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Séance en hémicycle du 30 septembre 2010 à 9h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • atteinte
  • crime
  • déchéance
  • déchéance de nationalité
  • nationalité
  • policier

La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

L'ordre du jour appelle la discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 103 du Règlement, de six projets de loi autorisant l'approbation de conventions et accords internationaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Mon rappel au règlement porte sur la séance que vous ouvrez et les textes soumis par la commission des affaires étrangères.

Cinq textes étaient liés par un même rapport, et notre groupe a demandé un débat sur l'un d'eux. Nous souhaitions évidemment, comme ils étaient liés par un même rapport, un débat sur l'ensemble de ces textes, mais nous n'allions pas demander cinq débats sur cinq textes ; si cela avait été le cas, la présidence aurait pu considérer que nous faisions de l'obstruction. Nous nous sommes donc contentés de demander un débat sur un seul texte. Or il s'avère que ce débat a été reporté et qu'il ne se tiendra pas ce matin mais, je crois, la semaine prochaine.

Comme les textes sont liés, nous demandons qu'il ne soit pas procédé aux votes des quatre premiers textes ce matin et du cinquième la semaine prochaine. Ce serait faire voter certains d'entre eux avant même le débat sur l'ensemble de ces textes liés par un même rapport.

Si la présidence nous avait demandé si nous souhaitions un débat sur les cinq textes ou un débat sur un seul texte, nous aurions répondu que nous voulions un débat sur les cinq textes. Cependant, il fallait en choisir un car nous n'avons pas voulu apparaître comme faisant de l'obstruction en demandant un débat sur chacun de ces textes.

Je vous propose donc, monsieur le président, de reporter le vote des quatre textes concernés jusqu'au débat prévu pour le cinquième, la semaine prochaine, afin d'introduire de la cohérence. Il nous paraîtrait effectivement ridicule de faire voter quatre textes avant un débat, la semaine prochaine, sur le cinquième de la série.

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Mon cher collègue, je vous fais observer que la conférence des présidents a prévu l'examen et le vote de quatre textes ce matin, l'examen et le vote du cinquième intervenant ultérieurement. Il y a probablement une raison – vous l'avez indiquée vous-même – pour que le cinquième ait été ainsi séparé des autres.

La parole est à M. Jean-Pierre Dufau.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Dufau

Je veux m'exprimer dans le même sens que mon collègue car c'est, si je puis dire, le bon sens.

Les accords en question sont relatifs au même objet – l'échange de renseignements en matière fiscale – ; ils sont conclus avec des pays de la même zone géographique et ils sont l'objet d'un même rapport. Ils étaient donc intimement et indissolublement liés. Dans ce cas, soit on traite l'ensemble de ces accords dont un seul pouvait être soumis à débat, comme cela a été demandé par le groupe GDR, soit on annule l'ensemble.

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Monsieur Dufau, vous le savez comme moi : chacun des groupes était en mesure de faire opposition à la demande de discussion selon la procédure d'examen simplifié sur ces textes. Or cela n'a pas été fait.

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

La conférence des présidents a donc pris une décision, que la présidence de séance se doit de respecter, et il y aura un débat sur le cinquième texte dont vous savez probablement, comme moi, que c'est probablement le plus sensible.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Dufau

Qu'en termes élégants ces choses-là sont dites !

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Je vous remercie, c'est un très bon début.

Ces textes n'ayant fait l'objet d'aucun amendement, je vais mettre directement aux voix l'article unique de chacun d'entre eux, en application de l'article 106 du Règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité (nos 2400, 2814, 2782).

Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de quatre heures cinquante et une pour le groupe UMP, dont 172 amendements restent en discussion ; de sept heures trente-cinq pour le groupe SRC, dont 188 amendements restent en discussion ; de trois heures quatorze pour le groupe GDR, dont 108 amendements restent en discussion ; de quatre heures six pour le groupe Nouveau Centre, dont 26 amendements restent en discussion ; et de trente-quatre minutes pour les députés non inscrits.

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Hier soir, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles, s'arrêtant à l'article 3 bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Nous allons aborder la liste d'une dizaine d'orateurs inscrits sur cet article. Je vous rappelle que, dans le cadre du temps programmé, le temps de parole des orateurs inscrits n'est pas limité.

La parole est à M. Jean-Pierre Dufau.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Dufau

Monsieur le président, étant donné la célérité avec laquelle les questions précédentes viennent d'être traitées, je demande, au nom du groupe socialiste, une suspension de séance de dix minutes.

Article 3 bis

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à neuf heures quarante, est reprise à neuf heures cinquante-cinq.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

La séance est reprise.

De nombreux orateurs sont inscrits sur l'article 3 bis.

La parole est à M. Jean-Pierre Dufau.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Dufau

Monsieur le président, monsieur le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, monsieur le rapporteur de la commission des lois, avec l'article 3 bis, nous entrons au coeur du titre Ier. L'amendement du Gouvernement demandant la déchéance de la nationalité dans certaines conditions est on ne peut plus démagogique, indigne, bref, inacceptable.

Cette mesure n'est pas prise au hasard ; elle est consciente, organisée, cynique, mais, avant tout, elle est totalement inefficace au regard des dispositions du droit actuel. Elisabeth Guigou l'a d'ailleurs démontré et elle n'a pas été contredite. Quant au ministre, il a donné les mêmes éléments en commission.

Dans le droit actuel, la déchéance de la nationalité est prononcée de façon extrêmement rare, en tout cas, pas tous les ans. Il y a eu deux ou trois cas il y a plusieurs années, mais aucun depuis deux ou trois ans. C'est donc une mesure exceptionnelle, fort heureusement, car les crimes en cause sont odieux.

Monsieur le ministre, je vais vous poser une question, que je vous ai déjà posée en commission, mais à laquelle je n'ai pas obtenu de réponse.

Comme vous êtes féru de statistiques, vous avez sans doute lu les rapports effectués chaque année sur le sujet. Ma question est très précise : au cours des trois dernières années, combien de crimes, parmi ceux évoqués à l'article 3 bis, ont-ils été commis en France, quelle que soit l'origine de ceux qui les ont perpétrés ? Combien de crimes de ce type ont-ils été commis contre des forces de police, des magistrats ou des jurés ? À combien de ces criminels aurait été appliquée la déchéance de la nationalité selon les termes de l'article, autrement dit pour des personnes ayant acquis la nationalité française depuis moins de dix ans ?

Les réponses montreraient que votre mesure ne correspond à rien. Ce n'est ni un problème crucial ni un problème de société ; ce n'est rien d'autre que de l'opportunisme.

Par ailleurs, cette mesure est politiquement inacceptable au pays des droits de l'homme et du citoyen, dans notre République qui prône l'égalité comme valeur essentielle. C'est en effet une atteinte à l'égalité des citoyens que de distinguer pour un même crime relevant du droit pénal ceux qui sont Français depuis toujours et ceux qui ont acquis la nationalité française. Ce n'est pas l'origine qui fait la gravité du crime ; c'est le crime lui-même. Feindre de confondre les deux montre le cynisme du Gouvernement.

Je n'ironiserai pas – ce serait trop facile – sur la liste « à la Prévert » des dépositaires de l'autorité publique que vous évoquez. Il s'agit en effet de la déchéance de la nationalité qui pourrait être prononcée à l'encontre d'un Français dès lors qu'il serait l'auteur d'un meurtre – article 221-4 du code pénal –, de violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner, envers les personnes concernées, aux termes de l'article 222-8 du code pénal, car, je le rappelle, nous ne sommes pas dans le cadre du code civil.

Un magistrat, un juré, un avocat, un officier ministériel, entre autres, toutes ces personnalités dignes d'intérêt sont dépositaires de l'autorité publique. La liste est-elle exhaustive ? Si les pompiers y figurent, ce n'est pas le cas, par exemple, des médecins, des infirmiers, des parlementaires, des ministres et du Chef de l'État. Pourtant, porter atteinte, volontairement ou non, à de telles personnalités me semble d'une extrême gravité. Cette liste, établie quelque peu à la va-vite à partir des articles 221-4 et 222-8 du code pénal, est bien la preuve que cette disposition ne peut, en conséquence, que relever du droit pénal.

En agissant ainsi, vous bouleversez les fondements de notre droit, ce qui est totalement contestable. Cela m'amène, en conséquence, à démontrer qu'après être politiquement inacceptable, cette mesure est juridiquement anticonstitutionnelle. En effet, et M. le ministre l'a abondamment souligné, la déchéance de la nationalité existe dans notre droit. Nous soutenons cette disposition en cas de terrorisme, d'atteinte à la sûreté de l'État ou d'espionnage. La gauche a mis en place ce système et le revendique. Quand il s'agit des intérêts vitaux de l'État, cette sanction suprême peut effectivement être envisagée et elle l'est en France, comme dans d'autres pays.

En revanche, faire semblant de confondre les intérêts vitaux de l'État avec des crimes odieux perpétrés contre des agents de l'État ou des personnes dépositaires de l'autorité publique est un glissement inacceptable ! C'est entretenir une confusion entre l'intérêt général supérieur de l'État et des crimes abominables, que, certes, nous réprouvons, sur des personnes. C'est donc se tromper de registre.

Ces sanctions pour de tels crimes sont d'ordre pénal. Il est normal que ces crimes, de par leur gravité, soient passibles de sanctions pénales lourdes avec toutes les conséquences que vous savez, mais nous refusons qu'ils fassent l'objet de sanctions d'exception. Et c'est là tout le caractère anticonstitutionnel de cet amendement. Le Conseil constitutionnel se prononcera en la matière. Apparenter les intérêts vitaux de l'État à des crimes relatifs à des personnes, fussent-elles détentrices de l'autorité publique, revient à les banaliser, ce qui est inacceptable et contraire à notre Constitution.

Vous savez parfaitement, au fond de vous-même, que cette mesure anticonstitutionnelle n'aura aucune efficacité. Alors, pourquoi l'avoir envisagée ? J'attends une réponse.

En fait, l'objet de l'amendement vous importe peu. C'est un prétexte pour viser celui qui a acquis la nationalité française, qui n'est donc pas Français d'origine, et créer ainsi une polémique. C'est remuer ce qu'il y a de plus sombre, de plus triste, au tréfonds de certains individus. En résumé, c'est, vous le savez, la drague active des électeurs du Front national, le mépris des valeurs de la République, l'instrumentalisation de la xénophobie. En un mot comme en cent, les républicains sincères, et il y en a sur tous les bancs de cet hémicycle, s'y opposeront. D'autres, certes républicains, mais qui, sur ce point précis, manqueront de sincérité et renonceront à leurs profondes convictions, obéiront le doigt sur la couture du pantalon à une stratégie électoraliste qui ne passera pas.

Je remercie, par avance – ce qui ne m'empêchera pas d'être en désaccord avec eux sur d'autres points – ceux qui auront le courage de s'y opposer en conscience, car il s'agit vraiment d'une clause de conscience ! Tous les républicains, quelles que soient leurs sensibilités, doivent s'élever contre cette déchéance de la nationalité dans les cas prévus par le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, si j'avais un souhait à formuler, ce serait qu'à l'avenir le Président de la République et ses ministres évitent de perturber nos débats avec des diversions telles que celles qui ont été utilisées cet été. Je passe – car mon collègue Jean-Pierre Dufau vient de le faire – sur la confusion, à partir de quelques faits divers et manipulations de statistiques, entre criminalité et immigration, entre immigration et délinquance : toujours des mots, des peurs, des stigmatisations. Vous stigmatisez ainsi, à partir de l'agissement d'un individu, tous les étrangers et je vais étayer ce propos.

S'il arrivait que, par malheur, l'un d'entre nous, mes chers collègues, commette un meurtre, que dirions-nous si l'on nous renvoyait sans cesse que nous sommes tous des meurtriers ? Comment reprocher à certains Français de verser dans l'antiparlementarisme, parce que deux ou trois députés ont fauté, si nous accablons d'injures tel ou tel groupe pour les égarements de l'un de ses membres ? Notre droit encadre les actes et les paroles des personnes physiques ou morales ; il ne connaît, en revanche, aucune autre communauté que celle que nous formons tous : la communauté nationale.

La deuxième manoeuvre consiste à imposer un rajout aux motifs de la déchéance de la nationalité. Son efficacité promet d'être nulle. J'ai entendu M. Goasguen nous expliquer, hier soir, comment tout bon avocat pourrait contourner cette disposition. On peut douter que des personnes capables d'agresser un policier – crime qu'il convient naturellement de punir –, et qui se moquent bien des symboles de la République quand ils ne les insultent pas, accordent une quelconque importance à la couleur de leur passeport.

Mesure excessive, la déchéance de la nationalité, qui implique le maintien d'une différence potentielle entre citoyens français de naissance et citoyens d'origine étrangère, ne touche que des cas extrêmes. En somme, l'individu qui a choisi de devenir Français, dénonce, par ses actes, ce choix. Le Gouvernement nous opposera que s'attaquer à un policier est la preuve manifeste d'un tel revirement. Il n'en est rien.

Le terroriste ou l'espion commet un acte de guerre à l'encontre de sa propre société. Il en menace les intérêts, ses conditions d'existence, ou porte une atteinte directe à cette existence. Attenter à la vie d'un individu est un acte aussi définitif que grave, qui mérite les peines les plus lourdes. Cependant, ni les intérêts vitaux ni la vie du pays ne sont menacés. Prétendre l'inverse, c'est accorder une importance hors de proportion aux actes d'un criminel ou d'une bande de criminels. C'est surtout considérer l'intention pour rien, elle qui est essentielle dans notre système juridique. L'espion ou le terroriste, s'il est Français, a l'intention de nuire à son pays. Par motivation idéologique, il porte atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation. Le criminel n'a pas cette hauteur de vue. Quoi qu'il prétende, la pauvreté de ses actes parlera contre lui.

Enfin, cette déchéance reviendrait à instaurer une peine de mort civile. L'abolition de la peine de mort repose sur deux idées : un tribunal peut se tromper et l'individu, même coupable, est en mesure de s'amender ou de reconnaître la gravité de ses actes. Outre le fait qu'un État ne peut s'abaisser au niveau du criminel, un système faillible ne peut prendre de mesure aussi définitive que la peine de mort. Or, n'osant pas tuer le corps du criminel, vous proposez de tuer le citoyen,

J'ai abordé ce thème de la déchéance, au risque d'y accorder plus d'importance qu'il n'en mérite, mais ne croyez pas que nous soyons dupes. Vous usez aujourd'hui du même artifice mis au point lors des amendements « test ADN » pour orienter le débat au plus loin des fragilités de votre projet de loi initial. Les associations qui mènent un travail de décorticage de vos propositions depuis de nombreux mois, la presse devenue familière du goût pour l'intox du ministre, et nos concitoyens lassés de vos gesticulations incessantes ne s'y tromperont pas davantage que les députés de l'opposition. En temps et en heure, ils sauront évaluer votre bilan comme il se doit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Nous abordons sans doute la mesure la plus symbolique de ce texte de loi, qui a manifestement été conçue comme telle. Vous l'avez d'ailleurs vous-même reconnu, monsieur le ministre, lors de votre audition. Sa portée, chacun le sait, sera très limitée, puisqu'elle concernera peu d'individus. Elle sera probablement peu dissuasive, les peines susceptibles d'être appliquées pour ce type de crimes étant très lourdes, puisqu'elles peuvent aller jusqu'à la perpétuité. Par ailleurs – et même si je n'en sous-estime pas la gravité – elle s'appliquera à un phénomène en régression. Dans notre pays, en effet, les homicides et tentatives d'homicide sur des agents dépositaires de l'autorité publique, contrairement à d'autres types de violence qui progressent significativement, tendent plutôt à diminuer.

Nous sommes, par conséquent, fondés à tenter de comprendre les raisons pour lesquelles le Président de la République a décidé de nous présenter cette mesure au caractère si symbolique. Il est évident, cela vient d'être souligné, qu'il s'agit essentiellement d'une opération politique. Le contexte dans lequel elle a été présentée et la méthode employée ont permis à chacun de comprendre qu'il s'agissait tout simplement de s'adresser à une opinion inquiète, à une opinion crispée sur le plan identitaire. Le Chef de l'État et la majorité ont vu, à travers cette mesure, la possibilité de lui envoyer un message.

Vous nous avez répondu à plusieurs reprises, monsieur le ministre, que vous étiez le rempart du Front national.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Je suis plus modeste que cela !

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

C'est ce que vous nous dites, lorsque vous nous expliquez qu'il convient de prendre ce type de disposition pour limiter l'influence du Front national.

Je vous poserai deux questions sur ce point, parce qu'il faut aller jusqu'au bout du débat.

Premièrement, jusqu'où irez-vous dans la reprise d'un certain nombre de thématiques, fonds de commerce de l'extrême droite aujourd'hui ? C'est un point essentiel.

