La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
Je fais mon rappel au règlement dès le début de la séance car je vais devoir quitter l'hémicycle pour présider la mission d'information sur la prise en charge des victimes de l'amiante.
Je tenais à porter à la connaissance de nos collègues ce qui s'est passé hier en commission des affaires sociales. La réforme du règlement se met actuellement en place – au prix de quelques semaines de flottement, mais chacun estime que le travail en commission en sera valorisé puisque c'est le texte de la commission qui est désormais débattu en séance publique.
Or, hier, alors que nous traitions d'une nouvelle mouture du texte sur le travail le dimanche, le président Méhaignerie nous a dit, alors que le rythme était pourtant soutenu, qu'il fallait accélérer car nous n'avions pas examiné encore assez d'amendements. Son argument pourrait se défendre, dans la mesure où la proposition de loi avait déjà été examinée en première lecture, mais je rappelle que nombre de députés de l'UMP étaient alors opposés au texte, allant même jusqu'à annoncer qu'ils ne le voteraient pas. Chacun se rappelle d'ailleurs les épisodes qui ont retardé l'inscription du texte à l'ordre du jour. Or, les mêmes nous disent aujourd'hui que la nouvelle rédaction change tout, qu'elle est formidable et qu'ils vont la voter allègrement. Cela signifie manifestement qu'il s'agit d'une nouvelle proposition de loi, qui méritait donc un vrai examen en commission.
Je ne vous en veux pas, monsieur le président Méhaignerie, car vous avez essayé de faire pour le mieux dans le temps qui était disponible, mais je constate, comme nombre de mes collègues, qu'outre le temps-guillotine en séance publique il y aura en commission, où l'on devrait pourtant prendre le temps de la réflexion, le « temps-TGV ». Cela pose un problème quant à l'expression démocratique au sein du Parlement.
Mon rappel au règlement porte sur un sujet différent, madame la présidente, mais je vous sais très attentive à nos conditions de travail, gage de notre efficacité. Il s'agit d'un problème d'organisation. Nous travaillons désormais, en séance publique, sur les textes issus de la commission. Ce sont donc ceux-ci qui sont mis en distribution, ainsi que le rapport du rapporteur. Or, vous avez remarqué comme moi que ces deux documents portent exactement le même numéro. Ainsi, le rapport sur le projet de loi, adopté par le Sénat, sur la mobilité et les parcours professionnels dans la fonction publique, porte le numéro 1766, et l'annexe, c'est-à-dire le texte issu de la commission, porte le même numéro. On peut donc, lorsqu'on demande le document en indiquant son numéro, recevoir soit l'un des deux documents, soit l'autre, soit les deux. Je suggère donc que la numérotation permette de les distinguer, de façon à ce que nous puissions travailler dans de meilleures conditions.
Monsieur Mallot, le texte issu de la commission est considéré comme une annexe au rapport. Il faudra donc que nous prenions, les uns et les autres, l'habitude de demander explicitement l'annexe au rapport. Le Président Accoyer nous a d'ailleurs demandé d'élaborer, après l'entrée en vigueur du nouveau règlement, une sorte de mode d'emploi, de vade-mecum pour nous aider à travailler correctement dans ces nouvelles conditions.
L'ordre du jour appelle la proposition de loi de M. François Sauvadet et plusieurs de ses collègues visant à garantir de justes conditions de rémunération aux salariés concernés par une procédure de reclassement (nos 1672, 1729).
La parole est à M. Philippe Folliot, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
Je tiens tout d'abord, monsieur le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, au moment où nous allons examiner le premier texte de loi dans le cadre de vos nouvelles fonctions, à vous adresser tous mes voeux de réussite sur les nombreux dossiers essentiels qui vous attendent.
Je vous remercie, monsieur le rapporteur.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, la proposition de loi qui vous est aujourd'hui soumise par le groupe Nouveau Centre vise à combler une faille de notre droit social, qui permet actuellement à un employeur de proposer des offres de reclassement jugées – légitimement – humiliantes par les salariés, dans le cadre d'une procédure de licenciement économique. Il y a quelques semaines, dans ma circonscription, des salariés se sont vu proposer par leur employeur, préalablement à leur licenciement, un emploi en Inde pour 69 euros par mois ! Hélas, cet événement, largement médiatisé, est loin d'être un cas isolé.
Comment admettre que des employeurs infligent à leurs salariés ce que je qualifie de double peine ? Au choc ressenti par l'annonce d'un licenciement vient en effet s'ajouter une proposition de reclassement indécente, particulièrement traumatisante pour des salariés déjà fragilisés.
Pourtant, les employeurs qui font part de ces offres de reclassement à l'étranger déclarent appliquer strictement le code du travail. Selon eux, s'ils ne le faisaient pas, ils prendraient le risque de voir déclarés abusifs les licenciements économiques qu'ils ont décidés. La bonne foi des employeurs en cause n'est sans doute pas toujours totale ; certains se plaisent ainsi à mettre en exergue les vicissitudes d'un droit du travail qui conduirait à des aberrations à force de vouloir préserver l'emploi. Selon les textes et la jurisprudence en vigueur, l'employeur est en effet obligé, lors d'un licenciement économique, de proposer à ses salariés tout emploi disponible, même s'il se situe à des milliers de kilomètres de leur foyer, et même si les conditions de rémunération sont nettement inférieures à celles qui prévalent sur le territoire français.
L'exemple du jugement rendu il y a quelques semaines par la cour d'appel de Reims est particulièrement révélateur du ridicule de cet état du droit, et tend malheureusement à donner raison à l'argumentation qui fait de l'offre de tous les reclassements disponibles, même manifestement inacceptables, une stricte obligation. Ledit tribunal vient en effet de condamner une entreprise à verser de très lourdes indemnités à des salariés licenciés, notamment pour avoir refusé, en accord avec les responsables syndicaux et par respect pour la dignité de ses employés, de leur proposer des emplois de reclassement en Roumanie à 110 euros par mois !
Mes chers collègues, il est grand temps de sortir de cette forme d'hypocrisie, de cette double peine infligée aux salariés. Il est urgent de sécuriser les procédures de reclassement, notamment en cette période qui voit se multiplier les licenciements pour motif économique, conséquences de la crise sans précédent que traverse notre pays.
J'ai pleinement conscience que ce texte peut donner le sentiment d'empiéter sur le domaine de compétence des partenaires sociaux. Je dirai simplement deux choses à ce sujet.
Tout d'abord, le parlementaire que je suis n'a pu rester inactif face à la détresse des salariés qu'il a rencontrés au lendemain de la proposition humiliante qui leur avait été faite à Castres.
C'est cette détresse qui a motivé le dépôt de la présente proposition de loi par notre groupe.
Ensuite, le champ de la loi de modernisation du dialogue social, qui impose une concertation préalable avec les partenaires sociaux avant toute modification du code du travail, ne s'applique pas aux propositions de loi.
Cela dit, j'ai tenu – à titre personnel et au nom du groupe Nouveau Centre – à rencontrer l'ensemble des organisations syndicales et patronales, interlocuteurs incontournables pour alimenter mes réflexions sur le sujet.
Je les ai d'abord rencontrés sur place, juste après l'événement intervenu à Castres. Je les ai ensuite rencontrés à l'Assemblée nationale, dans le cadre de l'organisation d'auditions préalables à l'élaboration du rapport. Tour à tour, j'ai eu des contacts avec la CFTC, FO, l'UNSA, le MEDEF, la CGT, la CFE-CGC et, tout dernièrement, la CFDT.
Je ne les ai pas rencontrés par formalisme, mais plutôt par déformation professionnelle, si vous me permettez l'expression. En effet, j'ai effectué l'essentiel de ma carrière dans le secteur de l'économie sociale et solidaire, à la tête d'un organisme paritaire oeuvrant dans le domaine du logement social. Consulter les organisations syndicales et patronales avant de proposer une orientation qui les concerne relève chez moi d'une conviction profonde quant à la nécessité du dialogue social, essentiel à une société apaisée.
Toutes ces auditions m'ont d'ailleurs amené à proposer en commission un amendement qui modifie substantiellement la proposition de loi initiale, afin de tenir compte du relatif consensus qui s'est formé, entre organisations syndicales et patronales, sur l'encadrement des procédures de reclassement à l'étranger. Ainsi, le texte que nous examinons a été approuvé dans ses grandes lignes par l'ensemble des partenaires sociaux que j'ai eu l'occasion de rencontrer.
J'en viens au coeur de ce texte, qui tend à compléter doublement l'article du code du travail relatif aux procédures de reclassement, contenu dans la sous-section 3 de la section 2 du chapitre du code relatif aux licenciements pour motif économique.
La première partie de l'article unique de la proposition de loi précise que les offres de reclassement devront assurer aux salariés une rémunération équivalente à celle qu'ils percevaient dans leur précédent emploi. Cette mention était étrangement absente de l'article L. 1233-4, qui se contentait d'assurer aux salariés concernés un reclassement portant « sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe, ou sur un emploi équivalent ».
Désormais, le juge pourra si ce texte est adopté, sanctionner les offres de reclassement assorties d'une rémunération non équivalente, et plus particulièrement celles qui sont humiliantes pour le salarié, ce qui permettra d'éviter les nombreuses dérives dont nous avons été témoins.
La seconde partie de la proposition de loi a trait plus spécifiquement aux offres de reclassement dans un pays étranger, et vise à en préciser les modalités et les spécificités.
En effet, si le problème ne se pose pas pour les pays qui ont un niveau de rémunération équivalent ou supérieur à celui pratiqué en France, il revêt une acuité particulière lorsque ces offres concernent des pays où les rémunérations y sont très nettement inférieures, et nécessite que nous légiférions.
L'internationalisation de notre économie et les écarts considérables des coûts du travail dans le monde amènent de plus en plus d'entreprises et de groupes à délocaliser leurs activités dans des pays à faible coût de main-d'oeuvre. Lors d'un licenciement économique, les employeurs sont donc obligés de proposer à leurs salariés un emploi dans toutes les implantations du groupe auquel l'entreprise appartient, ce qui conduit certains d'entre eux à s'exonérer de fait de leurs responsabilités, en proposant des rémunérations surréalistes dont ils savent pertinemment qu'elles ne seront pas acceptées.
Le dispositif que nous vous soumettons vise à replacer le salarié au coeur de la procédure de reclassement, sans exonérer l'employeur de sa responsabilité.
L'option retenue, après consultation des partenaires sociaux, consiste à donner une base légale à la méthode dite du questionnaire préalable, que certaines entreprises avaient imaginée pour éviter d'avoir à présenter à leurs salariés toutes les offres disponibles, aussi indécentes soient-elles. Cette méthode n'a malheureusement pas été admise par les juridictions de l'ordre judiciaire, alors qu'elle l'a été par celles de l'ordre administratif.
Le reclassement devra continuer à être envisagé dans toutes les implantations du groupe d'entreprises, mais l'employeur devra préalablement demander aux salariés s'ils accepteraient de recevoir des propositions de reclassement à l'étranger, et sous quelles conditions. Les offres concrètes ne seront ensuite envoyées qu'aux salariés ayant manifesté leur accord de principe pour recevoir de telles propositions, et sous réserve qu'elles répondent aux conditions de salaire et de localisation qu'ils auront exprimées.
Les salariés disposeront de six jours ouvrables pour manifester leur accord pour recevoir des offres d'emploi à l'étranger – le silence valant refus. Ce délai, volontairement court, permet de limiter la contrainte que la nouvelle procédure pourrait représenter pour les employeurs. L'introduction d'une obligation nouvelle sera largement compensée par la sécurité juridique qu'apportera une procédure simple, décrite avec précision dans la loi.
La nouvelle procédure ne s'appliquera qu'aux entreprises ou groupes ayant des implantations à l'étranger. Son inscription dans un nouvel article du code du travail permettra de bien la distinguer des règles de droit commun du reclassement qui, elles, sont jugées satisfaisantes, et qui resteront seules applicables en France.
Pour résumer ma présentation, je dirais que cette proposition de loi poursuit deux objectifs. Le premier relève de la morale : il s'agit de faire en sorte que jamais, plus jamais, un salarié ne puisse recevoir une proposition de reclassement indécente, voire traumatisante, au mépris même de sa dignité. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
Le second vise à sécuriser les procédures de reclassement, tant pour l'employeur que pour ses salariés, afin de mettre fin aux distorsions de jurisprudence entre l'ordre administratif et l'ordre judiciaire.
Avant de conclure, madame la présidente, je voudrais me réjouir de l'état d'esprit positif dans lequel se sont déroulés nos travaux en commission. J'en remercie les membres de la majorité – Francis Vercamer, le groupe Nouveau Centre, mes collègues de l'UMP et le président Méhaignerie –, mais je salue aussi l'implication constructive et républicaine de notre collègue Michel Liebgott.
Je suis convaincu que le vote de ce texte sera un signal fort et positif envoyé par le Parlement aux salariés, aux partenaires sociaux et aux employeurs. J'espère que la représentation nationale saura se rassembler le plus largement possible autour de cette proposition de loi, comme lors du vote intervenu en commission des affaires culturelles, familiales et sociales. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
Madame la présidente,monsieur le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales – cher Pierre Méhaignerie –, monsieur le rapporteur – cher Philippe Folliot –, monsieur le président du groupe Nouveau Centre – cher François Sauvadet –, mesdames et messieurs les députés, permettez-moi de vous dire ma satisfaction de débuter dans mes nouvelles fonctions par l'examen d'un texte qui illustre la conception que je me fais du rôle de mon ministère.
Mon ministère doit savoir mieux protéger les salariés des conséquences les plus graves de la crise, mais il doit aussi savoir jouer pleinement son rôle pour encourager le dialogue social le plus large. Je me réjouis donc que ce texte d'origine parlementaire, qui a par ailleurs fait l'objet d'une consultation des partenaires sociaux, rencontre sur vos bancs et auprès des acteurs des questions sociales une si large adhésion.
Cette proposition de loi intervient dans un contexte exceptionnel, celui d'une crise économique mondiale d'une gravité inédite, dont l'impact sur la vie des entreprises est considérable, et l'est plus encore sur celle de nos concitoyens. Même si la France résiste mieux que les autres pays européens et que les États-Unis, songeons tout de même que plus de 175 000 emplois ont été détruits au cours du seul premier trimestre de cette année !
Cette situation appelle des mesures de relance économique, que le Gouvernement a prises sans attendre, sous l'impulsion du Président de la République et du Premier ministre. Elle appelle aussi une grande vigilance en matière sociale.
Face à la crise, le Gouvernement est guidé par deux exigences : la protection, la justice. Ces valeurs sont au coeur de notre pacte républicain et inspirent, au quotidien, les décisions du Président de la République et du Gouvernement tout entier.
La protection reste l'essentiel de notre action. Il s'agit de préserver les Français des effets d'une crise dont ils ne sont pas responsables. Grâce au plan de sauvegarde des banques, aucun épargnant n'a perdu un centime d'euro de ses économies. Grâce au plan automobile, aucun effondrement du secteur n'a eu lieu. Grâce aux mesures décidées lors du sommet social du 18 février, dix millions de nos concitoyens ont pu être financièrement aidés. D'ailleurs, la consommation des ménages n'a pas baissé ; elle a même légèrement augmenté – de 0,7 % au mois d'avril.
Quant à notre exigence de justice, elle se traduit dans notre détermination totale à moraliser le capitalisme et à réguler la mondialisation. Je pense aux décrets du 30 mars et du 20 avril, qui concernent deux types d'entreprises : les entreprises aidées ou qui bénéficient de fonds publics, et les entreprises publiques.
Le MEDEF et l'AFEP ont annoncé, le 30 avril, la création d'un comité des sages pour veiller à ce que les dirigeants mandataires sociaux des entreprises mettant en oeuvre un plan social d'ampleur ou recourant massivement au chômage partiel reconsidèrent l'ensemble de leur rémunération et renoncent à la part variable de celle-ci.
Ce comité des sages, présidé par Claude Bébéar et créé en réponse à un souhait du Gouvernement, constitue un pas important. Il intervient après le renforcement, en décembre dernier, du code de gouvernement d'entreprise MEDEF-AFEP, relatif à la rémunération des dirigeants mandataires sociaux. C'est aussi la consécration d'une conviction : l'effort doit être partagé par tous.
Dans ce climat d'incertitude dans lequel nous vivons, une seule chose est certaine : plus rien ne sera comme avant.
En l'occurrence, pas exactement, comme je le prouve.
La mondialisation sauvage, avec son obsession du court terme, son addiction à la spéculation et son penchant pour le dumping social, monétaire et environnemental, n'a plus d'avenir. Nous devons donc en inventer un nouveau, en remettant tout à plat, en ébranlant nos dogmes et nos certitudes. Nous devons agir, indépendamment de la crise, pour redevenir les acteurs de notre propre histoire.
Le Président de la République a montré la voie, à l'occasion de la 98e session de l'Organisation internationale du travail, le 15 juin, à Genève. Dans un discours majeur, salué unanimement, le chef de l'État a exposé sa vision d'un nouvel ordre mondial, fondé sur une gouvernance rénovée et sur une meilleure régulation environnementale et sociale.
Dans ce contexte, la proposition de loi dont nous discutons apporte une pierre à ce nouvel édifice de protection et de justice. Permettez-moi de me réjouir de retrouver ce double souci dans la proposition de loi déposée par le Nouveau Centre, et utilement amendée par la commission des affaires sociales, son président et son rapporteur. Le travail que vous avez mené sur ce texte, cher Philippe Folliot, est tout à fait remarquable et je voudrais en saluer la grande pertinence. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
Vous avez, monsieur le rapporteur, soulevé avec raison une difficulté du code de travail.
Regardons la vérité en face : les dispositions actuelles, relatives aux propositions de reclassement d'un salarié faisant l'objet d'un projet de licenciement pour motif économique, ne sont satisfaisantes ni sur le plan juridique ni – pire encore – sur le plan éthique.
Sur le plan juridique, d'abord, les articles du code du travail obligeant les employeurs à proposer une solution de reclassement ont été diversement interprétés par les tribunaux. Qu'on ne s'y trompe pas : une jurisprudence instable constitue une incertitude de plus pour nos entreprises.
Plus encore, sur le plan éthique, est-il acceptable que des entreprises soient conduites à proposer à leurs salariés un reclassement dans des conditions indignes, pour des salaires objectivement misérables ?
Toutes sensibilités politiques confondues, nous avons été choqués par l'exemple que vient de rappeler Philippe Folliot : le comportement de l'entreprise Carreman, située à Castres, qui a osé, il y a quelques semaines, proposer à neuf salariés un reclassement en Inde pour un salaire mensuel de 69 euros, soit un montant près de vingt fois inférieur au SMIC !
Mais il est également absurde qu'une entreprise soit traînée devant les tribunaux – et condamnée – parce que sa direction a choisi, en conscience et en accord avec le comité d'entreprise, de ne pas proposer à ses salariés de telles offres de reclassement absurdes et coupables.
Or, c'est ce qui est arrivé au fabriquant de chaussettes Olympia, de Romilly-sur-Seine, que la cour d'appel de Reims a condamné à verser 2,5 millions d'euros à quarante-sept salariés à qui elle n'avait pas proposé de postes de reclassement, payés 110 euros par mois, en Roumanie. Lorsque la loi appliquée par les tribunaux conduit à de telles absurdités, il faut la changer.
La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui constituera donc une mesure de sécurité pour le salarié, mais aussi pour l'entreprise. En vertu de cet excellent texte, un groupe qui dispose d'implantations à l'étranger et doit procéder à des licenciements pour motif économique va tout d'abord adresser un questionnaire à ses salariés. Ceux-ci auront une semaine pour dire s'ils acceptent de recevoir des offres de reclassement à l'étranger. Ils pourront préciser, en outre, s'ils y mettent des restrictions ou des conditions. Par exemple, certains salariés pourront accepter de se voir proposer une offre dans un pays étranger à condition que celui-ci soit frontalier ; d'autres poseront comme condition un certain niveau de salaire. L'employeur n'enverra d'offres de reclassement à l'étranger qu'à ceux qui en auront clairement manifesté le souhait.
Cette disposition me semble tout à fait utile : utile, tout d'abord, pour les salariés, qu'elle protégera de propositions vécues comme humiliantes ; utiles également pour les entreprises, qu'elle protégera contre l'insécurité juridique par une procédure simple et lisible.
