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Intervention de François de Rugy

Réunion du 25 juin 2009 à 9h30
Réparation des conséquences sanitaires des essais nucléaires français — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois de Rugy :

Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, nous avons beaucoup attendu ce projet de loi, et il arrive enfin.

Enfin, un projet de loi reconnaît aux quelque 150 000 personnes, civils et militaires, ayant participé aux deux cent dix essais nucléaires réalisés par la France entre 1960 et 1996, le droit à la réparation des préjudices subis.

Vous le savez sans doute, monsieur le ministre, les Verts ont toujours été opposés aux essais nucléaires, non seulement parce qu'ils participaient de cette course à l'armement atomique si dangereuse pour notre monde mais aussi parce qu'ils faisaient courir un risque mortel à ceux qui y concouraient comme à ceux qui vivaient à proximité des sites.

Reconnaître que les différentes maladies contractées par ces personnes sont bien liées à leur exposition aux essais nucléaires et à leurs retombées constitue une avancée – les associations de victimes l'admettent volontiers et nous joignons notre voix à la leur. Dorénavant, plus personne ne pourra prétendre que ces essais étaient « propres », plus personne ne pourra soutenir qu'ils n'étaient pas dangereux.

L'adoption de ce projet de loi mettrait fin à une forme de tromperie entretenue pendant trop d'années par l'État français. J'ai en mémoire le témoignage d'une femme : on avait laissé croire à son mari, durant toute sa carrière professionnelle, qu'il ne courait aucun risque et qu'il participait à une grande oeuvre, sans jamais mettre sa vie en danger. Il y a quelques années, il est pourtant mort d'un cancer à l'âge de cinquante-cinq ans.

Ce texte mettrait aussi fin au parcours du combattant de toutes les victimes qui tentaient de faire reconnaître leurs droits devant les tribunaux, le plus souvent en vain. Désormais elles pourront être indemnisées sans passer par la case juridictionnelle : c'est un progrès.

Depuis 2002, près de vingt propositions de lois ont été déposées par les parlementaires de toutes tendances politiques, que ce soit à l'Assemblée ou au Sénat. Avec mes collègues Verts, j'avais moi-même présenté, à nouveau, en janvier 2008, une proposition de loi relative aux conséquences sanitaires et environnementales des essais nucléaires, suite à un travail mené par un grand nombre d'entre nous en coopération étroite et intense avec les associations de victimes.

Force est de constater que ce projet de loi est en deçà des propositions faites par les parlementaires de l'opposition comme de la majorité.

Tout d'abord, au contraire de ce que nous avions proposé, il est regrettable de constater que la dimension environnementale est complètement absente de ce texte.

On peut déplorer également que le dispositif prévu soit centré exclusivement sur le ministère de la défense : le comité d'indemnisation ne fait que des propositions et le ministre de la défense, pourtant juge et partie dans ce dossier, décide ou non du versement de l'indemnisation. Pourquoi ne pas avoir retenu la proposition de créer un fonds d'indemnisation, sur le modèle éprouvé de ce qui existe pour les victimes de l'amiante, comme l'avait pourtant préconisé le Médiateur de la République ?

Pourquoi ne pas avoir non plus retenu l'idée d'une présomption du lien de causalité entre le travail effectué dans les zones concernées par les essais et la maladie contractée par les victimes ? Cette présomption fait défaut pour pouvoir parler d'un véritable droit à l'indemnisation – j'insiste évidemment sur le mot « droit ». Dans la rédaction actuelle du projet de loi, il n'y a toujours pas de droit, seulement une possibilité. La formule retenue par l'article 4 n'instaure qu'une politique de cas par cas, à nos yeux dangereuse.

Je tiens à saluer, comme d'autres l'ont fait avant moi, le rôle des associations de victimes : l'association des vétérans des essais nucléaire, l'association polynésienne Moruroa e tatou, et le comité Vérité et Justice. Sans leur travail et leur persévérance auprès de tous, et notamment auprès des parlementaires et auprès des ministres de la défense successifs, nous n'en serions sans doute pas là aujourd'hui. Mais pourquoi ces associations ne sont-elles pas mentionnées dans la composition du comité d'indemnisation ? Certes, elles font partie de la commission de suivi, mais la commission de suivi que vous nous proposez est bien édulcorée par rapport à celle que les associations réclament, et à celle que les parlementaires ont appelée de leurs voeux dans toutes leurs propositions de loi. Je défendrai d'ailleurs un certain nombre d'amendements à ce sujet.

La reconnaissance et l'indemnisation des victimes des essais nucléaires constituent un grand pas en avant. J'espère que nos débats permettront d'améliorer ce texte, et que nous ne remettrons pas à plus tard le traitement de certains points essentiels, comme la liste des maladies, la présomption du lien de causalité, ou les conséquences environnementales des essais. Je souhaite que des amendements en ce sens soient adoptés pour que ce projet de loi soit à la hauteur des enjeux. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

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