Hier, avec M. Mariani, qui était, c'est vrai, un peu à contre-emploi, vous avez passé une grande partie de l'après-midi à essayer de contenir les surenchères de la majorité. Je pense que vous avez enclenché une mécanique que vous n'allez plus contrôler.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Une partie de la majorité est d'ailleurs extrêmement créative, disposant, c'est vrai, d'un certain héritage puisqu'elle reprend notamment des propositions qui avaient été faites par M. Pasqua quand il était ministre de l'intérieur.

Jusqu'où irez-vous dans la reprise de ces thématiques et de ces propositions ? Vous risquez d'être assez rapidement débordé par ce type de processus et je suis convaincu que, dans la commission que vous annoncez, notamment sur le code de la nationalité, nous verrons ressortir les éléments qui ont commencé à apparaître hier.

Un autre point que je veux souligner, c'est le risque politique que vous prenez. Rien ne démontre en effet que Nicolas Sarkozy et la majorité soient dans la même situation qu'en 2007 et réussissent une nouvelle fois à contenir en quelque sorte le Front national ou, en tout cas, à récupérer une partie de son électorat. Chacun sait bien que le contexte a beaucoup changé : Nicolas Sarkozy n'est pas seulement un challenger, il a aujourd'hui des responsabilités essentielles, et je crains que, loin d'être un rempart contre le Front national, vous ne soyez en train d'organiser son ascension et d'installer le tremplin qui risque de lui permettre de faire un très bon résultat en 2012.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Conséquence, mais ce sera évidemment le problème de la majorité, vous serez contraints soit de faire une alliance avec le Front national soit d'être condamnés à l'impuissance. C'est pourquoi certains députés de l'UMP expriment des inquiétudes sur la nature de ce qui se fait mais aussi sur la stratégie.

J'évoquerai pour terminer la question constitutionnelle, qui a beaucoup été abordée.

Pour vous, Claude Goasguen nous l'a répété, cette mesure ne pose aucun problème de constitutionnalité mais, si vous en avez vous-même limité le périmètre d'application alors que M. Hortefeux avait proposé de l'étendre à d'autres délits, d'autres crimes, c'est pour la simple raison, qu'il y a un problème constitutionnel. Vous avez soulevé la question ; l'arbitrage vous a été favorable et le Gouvernement a reculé.

Soyons clairs : nous ne contestons pas le principe de cette mesure. Nous ne l'avons d'ailleurs pas entièrement supprimée en 1998, nous bornant à exclure une partie des délits visés. Ce qui en cause, c'est son champ d'application et je pense que c'est sur ce point que portera l'appréciation du Conseil constitutionnel.

Il est clair que le terrorisme, les atteintes aux intérêts fondamentaux de l'État concernent la nation, et l'on peut considérer qu'une personne naturalisée qui s'apprête à commettre un attentat, des crimes au nom d'une autre nation ou d'une idéologie terroriste se dissocie en quelque sorte de cette nation et porte atteinte à celle dont elle fait partie. Telle a été, je crois, la décision du Conseil constitutionnel à ce sujet. On peut alors justifier une telle mesure, qui est d'ailleurs administrative et non pas pénale.

Tel n'est pas le cas avec la mesure que vous nous proposez. L'intention criminelle n'est pas la même, elle est essentiellement crapuleuse. Le Conseil constitutionnel devra apprécier non seulement la gravité de l'infraction mais sa nature. Selon moi, ce sont des infractions de nature différente. Je pense donc qu'il y a une marge d'appréciation. Nous saisirons évidemment le Conseil constitutionnel mais je voulais bien préciser ce point.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Je l'évoquais en présentant la motion de rejet préalable, la déchéance de nationalité envisagée par l'article 3 bis est l'un des aspects les plus préoccupants de ce texte et pas seulement au regard de la constitutionnalité des dispositions prévues. Christophe Caresche et Jean-Pierre Dufau ont rappelé ce qu'a dit le Conseil constitutionnel en 1996 lorsqu'il a admis l'extension des motifs de déchéance au terrorisme. Dans son arrêt, il réaffirmait simultanément que, au regard du droit de la nationalité, les personnes ayant acquis la nationalité française et celles auxquelles la nationalité française a été attribuée à leur naissance sont dans la même situation.

Cela dit, d'une certaine manière, le mal est déjà fait. Avant même que ce texte ne soit adopté, le symbole est là. Quand certains, y compris des journalistes, qui utilisent des mots très précis, évoquent la question, ils parlent de la déchéance de nationalité d'étrangers naturalisés. Or, en France, il y a des Français et des étrangers, il n'y a pas de Français naturalisés. Vous avez d'ores et déjà distillé ce poison de la divisibilité de la République et de la nation.

Nous avons l'impression, probablement avec raison, que notre grande et vieille nation est éternelle, mais le « vouloir vivre ensemble » n'est pas éternel. Ce plébiscite de chaque jour dont parlait Ernest Renan est fragile, et les propos du Président de la République à Grenoble, ouvrant des possibilités de déchéance infinies, l'ont fragilisé. Nous avons comme voisin un pays qui est en train de s'interroger sur son « vouloir vivre ensemble ». Noël Mamère a parlé de la mithridatisation de la société française. D'une certaine manière, par ce type de propos, et au-delà même du fait que la mesure que vous vous apprêtez à faire voter a une portée extraordinairement réduite, ce que vous reconnaissez vous-même, le poison politique est déjà en train d'être distillé.

Nous déposerons un recours devant le Conseil constitutionnel, sur ce point comme sur bien d'autres, nous lutterons aussi contre ce poison que vous distillez en permanence. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Nous sommes confrontés à une augmentation dramatique du nombre non pas des meurtres mais des agressions et des atteintes aux dépositaires de l'autorité publique, et c'est en pensant d'abord et en particulier aux policiers qui ont été victimes du devoir, blessés dans l'exercice de leurs fonctions, que je veux revenir sur la question qui vous a été posée, monsieur le ministre : à quoi sert ce texte ? Très précisément, s'il avait été en vigueur, combien de fois aurait-il été appliqué ces dernières années ? Probablement aucune, parce que cette disposition, contestable sur le plan des principes, comme vient de le souligner Sandrine Mazetier, l'est aussi parce que son efficacité est totalement nulle.

Pour que le texte s'applique, il faudrait d'abord qu'un policier ou un dépositaire de l'autorité publique ait été tué. Nous ne le souhaitons pas et, d'un certain point de vue, nous pourrions voir dans votre texte une sorte de renoncement à assurer la protection des policiers et à éviter que cela se produise.

Il faudrait ensuite que celui qui a commis le crime ait été naturalisé durant les dix dernières années, comme si cela avait été moins grave si le meurtrier avait toujours eu la nationalité française. À cet égard, je vais citer quelqu'un auquel je n'ai pas l'habitude de faire référence dans cet hémicycle, Alain Juppé : « Est-ce plus grave de tuer un policier quand on est français breton depuis x générations ou lorsque l'on est de la deuxième génération maghrébine ? C'est pareil. Pourquoi déchoir l'un de la nationalité française et pas l'autre ? Cette disposition qui jouerait vis-à-vis des personnes ayant une double nationalité, je ne suis pas sûr que cela apporte grand-chose. »

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Il faudrait enfin que celui qui a commis le crime et qui a été naturalisé ait, en même temps, une autre nationalité et ne risque pas de devenir apatride.

Autant dire que cet article ne s'appliquera certainement jamais. Ce n'est d'ailleurs pas votre but, comme l'a très bien expliqué Christophe Caresche, puisqu'il s'agit pour vous de marquer les esprits.

Vous nous dites rechercher un effet dissuasif, mais il n'y a pas d'effet dissuasif. Ceux qui, dans un certain nombre de quartiers, tirent sur les policiers n'ont peur de personne. Ils n'ont pas peur de la prison, des peines à perpétuité, du RAID, du GIGN, et ils n'auront pas peur de la déchéance de la nationalité française, quand bien même cela les concernerait.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Je veux rappeler un peu d'histoire, monsieur Raoult, parce que nous avons l'expérience de ce type de dispositions. Nous avons le recul nécessaire, allais-je dire, sur ces dispositions destinées à frapper les esprits.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

En 2006, certains d'entre vous s'en souviennent peut-être, deux CRS avaient été passés à tabac à Corbeil-Essonnes. Il y avait à l'époque un ministre de l'intérieur qui s'appelait Nicolas Sarkozy, lequel avait immédiatement annoncé des dispositions législatives pour durcir les sanctions à l'égard de ceux qui s'en prenaient aux policiers.

Les sanctions ont été durcies dans la loi de prévention de la délinquance de 2007. Il y a eu la création d'une infraction spécifique, la possibilité de la réclusion criminelle à perpétuité, l'augmentation du quantum des peines, la création de l'infraction d'embuscade et du délit de guet-apens. Qu'est-ce qui a changé ? Rien.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Est-ce que cela a empêché que dix policiers soient blessés par balle aux Mureaux en mars 2009 ? Non ! Est-ce que cela a permis d'éviter ce qui s'est passé à La Courneuve, où l'on a tiré à la kalachnikov sur des policiers ? Non ! Est-ce que cela a permis d'éviter ce qui s'est passé à Grenoble ? La réponse est non ! Cela n'évite pas cette espèce de mode terrible que l'on constate actuellement dans certains quartiers, où des malfrats cherchent à « se faire un flic ».

Cela n'a pas permis non plus d'éviter ce qui s'est passé à Villiers-le-Bel, où près d'une centaine de policiers ont été blessés par arme à feu.

Nous avions alors eu droit aux mêmes déclarations de Nicolas Sarkozy : « Ceux qui ont utilisé les armes à feu contre la police auront à rendre des comptes. Cela ne peut rester impuni. C'est une priorité absolue dans une république et dans une démocratie : on n'utilise pas d'armes à feu contre les forces de l'ordre. Si c'est une nouvelle attitude, cela ne durera pas longtemps. » Hélas, cela dure !

Si vous présentez aujourd'hui un nouveau texte sur cette question, avec cette mesure si symbolique de la déchéance de la nationalité, c'est qu'il est pour vous bien plus facile de changer les lois que de retrouver les coupables et de les condamner ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) La vraie question, ce n'est pas celle de la déchéance de la nationalité française ; ce n'est pas de changer la loi, mais de retrouver les coupables pour qu'ils rendent compte de leurs actes devant la justice.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Monsieur le ministre, peut-être pouvez-vous nous dire, au nom du Gouvernement, où en sont les enquêtes sur les affaires des Mureaux et de La Courneuve ? La réalité à laquelle nous sommes confrontés – nous l'avons vu dans l'affaire de Villiers-Le-Bel –, c'est la loi du silence, l'absence de témoignages ou la rétractation des témoins, même anonymes, au dernier moment, sous les menaces, à cause de la peur. C'est parce que la police a trop abandonné les quartiers populaires, qu'il y a désormais dans ces quartiers trop peu d'activité de police judiciaire susceptible de constituer des dossiers solides, que nous ne parvenons pas à déférer les coupables devant la justice.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Ce que révèle cet article 3 bis, c'est que vous ne voulez pas regarder la réalité en face. Vous entendez faire croire que nous sommes confrontés à une insécurité exogène : l'insécurité serait un phénomène extérieur à la société française. Or, chers collègues, la montée de la violence, c'est un problème français ; les ghettos, c'est un problème français ; les atteintes aux dépositaires de l'autorité publique, c'est un problème français ! Le Gouvernement est incapable de les régler. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marietta Karamanli

L'article 3 bis nous ramène au coeur du problème posé par ce texte. L'extension de la déchéance de la nationalité, au-delà des cas d'atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation, y compris la trahison au profit d'un autre État, et d'atteinte à l'administration par des personnes exerçant une fonction publique, aux cas de meurtre ou de violences entraînant la mort d'un représentant de l'ordre public, est à plusieurs titres inquiétante. À défaut d'être efficace, c'est-à-dire dissuasive, elle vise en réalité autre chose. Je me pose en effet la question de l'utilisation symbolique et politique d'une telle disposition.

Celle-ci a été annoncée par le chef de l'État après des violences urbaines dans des quartiers où vivent des Français ayant des origines étrangères. Une telle disposition aurait pu être adoptée depuis longtemps, dans la mesure où les malfaiteurs, dans le cadre de la criminalité organisée, ont toujours défié les forces de l'ordre et n'hésitent malheureusement pas à faire disparaître ceux qui s'opposent à leurs méfaits. Pourtant, rien de tel n'avait jusqu'alors été envisagé.

Il y a lieu de s'étonner qu'une telle disposition soit discutée, non à l'occasion d'un texte de répression pénale, mais sur un texte relatif à la nationalité et à l'immigration. Je veux donc formuler trois observations sur la « révélation » subite de la nécessité d'une telle mesure.

Tout d'abord, je ne pense pas que celle-ci portera spécialement sur les délinquants les plus durs. Les personnes qui commettent des infractions graves visées par les articles 221-4 et 222-8 du code pénal n'ont pas renoncé à leurs méfaits malgré les peines de plusieurs années, voire de plusieurs dizaines d'années de prison, qu'elles encourent pour ces actes. Je doute donc fort que la menace d'une déchéance de nationalité les dissuade davantage ; je doute même qu'elles soient affectées par une telle décision, dont les effets matériels risquent d'être fort lointains.

Je ne peux donc m'empêcher de penser au contexte dans lequel cette mesure a été annoncée. Le 30 juillet 2010, à Grenoble, le Président de la République déclarait publiquement, à propos des violences urbaines et de la délinquance : « Nous subissons les conséquences de cinquante années d'immigration insuffisamment régulées. » Le 5 août suivant, son ministre de l'intérieur déclarait à son tour : « Chacun sait qu'il y a des liens entre délinquance et immigration. » Le 7 août, ce même ministre annonçait qu'il formulerait des propositions au Président de la République d'ici à la fin du mois pour la mise en oeuvre juridique de la mesure de déchéance de la nationalité contre les auteurs d'homicides envers les personnes dépositaires de l'autorité publique, de polygamie et d'excision.

Je constate ainsi que les discours des plus hautes autorités de l'État ayant précédé la présentation de cette disposition ont tous laissé penser que si l'on a des origines étrangères – ce que l'on s'est bien gardé de définir avec précision à ce moment-là –, on est probablement moins bon Français, davantage susceptible de transgresser les règles communément acceptées. De la sorte, on a laissé planer très subtilement l'idée que tous les Français n'avaient pas la même valeur. Je crois primordial de rappeler ce contexte, qui crée de façon malsaine une suspicion sur une partie des Français.

Je souhaite par ailleurs relever deux conséquences possibles de cette disposition, toutes deux délétères.

La première, c'est que, comme l'avait laissé entendre le ministre de l'intérieur, la déchéance de la nationalité pourrait concerner demain d'autres crimes ou délits, donc revenir régulièrement en discussion devant l'opinion et dans notre assemblée. La nature très différente des faits initialement visés ne manquera d'inciter à la surenchère.

La deuxième conséquence, c'est le risque que, dans un contexte de crise, des glissements successifs du droit opèrent des changements dans nos principes mêmes. Il y a quelques mois, a été réédité un ouvrage classique intitulé La Politique criminelle des États autoritaires, du professeur Henri Donnedieu de Vabre, livre d'histoire écrit pendant l'entre-deux-guerres qui montre comment certains États semblent mieux répondre aux besoins nouveaux que d'autres États fonctionnant de façon, disons, plus traditionnelle. De la sorte les premiers abandonnent des principes plus élevés et plus durables. Il ne s'agit, hier comme aujourd'hui, aucunement d'une rupture, mais bien de glissements et d'effritements.

J'espère très honnêtement que votre mesure n'en annonce pas d'autres et ne préfigure pas un recul durable de nos principes. C'est pour cette raison qu'il faut revenir sur cet article. (Applaudissements sur divers bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Cet article 3 bis est en effet un moment important. Il y a certes le débat, celui que nous avons dans cet hémicycle et qu'a le pays avec nous, sur les questions de l'immigration, mais ce débat n'est pas en cause. Il n'est évidemment pas médiocre ; il est nécessaire de débattre de ces questions, que ce soit sur les objectifs que se fixe notre pays, sur la politique conduite, sur les relations avec la politique de l'Union européenne, tous éléments sur lesquels nous formulons des propositions à l'occasion de ce texte.