Si j'approuve cette proposition de loi à la fois utile à notre économie et juste pour les salariés, je tiens aussi, monsieur Sauvadet, monsieur le rapporteur, à saluer les conditions de son élaboration, laquelle a reflété la démocratie sociale et parlementaire que nous souhaitons promouvoir. Je pense, tout d'abord, au travail d'écoute mené en direction des partenaires sociaux. Comme vous le savez, la loi du 31 janvier 2007 relative à la modernisation du dialogue social, dite loi Larcher, a permis de mieux organiser le dialogue entre les pouvoirs publics et les partenaires sociaux : le Gouvernement, lorsqu'il envisage de présenter un projet de loi modifiant le droit du travail, est désormais tenu de se concerter préalablement avec ces derniers. C'est une règle que le Gouvernement respecte scrupuleusement,…
…tant il est important que le dialogue social porte ses fruits et que toute modification juridique sensible du code du travail soit précédée d'une négociation approfondie. Sous la présente législature, deux lois importantes ont ainsi déjà fait l'objet de cette procédure. C'est aussi le cas du projet de loi relatif à la formation professionnelle que Laurent Wauquiez vous a présenté.
Il en va différemment des propositions de loi, lesquelles ne sont pas soumises à cette obligation : c'était bien toute la difficulté. Je tiens donc à remercier le président Sauvadet et Philippe Folliot d'avoir choisi de consulter les partenaires sociaux, se substituant ainsi, si j'ose dire, au Gouvernement. (Sourires dénégateurs sur les bancs du groupe NC.)
En les auditionnant, ils ont respecté l'esprit de la loi Larcher alors qu'ils n'étaient pas soumis à sa lettre. Je tiens à saluer cette démarche de consultation préalable, qui, je pense, fera jurisprudence. Elle me paraît d'autant plus opportune qu'elle complète la négociation relative à l'emploi et au marché du travail que les partenaires sociaux viennent d'engager dans le cadre de l'agenda social défini par le Premier ministre.
Nous devons sans doute formaliser davantage encore ces nécessaires échanges avec les partenaires sociaux. Il ne s'agit évidemment pas d'opposer démocratie parlementaire et démocratie sociale, mais d'éclairer utilement le débat parlementaire par une consultation approfondie des partenaires sociaux.
Ce dialogue a porté ses fruits. M. le rapporteur a rencontré les syndicats et les organisations patronales et a tenu compte de leurs remarques. Le Gouvernement se réjouit donc de cette proposition de loi et l'approuve pleinement. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la présente proposition de loi illustre parfaitement l'intérêt de laisser à l'initiative parlementaire le soin d'apporter à des difficultés vécues par nos concitoyens des solutions concrètes et pragmatiques.
Il ne s'agit pas seulement de changer la loi pour le principe, mais de remédier à une difficulté partiellement liée à un défaut de précision du droit, afin d'assurer, tant aux salariés d'une entreprise en difficulté qu'à cette entreprise elle-même, un peu plus de sécurité juridique. Le député est ici exactement dans son rôle : relais entre le citoyen et le Parlement, il définit la loi d'une façon qui n'est pas forcément la plus précise, mais en tout cas la plus efficace.
Or l'efficacité, dans le texte qui nous est proposé, s'accompagnera, pour le coup, d'un certain degré de précision. L'article dont nous débattons vise en effet à encadrer les conditions de rémunération des salariés menacés d'un licenciement économique, et à qui il est proposé un reclassement à l'étranger. L'examen préalable des possibilités de reclassement d'un salarié au sein d'une entreprise avant que ne soit envisagé son licenciement économique est, en effet, une condition exigée de longue date par la jurisprudence.
C'est dans cette logique que le législateur, en 2002, a introduit dans le code du travail les dispositions de l'article L. 1233-4, lequel dispose que le licenciement économique « ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient ».
Cet article précise également les conditions du reclassement dans un emploi de même catégorie ou équivalent à l'emploi occupé, ou, à défaut, avec l'accord exprès du salarié, dans un emploi d'une catégorie inférieure.
Ces dispositions du code du travail, mûries par une jurisprudence antérieure, devaient apporter aux salariés la garantie de ne pas être considérés comme une simple variable d'ajustement de l'activité de l'entreprise lorsque celle-ci fait face à des difficultés. Nous savons pourtant que l'application de ce texte a abouti à des situations paradoxales, où la loi, censée protéger le salarié une fois appliquée, met en fait celui-ci un peu plus en difficulté encore, à un moment où il se révèle particulièrement fragile.
En vertu de cette disposition du code du travail, il est en effet arrivé, à plusieurs reprises, que des employeurs, pour satisfaire à leur obligation de reclassement, proposent des postes situés dans l'entreprise ou dans une entreprise du groupe, certes, mais à l'étranger, et à des conditions de travail et de rémunération qui ne permettaient évidemment pas aux salariés concernés d'accepter.
La jurisprudence a entretenu une certaine confusion sur la portée de l'obligation de reclassement lorsque celui-ci concerne un poste à l'étranger. Ainsi, la Cour de cassation a adopté une lecture très large de cette obligation en considérant, dans le cas d'une délocalisation en Thaïlande, que l'employeur devait envisager le reclassement du salarié, y compris si ce reclassement devait s'opérer par le biais d'une modification substantielle de son contrat de travail. La juridiction administrative s'est quant à elle montrée plus mesurée, le Conseil d'État prenant en considération l'intérêt du salarié concerné pour un éventuel reclassement à l'étranger et la possibilité d'exercer des fonctions comparables.
La divergence d'appréciation entre les ordres juridictionnels s'est maintenue, un récent arrêt de la cour d'appel de Reims condamnant pour licenciements abusifs une entreprise n'ayant pas formulé à ses salariés, préalablement à leur licenciement économique, une offre de reclassement en Roumanie rémunérée 110 euros mensuels – on marche sur la tête !
Il y a quelques années, l'administration du travail avait également tenté de préciser les dispositions du code du travail relatives à l'obligation de reclassement lorsque celui-ci s'opère à l'étranger. Dans une instruction du 23 janvier 2006 relative à l'appréciation de propositions de reclassement à l'étranger, la DGEFP – la Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle – a ainsi établi que le fait de formuler des propositions de reclassement à l'étranger, « quand bien même ces propositions seraient de fait inacceptables pour les salariés concernés », est une application du code du travail « qui méconnaît un principe fondamental du droit contractuel qu'est celui de l'exécution de bonne foi des obligations contractuelles ». L'instruction précisait aussi que la proposition de postes au sein d'un groupe dans des unités de production à l'étranger, pour des salaires très inférieurs au SMIC, ne pouvait être considérée comme sérieuse, et ne répondait donc pas aux obligations du code du travail.
Toutefois, ni la jurisprudence, ni l'administration du travail, ni, a fortiori, le code du travail n'ont permis de dissiper les interrogations et les interprétations concernant le reclassement à l'étranger. C'est dans ce contexte que le législateur est aujourd'hui amené à intervenir. Il nous revient en effet de préciser clairement les conditions dans lesquelles doit être formulée l'offre de reclassement à l'étranger, afin de tenir l'objectif de maintien dans l'emploi du salarié et de ne pas lui donner le sentiment d'une proposition de pure forme. Ces hypothèses irréalistes de reclassement dans des pays éloignés, qui ne tiennent aucun compte des conditions de rémunérations, ne font évidemment que plonger davantage dans le désarroi et la colère des salariés déjà déstabilisés par la perspective d'un licenciement. Elles sont perçues comme des provocations ou l'expression d'un mépris d'autant plus pénible lorsque l'entreprise engage un plan social à la suite d'une décision de délocalisation.
C'est l'intérêt du dispositif que vous nous proposez aujourd'hui, monsieur le rapporteur, avec tous les députés du groupe Nouveau Centre.
Avec tous mes collègues du Nouveau Centre, oui : il fallait le préciser ! (Sourires.)
D'une part, vous souhaitez que toute proposition de poste de même catégorie ou équivalent s'accompagne d'une rémunération elle-même équivalente ; de l'autre, vous proposez, selon une logique assez proche de celle de la juridiction administrative, de préciser les modalités des offres de reclassement à l'étranger via un questionnaire préalable. Ce dernier permettra à l'employeur d'interroger le salarié afin de savoir si celui-ci accepterait une proposition de reclassement à l'étranger. Il aborderait également les conditions de rémunération et de localisation du poste.
En commission, certains d'entre nous – tel M. Poisson – ont émis la crainte qu'un tel dispositif n'alourdisse le cadre fixé par la loi et ne constitue une contrainte supplémentaire pour les entreprises. C'est un avis auquel il est nécessaire d'être attentif, tant l'enfer est souvent pavé des meilleures intentions. Il est certain que l'entreprise qui doit procéder aux offres préalables de reclassement avant un licenciement économique a suffisamment de difficultés pour que la loi ne vienne pas compliquer un peu plus la procédure dans laquelle elle s'engage. Cependant, le dispositif proposé par le rapporteur nous paraît assez précis pour éviter, cette fois, la multiplication des interprétations quant à sa mise en oeuvre.
Par ailleurs, l'état actuel de la législation, qui donne libre cours à la jurisprudence et place, de ce fait, le salarié comme l'entreprise dans une situation d'insécurité juridique liée à l'instabilité de la règle de droit, n'est pas satisfaisant. Il est de l'intérêt de l'entreprise comme du salarié d'avoir, comme y invite cette proposition de loi, une règle claire, laquelle évitera certaines situations qui ont défrayé la chronique.
Ce sont bien là, en effet, deux atouts essentiels du texte. À l'heure où nous affichons l'ambition de sécuriser davantage les parcours professionnels des salariés, cette proposition de loi s'attache à clarifier les dispositions du code du travail, de manière à le rendre plus lisible et plus compréhensible. Avec le dispositif proposé par le rapporteur, le code du travail apportera une sécurité supplémentaire s'agissant d'une situation de transition mal vécue par les salariés.
De fait, cette proposition de loi s'inscrit dans le droit fil de l'action gouvernementale, car elle apporte des réponses concrètes à nos concitoyens confrontés aux effets de la crise économique. Par ailleurs, elle contribuera – chose bien utile en ces temps de crise de l'emploi – à réconcilier nos concitoyens avec les entreprises. L'un de ses autres objectifs est en effet d'éviter, par la clarification et la simplification du droit, que ne se reproduisent des situations navrantes qui, colportées dans les médias, réduisent le monde de l'entreprise à un univers uniquement empreint de cynisme.
Les images caricaturales d'offres de reclassement en Roumanie pour 110 euros par mois, ou en Inde pour 69 euros, portent atteinte à l'image de l'entreprise. Or c'est par l'entreprise que reviendront l'emploi et la croissance. Notre travail est de mettre en place des conditions favorables à la création d'emplois et au soutien de l'activité. Il est aussi de permettre que s'instaure dans l'entreprise un climat de confiance indispensable à sa pérennité.
Cette proposition de loi y contribue, en démontrant que les logiques économiques sont indissociables du respect dû aux personnes. C'est la raison pour laquelle le groupe Nouveau Centre la votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais, au préalable, adresser toutes mes félicitations à M. le ministre pour ses nouvelles fonctions.
Merci, madame.
Nous sommes réunis aujourd'hui pour débattre de la proposition de loi de nos collègues François Sauvadet, Philippe Folliot, rapporteur, et de plusieurs députés du groupe Nouveau Centre, visant à garantir de justes conditions de rémunération aux salariés concernés par une procédure de reclassement.
Plus que jamais, l'emploi reste la première préoccupation de nos concitoyens. La crise que nous traversons suscite bien des inquiétudes et il est indispensable de proposer des solutions pour en atténuer les effets. L'obligation de reclassement interne des salariés menacés de licenciement est consubstantielle au licenciement économique : en effet, ce n'est pas la personne qui est licenciée, mais le poste qui est supprimé. Avant la loi de modernisation sociale qui a renforcé l'obligation de reclassement, la Cour de cassation avait fait de la recherche d'un reclassement un préalable à tout licenciement économique, qu'il soit collectif ou individuel, et une condition de validité de ces licenciements. Bien entendu, la Cour de cassation a également posé que, outre cette obligation de reclassement, l'employeur, tenu d'exécuter de bonne foi le contrat de travail, avait celle d'assurer l'adaptation des salariés à l'évolution de leurs emplois.
La loi de modernisation sociale a apporté quelques précisions à l'ancien article L. 321-1 du code du travail, qui consacre cette jurisprudence, par l'ajout d'un alinéa : « Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque le reclassement de l'intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou à défaut sur un emploi d'une catégorie inférieure soit proposé. »
Cette loi avait ainsi renforcé la protection des salariés en instaurant l'obligation de proposition de reclassement, considérée comme une obligation de moyens et non de résultats. Une jurisprudence rigoriste a découlé de ce renforcement, alors même que le reclassement devait permettre une permutabilité efficace. En effet, les employeurs doivent proposer un reclassement au sein du groupe, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.
Ainsi, avant de licencier, l'employeur doit avoir épuisé toutes les possibilités de reclassement, y compris dans ses structures à l'étranger. Le critère de permutabilité ne doit pas se heurter à des obstacles tenant au lieu d'exploitation. En effet, les sociétés situées à l'étranger sont soumises à la loi nationale en vigueur, qui peut faire obstacle à la mutation des salariés. Ainsi, à la suite de nombreuses affaires de propositions de reclassement, notamment dans les pays de l'Est, tels que la Roumanie, il est indispensable que la loi soit clarifiée.
Si les obligations des employeurs doivent bien sûr être maintenues, il faut des précisions concernant les salaires afférents aux postes proposés.
Prenons l'exemple de ce fabricant de textile qui risque de devoir déposer son bilan et licencier près de 300 salariés, au motif qu'il n'avait pas proposé, en 2005, de reclassement en Roumanie à quelques employés qu'il avait licenciés. À l'époque, il avait en effet estimé qu'il ne pouvait décemment leur demander d'aller travailler dans les unités de productions du groupe situées là-bas, pour un salaire de 110 euros par mois, bien inférieur au SMIC français.
Une autre entreprise de textile située à Castres, dans la circonscription de M. le rapporteur Folliot, a proposé à neuf de ses salariés un reclassement en Inde, payé 69 euros par mois. Cette entreprise ne souhaitait pas délocaliser ces employés en Inde, mais se voyait contrainte de leur proposer cette possibilité de reclassement. Du reste, la législation indienne impose aux travailleurs étrangers un niveau de ressources nettement supérieur à ces 69 euros par mois pour qu'ils soient accueillis sur le territoire indien. On prend ici conscience du caractère incongru d'un tel système.
Ce type de proposition résulte de l'interprétation tout à fait erronée que les juges ont faite de l'obligation qu'a l'employeur de proposer des postes au sein du groupe auquel appartient l'entreprise.
L'instruction de la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle n° 2006-01 du 23 janvier 2006, relative à l'appréciation de propositions de reclassement à l'étranger, a précisé qu'« une application restrictive de ce texte méconnaît un principe fondamental du droit contractuel qu'est celui de l'exécution de bonne foi des obligations contractuelles » et que « la proposition d'une entreprise concernant des postes au sein du groupe, dans des unités de production à l'étranger, pour des salaires très inférieurs au salaire minimum interprofessionnel de croissance, ne peut être considérée comme sérieuse et ne saurait répondre aux obligations inscrites dans la loi ». Compte tenu des salaires proposés, il a été considéré que les offres étaient inacceptables en l'état, qu'il n'était pas admissible qu'elles constituent de réelles propositions de reclassement telles que précisées par le code du travail, et qu'en conséquence elles étaient nulles et non avenues.
Comme nous pouvons le constater, la jurisprudence actuelle étant devenue aberrante, une évolution de la législation est nécessaire.
En outre, la question fondamentale de la mise en oeuvre efficace du reclassement renvoie à celle de la mobilité professionnelle et géographique. Grâce à l'excellent rapport de notre collègue Claude Greff concernant la mobilité pour l'emploi, nous prenons conscience que les individus se heurtent à de nombreux obstacles à la mobilité, à la différence du marché du travail qui, lui, connaît une réelle flexibilité.
Les propositions de reclassement inadaptées faites aux salariés licenciés s'ajoutent ainsi à la liste des freins à cette mobilité pourtant indispensable en temps de crise, lorsque les bassins d'emploi et certains secteurs économiques n'offrent plus la même sécurisation des parcours professionnels.
Toutefois, si nous soutenons ce texte, il convient d'éviter de créer, en voulant corriger les dérives de la jurisprudence, de nouvelles complexités.
La proposition de loi qui nous est proposée dispose que l'employeur devra, préalablement au licenciement, interroger le salarié sur son acceptation de recevoir des offres hors du territoire, et ce « dans chacune des implantations en cause ».
Nous nous interrogeons à ce sujet : la jurisprudence ne va-t-elle pas à nouveau s'engager dans une de ces interprétations extensives dont elle a l'habitude, en disposant que cette interrogation, à moins de dresser la liste exhaustive de sites d'implantations, n'est pas régulière, que l'offre de reclassement n'est donc pas respectée et que le licenciement final est infondé ? Cette question n'est pas anodine : on imagine le catalogue que certaines entreprises ou certains groupes de la distribution ou de la restauration rapide seraient obligés de dresser. McDonald's devrait-il faire la liste de tous ses restaurants dans le monde ? Lafarge, de toutes ses cimenteries ?
Nous aimerions, monsieur le ministre, que vous éclairiez la représentation nationale en lui communiquant votre interprétation du texte, car, quitte à corriger la jurisprudence, nous préférerions ne pas offrir de nouveaux espaces à sa créativité.
Enfin, pour accompagner les Français dans cette période difficile pour l'emploi, je tiens à saluer l'initiative du Gouvernement qui souhaite proposer aux partenaires sociaux de prendre des mesures massives en faveur de l'activité partielle et d'étendre le contrat de transition professionnelle afin que tout licencié économique puisse garder son salaire et recevoir une formation pendant un an.
La proposition de loi du Nouveau Centre vise à traiter la question des offres abusives en raison des salaires offerts. Grâce à ce texte, un certain niveau de rémunération sera garanti aux salariés dans le cadre des procédures de reclassement, et les employeurs ne seront plus obligés de leur proposer des offres manifestement inacceptables. C'est pourquoi le groupe UMP y est favorable. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis de constater que l'Assemblée, avant même que soit adoptée cette proposition de loi, a pris acte de l'existence de la loi de modernisation sociale de 2002, dont personne ne conteste plus le principe et qui fait l'unanimité. Je rappelle qu'elle a été adoptée sous le gouvernement Jospin.
Cela dit, après les premières interventions que nous venons d'entendre, je ne voudrais pas sombrer dans un optimisme béat, car je ne crois pas que les réticences qui se sont exprimées en commission aient complètement disparu.
Il est évident, d'autre part, que nous n'allons pas tout régler en supprimant ce que Laurence Parisot avait qualifié – excusez du peu – de « honteux, humiliant, sadique, inacceptable ».
Je me félicite que M. Folliot ait pris cette initiative, et je le lui ai d'ailleurs dit. Mais on peut se demander pourquoi, depuis sept ans, les gouvernements successifs n'ont pas pensé à la prendre eux-mêmes. Ce n'est pas aujourd'hui que ces excès ont été constatés ! En 2005 déjà, le PDG de l'usine alsacienne de bobines électriques SEM-Suhner, avait suscité l'émoi dans la population et chez les salariés : pour autant, le Gouvernement n'avait pas envisagé de dispositions nouvelles, alors même qu'il en a proposé tant d'autres qui, sans doute, paraissaient moins nécessaires, moins utiles et moins éthiques. Les exemples caricaturaux se sont ensuite multipliés. Ainsi, dans le cas de l'entreprise de teinturerie Staf à Hénin-Beaumont, il était précisé que la mutation se faisait dans le groupe avec reprise d'ancienneté, mais les salaires proposés étaient dérisoires – 315 euros brut au Brésil et 230 euros brut en Turquie.
L'exemple de Castres est encore plus provocateur : 69 euros, c'est l'apogée de la caricature. Il fallait réagir et le rapporteur a eu raison de déposer une proposition de loi à laquelle nous souscrivons. Prenons garde, cependant, qu'elle ne soit l'arbre qui cache la forêt. En commission, M. Poisson a rappelé que, en Allemagne, le salaire minimum ne couvre que 54 % des salariés, que les syndicats font campagne pour qu'aucun salaire ne soit inférieur à 750 euros par mois,…
…et que le SMIC espagnol tourne autour de 600 euros par mois, contre 1 300 en France. Même si tout cela est vrai, n'en faisons pas un modèle, car, en réalité, les 69 euros sont certes une caricature, mais, demain, on peut proposer 400, 500, 600 ou 700 euros. Après tout, peut-être, en Roumanie ou en Pologne, peut-on vivre avec un tel salaire. Derrière la remarque qu'ont faite certains de nos collègues du groupe UMP, se profile le danger de voir proposer des salaires, peut-être pas aussi caricaturaux que ceux dont on a parlé à Castres, mais également inacceptables. Les quelques réserves que je viens d'entendre à l'instant, dans la bouche de Mme Irles, me confortent dans l'idée qu'il nous faudra rester vigilants.
