Or les conséquences diplomatiques de la décision de Nicolas Sarkozy sont particulièrement lourdes. Notre position spécifique au sein de l'Alliance signifiait que la France était porteuse d'une ambition stratégique propre à l'Europe. En y renonçant, nous nous enfermons dans l'euro-atlantisme et nous y enfermons nos partenaires européens avec nous.
La dérive était déjà inscrite dans le traité de Lisbonne, à l'article 42. Il y a donc une vraie cohérence entre la défense du traité de Lisbonne et la réintégration complète dans l'OTAN, mais c'est une cohérence qui ne mène pas au renforcement de l'Europe. C'est la volonté française d'indépendance qui constituait le principal et peut-être l'unique aiguillon en faveur d'une défense vraiment européenne.
Si la sécurité de « la famille occidentale » est, comme l'affirme le Président de la République, indivisible, qu'est-ce qui justifie alors de donner à l'Europe les instruments de son autonomie stratégique ? Pourquoi y consacrer des moyens ?
La question de la défense européenne risque de ne plus être appréhendée que dans un cadre atlantique, c'est-à-dire sous leadership américain. Et même si celui-ci se fait plus aimable, cela ne change rien au fond. Le pilier européen, tel que l'envisage Washington, se réduira – on le voit déjà s'esquisser à propos de l'Afghanistan – à une sorte d'agence civile. Ce n'est pas cela qui renforcera le rôle politique propre de l'Europe dans la gestion des crises internationales. Au contraire, cette logique nous expose au syndrome du suivisme. Elle risque un jour de nous emporter sur la pente de la réduction de nos propres dépenses militaires et du délaissement de nos industries de défense.
Philippe de Villiers déclarait récemment : « Si nous n'incarnons plus un certain non-alignement, qui intéresserons-nous ? »
Hubert Védrine, dans ses recommandations au Président de la République, a souligné que le statut particulier de notre pays dans l'OTAN n'était pas un problème à régler, mais un atout à valoriser. Le retour de la France au bercail atlantique donnera à notre pays, disait-il, « une influence comparable à celle des autres alliés, c'est-à-dire quasi nulle ». « Et le prix politique à payer sera très élevé : la France sera considérée comme réalignée sur les États-Unis et traitée comme telle », avait-il ajouté.
La rupture n'a d'intérêt que si elle apporte une réelle valeur ajoutée. Or quelle valeur ajoutée donne à notre pays et à l'Europe le renoncement au statut spécifique de la France dans l'OTAN ? Aucune. Pire, il nous fait perdre sur tous les tableaux, car notre marge de liberté avait fini par être acceptée et même appréciée par les États-Unis.
Notre statut particulier apportait une contribution originale et stimulante à la relation transatlantique. Il était le symbole positif et attirant d'une indépendance de la France aux yeux du monde. Il incarnait la volonté et préservait les chances d'une politique européenne de défense autonome. Il était l'objet d'un précieux consensus national dont aucun motif solide ne justifie la rupture.
Telles sont les raisons, majeures, pour lesquelles, monsieur le Premier ministre, sans vouloir aucunement la chute de votre gouvernement, nous voterons sur la seule question qui aurait dû nous être posée : nous voterons contre la réintégration de la France dans les organes militaires intégrés de l'OTAN. Nous ne voterons sur rien d'autre que sur cette question essentielle. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes UMP et SRC.)