Cependant il y a surtout le climat. À cet égard, je m'interroge : pourquoi ne cessez-vous, depuis plusieurs années, de créer autour de ces questions un climat qui rend le débat absolument impossible ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

L'été n'a pas été avare, depuis Grenoble, de déclarations de toutes sortes préparant notre débat parlementaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Des amalgames entre immigration et insécurité ont été relayés durant tout l'été. Une circulaire, signée, semble-t-il, par un républicain, fixait dans la même phrase un objectif – 300 camps –, une durée – trois mois – et une cible : la population Rom. Cela a participé au climat qui sévit aujourd'hui et qui n'est nullement serein, auquel contribuent d'ailleurs encore, monsieur le ministre, les amendements du Gouvernement, dont celui sur la déchéance de la nationalité. Vous voulez toujours, sur ces questions, créer le climat le plus préjudiciable à leur examen serein.

Vous savez pertinemment que ce texte – Christophe Caresche en a apporté une brillante démonstration – ne respecte pas la Constitution. Vous dressez une liste de professions ou de responsabilités. Dans ma circonscription, les médecins, les bijoutiers, les banquiers sont très inquiets de ne pas y figurer et de ne pouvoir donc prétendre demain à autant de sécurité, car c'est au fond à cela que l'on arrive. Quand on entre dans un tel mécanisme, on ne sait pas où les choses peuvent s'arrêter.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Les banquiers ne représentent pas l'autorité publique !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Quelle efficacité sommes-nous en droit d'attendre d'une telle mesure ? Vous pensez qu'elle sera efficace dans la lutte contre la délinquance ; mais l'efficacité est avant tout, pour vous, politique.

Le magazine Newsweek va publier dans quelques jours un dossier montrant notre pays du doigt, une fois de plus, pour la politique qu'il mène. Newsweek s'interroge sur cette région – il s'agit de l'Europe et pas simplement de la France – « la plus démocratique du monde qui est désormais le terreau des politiques extrêmes, ces politiques qui s'appuient sur ceux qui relient leurs déboires nationaux aux immigrés, aux musulmans, à l'Union européenne, à la recherche toujours de boucs émissaires ».

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Les Américains ne sont pas bien placés pour donner des leçons sur le sujet !

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Raoult

Bravo à la gauche qui cite Newsweek ! Allez-vous tout à l'heure citer le pape ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Face à vos déboires nationaux, la recherche de boucs émissaires est exactement la stratégie que vous adoptez !

Vous divisez la République, ce qui est dangereux, dans une période de crise. Vous jouez avec la nationalité. Pour être présent ici ce matin, parce que cet article est important, j'ai renoncé à une action que j'ai l'habitude de mener tous les jeudis et vendredis matin, à savoir à donner des cours d'instruction civique dans les classes de CM2 de ma circonscription.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Exactement. Vous devriez en faire de même, monsieur Raoult.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Raoult

Les municipalités socialistes ne m'en donnent pas l'autorisation !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Cette autorisation relève de la responsabilité de l'éducation nationale et non des municipalités. Nous vous expliquerons un jour le fonctionnement de l'école.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

Un peu de sérieux dans vos interpellations, monsieur Raoult !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Il existe aujourd'hui un nouveau jeu dans les cours de récréation. Celui qui est d'origine étrangère endosse le rôle d'un délinquant que l'on menace : « Attention, on va te retirer la nationalité ! »

Vous jouez avec une notion essentielle dans notre République. Comme l'a souligné Marietta Karamanli, nous verrons demain d'autres délits s'ajouter à la liste, d'autres débats paraître à l'ordre du jour au fil des faits divers. Connaissant votre réaction hypertrophiée aux faits divers, nous pouvons imaginer que, demain et puis après-demain, nous aurons cette même discussion sur la nationalité, après d'autres événements tragiques. Comment le débat serait-il serein dans ces conditions ?

Vous divisez la République : les Français et les étrangers, les Français de souche et les Français d'adoption, les bons Français, après les bons étrangers… Si nous voulions aujourd'hui un débat sérieux, monsieur le ministre, ce n'est pas vous qui devriez être au banc du Gouvernement, mais M. Hortefeux.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Comme Delphine Batho, j'ai envie de discuter avec lui, non pas de la façon dont les meurtriers de policiers seront punis, mais de celle dont on va chercher les armes dans les cités, dans les caves, pour empêcher les attaques contre les policiers ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Tout le monde sait que les policiers sont aujourd'hui en danger lorsqu'ils doivent intervenir dans les cités.

Pouvez-vous me rappeler – mais vous ne le savez certainement pas – le nombre d'opérations effectuées pour aller chercher les armes à feu détenues illégalement dans les cités les plus en difficultés ? Je vous donne la réponse : aucune ces derniers mois quand il n'y a pas les caméras de télévision ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Les armes continuent donc à circuler.

Si nous voulons demain éviter que toutes les professions dont vous faites la liste soient attaquées, il faut d'abord les protéger, aller chercher les armes et essayer d'arrêter ceux qui commettent des délits. C'est au ministre de l'intérieur de répondre ici même aux questions que nous soulevons, et non pas au texte et à l'amendement que vous nous proposez, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

Je veux solennellement crier, une fois encore, mon indignation.

Vous le savez, monsieur le ministre, cette mesure est inacceptable au niveau juridique. Elle est cynique, et vous l'êtes par là même parce que vous avez parfaitement conscience, comme l'a souligné Delphine Batho, que cet article ne servira strictement à rien. Enfin, elle est empreinte d'une démagogie certaine.

En effet, la disposition que vous proposez introduit au niveau juridique une différence inacceptable entre les Français. Notre collègue Jean-Pierre Dufau vous l'a rappelé : punir différemment deux citoyens français qui ont commis un délit de même nature est une violation de l'article 1er de la Constitution qui assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d'origine, de race ou de religion. Or vous ne visez qu'une catégorie de personnes, fichées selon des critères injustes et ségrégatifs : injustes parce que sectaires, ségrégatifs parce que liés aux origines sociales ou culturelles.

Il est vrai que ces critères sont bien choisis en termes de communication puisque vous flattez ainsi les travers les plus noirs et les plus tristes de notre pays. Vous sombrez dans une démagogie sordide, celle qui touche les esprits les plus fragiles ; une fois encore, pour sacrifier à la communication, pour satisfaire aux exigences d'un Front national qui, par définition, ne sera jamais satisfait tant il est excessif dans ses propos, dans sa volonté et dans ses buts, vous allez remettre en cause notre pacte républicain, au risque de perdre votre âme. Il serait vraiment intolérable et inadmissible qu'une telle mesure mettant en cause des gens d'origines diverses et variées soit inscrite dans la loi.

En espérant, monsieur le ministre, que vous vous ressaisirez et que, désormais, en France, pays de la liberté et des droits de l'homme, chaque Français, quelle que soit son origine, soit toujours traité avec le respect et la dignité qui sont dus à tout être humain. (Applaudissements sur divers bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux à mon tour revenir sur cet article et sur les conséquences qu'il va avoir sur l'ensemble de la société française.

Premièrement,Élisabeth Guigou rappelait hier qu'il fallait faire la différence entre les crimes de droit commun et les crimes qui mettaient en péril la sécurité de l'État. Que l'on soit clair : à partir du moment où il y a menace pour la sécurité de l'État de la part d'un Français, la déchéance de sa nationalité est tout à fait concevable. En revanche une personne qui commet un crime de droit commun, quelle qu'en soit la gravité, ne relève pas du tout de la même logique.Christophe Caresche l'a indiqué : c'est sans doute le point épineux de votre texte, et le Conseil constitutionnel ne manquera pas de le soulever.

Deuxièmement, non seulement vous confondez des crimes de nature tout à fait différentes, mais vous allez diviser les Français en plusieurs catégories. S'agissant des criminels, il y aurait ceux qui ont acquis la nationalité française et qui, dans leur parcours de vie, commettraient un crime de droit commun – personne n'est à l'abri, un jour ou l'autre, d'en commettre un dans un moment de démence – : ils seraient déchus de leur nationalité au motif qu'ils ne la mériteraient plus. Par contre les Français depuis deux, trois ou quatre générations, qui commettraient le même crime mériteraient de garder la nationalité française. On est devant un dispositif aberrant. Vous allez aussi créer deux catégories de Français victimes en mettant à part ceux qui auraient un statut particulier lié à l'autorité de l'État.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

À cet égard, je note que les ministres ne sont pas concernés ; on pourra donc tuer un membre du Gouvernement sans être déchu de sa nationalité ! On pourra tuer un parlementaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Oh, un parlementaire ne sert pas à grand-chose ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

On pourra tuer un enseignant. Chacun comprend maintenant, s'il en était besoin, l'absurdité du projet de loi et de cet article. Il n'y a pas deux sortes de crimes : des êtres humains sont tués et c'est en fonction de la gravité du crime qu'il faut statuer. Il ne faudrait prendre en considération que cela et pas autre chose.

Troisièmement : je tiens à souligner la façon dont on procède avec les lois sur l'immigration, depuis 1993. Il s'agit quasiment toujours du même scénario : un projet de loi, puis des amendements de votre majorité visant à le rendre encore plus extrême et, à chaque fois, dans leur rôle bien rodé, le rapporteur et le ministre y font obstacle. Ainsi, je savais dès hier en sortant de l'hémicycle ce que sera la future loi sur l'immigration dans un an – pas celle de 2012 parce que j'espère que vous ne serez plus majoritaires – car on voit toujours poindre, dans les amendements refusés, la loi prochaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

Vraiment cela fait peur parce que, parmi eux, certains effraient l'humaniste que je suis !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

Une chose est sûre, monsieur le ministre : vous nous faites une belle démonstration de votre conception de l'assimilation. Vous avez en effet bien assimilé un certain nombre d'idées du Front national, et vous les avez intégrées à votre politique. Cela ne sera pas de nature à le faire baisser dans le pays, je vous le garantis. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Raoult

Ce sont vos anciens électeurs qui votent Front national !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

Je veux revenir sur plusieurs points abordés par des collègues socialistes.

Oui, Delphine Batho a eu raison de rappeler tout l'arsenal, toute la panoplie qui existent aujourd'hui en matière sécuritaire, et qui n'ont pourtant rien réglé en ce domaine. Cela étant, je trouve qu'elle a dressé un tableau très noir.

En tout cas il est indéniable que les habitants de notre pays, qu'ils soient d'ailleurs français ou étrangers, attendent surtout de pouvoir obtenir justice des actes dont ils sont victimes, ce qui suppose que la police judiciaire ait les moyens de ses missions. Nous avons besoin de personnels qui mènent des enquêtes, qui remontent des filières et qui puissent être efficaces pour permettre d'appliquer aux coupables les sanctions que ceux-ci méritent.

Dans l'intervention de ma collègue, je partage sa remarque sur l'abandon de la police de proximité. Tant que nous aurons une police qui ne fait la plupart du temps, comme l'a dit Bruno Le Roux, des interventions que si les caméras de télévision les suivent, on sera complètement à côté de la plaque par rapport à l'attente de la population.

En revanche, contrairement à Delphine Batho, je pense que la montée de la violence et le processus de ghettoïsation ne sont pas propres à la France, ce qui ne dédouane pas le Gouvernement de ses responsabilités. Plusieurs d'entre nous ont souligné que ce sont ces phénomènes qui, dans beaucoup de pays européens, alimentent à nouveau la montée des périls. Cela devrait préoccuper en France comme ailleurs.

Enfin, sur cet article, il est encore utile de répéter que votre objectif, monsieur le ministre, est non pas d'être plus efficace, mais de flatter l'opinion dans ce qu'elle a de plus vil, de plus bas. Comme votre gouvernement est incapable de régler les grandes questions fondamentales…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Et la question des retraites ? On s'en est occupé il y a quinze jours !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

…posées à tous ceux qui vivent dans ce pays, Français comme immigrés, avec ou sans-papiers, c'est-à-dire les questions de l'emploi, de la formation, du logement, de la sécurité, de l'éducation, il essaie de faire glisser le débat idéologique vers le problème de l'immigration.

Vous et votre gouvernement le faites en utilisant un moyen profondément nauséabond : assimiler immigration et insécurité. C'est le sens du discours de Grenoble, mais ce n'est pas digne de notre République et j'espère que, dans cet hémicycle, y compris du côté de la majorité, il y aura suffisamment de républicains pour refuser de considérer que cet article est en accord avec l'esprit républicain et avec le passé de la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Il faut lire Hughes Lagrange, mon cher collègue !

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

Lagrange n'abonde pas dans votre sens, monsieur Vanneste !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Monsieur le ministre, mes chers collègues, le dispositif en vigueur concernant la déchéance de la nationalité est relativement clair ; il n'a maintenu que deux cas de déchéance : les faits d'espionnage et ceux de terrorisme. En effet, il y a alors atteinte directe aux intérêts de la nation et l'on peut supposer que les auteurs se sont servis de l'acquisition de la nationalité française pour mieux arriver à leurs fins.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Étendre au-delà la déchéance de nationalité constitue à l'évidence une atteinte extrêmement grave au principe d'égalité constitutionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Quels sont les arguments invoqués ?

Il s'agirait de protéger les détenteurs de l'autorité de la force publique, police ou gendarmerie. Or nous sommes en train de faire tout le contraire. Quand on parle avec des représentants des forces de l'ordre, l'on constate qu'ils sont dans une situation extrêmement difficile : d'un côté, il y a le discours sécuritaire prononcé au plus haut niveau et, de l'autre, sur le terrain, des consignes pour être le moins présent possible car les responsables redoutent que le moindre incident soit mis sur le compte dudit discours sécuritaire ! C'est là le paradoxe ! (Approbations sur de nombreux bancs des groupes SRC et GDR.)

La surenchère sécuritaire est peut-être gratifiante auprès des médias et d'un certain public, mais elle est désastreuse sur le terrain opérationnel ! (Applaudissements sur divers bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Et puis il s'agirait d'agir sur le terrain des symboles.

À cet égard, notre collègue Delphine Batho a cité à juste titre Alain Juppé, qui a souligné l'inanité et l'inefficacité de ces dispositions. En fait de symboles, monsieur le ministre, vous êtes en train d'entacher l'image de la France et l'image de la République (Murmures sur les bancs du groupe UMP.) aux yeux des Français, aux yeux du monde, au regard de l'histoire ! Voilà l'anti-symbole qui restera attaché à votre loi et à votre gouvernement ! (Vifs applaudissements sur de nombreux bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Raoult

Daniel, allez donc vous asseoir avec eux ! (Vives protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Bel exemple ! M. Raoult n'aime pas les humanistes !

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, l'invective que nous venons d'entendre est extrêmement intéressante.

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

L'auteur de cette invective – je ne le nomme pas pour qu'il ne se sente pas agressé – demande un clivage de cette assemblée en deux blocs : d'un côté, ceux qui seraient humanistes, laxistes, angéliques et que sais-je encore ; de l'autre, ceux qui protégeraient les citoyens.

C'est aussi l'objectif de cet article. M. Garrigue a raison d'en appeler au respect des fondamentaux de la République comme argument premier, car tout le monde – y compris le ministre – sait que cet article n'est pas conforme à notre Constitution.

Tout le monde sait que, s'il est saisi, le Conseil constitutionnel risque de déclarer non conforme à notre Constitution. Les parlementaires chevronnés de l'UMP le savent aussi, et certains d'entre eux l'ont déjà exprimé.

Dans ce cas, pourquoi prévoir un article qui fait courir ce risque ? Pourquoi débattre d'une mesure qui nous retient des heures au Parlement, qui ne sera jamais efficace comme cela a déjà été largement démontré et qui, en plus, n'est pas constitutionnelle ? Parce que cet article devient un tract politique. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)

C'est un tract, une affiche, un discours. Il veut inventer un clivage bien défini dans cette assemblée : il y aurait d'un côté, ceux qui vont voter pour cet article parce qu'ils auraient l'envie et la volonté de protéger les citoyens ; de l'autre, ceux qui vont voter contre parce qu'ils auraient envie de se faire agresser, tuer, de ne pas défendre les policiers. Cet article est donc un tract politique clivant, utilisé comme tel, et c'est grave à double titre.

D'abord, cette disposition créée des catégories de Français et, comme mes collègues l'ont très bien rappelé, elle prend acte du fait que nous allons assister, dans l'avenir, à des assassinats de policiers ou de représentants de l'ordre. Prenant acte de la violence de cette société, de l'existence d'armes, on annonce que les tueurs perdront leur nationalité. Comme Bruno Le Roux, je pose la question : ne vaudrait-il pas mieux essayer de les empêcher de tuer ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Dans ce discours récurrent, la perspective de la sanction serait le seul moyen d'arrêter le bras des assassins.

Malheureusement, le nombre d'agressions ne baisse pas quand on annonce l'aggravation des peines encourues. Malheureusement, à ce niveau de crimes et d'horreurs, celui qui tient l'arme n'est pas en train de se demander ce qu'il risque.

Voilà pour le premier point qui, en effet, aurait nécessité un échange avec le ministre de l'intérieur.