En avril dernier, l'équipementier automobile rennais Barre Thomas, ex-CF Gomma, a proposé à des techniciens d'aller travailler en Pologne pour 700 euros. Que faire, face à de telles propositions ? Si nous n'avions pas été dans le sens voulu par le rapporteur et par le groupe socialiste, si nous avions suivi ceux de nos collègues de l'UMP qui considéraient qu'il ne fallait pas instituer ces règles, de tels salaires inacceptables pourraient être légitimement proposés.
Naturellement, il faut aller vite ; plutôt que d'ergoter, nous allons donc corriger ce qui n'est rien d'autre qu'un scandale pour l'image de la France et de ses entreprises, mais aussi – vous l'avez dit – une double peine pour les salariés, peine qu'ils ne peuvent ni accepter ni même comprendre. Comment comprendre en effet que dans un État de droit, même en vertu d'un arrêt de la Cour de cassation, le droit aille à l'encontre du salarié et de l'être humain ? En théorie, le droit doit, dans nos sociétés, corriger les injustices et non les creuser. Il était donc temps que nous intervenions.
La loi, comme la langue d'Ésope, peut être la meilleure ou la pire des choses. Ainsi, tout n'a pas été prévu dans la loi de modernisation sociale ; elle envisageait certes tous les efforts de formation, d'adaptation et de reclassement au sein du groupe et prévoyait même la possibilité, avec l'accord du salarié, d'un reclassement à un moindre salaire, mais elle veillait aussi – j'insiste sur ce point – à préserver les possibilités de réembauchage du salarié qui aurait perdu son salaire.
Pour revenir au présent texte, je veux d'abord me réjouir de l'accord obtenu entre la gauche et le rapporteur sur le premier amendement, fruit d'une négociation et, si j'ai bien compris, d'un échange avec les syndicats.
C'est cet accord qui nous permet d'examiner aujourd'hui cette proposition de loi avec bienveillance. Il repose sur le principe d'équivalence de la rémunération – et il faut entendre, par rémunération, l'ensemble du montant pris en compte pour calculer l'allocation chômage ou l'indemnité de licenciement, et non pas simplement le salaire de base.
J'en viens au deuxième point, qui a fait débat en commission et qui, semble-t-il, fait toujours débat, certains n'ayant pas abandonné le combat. En commission, j'ai bien entendu certains élus de l'UMP dire – tout en le regrettant – qu'il faudrait demander au préalable au salarié s'il accepte de recevoir des offres pour des établissements implantés à l'étranger, avec les contraintes administratives et les délais de courrier que cela implique. Mme Irles elle-même vient à l'instant d'émettre quelques réserves à ce propos. Je regrette infiniment la décision de la Cour de cassation d'imposer à l'employeur de ne pas se contenter de publier les offres, mais aussi de les adresser aux salariés. Je ne veux naturellement pas verser dans la caricature, opposer les « méchants patrons » aux « gentils salariés » – ni le contraire. Il existe cependant un rapport de forces favorable, par nature, à l'entrepreneur et à l'entreprise face au salarié. Il nous appartient donc – comme il devrait appartenir à la jurisprudence – de défendre ceux qui sont en position d'infériorité.
Dès lors, il faut effectuer une vraie recherche des postes disponibles, et non se contenter de lettres circulaires et générales que personne ne remarque et qui, en tout cas, ne seront que de peu d'effet en cette période où les salariés se trouvent dans un état de détresse psychologique considérable. Souvent, ils ne sont pas prêts à rebondir : songez comme il est difficile de constater que l'on va perdre son emploi, qu'il faudra en trouver un autre et s'y adapter ! Mettons donc toutes les chances du côté du salarié. C'est d'ailleurs le message que le Conseil d'État a tenté de faire passer à maintes reprises ; hélas, certains l'ont indiqué, la Cour de cassation ne partageait pas cette position.
Heureusement, avec le rapporteur et même, il est vrai, avec certains élus de la majorité qui nous ont rejoints, nous avons tenu ! J'en profite pour rendre hommage au président Méhaignerie, qui a pris position comme il le fallait.
Certains élus du groupe UMP se disaient défavorables à cet amendement – dont, s'ils avaient eu gain de cause, nous ne serions plus en train de discuter – mais invitaient à juste titre le rapporteur à le redéposer ultérieurement. Quand ?
Dans sa sagesse, le président Méhaignerie a proposé que nous l'adoptions afin d'engager le débat avec le Gouvernement en séance publique.
Je l'ai dit en commission : pour une fois que nous avons la main, gardons-la ! Autrement, les propositions de loi n'auraient plus de sens. S'il fallait que le Gouvernement donne son accord à chaque fois qu'une proposition de loi – même si elle donne lieu à quelques contacts préalables – est déposée, le sens même de la démocratie parlementaire disparaîtrait !
Je l'ignore. Je constate toutefois qu'il a fallu batailler en commission pour adopter cet amendement, voilà l'essentiel.
Pourtant, depuis lundi, plusieurs nouvelles questions se posent car, entre la situation catastrophique, telle que nous l'avons décrite, que vivent de nombreux salariés, et le discours du Président de la République, vous conviendrez qu'il y a un gouffre ! Je me demande comment le Président de la République et le Gouvernement, chargé de mettre en oeuvre les orientations qu'il arrête, vont le combler. Qu'a donc dit le Président de la République, qui est allé bien plus loin que nous aujourd'hui ? Il a fait la proposition suivante, rien de moins : « Tout licencié économique, je dis bien tout licencié économique, doit pouvoir garder son salaire et recevoir une formation pendant un an ». La proposition doit être soumise aux partenaires sociaux, afin qu'ils prennent des mesures massives d'extension du contrat de transition professionnelle. C'est très bien, mais – je le dis au rapporteur et à l'ensemble des collègues ici présents – il serait logique que le salarié reclassé avant la mise en oeuvre du plan social bénéficie d'une rémunération équivalente. Je demande donc par anticipation l'application de la proposition du Président de la République dans le cadre du présent texte. Chiche !
Peut-être le ministre nous donnera-t-il satisfaction tout à l'heure, mais ne rêvons pas ! Les ouvriers de Gandrange – je peux en témoigner, car il s'agit de ma circonscription – attendent toujours la venue du Président de la République... D'autres, moins engagés à nos côtés – je pense au président de l'UNEDIC –, ont parlé de « reclassement de luxe », avec 17 500 euros par allocataire. Or, vous savez que le contrat de transition professionnelle concerne aujourd'hui 3 500 personnes. S'il concernait l'ensemble des 270 000 licenciés économiques, il coûterait 5 milliards !
Nous vous proposons donc de supprimer la mesure relative aux heures supplémentaires prise dans la loi TEPA, qui, à plus de 4 milliards, coûte presque autant, pour pouvoir respecter l'engagement du Président de la République.
Si vous ne le faites pas, à quoi sert-il que le Président de la République vienne annoncer à Versailles la protection pendant un an des salariés licenciés, qui constitue une mesure phare ?
Puisque nous débattons aujourd'hui d'un texte fondamental pour la dignité des salariés, allons plus loin encore dans le sens de leur protection et de la « flexisécurité » que certains vantent.
Cela étant, restons attentifs. Si nous sommes sur le point de faire aujourd'hui un grand pas dans un domaine précis, je vous mets en garde : nous stagnerons sur le reste. Le secrétaire général adjoint de la CFDT, Marcel Grignard, l'a dit, en réaction à l'intervention du Président de la République : certains auront tout, d'autres n'auront rien. Voilà le fond du problème ! Aujourd'hui, nous supprimons peut-être une injustice considérable, dramatique, inacceptable dans nos démocraties, mais nous ne règlerons pas le problème de ces centaines de milliers de chômeurs à venir, auxquels le contrat de transition professionnelle offrira peut-être une solution. Encore faut-il préciser comment il sera financé. Nous vous proposons donc de le financer en supprimant l'exonération des heures supplémentaires, dont l'objectif n'est pas de reclasser des licenciés économiques, mais de donner du travail à ceux qui en ont déjà,…
… et ce au prix d'une aggravation du déficit des finances publiques. Or, dans son discours, le Président de la République a fait état de la préoccupation que représente l'aggravation du déficit. Pour atténuer cette préoccupation, revenez donc sur une mesure qui paraît non seulement injuste, inadaptée à l'air du temps et à la situation économique, mais aussi presque provocatrice à l'égard des licenciés économiques qui, eux, cherchent simplement du travail – et non à travailler davantage.
J'ajoute qu'à toujours vouloir travailler un peu plus par le biais des heures supplémentaires, on risque une dérive consistant à légitimer ces bas salaires – sans doute pas ceux de 69 euros, mais les salaires de 800 à 1 000 euros pour un temps partiel, que j'évoquais. Au fond, les propositions du Gouvernement, cumulées, ont une cohérence : au RSA s'ajoutent un petit boulot à temps partiel et les heures supplémentaires – voilà qui peut constituer un petit SMIC ou presque, qui, pourtant, coûte très cher et n'arrange que les entreprises.
Il était essentiel de lever tous les obstacles juridiques, tant pour l'entreprise que pour les salariés, afin que ces situations ne se reproduisent pas. C'est le premier motif pour lequel nous sommes favorables au texte.
Notre deuxième motif d'approbation est d'ordre éthique : la morale commandait l'adoption de ce texte – je n'y reviens pas – d'autant plus que certaines des entreprises concernées ont touché des fonds publics parce qu'elles avaient créé des emplois. La situation était donc profondément immorale.
Enfin, au-delà de ce que nous ferons aujourd'hui, il nous faut tendre vers une harmonisation sociale des salaires en Europe – harmonisation vers le haut, monsieur Poisson. En effet, si nous ne pouvons pas promettre le paradis tout de suite, nous devons prendre conscience qu'il existe aujourd'hui un véritable problème social dans l'Europe où nous vivons – problème que nous devons régler dans l'intérêt économique de la construction européenne. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est difficile de ne pas être sensible à la proposition de loi de nos collègues centristes, touchant au reclassement des salariés victimes d'un licenciement économique et au problème, actuel et pour le moins sensible, des offres de reclassement irréalistes et humiliantes à l'étranger à valeur du salaire.
Sur le front de l'emploi, les mauvaises nouvelles ne cessent de s'accumuler. Au cours du seul premier trimestre 2009, près de 200 000 emplois ont été détruits, tous secteurs confondus. Entre le 11 et le 17 juin, soit en une seule semaine, plus de 3 000 suppressions d'emplois ont été annoncées : 1 200 chez Michelin, 366 chez New Fabris, 704 chez Marionnaud, 550 chez TDF. Encore la liste n'est-elle pas exhaustive, hélas : nombre de licenciements restent invisibles, déguisés et expéditifs, dans les PME et les TPE notamment.
Dans les Hauts-de-Seine, où les statistiques restent inférieures aux données nationales, le chômage a tout de même enregistré une flambée de 20 % ces dix-huit derniers mois. Les licenciements économiques ont progressé de 42 % en un an ; en cinq mois, pas moins de 102 plans de sauvegarde de l'emploi ont été présentés, qui ont entraîné la suppression de 15 000 emplois – dont 5 000 dans les Hauts-de-Seine.
La facture est lourde pour les territoires, mais aussi pour les salariés, qui sont excédés de servir de variable d'ajustement et ne supportent plus les effets d'aubaine de la crise et les délocalisations en cascade.
Les salariés de Fulmen, à Auxerre, venus occuper le siège social d'Exide à Gennevilliers, m'ont dit leur incompréhension face à la décision du groupe américain de fermer le site auxerrois de batteries, laissant ainsi 314 personnes sur le carreau, alors même que l'entreprise est bénéficiaire en Europe et qu'elle a distribué un grand nombre de stock-options. Ils ont exprimé avec force leur volonté d'obtenir un plan social digne de ce nom, mais aussi leur indignation face au mépris de la direction du groupe, qui a proposé, pour la forme, des reclassements aux États-Unis à une vingtaine d'entre eux, ouvriers peu qualifiés pour la plupart, sur des postes de cadres.
Les salariés de l'entreprise Carreman – entreprise textile qui a défrayé la chronique en proposant à neuf de ses salariés, avant leur licenciement, un emploi dans une usine du groupe en Inde pour une rémunération brute mensuelle de 3 500 à 4 500 roupies, soit 53 à 69 euros à raison de huit heures par jour et six jours sur sept – ont mis en lumière les comportements scandaleux de certains patrons peu scrupuleux, qui revendiquent le respect formel du droit français en matière de licenciement et de reclassement interne, pour mieux détourner son objet au profit des actionnaires en proposant systématiquement aux salariés concernés par des délocalisations des postes de reclassement dans des pays où le moins disant social est de mise, et où les salaires pratiqués sont très inférieurs au SMIC. Plus généralement, leur situation montre l'indécence des indemnités légales de licenciement – 8 000 euros pour plus de trente années d'ancienneté !
Au-delà de textes de circonstance, ces situations devraient nous amener à répondre, au fond, à ce mouvement général de délocalisation, vers les pays à bas coût de main-d'oeuvre, de la production textile de groupes largement bénéficiaires, toujours prompts à engranger les aides publiques. Il n'en sera rien, malheureusement.
Dans leur grande majorité, les salariés sont porteurs de la même exigence de respect de leur personne et de leur outil de travail. Tous souhaitent que le Gouvernement ait une autre ambition que de mener ces politiques libérales humainement et socialement sacrificielles, que l'État intervienne dans le fonctionnement du marché du travail autrement que pour flexibiliser, qu'il stoppe cette hémorragie d'emplois, qu'il soit sans tolérance vis-à-vis de certains comportements patronaux, qu'il protège les salariés en sécurisant leur parcours professionnel.
Comme eux, nous pensons qu'il ne suffit pas d'exposer la vision présidentielle d'un nouvel ordre social. Encore faut-il, au-delà des effets de tribune, agir concrètement pour changer radicalement la mondialisation financière, asseoir un autre modèle de développement et en finir avec le dumping social et fiscal en harmonisant par le haut les législations du travail et, pourquoi pas, en imposant un SMIC européen.
La baisse brutale de l'activité emporte de lourdes conséquences sur le chômage, comme nous venons de le voir, mais aussi sur le pouvoir d'achat. Selon l'ACOSS, le salaire brut moyen par individu a baissé de 1,3 % au premier trimestre en raison, notamment, du chômage partiel. La majorité présidentielle refuse aussi de voir cette réalité sociale.
À Versailles, le Président de la République s'est contenté d'un bref passage sur l'urgence, pourtant prioritaire, d'un autre partage des richesses. Et encore, pour dire simplement que « l'actionnaire doit être justement rémunéré » tandis que « le travail doit être justement considéré ». Une poignée de main d'un côté, un chèque de l'autre ! Ces mots en disent long sur la volonté du chef de l'État de refonder le capitalisme de casino. Il y a un mois a peine, dans cet hémicycle, l'UMP, comme le Nouveau Centre, rejetait nos propositions de loi visant justement à promouvoir une autre répartition des richesses et à interdire les licenciements dans les entreprises qui font des bénéfices ou délocalisent.
C'est dans ce contexte que s'inscrit le texte des députés du Nouveau Centre, qui ambitionne de « garantir de justes conditions de rémunération aux salariés concernés par une procédure de reclassement ». Comment ne pas partager un tel objectif ?
Sur la base d'exemples récents, qu'il s'agisse de l'entreprise Carreman ou du fabriquant de chaussettes Olympia, condamné par la cour d'appel de Reims pour avoir procédé à des licenciements abusifs et présenté à ses salariés une offre individuelle de reclassement dans son usine de Roumanie avec un salaire moyen de 110 euros mensuels, vous faites, vous aussi, la démonstration de l'absurdité du système actuel et de la nécessité d'une clarification législative.
Vous nous dites même que la loi « justifierait, voire encouragerait » des comportements tels que ceux du patron de Carreman. D'aucuns vont jusqu'à prétendre même que l'obligation jurisprudentielle de reclassement en cas de projet de licenciement économique, légalisée et complétée par la loi de modernisation sociale, serait trop large et jouerait contre les salariés, donc contre l'emploi.
C'est, mes chers collègues, gommer l'instrumentalisation de la loi par certains dirigeants, le détournement de leur obligation de reclassement au service des actionnaires et aux dépens des salariés. Ces pratiques déloyales ont d'ailleurs conduit la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle à rappeler explicitement en 2006, par instruction, que « l'obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail qui a fondé à l'origine l'obligation de reclassement doit donc exclure des offres de reclassement non sérieuses ».
Les choses sont claires : non seulement l'employeur n'est pas tenu de proposer ces offres assorties de salaires très inférieurs au SMIC, mais il ne doit pas le faire, sauf à courir le risque d'être condamné pour mise en oeuvre déloyale de l'obligation de reclassement.
N'oublions pas que cette obligation de reclassement interne. dont le champ s'étend aux entreprises du groupe, fussent-elles à l'étranger, est un préalable obligé à tout licenciement pour motif économique, une condition de validité de ces licenciements, une protection fondamentale des salariés. Et mesurons en conséquence les effets pervers que pourrait avoir notre intervention législative.
A priori, il semble positif d'inscrire dans le code du travail que le reclassement du salarié s'effectue au profit d'un emploi relevant de la même catégorie « assorti d'une rémunération équivalente », même si le principe peine à se concrétiser, faute d'harmonisation sociale par le haut au niveau européen. Voyons toutefois si, aux détours de l'inscription dans notre législation sociale de dispositions consacrées au reclassement à l'étranger en vue d'éviter les abus via la méthode dite du questionnaire préalable, cette protection fondamentale des salariés ne s'en trouverait pas involontairement amoindrie.
En commission, notre président a formulé une remarque qui me conduit à douter de l'efficacité de votre démarche et à en redouter les dangers. Vous avez souligné, monsieur le président, que « cette proposition de loi présente aussi l'avantage de protéger les entreprises, lesquelles ne seront plus soumises à l'obligation découlant d'un arrêt du Conseil d'État leur imposant, pour justifier un licenciement, de l'accompagner d'une proposition alternative. » Est-ce à dire que, du droit au reclassement, nous en reviendrions au droit du reclassement ?
Je souhaite donc que le rapporteur et le Gouvernement s'expliquent sur la portée exacte de l'article unique.
Je souhaite également être éclairé sur le mécanisme du questionnaire préalable. Ne dispense-t-il pas l'employeur de faire une offre de reclassement à l'étranger aux salariés qui ne lui auraient pas fait part de leur intérêt pour une telle solution ? La rigueur, le contenu de l'obligation de reclassement sont-elles donc désormais fonction de la volonté et des restrictions posées par le salarié ?
Vous le savez, nous militons inlassablement contre les offres abusives de reclassement faites par certains patrons et pour la sécurisation du devenir personnel et professionnel des salariés. Nos interrogations, que je viens d'expliciter, nécessitent des éclaircissements pour pouvoir nous prononcer sur ce texte tout à l'heure.
Permettez-moi, monsieur le ministre, de joindre ma voix à celle de mes collègues qui m'ont précédé pour vous adresser nos félicitations et nos encouragements,…
Je vous en remercie.
…car nous savons tous que votre agenda est très chargé. Nombre d'entre nous, ici, suivent, dans le cadre de la commission des affaires culturelles, les questions concernant le travail.
Avant d'entrer dans le contenu de la proposition de loi, je profite de mon intervention pour faire trois mises au point, dont deux sont liées au propos de M. Liebgott, la troisième étant la réitération d'un appel que j'ai lancé dans cet hémicycle il y a quelque temps.
D'abord, je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir donné naissance à une forme de jurisprudence concernant les modalités selon lesquelles il convient d'engager la concertation avec les organisations syndicales et les partenaires sociaux, s'agissant de propositions de loi. Nous en avons discuté lors de l'examen de la proposition de loi dont j'étais le rapporteur il y a quinze jours : j'appelle de mes voeux une clarification sur certains points concernant l'application de l'article 1er. Je maintiens mon souhait, déjà exprimé ici même, que nous puissions en débattre en commission. Monsieur le ministre, vous avez confirmé qu'une façon de lire le texte de l'article consistait à s'assurer de l'avis des partenaires sociaux dans le cadre de l'examen d'une proposition de loi et que cela pouvait valoir concertation. J'en suis ravi, car je ne connais pas d'auteur de proposition de loi qui ne sollicite pas d'abord les partenaires sociaux concernés !
