Mesdames et messieurs les députés, permettez-moi tout d'abord de remercier l'ensemble des parlementaires et en particulier – vous comprenez que je ne puisse pas ne pas le faire – les députés du Nouveau Centre et le président du groupe, de nous avoir permis d'engager ce débat au Parlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Mesdames et messieurs les députés, treize ans après la fin des essais nucléaires dans le Pacifique et la ratification par la France du traité d'interdiction des essais, le projet de loi que je vous présente aujourd'hui doit permettre à notre pays de clore sereinement un chapitre de son histoire, en proposant une solution aux victimes des essais nucléaires, qui ont vécu avec un profond sentiment d'injustice la douloureuse absence de réponse à leur requête, sentiment d'injustice d'autant plus profond qu'ils s'étaient engagés, pour la plupart, avec enthousiasme et fierté dans cette décision politique structurante pour la France : celle de se doter d'une force de dissuasion indépendante.
Souvenez-vous des déclarations du général de Gaulle en juillet 1964 : « Nous continuerons notre effort atomique, convaincus d'aider ainsi au développement scientifique, technique et industriel de la nation, de renouveler l'âme et le corps de notre armée, comme le commande l'époque moderne, de donner à la France les moyens de sa sécurité et de son indépendance, par là même ceux de son action au profit de l'équilibre et de la paix du monde. »
Le général éclairait en quelques mots la portée de la dissuasion. Mais nous ne pouvons comprendre le caractère visionnaire de son message qu'en le replaçant dans son époque.
La décision de la dissuasion, c'est un concept stratégique, mais c'est aussi un enseignement tiré des pages sombres de notre histoire, dans l'atmosphère d'une époque tendue par la Guerre froide, dans l'état d'esprit d'un peuple encore marqué par l'effondrement de ses élites et de sa puissance pendant la Seconde Guerre mondiale, marqué par l'humiliation du 16 juin 1940. Il faut se souvenir de ce que représente alors cet espoir, porté par le général de Gaulle, cette volonté de « reprendre en main notre destin, qui était passé depuis 1940 à la discrétion des autres », comme il le disait dans son message aux Français le 31 décembre 1963.
Et il faut imaginer l'enthousiasme que suscitait cette « forme nouvelle, moderne, immense de l'avenir, l'énergie nucléaire », qu'il évoquait dans son discours d'Orange, la même année.
Dans cette volonté de ne pas revivre le passé d'une nation qui s'effondre comme dans cet élan vers l'avenir, se jouaient, à travers l'accès au rang de puissance nucléaire, la place et le rôle de la France dans le monde, une part de sa grandeur.