Ensuite nous sommes à l'Assemblée nationale, le lieu du débat républicain. Nos échanges sur la nationalité – quelles que soient nos familles politiques, monsieur Raoult – devraient être sereins et construits. Or, nous sommes en train de discuter d'une disposition qui est anticonstitutionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Nous ne sommes plus dans le lieu du droit ; nous sommes dans le lieu du meeting politique. Ce n'est pas acceptable.

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

En intervenant ce matin sur ce thème, nous voulons dire à la majorité qu'elle a encore la possibilité de mettre fin à ce qui devient une mode : faire du Parlement un lieu de meeting politique…

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

…et, qui plus est, non respectueux des règles de la démocratie et des fondements de la République. Cet article est un scandale au regard de ce que sont la République et notre Constitution.

Second scandale : le Parlement ne sert plus à dire le droit dans le respect de la Constitution, mais à faire des affichages de politiques qui, malheureusement, ne sont pas efficaces. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Tout en évitant les redites, je veux rebondir sur une phrase de ma collègue Marietta Karamanli : votre projet de loi fait en sorte que tous les Français n'ont pas la même valeur. Pire : votre projet de loi – notamment cet article – fait en sorte que tous les hommes n'ont pas la même valeur.

En effet, tout est organisé autour du tri.

Un tri selon la qualité : les étrangers méritants seraient plus vite naturalisés que les étrangers non méritants, sur le thème de l'immigration choisie que vous avez déjà développé.

Un tri selon les origines : dans l'article 2 ter, il est fait allusion à différentes nationalités, laissant penser que, peut-être, selon sa nationalité, on aurait plus ou moins de chance d'être naturalisé. Un tri selon la religion.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

C'est scandaleux de dire ça !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

J'assistais aux débats hier soir, monsieur le ministre. Le colloque prévu par une partie de l'UMP d'abord rue de la Boétie…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Je reprends, monsieur le président.

Je vous renvoie au thème et au titre du colloque prévu aujourd'hui d'abord rue de la Boétie puis ensuite éventuellement à l'Assemblée.

Un tri selon l'état de santé : j'ai entendu notre rapporteur s'exprimer à la radio sur le sujet, mais je n'ai pas bien compris si l'on devait accueillir ceux qui étaient très malades ou au contraire ne pas les accueillir parce qu'ils coûtaient trop cher à soigner dans notre pays.

Un tri selon la nature de la victime ou de l'assassin. Le meurtrier d'un dépositaire de l'autorité publique – un policier par exemple – ne serait pas pénalisé de la même façon que le meurtrier d'un homme ou d'une femme ordinaire, comme si la gravité d'un crime dépendait de la qualité de l'auteur ou de la victime.

Delphine Batho a parfaitement décrit l'échec de votre politique sécuritaire, je n'y reviendrai pas. Un crime reste un crime, quel que soit son auteur et quelle que soit sa victime.

Je terminerai – j'ai promis de faire court – sur un élément plus personnel et local.

Je suis né en Moselle et je suis élu du nord de la Meurthe-et-Moselle. Mon père était un « Malgré-nous », enrôlé de force dans l'armée allemande. Enfant, j'ai vécu ses doutes et ses difficultés par rapport à cette question de nationalité.

Je suis élu d'un pays minier où les Italiens, les Polonais, les Nord-Africains sont venus travailler dans la mine pour la prospérité et la grandeur économique de notre pays. Beaucoup ont laissé leur vie au fond de la mine ou après, atteints de maladies professionnelles qui ont écourté leur vie. Au passage, je signale que vous bafouez les régimes sociaux des mineurs, mais ce n'est pas le sujet du jour.

Je suis élu d'une zone frontalière où près de 100 000 Lorrains franchissent les frontières pour aller travailler.

Pour toutes ces raisons, je crois pouvoir parler d'écoeurement par rapport à votre texte qui n'est finalement qu'une opération de communication, ainsi que l'a souligné Marylise Lebranchu.

Pour vos soirées, s'il vous reste un peu de temps, je vous donne un conseil de lecture : Le Rapport de Brodeck, un livre noir de Philippe Claudel, écrivain lorrain, nancéen, scénariste.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Le héros est un étranger et, tout au long du roman, il est appelé l'Anderer, c'est-à-dire l'Autre, pour les non-germanistes.

Eh bien oui, je suis écoeuré par ce que porte le texte que vous présentez aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Étienne Pinte

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article 25 du code civil énumère les motifs pour lesquels une personne ayant acquis la nationalité française depuis moins de dix ans – ou depuis moins de quinze ans en cas de condamnation pour crime ou délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ou un acte de terrorisme – peut en être déchue.

L'amendement du Gouvernement vise à ajouter un nouveau motif de déchéance fondé sur une condamnation, soit pour coups mortels, soit pour meurtre, sur l'une des personnes protégées visées par le quatrième paragraphe de l'article 221-4 et par l'article 222-8, à savoir : sur un magistrat, un juré, un avocat, un officier public ou ministériel, un membre ou un agent de la Cour pénale internationale, un militaire de la gendarmerie nationale, un fonctionnaire de la police nationale, des douanes, de l'administration pénitentiaire ou toute autre personne dépositaire de l'autorité publique, un sapeur-pompier professionnel ou volontaire, un gardien assermenté d'immeubles ou de groupes d'immeubles ou un agent exerçant pour le compte d'un bailleur des fonctions de gardiennage ou de surveillance des immeubles à usage d'habitation en application de l'article L. 127-1 du code de la construction et de l'habitation, dans l'exercice ou du fait de ses fonctions, lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l'auteur.

Quatorze catégories de personnes sont deux visées.

En 1998, le Gouvernement de l'époque a décidé de supprimer la déchéance pour condamnation criminelle de cinq ans ou plus. D'une part, elle ne concernait pratiquement personne, puisque nul ne peut être naturalisé s'il a été condamné à une peine égale ou supérieure à six mois de prison, selon l'article 21-27 du code civil. D'autre part – et surtout –, cette disposition a été supprimée pour se conformer aux exigences de la convention européenne sur la nationalité du 6 novembre 1997, dont un article ne prévoit la déchéance que pour « comportement portant un préjudice grave aux intérêts essentiels de l'État partie ».

Monsieur le ministre, j'ai deux questions à poser au Gouvernement.

À l'occasion de la présentation de votre texte, que ce soit en commission des lois ou au cours des débats, vous nous avez indiqué que le Président de la République s'était engagé à la nomination d'un sage ou d'une commission de sages pour réformer le code de la nationalité. Pouvez-vous nous indiquer à quel moment le Président de la République s'est engagé à désigner un sage et une commission des sages ?

Ma deuxième question est celle que j'ai déjà posée lors de mon intervention d'hier : comment confier à un sage ou à une commission de sages le soin de réformer le code de la nationalité sans les saisir également de la déchéance de la nationalité ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Je suis déjà intervenu hier, comme M. Pinte, dans la discussion de l'article 1er du titre Ier, qui porte sur la nationalité et l'intégration, moment clé de ce débat. Même s'il n'a pas daigné me répondre, j'ai mis M. Besson en face, non seulement de ses contradictions, mais aussi de ses reniements, à partir de l'extrait suivant, que je tiens à relire aujourd'hui : « Chaque fois qu'il se trouve en difficulté ou se voit obligé de se justifier de son action, Nicolas Sarkozy se saisit d'un fait divers pour enfiler la combinaison qu'un Le Pen laisse parfois au vestiaire, de celui qui dit tout haut ce que les Français pensent tout bas. Un jugement à l'emporte-pièce, une provocation suivie d'une polémique, le tout conclu par un sondage qui démontrerait que Nicolas Sarkozy a les élites contre lui mais le peuple avec lui, et le tour est généralement joué. » Ces propos ont été les vôtres, monsieur Besson.

C'est dire si le mot « reniement » est celui qui convient puisque, aujourd'hui, c'est vous qui êtes au banc du Gouvernement pour faire ce que vous dénonciez.

Ce qui est en train de se passer est particulièrement grave. Nous avons appris ce matin que le magazine News Week, journal indépendant, publiera la semaine prochaine une enquête sur la montée du populisme en Europe marquée par la poussée de l'extrême droite en Suède et la politique anti-roms de la France. La photographie de Nicolas Sarkozy figurera en couverture de l'hebdomadaire américain, comme symbole du nouvel extrémisme européen.

Le président français est présenté comme un centriste qui joue avec l'extrémisme. Est-ce exagéré ? Hélas non ! Nous sommes bien au coeur de la question. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

Nous ne sommes pas dans un comité de rédaction. Nous sommes à l'Assemblée nationale !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Ferrand

Parlez-nous plutôt des conditions d'obtention de la carte verte aux États-Unis !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Mesdames, messieurs les députés de l'UMP qui m'invectivez – tous dans vos rangs ne le font pas, d'ailleurs –, je vous demanderai d'écouter jusqu'au bout ce que j'ai à dire devant la représentation nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

Nous irons acheter News Week. Nous n'avons pas besoin qu'on nous en fasse la lecture !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

La déchéance de la nationalité qui est proposée aujourd'hui est – cela a été dit par mes collègues avant moi –, une opération purement et essentiellement politique. C'est une disposition symbolique. On sait – et cela a été démontré – qu'elle n'aura absolument aucun effet contre le crime, qu'il faut évidemment combattre par ailleurs. C'est d'abord une opération électoraliste, dont les conséquences sont désastreuses.

Vous êtes en train d'adresser au pays, mesdames, messieurs de la majorité, et notamment à ceux qui l'attendent, un message de légitimation du discours de l'extrême droite (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC), qui ne cesse, depuis des années, non seulement de lier l'insécurité à l'immigration, mais encore d'en faire la cause principale de la violence dans notre pays. Vous légitimez l'extrême droite. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

On doit voir en cela, comme cela a été dit par plusieurs collègues, notamment par Delphine Batho, la manifestation de l'échec de votre politique en matière de sécurité et de lutte contre la violence, dont votre majorité a la responsabilité depuis 2002. C'est grave d'en être arrivé là ! C'est grave de ne plus savoir quoi faire, sinon de lancer des opérations de manipulation et de gesticulation, dont vous devriez mesurer la gravité.

Si c'était sans importance, nous ne serions pas dans cette assemblée en train d'en débattre. C'est, au contraire, très grave, je tiens à y insister. Ce message de légitimation de l'extrême droite n'est pas destiné qu'à l'électorat de celle-ci mais également à l'ensemble des Français et, en particulier, à ceux d'origine étrangère, dont l'intégration n'a pas toujours été facile et dont certains souffrent parfois d'une exclusion sociale. Ils vont recevoir ce message comme une nouvelle fragilisation de leur situation. Ces Français à part entière d'origine étrangère sont intimidés par ce que vous êtes en train de faire. Ils sentent une suspicion à leur égard et une menace, alors qu'ils ne souhaitent qu'une chose, comme je l'avais souligné dans le débat organisé par le Parlement sur l'identité nationale, qui est en quelque sorte une forme d'indifférence, c'est-à-dire être considérés comme tous les Français, des Français peut-être d'origine différente mais des citoyens et des citoyennes de la République française. C'est cela qu'ils attendent de la représentation nationale. Or, au lieu de cela, vous leur apportez une nouvelle forme d'insécurité.

Je veux m'adresser, de façon solennelle, comme je l'ai fait hier, à tous les républicains de cette assemblée. J'ai, en effet, été sensible aux interrogations et aux doutes exprimés dans cet hémicycle, à l'extérieur de celui-ci et dans les médias par des membres de la droite républicaine, qui sont inquiets de ce qui se prépare.

Mes chers collègues, nous sommes à un moment charnière de la législature et même du quinquennat de M. Sarkozy. De quel côté de la République allez-vous vous situer ?

Est-ce du côté de M. Mariani, le rapporteur de ce texte, qui se déclarait, hier soir, lassé par les rappels incessants de l'identité républicaine de la France et des valeurs de la République ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Ou est-ce du côté de ceux qui pensent qu'en toutes circonstances, notamment dans les plus difficiles, où les Français doutent et sont inquiets pour leur avenir, il faut revenir aux fondamentaux qui nous rassemblent, c'est-à-dire aux fondamentaux de la République, du côté de ceux qui, au-delà des différences politiques, sont soucieux, avant toute autre considération, de l'intérêt général et de l'honneur de la République française, parce que, déjà Français ou devenus Français, ils en sont fiers et sont blessés par les atteintes portées à sa réputation par des observateurs étrangers ?

J'ai moi-même ressenti une gêne cet été face aux questions de mes interlocuteurs étrangers. Ils ne portaient pas de jugement, me parlaient avec respect mais ils s'interrogeaient sur ce qui se passait en France et sur les raisons pour lesquelles notre pays ne portait plus le message universel de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui a fait le tour du monde et est même devenu la charte des Nations unies. C'est cette question que je pose à ceux qui auront à voter tout à l'heure sur ce texte.

Je me souviens d'une phrase, d'une simple phrase, de Michel Noir qui a sauvé, à une époque, l'honneur d'une partie de la droite. Il avait, en effet, déclaré qu'il préférait perdre une élection que perdre son âme. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Je tenais à la rappeler, car elle est à l'honneur de cette partie de la droite qui est républicaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Oui, je le répète, nous sommes à un tournant de la législature et du quinquennat de Nicolas Sarkozy, l'objectif étant de planter un décor nouveau avant la prochaine élection présidentielle.

Je ne fais pas partie de ceux qui diabolisent Nicolas Sarkozy. (Rires sur les bancs du groupe UMP.) Non, le débat et la critique sont politiques.

Je ne pense pas que les dispositions qui nous sont proposées ne soient qu'un effet de son caractère ou d'un emportement, même si cela peut lui arriver comme à d'autres. Elles sont le fruit d'une analyse pointilleuse, d'une stratégie délibérée visant, comme je le disais, à installer un nouveau décor pour la prochaine élection présidentielle. Elles procèdent d'une stratégie permanente de la tension et de l'opposition des Français entre eux.

Croyez-vous que la distinction terrible qu'il a faite dans son discours de Grenoble entre les Français de souche et les Français d'origine étrangère soit due au hasard ? Croyez-vous qu'il ne s'agisse que d'un dérapage verbal ? Non ! Cela découle, je le répète, d'une stratégie, qui peut conduire à des situations catastrophiques pour la France.

Comme je l'ai évoqué, lors des journées parlementaires du parti socialiste, il pourrait même s'agir d'une stratégie d'alliance de revers. Oh, je ne dis pas que ce soit déjà décidé. Mais cette possibilité n'est, hélas, pas exclue par celui qui se trouve aujourd'hui à la tête de l'État.

À force de développer ces thèses et d'opposer les Français entre eux, vous créez, mesdames, messieurs de la majorité, un climat, vous suscitez des habitudes et conduisez à une certaine banalisation.

Le futur candidat du Front national à l'élection présidentielle sera bientôt désigné. J'ai entendu, il y a quelques jours, par hasard, une interview croisée des deux protagonistes, que le mot « antagonistes » qualifierait mieux. L'un dit vouloir rassembler l'extrême droite identitaire tandis que l'autre avoue n'avoir d'autre but que de gouverner. Gouverner seul ? Qui peut l'imaginer ? Alors, avec qui ? La question est posée.

J'ai fait référence à une enquête qui paraîtra prochainement dans News Week mais je n'ai pas besoin de ce magazine pour savoir ce qui se passe en Europe. Partout où les extrêmes droites sont rentrées au parlement ou sont rentrées renforcées comme aux Pays-Bas, elles essaient de se donner un visage plus respectable, évitant les dérapages bien connus.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Aux Pays-Bas, un gouvernement va « enfin » être constitué, mais dans quelles conditions ? Il devra compter sur l'appui de l'extrême droite qui fait désormais partie de la majorité parlementaire avec les conservateurs.

Oui, la situation est préoccupante en Europe. Et la France n'est pas épargnée. Elle peut également être touchée si nous n'y prenons pas garde et nous laissons aller à des votes que certains pourront considérer comme anodins mais qui sont tout sauf anodins. Il faut tout faire pour empêcher la « berlusconisation » de la vie politique française. C'est une mission de salut public et je pense qu'il y a, sur ces bancs, des hommes et des femmes qui sont conscients de cette nécessité.

Comme Jean-Pierre Dufau y a insisté, c'est à un vote de conscience auquel chacun de vous, au-delà de votre adhésion à un groupe parlementaire, est appelé dans quelques instants, un vote de conscience pour lequel vous ne pouvez pas vous laisser dicter votre conduite par des ordres ou des consignes venus d'ailleurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Vous devrez le faire en cohérence avec ce que vous avez toujours combattu, avec ce qui a motivé votre engagement et conduit à siéger à l'Assemblée nationale. Vous devrez le faire individuellement, en votre qualité de représentant de la souveraineté nationale, en vous inspirant de l'article 1er de la Constitution que je cite une nouvelle fois : « La République assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. »

Hier soir, un député de l'UMP a défendu un amendement tendant à demander à tous ceux qui voudront acquérir la nationalité de prêter serment sur la Constitution. Mesdames et messieurs les députés, qui vous apprêtez peut-être à voter cet article 3 bis, ne pensez-vous pas qu'avant de demander aux autres de prêter serment sur la Constitution, vous ne devriez pas vous en inspirer et rester fidèles aux valeurs qui la fondent ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous ne serez pas étonnés d'apprendre que je me retrouve pleinement dans les propos qui viennent d'être tenus par Jean-Marc Ayrault, comme dans ceux de mes collègues de gauche ainsi que ceux d'Étienne Pinte et de Daniel Garrigue.

Avec cet article 3 bis, nous atteignons les sommets de l'obscénité politique tirée de la tyrannie de l'émotion.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

La nuance n'a pas lieu d'être quand, profitant d'un fait divers, un tel coup de poignard est porté à la Constitution, est mis en péril l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et sont inventés des Français de cinq minutes et des Français de souche ! Il y a là, je le répète, monsieur le rapporteur, une forme d'obscénité politique.

Comme l'ont expliqué un certain nombre d'observateurs, la méthode du Président de la République et de ses porteurs d'eau consiste à tirer profit d'un fait divers pour nous raconter des histoires. Cela s'appelle, le Storytelling, étudié en particulier par Christian Salmon. Mais la politique ne doit pas se limiter à raconter des histoires. On ne peut pas conduire des politiques publiques uniquement à partir d'histoires éphémères où une émotion chasse l'autre.

Combien de fois avons-nous été réunis dans cet hémicycle pour voter des propositions de loi liées à des faits divers ? Un chien mord un enfant, on fait une loi sur les chiens dangereux. Pire, un délinquant sort de prison et commet un crime, on vote aussitôt une loi sur la récidive. Je pourrais décliner bien d'autres lois de ce genre, comme celle qui a institué les peines planchers qui portent une atteinte terrible à plusieurs principes fondateurs du droit.

Nous sommes réunis, dans cet hémicycle, pour cautionner sans le vouloir – à l'insu de notre plein gré, si je puis m'exprimer ainsi – une opération médiatique du Président de la République, instrumentalisée pour aller braconner sur les terres du Front national et celles d'un électorat perdu.

Mais cette fois-ci, manque de chance, les sondages réalisés après la séquence insupportable de l'été montrent que, comme le dit Le Pen, les électeurs du Front national préfèrent l'original à la copie : le Président de la République n'a pas gagné de voix sur l'extrême droite.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Mais, pendant les travaux, la vente continue ! D'ici à l'élection présidentielle de 2012, mois après mois, semaine après semaine, des propositions de loi ou des projets de loi iront encore plus loin dans l'obscénité politique. Ce faisant, vous prendrez des risques gravissimes : celui de diviser les Français, celui d'inventer des boucs émissaires, des figures d'indésirables. Nous avons eu droit, successivement, aux étrangers, aux sans-papiers, aux Roms. Aujourd'hui, nous avons droit aux migrants. Comme je l'ai dit hier, lorsqu'on ouvre cette porte, on ne sait jamais ce que l'on va trouver.

J'en ai assez d'entendre les donneurs de leçons nous expliquer qu'il est exagéré de comparer ce qui se passe aujourd'hui avec les périodes noires de notre histoire. J'affirme au contraire qu'il faut contextualiser ce que vous êtes en train de faire. À une certaine époque, ceux qui ont ouvert la porte qui donnait sur l'enfer ont incité chacun à penser que, peut-être, à côté de lui, il y avait quelqu'un de moins pur. Cela a donné l'atmosphère des années 30, les lois de 1938 et le régime qui s'en est suivi.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Monsieur Besson, au moment où vous remettez à l'honneur la déchéance de nationalité, il faut se souvenir que, dans l'histoire, c'est sous le régime de Vichy qu'elle a été utilisée massivement, à l'encontre des juifs de France.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Voilà ce que cela signifie, aujourd'hui, dans l'inconscient collectif, et vous le savez parfaitement. De la même manière, quand vous utilisez les mots « bons Français », nous savons aussi à quoi cela fait référence.

Faut-il rappeler l'insulte que vous infligez à l'histoire ? Faut-il rappeler l'Affiche rouge ?

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Faut-il rappeler la MOI ? Faut-il rappeler Manouchian et tous ces étrangers qui ont contribué à sauver la France, qui ont permis que nous puissions être ici, debout, que nous puissions parler français et débattre ?

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Derrière cette mesure de déchéance de nationalité, l'histoire nous interpelle et nous défend de ressortir ces vieux démons. Vous jouez avec le feu, car vous savez très bien que, comme l'ont dit Jean-Marc Ayrault et d'autres orateurs, cette opération politicienne s'inscrit dans un contexte de montée de l'extrême droite dans la plupart des pays européens. Jean-Marc Ayrault en a parlé, en Hollande, la démocratie chrétienne est en train de signer un pacte avec l'extrême droite. Les libéraux font de même : voyez ce qui se passe en Hongrie, en Tchéquie, dans tous les pays de l'Union européenne. Faut-il donc que la France les rejoigne ?

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

En suivant cette méthode, avec ces petits calculs, ces petites crapuleries politiques, vous finirez sans doute un jour – pas tous, heureusement, car des voix se sont déjà élevées dans vos rangs – par vous allier à la fille de M. Le Pen qui tente de civiliser les idées de l'extrême droite. Nous risquons, à terme, de nous retrouver dans une situation à l'italienne, où des accords auront été passés avec ceux qui refusent l'autre. En effet, derrière la question de la déchéance de nationalité se pose celle de l'altérité. L'autre serait-il donc la cause de tous nos maux ? Ne seraient-ce pas plutôt les conditions sociales, économiques et politiques qui expliqueraient le mal-être des Français ? Il faut combattre cette méthode scandaleuse, répugnante, qui consiste à dire que nos maux viennent de celui qui ne nous ressemble pas, de l'étranger, du Français de cinq minutes.

Il ne s'agit ni d'une figure de rhétorique ni d'une posture politique : nous sommes ici pour dire que nous sommes écoeurés par vos propositions. Nous n'avons pas entendu beaucoup de députés de la majorité nous dire qu'on portait atteinte à nos principes fondamentaux, à l'article 1er de la Constitution, qui dit que tous les citoyens sont égaux devant la loi, « sans distinction d'origine, de race ou de religion ». Mais je suis sûr que, dans cet hémicycle, certaines révoltes sont muettes et que, au moment de voter, ceux-là nous rejoindront. Il s'agit de remettre la République sur ses pieds, puisque vous l'avez dévalorisée. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Les arguments politiques que nous venons d'entendre valent ce qu'ils valent. Pour ma part, et puisque Mme Lebranchu nous a invités à faire du droit, je voudrais rappeler certaines règles juridiques.

L'article 3 bis est-il anticonstitutionnel ?

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Voilà bien une affirmation savoureuse ! En général, vous vous fondez sur l'article 1er, qui est en train de devenir le fourre-tout de l'inconstitutionnalité. Pourtant, il peut être utilisé dans tous les sens. Ainsi, il impose que Français et étrangers soient soignés de la même manière. Mais, dans ce cas, permet-il que les étrangers en situation irrégulière soient remboursés à 100 %, quand les autres ne le sont qu'à 80 % ? Je pourrais à ce propos invoquer l'article 1er, le fourre-tout.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Non, ce n'est pas de la pirouette, c'est une interprétation de l'article 1er, qui ne sert à rien.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

C'est peut-être du cirque, mais juridique. Essayez d'en faire, de temps en temps, cela vous changera !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

La jurisprudence du Conseil constitutionnel n'a pas déclaré la déchéance de nationalité anticonstitutionnelle. Admettons que la jurisprudence du Conseil constitutionnel soit la Constitution – ce qui reste à démontrer, car toute jurisprudence évolue, dans un sens ou dans l'autre –, admettons qu'elle soit intangible – postulat qu'il faudrait également démontrer –, il n'en reste pas moins que le Conseil a dit que, aux termes des lois de 1945 et de 1993, la déchéance de nationalité ne peut s'appliquer que dans des cas particuliers, limitatifs, et que cela ne signifie pas qu'il déclare la déchéance de nationalité anticonstitutionnelle. Je vous exhorte à un peu plus de nuances lorsque vous invoquez la Constitution, à ne pas faire d'interprétations abusives.

Je vous rappelle d'autre part que la déchéance de nationalité est prévue par des conventions internationales que la France n'a jamais ratifiées – que ce soit sous des gouvernements de gauche ou sous des gouvernements de droite.

Ce point juridique étant réglé, sous la forme d'un point d'interrogation, je répète ce que j'ai dit hier : dans la procédure, l'article 3 bis ne sera pas d'une grande utilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Il pourra en effet être facilement anéanti par un défenseur un peu avisé. L'apatridie étant formellement interdite, il suffira à un avocat de demander à son double national de renoncer à sa double nationalité pour que toute la procédure s'effondre.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Cependant, il faut tout de même voter cet article. (Rires sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Le Conseil constitutionnel fixe une condition : le terrorisme. L'article du code pénal m'a beaucoup surpris par son étendue, et c'est pourquoi je me permets d'attirer votre attention, monsieur le ministre, sur la présentation qui sera faite au Sénat. Je rappelle tout de même que des circonstances aggravantes sont déjà prévues pour ceux qui portent atteinte à la personnalité des fonctionnaires, quels qu'ils soient, et même quand ils ne sont pas fonctionnaires d'autorité publique, comme les enseignants. On ne peut donc pas dire que, de ce point de vue, le droit n'est pas uniforme pour tous les fonctionnaires et que certains sont davantage protégés que les autres. En droit pénal français, lorsqu'un policier est blessé, le coupable se voit infliger une peine plus forte. Là aussi, l'argument de l'opposition passe donc à la trappe.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

En revanche, il faudrait peut-être revoir le texte lorsque le Sénat en discutera. Il est facile de démontrer qu'une atteinte à un préfet, à un juge, à un policier s'apparente à du terrorisme. Lorsque le préfet Érignac a été assassiné, par exemple, on n'a pas dit que c'était un meurtre de droit commun, on a parlé de terrorisme, car, dans la graduation de l'atteinte à l'État, divers éléments peuvent être pris en considération. Quand un préfet est assassiné, c'est l'État qui est atteint : cette gifle sanglante à la République ne peut relever du simple droit commun. Il en va de même pour la police. Il y a quelques années, certaines personnes que je connais bien, de l'autre côté de l'hémicycle, avaient lancé une campagne fort respectable pour dire : « Touche pas à mon pote ». D'une certaine manière, cet article nous dit : « Touche pas à mon flic ».

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Les deux formules sont aussi respectables. Certaines personnes, il ne faut pas l'oublier, sont particulièrement exposées. C'est pourquoi cet article – dont, je l'avoue, l'utilité juridique ne me paraît pas évidente – a une valeur démonstrative. J'espère que le ministre acceptera de le revoir avec les sénateurs – qui ne manqueront pas d'évoquer à leur tour les problèmes juridiques qu'il pose. En attendant, il n'est pas inutile, et je le voterai. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Dufau

« Et voilà pourquoi votre fille est muette », comme disait Molière. (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que j'écoutais avec grand intérêt les nombreux orateurs de l'opposition, deux phrases me sont revenues à l'esprit. La première est très courte, ce sont deux mots du pape à propos de Bonaparte : « Commediante, tragediante ! »La seconde est de la même époque. On la doit à Talleyrand et vous l'avez souvent entendue, mais vous en êtes des adeptes et en avez longuement donné l'illustration : « Tout ce qui est excessif est insignifiant. »

Rappelons quelques-uns des mots qui ont été employés tout à l'heure : « écoeurement », « répugnant », « cynique ».

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Mon Dieu ! Que d'excès à propos d'une mesure très modérée, qui marque un retour partiel au texte d'avant 1998.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Avant 1998, en effet, c'étaient tous les criminels qui pouvaient être déchus de leur nationalité. Il est vrai qu'il y a eu une évolution récente : ce n'est donc pas lié à nos droits fondamentaux, cela a à peine plus de dix ans. Il est question d'exclure cette cinquième condition.

Mais attendez ! Si l'on exclut la cinquième condition, cela signifie bien qu'il en reste quatre autres qui permettent la déchéance de nationalité. Dès lors, tous vos arguments s'effondrent, car si vous prétendez que cette cinquième condition porte atteinte à l'égalité entre les citoyens, les quatre conditions restantes constituent la même atteinte.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

C'est évident, il y a un lien extrêmement fort entre les quatre conditions existantes et la cinquième, que le texte vise à ajouter. Ce lien n'est rien d'autre que la fidélité à la Nation et à la République : ainsi, les quatre conditions qui subsistent ont un point commun, la trahison des intérêts supérieurs de la Nation ou d'une mission d'agent public.

Le texte propose simplement d'ajouter que celui qui porte atteinte aux porteurs de l'autorité de la République, aux symboles de la République, trahit également la République, ce qui rattache ce comportement à celui visé par les quatre conditions existantes. Cette évolution du texte est à la fois très faible en pratique, comme le disait Claude Goasguen, car les effets seront très limités sur un plan quantitatif, et très forte en termes de message, car c'est un symbole qui nous ramène au texte antérieur à 1998 – avec une cinquième condition bien plus large que celle que nous proposons aujourd'hui. Ce texte, c'était celui en vigueur sous la présidence du général de Gaulle, par exemple, ou celle de François Mitterrand, qui n'a jamais remis en cause cette cinquième condition. Seriez-vous en train de nous expliquer que François Mitterrand était un adversaire des droits de l'homme et des principes fondamentaux de la République ? Quelle révélation !

Je pense que vous commettez un véritable contresens. Mme Lebranchu a insisté, tout à l'heure, sur le fait que notre position actuelle était une position purement politique…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

…comme s'il était interdit de faire de la politique à l'Assemblée. Je pense, au contraire, que nous défendons aujourd'hui un symbole républicain, auquel vous devriez adhérer. Lorsque nous disons qu'il faut protéger les porteurs de l'autorité de la République, nous protégeons la République. Tout Français, a fortiori tout élu de la République devrait se rallier à cette idée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Dufau

En quoi cette disposition protège-t-elle qui que ce soit ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

En revanche, ce soupçon permanent que vous faites peser sur vos collègues de la majorité, sur le Gouvernement et, finalement, sur les institutions républicaines, c'est un message politique qui va être entendu par les Français. Ce que vous dites, c'est que, pour vous, la sécurité des Français n'est pas une priorité.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Pour vous, on peut s'attaquer à un policier, à un gendarme, à un magistrat, sans en subir la conséquence – parfaitement admissible pour les vrais républicains – de redevenir un étranger obligé de retourner chez lui parce qu'il n'aura pas respecté la République.

Montesquieu considérait que la sécurité est la première des libertés pour les citoyens. En défendant la sécurité, on ne fait qu'affirmer le premier principe de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Dufau

Montesquieu, c'est aussi la séparation des pouvoirs !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Il est vrai que vos alliances sans vergogne avec l'extrême gauche depuis des années, la main tendue à Besancenot, l'héritier de Trotsky, sont assez révélatrices du fond de votre pensée.

Commediante ! Tragediante ! Ce bal des faux-culs que décrivait hier mon ami Jacques Myard, vous l'avez encore bien dansé aujourd'hui ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

L'intervention de M. Vanneste illustre bien le caractère détestable de ce qui est en train de se passer dans notre pays. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Il n'y a pas d'un côté les partisans de la sécurité, de l'autre, ceux de l'insécurité.

Debut de section - PermalienPhoto de Camille de Rocca Serra

Il y a ceux qui se donnent les moyens de la sécurité, et les autres !

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

Il n'y a pas d'un côté les défenseurs des assassins, de l'autre les défenseurs des victimes. Face à la montée de la violence, il n'y a pas d'un côté les doux naïfs, de l'autre les réalistes. Il devrait y avoir, au sein de notre hémicycle, un consensus politique pour combattre la montée de la violence, défendre les victimes, trouver des solutions efficaces et nécessaires (« Justement ! Votez le texte ! » sur les bancs du groupe UMP), mais vous vous y refusez.

À ce titre, votre intervention est intéressante, monsieur Vanneste, car elle montre que vous cherchez à vous servir du thème de la sécurité pour créer dans notre pays un clivage politique que vous peinez à entretenir par ailleurs. Ce n'est un secret pour personne, on peut même le lire dans les gazettes : vous voulez tendre un piège politique à la gauche en la mettant, comme vous le dites, « face à ses responsabilités » et faire campagne politique sur ce point en vous présentant comme les défenseurs des victimes, tandis que la gauche serait du côté du crime et de la violence. C'est ce que vous faites en permanence, et c'est insupportable ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je ne vous ai pas interpellés ni chahutés, mes chers collègues, et je vous demande d'en faire autant vis-à-vis de moi.

Comme beaucoup de Français, j'ai écouté le discours de Grenoble. Connaissant un peu le Président de la République pour avoir siégé avec lui sur ces bancs, je me suis dit qu'il s'était laissé aller à l'un de ces excès de langage qui font partie de sa personnalité – et que l'on peut même trouver sympathiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

En l'occurrence, il n'y avait rien de sympathique dans ce discours !

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

Toutefois, on a vu se dessiner peu à peu, derrière le discours, une construction politique qui, elle, pose problème. Cette construction politique consiste à nous faire apparaître comme du côté de ceux qui agressent les policiers, de ceux qui ne défendent pas la police républicaine, et c'est cela que nous trouvons insupportable. À l'heure actuelle, la France a d'autres problèmes à résoudre ! Alors que nous devrions consacrer tout notre temps à trouver des solutions au chômage, à la ghettoïsation sociale, vous ne trouvez rien d'autre à faire que d'essayer d'instaurer une division entre les Français !

M. Goasguen nous dit que, finalement, cette mesure ne sert à rien, elle ne constitue qu'un affichage symbolique. Nous avons maintenant une certaine expérience des débats sur ces questions : à chaque fois, il y en a qui cherchent à aller un peu plus loin que ce que prévoit la loi, et ils n'ont jamais à attendre longtemps. Deux ou trois ans plus tard, quand tout le monde a pu constater que les dispositions mises en place n'ont eu aucune efficacité sur le terrain, dans les cités – en l'occurrence, je serais bien étonné que M. Raoult me contredise sur ce point –, vous vous lancez dans une nouvelle escalade législative censée montrer au pays que vous êtes les plus fermes, les plus déterminés.

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

Je suis prêt à prendre le pari que, s'agissant de ce texte, les choses ne vont pas se dérouler autrement. Dans un an ou deux, certains d'entre vous commenceront à dire que la déchéance de nationalité ne suffit pas et qu'il faut revenir à la peine de mort, seul message qu'entendent les assassins ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

C'est la logique implacable de votre fuite en avant, et nous en aurons la preuve dans quelques mois ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

De tels propos sont inadmissibles ! C'est scandaleux !

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

Cela n'a rien de scandaleux, monsieur Garraud, je rappelle simplement que parmi vous, une quarantaine de parlementaires ont déjà déposé des propositions de loi ayant pour objet de revenir sur l'abolition de la peine de mort – ou du moins de provoquer un débat sur cette question. Je n'invente donc rien, je ne fais pas de procès d'intention. Si ces textes n'existaient pas, je n'en parlerais pas, mais ils existent, ils ont été signés par des parlementaires siégeant sur ces bancs – n'est-ce pas, monsieur Vanneste ?

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

Voilà ce que je voulais dire au sujet de vos dérapages.

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

Monsieur le ministre, je ne suis pas de ceux qui considèrent que l'on ne peut pas changer d'avis et évoluer en politique. On peut légitimement changer de position – c'est tout à fait respectable – et même se trouver de nouveaux mentors, je n'y vois rien à redire.

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

Pour ma part, je vous considère comme un humaniste et un républicain. Mais j'ai été étonné de vous entendre dire à la radio, il y a deux jours, que le texte que vous défendez a un objectif clairement revendiqué : celui de « siphonner » l'électorat du Front national. (« Et alors ? C'est une bonne chose ! » sur les bancs du groupe UMP.)

C'est un débat que nous avons depuis plusieurs années, mais je rappelle qu'il y a deux façons de siphonner l'électorat du Front national, deux stratégies que vous avez d'ailleurs expérimentées à vos dépens.

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

En 1987-1988, certains d'entre vous ont déclaré avoir les mêmes valeurs que le Front national : ils étaient prêts à aller jusque-là pour, disaient-ils, « assécher » ce parti. La sanction électorale n'a pas tardé, puisque cette stratégie vous a fait perdre l'élection présidentielle de 1988. D'autres ont alors compris qu'il valait mieux affronter le Front national en refusant de se rendre sur son terrain et en cherchant plutôt des solutions aux problèmes des Français. Cette stratégie-là vous a permis de remporter l'élection présidentielle de 1995.

C'est en ces termes que la question se pose. Et pour moi, monsieur Besson, la stratégie que vous prônez aujourd'hui pour « siphonner » l'électorat du Front national s'apparente à la première de celles que j'ai décrites, qui n'est malheureusement pas celle correspondant aux valeurs humanistes que vous avez naguère défendues. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Mes chers collègues, je vais commencer par quelque chose qui pourrait nous rapprocher. Un grand Français est décédé hier soir : je veux parler de Georges Charpak. Ce prix Nobel était un « vrai Français », un « bon Français », pour reprendre des expressions évoquées hier, au parcours de vie exemplaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Je sais ce que je dis, vous n'avez aucune raison de me faire un procès d'intention ! Au moment où l'on parle de nationalité, de personnes nées à l'étranger, mais ayant contribué à grandir notre pays, j'aimerais simplement que l'on ait une pensée pour Georges Charpak. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Certains nous disent que ce texte prévoyant la déchéance de nationalité ne sert à rien : Claude Goasguen en a fait une brillante démonstration tout à l'heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Je n'ai pas dit que ce texte ne servait à rien, j'ai dit qu'il était dissuasif !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Pour moi, qui ne suis pas juriste, j'estime que vous avez parfaitement démontré l'inutilité juridique de ce texte !

Quand on rajoute de nouvelles sanctions à un arsenal – c'est le sens du « Touche pas à mon policier » évoqué, là encore, par M. Goasguen – il faut toujours se demander si ces sanctions ont un rôle préventif ou de sanction. Julien Dray a rappelé, il y a quelques instants, que la même question s'était posée lors du débat sur l'abolition de la peine de mort. En d'autres termes, pensez-vous qu'une personne s'apprêtant à tuer un policier ou un autre représentant de l'autorité va y réfléchir à deux fois et que c'est la crainte de perdre la nationalité française qui, s'ajoutant aux sanctions pénales qu'elle sait encourir, va finalement la faire renoncer à son geste ? Pensez-vous que cette personne redoute davantage la perte de sa carte d'identité que la perspective de passer plusieurs années en prison ? Personnellement, nous ne le croyons pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

Ne vous racontez pas d'histoires, monsieur Raoult ! Il est évident que vous n'y croyez pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

C'est bien là ce qui nous sépare : nous estimons qu'une disposition de cette nature n'a aucun rôle préventif – comme nous le pensions déjà au sujet de la peine de mort.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

L'idée que vous essayez de faire passer dans ce débat, c'est qu'entre l'absolution du crime commis et la déchéance de nationalité, il n'existerait aucune autre sanction.

Vous vous servez de la nationalité française – et en particulier pour ceux qui l'ont acquise récemment – comme d'une sanction supplémentaire, comme s'il n'existait pas déjà des sanctions.

Nous ne croyons pas à cet effet préventif, et je crois d'ailleurs avoir entendu M. le ministre dire qu'il n'y croyait pas non plus. Si l'effet préventif ne joue pas, c'est donc qu'il s'agit d'une sanction supplémentaire, d'une aggravation de la peine, comme cela a été dit tout à l'heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Sur le fond, nous ne pouvons pas accepter les propos de Christian Vanneste tout à l'heure, qui liait cette cinquième condition aux quatre précédentes. Nous considérons que ces atteintes gravissimes aux personnes mentionnées par le code civil – la trahison, l'atteinte aux intérêts vitaux de la nation – ne sont pas de la même nature. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

C'est toute la différence entre les sanctions que nous prévoyons.

Enfin, je voudrais insister sur un point récurrent dans les débats qui se déroulent depuis hier. L'un de nos collègues ici présent nous accuse d'éprouver une haine de la nation – ce sont les mots qui ont été employés. Non seulement il y aurait ceux qui protégeraient les policiers et ceux qui ne les protégeraient pas, mais il y aurait aussi sur les bancs de l'Assemblée nationale – dans l'idée d'une grande partie de votre majorité, celle qui a inspiré non seulement le discours de Grenoble mais le texte que nous examinons aujourd'hui – ceux qui aiment la nation, et ceux qui l'ont en haine. Si ces deux mots se rapprochent phonétiquement, nous refusons absolument la distinction que vous cherchez à instaurer. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

Et que proposez-vous pour défendre les valeurs de la République ?

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

Nous proposons de mettre des policiers sur le terrain !

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Guilloteau

Je voudrais faire part à mes collègues d'un sentiment personnel : depuis deux jours, le débat est passionnant, mais j'ai l'impression que l'on oppose les bons et les méchants. Le député de la République que je suis ne se retrouve absolument pas dans un débat comme celui-ci.

Il n'y a pas ici ceux qui savent et ceux qui ne savent pas. Il n'y a pas ceux qui protègent les bons, et les méchants ; il y a des députés de la nation et de la République française. Je suis choqué des propos que j'entends ; je suis choqué des mots qui sont dits dans cet hémicycle. (« Nous aussi ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Il n'y a pas certains députés, à part, qui pourraient donner des leçons aux autres. Dans ma circonscription, les gens s'intéressent à ce genre de débat et, pardonnez-moi, ne partagent pas du tout les avis exprimés à gauche de l'hémicycle.

Un article qui propose de déchoir de la nationalité des hommes – et éventuellement des femmes – qui tuent un policier, un gendarme, un pompier, un professionnel de la sécurité, ce n'est pas un tabou. Notre assemblée peut en parler.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Guilloteau

Elle peut en parler sans que certains puissent donner aux autres des leçons de démocratie. Cela me paraît la moindre des choses.

S'emparer d'un texte comme celui-ci, c'est le minimum que nos électeurs puissent attendre.

Je me souviens d'une époque où un certain parti politique avait remis le Front national en selle grâce au rétablissement du scrutin proportionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Vous êtes contre la proportionnelle ? Vous voulez aussi la supprimer pour les collectivités territoriales ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Guilloteau

Oui, vous avez instauré la proportionnelle aux élections législatives et cela vous arrangeait bien, monsieur le président Ayrault ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Et qui a supprimé la proportionnelle par la suite ?

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

En Allemagne, il y a la proportionnelle et pas de Front national !

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Guilloteau

Arrêtez de nous donner des leçons. Depuis deux jours, le député que je suis ne se retrouve pas dans ce que vous représentez.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Guilloteau

Vous ne proposez rien, vous n'êtes que dans l'obstruction systématique ; vous n'êtes plus dans la politique, vous êtes dans la philosophie.

Dans ce genre de débat, on pourrait revenir à l'essentiel de ce qui nous préoccupe : faire la loi. Aujourd'hui, un grand nombre de Français attendent un texte comme celui-ci.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Pourquoi ce texte ? Pourquoi aujourd'hui ?

A-t-il un objectif d'efficacité dans la lutte contre la délinquance ? M. Goasguen a essayé de nourrir le débat ; mais je dois dire que, plus il parlait, plus il se demandait lui-même où était le bout du chemin.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Se rendant compte de ce qu'était réellement le texte, il a fini par nous dire qu'il était vrai, quand même, que le nombre de personnes visées était si important qu'il serait peut-être sain – pour éviter la sanction du Conseil constitutionnel – que le Sénat le réduise. C'est bien ce que vous nous avez dit.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Enfin, me suis-je dit, on voit apparaître une lueur de bon sens, ou en tout cas le début d'une analyse juridique.

Mais, comme votre discours continuait, j'ai tourné les pages de la liasse d'amendements que j'avais dans les mains. Et là, surprise ! M. Goasguen est signataire d'un amendement n° 1 rectifié , qui dit exactement le contraire : il propose d'élargir le champ d'application de la déchéance de nationalité.

Alors, monsieur Goasguen, il faut choisir. Le juriste qui veille en vous s'est dit – et c'était normal – qu'on ne pouvait pas écrire de telles incongruités. Mais le politique, qui finit toujours par l'emporter, a signé un amendement qui dit exactement le contraire.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Eh bien nous le défendrons, cet amendement. Moi, je suis pour la loi Pasqua.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

J'appelle l'attention de notre assemblée sur la rédaction de l'exposé des motifs de cet amendement. Nous discutons d'un sujet – la déchéance de la nationalité et son champ d'application – qui mérite un débat républicain.

Un certain nombre de parlementaires de droite, dont quelques porte-parole de l'UMP, déposent donc un amendement qui dit le contraire de ce que vient de dire M. Goasguen, lui-même signataire de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Merci, monsieur Ferrand, d'illuminer ce débat de vos interventions, qui nous aident tous.

Donc vous nous accusez d'exagérer, de donner à ce débat une dimension qu'il n'aurait pas. Mais les mots ont un sens, et le texte de l'exposé des motifs est important : « La France devient ainsi le territoire de véritables gangs. Armés jusqu'aux dents, influencés par des réseaux de grand banditisme, […] ces délinquants d'un nouveau genre se comportent comme des étrangers sur notre territoire national et veulent imposer leur loi et cerner leur territoire par la terreur. […]

« Pour les délinquants étrangers ayant commis un tel crime ou délit, l'expulsion du territoire national permettrait aux honnêtes gens de jouir de leur droit le plus fondamental, celui de vivre en toute sécurité, tranquillité et sérénité. [...] Les Français n'en peuvent plus et nombre de membres de la représentation nationale ont la profonde sensation que notre pays est au bord de l'explosion. »

J'en passe. Mais si c'est cela, votre bilan, c'est calamiteux ! Est-ce cela, la description de la France après huit années durant lesquelles vous avez exercé le pouvoir ? La seule chose que devrait faire un honnête homme dans ce cas, c'est de remettre immédiatement les clés à d'autres ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. — Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Ce texte ne sert à rien. M. Goasguen dit lui-même que, dès lors qu'il y a la question des apatrides, ce texte n'aura aucune efficacité.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Chacun ici comprend bien que, compte tenu de l'horreur des crimes dont on parle, l'effet dissuasif sera nul : quand on risque – et heureusement – la perpétuité et une peine de sûreté de trente ans, je ne pense pas que la crainte d'être déchu de la nationalité française vous retienne beaucoup. Aucun esprit normalement constitué n'y croit. Ce texte n'est donc malheureusement pas destiné à protéger davantage ceux qui nous protègent, notamment les policiers.

Alors pourquoi ce texte, et pourquoi maintenant ? À l'évidence, c'est une opération uniquement politicienne. Vous détournez le débat public, alors qu'on parle des retraites, alors que la principale préoccupation des Français, c'est l'emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Depuis des semaines, depuis des mois, vous espérez alimenter le débat public de questions qui détournent l'opinion publique des véritables problèmes. Vous le faites encore aujourd'hui, et plus vous avancez dans ce débat, plus la gêne devient pesante parmi les républicains de droite.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Peu à peu, les plus extrémistes d'entre vous se trouvent seuls au front – nous en avons entendu quelques-uns ce matin. Certains, dans la majorité, sont tellement gênés qu'ils s'écrient : « courage, fuyons ! ». On le voit d'ailleurs ce matin.

Nous allons voter sur ce texte, avec des arguments dont chacun comprend qu'ils n'ont rien à voir avec le problème de la sécurité, mais qu'ils font naître un risque. Car aucun d'entre vous ne sait quelles seront, demain, les conséquences de votre décision de toucher subitement à cette question fondamentale de la nationalité.

Simone de Beauvoir disait : « ce qu'il y a d'insupportable dans l'insupportable, c'est qu'on s'y habitue ». Eh bien nous, nous ne nous y habituons pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Je suis saisi de trois amendements de suppression, nos 45, 157 et 176.

La parole est à M. Étienne Pinte, pour défendre l'amendement n° 45 .

Debut de section - PermalienPhoto de Étienne Pinte

Aussi bien dans la discussion générale que ce matin, j'ai donné les raisons pour lesquelles je suis hostile à cet amendement du Gouvernement sur la déchéance de la nationalité. Je l'ai dit, je l'ai répété, et j'ai essayé de prouver qu'il était non seulement inconstitutionnel mais aussi inapplicable.

Je me rappelle, il y a deux ans, une autre disposition, dans le cadre d'un autre projet de loi sur la maîtrise de l'immigration : un certain nombre d'entre nous avions combattu un amendement de notre rapporteur qui créait des contrôles ADN. Heureusement, d'ailleurs, M. Besson, ministre de l'immigration, a pris la sage et raisonnable décision de nous indiquer que l'écriture du décret d'application de cet article était tout à fait impossible.

C'est pour la même raison que je pense que la mesure qui nous est présentée aujourd'hui sur la déchéance de la nationalité est non seulement inconstitutionnelle mais aussi inapplicable.