Monsieur Liebgott, j'ai rappelé en commission quelle était la situation en Allemagne et en Espagne. Mais, à aucun moment, vous n'avez pu m'entendre préconiser que nous nous alignions sur ces tarifs et sur ces montants. Vous avez le droit de ne pas être d'accord avec moi, mais telle n'est pas mon intention : je voulais simplement dire qu'il faut, à chaque fois que l'on examine la question du coût du travail en France, avoir en tête les chiffres s'appliquant aux pays limitrophes.
Nous avons eu, mon cher collègue, des échanges sur l'amendement dont vous avez parlé tout à l'heure. M. Muzeau ne m'en voudra sans doute pas si les réserves que j'ai formulées sur cet amendement sont assez proches de celles qu'il a exprimées.
J'en viens au contenu de la proposition de loi. Je vais joindre ma voix, monsieur le rapporteur, à celle de mes collègues qui m'ont précédé à cette tribune : cette proposition est utile, bienvenue et nécessaire. Lorsque l'application du droit est absurde, ce qui a été maintes fois démontré, en l'occurrence, par tous les orateurs, il faut agir. Je voterai donc, comme je l'ai fait en commission, cette proposition de loi.
Monsieur Mallot, j'estime qu'il est nécessaire de la voter.
Cela étant, je réitère, monsieur le rapporteur, les réserves que j'ai formulées en commission sur l'amendement qui va nous occuper une partie de la matinée. Nous sommes dans le cadre du droit du reclassement. Je comprends la subtilité évoquée par M. Muzeau lorsqu'il a parlé de droit au reclassement : ce n'est pas tout à fait la même chose. Quoi qu'il en soit, il s'agit de ce moment précis de la procédure de licenciement.
Il est nécessaire de rappeler que tout ce qui se passe à ce moment ne relève pas d'une option, mais constitue un élément essentiel pour l'appréciation de la validité formelle de la rupture du contrat de travail. Autrement dit, il faut être conscient du fait que, chaque fois que l'on touche à cette période, que l'on y ajoute des délais, des allers et retours, de la précision documentaire, un échange, une réponse, on touche à des procédures à partir desquelles sera apprécié le respect des obligations des deux parties dans le cadre d'un contrat de travail. Il faut donc agir, en ce domaine, de manière extrêmement précautionneuse.
J'ai voté en commission cette proposition de loi et les amendements proposés…
…et, sur le principe, je comprends parfaitement le souhait que les salariés ne soient pas l'objet de propositions insupportables. C'est le sens de votre proposition de loi…
…et je l'approuve.
Il me semble que les amendements adoptés précédemment lors de l'examen du texte protègent le salarié du risque de recevoir une offre qui ne serait pas décente. Ce risque étant écarté, on peut donc considérer que, sur le plan éthique ou déontologique, l'employeur, tenu de ne proposer que des offres à caractère décent, peut désormais proposer à tous les salariés toutes les offres, sans restriction aucune.
Si l'on ne se situe pas dans cette logique, on suit la proposition de votre amendement, qui pose selon moi davantage de problèmes qu'il n'en résout. Je l'ai souligné en commission et j'espère, monsieur le ministre, que le Gouvernement pourra nous éclairer sur sa position. Votre amendement, monsieur le rapporteur, tend en effet à imposer à l'entreprise de solliciter les salariés, lesquels doivent répondre, pour pouvoir ensuite communiquer à ceux qui ont répondu positivement des offres de reclassement qu'ils sont prêts à recevoir. Ce faisant, vous ajoutez trois sources de contentieux supplémentaires à une procédure déjà très détaillée et à laquelle il faut être extrêmement attentif.
Vous ajoutez, en outre, trois formes de délais. Je rejoins, là aussi, les interrogations exprimées par Roland Muzeau. Quelle sera la forme du questionnaire ? Quelle est sa valeur juridique ? Vaut-il engagement pour le salarié ? Celui-ci peut-il revenir sur sa position ? Tous ces points devront être précisés, soit par la loi – mais ce ne sera pas le cas – soit, à l'évidence, par le décret, afin que chacun connaisse précisément les modalités d'application.
Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, j'appelle votre attention sur cet amendement. J'en comprends l'esprit et les motifs, mais j'estime que nous sommes en train de nous compliquer inutilement la vie. En outre, les services du personnel ont autre chose à faire, en ce moment, que de veiller au respect des délais d'envoi des lettres recommandées ou de réception des bons.
Enfin, entre le moment où le salarié apprend qu'il fait partie d'un plan de licenciement et celui où il commence à entrevoir une sortie ou des pistes, sa réflexion évolue, et les pistes considérées comme possibles ou ouvertes au début de la réflexion ne sont pas les mêmes que celles qu'il envisage à la fin. Entre-temps, s'écoulent deux ou trois mois, voire quatre. Il faut une certaine souplesse, afin que les gens puissent aussi s'adapter à la réalité de cette évolution.
Cela signifie que le salarié, à tout moment, doit pouvoir changer d'avis et inverser sa position initiale, faute de quoi l'on érigerait en principe l'idée qu'un salarié a la même position au début et à la fin de la procédure de licenciement, ce qui n'est pas la réalité.
Cet amendement relève d'une très bonne intention, que je comprends et partage. Toutefois, il peut être source d'un entrelacs de complexités administratives, avec des risques de procédure bien trop importants par rapport au but poursuivi. Alors que l'on veut renforcer le droit des salariés, j'y vois, au contraire, un danger d'affaiblissement des garanties qui lui sont proposées.
J'avais donc demandé, en commission, que cet amendement soit rejeté, pour les raisons développées tout à l'heure, pour partie, par M. Liebgott. Je viens d'en donner d'autres. Il était, en effet, normal que M. Liebgott me laisse la possibilité de le faire moi-même, ce dont je le remercie.
Telles sont, monsieur le ministre, les points sur lesquels j'aimerais obtenir des éléments de réponse, car il est indispensable de surveiller tout cela de très près. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Monsieur le ministre, permettez-moi de saluer votre présence dans vos nouvelles fonctions et votre présence physique parmi nous, ce matin. Votre prédécesseur, lui, ne jugeait pas utile de nous honorer de la sienne, lorsque nous abordions des textes relevant pourtant de la compétence du ministère du travail.
Nous le disons tous, la crise est là, et ses conséquences sociales vont s'accentuer dans les prochains mois. Quelle que soit l'analyse qui en est faite, quelles que soient les prévisions relatives à la date de sortie de la récession, nous pouvons nous accorder pour considérer que la montée du chômage se poursuivra bien au-delà de la fin de la période de crise au sens strict. Certains économistes pensent même que le chômage pourrait augmenter jusque vers la fin de l'année 2011.
De fait, l'actualité est rythmée par l'annonce régulière de plans sociaux. Il y a une dizaine de jours, Michelin annonçait une réduction massive de ses effectifs, dont 340 postes dans mon propre département, l'Indre-et-Loire, alors même que le groupe fait des bénéfices. Certains plans sociaux proposés aux salariés sont incontestablement sérieux, d'autres moins. Ainsi que cela a été abondamment rappelé ce matin, certaines propositions scandaleuses et humiliantes ont été faites : une entreprise a offert un reclassement en Inde pour 69 euros mensuels, une autre en Roumanie pour 110 euros, une autre encore en Turquie pour 230 euros ou au Brésil pour 315 euros !
Face à des annonces aussi scandaleuses, un consensus s'est dégagé. La présidente du MEDEF, elle-même, a jugé « honteux, humiliant, sadique, inacceptable » de formuler de telles propositions. Mais, si Mme Parisot nous a habitués à ses accès d'indignation, ils sont rarement suivis d'effet ! Ainsi des rémunérations délirantes que s'octroient certains dirigeants d'entreprise ; ainsi, aujourd'hui, de ces nouveaux comportements de « patron voyou » – comment les qualifier autrement ?
Nous voterons naturellement cette proposition de loi, bien que certains arguments avancés nous laissent quelque peu pantois. À écouter les débats en commission, les expressions employées par certains, tout serait la faute du Conseil d'État et des juges, des méchants juges qui auraient contraint les dirigeants des entreprises concernées à aller contre leur volonté, contre leur sentiment naturel – ces dirigeants prétendant qu'ils savaient que les salariés licenciés n'accepteraient pas ces propositions dont l'arrêt du Conseil d'État du 4 février 2004 aurait rendu obligatoire la transmission. Mais encore faut-il bien lire les décisions de justice dont on parle ! Les juges n'ont évidemment pas dit qu'il fallait proposer des salaires dérisoires. Ils ont simplement indiqué qu'une offre de reclassement devait prendre en compte toutes les possibilités existantes au sein d'un groupe, y compris hors de France ! Ils n'ont évidemment pas statué sur le niveau de la rémunération à proposer, mais ils n'ont nullement indiqué que c'était une voie acceptable. Je ne crois donc pas qu'il soit judicieux – et je rejoins la formule de mon collègue Michel Liebgott – de se joindre à une espèce de concert d'optimisme béat sur les bons sentiments des responsables d'entreprise. Certains ont été, à mon sens, au-delà de ce que la décence commandait !
Puisque la jurisprudence n'a pas rendu impossibles ces comportements, il est nécessaire de légiférer. Cette proposition de loi, dont je rappelle que nous la voterons, est équilibrée. Elle apporte de nouvelles garanties aux salariés, offre incontestablement une meilleure visibilité juridique aux employeurs et permet aux salariés qui le souhaitent de partir à l'étranger dans des conditions décentes.
Ce texte précise, de plus, que ce reclassement des salariés à l'étranger se fera sur la base du volontariat. Je ne rejoins pas, en cela, les réserves émises par notre collègue Jean-Frédéric Poisson. Je pense, en effet, qu'à partir du moment où il s'agit de recueillir le consentement d'un salarié, il est nécessaire, même si cela entraîne des procédures un peu lourdes, de s'entourer de garanties afin de s'assurer que ce consentement n'est pas vicié. Il faut aussi laisser au salarié le temps d'apprécier les propositions qui lui sont faites et de décider face à une alternative, si alternative il y a. Je ne crois donc pas qu'il soit excessivement bureaucratique d'exiger de l'employeur qu'il envoie une lettre recommandée à ses salariés licenciés pour s'assurer de leur consentement.
Je me réjouis aussi – cela a déjà été souligné – que le rapporteur ait accepté, en commission, de supprimer la référence à la notion d'ordre public social français : son caractère restrictif aurait abouti à proposer à des salariés –cadres ou ouvriers qualifiés, notamment – des employés payés au SMIC, alors que leurs rémunérations initiales étaient nettement supérieures.
Si toutes ces dispositions vont dans le bon sens, elles ne représentent toutefois qu'une goutte d'eau dans un océan. Je ne formule pas, en disant cela, une critique à l'encontre du rapporteur : les enjeux se situent bien au-delà. Il faut que le Gouvernement recoure à des solutions plus fortes, volontaristes, pour faire face aux difficultés soulevées par ces plans sociaux. En situation de crise, recourir aux plans de reclassement « classiques » ne suffit pas dans la mesure où il n'y a pas d'emploi. Un salarié licencié dans un secteur donné ne parviendra pas, même avec le meilleur soutien du monde, à se reclasser facilement. Un salarié de Michelin âgé de plus de cinquante ans ne deviendra pas cuisinier en quelques semaines !
Dans ce contexte, il y a, à l'évidence, de mauvaises solutions. Je pense en particulier à la tentation, manifeste, de proposer des plans de départ en retraite anticipée pour les salariés de plus de cinquante-cinq ans. Je comprends que ceux qui ont travaillé des décennies, qui ont commencé parfois jeunes, qui ont pu exercer des métiers usants, soient satisfaits de ce type de propositions. Mais il faut être cohérent : la réponse au défi du financement de nos régimes de retraite ne réside pas, selon moi, dans le report de l'âge légal de départ à la retraite, compte tenu de la situation actuelle de l'emploi des plus de cinquante-cinq ans dans notre pays. Je comprends l'intérêt partagé que peuvent y trouver employeurs et salariés, mais il ne serait pas acceptable de considérer qu'après cinquante-cinq ans, voire avant, les salariés ne sont plus aptes à travailler ou même à être formés. La réponse essentielle est bien celle de la formation, dont chacun s'accorde à reconnaître qu'elle est la grande faiblesse de notre système social. Le Président de la République a annoncé à Versailles qu'il souhaitait étendre le contrat de transition professionnelle, pour un an, à tous les salariés licenciés pour motif économique. Enfin, ai-je envie de dire ! Mais quelle suite entendez-vous donner à cette annonce, alors que les socialistes vous réclament cette mesure depuis des mois, et vous l'ont même proposée, le 30 avril dernier encore, sous une forme plus ambitieuse,…
…puisque nous suggérions d'étendre à la France entière ce dispositif pour une période de deux ans. Cela nous a valu, de la part des parlementaires de la majorité et du Gouvernement, railleries et quolibets avant, mes chers collègues de la majorité, que vous ne jugiez préférable de déserter l'hémicycle tant le sujet vous paraissait de faible importance et de peu d'intérêt !
De quoi s'agit-il ? Les salariés licenciés ayant, compte tenu du caractère général de la crise, peu de chances de retrouver un emploi, continuons à les payer et à les former. Ce sera utile pour leur carrière personnelle et pour notre pays.
Or, je constate à regret que cette mesure ne figure pas dans le texte, que nous allons examiner prochainement, sur la formation professionnelle. Certes, cette proposition de loi va dans le bon sens et nous la voterons,…
…mais, au-delà, il revient au Gouvernement d'apporter les réponses structurelles qui s'imposent face aux plans de reclassement et aux plans sociaux. À ce jour, nous ne voyons rien et nous le déplorons. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, c'est bien volontiers que notre groupe participe à ce débat sur la proposition de loi du groupe Nouveau Centre dont je salue la présence en nombre ce matin. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
Nous souhaiterions les voir aussi nombreux quand nous discutons de nos propres propositions de loi, mais je ne doute pas que ce sera le cas dans l'avenir…
Je constate, comme vous, que le travail accompli en commission a permis de faire évoluer le texte. Ont pu ainsi être introduite, en particulier, l'idée toute simple que la rémunération doit être équivalente en cas de reclassement, et celle, qui fait davantage débat, selon laquelle il doit y avoir accord du salarié. Ces évolutions, auxquelles nous avons fortement contribué, montrent d'ailleurs l'intérêt du débat parlementaire. Je ne ferai pas d'autre commentaire : nous avons eu de longs échanges sur le sujet il y a quelque temps !
Cette proposition de loi tend donc à garantir de justes conditions de rémunération aux salariés concernés par une procédure de reclassement et à modifier l'actuel dispositif aux termes duquel un licenciement économique ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été faits et que toute tentative de reclassement interne a pu être réalisée. Il nous revient aujourd'hui, par conséquent, de préciser et d'améliorer la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002, votée sous le gouvernement Jospin.
La présente discussion intervient dans un contexte économique et social particulier. La crise est là. Le chômage a augmenté de 25 % en un an dans notre pays. L'économie est soumise à un processus décrit à maintes reprises : les entreprises commencent par renoncer aux contrats d'intérim, mettent fin aux CDD, proposent à leurs salariés de prendre leurs congés payés et en arrivent, enfin, aux plans de licenciement. Certaines d'entre elles ont, d'ailleurs, un comportement opportuniste puisqu'elles profitent de la crise pour licencier et « rétablir », prétendent-elles, leur situation économique – pour améliorer à court terme, en réalité, la rémunération de leurs actionnaires.
Il faut donc tenir, afin de permettre que la relation de travail continue d'exister au moment où, espérons-le, la reprise sera là.
Le contexte est également politique. Lors de la réunion du Parlement en Congrès à Versailles, chers collègues du Nouveau Centre, le Président de la République a rappelé le programme du Conseil national de la Résistance. Celui-ci, souvenons-nous en, prévoyait « un rajustement important des salaires et la garantie d'un niveau de salaire et de traitement qui assure à chaque travailleur et à sa famille la sécurité, la dignité et la possibilité d'une vie pleinement humaine » ; il précisait un peu plus loin qu'il convenait d'« assurer la sécurité de l'emploi et la réglementation des conditions d'embauche et de licenciement ». Nous y voilà ! C'est bien pour cela qu'il existe dans notre pays un droit du travail protecteur des salariés, droit que nous complétons ce matin.
Le contrat de travail, nous le savons, n'est pas un contrat comme un autre. Ce n'est pas un contrat commercial entre un fournisseur et son client. Le code du travail contient des dispositions d'ordre public qui s'imposent à tous et qui protègent le salarié contre la pression de l'employeur et, d'une certaine façon, contre lui-même puisque, dans certaines circonstances, notamment en temps de crise, il pourrait être tenté de renoncer à un certain nombre de ses droits. Nous avons eu ce débat à plusieurs reprises, nous l'aurons à nouveau lorsque vous souhaiterez étendre le travail du dimanche.
Le Président de la République a découvert à Versailles que le progrès social et le progrès économique allaient de pair. Pour nous, ce n'est pas une découverte, mais il est bon qu'il s'en aperçoive.
Il nous a même avoué qu'avant la crise, « tout le monde » – je lui laisse la paternité de l'expression – pensait qu'un seul modèle était possible, le modèle libéral. Nous savons, à gauche, que le libéralisme est une utopie vouée à l'échec, et la crise nous a donné raison. C'est la crise d'un système, dont on connaît les causes profondes : l'accroissement des inégalités, les bas salaires, la précarité, les régressions sociales. Quoi qu'il en soit, l'aveu du Président de la République nous conforte et nous donne à penser que nous ne manquerons pas d'être suivis dans quelque temps dans nos propositions.
Je ne doute pas que le Nouveau Centre, qui, ce matin, est à l'avant-garde,…
…va le précéder et donc soutenir cette idée que la mondialisation économique doit être enfin encadrée et maîtrisée,…
…qu'il faut fixer des règles, à défaut de pouvoir à court terme, comme nous le souhaiterions, changer totalement le système.
Cette proposition de loi qui vise à lutter contre le dumping social appliqué aux rémunérations des salariés sur fond de crise réalise un petit pas dans le bon sens. Nous continuerons à faire des propositions afin d'amplifier et d'accélérer la marche et je ne doute pas que vous finirez par nous suivre. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et NC.)
Quelques mots en réponse aux orateurs. Je ne répondrai pas avec précision à mon collègue Francis Vercamer, pour la bonne et simple raison que je suis entièrement d'accord avec tous les propos qu'il a développés dans son excellente intervention.
Mme Jacqueline Irles a eu parfaitement raison de souligner un point très important qui montre l'absurdité de la situation actuelle : à supposer qu'un salarié de l'entreprise Carreman, à Castres, ait accepté la proposition de reclassement, il n'aurait pas obtenu de visa d'entrée en Inde.
Le ministre répondra à M. Liebgott sur les problématiques d'anticipation par rapport aux demandes et aux engagements du Président de la République. Cela dit, il est exact qu'il y a une différence entre les salariés des PME et ceux des grands groupes. Nous ne pouvons que partager son constat. Sur la liste exhaustive des implantations, M. le ministre pourra nous apporter les éclaircissements nécessaires. À mon avis, ce sont les pays qui devront être énumérés, sans entrer dans le détail ; en tout état de cause, cela fera partie des questions réglées dans le cadre du décret.
Notre collègue Roland Muzeau s'est demandé si le questionnaire préalable ne dédouanerait pas les entreprises de leurs obligations ; évidemment non, au contraire. Leurs propositions, jusqu'alors souvent hypocrites et en tout état de cause humiliantes et irréalistes, deviendront beaucoup plus réalistes.
Frédéric Poisson a également posé plusieurs questions sur ce même sujet. Nous n'avons pas utilisé la notion d'offre décente qui, sur un plan juridique, n'est pas forcément facile à apprécié. Aussi avons-nous retenu celle de rémunération équivalente pour éviter toute ambiguïté.
Pour ce qui est du délai, le texte prévoit six jours. Les contraintes administratives pour les entreprises sont somme toute relativement légères par comparaison à la lourdeur des procédures qui prévalent dans le cadre d'un plan de licenciement. Il y a donc tout lieu d'être rassuré, d'autant que, si la réponse engage le salarié, la non réponse vaut refus : le texte est à cet égard dénué de toute ambiguïté. Accepter de recevoir des propositions ne vaut en aucun cas engagement du salarié : celui-ci sera libre d'y souscrire ou de les refuser. S'il change plus tard d'avis au cours de la procédure, faisons confiance à la bonne intelligence des relations entre l'entreprise et le salarié pour concilier l'intérêt de la première à opérer un reclassement et la volonté du second qui aurait in fine changé de position.
Enfin, nos collègues Marisol Touraine et Jean Mallot ont parlé de goutte d'eau et de petit pas. Nous en sommes conscients, mais mieux vaut faire un petit pas que du sur place. En tout état de cause, l'objet de cette proposition de loi n'était pas de réécrire le code du travail…
…mais bien, on l'a dit, de préciser un point sur lequel se posaient des difficultés que nous avons tous soulignées. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
Vos interventions, mesdames, messieurs, ont toutes été utiles au débat et très éclairées.
Monsieur le rapporteur, je suis heureux que vous ayez rappelé qu'à l'origine de cette proposition de loi, il y avait une affaire vraie, vécue, réelle. Vous êtes parti du réel, ce qui, dans une certaine mesure, répond à certaines objections. Est-ce utile, est-ce suffisant, est-ce seulement une goutte d'eau ? En tout cas, c'est une réponse à une situation vécue, qui faisait scandale.
L'action parlementaire du groupe Nouveau Centre et de Philippe Folliot apporte une réponse pragmatique à des difficultés objectives, et il faut l'encourager. Ce qui, au demeurant, n'interdit pas d'organiser une consultation supplémentaire : même si c'est un peu lourd, ainsi que l'ont souligné certains d'entre vous et notamment M. Muzeau, personne n'y verra d'inconvénient.
Je rappellerai quelques principes de base, ce qui, du coup, répondra à plusieurs de vos questions..
Pour commencer, la recherche d'un pays susceptible d'offrir un emploi suppose que la législation du pays en question corresponde à un usage social comparable à ce qui se pratique dans le pays d'origine. Ainsi, comme l'a indiqué la Cour de cassation en 1998, ce ne peut être un pays dont la législation interdit l'emploi de salariés étrangers.
De même, le reclassement doit être recherché dans les entreprises dont les activités, l'organisation permettent d'effectuer une permutation de tout ou partie du personnel. C'est un critère jurisprudentiel qui vaut pour le reclassement sur le territoire français et qui concerne donc le reclassement sur un territoire à l'étranger.
Enfin, seuls les emplois disponibles sont évidemment concernés. On n'imagine pas envoyer quelqu'un à l'étranger pour y remplacer un salarié que l'on obligerait à partir.
Madame Irles, vous avez montré les limites de la jurisprudence en matière de reclassement et évoqué à juste titre le rapport de Claude Greff sur la mobilité. Celui-ci a montré les limites de l'exercice : l'entreprise n'a pas à tenir compte des restrictions que mettent les salariés eux-mêmes à leur propre mobilité. Cette proposition apporte des réponses concrètes et je m'en réjouis.
Cette disposition, monsieur Muzeau, ne modifie nullement les obligations de reclassement qui pèsent déjà sur l'employeur ; elle en réforme simplement les modalités d'expression ou d'exercice.
M. Vercamer et M. Poisson ont insisté sur la nécessité de ne pas alourdir les procédures. Lourde ou pas, c'est une procédure utile, je l'ai dit, même si je vous rejoins. Le dispositif proposé répond à cet impératif puisqu'il faudra veiller par exemple à ce que, dans le questionnaire adressé aux salariés, la liste des implantations à l'étranger énumère bien les pays et non des sites.
Monsieur Liebgott, vous avez reconnu l'utilité de cette proposition de loi. Vous êtes député d'une région très concernée par la crise. En 2006, la délégation générale à l'emploi a précisé à juste titre dans une instruction que les propositions de reclassement devaient être sérieuses et considérées comme étant faites de bonne foi. On a rappelé tout à l'heure la difficulté de définir dans la loi ce qui est « décent ». Le droit romain déjà distinguait quod decet, ce qui est possible, et quod licet, ce qui est légal. Je ne sais comment on pourrait définir un emploi décent, mais un esprit de bon sens devrait pouvoir entendre cette formule.
Depuis 2008 et 2009 plusieurs jurisprudences ont rejeté la technique du questionnaire de mobilité qui aurait permis d'aller dans le sens que vous craignez. Nous réagissons rapidement et nous leur donnons un fondement légal.
Monsieur Poisson, je salue votre engagement dans ces questions du droit du travail que vous connaissez bien. J'ai dit tout à l'heure que les groupes d'entreprises implantés à l'étranger étaient concernés, ce qui suppose des entreprises de bonne taille, quand bien même elle peuvent être extrêmement dispersées sur l'ensemble du territoire – vous avez cité le cas de McDonald. Le sujet vous étant très familier, vous avez apporté des arguments très précis ; eb tout état de cause, il ne peut s'agir, par définition, par nature, par obligation, par essence, que de groupes importants
Madame Touraine, je me suis rappelé en vous entendant que vous étiez conseiller d'État. Vous avez défendu le juge et vous avez sans doute bien fait. Cela dit, ce n'est pas le Conseil d'État mais la Cour de cassation qui a rejeté la technique du questionnaire de mobilité et la proposition de loi retient au contraire l'idée du Conseil d'État, qui, une fois de plus, a fait oeuvre utile.
Monsieur Mallot, ce texte permettra aussi, je vous en donne acte, de lutter contre le dumping fiscal et social et je me réjouis de recevoir votre soutien.
Mesdames, messieurs, permettez enfin au Gouvernement de saluer la quasi-unanimité qui se dessine. J'espère qu'elle se traduira mardi prochain lors du vote de la loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
L'article unique de la proposition de loi n'a fait l'objet d'aucun amendement.
Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public sur la proposition de loi auraient lieu mardi 30 juin, après les questions au Gouvernement.
Mesdames et messieurs les députés, permettez-moi tout d'abord de remercier l'ensemble des parlementaires et en particulier – vous comprenez que je ne puisse pas ne pas le faire – les députés du Nouveau Centre et le président du groupe, de nous avoir permis d'engager ce débat au Parlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Mesdames et messieurs les députés, treize ans après la fin des essais nucléaires dans le Pacifique et la ratification par la France du traité d'interdiction des essais, le projet de loi que je vous présente aujourd'hui doit permettre à notre pays de clore sereinement un chapitre de son histoire, en proposant une solution aux victimes des essais nucléaires, qui ont vécu avec un profond sentiment d'injustice la douloureuse absence de réponse à leur requête, sentiment d'injustice d'autant plus profond qu'ils s'étaient engagés, pour la plupart, avec enthousiasme et fierté dans cette décision politique structurante pour la France : celle de se doter d'une force de dissuasion indépendante.
Souvenez-vous des déclarations du général de Gaulle en juillet 1964 : « Nous continuerons notre effort atomique, convaincus d'aider ainsi au développement scientifique, technique et industriel de la nation, de renouveler l'âme et le corps de notre armée, comme le commande l'époque moderne, de donner à la France les moyens de sa sécurité et de son indépendance, par là même ceux de son action au profit de l'équilibre et de la paix du monde. »
Le général éclairait en quelques mots la portée de la dissuasion. Mais nous ne pouvons comprendre le caractère visionnaire de son message qu'en le replaçant dans son époque.
La décision de la dissuasion, c'est un concept stratégique, mais c'est aussi un enseignement tiré des pages sombres de notre histoire, dans l'atmosphère d'une époque tendue par la Guerre froide, dans l'état d'esprit d'un peuple encore marqué par l'effondrement de ses élites et de sa puissance pendant la Seconde Guerre mondiale, marqué par l'humiliation du 16 juin 1940. Il faut se souvenir de ce que représente alors cet espoir, porté par le général de Gaulle, cette volonté de « reprendre en main notre destin, qui était passé depuis 1940 à la discrétion des autres », comme il le disait dans son message aux Français le 31 décembre 1963.
Et il faut imaginer l'enthousiasme que suscitait cette « forme nouvelle, moderne, immense de l'avenir, l'énergie nucléaire », qu'il évoquait dans son discours d'Orange, la même année.
Dans cette volonté de ne pas revivre le passé d'une nation qui s'effondre comme dans cet élan vers l'avenir, se jouaient, à travers l'accès au rang de puissance nucléaire, la place et le rôle de la France dans le monde, une part de sa grandeur.
Car la grandeur de la France fut alors de se lancer dans le défi de la dissuasion. Défi scientifique au cours duquel la France a procédé à 210 essais nucléaires, au Sahara et en Polynésie. Défi collectif, défi national, puisque toutes les majorités sous la IVe et la Ve Républiques ont soutenu cette politique…
…qui signifiait une ambition retrouvée pour notre pays. Défi politique et stratégique, enfin, puisque c'est grâce à ces essais que la France peut garantir la protection de ses intérêts vitaux et jouer un rôle de premier plan avec les autres membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies.
Or, aujourd'hui, le Président de la République l'a rappelé lors la présentation du sous-marin Le Terrible à Cherbourg, en mars 2008 : « La France a un bilan unique au monde en matière de désarmement nucléaire. »
Ce bilan, vous le connaissez, il est éloquent, et il nous permet d'inviter la communauté internationale à nous rejoindre. Je souhaite vous en rappelez quelques éléments.
Nous adhérons au traité de non-prolifération nucléaire depuis 1991, et le Président de la République a lancé un plan d'action d'ici à la conférence du TNP en 2010.
En 1996, la France a annoncé l'arrêt définitif des essais nucléaires et a engagé le démantèlement des installations du Centre d'expérimentation du Pacifique, achevé en 1998. La France est donc aujourd'hui le seul pays parmi les États dotés de l'arme nucléaire à avoir fermé et démantelé son centre d'expérimentation nucléaire en toute transparence.
En 1998, la France a été le premier État, avec le Royaume-Uni, à ratifier le traité d'interdiction complète des essais nucléaires, et nous appelons à présent tous les autres pays à en faire de même.
En outre, la France est le seul État au monde à avoir engagé, depuis 1996, le démantèlement de ses installations de production de matières fissiles, à Pierrelatte et à Marcoule, et les experts internationaux ont été invités à venir le constater le 16 septembre dernier.
Nous avons par ailleurs proposé un moratoire sur la production de matières fissiles, et nous appelons à relancer les négociations pour conclure un traité sur l'interdiction de la production de ces matières.
La France est le seul État au monde à avoir démantelé ses missiles nucléaires sol-sol, et le Président de la République a proposé d'ouvrir des négociations pour un traité interdisant les missiles sol-sol de portée courte et moyenne.
La France est également le seul État au monde à avoir volontairement et unilatéralement diminué le nombre de ses sous-marins nucléaires lanceurs d'engin et réduit d'un tiers sa composante aéroportée. Aujourd'hui, notre arsenal nucléaire compte moins de 300 têtes.
Mesdames et messieurs les députés, la France est exemplaire en tout ; il lui manquait seulement – mais c'était beaucoup ! – la prise en charge des victimes des essais nucléaires, comme l'ont fait avant nous la Grande-Bretagne et les États-Unis.
La grandeur de la France, c'est de ne plus faire d'essais. Aujourd'hui, la France doit aussi être grande dans la reconnaissance. Ce n'est pas de la repentance – pourrait-on se repentir d'avoir voulu la paix et la sécurité pour son pays ? – ; il s'agit d'apporter la preuve que notre pays veut désormais tourner la page.
Je le disais tout à l'heure, la France a procédé à 210 essais nucléaires au Sahara et en Polynésie entre 1960 et 1996. L'État a conduit ces essais en appliquant les consignes de sécurité les plus strictes, mais en fonction aussi – il faut bien le dire – de l'état des connaissances scientifiques du moment et de l'application d'un principe de précaution qui ne connaissait pas la même puissance ni la même force dans les années 1960 qu'il n'en a aujourd'hui.
Malgré ces mesures, certaines contaminations se sont produites. C'est le cas au Sahara, où, parmi les dix-sept essais que nous avons effectués, les quatre essais aériens n'ont connu aucun incident, mais où quatre essais sur les treize menés en galerie ont posé des problèmes de confinement, dont le tir Béryl du 1er mai 1962, devenu tristement célèbre. C'est le cas également en Polynésie, où 147 essais souterrains ont été effectués sans aucune dispersion radioactive, mais où, sur les quarante-six essais aériens effectués, dix ont donné lieu à des retombées radioactives significatives.
Tout cela a été consigné dans un rapport du délégué à la sûreté nucléaire commandé par Michèle Alliot-Marie et publié en 2006.
Au total, 150 000 travailleurs civils et militaires ont été présents sur l'ensemble des sites. Bien entendu – et Dieu merci ! –, la plupart d'entre eux n'ont souffert d'aucune exposition. Toutefois, c'est pour répondre à l'exigence légitime de droit et de justice de ceux qui ont été exposés comme à celle des populations civiles qui pourraient être concernées que ce texte vous est aujourd'hui proposé. Mais c'est aussi pour la France, pour une France qui se grandit en assumant ses responsabilités.
Pour eux et pour la France, notre projet de loi repose sur trois principes.
La transparence, tout d'abord. Le secret qui a pesé sur ces essais a alimenté les rumeurs et la désinformation. Il faut aujourd'hui faire connaître les documents dont nous disposons et recueillir toutes les données, pour mettre un terme aux réactions irrationnelles. C'est pourquoi des professeurs de l'Académie des sciences et de l'Académie de médecine ont été chargés, à ma demande, d'étudier nos archives, d'ouvrir tous les placards, tous les tiroirs, tous les coffres, afin de compléter le rapport rendu en 2006 par le délégué à la sûreté nucléaire de défense. Nous leur avons ouvert ces archives, et ils rendront leur rapport d'ici à la fin de l'année ; ce rapport sera publié.
Parallèlement, deux études, l'une de mortalité, l'autre de morbidité, portant sur 32 000 personnes employées en Polynésie, ont été confiées à un organisme indépendant, qui livrera ses premières conclusions à l'automne. Ce rapport sera également publié.
Tous ces résultats serviront aux travaux du comité d'indemnisation, dont les membres auront accès à nos documents classifiés grâce à l'un de vos amendements.
Vous avez également souhaité renforcer la transparence en proposant un amendement qui instaure une commission consultative de suivi réunissant des représentants des associations et du gouvernement de Polynésie française. J'y suis favorable.
Le deuxième principe ayant guidé notre projet est celui de la justice. Aujourd'hui, le régime d'indemnisation n'est pas le même pour toutes les victimes selon qu'il s'agit de militaires, de travailleurs civils ou des populations. Le système actuel est donc lourd, coûteux, injuste, aléatoire, car il introduit des différences selon le statut des victimes et selon les juridictions saisies.
Ce texte prend en considération toutes les victimes, sans opérer de discrimination : personnels civils et militaires de la défense, personnels du Commissariat à l'énergie atomique, personnels des entreprises présentes sur les sites, mais aussi populations civiles ayant été touchées par des retombées radioactives significatives.
Toutes seront indemnisées pour la totalité du préjudice subi, y compris le préjudice moral ou esthétique, et selon le même régime d'indemnisation.
Les conditions d'application seront complétées par décret en Conseil d'État. Comme je m'y étais engagé, je vous ai adressé le projet de décret. La liste des pathologies donnant droit à l'indemnisation sera celle de l'UNSCAER, agence des Nations unies. Plus longue que celle actuellement retenue par le code de la sécurité sociale, elle a été établie conformément aux travaux reconnus par la communauté scientifique internationale. Figurent ainsi sur cette liste dix-huit cancers ; il s'agissait d'une revendication des associations de victimes.
Nous avons également voulu inclure les zones concernées de la façon la plus juste possible. C'est pourquoi nous proposerons un amendement étendant le dispositif à certaines zones de l'atoll de Hao et de l'île de Tahiti, conformément à la volonté de l'assemblée de la Polynésie française.
Enfin, le troisième principe ayant guidé ce texte est celui de la rigueur. Ce texte est le fruit d'un travail collectif de plusieurs mois mené en concertation avec les scientifiques, le monde médical, les industriels du secteur nucléaire, et vous-mêmes ; il résulte des initiatives des parlementaires de tous les groupes qui ont, depuis des années, déposé des propositions de loi sur ce sujet.
La rigueur, cela signifie aussi d'instaurer un régime d'indemnisation qui soit facile à mettre en oeuvre. Jusqu'à présent, c'était au requérant de prouver que sa maladie était due à une exposition aux rayonnements ionisants, circonstance difficile à justifier quand les faits remontent à trente ou quarante ans. Désormais, c'est à l'État, le cas échéant, qu'il reviendra de prouver l'absence de lien de causalité entre la maladie et l'exposition.
Avec ce projet de loi, le demandeur devra simplement justifier qu'il est atteint de l'une des maladies radio-induites figurant sur la liste retenue et qu'il a séjourné dans les zones concernées durant les périodes des essais.
Les demandes seront examinées par un comité scientifique indépendant, présidé par un magistrat, qui proposera au ministre de la défense le montant de l'indemnisation. La recommandation du comité sera annexée à la proposition d'indemnisation pour que les choses se passent dans la transparence, comme vous l'avez souhaité.
À la suite de votre amendement, le comité respectera le principe du contradictoire. Cela permettra, éventuellement, aux victimes requérant une indemnisation de pouvoir s'expliquer sur les conditions dans lesquelles il avait opéré sur site.
Le demandeur disposera de possibilités de recours devant le tribunal administratif s'il n'est pas satisfait de la réponse apportée à sa demande. Les résidents de la Polynésie française pourront saisir le tribunal administratif de Papeete, comme le demandaient certains d'entre vous et l'assemblée polynésienne – vous vous souvenez du débat que nous avons eu en commission.
Enfin, comme le demandaient les associations et les élus polynésiens, les ayants droit pourront se substituer à la victime décédée.
Pour ce défi nucléaire, qui visait à doter notre pays de sa force de frappe, je dis et redis qu'il est normal que l'indemnisation prévue dans notre loi soit supportée par le budget de la défense. Le budget de la mission « Défense » représente 37,2 milliards d'euros : nous devons être en mesure de trouver les sommes nécessaires pour l'indemnisation des victimes.
Avec ce texte, nous aurons un régime d'indemnisation comparable à celui des autres grandes démocraties qui ont réalisé des essais nucléaires pour leur sécurité, le Royaume-Uni et les États-Unis. Nous aurons surtout mis en oeuvre une solution transparente, juste et rigoureuse pour que notre pays puisse tourner la page et être en paix avec lui-même.
La France a été grande dans ce défi scientifique, technologique et humain. La France a été grande dans ce défi politique et stratégique, qui nous permet d'appartenir au cercle très restreint des puissances nucléaires. Elle doit désormais être grande dans sa volonté de réparer ses erreurs. Tel est l'objet de ce projet de loi que j'ai l'honneur et la fierté de vous présenter ce matin. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Patrice Calméjane, rapporteur de la commission de la défense nationale et des forces armées.
Dès 1945 et la création du Commissariat à l'énergie atomique, la France se dote d'un établissement chargé d'effectuer des « recherches scientifiques et techniques en vue de l'utilisation de l'énergie atomique dans les divers domaines de la science, de l'industrie et de la défense nationale ».
En pleine guerre froide, le général de Gaulle décide de doter la France d'une force de dissuasion nucléaire indépendante.
Avec cette décision naît la doctrine française en matière de dissuasion nucléaire qui permet d'affirmer l'indépendance de la France sur la scène internationale, mais aussi ses capacités technologiques.
La dissuasion nucléaire est l'un des piliers de notre sécurité nationale, réaffirmée comme l'une des cinq grandes fonctions stratégiques par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale publié en juillet 2008.
Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui revêt une importance capitale : pour la première fois depuis 40 ans, les victimes des essais nucléaires français vont bénéficier d'une reconnaissance et vont avoir un droit à une réparation.
Je veux d'abord rendre hommage au travail mené sur ce dossier par les associations, les parlementaires et le Médiateur de la République. Malgré des délais très courts, j'ai tenu à les rencontrer pour débattre de tous les enjeux posés par le texte mais aussi pour recueillir leur avis. La plupart des amendements adoptés par la commission sont d'ailleurs inspirés de leurs demandes.
La qualité du dialogue et de la réflexion de ces derniers mois doit être relevée et je pense qu'il faut poursuivre ces initiatives pour le suivi de l'application de la loi. Je veux aussi me féliciter du climat qui a présidé à l'examen du texte en commission.
Même si certaines associations peuvent considérer que nous ne sommes pas allés assez loin, il me semble que les amendements que nous avons adoptés ont permis d'arriver à un texte équilibré qui devrait permettre de mettre en place un juste système de réparation.
Je rappelle l'économie générale du projet de loi : il prévoit que toutes les personnes souffrant d'une maladie radio-induite à la suite d'une exposition à des rayonnements issus des essais nucléaires français ont droit à une réparation intégrale de son préjudice. Le texte concerne les personnels civils et militaires, mais aussi les populations civiles.
Comme vous le savez, le système actuel est déséquilibré et souvent les demandes d'indemnisation n'aboutissent pas. Les demandeurs peinent en effet à apporter la preuve formelle d'un lien de causalité entre la maladie et les essais.
Les scientifiques que j'ai pu rencontrer m'ont bien précisé que les rayonnements ionisants ne laissaient aucune trace dans l'organisme. Dès lors, il devient impossible d'établir avec certitude l'origine de la pathologie.
Afin d'éviter ce problème, le projet de loi met en place une quasi-présomption de causalité. Pour être indemnisé, le demandeur devra apporter trois éléments de preuve.
Il doit d'abord montrer qu'il souffre d'une pathologie radio-induite. La liste des maladies concernées sera fixée par un décret en Conseil d'État et reprendra scrupuleusement la liste de l'office des Nations Unies, l'UNSCEAR. Le choix du décret est pertinent car cela permettra d'adapter cette liste à l'évolution des données scientifiques. La commission a considéré que le caractère évolutif de ces données doit figurer dans la loi et c'est pourquoi il est désormais précisé que cette liste est établie en fonction « des travaux reconnus par la communauté scientifique internationale ».
Le demandeur devra ensuite justifier d'un séjour ou d'une résidence dans une zone concernée par les essais nucléaires, qu'il s'agisse du lieu même d'une explosion ou des territoires contaminés par les retombées d'essais atmosphériques ou par les fuites d'essais souterrains. Sont concernés le sud de l'Algérie et la Polynésie française. Les zones seront précisées par un décret en Conseil d'État. Le texte oubliait pourtant deux territoires et j'ai obtenu du Gouvernement qu'il corrige cette erreur en ajoutant l'atoll de Hao et une partie de l'île de Tahiti dans le texte.
Le demandeur devra enfin avoir séjourné ou résidé dans cette zone au moment des essais ou lors des retombées. Les périodes retenues sont volontairement larges. Le Gouvernement a par exemple choisi de couvrir une période de cinq années après l'essai de Béryl. Ce délai me semble suffisamment protecteur.
Vous le voyez, aucun seuil n'est requis et le régime de preuve est beaucoup moins contraignant que les dispositifs actuels. Pour autant, le projet n'a pas pour objectif d'indemniser toutes les personnes souffrant d'un cancer. S'il est possible d'attribuer la maladie à une autre cause – par exemple à l'exposition à des rayonnements médicaux anormalement élevés –, le demandeur pourra voir son dossier rejeté.
J'en viens maintenant à la procédure que nous avons significativement complétée en commission. Le texte crée un comité d'indemnisation rassemblant des experts médicaux et des juristes. C'est à ce comité qu'il appartient d'instruire les demandes et de vérifier justement que les trois conditions sont bien remplies et que la maladie n'est pas liée à une autre cause que les essais nucléaires. Le comité peut faire appel à toutes les expertises nécessaires et requérir tous les services compétents.
J'ai souhaité renforcer ses pouvoirs. Ses membres doivent notamment avoir accès aux informations classifîées : désormais ses membres seront habilités à en connaître, sans pour autant mettre en place une nouvelle dérogation légale à ce sujet.
Il m'a également semblé nécessaire que le comité respecte le principe du contradictoire dans son examen des dossiers ; les demandeurs doivent pouvoir formuler des observations ou critiquer les expertises ou les éléments fondant sa recommandation.
J'ai bien entendu les associations qui souhaitent siéger dans ce comité. Je suis très attaché à ce qu'elles participent au suivi de la loi, mais je crois qu'il faut conserver à ce comité une dimension purement technique. J'ajoute que grâce au principe du contradictoire, les associations pourront parfaitement épauler les demandeurs pour contester les analyses du comité. Elles ne seront donc pas totalement exclues du processus.
Le comité n'a pas de personnalité juridique, il ne peut donc pas prendre lui-même la décision, sauf à s'ériger en juridiction. C'est bien au ministre qu'il revient soit de faire une offre d'indemnisation, soit de rejeter la demande.
Pour garantir les droits des demandeurs, j'ai proposé à la commission que la recommandation du comité soit obligatoirement jointe à la notification du ministre. Le demandeur pourra désormais vérifier si le ministre s'en est écarté et si tel est le cas, il pourra l'utiliser à l'appui d'un éventuel contentieux.
Afin d'encadrer les délais d'indemnisation, la commission a donné quatre mois au comité pour instruire les dossiers et deux mois au ministre pour prendre sa décision, soit un délai total de six mois. Compte tenu de l'afflux initial des demandes, il est toutefois apparu souhaitable de porter le délai d'instruction à huit mois la première année.
Le contentieux relève du droit commun, c'est-à-dire du juge administratif, puisqu'il s'agit d'une décision du ministre. Une juridiction judiciaire ne saurait se prononcer sur une décision administrative. Pour autant, je suis sensible à l'argument de la proximité des juridictions : nombre de demandeurs étant polynésiens, il leur serait difficile de suivre leur affaire si elle relevait d'un tribunal parisien. Toutefois, il me semble qu'il faille préserver une unité de jurisprudence sans devoir attendre les décisions de cassation. De plus, cette réflexion doit être menée en étroite concertation avec les juridictions compétentes.
Je note par ailleurs que le ministre s'est engagé à travailler sur ce point pour garantir l'accès aux juridictions pour tous les demandeurs. Des éléments devraient d'ailleurs figurer dans le décret d'application.
Je souhaiterais maintenant aborder la question du montage financier de l'indemnisation.
Les réparations seront directement financées par le budget du ministère de la défense sur ses pensions – donc hors de l'enveloppe prévue par la loi de programmation militaire.
Pour autant, la création d'un compte d'affectation spéciale permettrait de gagner en lisibilité et en souplesse, les règles budgétaires étant plus souples pour ceux-ci que pour le budget général. Pourriez-vous, monsieur le ministre, vous rapprocher du ministre du budget pour lui proposer cette solution dans le cadre de la prochaine loi de finances ?
J'en viens enfin à la question du suivi de l'application de la loi. Je suis convaincu qu'il faut continuer à entretenir un dialogue constructif avec tous les acteurs qu'il s'agisse des associations, des scientifiques, des élus ou des services de l'État.
J'ai donc proposé de créer une commission de suivi qui rassemblerait toutes ces personnes. L'amendement adopté par la commission précise que cette commission sera consultée sur toute évolution de la liste des maladies et effectuera une sorte de veille au profit du Gouvernement et du Parlement auxquels elle pourra adresser des recommandations. C'est une demande légitime des victimes que je souhaitais satisfaire.
Il me semble donc que le texte est globalement équilibré et équitable. Il consacre un droit et une responsabilité que la France avait trop longtemps niés et ouvre la voie à de légitimes réparations.
Je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter le texte établi par la commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Michel Voisin, vice-président de la commission de la défense nationale et des forces armées.
Près d'un demi-siècle après les premiers essais nucléaires réalisés par la France, nous examinons aujourd'hui un projet de loi qui vise à reconnaître et à réparer les préjudices causés par ces essais à certaines personnes.
Nous ne pouvons que nous féliciter du fait que le ministre ait tenu les engagements qu'il avait pris en ce domaine.
Dès lors que les données scientifiques nous fournissent des éléments nouveaux, la France ne pouvait refuser de faire ce qu'ont fini par faire les autres pays occidentaux concernés par les essais nucléaires.
De surcroît, il me semble certain que ne rien faire aurait encouragé les rumeurs et l'irrationnel.
Par ailleurs, il est sûrement temps de mettre fin à un système de procédures aléatoires, longues, donnant lieu à des jurisprudences différentes. Obliger les plaignants à recourir à la justice pour obtenir réparation les place dans une situation inégalitaire, puisque selon le talent de l'avocat dont ils auront pu s'attacher les services et selon le regard que le juge portera sur leur dossier, leur sort pourra être très différent. Ce projet de loi répond à une exigence d'égalité qui est un des principes fondateurs de notre République.
Enfin, nous ne pouvons pas ignorer que le ministère de la défense était soumis à un nombre croissant de recours devant les tribunaux. La multiplication de ces recours a un effet néfaste sur l'image de la défense. Or nous savons que les messages négatifs sont plus percutants que les messages positifs. Il n'est dans l'intérêt de personne de laisser se développer des atteintes à l'image de la défense, surtout lorsqu'il s'agit de souffrance humaine.
Je voudrais rappeler ici que la commission de la défense s'est efforcée, au cours de ses travaux sur ce projet de loi, d'assurer la meilleure réponse aux personnes ayant eu à souffrir des séquelles des essais nucléaires. Je souhaite d'emblée remercier notre collègue Patrice Calméjane, qui a su accomplir un travail considérable, dans un délai extrêmement court, pour traduire les préoccupations qui sont apparues depuis longtemps au sujet des conséquences des essais nucléaires français.
La commission a entendu les préoccupations des victimes des essais nucléaires et de leurs associations. C'est ainsi qu'elle a notamment amendé l'article 4 en son troisième alinéa, pour préciser que le comité examinera si le lien de causalité entre la maladie des requérants et les essais nucléaires peut être regardé comme « possible » et non comme « existant ».
Il ne faut pas exclure un effet d'aubaine : certains seront tentés de réclamer une indemnisation alors que leurs troubles de santé ne sont éventuellement pas liés aux essais nucléaires. Cependant, des garde-fous ont été mis en place, comme nous le verrons. Le système est conçu pour indemniser les personnes de bonne foi, et nous ne saurions leur refuser une indemnisation au motif que des détournements de la procédure ne sont pas totalement évitables.
Le fait que la commission de la défense ait, à l'occasion d'un débat constructif, adopté à l'unanimité la plupart des amendements au projet de loi témoigne du fait que ce projet répond à un vrai besoin.
Ce projet de loi a été élaboré en tenant compte des avis des associations de plaignants. Certain d'entre nous ont reçu leurs représentants et étudié leur documentation. De plus, les associations ont été reçues à deux reprises par le ministre de la défense. Ce dernier les a manifestement écoutées puisque, suite à ces entretiens, le ministère de la défense a renoncé à fixer un seuil d'exposition minimal. Cette mesure me semble opportune pour éviter le risque de traitements inéquitables et surtout pour simplifier la procédure au bénéfice des personnes concernées.
La rédaction du projet de décret d'application de la loi a été lancée très en aval, les procédures d'indemnisation devraient donc pouvoir être lancées assez rapidement après la promulgation de la loi. Je tiens à saluer ce volontarisme quant au décret d'application, dont nous avons eu connaissance en temps utile, même si, à notre avis, cela s'est fait un peu tardivement.
Attendez la suite, monsieur le ministre : je comptais précisément vous remercier de l'avoir fait et formuler le voeu que cela donne des idées à certains de vos collègues !
L'indemnisation reposera sur des principes d'équité, c'est-à-dire une juste indemnisation des cas justifiés, et de transparence, avec l'ouverture par le ministère de la défense de ses archives, dans le respect des procédures prévues à ce titre.
Ce projet de loi est novateur en ce que le demandeur n'aura pas à prouver le lien de causalité entre son exposition aux rayonnements ionisants et sa maladie. Ce sera à l'État de démontrer qu'une maladie n'est pas radio-induite pour refuser une indemnisation.
Bien entendu, le risque de recours abusif existe. Cependant, là aussi, des garde-fous sont prévus.
D'une part, un comité d'indemnisation sera placé auprès du ministre pour examiner les demandes au cas par cas ; ce comité pourra procéder à toutes les investigations scientifiques et médicales nécessaires.
D'autre part, le projet de loi est restrictif à bon escient dans la mesure où les personnes ayant contracté des maladies radio-induites autrement que lors des essais nucléaires ne seront pas intégrées dans le dispositif ; en effet, les autres cas de figure seront résolus dans le cadre des dispositifs de droit commun existants.
Enfin, mérite d'être posée la question de savoir si l'État n'aurait pas eu intérêt à créer un fonds d'indemnisation indépendant, comme cela a été fait pour l'amiante.
Nous approuvons le choix retenu par le ministre, car l'amiante est à l'origine de maladies qui frappent des personnes issues d'un très grand nombre de secteurs, ce qui n'est pas le cas des essais nucléaires, où seul l'État est responsable.
Nous pouvons prendre acte du fait que le ministre de la défense a annoncé que des crédits budgétaires seraient mis en place à hauteur de ce qui sera nécessaire. Le fait qu'une première dotation de dix millions d'euros soit d'ores et déjà prévue est un signe de la volonté de l'État de mettre en oeuvre la loi qui nous est présentée dès sa promulgation.
Nous ne pouvons que nous réjouir de voir que les moyens matériels nécessaires à la mise en oeuvre d'une loi précèdent son adoption. Nous ne pouvons qu'espérer que cette attitude volontariste servira de référence à l'avenir.
Pour toutes les raisons que je viens d'indiquer, je vous invite, mes chers collègues, à voter ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Philippe Folliot, premier inscrit dans la discussion générale.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le vice-président de la commission de la défense, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous examinons un texte qui traite d'un sujet extrêmement complexe en ce qu'il mêle santé, science et défense, et extrêmement délicat, car il mélange progrès technique et drame humain.
Cette complexité explique certainement en partie pourquoi de nombreuses propositions de loi ont été déposées au Parlement sur le sujet à chaque législature depuis plusieurs années, et ce venant de tous les bancs de cet hémicycle sans que le sujet ait pourtant jamais été inscrit à l'ordre du jour. C'est l'Arlésienne !
Heureusement, après un premier débat en novembre dernier à l'initiative de notre collègue Christiane Taubira, très passionnée sur le sujet, vous vous étiez engagé, monsieur le ministre, à présenter un projet de loi. Voilà qui est fait.
Je tiens à saluer votre engagement sur ce sujet, monsieur le ministre. Vous avez tenu promesse et, au vu du calendrier très chargé de notre assemblée, le groupe Nouveau Centre a souhaité vous suivre dans cette direction en mettant l'une de ses séances d'initiative parlementaire à votre disposition pour que ce sujet soit enfin débattu et, nous en sommes convaincus, voté.
Je voudrais également me réjouir de l'esprit particulièrement constructif dans lequel tous les travaux ont été menés, sur tous les bancs, dans tous les groupes. Beaucoup d'entre nous se sont engagés sur ce sujet qui doit être de ceux qui transcendent les clivages. L'investissement de tous ici sur ces bancs est symbolique et essentiel pour les victimes.
Je tiens également à saluer les associations de victimes et le rôle considérable et particulièrement volontariste qu'elles jouent auprès des victimes mais également auprès des pouvoirs publics. Le groupe Nouveau Centre se félicite d'ailleurs qu'elles soient présentes au sein du comité de suivi. Nous y étions particulièrement attachés. C'était une mesure de simple bon sens tant est grand leur engagement mais également leur mesure et leur dignité dans la défense des intérêts.
Cinquante ans après le premier essai nucléaire français, il était plus que temps que des solutions concrètes et simples soient apportées aux victimes, qu'elles soient civiles ou militaires, françaises ou étrangères. Notre dispositif actuel est beaucoup trop flou et totalement inadapté aux cas qui se posent et il entraîne des délais d'instruction et de réparation beaucoup trop longs et beaucoup trop compliqués pour des victimes qui ont bien d'autres choses à penser que de se battre pour obtenir réparation.
La démarche que nous entamons est juste et légitime, car elle répond à une volonté de l'État français de réparer les conséquences de ses actes. Alors certes, l'État n'a pas, comme ça a été le cas aux États-Unis, entrepris une démarche de repentance officielle et de pardon symbolique auprès des victimes. Mais la discussion de ce projet est un premier pas vers cette reconnaissance.
Nous tenons d'ailleurs à soutenir vivement l'amendement présenté par l'opposition en commission et qui a été adopté, qui vise à modifier le titre du texte que nous examinons. L'insertion du mot « reconnaissance » nous paraît en effet fondamentale tant cela fait partie du processus symbolique de reconstruction personnelle des victimes. Certes, les victimes espèrent une compensation matérielle qui leur permettrait de prendre en charge, en tout ou en partie, les frais médicaux consécutifs à leur pathologie, mais elles espèrent également être officiellement reconnues comme victimes par ceux qui sont à l'origine de leur mal. L'utilisation de ce mot est donc extrêmement importante et nous espérons que nous ne reviendrons pas dessus.
Car cette reconnaissance vise également à réparer un oubli. L'oubli des militaires qui ont obéi aux ordres qui leur ont été donnés et qui ont dû en subir les conséquences souvent dramatiques. Chaque fois que l'occasion m'en est donnée, je rends hommage à nos soldats qui s'engagent au péril de leur vie pour notre sécurité et celle de la France. Je ne renoncerai pas à la nouvelle occasion qui m'est donnée aujourd'hui, d'autant que les conséquences de cet engagement ont été, pour eux, dramatiques. La France se grandit en réparant l'oubli. Vous l'avez fait, monsieur le ministre, c'est bien et nous tenons à vous en féliciter.
…mais il a le mérite d'exister. Et c'est déjà beaucoup. Nous rejoignons ainsi le rang de grands pays qui ont déjà fait, à leur façon, ce pas en direction des victimes, les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni, l'Australie. Et même s'il n'est pas parfait, ce texte apporte des solutions qui vont grandement faciliter le travail des demandeurs. Avec l'établissement d'une liste référente des pathologies concernées calquée sur celle reconnue par les Nations unies et facilement actualisable, l'absence de fixation de seuil minimum, la quasi-présomption de causalité et les délais réduits, les victimes vont enfin voir leur dossier rapidement traité. Des procédures qui durent depuis des années à cause de la complexité du dispositif vont enfin être menées à leur terme, permettant ainsi aux demandeurs d'être définitivement fixés sur leur sort.
Il faut le dire également, ce texte fait preuve de clairvoyance, ce qui de plus en plus rare. En mettant en place un comité de suivi, il reconnaît ainsi parfaitement que ce sujet, bien qu'inscrit dans l'histoire et dans le passé, est encore très évolutif et sera amené à être régulièrement adapté. Adapté aux découvertes scientifiques et médicales mais également aux problèmes rencontrés par les victimes tout au long de la procédure d'indemnisation. C'est une vision à long terme que nous défendons ardemment au Nouveau Centre, et qui, malheureusement, a tendance à se perdre. Nous l'avons défendue à d'autres occasions à cette tribune et nous nous félicitons qu'elle ait eu un écho ici, avec ce texte. Ce comité de suivi servira également de lieu d'échange entre vous-même, monsieur le ministre, les élus, les associations des victimes et les experts.
Reste la question du financement de ces indemnisations. Nous avons eu un débat important en commission, certains demandant à ce qu'elles soient prises en charge par le biais d'un fonds d'indemnisation autonome sur le modèle de celui mis en place pour l'amiante. Je peux imaginer leur inquiétude mais je pense qu'avec le principe d'inversion de la charge de la preuve, toutes les garanties sont apportées aux requérants pour un traitement le plus objectif possible de leur dossier. En outre, nous devons faire confiance à l'État et je le vois mal revenir sur un engagement pris et supprimer ou même réduire les sommes initialement promises aux victimes.
Pour finir, je tiens à rappeler, avec tout le respect que nous devons avoir pour les victimes et leur famille, que ces essais nucléaires ont été un mal pour un bien. L'objectif initial était de doter notre pays de la force de dissuasion nucléaire qui en a fait un grand pays, selon, une fois de plus, dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres, une vision de l'avenir et de prospective du général de Gaulle, qui restera, pour moi, pour très longtemps le plus grand des Présidents ayant marqué l'histoire de France.
Ce n'est pas très gentil pour l'actuel Président, qui est pourtant loin d'avoir fini son mandat !
Car, aujourd'hui, et nous l'avons vu lors des débats sur le Livre blanc et la loi de programmation militaire, c'est un sujet très consensuel : personne ne remet en cause cette force comme composante de notre indépendance nationale et tous ici nous avons rejeté l'idée d'une mutualisation de cette force au niveau européen et a fortiori, plus encore, de son abandon.
Car, tous, nous sommes conscients que cette arme de dissuasion a été un facteur de paix, d'une part, et a fait de la France un grand pays qui a sa place parmi les grandes puissances de ce monde et mérite son siège de membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, d'autre part.
Bref, pour avoir la paix, il suffirait que tout le monde ait l'arme nucléaire…
Vous l'avez compris, le Nouveau Centre soutiendra ce texte avec force et espoir, parce qu'il contribue à réparer une injustice devenue inacceptable et un oubli insupportable et qu'il permet à la France d'être plus grande face à son passé, face à ses citoyens et face à ses partenaires dans le monde. Il est temps pour nous de faire ce geste. Faisons-le ensemble et d'une seule voix, je l'espère. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le vice-président de la commission de la défense, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous nous retrouvons aujourd'hui pour aborder une question essentielle, celle de la reconnaissance et de l'indemnisation des victimes des essais nucléaires.
Le 27 novembre dernier, nous étions déjà présents ici afin de débattre sur ce sujet à la suite de l'examen de la proposition de loi déposée par notre collègue Christiane Taubira. À cette occasion, j'avais eu l'opportunité de rappeler que le groupe UMP avait pris plusieurs initiatives en ce sens, telle la proposition de loi déposée par mes collègues Yannick Favennec et Christian Ménard, que j'avais moi-même cosignée.
Le groupe UMP est toujours resté mobilisé pour répondre aux attentes, déjà anciennes, des associations de victimes telles que l'association des vétérans des essais nucléaires, l'AVEN, que je tiens à saluer pour son travail remarquable en faveur des trop nombreux « invalides de la guerre froide ».
Au nom de mes collègues, monsieur le ministre, je vous remercie pour votre implication personnelle sur cette question. Je sais que ce dossier vous tenait particulièrement à coeur. Nous avons travaillé en liens étroits et nos échanges ont toujours été fructueux et constructifs. Le 27 novembre dernier, vous rappeliez la nécessité de « parvenir à une solution sérieuse, rigoureuse mais une solution juste, humaniste et apaisante ». Je pense que nous y sommes parvenus.
Je me réjouis de constater que les engagements que vous avez pris devant la représentation nationale ont été tenus, dans des délais dont nous apprécions la rapidité. Un pas historique a été franchi. En effet, trop longtemps, notre République n'a pas eu le courage d'assumer ces drames personnels, et des gens irradiés qui ont eu, et à juste titre, le sentiment que l'on ne prenait pas en compte leur détresse et leur souffrance.
Ce texte est le fruit d'une collaboration approfondie entre le ministère de la défense et des parlementaires de tous les bords. Nos réunions, ainsi que la prise en compte de nos interventions et de nos commentaires, nous ont permis de parvenir à un texte équilibré. Nous serons certainement d'accord sur tous les bancs pour nous féliciter de cette méthode, excellent exemple de la coproduction législative que nous prônons au sein du groupe UMP.
Comme je l'ai souligné en novembre, un consensus national existe aujourd'hui sur la nécessité d'indemniser les victimes des essais nucléaires, lequel ne remet pas en cause le bien-fondé de notre politique nucléaire, qui permet à notre pays d'affirmer son indépendance sur la scène internationale et d'y jouer un vrai rôle. Avec le recul, nous pouvons aujourd'hui reconnaître que nous avons un devoir moral envers ceux qui ont servi loyalement notre pays, parfois au prix d'un sacrifice très lourd. Ce chemin n'a pas été simple, nous sommes nombreux sur ces bancs à pouvoir en témoigner.
Si notre rapporteur Patrice Calméjane fort bien décrit les différents aspects techniques du projet de loi, je reviendrai rapidement sur certains points que me paraissent importants.
Le texte pose le principe de la réparation intégrale des conséquences sanitaires des essais nucléaires français. Le décret que le Gouvernement nous a fait parvenir confirme que la liste des maladies radio-induites sera celle qu'ont établie les experts de l'UNSCEAR. Elle sera susceptible d'évoluer avec les connaissances de la science. Vous savez l'importance que nous attachons à cette liste qui nous paraît la plus juste, la plus large et la moins susceptible de faire l'objet de contestations.
Pour pouvoir déposer un dossier d'indemnisation, le demandeur ou ses ayants droit devra avoir résidé ou séjourné sur les sites concernés pendant les périodes définies et présenter une pathologie radio-induite.
Les demandes seront étudiées par le comité d'indemnisation que le texte en place. Nos travaux en commission ont permis de répondre à nos réticences concernant la présomption de causalité. Je me réjouis que nous ayons pu lever ensemble ces inquiétudes, au même titre que celles portant sur l'existence d'un éventuel seuil d'exposition. Cette avancée est sans aucun doute la plus importante à mettre au bénéfice de votre texte.
Dans notre esprit, les choses sont claires. Nous devons la plus grande transparence aux victimes. Rien ne doit leur donner l'impression que nous cherchons à les exclure d'une indemnisation pour de fausses raisons. Le processus est transparent, les conditions parfaitement définies et garanties, conformément à leur demande.
C'est la raison pour laquelle nous avions plaidé, vous le savez, pour la présence des associations au sein du comité d'indemnisation. Pourtant, pour des raisons que nous comprenons, celle-ci n'est pas possible, d'autant que des garanties nouvelles, telles que le débat contradictoire, ont été introduites lors de nos travaux en commission. La création d'une Commission nationale de suivi des essais nucléaires, dans laquelle ces associations seront représentées, nous paraît être un compromis juste. Le fait qu'elle puisse être consultée sur les modifications éventuelles de la liste des maladies radio-induites est une avancée importante, de même que la capacité qu'elle aura d'adresser des recommandations tant au ministre de la défense qu'au Parlement.
Le texte auquel nous sommes parvenus est équilibré. Je me félicite une fois encore du travail accompli. C'est une vraie victoire pour tous ceux qui se battent depuis des années sur ces sujets. Je souhaite que tous en prennent conscience. C'est aussi la dernière chance offerte à certaines victimes d'obtenir une réparation du préjudice subi.
Face à nous, le Gouvernement s'est montré à l'écoute et soucieux de parvenir à un compromis. Je le répète, les victimes ou leurs ayants droit peuvent adresser leur demande d'indemnisation dans un climat de confiance et de transparence. C'est l'état d'esprit qui préside à la mise en oeuvre de cette loi.
Cela dit, monsieur le ministre, pourriez-vous nous indiquer à combien vous estimez le montant de ces indemnisations ? Les députés, qui seront représentés au sein de la commission de suivi, veilleront à la bonne application du texte. Ils ne manqueront pas de vous interroger régulièrement sur l'évolution de ce dossier et sur les suites données aux demandes des victimes.
Mes chers collègues, pour toutes ces raisons, et compte tenu des engagements forts pris par le Gouvernement sur cette question essentielle, je vous invite, au nom du groupe UMP, à voter ce projet de loi, dont je suis convaincu qu'il transcende les clivages politiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, que je remercie pour la qualité de son travail et de son écoute, mes chers collègues, quarante-neuf ans après le premier essai aérien, treize ans après le dernier essai souterrain, le moment est enfin venu de mettre un terme au silence et à l'injustice qui ont frappé tant de vétérans et de familles. À leurs côtés, nous autres, parlementaires de tous horizons, nous ne souhaitons plus revivre ces douleurs.
C'est la raison pour laquelle nous nous sommes mobilisés pour la reconnaissance des victimes des essais nucléaires menés par la France entre 1960 et 1996, et pour leur droit à l'indemnisation, comme l'indique le titre de ce texte, que nous avons choisi à l'unanimité en commission.
Sur ce sujet, pas moins de dix-huit propositions de loi, venant de la majorité comme de l'opposition, ont été déposées depuis 2002. Plusieurs associations de victimes se sont mobilisées. Je salue notamment le travail et la ténacité de l'Association des vétérans des essais nucléaires, en la personne de son président Michel Verger présent dans les tribunes.
Animés d'un esprit unitaire et trans-partisan, les associations et les parlementaires se sont accordés sur une proposition de loi. Celle-ci a été déposée par le groupe SRC. Nous l'avons examiné le 27 novembre. Sa rapporteure était Christiane Taubira.
À votre demande, monsieur le ministre, la majorité n'a pas souhaité passer à l'examen des articles. Vous vous étiez en effet engagé à déposer avant l'été un projet de loi élaboré en concertation avec les parlementaires et les associations, auquel seraient annexés l'étude d'impact et l'avant-projet de décret. Nous vous donnons acte que vous avez tenu vos promesses, puisque nous examinons aujourd'hui ce projet de loi.
Vous auriez pu me féliciter ! (Sourires.)
C'était une manière de le faire...
La méthode a été respectée. La démarche doit être simple et le message, clair. La France doit vérité et justice aux vétérans et aux populations victimes des essais nucléaires : vérité, car le silence doit être rompu, les souffrances reconnues et la responsabilité de l'État engagée ; justice, car les vétérans, comme leurs descendants, doivent pouvoir être indemnisés des maladies qui les frappent si durement.
Notre objectif commun est de répondre à la situation humaine des vétérans et de leurs familles atteints par ces maladies radio-induites. Chaque mois, des vétérans décèdent de pathologies provoquées par ces essais, et leurs ayants droit, souvent leur femme, rencontrent les pires difficultés pour faire valoir leur droit à indemnisation devant le juge, la plupart d'entre eux étant déboutés.
Dès la fin 2008, nous avons poursuivi le travail avec les associations et – je le souligne, car la démarche est originale – avec les services du médiateur de la République. Celui-ci vous a écrit pour vous indiquer l'intérêt qu'il portait au problème et son souhait de le voir traité par la création d'un dispositif comparable au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante. Nous avons déposé en commission une série d'amendements allant dans ce sens et proposant la création d'un fonds d'indemnisation doté d'une personnalité juridique.
Nous avons aussi soulevé la question d'une réparation en faveur des ayants droit. Certes, ceux-ci sont mentionnés dans le texte comme pouvant déposer un dossier ; mais, à notre sens, ils peuvent aussi être reconnus comme victimes d'un préjudice propre, notamment du décès prématuré de leur père ou de leur conjoint. Toujours en nous fondant sur ce qui a été fait pour l'amiante, nous souhaitons la mise en place d'un dispositif de retraite anticipée pour les vétérans, l'espérance de vie des personnes atteintes d'une maladie radio-induite étant malheureusement réduite.
Nos amendements sont tombés sous le coup de l'article 40. Le Gouvernement n'a pas souhaité les reprendre. Si nous ne les avons pas redéposés sur le texte, nous vous invitons, monsieur le ministre, à réexaminer nos propositions.
Vous avez finalement fait le choix, que nous contestons, d'organiser la réparation sous la forme d'une transaction des victimes avec le ministère, par le truchement d'un comité d'indemnisation. Si l'on en croit l'avant-projet de décret, tous les membres de ce comité, qui auront pour fonction d'émettre une recommandation afin que vous preniez une décision qui restera de votre ressort exclusif, sont des représentants des ministères concernés, et deux d'entre eux sont désignés par ces ministères.
Certes, nous avons obtenu une procédure contradictoire, mais dans laquelle le Gouvernement et son administration sont seuls juges, alors qu'ils sont aussi partie prenante. En ce sens, la loi donne les pleins pouvoirs aux ministres. Nous craignons donc non seulement qu'il n'y ait pas d'inversion de la charge de la preuve, mais que l'indemnisation soit limitée aux victimes ayant participé à des essais dont le ministère reconnaît lui-même qu'ils ont donné lieu à des incidents. Pourtant, il est aujourd'hui reconnu que l'exposition répétée à des doses infimes est également nocive. Le fait que l'on n'ait pas enregistré d'incident particulier n'empêche malheureusement pas une éventuelle contamination par manque de précaution, par ignorance de certains dangers ou par inconscience. C'est là un des points importants qui restent à discuter.
Vous le voyez, des sujets d'insatisfaction demeurent sur la philosophie même du projet. Nous aurions préféré la mise en place d'un fonds d'indemnisation s'appuyant sur une commission indépendante. Cela nous semblait – et nous semble toujours – la condition pour créer un droit à une juste indemnisation et pour mettre fin à de lourdes procédures dont l'issue, toujours incertaine, est rarement positive.
Il existe actuellement des inégalités de réparation entre militaires et civils, entre Français de métropole et Français de Polynésie, qui partagent pourtant les mêmes souffrances. Nous devons changer cela et mettre en place un régime de réparation intégrale des préjudices subis, au bénéfice des victimes directes comme de leurs descendants.
C'est pourquoi nous souhaitons que soit clairement inscrit dans la loi le principe de présomption du lien de causalité, que vous invoquez oralement et qui fonde les dispositifs mis en place dans les pays anglo-saxons. Vous le comprenez comme un facteur d'automaticité qui risquerait d'entraîner l'indemnisation de dizaine de milliers de vétérans, alors que vous estimez que le nombre de victimes n'excède pas quelques centaines. Mais, pour nous, faire bénéficier les victimes de la présomption du lien de causalité est un principe de justice, qui représente la véritable inversion de la charge de preuve. L'État conservera la possibilité de démontrer l'absence de lien entre l'exposition et la maladie, et de l'imputer à une autre cause pour justifier le rejet d'une demande. Seule la présomption du lien de causalité permet une vraie rupture avec le système actuel, dans lequel tant de victimes doivent se battre pour faire reconnaître leurs droits.
Tout en restant en désaccord sur la procédure, nous proposons, pour créer un droit à réparation rapidement effectif et efficace, une série d'amendements visant à améliorer le texte. Je souhaite que nous les examinions dans l'état d'esprit constructif qui a régné en commission et qui a permis d'acter des avancées appréciables. Nos propositions portent sur l'inclusion de l'atoll d'Hao et de certaines zones de file de Tahiti, sur la levée du secret défense, sur la possibilité de faire évoluer le dispositif – notamment la liste des maladies – en fonction des nouvelles connaissances scientifiques, et sur la création d'une commission de suivi, dont les missions devront être confortées.
Pour améliorer la procédure, nous proposons que le comité d'indemnisation réunissant juristes et experts médicaux chargés d'examiner les demandes soit composé pour moitié de membres indépendants des administrations, et nous réitérons notre demande que les associations de victimes, fortes de leur expertise, puissent éclairer l'examen des dossiers.
Pour la transaction avec le ministère de la défense donnant lieu à un capital versé en une fois, nous proposons de créer une possibilité de recours devant les juridictions de l'ordre judiciaire, la procédure devant le tribunal administratif risquant d'être très longue – à moins que nous soit confirmé expressément, au cours du débat, que le tribunal administratif puisse juger en plein contentieux.
Enfin, la commission de suivi des essais nucléaires doit voir ses missions élargies, notamment aux questions environnementales, et son action confortée, avec la participation de représentants du monde médical et scientifique. Loin d'être seulement consultative, elle doit être en mesure de faire des propositions sur l'organisation du suivi des conséquences sanitaires, du suivi épidémiologique et des conséquences environnementales des essais nucléaires.
Pour conclure, je rends hommage au travail accompli par les associations. Au-delà du caractère revendicatif de leur démarche, elles ont su développer une prise de conscience, une connaissance et une mémoire des situations qui sont indispensables pour mettre en oeuvre le processus de réparation.
Je rappelle à notre assemblée qu'il n'est de vraie puissance que celle qui maîtrise sa force. Les nombreux vétérans dont nous parlons ont été mobilisés au service de la construction de notre force nucléaire. Ne les oublions pas aujourd'hui et soyons à la hauteur de leur engagement passé. Nous avons en ce jour un rendez-vous important. Il s'agit pour la France, patrie des droits de l'Homme, de rejoindre le concert des nations qui, en Europe et dans le monde, ont reconnu les conséquences humaines et environnementales des essais nucléaires.
Enfin, parce que des gouvernements de droite comme de gauche ont procédé tout au long de Ve République à des essais nucléaires, il me paraît important d'améliorer encore ce texte pour qu'un vote trans-partisan puisse réunir tous les représentants de la nation dans une reconnaissance et une réparation tardive mais ô combien nécessaire.
Mes chers collègues, il est urgent de répondre au sentiment d'injustice que ressentent, du fait de l'indifférence des pouvoirs publics, ceux qui subissent chaque jour dans leur chair les conséquences des essais nucléaires. Ensemble, osons reconnaître ces vérités et ne créons pas d'injustice. Tel est le sens de l'engagement du groupe socialiste dans ce débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, nous avons beaucoup attendu ce projet de loi, et il arrive enfin.
Enfin, un projet de loi reconnaît aux quelque 150 000 personnes, civils et militaires, ayant participé aux deux cent dix essais nucléaires réalisés par la France entre 1960 et 1996, le droit à la réparation des préjudices subis.
Vous le savez sans doute, monsieur le ministre, les Verts ont toujours été opposés aux essais nucléaires, non seulement parce qu'ils participaient de cette course à l'armement atomique si dangereuse pour notre monde mais aussi parce qu'ils faisaient courir un risque mortel à ceux qui y concouraient comme à ceux qui vivaient à proximité des sites.
Reconnaître que les différentes maladies contractées par ces personnes sont bien liées à leur exposition aux essais nucléaires et à leurs retombées constitue une avancée – les associations de victimes l'admettent volontiers et nous joignons notre voix à la leur. Dorénavant, plus personne ne pourra prétendre que ces essais étaient « propres », plus personne ne pourra soutenir qu'ils n'étaient pas dangereux.
L'adoption de ce projet de loi mettrait fin à une forme de tromperie entretenue pendant trop d'années par l'État français. J'ai en mémoire le témoignage d'une femme : on avait laissé croire à son mari, durant toute sa carrière professionnelle, qu'il ne courait aucun risque et qu'il participait à une grande oeuvre, sans jamais mettre sa vie en danger. Il y a quelques années, il est pourtant mort d'un cancer à l'âge de cinquante-cinq ans.
Ce texte mettrait aussi fin au parcours du combattant de toutes les victimes qui tentaient de faire reconnaître leurs droits devant les tribunaux, le plus souvent en vain. Désormais elles pourront être indemnisées sans passer par la case juridictionnelle : c'est un progrès.
Depuis 2002, près de vingt propositions de lois ont été déposées par les parlementaires de toutes tendances politiques, que ce soit à l'Assemblée ou au Sénat. Avec mes collègues Verts, j'avais moi-même présenté, à nouveau, en janvier 2008, une proposition de loi relative aux conséquences sanitaires et environnementales des essais nucléaires, suite à un travail mené par un grand nombre d'entre nous en coopération étroite et intense avec les associations de victimes.
Force est de constater que ce projet de loi est en deçà des propositions faites par les parlementaires de l'opposition comme de la majorité.
Tout d'abord, au contraire de ce que nous avions proposé, il est regrettable de constater que la dimension environnementale est complètement absente de ce texte.
On peut déplorer également que le dispositif prévu soit centré exclusivement sur le ministère de la défense : le comité d'indemnisation ne fait que des propositions et le ministre de la défense, pourtant juge et partie dans ce dossier, décide ou non du versement de l'indemnisation. Pourquoi ne pas avoir retenu la proposition de créer un fonds d'indemnisation, sur le modèle éprouvé de ce qui existe pour les victimes de l'amiante, comme l'avait pourtant préconisé le Médiateur de la République ?
Pourquoi ne pas avoir non plus retenu l'idée d'une présomption du lien de causalité entre le travail effectué dans les zones concernées par les essais et la maladie contractée par les victimes ? Cette présomption fait défaut pour pouvoir parler d'un véritable droit à l'indemnisation – j'insiste évidemment sur le mot « droit ». Dans la rédaction actuelle du projet de loi, il n'y a toujours pas de droit, seulement une possibilité. La formule retenue par l'article 4 n'instaure qu'une politique de cas par cas, à nos yeux dangereuse.
Je tiens à saluer, comme d'autres l'ont fait avant moi, le rôle des associations de victimes : l'association des vétérans des essais nucléaire, l'association polynésienne Moruroa e tatou, et le comité Vérité et Justice. Sans leur travail et leur persévérance auprès de tous, et notamment auprès des parlementaires et auprès des ministres de la défense successifs, nous n'en serions sans doute pas là aujourd'hui. Mais pourquoi ces associations ne sont-elles pas mentionnées dans la composition du comité d'indemnisation ? Certes, elles font partie de la commission de suivi, mais la commission de suivi que vous nous proposez est bien édulcorée par rapport à celle que les associations réclament, et à celle que les parlementaires ont appelée de leurs voeux dans toutes leurs propositions de loi. Je défendrai d'ailleurs un certain nombre d'amendements à ce sujet.
La reconnaissance et l'indemnisation des victimes des essais nucléaires constituent un grand pas en avant. J'espère que nos débats permettront d'améliorer ce texte, et que nous ne remettrons pas à plus tard le traitement de certains points essentiels, comme la liste des maladies, la présomption du lien de causalité, ou les conséquences environnementales des essais. Je souhaite que des amendements en ce sens soient adoptés pour que ce projet de loi soit à la hauteur des enjeux. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, c'est avec un réel sentiment de satisfaction que je prends la parole, ce matin, dans cet hémicycle, dans le cadre de la discussion du projet de loi relatif à la réparation des conséquences sanitaires des essais nucléaires. Je devrais plutôt parler du projet de loi relatif à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français, puisque la commission a modifié le titre du texte en adoptant un amendement de nos collègues Jean-Patrick Gille et Jean-Jacques Candelier.
Reconnaissance : voilà bien le mot tant attendu depuis tant d'années par les victimes !
En 2002, lorsque j'ai reçu, lors de mon premier mandat, dans ma permanence parlementaire, en Mayenne, les responsables de l'AVEN, accompagnés de personnes atteintes de graves maladies dues à leur travail, ou tout simplement à leur présence sur les sites où se déroulaient les essais nucléaires, je n'imaginais pas que nous pourrions un jour voter un projet de loi qui répondrait à leur attente : la reconnaissance et l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français.
Je suis d'autant plus heureux ce matin qu'en déposant une proposition de loi sur ce sujet avec mon collègue Christian Ménard, lors de la précédente législature, j'ai permis au groupe UMP de s'associer aux démarches entreprises par les autres groupes parlementaires de cette assemblée.
Mais, si nous sommes là aujourd'hui, c'est d'abord grâce à vous, monsieur le ministre, car vous êtes le premier ministre de la défense à avoir souhaité qu'un projet de loi soit déposé sur ce sujet.
Si nous en sommes là, c'est également, grâce au travail accompli par les bénévoles dans les associations, et je pense, en particulier, à l'AVEN, avec qui j'ai été en étroite relation depuis près de sept ans. Je profite de l'occasion qui m'est donnée pour remercier affectueusement son président, Michel Verger.
Leur travail a été relayé par les parlementaires toutes tendances politiques confondues, en particulier par Christian Ménard, Georges Colombier, Christiane Taubira, ou encore mon collègue mayennais Guillaume Garot, pour ne citer qu'eux.
Je voudrais aussi saluer la précieuse contribution du Médiateur de la République et de ses collaborateurs.
Je crois que nous pouvons, ensemble, être fiers, car nous sommes parvenus, grâce à une large concertation, à l'élaboration d'un texte qui constitue une avancée majeure pour les personnes concernées.
Treize ans après la fin des essais dans le Pacifique, notre pays met enfin en place un dispositif juste, rigoureux et généreux, élaboré dans la plus grande transparence, qui prévoit la création d'un droit à réparation intégrale des préjudices, pour les personnes souffrant d'une maladie radio-induite.
Vous avez déclaré, monsieur le ministre, que ce projet de loi permettait à la France de tourner une page de son histoire, d'être ainsi en paix avec elle-même, et de reconnaître l'engagement de ceux de nos concitoyens qui, souvent avec beaucoup de conviction, ont contribué à faire de la France l'une des grandes puissances militaires de la planète. J'ajouterai que lorsque ce texte sera adopté, il sera promulgué plus de quarante ans après le premier essai nucléaire français, par le seul président de la République à ne pas en avoir réalisé.
Je reviens, maintenant, sur le projet de loi qui nous est présenté. L'article 1er pose le principe de la réparation intégrale des conséquences sanitaires des essais nucléaires. Il renvoie aussi à un décret la liste des maladies ouvrant droit à indemnisation. Or nous sommes nombreux, ici, à avoir souhaité que cette liste soit assortie d'une caution scientifique, des amendements ont d'ailleurs été déposés en ce sens. Finalement, grâce à un amendement que vous avez fait adopter, monsieur le rapporteur, la liste des maladies radio-induites résultera bien de données scientifiques et objectives ; elle aura par ailleurs un caractère évolutif. Ces précisions étaient nécessaires.
Les articles 2 et 3 posent les trois conditions permettant de formuler une demande d'indemnisation, ce qui revient à présumer qu'il existe un lien de causalité entre les pathologies radio-induites et les essais nucléaires. J'aurais toutefois préféré, comme bon nombre de collègues ici présents, que soit inscrit clairement dans la loi le principe de présomption de causalité.
S'agissant de la procédure d'instruction des dossiers, le texte créé un comité d'indemnisation chargé d'instruire les demandes. Grâce à plusieurs amendements adoptés à l'unanimité en commission, des améliorations ont été apportées à la procédure. Je pense en particulier à la possibilité accordée aux membres du comité d'indemnisation d'avoir accès aux informations classifiées, ainsi qu'à celle qu'aura le demandeur de formuler des observations ou de critiquer les expertises.
Je regrette, cependant, en ce qui me concerne, que les associations ne puissent siéger au sein de ce comité – j'ai d'ailleurs cosigné un amendement de mon collègue Bertrand Pancher, qui fait cette proposition.
Enfin, s'agissant de l'application de la loi, elle sera évaluée grâce à la création d'une commission de suivi, composée, et cette fois je peux me réjouir, d'associations de victimes, d'élus, de scientifiques et de représentants de l'État.
Pour terminer, vous me permettrez de vous dire un mot de l'amendement que j'ai déposé avec Christian Ménard, qui a malheureusement été jugé irrecevable. Il prévoyait la mise en place d'un dispositif de retraite anticipée car, compte tenu du risque de mortalité supérieur qui semble affecter les personnes ayant été exposées au rayonnement nucléaire, il nous semble légitime de leur offrir la possibilité d'un départ anticipé à la retraite.
Voilà, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce que je souhaitais vous dire sur ce texte qui, tout en étant encore perfectible, bien sûr, constitue, néanmoins, une véritable avancée pour les victimes des essais nucléaires français.
Vous me permettrez, à nouveau, monsieur le ministre, de vous en remercier très sincèrement : nous en avions rêvé, vous l'avez fait. Nous voterons ce texte avec enthousiasme et conviction. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs, je vous avoue ma frustration de ne disposer que de cinq minutes pour m'exprimer devant vous…
J'avais une alternative : soutenir une motion de renvoi en commission. Mais je me suis refusée à user d'un détournement de procédure sur un projet de loi tel que celui-ci, alors que, dès le départ, nous l'avons abordé en prenant mille précautions pour respecter sa dimension symbolique. En effet, nous savons toute la part psychologique qu'il y a dans ce combat, en plus de la part matérielle. Il n'était pas question d'ajouter au préjudice moral déjà induit par toute une série de méthodes dilatoires. Aussi me suis-je résolue à concentrer mon propos..
Il serait inélégant d'insister sur la pugnacité qu'il fallut, dans le cadre du travail parlementaire, aux députés et sénateurs de toutes sensibilités, sous l'impulsion d'associations nationales, régionales, polynésiennes et algériennes, pour en quelque sorte forcer un peu la main de l'État.
Je veux tout de même rappeler d'où nous venons, afin de faire apparaître les différences entre nos deux démarches : la démarche parlementaire, qui a abouti à la discussion d'une proposition de loi en novembre 2008, et la démarche de l'État dans le cadre de ce projet de loi.
Sur les principes, les parlementaires ont choisi pour les guider un certain nombre de notions phares : le respect des victimes ; la prudence en ce qui concerne les données, les connaissances insuffisantes, et les controverses suscitées par ces dernières, notamment en raison de l'absence d'études épidémiologiques ; l'humilité, parce que des gouvernements issus de toutes les sensibilités politiques ont été aux affaires pendant la longue période concernée ; une très grande exigence morale, et un état d'esprit d'empathie, parce que nous savons bien qu'il y a des réparations que nous ne pourrons pas assurer intégralement, notamment à l'égard de ceux qui ont déjà été emportés par la maladie, de la détresse de leurs veuves ou de l'angoisse de leurs enfants. Et quand bien même la réparation serait intégrale, il resterait les plaies d'amertume dues à tout ce temps perdu.
Nous avons donc posé nos principes : la responsabilité et la solidarité dans la dignité. Vous, monsieur le ministre, vous avez énoncé les vôtres : rigueur et justice, et nul ne saurait vous en faire grief. Vous avez d'ailleurs accompli des gestes significatifs : vous avez mis un terme à l'appel systématique des jugements défavorables à l'État, ainsi qu'au recours systématique à la Cour de cassation, et vous avez pris des engagements sur certaines actions et sur un calendrier, et vous les avez tenus.
Il demeure toutefois une différence intrinsèque entre la démarche parlementaire et celle de l'État. Pour notre part, nous avons eu uniquement le souci des victimes, de leurs ayants droit et de leurs descendants. L'État quant à lui semble habité par une préoccupation majeure : la protection de son administration, ce qui semble la mettre en position défensive – comme si chercher à mettre un terme à des procès individuels, longs, pénibles et aléatoires revenait à instaurer un procès permanent contre l'administration d'État !
Loin de moi l'idée que vous n'avez pas eu le souci des victimes, monsieur le ministre : ce serait rompre la discipline que nous nous imposons depuis le début. Je dis seulement que, dans sa conception, ce projet de loi semble poser comme essentiel le principe du contrôle par l'administration d'État, et particulièrement celle de la défense – même pas celle de la santé – d'un processus qui fait enfin droit aux demandes des victimes. Comme si l'on voulait éviter que l'administration ne soit confrontée à la réalité de réparations dont l'ampleur serait révélatrice de la gravité et de l'étendue de la négligence de l'État envers des citoyens qui, à l'époque des faits, étaient tous français – fussent-ils pour certains indigènes.
Lorsque l'on examine l'avant-projet du décret en Conseil d'État dont il est question à l'article 1er, on subodore un retour du risque du seuil. En tout état de cause, cet article est difficilement compréhensible. Or je postule que toute règle, fût-elle parfaitement conçue, fût-elle techniquement incontestable, n'est pas démocratique dès lors qu'elle est inintelligible pour le citoyen. À cet égard, je crains que l'avant-projet de décret ne permette trop d'interprétations.
Tout se passe comme si nous faisions, chacun de son côté, un pari. Vous, vous tentez, au nom de l'État, de donner à l'administration la totale maîtrise d'un dispositif en escomptant que celui-ci concernera peu de monde et s'éteindra rapidement. Nous, nous espérons qu'en introduisant la contradiction par voie d'amendement parlementaire et, peut-être, en offrant la possibilité, après l'article 6, d'un recours juridictionnel de plein contentieux, nous permettrons au dynamisme des associations d'insuffler un peu de démocratie et de contribuer à un ajustement des appréciations, bref, de revitaliser le processus afin de garantir une meilleure justice pour les victimes.
En effet, des désaccords subsistent sur la présomption du lien de causalité. Dans notre proposition de loi, nous posions sans équivoque le principe de cette présomption, car nous avions parié sur la confiance. Vous, monsieur le ministre, vous choisissez une « quasi-présomption », comme l'appelle le rapporteur, c'est-à-dire la suspicion. Vous préjugez qu'il y aura resquille, vous craignez des abus, vous invoquez l'automaticité de l'indemnisation. Or l'État est en mesure de faire la preuve de l'inexistence d'un lien de causalité. Encore une fois, nous avons fait le choix de la confiance et de la responsabilité et, jusqu'à ce jour, les faits nous ont donné raison. Car c'est bien dans un esprit de responsabilité que les démarches ont été entreprises par les victimes, individuellement ou accompagnées par les associations.
Nous avons également des désaccords sur le fonds d'indemnisation. En effet, vous refusez qu'il soit autonome, alors que nous sommes convaincus qu'il est possible de garantir la sécurité financière, grâce à une dotation d'État et à une rigueur dans l'attribution, tout en se débarrassant d'une prévention – légitime ou non, mais concevable – à l'égard d'une administration qui gérerait tout à partir du ministère de la défense.
Vous refusez également la reconnaissance du préjudice propre pour les ayants droit et les descendants des victimes.
L'alignement des régimes est un véritable acte de justice. Mais ce que les Polynésiens, par exemple, gagneront en termes de délais ou grâce à la liste élargie, quoique inachevée, des pathologies, incluant notamment celles qui ne sont pas cancéreuses, ils risquent de le perdre à cause de l'absence de reconnaissance de la présomption de lien de causalité, qui existe pour les maladies professionnelles. Cet ajustement trouve ainsi sa limite dans le principe d'une « quasi-présomption » de lien de causalité.
Enfin, si nous saluons, bien entendu, le retour, grâce à un amendement parlementaire, de la commission de suivi – laquelle inclut les associations –, nous déplorons néanmoins la non-prise en compte des questions environnementales.
En conclusion, deux logiques s'affrontent. Vous avez décidé de déterminer par avance l'effectif potentiel des victimes concernées. Vous avez établi un budget et vous vous y tenez scrupuleusement. Nous pensons, quant à nous, que justice doit être rendue et que la solidarité d'État doit être à la mesure des sacrifices endurés, souvent avec enthousiasme et fierté par les appelés et les militaires, dans une totale méconnaissance des risques par la plupart des salariés, directs ou en sous-traitance, et avec une sorte de confiance candide par les populations. Vous aurez donc compris, monsieur le ministre, que je n'applaudis pas votre texte. Néanmoins, je salue les principes de rigueur et de justice que vous avez adoptés et je vous invite à conserver, tout en vous demandant d'assouplir quelque peu la rigueur au bénéfice de la justice. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 13 février 2010, cela fera cinquante ans que le premier essai nucléaire a eu lieu au Sahara. C'est dire le temps qu'il aura fallu pour que le Gouvernement reconnaisse enfin, par le dépôt de ce projet de loi, les dramatiques conséquences qu'ont eues les essais nucléaires au Sahara et en Polynésie sur la santé des militaires, des civils et des populations, ainsi que sur l'environnement.
De fait, ce texte marque la reconnaissance d'un mensonge d'État. Mais, pour en arriver là, il aura fallu que les victimes de ces essais s'organisent en associations. Je pense notamment à l'AVEN, l'Association des victimes des essais nucléaires, créée en 2001, et à Moruroa e tatou en Polynésie. Nombreux sont ceux qui sont décédés dans de terribles souffrances, et la liste des victimes s'allonge chaque année. Permettez-moi de rendre hommage à l'une d'entre elles en particulier, le docteur Valatx, ancien président de l'AVEN, décédé il y a quelques mois et qui fut à l'origine, avec Bruno Barrillot, expert chargé de la commission d'enquête en Polynésie en 2005, de la création de cette association. Pour que ce projet voie le jour, il aura fallu également le dépôt de plusieurs propositions de loi émanant de tous les groupes de l'Assemblée nationale. Ces propositions, si elles allaient toutes dans le même sens, n'étaient pas identiques.
Vous le savez, monsieur le ministre, un grand espoir est né de voir les victimes demander la reconnaissance et l'indemnisation des conséquences de ces essais sur leur santé et l'environnement. Elles ont été vivement soutenues par des Français toujours présents lorsqu'il s'agit de défendre de grandes causes. Je pense en particulier à Mgr Gaillot, à Raymond Aubrac, aux représentants de la FNACA et de l'ARAC.
C'est exact. Je pense également à des scientifiques de renom et à des artistes qui se sont engagés dans ce combat. Je veux également souligner le rôle éminent joué par Me Tessonnière. Le directeur général de Handicap International fut le premier des 20 000 pétitionnaires qui ont soutenu cette démarche.
Aujourd'hui, la question que se posent les victimes est la suivante : le projet de loi va-t-il enfin permettre de réparer les conséquences de ces essais et les souffrances terribles endurées par toutes ces familles ? Pour le moment, la réponse est non. En effet, le projet adopté par la majorité de la commission de la défense – et non à l'unanimité, comme on l'a dit – ne permettra pas, malgré quelques timides avancées, de faire droit à leurs revendications.
Ainsi, il ne retient ni la présomption de lien de causalité entre l'exposition aux essais et les maladies développées par les civils et les militaires, ni un élargissement clair à certains ayants droit, ni la prise en compte des effets postérieurs aux dates mentionnées par le projet de loi. Je déplore également l'absence des associations représentatives dans la commission d'indemnisation,…
…l'absence de création d'un fonds d'indemnisation, comme c'est le cas pour l'amiante, ainsi que la mise en place d'un comité de suivi au rabais par rapport aux ambitions des associations – absence de suivi des maladies de l'environnement – et le refus d'une retraite anticipée sur le modèle de celle dont bénéficient les salariés de l'amiante.
Aussi attendons-nous de l'Assemblée nationale qu'elle enrichisse sérieusement ce texte. Celui-ci a le mérite d'exister, monsieur le ministre ; je vous en donne acte : c'est la première fois qu'est déposé un tel projet de loi, qui fait d'ailleurs l'objet d'amendements communs.
Mes chers collègues, j'appelle solennellement chacune et chacun d'entre vous à prendre ses responsabilités face à ce projet de loi qui, dans son texte comme dans son esprit, confie tout pouvoir aux administrations et au ministre.
Ce débat en séance publique est le premier depuis bientôt cinquante ans, l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques de l'Assemblée nationale a rendu un rapport sur le sujet et le délégué national à la sécurité nucléaire du ministère de la défense a été auditionné par la commission de la défense du Sénat. Pourtant, le temps de parole de notre groupe est limité à dix petites minutes. En tout état de cause, après avoir consulté les associations et les victimes, nous estimons, avec mon ami Jean-Jacques Candelier et les autres membres de notre groupe, que votre projet, monsieur le ministre, n'est pas satisfaisant.
Vous êtes, certes, plein de bonnes intentions. Mais le processus d'indemnisation est verrouillé et les décrets ont été rédigés dans le même esprit. Lorsque j'ai demandé à qui de droit combien de personnes seraient concernées, on m'a répondu : 350, 500. On préjuge de leur nombre, alors qu'il faudrait examiner objectivement l'ensemble des dossiers.
Du sort de certains des amendements que nous avons à nouveau déposés et que nous défendrons âprement dépendra notre vote, car rien n'est acquis. Chacun sera jugé sur son vote.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est avec une certaine gravité que j'interviens devant vous sur ce projet de loi relatif à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français au Sahara et en Polynésie. Le sujet est lié à l'un de ces moments de notre histoire que notre communauté nationale doit savoir regarder en face pour mieux en tirer les leçons et avancer. Nous, qui formons la représentation nationale, avons donc aujourd'hui un débat utile et important.
Reconnaissons-le d'emblée, le principal mérite de votre projet est d'exister. Il marque essentiellement une reconnaissance morale du principe de la dangerosité des essais nucléaires. C'est une avancée réelle, même si elle se limite à l'ordre du symbolique, car votre texte est, en l'état, principalement une loi mémorielle.
Quelques progrès sont intervenus en commission de la défense et des forces armées, notamment concernant les dates et périodes pour lesquelles une indemnisation est possible. Toutefois, ces avancées demeurent très timides et, globalement, ce texte est largement insatisfaisant, pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, vous ne retenez pas le principe de la présomption du lien de causalité des maladies radio-induites.
L'analyse au cas par cas, sous l'autorité finale du ministre de la défense, devient le principe. C'est un renversement de la charge de la preuve, qui se fera au détriment des victimes. Ensuite, la participation des associations au comité d'indemnisation est également refusée alors que les membres de ce comité désigné par le ministre n'auront aucune expérience du déroulement des essais. Aucun d'entre eux n'y aura participé… Vous ne retenez pas non plus la création d'une commission de suivi des conséquences sanitaires des essais nucléaires. Toutefois, je prends acte de votre annonce en faveur de la mise en place de cette commission.
L'absence de droit de recours devant les cours d'appel de Paris et de Papeete en cas de refus de la demande d'indemnisation est également à déplorer. Les critères géographiques fixant les zones en Polynésie et au Sahara, même revus légèrement à la hausse en commission, manifestent une volonté de réduire au maximum le nombre des personnes concernées en s'appuyant sur la notion de « secteurs angulaires » évitant les zones habitées. Comme si le nuage radioactif, à l'image de celui de Tchernobyl, s'était arrêté à l'entrée de ces frontières imaginaires et arbitraires !
Enfin, je ne parle pas de la regrettable absence de prise en compte des risques environnementaux, qui vont menacer les générations futures. L'ensemble de cette énumération révèle de véritables carences, donnant à votre texte, plus qu'un goût d'inachevé, le soupçon d'un cache-misère, d'un alibi moral visant à éviter une indemnisation financière réelle. Certains députés de la majorité sont même allés jusqu'à parler de « mascarade ». Nous ne pouvons, nous ne voulons, nous n'osons pas penser que ce soit là votre intention, monsieur le ministre.
Votre projet doit donc être modifié et amélioré sur les points que je viens de citer, à savoir : poser le principe de la présomption du lien de causalité entre l'exposition aux essais et les maladies radio-induites…
…permettre la participation des associations au comité d'indemnisation ; créer une commission de suivi des conséquences sanitaires des essais nucléaires ; ouvrir la possibilité de recours devant les cours d'appel de Papeete et Paris ; élargir les critères géographiques fixant les zones éligibles à indemnisation.
Nous serons donc très attentifs à la tenue de notre discussion pour adopter une position sur ce texte, qui, dans sa forme actuelle, ne répond que très imparfaitement à une juste et grande question.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite du projet de loi relatif à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français ;
Proposition de loi sur les rémunération des mandataires sociaux dans les sociétés anonymes.
La séance est levée.
(La séance est levée à treize heures cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma