
Y a-t-il ou non, en intégrant le commandement militaire de l'OTAN, un risque d'alignement sur les Américains ? Je tiens à rappeler que ce n'est pas un risque. L'Allemagne l'a montré : elle n'a pas hésité à s'opposer, elle aussi, à Washington lors de la guerre en Irak.
Nous devons dire aux Français que beaucoup de nos nouveaux voisins européens, parmi l'ancien bloc de l'Est, ont un lien particulier avec l'Alliance. Cette organisation mise en place en 1949 pour protéger l'Europe de l'Ouest de la menace soviétique a été perçue, après l'effondrement de l'URSS, par les anciens pays satellites comme la meilleure des protections. Ces pays ne se sont alors pas privés de nous faire comprendre qu'il n'y aurait pas de défense européenne avec eux sans une clarification de la position française à l'égard de l'OTAN.
Ces jeunes démocraties, plus récentes dans l'Europe, portent un regard neuf sur ces deux entités. Elles ont le sentiment que l'OTAN et l'Europe sont les deux piliers d'une politique de défense efficace. Il faut les entendre.
Le renouveau de nos relations avec l'Alliance est une garantie pour faire avancer les programmes d'armement et participer à la construction de l'Europe de la défense. À cet égard, vous avez tenu des propos honteux, monsieur Mamère, à l'égard du Président de la République, qui est allé promouvoir l'emploi en France à travers les exportations, et notamment AREVA. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.) Ce secteur est porteur d'emplois en France, je peux en témoigner. Dans ma circonscription, à Montbard, Valinox Nucléaire, qui fabrique des tubes pour générateurs de vapeur, va créer 150 emplois. C'est une bonne nouvelle pour la France et l'emploi de nos compatriotes, monsieur Mamère ! (Mêmes mouvements.)
Comme vous l'avez rappelé, monsieur le Premier ministre, nous n'avons jamais quitté l'Alliance, loin s'en faut, et nous nous en sommes toujours progressivement rapprochés. Nous participons déjà à trente-huit des quarante comités civils ou militaires. Depuis 1995, nous avons envoyé des troupes dans toutes les opérations menées par l'OTAN. Un général français a même assuré le commandement de l'opération menée au Kosovo. Nous sommes parmi les premiers contributeurs tant en termes d'hommes qu'en termes de financement. Chaque année, nous versons 170 millions d'euros à l'Alliance, soit la quatrième contribution, et nos effectifs représentent 7 % du total. La France est donc bel et bien un membre de l'organisation et, on peut même ajouter, un membre important.
Pourtant, en dépit de tout ce que nous apportons, nous avions une position en quelque sorte passive en ne participant pas aux instances décisionnelles, ce qui n'était pas logique.
Réintégrer le commandement militaire, c'est ainsi redevenir membre du comité des plans de défense, l'une des trois plus hautes instances décisionnelles de l'Alliance, dont l'objet est de fixer les orientations militaires, de définir les besoins capacitaires ainsi que les objectifs à atteindre par chacun des alliés. Nous aurons donc voix au chapitre et il était difficile d'imaginer qu'il en soit autrement durablement. Telle est la position du groupe Nouveau Centre.
Réintégrer l'Alliance suppose de nouvelles responsabilités pour nous et c'est loin d'être anecdotique. En effet, non seulement nous participerons aux décisions, mais nous aurons également des postes de commandement importants. C'était d'ailleurs ce sur quoi s'était battu Jacques Chirac.
Réintégrer l'Alliance, est-ce perdre notre indépendance ?