M. Dionis du Séjour, l'un de nos collègues de la majorité a également déposé un amendement de suppression, n° 407, et m'a demandé de le défendre pour lui. L'exposé des motifs de son amendement indique que l'extension du champ de la sanction de déchéance de la nationalité est une disposition largement symbolique.

Elle accentue, selon lui, la dualité de catégorie de citoyens. Or il ne paraît pas plus grave de tuer un policier, ou n'importe quel autre détenteur de l'autorité publique, si l'on est français depuis plus de dix ans ou non.

Son amendement vise donc à supprimer l'élargissement du champ de la déchéance de la nationalité de cette loi car cette disposition concernerait, de surcroît, un nombre de personnes extrêmement limité. Surtout, elle n'apporte aucune solution réelle au problème de l'insécurité.

Je tiens à citer le Conseil d'État, qui précisait, dans son rapport public de 2006 : « Lorsque la loi bavarde, le citoyen ne lui prête plus qu'une oreille distraite ». Je crois que nous devrions tous nous en souvenir. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l'amendement n° 157 .

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Il s'agit d'un amendement de suppression. Je crois que le groupe socialiste a, depuis hier, et encore ce matin, largement démontré l'inutilité et la nocivité des dispositions prévues à l'article 3 bis. Comme Claude Goasguen, nous considérons que cet article est inutile. Nous proposons donc qu'il soit supprimé.

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l'amendement n° 176 .

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Sur le vote des amendements identiques visant à supprimer l'article 3 bis, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission sur ces amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

Je voudrais en effet dire trois choses en moins de trois minutes, pour ne pas rallonger ce débat.

La première porte sur la forme. Je rejoins notre collègue M. Guilloteau : nous en avons vraiment assez d'entendre la gauche nous donner sans cesse des leçons de morale. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous n'avez pas le monopole de la morale.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

Vous n'êtes pas les arbitres de l'élégance.

Par exemple, à titre personnel – mais c'est aussi le cas de tous mes collègues, sauf dans une région – je siège aujourd'hui, au conseil régional, dans l'opposition, justement parce que j'ai préféré perdre une élection plutôt que mon âme.

Vous n'avez donc pas le droit de nous donner la moindre leçon. Si nous avions voulu passer des alliances, cela fait un bon moment que nous l'aurions fait et vous ne gouverneriez pas toutes les régions – sauf une – en France métropolitaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

Nous en avons aussi assez de vous entendre expliquer que les dispositions contenues dans ce texte constituent une ignominie qui n'existerait qu'en France.

Je crois que le parti socialiste est membre de l'Internationale socialiste, comme le parti travailliste anglais. Or si ma mémoire est bonne, c'était bien un Gouvernement travailliste qui a fait adopter, en Grande-Bretagne, le 16 juin 2006, l'Immigration, Asylum and Nationality Act, qui prévoit qu'un citoyen britannique peut perdre sa nationalité si le Premier ministre estime que cette décision est dictée par l'ordre public. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Ce que je veux dire par là, c'est que, même les plus vieilles démocraties, et même quand elles ont des gouvernements de gauche peuvent prendre des mesures de cet ordre.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

Mais si, c'est un dossier tout à fait similaire.

Ainsi, quand le gouvernement qui prend une telle mesure est membre de l'Internationale socialiste, c'est moral, mais quand c'est un gouvernement de droite en France, c'est scandaleux.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

Mais si, c'est exactement la même chose, monsieur Dray.

Troisièmement, mes chers collègues, sur le fond, le dispositif qui est retenu à l'article 3 bis du projet de loi se borne à élargir les cas de déchéance de la nationalité aux personnes qui ont commis un crime ou des violences ayant entraîné la mort des dépositaires de l'autorité publique.

Autrement dit, les amendements de suppression qui sont soumis à votre vote visent à empêcher que les tueurs de policiers, de magistrats ou de préfets ayant été naturalisés depuis moins de dix ans se trouvent privés de la nationalité française, alors même qu'ils ont rompu le contrat moral qui fonde leur accession à cette même nationalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

Oui, monsieur Dray : voilà ce que vous nous proposez aujourd'hui à travers ces amendements.

Les serviteurs de l'État qui, chaque jour, se démènent au péril de leur vie pour assurer la protection de nos concitoyens, apprécieront.

Sur le plan juridique, la disposition prévue s'inscrit dans le droit-fil des principes posés par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 16 juillet 1996. Ce dernier, mes chers collègues, a en effet admis la possibilité de déchoir de la nationalité française un Français naturalisé depuis moins de dix ans condamné pour des actes de terrorisme, au nom de la défense des intérêts fondamentaux de notre pays.

D'un point de vue pratique, enfin, la déchéance de la nationalité des personnes portant atteinte aux dépositaires de l'autorité publique devrait rester exceptionnelle. À titre de comparaison, seulement sept déchéances ont été prononcées depuis 1998 à l'encontre de personnes condamnées pour des actes de terrorisme. Cela veut dire que la mesure se veut avant tout symbolique et pédagogique, et non pas répressive ou discriminatoire à l'encontre des étrangers. Par moments, dans notre République, les symboles ont aussi leur importance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

La parole est à M. Éric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, pour donner l'avis du Gouvernement sur ces amendements.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Jean-Pierre Dufau évoquait tout à l'heure le cynisme,…

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

…mais, pour faire référence aux grands anciens, c'était plutôt ici, ce matin, une école de stoïcisme pour avoir dû entendre, presque trois heures durant, tant d'outrances, tant d'exagération, tant de caricatures, tant de procès d'intention, tant d'attaques personnelles,…

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

… contre moi accessoirement, mais surtout – ce qui est beaucoup plus grave – contre la personne du Président de la République, chef de l'État ! J'ai trouvé cela indécent. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Pour faire gagner du temps, je ne reviendrai pas sur tout ce qui a été dit ce matin. Je veux me concentrer sur le fond et en particulier sur le domaine juridique, où Étienne Pinte a voulu se situer.

Je vais donc revenir très précisément sur ce qu'est cette disposition. En effet, le Journal officiel portera trace de cette discussion. En outre, certains députés ayant déjà dit qu'ils comptaient saisir le Conseil constitutionnel, je veux essayer d'expliquer ce qu'est cette disposition et ce qu'elle n'est pas.

Revenons au fond. Un certain nombre d'actes intolérables ont été commis ces derniers mois à l'encontre des représentants de l'autorité de l'État,…

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

…avec l'attaque de policiers et de gendarmes au moyen d'armes de guerre, ou encore l'assaut contre une gendarmerie.

Ces actes ont profondément heurté nos concitoyens,…

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

…qui savent que l'État en France a joué, et joue toujours un rôle central dans la construction et la consolidation de notre nation.

En s'attaquant ainsi à l'autorité de l'État, ces personnes ont donc touché au coeur de la nation. Face à ces actes – et c'est ce qu'a dit le chef de l'État –, nous ne pouvons rester passifs.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Nous devons réaffirmer l'autorité d'État face à ceux qui portent atteinte à ses intérêts essentiels, c'est-à-dire d'abord à la vie de ses agents. Ceux qui ont permis ces actes et qui sont des étrangers récemment naturalisés (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)…

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

…des Français récemment naturalisés, ne peuvent plus continuer à appartenir à notre communauté nationale. Il s'agit là pour notre nation de protéger l'autorité de l'État. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Ne hurlez pas et écoutez ce que je vais vous dire. Ce raisonnement n'est pas nouveau. L'article 25 du code civil permet déjà de prononcer la déchéance de nationalité pour les actes ayant porté « une atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation » et pour des actes de terrorisme.

Cette rédaction de l'article 25 du code civil – permettez-moi d'insister sur ce point – a été validée par le Conseil constitutionnel en 1996. Alors, pourquoi affirmer que le Conseil constitutionnel, qui a pu valider la déchéance pour des actes portant « atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation » ne validerait pas la déchéance pour des actes portant atteinte à la vie des agents de l'État ?

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Est-ce que certains, ici, considèrent que la vie des agents de l'État ne constitue pas un intérêt essentiel de l'État ?

Est-ce que certains considèrent que le fait de tuer un policier ou un gendarme, au seul motif qu'il représente la mission essentielle d'un État de droit, est très éloigné d'un acte de terrorisme ?

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Je voudrais aussi rappeler – et cela devrait rassurer Étienne Pinte…

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

…et ceux qui sont sensibles à cette question, auxquels je dis que je respecte leurs interrogations – que cette extension de la procédure de déchéance constitue la transposition en droit français de l'article 7 de la Convention du Conseil de l'Europe du 6 novembre 1997, qui prévoit expressément la possibilité pour les États parties à la Convention de déchoir de leur nationalité les personnes qui « portent atteinte aux intérêts fondamentaux de l'État ».

Permettez-moi aussi de souligner que cette extension maintient les motifs de déchéance de nationalité bien en deçà de ce qui était fixé par l'ordonnance de 1945 sur la nationalité, qui visait tous les crimes et délits condamnés à plus de cinq ans de prison.

Cette disposition – plusieurs orateurs l'ont dit à juste titre, entre autres Claude Goasguen et Christian Vanneste – est restée en vigueur jusqu'en 1998. Je ne pense pas que l'on puisse dire que la France a pu vivre un demi-siècle, y compris pendant les deux septennats de François Mitterrand, avec des motifs de déchéance aussi larges, sans constituer pour autant une République !

Notre République a longtemps vécu, et continuera à vivre, avec une procédure de déchéance de nationalité visant les actes qui portent atteinte à ce qui se situe au coeur de notre nation : l'autorité de l'État.

Je voudrais vous dire enfin que la France n'est pas, contrairement à ce que j'ai entendu sur les bancs de la gauche, une exception en matière de déchéance. Je le dis aussi à Étienne Pinte pour qu'il y réfléchisse bien : l'immense majorité des pays de l'Union européenne sont dans une situation proche de la nôtre – je veux dire de celle qui sera la nôtre si vous voulez bien voter cette disposition que propose le Gouvernement.

Je vais vous citer les motifs de déchéance de nationalité en Europe.

Pour l'acquisition volontaire de la nationalité d'un État tiers, dix pays de l'Union européenne peuvent prononcer la déchéance, dont le Danemark, l'Allemagne, les Pays-Bas et l'Espagne.

Pour la naturalisation frauduleusement acquise : tous les pays de l'Union européenne sauf quatre.

Pour la non-renonciation à une tierce nationalité, alors qu'il y avait obligation de le faire, autrement dit dans les cas d'interdiction de la double nationalité : sept pays, dont les Pays-Bas et l'Espagne.

Pour un service militaire ou civil accompli dans un État tiers : dix pays.

Pour l'atteinte aux intérêts supérieurs de l'État, c'est-à-dire le cas de figure dans lequel nous nous trouvons : dix pays – l'Autriche, la Belgique, la Bulgarie, le Danemark, l'Estonie, l'Irlande, la Lituanie, Malte, la Slovénie et le Royaume-Uni.

Cessez donc de dire qu'il s'agit d'une exception française : je viens de vous donner la liste des dix pays qui appliquent déjà cette déchéance pour atteinte aux intérêts supérieurs de l'État.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Pour la résidence permanente à l'étranger : huit pays, dont la Suède.

Pour la disparition des liens familiaux : six pays.

Je conclus en disant que la déchéance de la nationalité, telle qu'elle vous est proposée, mesdames et messieurs les députés, n'est pas une nouveauté en France. Elle est une constante depuis 1945. Elle respecte scrupuleusement les conventions internationales et la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Enfin, comme je viens de vous le montrer, elle figure dans la législation de très nombreux pays européens. C'est pourquoi le Gouvernement, bien évidemment, est défavorable aux amendements de suppression qui viennent d'être défendus.

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Sur le vote de l'article 3 bis, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Je voudrais dire à M. Besson qu'il s'est bien gardé de répondre sur le fond politique. Il en est resté à une argumentation juridique d'ailleurs parfaitement contestable. Je lui rappellerai simplement que, aujourd'hui, la jurisprudence du Conseil constitutionnel est très claire. En effet, une entorse a été acceptée en cas de déchéance de la nationalité pour faits de terrorisme.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Quoi que vous en pensiez, le débat que nous avons eu était bien un débat sur les principes et les valeurs de la République. C'est justement la nature particulière des actes de terrorisme, et parce qu'ils manifestent clairement l'intention de ceux qui les pratiquent non seulement de se placer en dehors de la République mais même de se vivre en ennemis de la République, qui fait qu'il est du devoir de la République de se défendre. Mais là, vous êtes en train de dériver vers autre chose, vous êtes en train d'établir une classification entre les meurtres.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Un crime est un crime, je l'ai dit hier. Si le meurtre d'un pompier ou d'un gendarme peut conduire à la déchéance de la nationalité, pourquoi le meurtre d'un instituteur n'aurait-il pas cette même conséquence ? Compte tenu du poids symbolique de l'instituteur, vous devriez aller jusqu'au bout de votre logique et ajouter l'instituteur à la liste. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Si vous ne le faites pas, c'est que vous en êtes incapables. Vous ne le faites pas parce que vous êtes dans une opération politique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Une opération uniquement de communication, de manipulation. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

En réalité, votre disposition est absurde car elle n'aura aucun effet dissuasif pour lutter contre le crime. Nous l'avons démontré, vous êtes en train de montrer l'échec de votre politique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Enfin, vous ne pouvez pas, malgré ce qu'a dit le rapporteur, oublier ce qu'a dit le Président de la République à Grenoble. Tout part de là, tout part de cette distinction entre Français. Cette distinction concernerait, c'est du moins ce que vous êtes en train d'essayer laborieusement de nous expliquer, quelques cas de crimes précis. En réalité, elle est la marque d'une totale dérive.

À travers cette distinction mais également à travers d'autres décisions, vous fragilisez l'intégration de nos concitoyens d'origine immigrée. Que signifie cette distinction entre les Français de souche, comme on dit, et les Français qui ont acquis la nationalité française au regard de l'article 1er de la Constitution que l'on vient de rappeler mais que vous sembliez avoir oublié ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Surtout, je regrette, monsieur Besson, que vous n'ayez pas le courage d'assumer vos reniements. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Dans le texte que vous avez produit, que j'ai cité déjà deux fois et que les Français connaissent bien dorénavant, vous aviez fait en quelque sorte le procès de la méthode Sarkozy. Mais vous êtes passé à l'autre bord, et il y a longtemps.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Une chose m'avait fortement surpris pendant la campagne de l'élection présidentielle : alors que vous étiez monté à une tribune pour annoncer votre ralliement, vous aviez employé cette formule étrange « Forza Nicolas ! ». Cela n'a-t-il pas une résonance avec ce que j'ai dénoncé tout à l'heure ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Non à la Berlusconisation de la politique française ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Nous n'accepterons jamais que l'extrême droite puisse un jour être banalisée et participer au gouvernement de la France. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Étienne Pinte

Monsieur le ministre, je ne reviendrai pas sur les conditions de la déchéance de nationalité, qui ne sont pas identiques dans un certain nombre d'autres pays européens à celles prévues par la France. Le Conseil constitutionnel nous éclairera en la matière. Je voudrais vous reposer les deux questions auxquelles vous n'avez pas répondu.

D'une part, à quelle occasion le Président de la République s'est-il engagé dans la nomination d'un sage et d'une commission des sages pour réformer le code de la nationalité ?

D'autre part, comment confier à un sage ou à une commission de sages le soin de réformer le code de la nationalité sans les saisir également de la déchéance de la nationalité ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur les amendements nos 45 , 157 et 176 .

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 135

Nombre de suffrages exprimés 132

Majorité absolue 67

Pour l'adoption 58

Contre 74

(Les amendements nos 45 , 157 et 176 ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'article 3 bis.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 133

Nombre de suffrages exprimés 132

Majorité absolue 67

Pour l'adoption 75

Contre 57

(L'article 3 bis est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Je suis saisi d'un amendement n° 1 rectifié portant article additionnel après l'article 3 bis.

La parole est à M. Jean-Paul Garraud, pour soutenir cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

Nos adversaires politiques maniant l'histoire à leur façon, je voudrais à mon tour faire un petit peu d'histoire notamment par rapport à l'article 25 du code civil.

Cet article 25 du code civil, qui date de 1945, a été revu à plusieurs reprises et principalement en 1973. Mais il n'a jamais été véritablement modifié par vous lorsque vous étiez au pouvoir – simplement en 1998.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

Vous n'avez jamais demandé l'abrogation de la déchéance de la nationalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

Or il apparaît que vous êtes contre le principe même d'une déchéance de la nationalité française.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

Tous vos arguments sont relatifs à la déchéance de la nationalité française, ils ne concernent pas vraiment le débat qui nous occupe. Pourtant, cette déchéance de nationalité française contre laquelle vous vous élevez, vous ne l'avez jamais abrogée, notamment lorsque vous étiez au pouvoir. Votre argumentaire tombe de lui-même.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

L'amendement n° 1 rectifié est très simple. Il en revient finalement à la loi de 1993 sur la déchéance de la nationalité française.

Ensuite, et je ne vois pas comment on pourrait être contre le principe, il permet d'ouvrir la possibilité – je dis bien la possibilité – de déchéance de la nationalité française à l'autorité judiciaire.

Lorsqu'un individu commet un crime majeur, comme celui de porter atteinte à la vie d'une personne dépositaire de l'autorité publique, d'un gendarme, d'un policier, d'un magistrat, d'un préfet, et qu'il est jugé par une cour d'assise, pourquoi ne pas ouvrir la possibilité à cette dernière de prononcer, à titre de peine complémentaire, cette déchéance de la nationalité française ? En l'état actuel de la législation, la déchéance de la nationalité est possible uniquement par décret pris après avis conforme du Conseil d'État. Par cet amendement, nous souhaitons ouvrir à l'autorité judiciaire les possibilités de déchéance à titre de peine complémentaire.

Nous comprenons tous, me semble-t-il, qu'un individu qui a acquis la nationalité française assez récemment, qui commet un acte particulièrement grave d'atteinte à la nation, à travers l'atteinte à l'intégrité physique d'un de ses représentants, parce que c'est cela la question…

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Pourquoi serait-ce plus grave ? Ne nous prenez pas pour des imbéciles !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

La question n'est pas de dire si c'est plus ou moins grave, la question n'est pas de dire si c'est plus ou moins dissuasif. Il s'agit simplement, dans le cas d'un individu ayant récemment acquis la nationalité et ayant porté atteinte à l'intégrité d'un gendarme, d'un préfet, d'un magistrat, de donner la possibilité à l'autorité judiciaire de prononcer la déchéance de la nationalité parce que les gendarmes, les policiers, les magistrats représentent la nation française. Ce sera une possibilité, ce ne sera pas automatique.

Le code pénal prévoit déjà des déchéances, de l'autorité parentale, des droits civiques, civils et de famille. Pour ces personnes qui sont devenues françaises alors qu'en fait elles ne peuvent pas et ne doivent pas rester françaises parce qu'elles ont commis un crime à l'encontre d'une personne qui représentait la nation française, il faut ouvrir la possibilité à l'autorité judiciaire de prononcer la déchéance de la nationalité à titre de peine complémentaire à la peine principale, qui sera bien entendu une peine certainement très sévère.

Cet amendement prévoit une extension des possibilités de la déchéance en reprenant finalement la loi de 1993.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

Sur le fond, l'idée de corréler plus étroitement la déchéance avec les condamnations pour acte grave est intéressante et notre collègue l'a défendue avec talent. Toutefois, en l'espèce, il importe de tenir compte des exigences posées par le Conseil constitutionnel dans sa décision de juillet 1996.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

Cette décision réaffirme la nécessité de respecter l'égalité entre Français d'origine et Français par acquisition ainsi que du principe constitutionnel de nécessité de la proportionnalité des peines, qui impose un minimum de graduation entre la sanction encourue, en l'espèce la déchéance, et son fait générateur, qui ne peut qu'excéder les crimes de droit commun.

Le rapporteur préconise donc d'en rester à la rédaction retenue à l'article 3 bis, plus fidèle aux critères de la nature attentatoire aux intérêts fondamentaux de l'État des condamnations ou faits susceptibles d'ouvrir le recours à cette procédure, qui rompt fondamentalement l'égalité entre citoyens prévue à l'article 1er de la Constitution.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Je voudrais répondre à Etienne Pinte. Je ne l'ai pas fait tout à l'heure pour ne pas retarder le vote mais je ne voudrais pas lui donner le sentiment que je ne veux pas répondre à la question précise qu'il m'a posée.

Quand le Président de la République a-t-il pris sa décision ? Il y a une quinzaine de jours, lors d'une réunion d'arbitrage qu'il a présidée en présence du Premier ministre et des ministres concernés. Il a considéré que ce qu'il avait dit à Grenoble, sur les jeunes nés de parents étrangers sur le sol français et qui seraient par hypothèse des délinquants multirécidivistes ne devant pas acquérir automatiquement la nationalité française, méritait un examen très approfondi, compte tenu des conséquences que cela pouvait avoir, comme l'a montré la discussion que nous avons eue avec Claude Goasguen et plusieurs députés de la majorité hier après-midi.

Une personnalité sera donc nommée incessamment, ainsi qu'une commission. J'ai déjà pris l'engagement que les parlementaires seraient consultés. En outre, Claude Goasguen a indiqué qu'il y aurait une mission d'information.

Sur l'amendement, je suis du même avis que le rapporteur.

Il faut distinguer deux choses. La déchéance est une procédure exceptionnelle, très particulière. Je comprends la préoccupation des signataires de l'amendement mais je me dois de rappeler que la déchéance est une procédure administrative. Ce n'est pas une peine pénale ; elle vient, par décision de l'autorité administrative, s'ajouter à une peine pénale, mais elle ne peut la remplacer. En conséquence, l'amendement tel qu'il est rédigé poserait quantité de problèmes juridiques dont je pourrais, s'il le souhaite, entretenir Jean-Paul Garraud. C'est pourquoi je lui suggère de retirer cet amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Franchement, l'avocat que je suis trouve que l'amendement présenté par notre ami Garraud, qui est juge, est la seule manière de rendre applicable la disposition prévue à l'article 3 bis.

Il faut faire intervenir les tribunaux judiciaires et préciser qu'il s'agira d'une peine complémentaire. Ainsi, l'astuce dont je vous ai parlé tout à l'heure ne pourra être utilisée puisque l'individu n'aura pas la possibilité de renoncer à sa double nationalité. C'est donc la seule manière de procéder ; c'est un problème juridique.

Moi j'ai voté la loi Pasqua.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

À M. Garrigue qui nous parle des déclarations anti-déchéance de nationalité de M. Juppé, je rappellerai que celui-ci était membre du même gouvernement que M. Pasqua. Il ne doit donc pas être si hostile que cela à la déchéance de nationalité. J'y suis quant à moi favorable et j'estime que le système proposé dans cet amendement la rendrait applicable.

Par ailleurs, monsieur le ministre, la jurisprudence du Conseil constitutionnel n'est jamais définitive ; elle peut évoluer en fonction des circonstances. Le Conseil n'est pas figé dans une arche protectrice de la Constitution pour des temps éternels. Le code pénal réprime les actes ayant entraîné la mort de personnes qu'il énumère. Je ne reviendrai pas sur cette énumération, mais je suggère au Sénat d'y réfléchir. J'estime, quant à moi, qu'il vaudrait mieux réduire une telle liste aux personnes qui représentent l'autorité publique, c'est-à-dire les préfets, les policiers, les gendarmes, les pompiers, qui sont en première ligne.

Ce n'est pas un crime de droit commun simple que d'abattre un préfet. Rappelez-vous l'affaire Colonna ! Personne n'a parlé de crime de droit commun lorsque Colonna a abattu le préfet Érignac. C'était un acte de terrorisme. Il ne s'agit pas de faire preuve d'indulgence à l'égard des crimes de droit commun, mais abattre un policier, en matière d'atteinte à l'État, c'est supérieur, et vous le savez bien ! Il est temps que, dans cet hémicycle, après avoir dit « Touche pas à mon pote », on prenne comme devise : « Touche pas à mon flic », parce que ce sont eux qui sont menacés par les voyous de la République ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Que la déchéance de nationalité, selon diverses formes, soit conforme au droit international et public, c'est une évidence – c'est vieux comme Adam ! Mais elle est aussi conforme à la Constitution. Tout à l'heure M. Ayrault, dont je ne conteste pas le talent, évoquait le terrorisme, mais je suis désolé, la décision du Conseil constitutionnel parle de la gravité de l'acte, pas de terrorisme. Le terrorisme est jugé grave, mais c'est le caractère de gravité de l'acte en cause qui permet la déchéance. Or, assassiner quelqu'un, c'est grave !

Je ne sais pas si cette mesure sera dissuasive. Lors des débats sur la suppression de la peine de mort, nous avons entendu M. Badinter dire à cette tribune que, parmi les gens assistant à une exécution, il y avait aussi des criminels en puissance qui sont passés à l'acte. On peut renverser l'argument en disant qu'il y en a peut-être quatre ou cinq qui ne sont pas passés à l'acte. Je ne le sais pas et je n'irai pas sur ce terrain. Moi je me fonde sur le vouloir vivre ensemble.

Le vouloir vivre ensemble, comme disait Fustel de Coulanges, c'est la volonté d'être ensemble dans une communauté nationale. Et que disent nos concitoyens lorsque quelqu'un à qui on a donné cette chance de devenir français se comporte en meurtrier ? C'est de ce point de vue que l'on doit se placer. Nous devons être fermes sur ces principes. Tout individu doit savoir que s'il commet un meurtre, il encourt une déchéance de nationalité sous le contrôle des tribunaux, comme le prévoit l'amendement de Jean-Paul Garraud et Daniel Mach, que j'ai cosigné. Il n'y rien d'extraordinaire à cela, rien d'anticonstitutionnel ! Je dirai même que c'est du bon sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Je veux d'abord faire remarquer que, si cet amendement était adopté, nous reviendrions de fait sur la réforme de la double peine.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Nicolas Sarkozy en avait fait une réforme emblématique, il est vrai contre une partie de sa majorité, mais si nous acceptions cet amendement cela marquerait un véritable recul par rapport à ce qu'il avait alors présenté comme prioritaire.

Je voudrais rapidement répondre à M. le ministre qu'en Europe seule Malte punit certains de ses criminels de droit commun issus de l'immigration par une déchéance de la nationalité. Dans les autres pays européens, pour risquer une déchéance, il faut porter gravement atteinte à la sûreté de l'État ou représenter une réelle menace pour ses intérêts, être coupable de crime de guerre, d'acte terroriste ou servir dans une armée ennemie.

Par ailleurs, un bon nombre de pays européens, à l'exception de la France, ont ratifié la convention européenne sur la nationalité du Conseil de l'Europe, qui stipule que nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Si elle adoptait la disposition qui nous est proposée, la France serait donc une exception en Europe et serait, de fait, isolée.

Enfin, monsieur le ministre, vous avez fait une longue réponse juridique à destination du Conseil constitutionnel et du Journal officiel, mais vous n'avez pas répondu à la question posée par M. Goasguen s'agissant de la liste des agents qui seraient concernés. C'est une question véritablement fondée à laquelle vous vous devez de répondre. Par définition, un gardien d'immeuble n'est pas un agent de l'État. Quand bien même nous suivrions votre démonstration, ce qui n'est pas le cas, elle n'est pas probante sur ce plan.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

J'avais bien raison, tout à l'heure, de dire que nous étions dans un scénario bien rodé. Nous venons encore de le constater. Face à une partie de la majorité qui en veut encore plus, le ministre et le rapporteur s'érigent en défenseurs de la loi, rien que la loi ! Mais je nous mets en garde d'une manière collective : ce qui nous est proposé là deviendra la loi dans un ou deux ans si vous êtes encore au pouvoir.

Par ailleurs, monsieur le ministre, il n'est pas très honnête de nous donner la liste des pays européens qui ont un système à peu près identique à celui aujourd'hui en vigueur dans notre pays dans la mesure où, comme l'a dit Christophe Caresche, ce système ne sera désormais plus du tout le même en raison du vote de l'article précédent, et je ne parle pas de l'amendement que vous nous proposez et dont l'adoption serait un véritable scandale !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

Monsieur le ministre, vous m'avez demandé de retirer cet amendement. Je ne le ferai pas parce que je ne suis pas convaincu par votre démonstration selon laquelle, dans la mesure où il s'agit d'une procédure administrative en l'état prévue par l'article 25 du code civil, cela ne peut pas être aussi une procédure judiciaire. Mais qui peut le plus peut le moins, et cela ne serait pas un cas isolé.

À partir du moment où la déchéance de nationalité française peut être prononcée par décret, je ne vois pas pourquoi elle ne pourrait pas être décidée à titre de peine complémentaire par l'autorité judiciaire indépendante, par la cour d'assises composée de jurés qui représentent le peuple souverain. (Mmes et MM. les députés des groupes SRC et GDR se lèvent et quittent l'hémicycle.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

Pourquoi ce peuple souverain, cette Cour d'assises, cette autorité judiciaire indépendante ne pourrait-elle pas simplement envisager la possibilité – il n'y aurait rien d'automatique –, dans toute son indépendance, de prononcer cette déchéance de nationalité française à titre de peine complémentaire dans des cas évidemment limitativement énumérés ? Ce serait tout à fait normal sur le plan juridique, et j'insiste sur le fait qu'il ne s'agit pas du tout d'une double peine. Nous n'allons pas rouvrir le débat sur ce point. L'autorité judiciaire est fréquemment amenée à prononcer des peines dites complémentaires. La peine complémentaire de déchéance existe déjà avec la déchéance des droits civiques, civils et de famille, et je ne vois pas pourquoi une Cour d'assises souveraine ne pourrait pas prononcer, à titre de peine complémentaire, une déchéance de nationalité française lorsqu'une personne a porté une atteinte fondamentale à la nation en tuant un gendarme.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Monsieur le président, je vous demande une suspension de séance de cinq minutes.

Après l'article 3 bis

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à treize heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

La séance est reprise.

La parole est à M. Jean-Paul Garraud.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

L'ouverture à l'autorité judiciaire de la possibilité de prononcer à titre de peine complémentaire une déchéance de la nationalité française est une vraie question. J'ai réfléchi à ce qui vient d'être dit, j'ai entendu les arguments du ministre. Je souhaiterais qu'il s'engage à un examen approfondi de cette question, qui pourrait s'opérer lors de la suite de la lecture du texte, notamment au Sénat et en deuxième lecture à l'Assemblée.

Sous ces conditions, dans l'attente de la deuxième lecture, je suis prêt à retirer cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Cosignataire de l'amendement, je partage tout à fait l'avis de mon collègue.

J'y ajoute un point auquel je tiens. Je voudrais que dans l'énumération du code pénal à laquelle l'article 3 bis fait référence, on en revienne à une définition plus restrictive, qui représente véritablement l'autorité publique, et que cette discussion puisse avoir lieu devant le Sénat. Nous nous rapprocherions ainsi de la jurisprudence actuelle du Conseil constitutionnel, qui peut d'ailleurs évoluer.

(L'amendement n° 1 rectifié est retiré.)

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Je souhaite d'abord saluer l'attitude de Jean-Paul Garraud et de Claude Goasguen, et leur sens des responsabilités, qui n'a d'égal que leur compétence, sur ces sujets qu'ils viennent d'évoquer et qu'ils connaissent bien.

Nous aurons l'occasion de revenir sur ces questions, j'en prends l'engagement devant M. Garraud. Nous essaierons de vous expliquer pourquoi nos analyses concluaient qu'il y avait deux principes constitutionnels qui risquaient d'être affectés par cet amendement : le principe de nécessité des peines, face à une peine pénale complémentaire ; et le principe d'égalité devant la loi. Nous aurons l'occasion d'en débattre et d'essayer d'arriver à une position commune au Sénat et en deuxième lecture à l'Assemblée nationale, je m'y engage.

En réponse aux questions de Claude Goasguen, s'agissant tout d'abord de la déchéance de la nationalité, je rappelle que l'on peut engager la déchéance avant la fin de la peine, dès le prononcé de la condamnation, ce qui répond à l'une des préoccupations qu'il a exprimées.

Quant aux personnes concernées, je suis d'accord pour en rediscuter, il y a d'ailleurs eu des interventions contradictoires sur ce point. Aujourd'hui, la liste des personnes dépositaires de l'autorité publique contenue à l'article 221-4 du code pénal fournit effectivement une énumération : magistrats, jurés, avocats, officiers publics ou ministériels, militaires de la gendarmerie nationale, fonctionnaire de la police nationale, et ainsi de suite. À cette liste, l'article ajoute : « ou toute autre personne dépositaire de l'autorité publique », ce qui, incidemment, inclut un député, un ministre, et a fortiori le Président de la République, puisque certains ont soulevé cette question ce matin.

Claude Goasguen nous incite à retravailler cette liste, nous pourrons le faire. Nous en discuterons avant le passage au Sénat, et de nouveau à l'Assemblée nationale.

Dans tous les cas, merci, messieurs les députés, pour ce que vous venez de déclarer.

Debut de section - PermalienPhoto de Étienne Pinte

Je suis satisfait de la position du Gouvernement et du retrait de cet amendement. Je me permets de rappeler qu'avec Nicolas Sarkozy, en 2003, j'avais été l'un de ceux qui ont combattu la double peine et que nous avions voté les articles concernant la réforme de la double peine à l'unanimité.

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Suite de la discussion du projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma