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Intervention de Danièle Hoffman-Rispal

Réunion du 30 septembre 2010 à 9h30
Immigration intégration et nationalité — Article 3 bis

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanièle Hoffman-Rispal :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, si j'avais un souhait à formuler, ce serait qu'à l'avenir le Président de la République et ses ministres évitent de perturber nos débats avec des diversions telles que celles qui ont été utilisées cet été. Je passe – car mon collègue Jean-Pierre Dufau vient de le faire – sur la confusion, à partir de quelques faits divers et manipulations de statistiques, entre criminalité et immigration, entre immigration et délinquance : toujours des mots, des peurs, des stigmatisations. Vous stigmatisez ainsi, à partir de l'agissement d'un individu, tous les étrangers et je vais étayer ce propos.

S'il arrivait que, par malheur, l'un d'entre nous, mes chers collègues, commette un meurtre, que dirions-nous si l'on nous renvoyait sans cesse que nous sommes tous des meurtriers ? Comment reprocher à certains Français de verser dans l'antiparlementarisme, parce que deux ou trois députés ont fauté, si nous accablons d'injures tel ou tel groupe pour les égarements de l'un de ses membres ? Notre droit encadre les actes et les paroles des personnes physiques ou morales ; il ne connaît, en revanche, aucune autre communauté que celle que nous formons tous : la communauté nationale.

La deuxième manoeuvre consiste à imposer un rajout aux motifs de la déchéance de la nationalité. Son efficacité promet d'être nulle. J'ai entendu M. Goasguen nous expliquer, hier soir, comment tout bon avocat pourrait contourner cette disposition. On peut douter que des personnes capables d'agresser un policier – crime qu'il convient naturellement de punir –, et qui se moquent bien des symboles de la République quand ils ne les insultent pas, accordent une quelconque importance à la couleur de leur passeport.

Mesure excessive, la déchéance de la nationalité, qui implique le maintien d'une différence potentielle entre citoyens français de naissance et citoyens d'origine étrangère, ne touche que des cas extrêmes. En somme, l'individu qui a choisi de devenir Français, dénonce, par ses actes, ce choix. Le Gouvernement nous opposera que s'attaquer à un policier est la preuve manifeste d'un tel revirement. Il n'en est rien.

Le terroriste ou l'espion commet un acte de guerre à l'encontre de sa propre société. Il en menace les intérêts, ses conditions d'existence, ou porte une atteinte directe à cette existence. Attenter à la vie d'un individu est un acte aussi définitif que grave, qui mérite les peines les plus lourdes. Cependant, ni les intérêts vitaux ni la vie du pays ne sont menacés. Prétendre l'inverse, c'est accorder une importance hors de proportion aux actes d'un criminel ou d'une bande de criminels. C'est surtout considérer l'intention pour rien, elle qui est essentielle dans notre système juridique. L'espion ou le terroriste, s'il est Français, a l'intention de nuire à son pays. Par motivation idéologique, il porte atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation. Le criminel n'a pas cette hauteur de vue. Quoi qu'il prétende, la pauvreté de ses actes parlera contre lui.

Enfin, cette déchéance reviendrait à instaurer une peine de mort civile. L'abolition de la peine de mort repose sur deux idées : un tribunal peut se tromper et l'individu, même coupable, est en mesure de s'amender ou de reconnaître la gravité de ses actes. Outre le fait qu'un État ne peut s'abaisser au niveau du criminel, un système faillible ne peut prendre de mesure aussi définitive que la peine de mort. Or, n'osant pas tuer le corps du criminel, vous proposez de tuer le citoyen,

J'ai abordé ce thème de la déchéance, au risque d'y accorder plus d'importance qu'il n'en mérite, mais ne croyez pas que nous soyons dupes. Vous usez aujourd'hui du même artifice mis au point lors des amendements « test ADN » pour orienter le débat au plus loin des fragilités de votre projet de loi initial. Les associations qui mènent un travail de décorticage de vos propositions depuis de nombreux mois, la presse devenue familière du goût pour l'intox du ministre, et nos concitoyens lassés de vos gesticulations incessantes ne s'y tromperont pas davantage que les députés de l'opposition. En temps et en heure, ils sauront évaluer votre bilan comme il se doit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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