Sur la base d'exemples récents, qu'il s'agisse de l'entreprise Carreman ou du fabriquant de chaussettes Olympia, condamné par la cour d'appel de Reims pour avoir procédé à des licenciements abusifs et présenté à ses salariés une offre individuelle de reclassement dans son usine de Roumanie avec un salaire moyen de 110 euros mensuels, vous faites, vous aussi, la démonstration de l'absurdité du système actuel et de la nécessité d'une clarification législative.
Vous nous dites même que la loi « justifierait, voire encouragerait » des comportements tels que ceux du patron de Carreman. D'aucuns vont jusqu'à prétendre même que l'obligation jurisprudentielle de reclassement en cas de projet de licenciement économique, légalisée et complétée par la loi de modernisation sociale, serait trop large et jouerait contre les salariés, donc contre l'emploi.
C'est, mes chers collègues, gommer l'instrumentalisation de la loi par certains dirigeants, le détournement de leur obligation de reclassement au service des actionnaires et aux dépens des salariés. Ces pratiques déloyales ont d'ailleurs conduit la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle à rappeler explicitement en 2006, par instruction, que « l'obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail qui a fondé à l'origine l'obligation de reclassement doit donc exclure des offres de reclassement non sérieuses ».
Les choses sont claires : non seulement l'employeur n'est pas tenu de proposer ces offres assorties de salaires très inférieurs au SMIC, mais il ne doit pas le faire, sauf à courir le risque d'être condamné pour mise en oeuvre déloyale de l'obligation de reclassement.
N'oublions pas que cette obligation de reclassement interne. dont le champ s'étend aux entreprises du groupe, fussent-elles à l'étranger, est un préalable obligé à tout licenciement pour motif économique, une condition de validité de ces licenciements, une protection fondamentale des salariés. Et mesurons en conséquence les effets pervers que pourrait avoir notre intervention législative.
A priori, il semble positif d'inscrire dans le code du travail que le reclassement du salarié s'effectue au profit d'un emploi relevant de la même catégorie « assorti d'une rémunération équivalente », même si le principe peine à se concrétiser, faute d'harmonisation sociale par le haut au niveau européen. Voyons toutefois si, aux détours de l'inscription dans notre législation sociale de dispositions consacrées au reclassement à l'étranger en vue d'éviter les abus via la méthode dite du questionnaire préalable, cette protection fondamentale des salariés ne s'en trouverait pas involontairement amoindrie.
En commission, notre président a formulé une remarque qui me conduit à douter de l'efficacité de votre démarche et à en redouter les dangers. Vous avez souligné, monsieur le président, que « cette proposition de loi présente aussi l'avantage de protéger les entreprises, lesquelles ne seront plus soumises à l'obligation découlant d'un arrêt du Conseil d'État leur imposant, pour justifier un licenciement, de l'accompagner d'une proposition alternative. » Est-ce à dire que, du droit au reclassement, nous en reviendrions au droit du reclassement ?
Je souhaite donc que le rapporteur et le Gouvernement s'expliquent sur la portée exacte de l'article unique.
Je souhaite également être éclairé sur le mécanisme du questionnaire préalable. Ne dispense-t-il pas l'employeur de faire une offre de reclassement à l'étranger aux salariés qui ne lui auraient pas fait part de leur intérêt pour une telle solution ? La rigueur, le contenu de l'obligation de reclassement sont-elles donc désormais fonction de la volonté et des restrictions posées par le salarié ?
Vous le savez, nous militons inlassablement contre les offres abusives de reclassement faites par certains patrons et pour la sécurisation du devenir personnel et professionnel des salariés. Nos interrogations, que je viens d'expliciter, nécessitent des éclaircissements pour pouvoir nous prononcer sur ce texte tout à l'heure.