La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne (no 2386).
Il s'agit d'un rappel au règlement sur la base de l'article 58.
Nous avons été profondément choqués par les conditions dans lesquelles s'est terminée la séance de cet après-midi. Le président Copé s'est permis d'interpeller directement les membres du groupe socialiste : cela n'est pas conforme à notre procédure, et je me permets même d'ajouter, car j'ai été un peu en colère après les propos qu'il a tenus, que ce dernier n'est pas forcément le mieux placé pour donner des leçons de morale concernant les rapports entre la politique et l'argent. Ce n'est pas que sa morale soit, en quoi que ce soit, en cause – je ne me permettrai pas de le mettre en cause à titre personnel –, mais lorsque l'on assume la tâche de président d'un groupe et qu'en même temps on travaille pour un cabinet d'avocat, on évite de donner des leçons à ses collègues.
Mon cher collègue, nous sommes très loin du règlement !
La parole est à M. Alain Néri.
J'ai demandé la parole pour faire un rappel au règlement sur le fonctionnement de notre assemblée.
Nous sommes convaincus, les uns et les autres, que notre hémicycle est un endroit sacré où bat le coeur de la démocratie. Cela nous donne à tous des responsabilités. Or depuis deux semaines, des incidents de séances émaillent nos débats.
La semaine dernière, alors que nous débattions de la proposition de loi relative à la profession d'agent sportif, nous avons rencontré un petit problème dans le décompte des voix pour le vote d'un amendement du Gouvernement. Monsieur le président, mon propos n'est pas de remettre en cause la présidence, pour laquelle, comme vous le savez, j'ai trop de respect, d'autant que c'est vous qui présidiez ce soir-là à une heure tardive. Mais il ne s'agissait tout de même pas d'un amendement mineur puisqu'il était question d'assouplir les conditions permettant aux personnes ayant fait l'objet de condamnations pénales d'exercer la profession d'agent sportif. Ce n'était pas rien, convenez-en ! Le rapporteur de la proposition de loi lui-même a d'ailleurs voté contre cet amendement.
Cet après-midi, il s'est passé des choses inacceptables. Le règlement de notre assemblée a été violé puisque le vote était engagé. Nous sommes en démocratie et nous devons en respecter les règles si nous voulons que tous le fassent et que le citoyen s'y retrouve. On ne peut pas manipuler la démocratie : même si l'on est potentiellement majoritaire, il faut accepter d'être minoritaire si on l'est « physiquement » ! Dans le cas contraire, les votes n'ont plus aucune utilité, et nous nous demandons ce que nous venons faire dans l'hémicycle.
Pour notre part, nous sommes respectueux du fait majoritaire, mais il faut qu'il soit respecté dans toutes ses dimensions : c'est le fondement même de la démocratie.
Depuis deux semaines, il se passe des choses excessivement graves dans cet hémicycle. En effet, je ne sais pas s'il s'agit d'une nouveauté, ou si M. Baroin nous parlera d'innovation, mais, à deux reprises, d'abord avec une proposition de loi du principal groupe de la majorité – nous remercions encore Mme Rama Yade de nous avoir rappelé qu'une proposition de loi était d'origine parlementaire –, puis avec un projet de loi déposé par le Gouvernement, on nous demande de légiférer pour légaliser l'illégal…
Parce que l'on est dans l'incapacité de faire respecter la loi, on la change. Je me tourne vers le rapporteur, Jean-François Lamour : il était d'accord avec nous sur la premier texte puisqu'il était opposé à ce que les clubs puissent payer les agents des joueurs. Or que nous dit-on sur celui-ci ? Qu'il faut changer la loi parce qu'on n'est pas capable de faire respecter celle qui existe déjà ! Il faut donc mettre la loi en conformité avec la pratique !
Monsieur le président, si nous ne sommes pas tous vigilants, vous à la présidence, et nous, sur tous les bancs, au respect de la démocratie, alors nous prenons de gros risques, car nous sommes les représentants du peuple et il s'agit du fondement de notre République. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, monsieur le rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, je salue aussi le seul représentant de la majorité qui s'est joint à nous ce soir…
Vous avez raison : il faut compter le rapporteur.
Je m'associe aux rappels au règlement de mes collègues. Nous regrettons tous ce qui s'est passé cet après-midi. Monsieur le ministre, lors de votre nomination, nous avons été quelques-uns, dans l'opposition, à espérer non pas un changement de cap politique, car nous ne sommes pas dupes, mais au moins un changement d'attitude dans les débats et une évolution de la méthode.
Nous regrettons profondément que le premier texte que vous défendez dans vos nouvelles fonctions donne lieu au simulacre de débat auquel nous avons eu droit cet après-midi. Nous espérons que la méthode à laquelle vous avez malheureusement prêté la main ne sera qu'une exception.
Rien ne justifie la précipitation avec laquelle nous examinons le projet de loi qui nous est soumis. Gaëtan Gorce a rappelé que la jurisprudence européenne – je pense à l'arrêt Santa Casa –, ainsi que les réflexions et le travail menés par le commissaire européen Michel Barnier montrent que nous n'avons pas à nous précipiter comme nous le faisons aujourd'hui : ce texte aurait pu attendre. Le rythme qui nous est imposé est, en fait, lié aux intérêts de quelques-uns qui nous observent aujourd'hui. Espérons qu'ils sauront au moins gré à la majorité du coup de main qu'ils reçoivent de sa part !
Plusieurs constats s'imposent.
L'un concerne la grande faiblesse du texte en matière de régulation et de contrôle. Comme nos collègues du Sénat, nous avons fait des propositions en première lecture afin que le projet de loi prévoie de refuser l'agrément aux opérateurs aujourd'hui dans l'illégalité. Elles ont été refusées. C'est dommage car cela signifie, tout simplement, comme vient de le dire Alain Néri, que nous allons légaliser l'illégal et régulariser des situations que nous ne pouvons que condamner aujourd'hui.
On constate également une absence pratiquement totale de contrôle sur les flux financiers, tant sur le montant des mises et des rémunérations que sur l'origine des fonds pariés et encaissés et sur leur destination. De la même façon, les procédures de contrôle de l'identité des joueurs et de leur capacité à contrôler eux-mêmes l'usage qu'ils font des jeux d'argent nous paraissent insuffisantes. En première lecture, nous avions proposé un meilleur contrôle des identités grâce à un système basé sur des pièces matérielles.
Il faut également relever les insuffisances du projet de loi en matière de prévention des addictions. Je ne voudrais pas revenir sur ce qui a déjà été dit en première lecture. Notre collègue, Michèle Delaunay, avait ainsi montré combien il était important de travailler sur les mécanismes de prévention en la matière. Le projet de loi devrait pouvoir aller plus loin et nous regrettons que la volonté de la majorité et du Gouvernement de voter conforme le texte du Sénat nous empêche d'avancer sur ce sujet.
Je constate par ailleurs que nous n'avons pas de réponse à nos inquiétudes sur les risques de conflits d'intérêts. Il s'agit d'une autre faiblesse du projet de loi – je pense notamment à son article 23 – puisque les liens entre les sociétés sportives et les opérateurs de jeux ne seront pas interdits. Ces derniers pourront donc être sponsors et détenir des participations, certes minoritaires, dans les premiers en entrant au capital de ces sociétés. Il n'y aura pas d'interdiction pour les médias, notamment télévisuels, qui pourront prendre des participations et développer des exclusivités, comme le remarquait Valérie Fourneyron.
Enfin, l'autorité de régulation ne sera pas aussi indépendante que nous l'aurions souhaité pour mener à bien les contrôles dont elle a la charge.
L'examen de notre texte est éclairé d'un jour nouveau. À propos de l'entreprise de rachat de la régie publicitaire de France Télévisions par Stéphane Courbit, Frédéric Mitterrand, le ministre de la culture, a parlé de « problème déontologique ». Pour ma part, j'aurais plutôt parlé d'éthique, et c'est bien aussi sous cet angle qu'il nous faut examiner le projet de loi qui nous est soumis.
Finalement, monsieur le ministre, aujourd'hui, je n'aimerais pas être à votre place.
Vous animez un débat tronqué sur un texte décalé ; vous défendez un projet de loi que personne ne demande ni n'exige, sinon les défenseurs de quelques intérêts particuliers, un texte incertain et fragile dont on ne mesure pas encore toutes les conséquences, un texte que vous n'arrivez pas à laver du soupçon de n'être qu'un gage de reconnaissance donné à certains amis.
Il s'agit aussi un texte indécent dans une période de crise durant laquelle chacun appelle, la main sur le coeur, à une meilleure régulation du système économique. En effet, ce projet de loi propose de libéraliser un secteur basé sur les jeux d'argent, et il fait du jeu la seule politique redistributive du Gouvernement dans une période où la solidarité devrait être plus forte.
Vous constatez que nos raisons de nous opposer à ce projet de loi sont nombreuses. Nous l'avons fait en première lecture, et nous recommencerons avec détermination en votant contre ce texte en deuxième lecture, et en défendant nos amendements…
Nous espérons que certains de ces amendements seront adoptés, notamment ceux qui visent à protéger les personnes mineures et les plus fragiles.
Vous l'avez compris, si nous avions été dans la situation qui est aujourd'hui la vôtre, nous n'aurions pas fait les mêmes choix que vous. Nous aurions favorisé le renforcement du PMU et de la Française des jeux, afin d'établir et de conforter un véritable monopole public en nous appuyant sur des considérations relatives à l'ordre public et à l'ordre social. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à compter du 11 juin prochain se déroulera en Afrique du Sud la Coupe du monde de football, événement d'intérêt planétaire au moins à double titre, d'un point de vue sportif bien sûr, personne ne viendra le nier, mais également d'un point de vue financier, pour les annonceurs, les sponsors, les chaînes de télévision, et, bien évidemment, les opérateurs de paris en ligne.
Pour l'année 2008, les paris sportifs ont représenté près de 200 millions d'euros de produit brut. Les professionnels du secteur associés à de puissants groupes financiers, parient à vingt contre un sur une explosion de ce volume d'affaires au cours de l'année 2010, notamment en raison du déroulement de la Coupe du monde. Le Gouvernement y voit certainement une aubaine, d'autant que le secteur français des jeux et des paris connaît depuis quelque temps une relative stagnation : les volumes joués ne progressant plus ni pour la Française de Jeux ni pour le PMU.
Derrière un discours convenu sur la prévention, la protection de l'ordre social et de la santé publique, l'enjeu serait donc de relancer la machine à vendre du rêve, de libérer les paris, et de stimuler les joueurs par une offre renouvelée.
Mais est-ce souhaitable pour un secteur dont l'activité consiste, en grande partie, à entretenir des illusions qui ne relèvent pas d'un commerce ou d'un service traditionnel ? La désinvolture avec laquelle ce Gouvernement fait fi des valeurs morales, éthiques, sociales et politiques qui ont jusqu'à présent sous-tendu et justifié le régime juridique applicable aux jeux de hasard et d'argent est pour le moins alarmante.
Cependant, des raisons impérieuses éclipsent de telles considérations et vous commandent d'agir vite, à quelques semaines du coup d'envoi de la Coupe du monde. Dans cette perspective, il convient d'adopter au plus vite ce texte, au risque d'ôter tout sens à l'activité du législateur. J'en veux pour preuve les déclarations du rapporteur du texte au Sénat, M. Trucy, qui affirmait dans Le Monde du 26 janvier : « Si la loi n'est pas promulguée le 1er juin, ce sera le bordel. » Il appelait donc à un vote conforme par notre assemblée du texte issu des travaux du Sénat.
Tant de précipitation mérite qu'on s'attarde à nouveau sur les raisons avancées par le Gouvernement pour justifier sa manoeuvre.
Tout d'abord, vous livrez à une instrumentalisation scandaleuse des enjeux de santé et d'ordre publics, en affirmant que l'ouverture à la concurrence et l'autorisation de la publicité de masse permettront de protéger le joueur contre lui-même, de prévenir les comportements addictifs et de mettre un terme à l'offre illégale. Rien que cela ! Nous avons déjà dénoncé cette manipulation, en démontrant le caractère bancal de vos arguments et en mettant au jour les contradictions irréductibles de vos propos. Néanmoins, vous restez sourds au discours de la raison et persistez – par goût du jeu, certainement – à vous draper dans l'hypocrisie. Quel courage politique !
Vous arguez ensuite d'une contrainte juridique : l'ouverture à la concurrence du secteur des jeux d'argent et de hasard découlerait des exigences posées par les textes européens, notamment par l'article 49 du traité de Lisbonne, ratifié – faut-il le rappeler ? – par le Congrès après une opposition ferme des Français. Or, il existe une exception notable aux principes de concurrence libre et non faussée et de liberté d'établissement. En effet, l'article 52 du traité de l'Union consolidé précise que « les prescriptions du présent chapitre et les mesures prises en vertu de celles-ci ne préjugent pas l'applicabilité des dispositions législatives, réglementaires et administratives prévoyant un régime spécial pour les ressortissants étrangers, et justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique ou de santé publique ».
Le Parlement européen lui-même, dans une position de mars 2009, estime qu'une « approche purement axée sur le marché intérieur ne convient pas dans un domaine aussi sensible ».
Même la Commission européenne, en la personne de M. Barnier, est revenue sur la position de l'ancien commissaire – et ancien bookmaker – McCreevy, puisqu'elle a décidé l'élaboration d'un livre vert, prélude à une harmonisation européenne en matière de jeux d'argent et de hasard.
Dès lors, pourquoi tant de précipitation ? Pourquoi ne pas attendre que soit établi le cadre juridique européen ? En voulant adopter ce texte à tout prix et dans l'urgence, vous prenez le risque que, dans quelques mois, la législation française soit en porte-à-faux avec la législation européenne.
La Cour de justice des Communautés européennes s'est d'ailleurs livrée récemment à une exégèse du principe qui vous aveugle et y a enfoncé un coin en reconnaissant, dans un arrêt du 9 septembre 2009, une exception manifeste à ce principe. Addiction et surendettement des joueurs, corruption dans le sport et les courses, trucage des matches, blanchiment d'argent, perte d'une source de financement pour un secteur donné – orphelinats, hôpitaux, oeuvres pour handicapés au Portugal, aveugles en Espagne, Gueules cassées, filière hippique et CNDS en France – : autant de raisons « d'ordre public, de sécurité publique ou de santé publique » qui ont poussé la Cour à reconnaître le droit de l'État portugais de déroger au principe de libre concurrence et de confirmer le monopole d'exploitation sur les jeux portugais.
Vous le savez pertinemment, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, aucun texte ni aucune jurisprudence communautaire ne nous imposent cette libéralisation. Aucun ! Par cette justification, vous ajoutez donc le mensonge à l'hypocrisie.
La protection de l'ordre social et celle de la santé publique étant des arguments fallacieux, les textes européens ménageant d'ores et déjà la possibilité pour un État membre de déroger au principe général de concurrence libre et non faussée, quelles sont donc les raisons profondes qui subsistent et vous poussent à manoeuvrer frénétiquement en faveur de l'ouverture à la concurrence ?
Permettez-moi de vous conter la petite histoire d'un entrepreneur bien en vue, qui fait l'admiration des milieux affairistes et jouit d'appuis et d'amitiés dans les plus hautes sphères de l'État. Tout le monde, sur ces bancs – sauf M. Copé –, connaît M. Courbit, qui acquît ses lettres de noblesse capitaliste avec le succès et la revente d'Endemol. En 2007, en dépit des pressions de Bruxelles, la France interdisait toute brèche dans le monopole de la Française des jeux et du PMU, et rien ne permettait à l'époque de penser que le Gouvernement lâcherait la proie pour l'ombre. Pourtant, dès l'été 2007, soit quelques semaines à peine après l'élection de M. Sarkozy et le dîner au Fouquet's auquel il était convié, M. Courbit envisageait d'investir dans le secteur des jeux en ligne. Bien inspiré, il rachète, en octobre 2007, 75 % du capital de Betclic, dont la taille triple en une année. Depuis lors, M. Courbit a beaucoup misé sur ce secteur, en y investissant plusieurs centaines de millions d'euros avec l'appui de prestigieux partenaires, dont M. Bernard Arnault.
La Financière Lov, holding patrimoniale de M. Courbit, a ainsi fondé le fonds Mangas Gaming, dédiée à l'investissement dans le secteur des jeux en ligne, dont le capital est pour moitié détenu par la Société des Bains de Mers appartenant à l'État de Monaco. Depuis, ce fonds a racheté la société Expekt, un opérateur de paris sportifs présent en Scandinavie et en Europe du Nord – et également présent sur le marché du poker en ligne – et a pris une participation décisive au capital de Bet-at-home, opérateur de jeux d'argent allemand très présent en Europe centrale et de l'est. Fin 2009, Mangas Gaming annonçait le rachat de 60 % du capital d'Everest Poker, l'une des plus importantes plates-formes de poker dans le monde. Tout cela donne le tournis.
Toujours est-il que Mangas Gaming figure d'ores et déjà parmi les trois leaders européens du secteur, avec 200 millions d'euros de produit brut des jeux, et dispose d'une longueur d'avance sur le marché français dont le produit brut de jeu, estimé à 400 millions d'euros, pourrait doubler ou tripler d'ici à 2012.
M. Courbit était au Fouquet's.
Audace clairvoyante d'un entrepreneur ou collusion qui expliquerait l'empressement du Gouvernement à faire passer ce texte sous couvert de fallacieux prétextes ?
Nous en sommes désormais convaincus, la santé publique, la protection des joueurs, l'éthique sportive, la lutte contre la fraude ou l'offre illégale ne sont que les excipients de la pilule de la libéralisation que vous souhaitez faire passer comme un jeton dans un bandit manchot. Seuls les intérêts économiques et financiers privés de quelques gros opérateurs – que vous ne connaissez pas, nous a dit tout à l'heure M. Copé – ont présidé à l'élaboration de cette réforme, car la croissance des profits du secteur, exprimés en milliards, pèse à vos yeux beaucoup plus que les risques qu'elle comporte pour les citoyens.
Dès lors, l'ouverture à la concurrence risque de ne se traduire que par une simple redistribution des cartes entre les opérateurs historiques et les prédateurs, pour le moment illégaux mais hégémoniques, qui captent d'ores et déjà un volume important de paris et de mises. Cette recomposition du secteur se fera sans nul doute au détriment de l'équilibre général du secteur et des activités qu'il recouvre.
L'ouverture à la concurrence ressemble donc à un immense bluff capitaliste : les jeux sont déjà faits, les dés sont pipés, les joueurs dupés !
Enfin, avec une telle législation, le risque est grand d'assister, parallèlement à la dématérialisation des transactions, à celle des emplois et des activités liés à l'existence des systèmes de droits exclusifs, notamment l'ensemble de la filière hippique et le CNDS. Pour amortir les effets de l'ouverture à la concurrence et compenser la perte de financements de missions d'intérêt général – je pense au financement de la filière hippique et du CNDS en particulier –, vous comptez sur l'élargissement de l'offre de paris et de jeux. Un pari pour le moins hasardeux dans le contexte économique actuel et au regard des dispositions de votre texte.
Une fois encore, le Gouvernement, par opportunisme économique et par vénération du lucre, a cédé aux trompettes libérales et s'apprête à faire tomber les remparts d'un monopole qui aura pourtant fait la preuve de son utilité, tant sur le plan de l'ordre social que de la santé publique.
Les députés du groupe GDR dénoncent avec force cette logique et voteront résolument contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre assemblée est aujourd'hui saisie, en deuxième lecture, du projet de loi portant ouverture à la concurrence et régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne dans un calendrier extrêmement serré. Au groupe Nouveau Centre, nous considérons en effet qu'il est indispensable que ce texte entre en vigueur avant la Coupe du monde de football, qui se déroulera, comme vous le savez, du 11 juin au 11 juillet prochain. Cette compétition sera marquée par la prise de millions de paris à travers le monde. Cet événement est donc stratégique pour les opérateurs de paris sportifs. Si le dispositif d'agrément de l'ARJEL n'est pas opérationnel pour la Coupe du monde, c'est une opportunité formidable qui sera offerte aux opérateurs illégaux de prendre un avantage définitif sur ce marché. Le statu quo en sortirait renforcé. C'est de cette situation d'illégalité que nous tentons justement de sortir, par le biais de ce texte.
Aussi, compte tenu des délais nécessaires à la promulgation de la loi, à la publication des décrets, à la préparation du cahier des charges et à l'instruction des dossiers d'agrément des opérateurs, le groupe Nouveau Centre espère-t-il aujourd'hui un vote conforme de notre Assemblée, afin que l'adoption définitive par le Parlement soit acquise début avril, (Exclamations sur les bancs du groupe SRC),c'est-à-dire deux mois avant cette échéance majeure pour le marché des jeux en ligne.
J'en profite ici pour revenir sur la formidable opportunité que représente l'ouverture de ce marché, a fortiori en période de crise. Je vous rappelle qu'en 2009, les dépenses des Français en jeux d'argent ont atteint la somme record de 21,6 milliards d'euros. Surtout, le chiffre d'affaires du marché français des paris sportifs pourrait s'élever à 800 millions d'euros dès 2010 et à 1,4 milliard d'euros en 2011. À titre d'exemple, 703 millions d'euros de paris hippiques et sportifs en ligne ont été enregistrés en 2009 en France, dont 660 pour le PMU et 43 pour la Française des Jeux.
Mes chers collègues, je vous le dis, il serait absurde et irresponsable de passer à côté d'une opportunité aussi féconde pour l'économie de notre pays comme pour la création d'emplois, en particulier chez les jeunes.
J'en profite pour redire ici tout mon désarroi face aux critiques à la fois idéologiques et archaïques qui ont été adressées par l'opposition au ministre du budget, accusé d'être soumis à des intérêts privés. Comme lui, je vous rappelle que les opérateurs de paris sont des entreprises comme les autres,…
…qu'il n'est en aucun cas malsain d'ouvrir ce secteur à la concurrence et que, contrairement à ce que vous croyez, les jeux d'argent et de hasard ne représentent pas le mal absolu.
Mes chers collègues socialistes, un important match de football oppose en ce moment même Lyon à Bordeaux. Vous savez toutes et tous que l'équipe lyonnaise est aidée et sponsorisée par des entreprises de paris sportifs. Vous offusquez-vous que M. Collomb serre la main de ces sponsors ? Jamais ! Lorsque M. Delanoë et ses amis saluent M. Courbit au Parc des princes, en discutez-vous dans les sections du parti socialiste parisien ? Jamais !
Lorsque M. Cohen rencontre les sponsors du club de football de Toulouse, le considérez-vous comme un suppôt du capitalisme ? Bien sûr que non !
Ce n'est pas parce que l'on serre la main de quelqu'un que l'on va dans le sens de ses intérêts et que l'on fait sa politique. Vous mélangez tout !
Voilà la réalité concrète d'aujourd'hui. Les intérêts sportifs, les intérêts privés, doivent être défendus, car nous avons une conception responsable de l'évolution du secteur des paris en ligne. Il n'y a pas, d'un côté, les méchants capitalistes, les lobbyistes, les relais, qui se cacheraient à l'Assemblée nationale et, de l'autre, vos amis – M. Collomb, Bertrand Delanoë, Anne Hidalgo, Pierre Cohen – qui profitent de cette manne, et font, heureusement pour nous, de l'évolution du football un élément important. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Il n'y a donc pas matière à continuer à polémiquer. Je vous le dis tout net, j'en ai assez de ces polémiques stupides. Soit vous avancez des éléments concrets, soit vous vous taisez (Protestations sur les bancs du groupe SRC), parce que nous en avons assez que l'on nous accuse d'être liés aux puissances de l'argent.
Oui, vous l'êtes, quand vous dites cela. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Le pire serait d'ailleurs de ne rien faire et de laisser le marché en l'état, avec une offre illégale qui est aujourd'hui pléthorique et qui a vocation à se développer si nous ne légiférons pas. Que vous le vouliez ou non, ce marché se développera, j'en suis convaincu. La majorité a fait le choix d'encadrer et de réguler ce développement, pas l'opposition.
Au-delà de la contrainte calendaire, j'aimerais souligner ce soir les améliorations apportées à ce texte par nos collègues sénateurs. Elles recouvrent trois des exigences que le Nouveau Centre avait formulées afin que soit garanti le principe d'une ouverture maîtrisée des jeux d'argent et de hasard en ligne.
Première exigence : le renforcement de la protection des joueurs.
Sur ce point, nos collègues sénateurs ont notamment renforcé l'autorité du Comité consultatif des jeux, sous l'autorité du Premier ministre, et élargi son champ de compétences, puisque l'observatoire des jeux pourra désormais émettre des avis sur l'ensemble des questions relatives à ce secteur et sur l'information du public concernant les dangers du jeu excessif.
Je vous rappelle que ce comité est institué auprès des ministres du budget, de l'intérieur et de l'agriculture, qu'il est chargé de « centraliser les informations en provenance des autorités de contrôle et des opérateurs de jeux et d'assurer la cohérence des régulations au regard des objectifs généraux » et qu'il apparaît ainsi comme un des points forts de l'ouverture « maîtrisée » du marché des jeux en ligne.
L'élargissement de son champ de compétence constitue donc une avancée majeure.
Notre deuxième exigence résidait dans le renforcement de la lutte contre la fraude et les opérateurs illégaux et la responsabilisation des futurs acteurs du marché. Sur ce point, les sénateurs ont notamment renforcé l'indépendance de l'ARJEL, où les opérateurs ne seront plus représentés et dont il sera encore plus difficile de remplacer les membres. De plus, l'ARJEL aura désormais la capacité de refuser un octroi d'agrément à un opérateur qui s'avérerait incapable de mettre en oeuvre des moyens efficaces de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, ainsi que des moyens efficaces de lutte contre l'addiction. Enfin, dans le but de réduire les risques d'utilisation de ce nouveau marché pour le blanchiment d'argent, les opérateurs seront soumis aux mêmes obligations de contrôle interne et de déclaration TRACFIN que les casinos physiques. Reste néanmoins le problème des opérateurs établis à l'étranger, qui pourront se soustraire à cette mesure, ce qui pose la question de son efficacité contre le blanchiment. J'aimerais que vous puissiez nous éclairer sur ce point, monsieur le ministre.
Enfin, au terme du débat, les sénateurs ont maintenu le rôle du juge dans le processus de blocage des sites Internet non homologués. Le président de l'ARJEL pourra ainsi saisir le tribunal de grande instance pour qu'il ordonne aux fournisseurs d'accès à Internet de bloquer l'accès aux sites de jeux d'argent qui n'auraient pas reçu l'autorisation d'exercer auprès des internautes français ainsi, éventuellement, que leur déréférencement. Il s'agit d'une avancée très significative par rapport aux dangers et dérives qui pourraient apparaître après l'adoption de ce texte.
Le fait que l'ARJEL puisse saisir le tribunal de grande instance pour bloquer un site permettra de renforcer l'efficacité, mais aussi la crédibilité de la procédure, en désignant une juridiction qui dispose de réels moyens et d'une expérience confirmée de ces mesures d'urgence : c'est, là encore, une avancée majeure dans la lutte contre les opérateurs illégaux.
La troisième exigence que nous avions formulée consistait en la préservation de la filière équine et la pérennité de son financement. Nombreux sont les parlementaires qui se sont montrés sensibles à la préservation de la filière équine qui représente, je vous le rappelle, entre 70 000 et 90 000 emplois directs. Certains de nos collègues sénateurs ont ainsi soutenu l'idée d'une diminution de la taxation des paris hippiques, compensée par une hausse équivalente de celle des paris sportifs, afin de compenser l'éventuelle perte de compétitivité des paris hippiques – je vois que notre collègue Myard, très attentif à cette question, approuve la disposition que j'évoque.
Bien que les députés du Nouveau Centre soient attachés au principe d'égalité de traitement entre les différents types de jeu, il nous semble en effet indispensable de veiller à la pérennité du financement de cette filière. Sur ce point, nous avons été entendus, puisque le ministre du budget a indiqué qu'il serait possible de retravailler sur les taux après l'entrée en vigueur de la loi et qu'il a également accepté d'inclure l'examen de l'évolution du financement de la filière équine dans la clause de revoyure prévue dix-huit mois après l'entrée en vigueur de la loi.
Bien évidemment, mes chers collègues, tout n'est pas parfait dans la rédaction de ce texte, puisque cette loi concerne uniquement les opérateurs, les sites et les joueurs français, ce qui pose le problème de leur localisation, avec les problèmes technologiques que cela implique. Mais comment en serait-il autrement, alors même que le marché qu'il convient de réguler est par nature déterritorialisé, puisqu'il s'agit d'un marché en ligne ?
Je crois néanmoins que nos deux chambres ont apporté de nombreuses améliorations au projet de loi, notamment en matière de protection des joueurs, de lutte contre l'addiction et de lutte contre la fraude. Surtout, je crois que nous devons aujourd'hui impérativement faire preuve de bon sens en votant en faveur de ce texte, conformément à sa rédaction actuelle, afin d'accélérer sa mise en oeuvre et, par là même, lutter au plus vite contre le fléau des opérateurs illégaux, qui pourraient bien évidemment profiter de la Coupe du monde pour prendre un avantage significatif sur ce marché.
Plus encore, nous ne pouvons pas nous permettre, en temps de crise et de chômage accru, de nous couper d'une telle opportunité économique : ce serait totalement insensé.
Telles sont, monsieur le ministre, les raisons pour lesquelles le groupe Nouveau Centre votera en faveur de ce texte. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je souhaite que nous ayons, comme en première lecture, un débat aussi correct et respectueux que possible, monsieur le président. Nous ne pouvons pas laisser dire à cette tribune que l'opposition, parce qu'elle ne partage pas le point de vue de l'orateur, serait « stupide », « insensée », « irresponsable » – j'en passe et, sans doute, des pires ! Il faut que M. Perruchot soit descendu au degré zéro de l'argumentation pour se croire obligé d'utiliser de tels arguments, ou prétendus arguments.
Je rappelle que notre débat doit être politique, juridique, social et économique, et je m'étonne que l'on puisse utiliser recourir à des arguments de ce niveau.
Le début de ce débat, cet après-midi, a été nauséeux. Il ne serait pas souhaitable qu'il le soit à nouveau ce soir. Il me semble que notre assemblée mérite mieux que l'échange de noms d'oiseaux auquel M. Perruchot a commencé à se livrer, qui ne peut susciter que la surenchère. Je peux vous assurer que notre connaissance du lexique ornithologique est largement aussi développée que le vôtre, mais si nous devions nous engager dans cette voie, je ne suis pas certain que la qualité et l'intérêt des travaux de notre assemblée en sortent gagnants. Monsieur Perruchot, vous nous avez montré un exemple que nous ne voulons pas suivre.
Monsieur le président, nous avons vécu une séance agitée en fin d'après-midi, à tel point que la présidence de notre collègue Tony Dreyfus a été largement remise en cause par nos collègues de la majorité. Ce soir, nous ne voulons pas être amenés à remettre en cause votre présidence, car telle n'est pas notre conception du déroulement des travaux de notre assemblée.
Cependant, si nous voulons que les débats conservent la sérénité qu'ils ont connue lors des deux premières interventions de ce soir, nous devons vous demander, monsieur le président, de veiller à rappeler à l'ordre et à la modération tout orateur utilisant des noms d'oiseaux pour qualifier les membres de l'opposition.
Je vous ai bien entendu, monsieur Gorce, et je suis tout disposé à ce que nous ayons un débat au fond, même s'il doit être passionné, comme cela a été le cas en première lecture. Mais qu'avons-nous entendu de votre part cet après-midi ? Que nous étions des menteurs, des voyous, des corrompus, des faibles ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Oui, c'est bien ce que nous avons entendu durant deux ou trois heures, et maintenant, vous vous étonnez que nous réagissions ! Nous n'avons pas l'intention de nous laisser faire, et si vous n'êtes pas contents, c'est pareil !
C'est à vous de choisir quel type de débat vous voulez pour cette nuit et la nuit prochaine. Si vous continuez à nous traiter de menteurs, comme l'a fait M. Chassaigne…
Ah, vous voyez ! Vous pouvez continuer comme cela si vous voulez, mais vous pouvez également faire en sorte que nous en revenions au débat de fond que nous avions beaucoup apprécié en première lecture. Je ne veux pas cautionner cette pratique, mais si vous employez certains mots, il ne faut pas vous étonner que M. Perruchot vous réponde sur le même ton !
Allons, mes chers collègues, un peu de sérénité ! M. Perruchot n'a pas qualifié des personnes, mais des arguments.
Je rappelle que nous sommes élus, et qu'insulter les membres de l'Assemblée revient donc à insulter les électeurs !
J'ai bien écouté Jean-François Lamour, avec qui nous avons l'habitude de débattre, notamment sur des sujets sportifs. Nous sommes pratiquement tous des sportifs – certes à des niveaux divers – et nous ne devons pas perdre de vue les valeurs essentielles du sport que sont le respect de l'autre et le respect de la règle. Il n'est jamais bon d'entrer sur le terrain en lançant : « On va vous rentrer dedans ! » En procédant de la sorte, il y a même toutes les chances de voir le match dégénérer, ce qui place l'arbitre dans une situation désagréable. C'est pourquoi j'appelle au calme, afin que nous puissions avoir un débat de fond.
J'ai l'impression d'assister aux mêmes débats que la semaine dernière, avec les mêmes objectifs de la part de la majorité : avec ce texte, elle s'apprête à livrer le sport à une zone de non-droit pour le plus grand bénéfice de certains – des sommes colossales sont en jeu – et au nom d'intérêts n'ayant rien à voir avec le sport.
Pour ma part, je rappelle qu'en sport, on ne remet pas l'arbitre en cause. N'est-ce pas, monsieur Dussopt ?
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Aurélie Filippetti.
Nous comptons sur vous pour apporter un peu de douceur à notre débat, chère collègue !
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous considérons que ce texte représente, non pas une opportunité, comme l'a affirmé notre collègue Perruchot, mais plutôt un danger, puisqu'il ne vise pas à apporter un encadrement, mais une dérégulation, à laquelle nous nous opposons. Ce n'est pas une entreprise comme les autres que celle consistant à ouvrir des paris sur Internet. Cet aspect est d'ailleurs expressément souligné à l'article 1er A, où il est indiqué que « les jeux d'argent et de hasard ne sont ni un commerce ordinaire, ni un service ordinaire ».
Alors que nous touchons à la fin de cette procédure législative, il convient de rappeler à quel point le fait de modifier cette législation séculaire, correspondant à une tradition française, alors que le contexte politique et juridique à l'échelle européenne est en pleine mutation, est une erreur.
Nous savons, monsieur le ministre, que votre majorité a, en commission, rejeté tous les amendements au texte du Sénat pour une seule raison : la nécessité d'obtenir un vote conforme afin d'aller vite, très vite, trop vite, afin que les agréments puissent être donnés avant l'ouverture de la Coupe du monde de football de juin prochain. Je me suis laissé dire que vous aimiez le football, monsieur le ministre. Vous devriez donc vous désoler de voir cette compétition ainsi minée, avant même d'avoir commencé, par une spéculation qui n'a rien à voir avec l'éthique du sport.
Il n'est pas non plus normal de forcer la main du législateur en l'obligeant de manière aussi brutale, à la hussarde, à remettre en cause les principes qui guident les jeux en France depuis plus d'un siècle : la prohibition, l'exception et l'exclusivité. Une telle manière de procéder ne relève pas d'impératifs d'intérêt général, mais bien d'intérêts privés – je ne m'étendrai pas sur cet aspect, que nous avons déjà largement évoqué et que nous aurons l'occasion d'évoquer encore ce soir.
Contrairement à ce qu'a affirmé M. Copé tout à l'heure, rien ne nous oblige à légiférer aujourd'hui – certainement pas, en tout cas, de prétendus desiderata de l'Union européenne. La Cour de Justice des Communautés européennes a en effet rappelé, dans l'arrêt Santa Casa, que la légalité des monopoles d'État était pleine et entière, dès lors que ces États mettaient en place des politiques de prévention de l'addiction afin de protéger l'ordre public. Depuis cet arrêt, l'inflexion du discours de la Commission elle-même est très nette.
Michel Barnier, nouveau commissaire européen au marché intérieur et aux services, a précisé en février dernier : « Il faut que nous traitions des aspects sociétaux, notamment des problèmes d'addiction liés au jeu, et des problèmes de cybercriminalité transfrontalière. » Depuis qu'ils ont choisi de retirer les jeux d'argent du champ d'application de la directive « Services » en 2006, les États membres n'ont pas été consultés par la Commission sur une initiative européenne ; c'est ce que propose de faire Michel Barnier aujourd'hui, avec la rédaction d'un livre vert sur le sujet.
Lors du débat du 11 février dernier au Parlement européen, les députés européens ont d'ailleurs appelé à une meilleure régulation du secteur, allant au-delà de la résolution adoptée en 2009. Il serait donc totalement absurde d'ouvrir aujourd'hui le marché des jeux en ligne, au mépris de la protection de l'ordre public et de la santé publique, au moment même où, partout en Europe, s'ouvre une nouvelle réflexion sur ces problématiques.
Grâce à la législation traditionnelle, les Français ne sont pas de gros consommateurs de paris – en tout état de cause, ils parient beaucoup moins que d'autres citoyens membres de l'Union européenne, en particulier les Britanniques. Or nous savons que l'addiction peut s'installer d'autant plus rapidement que la sollicitation du joueur est constante. C'est un problème de santé publique, mais aussi un problème social. L'INSERM a montré que les populations les plus pauvres étaient plus sensibles aux dépenses ludiques : le pourcentage des dépenses ludiques est plus important au sein de ces populations, même si les sommes consacrées au jeu sont plus réduites. Face à cela, la première et la seule des préventions est bien la limitation de l'offre.
L'ouverture à de nouveaux opérateurs et la lutte contre la dépendance sont donc des objectifs contradictoires. Vous l'avez vous-même reconnu dans votre propos introductif, monsieur le ministre, quand vous avez indiqué que vous alliez compenser, sur le plan fiscal, la baisse des taux par une augmentation de l'assiette – c'est-à-dire une augmentation de la consommation.
Enfin, il faut faire un sort à l'argument qui nous est souvent opposé, selon lequel nous allons légaliser ce qui illégal. Cet argument est fallacieux. En réalité, c'est tout le contraire qui se produira : la prolifération de l'offre légale n'asséchera pas l'offre illégale, mais démultipliera les tentations pour les joueurs et produira, notamment sur les jeunes, une sollicitation constante. L'application générale du principe auquel vous vous référez pour les paris devrait nous conduire, dans un autre domaine, à légaliser la consommation de cannabis en France : puisqu'il existe un marché illégal, autant faire en sorte de légaliser afin que l'État puisse en profiter et réduire ainsi le déficit des finances publiques !
Pour des motifs d'ordre public et de santé publique, pour préserver l'éthique du sport, pour lutter contre l'addiction et éviter les matchs truqués, nous nous opposons violemment à ce texte. L'économie de casino ne saurait devenir un nouveau modèle économique pour la France. Nous avons une autre conception de notre pays et du rôle de la puissance publique : un État qui régule, qui protège, plutôt que de flatter les bas instincts. Le vote de cette loi serait une défaite pour notre conception républicaine de la politique, une défaite d'autant plus importante qu'elle interviendrait au moment où le monde a plus que jamais besoin de la régulation financière face à des opérateurs qui flairent la martingale, à la Bourse comme pour les jeux en ligne. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le ministre, l'excessif ne doit pas devenir inutile, ce soir. Je suis de ceux qui pensent que ce texte est un grand texte. Pour la première fois, en effet, une démarche unique est engagée en France pour gérer la politique des jeux. J'ai souvent regretté par le passé la disparité des lois et des approches, qui nuisait à la cohérence en la matière. Le présent texte prend en compte tous les aspects de la société au regard des jeux.
Premièrement, ratione materiae, le projet couvre uniquement les jeux en ligne. Les réseaux en dur sont effectivement exclus du champ d'application de la loi. Il rappelle aussi les catégories de jeux, définissant très clairement le Pari mutuel pour le domaine hippique, le pari à la cote, qui se trouve très encadré puisque toute une série de jeux pour les paris sportifs est interdite. Il fixe enfin les conditions pour le jeu en ligne des jeux de cercle et des casinos.
La publicité est également encadrée. Les conditions de l'agrément des licences qui seront octroyées sont étroitement contrôlées tant au regard des opérateurs de jeux qu'en ce qui concerne la possibilité pour les joueurs de jouer, du fait de la déontologie mise en place sous le contrôle de l'ARJEL.
On le voit, le système est cohérent. J'ajoute que cette ouverture est parfaitement maîtrisée avec la prise en compte des questions d'intérêt général, qui, je suis d'accord avec les orateurs précédents, ne peuvent être ignorées. Je pense à la protection du joueur sur l'addiction ou l'assuétance, à l'interdiction de jouer pour les mineurs ou de leur adresser de la publicité en matière de jeux, à la lutte contre la fraude en imposant notamment la nécessité de détenir des comptes bancaires dans des établissements ayant leur siège dans des États de l'Union européenne, à la lutte contre le blanchiment, à la prévention des conflits d'intérêts. Contrairement à ce que j'ai entendu, ceux-ci sont parfaitement réglés et l'ARJEL disposera précisément de pouvoirs pour sanctionner les conflits qui viendraient pervertir le système ou introduiraient de la fraude. Il s'agit enfin de lutter contre les sites illégaux tout en créant des droits nouveaux, notamment pour les fédérations sportives, ce qui constitue une avancée.
Alors, certains, dont l'oratrice précédente, ont prétendu que tout cela était inutile car Santa Casa était passé par là. Pour avoir analysé très clairement cet arrêt, à partir notamment des conclusions de l'avocat général Bot, je tiens à souligner que le système français est mixte. Il n'est pas identique à celui de Santa Casa, car l'État y trouve un profit. Du fait qu'il prélève une redevance pour le budget général, on peut « tangenter » la libre prestation de service du droit communautaire.
Enfin, et même si cet argument a été écarté d'un revers de main, j'insiste sur le fait que, dès lors qu'il y aura une offre légale, la tentation d'aller sur des sites illégaux sera moindre. Je le rappelle, ceux-ci ne pourront pas faire de la publicité et les joueurs risquent de se faire saisir les sommes qu'ils auraient misées sur ces sites.
Bref, je considère que ce texte est cohérent et qu'il constitue une avancée. Accuser les uns ou les autres de toutes les turpitudes ne mènera à rien. Certes, il faudra voir comment le dispositif fonctionne car le domaine est nouveau. Mais, de grâce, ne jetez pas le bébé avec l'eau du bain et ne soyez pas excessifs, chers collègues de l'opposition, car, si demain vous revenez aux affaires, vous ne toucherez pas à ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La discussion générale n'aura été ni trop longue ni trop fastidieuse, monsieur le ministre, puisque nous arrivons à son terme. Je suis le dernier au bouton, comme on dit au poker.
Ce texte ne sera certainement pas le plus important de la législature, mais il en sera un vrai reflet.
Des psychologues, des philosophes, des dramaturges de tous les temps ont étudié le jeu, qui est un peu le reflet d'une société et de sa gouvernance. Des travaux romains, on est passé au Monopoly, qui permettait d'acheter des maisons, ou au Rubik's Cube, qui ouvrait la réflexion cognitive. Aujourd'hui, nous en sommes aux paris en ligne. Si le jeu est par essence le symbole d'une époque, il est aussi, par nature, synonyme d'argent, de gros sous et d'hommes d'affaires.
Monsieur le ministre, on dit que vous êtes gaulliste, que vous êtes chiraquien. Et je pense que vous le revendiquez.
Moi, je suis gaulliste de gauche et je le revendique également haut et fort. Vous connaissez donc probablement cette phrase du général qui disait en 1942, reprochant à un certain nombre d'hommes d'affaires de ne pas être assez présents dans la Résistance : « ces hommes d'affaires manégés par leurs petites combinaisons ».
Il a dit aussi : « On n'a pas d'amis, on n'a que des intérêts. »
Le sens est le même mais la phrase que j'ai citée est un peu moins connue. Ce soir, j'aurais pu dire : « ces hommes d'affaires ménagés par le pouvoir » – cela n'aurait pas choqué le général.
C'est une réalité et c'est le coeur du problème. Pour reprendre une formule de Montaigne, nous avons ce soir, dans l'opposition, « beau jeu » de dénoncer la non-urgence – il n'y a pas urgence, en dehors de la Coupe du monde de football –, la non-exigence européenne, ou encore le risque de blanchiment et de fraude, qui sera majeur.
Souvenons-nous comment les choses se passaient à l'époque du « milieu » : on ramassait les tickets de PMU, on se les refilait et on rachetait des billets gagnants. C'est ce qui va se passer demain à grande échelle. On ne pouvait pas ramasser trop de tickets dans un PMU parce que cela se voyait et que c'était extrêmement contrôlé par la brigade des jeux. Mais, en l'occurrence, ce sera totalement incontrôlable. Le blanchiment et la fraude seront majeurs et incontrôlables.
Monsieur Lamour, j'ai beaucoup de respect pour votre carrière et votre combat contre le dopage. Vous auriez fait ainsi un excellent président de l'Agence mondiale. Il n'en reste pas moins que l'AFLD va souffrir des conséquences de ce projet. Malgré toutes les précautions prises, le Centre national du sport va obligatoirement souffrir car l'argent partira ailleurs. C'est obligatoire ! Certes, un point de revoyure est prévu. Mais le problème sera là.
S'agissant de la filière équine, je ne suis pas très rassuré. Je ne suis pas certain que les 70 000 personnes qu'elle fait travailler aujourd'hui seront toujours là dans deux ou trois ans. Le marché va forcément s'effondrer, en effet. Les digues vont céder du fait des masses d'argent engagées.
J'évoquerai pour terminer les conflits d'intérêts, en essayant de le faire le plus correctement possible. Ce soir, nous allons octroyer des charges. Cela s'est fait pendant des siècles, et elles étaient alors payantes. Un grand seigneur, à l'époque de Louis XIV, avait acheté une charge de procureur du roi auprès du Parlement de Paris. Il était joueur et s'était enrichi en vendant des assignats d'une manière assez originale. Mais il avait aussi enrichi les caisses de l'État, ce qui n'était pas mal. Un jour, il eut l'idée de faire une très grande fête : c'était le 16 juillet 1661. Tous les participants reçurent un billet de loterie et tous gagnèrent. Ce grand seigneur s'appelait Nicolas Fouquet et la pièce qu'on donna ce soir-là fut jouée par Molière et était intitulée Les Fâcheux. Nous essaierons de ne pas trop vous fâcher au cours de ce débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La discussion générale est close.
La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, je me félicite comme vous que le ton soit plus aimable que tout à l'heure. Je crois qu'il faut en finir avec le jeu du c'est celui qui le dit qui y est. Les « tu as dit que j'étais un voyou » et autre « toi-même, tu étais au Fouquet's » n'ont pas de sens. Il faut en revenir à l'esprit du texte et à son application. Vous avez tous des arguments qui peuvent être fondés et qu'il faut écouter avec respect. Et il ne faut pas perdre de vue les fondamentaux.
Monsieur Dussopt, en maintenant le monopole de La Française des jeux et du PMU, vous ne changerez en rien la situation actuelle. Comme je l'avais souligné dans mon propos introductif, on ne peut pas dire que celle-ci est immorale, que les mineurs ne sont pas protégés, que l'addiction et le blanchiment d'argent sont favorisés, et prétendre, sans l'examiner objectivement et en dehors de toute passion politique, que ce texte va renforcer cet état de fait. Ce projet prévoit au contraire un cadre légal avec la capacité pour les tribunaux d'agir et, pour la nouvelle autorité de régulation, de se doter des moyens humains, financiers et techniques. Je veillerai personnellement, et très rapidement, à ce que les sites illégaux soient dénoncés, sanctionnés et, éventuellement, condamnés. C'est par l'efficacité de l'exemplarité de la détermination de l'État, par la voix de l'autorité de régulation et de l'agence, que nous atteindrons notre objectif de moraliser l'organisation.
Monsieur Chassaigne, vous avez eu une interprétation peut-être un peu excessive de l'évolution.
Cela a pu vous arriver parfois, par le passé. (Sourires.) Il a pu vous arriver d'avoir une lecture monopolistique de l'économie administrée, dans les années 70 ou 80, peut-être même êtes-vous encore dans cet élan.
Pour résumer la situation, soit on favorise le développement des monopoles, et on prend un risque au regard de l'application des directives, soit on favorise la liberté du renard dans le poulailler. Cela me semble être la définition de l'application actuelle des jeux en ligne sur internet : le plus fort, celui qui fait le plus de publicité atteint les plus démunis, les plus faibles, les plus fragiles. En tout cas, si l'on ne fait rien, nous renforcerons la situation monopolistique pour les deux grands et cela fera l'objet d'une condamnation. Imaginer que le système ne va pas se développer est une pure illusion, en effet. D'autant que, et c'est la raison de ce rendez-vous obligatoire, la Coupe du monde va donner une amplification significative à un phénomène déjà important sur internet.
Pour cette seule raison, monsieur Chassaigne, et même si cela peut vous faire mal d'imaginer que le monopole n'est plus en l'état, nous ne pouvons pas considérer que nous ne devons pas avancer sur ce sujet. Cela a été fait en première lecture. J'observe d'ailleurs que le climat était alors plus apaisé. Je comprends parfaitement que, dans les petites foulées du lendemain des élections régionales, vous souhaitiez aller un peu plus vite…
Non, il n'était pas plus apaisé. En tout cas, M. Woerth, lui, ne l'était pas !
Monsieur Perruchot, vous avez évoqué la redevance pour financer la filière équine. Ce point sera traité dans le cadre de la clause de revoyure. Je l'ai dit en commission des finances : je le réaffirme dans l'hémicycle.
S'agissant de l'obligation du contrôle et de la déclaration à Tracfin, je confirme que les opérateurs, y compris ceux qui sont établis hors de France, seront soumis à ces mêmes obligations qui ont été adoptées lors du débat au Sénat à l'article 17. Je vous remercie pour les encouragements que vous avez formulés au nom de votre groupe.
Chère Aurélie Filippetti, avec le talent oratoire qu'on vous connaît, vous avez dit, sur un ton extraordinairement aimable, des choses très dures. Nous avons en tout cas une divergence d'interprétation sur la position de la Commission européenne. Sachez que Michel Barnier, notamment, est très intéressé par notre projet de loi. Lorsqu'une évolution de la société devance le travail du législateur, notre pays, et l'on peut s'en honorer, a toujours su fixer un cadre dans un État de droit. Je suis absolument convaincu que le modèle français en la matière, tel qu'il sortira de nos débats, servira de référence pour les autres pays.
Ceux-ci, en effet, attendent de voir quelle sera notre évolution pour se calquer sur ce dispositif, qui est équilibré, juste, précis. Nous mettrons tout en oeuvre pour prouver son efficacité.
Nous n'avons donc pas tout à fait la même lecture de cette évolution, peut-être parce que nous ne disposons pas l'un et l'autre des mêmes renseignements ! Mais je suis convaincu que, au fond de vous-même, vous partagez la même ambition que nous, qui est de fixer des règles, d'établir enfin une régulation sur ce système.
Jacques Myard, vous avez souligné le fait que ce texte traitait du jeu sous tous ses aspects. À cet égard, vous avez évoqué, et je vous en remercie, avec beaucoup de clarté, les différents thèmes qui ont été traités.
La lutte contre l'addiction est un point important, et même un des piliers de ce texte, de même que la protection des mineurs, le contrôle de l'accès des joueurs, la lutte contre les sites illégaux et les sanctions pénales. Je tiens d'ailleurs, sur ce point, à rappeler devant la représentation nationale votre contribution personnelle. Vous avez, en particulier, rappelé l'importance de la filière équine.
Vous rejoignez, sur ce point, Nicolas Perruchot, et c'est évidemment un sujet sur lequel il y a un consensus, ce dont témoigne l'accord qui a été trouvé en commission des finances.
Enfin, monsieur Hutin, vous avez indiqué le risque de voir le blanchiment devenir incontrôlable avec l'ouverture à la concurrence, mais c'est le contraire qui est vrai : si rien n'est fait, les jeux seront définitivement incontrôlables et c'est là que réside le vrai sujet.
Il y a donc, au fond, une alternative bien nette : est-ce que, oui ou non, nous fixons des règles ? Autrement dit, est-ce que l'on essaye de prendre ce texte en otage, comme en témoignent les arguments que vous avez développés, ou bien est-ce que l'on choisi de regarder objectivement la réalité ? Or cette réalité, c'est que, avant même la Coupe du monde de football, la situation est difficile à gérer. Il est déjà très difficile de tracer les opérations. Les magistrats font évoluer la jurisprudence, mais si le présent texte n'entre pas rapidement en application, une bonne partie de leurs observations deviendraient caduques. Nous sommes donc dans l'obligation, que cela vous plaise ou non, d'avancer sur ce chemin, conformément à l'esprit dans lequel M. le rapporteur a fait avancer ce texte et à la manière dont le Sénat l'a précédemment modelé. Pour ces raisons, nous souhaitons effectivement aboutir à un vote conforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi sur lesquels les deux Assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique.
Cet article 1er A dispose : « Les jeux d'argent et de hasard ne sont ni un commerce ordinaire, ni un service ordinaire ; dans le respect du principe de subsidiarité, ils font l'objet d'un encadrement strict au regard des enjeux d'ordre public, de sécurité publique et de protection de la santé et des mineurs. »
C'est parfait, mais il faut s'arrêter là ! En effet, pour l'essentiel, tout est dit dans cet article, car nous n'arriverons pas à limiter les risques dans les domaines de l'ordre et de la sécurité publics. Je prendrai deux exemples.
D'abord, je dois évoquer Michel Barnier, le nouveau commissaire européen en charge du marché intérieur, pour qui j'ai beaucoup de respect et qui est extrêmement réservé sur ce texte. Il a affirmé qu'il souhaiterait une nouvelle approche, car, selon lui, le jeu n'est pas un service comme les autres. De plus, si les précautions sont seulement françaises, cela ne suffit pas. À cet égard, M. Barnier a annoncé la présentation d'un Livre vert européen. Pourquoi ne l'attendons-nous pas ? Pourquoi n'attendons-nous pas une coordination européenne nouvelle et volontariste ? C'est un vrai problème. Encore une fois, arrêtons-nous à la fin de cet article !
Ensuite, j'ai écouté cet après-midi Mme Morano, au Sénat, qui expliquait les risques que pouvaient courir les mineurs sur internet. Eh bien, elle a été tout à fait éloquente pour démontrer que l'on ne peut rien arrêter : 80 % des parents abandonnent tout de suite le contrôle parental car ils ne savent pas ce que c'est ! On essaye de lancer des brigades d'intervention, sous le nom de « super-patrouilleurs » – ce qui fait un petit peu américain et évoque Apocalypse Now…(Sourires.) –, mais il y a seulement vingt personnes qui s'en occupent. Comment, avec si peu de monde, allons-nous arrêter quoi que ce soit ?
Donc cet article est parfait – et j'en reviens à notre motion de rejet préalable. Si nous nous arrêtons là, c'est absolument merveilleux.
Je suis saisi d'un amendement n° 202 .
La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour le soutenir.
Vous me permettrez, monsieur le président, à l'occasion de la présentation de cet amendement, qui vise à réclamer une étude d'impact, de revenir sur l'argumentation qui a été développée à l'instant par M. le ministre, mais que l'on a entendue également dans la bouche de M. Myard et que l'on retrouve aussi très souvent chez M. Lamour.
Qu'est-ce qu'on nous dit au fond ? M. le ministre nous assène, sur un ton lui aussi extrêmement aimable, des propos qui ne sont pas forcément durs, mais qui peuvent être faux. (Sourires.) Eh bien, il nous affirme que, si rien n'est fait aujourd'hui, il n'y a pas de règle. On livrerait ainsi la poulaille des joueurs – si j'ose dire… (Sourires) – au renard qui va pouvoir circuler en liberté.
Mais je voudrais vous rappeler, monsieur le ministre, qu'il existe aujourd'hui des règles. Vous ne pouvez pas dire que nous sommes dans un État de non-droit s'agissant des jeux, et notamment des jeux en ligne. Le droit français est fixé. Il est même fixé de manière séculaire, selon un principe d'interdiction nourri d'exceptions. Vous ne pouvez donc pas dire que, si l'on refuse votre texte, on plonge dans le néant juridique et on abandonne l'ensemble des joueurs aux menaces que pourrait représenter une offre aujourd'hui illégale – car c'est bien qu'elle est, et si elle existe, c'est en partie parce que vous ne faites pas appliquer la loi.
J'ai cité tout à l'heure à la tribune toute une série d'exemples de personnalités hautement respectables dans leur domaine, mais qui toutes ont en commun le fait de ne pas respecter la loi. Ce n'est pas parce que l'Olympique lyonnais brille dans certains compétitions – même si je ne connais pas le résultat de ce soir –,…
…et ce n'est pas parce que des personnalités du monde des affaires souhaitent réaliser des affaires encore meilleures que nous devons légaliser leur activité.
Voilà donc évacuée la question de savoir s'il existe ou pas un droit en la matière : il y en a un et il faut l'appliquer. J'aborderai un autre point. M. Myard nous dit, de même que vous, monsieur le ministre – c'est toujours l'argument que l'on emploie pour essayer de justifier une politique que l'on a du mal à argumenter étape par étape –, que c'est la seule solution. Nous n'avons pas le choix, il faut faire comme cela et grâce à ces dispositions on va canaliser l'offre illégale.
J'essaierai d'être plus court sur les amendements suivants, monsieur le président. Je résume les arguments que j'avais fait valoir dans le débat précédent, en première lecture.
On nous explique donc que l'on va canaliser une offre aujourd'hui illégale, qui va rentrer dans le canal légal créé par la loi et que tout cela va nous permettre de protéger le consommateur et le joueur. Je ferai deux remarques sur ce point, monsieur le ministre.
Premièrement, quelle garantie avons-nous que ceux qui, aujourd'hui, pratiquent leur activité de manière illégale accepteront de le faire de façon légale et plus coûteuse que ce qui est proposé aujourd'hui ? Aucune ! Quelle garantie avons-nous que nous pourrons les sanctionner mieux qu'aujourd'hui ? Si j'en juge par les résultats obtenus à présent, la réponse est simple : aucune !
Un dernier point tout de même, monsieur le président, même si je peux y revenir le cas échéant tout à l'heure.
Valérie Fourneyron l'a dit précédemment de manière tout à fait précise : ce qui va changer, c'est que, aujourd'hui, les jeux en ligne, à l'exception de ceux qui sont proposés par la Française des jeux et par le PMU, ne font pas l'objet de publicité. Or, à partir du moment où vous allez les légaliser, ils vont développer la publicité pour se faire connaître, ce qui aura naturellement pour effet de faire croître le nombre de joueurs. C'est là-dessus que vous comptez pour financer votre dispositif. Pourtant, on sait bien qu'en accroissant le nombre de joueurs, on développe les risques d'addiction, avec l'ensemble des problèmes qui leur sont liés. Voilà le coeur du débat.
Il y a une autre solution, une autre attitude, qui est non pas de défendre le monopole, par nostalgie de l'avant-1789…
Il y a quand même un règlement et M. Néri risque de me reprocher de ne pas le faire respecter ! (Sourires.)
Monsieur le président, je m'efforcerai de le respecter chaque fois que vous le voudrez. Nous pouvons fixer des règles afin de nous écouter mutuellement et de nous laisser développer nos arguments,…
…mais si vous choisissez de votre côté d'adopter une autre attitude dans ce débat, je peux vous garantir que nous ferons de même !
Sur cet amendement n° 202 , qui n'a pas été réellement défendu par M. Gorce, (Protestations sur les bancs du groupe SRC,)…
Vous aurez beau dire, il n'a pas été défendu : vous n'avez pas parlé une seule fois de l'étude d'impact.
Veuillez tout de même donner votre avis, monsieur le rapporteur ! (Sourires.)
Ce n'est d'ailleurs pas la peine d'en parler, monsieur Gorce, puisque c'est un amendement qui a déjà été, à deux reprises, déposé et défendu. Pour tout dire, je suis rassuré après avoir entendu tous les intervenants de l'opposition. Car, finalement, il n'y a rien de nouveau sous le soleil : tout ce que vous avez dit ce soir, vous l'aviez déjà exposé soit en commission, soit en séance publique. C'est d'ailleurs ce qu'ont relevé MM. Perruchot et Myard.
Finalement, cela me rassuré, puisque, après vous avoir entendus, je suis encore plus convaincu du fait que ce texte est équilibré. En effet, si je reconnais que vous nous opposez un certain nombre d'arguments, je note que vous les aviez déjà fait valoir en première lecture et on voit bien qu'ils n'apportent que peu de chose sur le texte, y compris le fameux arrêt Santa Casa, qui avait déjà été rendu quand nous avions discuté la première fois en séance publique.
Quant à l'amendement n° 202 , monsieur Gorce, cette étude d'impact, comme vous le savez, n'était pas obligatoire lorsque ce texte a été présenté en Conseil des ministres. Une étude a été réalisée par les services du ministère. Je ne doute pas un instant que le ministre mette cette étude à votre disposition. La commission est donc défavorable à cet amendement.
J'informe dès à présent l'Assemblée que, sur le vote de l'amendement n° 202 , je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement ?
Les derniers mots du rapporteur sont très pertinents : j'avais pris l'engagement, la semaine dernière, devant la commission des finances présidée par Jérôme Cahuzac, de vous proposer des éléments d'évaluation, rassemblés par nos services, sur l'impact de l'ouverture à la concurrence et à la régulation des secteurs de jeux d'argent. Je les tiens à votre disposition et vais les remettre au président et aux membres de la commission des finances.
Nous sommes dans une logique de transparence : tous les éléments sont sur la table. J'avais cru comprendre que, sur la base de cet accord, cet amendement pourrait être retiré. S'il est maintenu, le Gouvernement y sera défavorable.
La parole est à M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Les délais nécessaires à l'organisation de tout scrutin public me laissent le temps d'intervenir sans retarder inutilement les débats.
Je souhaite donc, au nom de la commission des finances, remercier M. le ministre, qui avait effectivement pris l'engagement de nous transmettre cette étude. J'en ferai naturellement tenir copie à l'ensemble des membres de la commission des finances.
Je voudrais répondre à notre ami Gaëtan Gorce sur la question de l'absence de sanction.
Premièrement, je rappellerai qu'un arrêt de la Cour de Cassation a donné tort au Gouvernement français dans les poursuites qu'il avait engagées contre The Turf. L'affaire a été renvoyée à la Cour d'appel et n'a pas encore été jugée.
Deuxièmement, le Conseil d'État lui-même a saisi, en question préjudicielle, sur la base de l'article 177 du traité de Rome, la Cour de justice des communautés européennes, installée à Luxembourg. On ne peut donc rien dire de plus tant que l'on ne connaît pas le résultat de ces différentes procédures. Aujourd'hui, en élaborant une réponse globale sur cette question, on procède effectivement à l'ouverture, c'est-à-dire qu'on abandonne la notion de monopole.
L'arrêt Santa Casa justifie jusqu'à un certain point le monopole, mais pas totalement, car je rappelle que, dans le cas de cet organisme, ce n'est pas le budget portugais qui est alimenté, mais les « justes causes ». Il y a là une différence fondamentale qu'il ne faut pas oublier. Or jamais, du point de vue de la cour de Luxembourg, la nécessité d'alimenter le budget ou de prendre en compte une filière économique ne pourra justifier le monopole. Cela non plus, il ne faut tout de même pas l'oublier ! Je pense que l'exemple de Santa Casa va dans mon sens puisque, comme vous le savez, je veux être maître chez moi et je ne n'aime donc pas les règles communautaires à outrance. Mais il n'en demeure pas moins que, au regard des règles du traité de Rome, nous ne sommes pas tout à fait garantis. C'est la raison pour laquelle je considère que ce texte va clarifier les choses et qu'il nous garantit, en étant non discriminatoire, notamment pour l'octroi des licences, de conforter le système français au bénéfice de l'ensemble des filières.
M. le ministre a évoqué, en commission, cette étude d'impact, mais la demande que nous avons formulée s'agissant de ce texte et de son application porte aussi sur la santé publique.
Je vous invite, mes chers collègues, à lire le rapport de l'INSERM, publié il y a quelques mois, qui évoque l'importance des conséquences en matière de santé publique de l'ensemble des conduites addictives au jeu. Il s'agit de 1 à 3 % des joueurs, que l'on qualifie de « problématiques ». Or ces joueurs problématiques vont avoir un coût extrêmement important, dans les mois et les années qui viennent, au fur et à mesure que ce texte de loi va permettre malheureusement, en multipliant l'offre – puisque l'on va accroître les possibilités de publicité –, d'augmenter le nombre de joueurs présentant des conduites addictives.
Quel coût cela représente-t-il pour nous tous en termes de santé publique, quel coût pour la sécurité sociale, quel coût enfin pour nos vies professionnelle et personnelle qui risquent d'être gâchées ? Il s'agit là des principales conséquences du texte que vous nous proposez, qui tend à légaliser des situations illégales. Surtout – le rapport de l'INSERM le montre fort bien –, j'y insiste, plus il y aura d'offre, de publicité, plus il y aura de joueurs pathologiques, le coût collectif s'accroissant d'autant.
Voilà ce que doit mesurer une véritable étude d'impact. Nous aurions aimé, depuis le début de l'examen de ce texte, que le ministère de la santé s'exprime. Dans ce Gouvernement, le ministre de la santé est également chargé des sports. Or le sujet dont nous discutons relève aussi des compétences de ce ministère. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. Lamour nous reproche de resservir les mêmes arguments qu'en première lecture ; mais comme le Sénat n'a pas beaucoup modifié le texte, nous n'avons pas de raison de présenter des avis différents.
Reste que si je me suis permis de reprendre les arguments présentés en première lecture, c'est parce que nous sommes censés, en deuxième lecture, prolonger la discussion ; sinon, pourquoi l'Assemblée se réunirait-elle ?
J'ai bien compris que vous souhaitiez que ce ne soit qu'une formalité. Vous voulez que ce texte soit voté conforme – votre groupe n'a déposé aucun amendement malgré le sentiment mitigé des uns ou des autres. Nous ne nous situons pas dans la logique suivant laquelle le texte devrait être adopté par principe parce qu'il représenterait, ainsi que l'a avancé le ministre, la seule solution possible. Car ce n'est pas le cas. D'ailleurs, ce genre de raisonnement peut tout justifier.
Comme Valérie Fourneyron, je reprendrai donc certains arguments. Je rappellerai ainsi certains points de la jurisprudence européenne, qui méritent d'être débattus, ne serait-ce que parce que le ministre s'exprime sur ce texte pour la première fois et qu'il paraît intéressant de connaître son point de vue, qui, selon moi, ne lui correspond pas beaucoup.
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'amendement n° 202 .
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 90
Nombre de suffrages exprimés 90
Majorité absolue 46
Pour l'adoption 29
Contre 61
(L'amendement n° 202 n'est pas adopté.)
Cet amendement vise à introduire deux mots très présents dans le débat mais absents du texte : « morale publique ». Laissez-moi insister sur le fait que l'ensemble de la législation française en matière de jeux a toujours été fondée sur une certaine conception de la morale publique. On peut certes évoquer l'ordre public ; il est bon d'y ajouter la morale publique.
Nous avons des valeurs communes qui nous ont conduits à édifier un type particulier de législation. Nous sommes en train de le remettre en question. Son principe consistait à interdire sauf exception. Or, selon la majorité, ce principe d'interdiction ne tient plus. M. le ministre nous soupçonne d'éprouver la nostalgie des monopoles. Il s'agit bien plutôt pour nous de défendre une certaine conception de l'individu dans la société.
On peut considérer l'individu comme un consommateur quelle que soit la situation dans laquelle il se trouve – chez lui, il est consommateur de certains programmes de télévision, notamment sportifs, et même consommateur de publicités et pourquoi, donc, ne pas le rendre consommateur de publicités pour les jeux sportifs, pour les paris. Telle n'est pas notre conception de la société. Nous souhaitons fonder nos valeurs communes sur une autre idée que celle selon laquelle le citoyen ne serait qu'un consommateur soumis à des propositions de vente et d'achat avec les risques que cela implique.
Chaque fois que l'on défend une conception un peu volontariste, on lui oppose une forme de fatalité. Or il n'y a pas de fatalité européenne, j'y reviendrai.
Il existe une solution : réformer le PMU et la Française des jeux. Vous l'avez dit, monsieur Myard : la présence du ministre du budget ne doit rien au hasard. Notre collègue Valérie Fourneyron a réclamé la présence du ministre de la santé et des sports ; je m'associe à cette demande. Seul le ministre du budget défend le texte, car les jeux, en France, tels qu'ils ont évolué ces dernières décennies et quels que soient les gouvernements…
Monsieur Myard, ne vous emportez pas avant de m'avoir laissé finir. Les jeux, donc, sont devenus une affaire de gros sous.
Si nous voulons promouvoir une conception différente de l'organisation des jeux, le PMU et la Française des jeux doivent revenir à leur vocation initiale : financer les activités d'intérêt général. Si le ministre est prêt, si vous êtes disposés, sur les bancs de la majorité, à affecter la totalité des 700 millions d'euros de recettes que peut produire la taxation des jeux, notamment des jeux en ligne, à des activités sociales, au Centre national de développement du sport, à des activités d'intérêt général, vous servirez la cause du sport, la cause hippique et une certaine conception de l'homme dans la société.
Cet amendement, qui vise à introduire dans le texte la notion de morale, signifie que nous vivons dans une société où ne doit pas régner que l'argent, mais aussi une certaine idée de la morale publique. Je pense que le ministre devrait s'y montrer sensible.
Je ne vous reprochais pas, monsieur Gorce, de réutiliser les arguments employés lors de la première lecture. J'en étais même plutôt rassuré.
Nous poursuivons le même objectif : encadrer les jeux à notre façon. Nous tâchons de protéger les plus faibles d'une activité ludique qui peut devenir problématique. Il convient de souligner que cette activité, dans un premier temps, est ludique. Ce n'est pas le diable que d'aller jouer au PMU ou au loto. Ou alors c'est que nous sommes entourés de pauvres hères qui se précipiteraient à la Française des jeux ou au PMU pour « claquer » tout leur argent ! Ce n'est pas le cas.
Nous parlons bien d'espaces ludiques où l'on peut, seul ou en groupe, s'amuser, parier, jouer. Ces lieux peuvent certes être encadrés. Or c'est tout l'objet du présent projet. Vous ne cessez de reprocher au dispositif son insuffisance, ou alors son caractère prématuré – Mme Filippetti évoquait le Livre vert. Madame Filippetti, vous savez bien qu'après le Livre vert, il y a le Livre blanc – en attendant d'autres couleurs – avant de parvenir à une décision.
Soit, mais nous n'allons pas énumérer toutes les couleurs de l'arc-en-ciel.
Même s'il n'y a pas d'urgence, il serait bon, aujourd'hui, d'appliquer une loi, en France, qui serve de repère à M. Barnier. Ce dernier dispose de l'exemple italien, assez ouvert, le groupe Lottomatica, système centralisé puisque tout passe par l'agence régulatrice des jeux. Il existe aussi le système britannique soumis, pour sa part, à aucun contrôle si ce n'est que la gaming commission se contente de distinguer entre les opérateurs qui ont accès à la publicité et les autres.
Nous vous proposons un dispositif plutôt équilibré, novateur, une ouverture maîtrisée, régulée, un vrai contrôle de l'identité des joueurs, des systèmes et des flux financiers. Nous admettons que le projet n'est pas parfait, qu'il sera amené à évoluer ; c'est pourquoi une clause de revoyure est prévue, dix-huit mois après le début de l'application du texte, pour recenser les dispositifs efficaces et ceux qui ne le sont pas, notamment en matière de protection du joueur.
Ne rien faire, ainsi que vous le proposez, ou revenir à un monopole qui ne fonctionne pas, monsieur Gorce, voilà bien une mauvaise solution. Talleyrand, je crois, disait qu'à tout problème complexe répondait une solution simple mais que, malheureusement, il s'agissait d'une mauvaise solution.
Il est piquant, alors que nous invoquons la morale publique, de vous entendre citer Talleyrand !
Le monopole et la prohibition représentent en l'occurrence deux solutions simples et qui ne répondent pas au problème complexe que nous examinons.
Pour en revenir à votre amendement, il reste assez surprenant. Vous évoquez la morale publique, vous, monsieur Gorce.
J'ai effectué une petite recherche. Savez-vous quelle est la loi qui s'applique à la protection de la morale publique et des bonnes moeurs ? Il s'agit d'un texte du 9 juin 1819.
Il la soutient aujourd'hui…
À cause de cette loi, Flaubert pour Madame Bovary et Baudelaire pour Les fleurs du mal ont été traînés en justice.
Il est donc assez savoureux de vous voir reprendre le principe de morale publique à votre compte.
Certes, il revenait peut-être aux pouvoirs publics, au XIXe siècle, de protéger la morale publique. Pour ma part, je préfère la protection de la jeunesse, notion tout aussi noble et plus moderne. Avis défavorable.
Souscrivant à la solidité de l'argumentation du rapporteur, le Gouvernement émet un avis défavorable.
Vous avez évoqué, monsieur Gorce, le principe de la coresponsabilité du ministère de la santé. Sur le fond, vous avez tout à fait raison et c'est bien dans l'esprit que vous évoquiez que le ministère de la santé a été associé en amont à l'élaboration du texte. Vous pourrez constater, en lisant l'étude qui vous sera transmise, que l'impact de l'addiction sur les majeurs et les mineurs sera pris en compte et analysé.
Permettez-moi un ajout qui sera de votre point de vue une facilité de ma part mais du mien un juste retour des choses après les puissantes charges que vous avez déjà menées. En 1998, la personne qui a mis en place le dispositif qui a créé le plus d'addiction, qui a posé le plus grand nombre de problèmes de santé publique et a contraint le Gouvernement à imposer des normes et un suivi médical, n'était autre que Mlle Parly, nommée secrétaire d'État au budget lors d'un remaniement ministériel, et qui avait donné son autorisation au titre du secrétariat d'État au budget – déjà – au développement de Rapido, jeu qui a connu un développement spectaculaire mais avec les effets collatéraux que nous savons et que vous avez dénoncés à juste titre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
J'ai écouté Jean-François Lamour avec un grand intérêt. Il a essayé de nous expliquer que son objectif était d'assurer la moralité avant l'heure, en quelque sorte. Monsieur le rapporteur, la situation d'urgence sociale dont vous avez pu mesurer l'ampleur dimanche dernier à l'aune des résultats que vous savez,…
…cette situation d'urgence sociale a démontré à l'évidence que lorsque l'on y est plongé, on a souvent le mauvais réflexe de se laisser happer par l'espoir insensé de gagner les sommes qui vous manquent pour joindre les deux bouts.
Vous nous décrivez le paradis : on est entre amis, on sirote une limonade, on fait un petit pari… Mais ce n'est pas tout à fait cela, la réalité ! La réalité est que ces gens jouent pour gagner car ils ont besoin d'argent. Ce sont souvent les plus faibles et les plus pauvres qui vont dépenser les derniers sous de la famille et ce sont eux qui présentent un risque d'addiction.
Monsieur le rapporteur, le tapage publicitaire qui va être fait constitue une tentative supplémentaire pour inciter à consommer plus de jeux. Cette volonté de nous amener à succomber à la tentation doit vous faire réfléchir sur un texte que nous avons commencé à discuter la semaine dernière et que nous allons continuer à examiner dans les deux ou trois jours qui viennent : le fameux crédit revolving. Vous avez enfin pris conscience du risque que représentait ce type de crédit. Mais ici, vous avez la même démarche : que vous le vouliez ou non, en poussant à la consommation, en poussant à ne plus respecter,…
…vous poussez les gens à consommer plus. En somme, à travers ce texte, vous êtes, comme pour le crédit revolving, des pousse-au-crime. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Le « caractère ludique du jeu », monsieur le rapporteur, il ne nous aura pas échappé. Mais les jeux auxquels vous faites allusion, les loisirs en question, on n'est pas forcé de les soumettre à profit et à bénéfice. Jusqu'à présent, dans ces jeux, y compris ces jeux en ligne où l'on parie de l'argent, les bénéfices reviennent à la collectivité, d'une manière ou d'une autre. On peut discuter de la façon dont ils sont répartis, mais ce que vous changez avec ce texte, c'est que ce loisir que vous magnifiez, monsieur le rapporteur, devient source de profit pour certains.
Vous condamnez la notion de « morale publique ». Je le comprends. Je m'en désole pour vous, car je connais au contraire l'attention que vous portez à ce principe. Mais j'ai bien compris que nous vivions dans une époque où, à travers l'attitude de certains de ceux qui nous dirigent, les nominations à des responsabilités publiques, ou encore la concession donnée à une certaine forme de régie publicitaire, la morale publique ne compte plus pour grand-chose, effectivement.
Cela dit, monsieur le rapporteur, c'est vrai que Flaubert a été poursuivi. Baudelaire l'a été par le même procureur, contre l'avis, d'ailleurs, de Napoléon III, qui avait plutôt envie de défendre les arts et les lettres. Il défendait peut-être Mme de La Fayette. Allez savoir. Il faudrait revaloriser son rôle, lui que l'on a appelé Napoléon le petit. On a découvert plus tard dans les archives du procureur en question qu'il écrivait des romans pornographiques. C'est donc lui qui aurait dû être poursuivi et condamné.
Vous voyez, monsieur le rapporteur, cela vous choque. Vous venez de me montrer, par votre réaction, que la morale publique, vous savez ce que c'est. Demandez à vos amis du Gouvernement de s'y conformer.
Je suis saisi d'un amendement n° 5 .
La parole est à M. André Chassaigne.
Si cet amendement était adopté, il écourterait notre séance de ce soir, et sans doute celle de demain soir.
L'article 1er A nous réjouit plutôt, puisqu'il consacre le caractère singulier de l'activité de prestation de jeux de hasard et d'argent. Il l'inscrit dans le droit français. Mais nous pensons qu'un deuxième alinéa devrait consacrer le caractère public du monopole d'exploitation des jeux.
Nous n'allons pas passer des heures à discuter de cette question, mais je voudrais quand même y revenir, puisque vous y avez fait allusion tout à l'heure, monsieur le ministre.
Pour ouvrir à la libéralisation, vous vous appuyez sur le fait qu'actuellement, l'explosion des jeux en ligne se fait de façon anarchique : il n'y a pas de contrôle, il se fait n'importe quoi, cela crée des addictions. En quelque sorte, l'ouverture du marché des jeux, comme dans un conte de fées, résoudrait toutes les questions qui peuvent se poser, par une forme d'autorégulation. Nous touchons là au coeur même de ce qui nous oppose. Nous pensons, quant à nous, qu'il n'y a aucune raison permettant d'affirmer que la puissance publique ne pourrait pas régler ces problèmes. S'ils ne l'ont pas été jusqu'à présent, c'est justement parce qu'il n'y a pas eu de texte de loi apportant des solutions qui s'appuient sur la puissance publique en lui conférant des prérogatives fortes.
Pour reprendre ce que disait tout à l'heure notre collègue Myard, même si nous affirmions le maintien du monopole public, nous serions blindés au niveau européen. Tout est possible. Il est notamment possible de maintenir le monopole public. Libéraliser n'est pas une obligation européenne.
Je suis favorable à cet amendement. Nous ne sommes pas d'accord avec l'interprétation que fait le Gouvernement de l'arrêt Santa Casa. Et ce n'est pas faute de nous être renseignés, monsieur le ministre. Cet arrêt dit bien que les monopoles mis en place par les États membres sont justifiés et légitimes à condition qu'ils obéissent à certains critères, qu'ils s'inscrivent dans une politique cohérente et systématique visant à la protection de l'ordre public, en luttant contre l'addiction, par exemple.
Nous considérons que mettre le doigt dans la dérégulation, cela veut dire, à terme, exposer le marché à une dérégulation complète. On ne pourra pas contenir l'ouverture des jeux en ligne. On ne pourra pas maintenir une ouverture partielle.
S'agissant des critiques qui ont été adressées tout à l'heure par le ministre au monopole, notamment en ce qui concerne le jeu Rapido, nous n'avons jamais dit que le fonctionnement actuel de la Française des jeux ou du PMU était parfait. Ce que nous défendons, c'est l'amélioration du monopole actuel, c'est sa mise en cohérence avec les exigences de lutte contre l'addiction, de protection de l'ordre public, de la sécurité publique et de la santé publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Nous sommes dans une situation curieuse. M. François Baroin, qui vient d'entrer au Gouvernement, a ce soir un rôle à contre-emploi. C'est plutôt un républicain, dans la tradition gaulliste, laquelle est favorable à ce que l'on mette des balises pour préserver la République et les citoyens. Or, il est en train de militer contre ses convictions.
Admettons qu'il soit obligé de les mettre dans sa poche, fonction oblige. Mais comme vient de le dire excellemment notre collègue Aurélie Filippetti, et avant elle notre collègue Chassaigne, le marché ne peut pas réguler. Ce qui répond à des addictions ne peut être régulé par le marché. Au contraire, celui-ci pousse à l'aggravation. Quant aux joueurs eux-mêmes, ils ne peuvent évidemment rien réguler du tout, puisqu'ils sont en état d'addiction.
Vous qui êtes un homme cultivé, monsieur le ministre – je ne ferais pas la même proposition au Président de la République, par exemple –, vous qui avez des références, pensez à Dostoïevski, pensez à Stefan Zweig. Je regrette que ce soir, nos collègues Pierre Lequiller et Michel Piron ne soient pas là, eux qui sont de grands amoureux de Stefan Zweig. Voyez cette scène sur le bateau : ce joueur invétéré, qui pensait avoir échappé à l'addiction, et qui, au contact du jeu, rechute définitivement. Si vous ouvrez la boîte de Pandore, c'est comme les génies persans : vous ne savez pas ce qui sort de la bouteille, et vous n'arriverez jamais à rattraper les esprits mauvais que vous êtes en train de lâcher.
Il y a déjà actuellement environ 30 millions de personnes qui, chaque année, jouent à des jeux de la Française des jeux. Personne ne peut raisonnablement penser que ce projet de loi ouvre une boîte de Pandore.
On discute du monopole. J'ai bien écouté Gaëtan Gorce. Il a beaucoup de talent. On dirait, monsieur Gorce, que vous passez un grand oral de l'ENA.
Si, si. Vous avez beaucoup de culture, et j'ai l'impression que vous pourriez défendre le pour et le contre exactement de la même façon. Quand vous employez les termes de monopole et de dérégulation, vous êtes de mauvaise foi. Ce que vous dites ne correspond absolument pas à la réalité, et vous le savez très bien.
Lorsque la Loterie nationale a été lancée en France – et il s'agissait bien de loterie –, elle l'a été avec les Gueules cassées, les Ailes brisées, l'Union des blessés de la face. Elle était gérée par des émetteurs de la loterie nationale, des associations, des privés, et contrôlée par l'État. C'est peu à peu qu'a été créée la Loterie nationale, société anonyme d'économie mixte, à participation majoritaire de l'État, et qui fait des bénéfices. Des capitaux privés y participent. Elle gère des loteries. Quand on parle de monopole, c'est de cela qu'il s'agit. Et ce monopole n'est absolument pas brisé, puisque les loteries et les lotos ne sont pas du tout concernés par ce projet de loi. C'était une très bonne façon – et nous ne la changeons pas – de réguler le marché des lotos et loteries.
Les courses hippiques sont gérées autrement, puisque ce sont les acteurs de la profession qui les gèrent. Beaucoup sont des privés.
Quant aux casinos, ce ne sont pas des monopoles d'État. Le modèle français, c'est de considérer que le jeu est interdit, sauf autorisation expresse de l'État. Rien de cela n'est changé dans le projet de loi actuel. À aucun moment on ne va aboutir à une libéralisation du marché. On va adopter la meilleure voie possible pour, justement, contrôler une activité qui aujourd'hui ne l'est pas suffisamment, à savoir les jeux en ligne. On ne peut en aucune façon parler de dérégulation, ni de libéralisation. Les sociétés organisant les jeux seront totalement encadrées, exactement comme le sont les casinos aujourd'hui.
Compte tenu de l'importance des amendements qui restent à examiner, il serait bon de fixer le cadre de notre discussion.
L'idée, à la lumière de l'arrêt Santa Casa, c'est que chaque pays fixe ses lois, son cadre légal, ses règles. Nous avons toute latitude pour les fixer. Il ne faut jamais s'éloigner de cette idée.
Ce que nous faisons est d'autant plus pertinent que nous allons, j'en suis convaincu, créer un élément de référence.
Nous n'avons pas à nous excuser d'être ici, nous n'avons pas non plus à nous cacher derrière une norme européenne qui s'imposerait à nous. Nous devons fixer le cadre que nous pensons le meilleur. Et nous pensons qu'il faut protéger, établir des règles sur tous les sujets que nous avons évoqués.
À Jean-Pierre Brard, auquel me lie une longue complicité sur un certain nombre de combats communs, même si nos chemins se séparent, à son regret, peut-être,…
…je voudrais d'abord rappeler, puisqu'il a évoqué Le Joueur d'échecs, que le jeu d'échecs n'est pas visé par le texte qui nous occupe ici. Dans cette nouvelle magnifique, un joueur est conduit à une certaine forme de folie. Il faut dire que le caractère solitaire du joueur devant son échiquier, avec la multitude des factorielles qui peuvent exister à travers les ouvertures et les finales, peut naturellement amener celui qui a un peu poussé du bois sur cet échiquier à basculer, s'il n'y prend garde, dans la monomanie. C'est vrai que c'est un jeu dangereux. Mais philosophiquement, ce texte de Zweig, c'est surtout le regret de l'échec de l'intelligence face à la montée du nazisme et à sa victoire. Cela est source de réflexion pour vous, monsieur Brard, du fait de vos engagements politiques, et pour nous tous, sur le rôle, la place et le devenir du jeu dans la société. C'est peut-être aussi pour cela que nous faisons un texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Le ministre élève le niveau. Il faudrait qu'il donne des cours à Nadine Morano. (Rires.)
(L'amendement n° 5 n'est pas adopté.)
(L'article 1er A est adopté.)
Nous en venons à l'examen de l'article 1er B.
Je suis saisi d'un amendement n° 31 .
La parole est à M. Gaëtan Gorce.
Cet amendement vise, non pas à jouer sur les mots, mais à essayer de préciser leur sens, au fond. Nous avons désormais, avec cet article 1er B, une belle définition de ce qu'est un jeu de hasard : « Est un jeu de hasard un jeu payant où le hasard prédomine sur l'habileté et les combinaisons de l'intelligence pour l'obtention du gain. »
Payant : oui, il s'agit bien d'un jeu payant, qui paie tout.
Le hasard prédomine : pour qui ?
Sur l'habileté et l'intelligence de qui ?
Pour l'obtention d'un gain qui profite à qui ?
Je remercie M. Censi de m'avoir donné tout à l'heure la nostalgie des temps passés, mais je n'ai pas l'impression de passer un oral quelconque en posant ces questions, qui sont élémentaires. Qui perd, qui gagne ?
Qui perd ? En moyenne, dans un jeu organisé, plutôt le parieur. Qui gagne ? Celui qui organise les paris.
Qui perd aujourd'hui ? Toujours le parieur ! Qui gagnait autrefois ? La collectivité ! Qui gagnera demain ? Un peu la collectivité, de moins en moins, et, de plus en plus, des sociétés privées, dont l'objectif n'est pas d'organiser des jeux, dans un esprit ludique, mais de réaliser des bénéfices.
J'insiste sur ce point – c'est tout ce qui nous sépare dans ce débat – : les jeux que l'on est en train de légaliser, en remettant en cause une réglementation, sont destinés à alimenter des bénéfices. Il existe un vieux principe qui condamne l'enrichissement sans cause. Cela me gêne, je ne vous le cache pas – moins quand il s'agit de l'État, même si l'on pourrait, on l'a dit sur le monopole, améliorer son fonctionnement, en tout cas pour la Française des Jeux et le PMU – de penser que l'on va encourager des hommes et des femmes à jouer.
Car le marché va s'élargir. Vous ne pouvez pas nous dire, monsieur Censi, que l'on va se partager le marché restant, et que finalement il n'y aura pas plus de joueurs et pas plus de mises. Si c'est vrai, votre affaire est perdue sur le plan social, juridique et économique !
Le marché va évidemment s'élargir. Cela me gêne de penser – quels que soient les noms des personnes en question, là n'est pas le problème – que ces hommes et ces femmes vont profiter du jeu des autres, majoritairement, pour réaliser des bénéfices, qui n'apporteront rien à la collectivité.
À travers cette définition du jeu – c'est très exactement ce que nous voulons condamner – je préfère, puisque nous multiplions tous les citations littéraires, « les jeux de l'amour et du hasard » plutôt que ceux du hasard et du gain... (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Il est vrai, monsieur Gorce, que la définition rédigée par les Sénateurs pourrait susciter des interrogations.
Remet-elle en cause l'interdiction générale des jeux de hasard prévue par la loi de 1983 ? C'est en somme la question que vous posez, au-delà de vos calculs sur les intérêts privés – je ne reviendrai pas sur nos discussions de cet après-midi. Mais il n'en est rien, et il ne faut voir aucune malignité dans l'évolution du texte proposée par les sénateurs, et que j'approuve.
Il s'agit simplement de la transformation d'une base jurisprudentielle en une base légale, qui donne un peu plus de corps à l'interdiction générale et aux quelques exceptions prévues dans la loi de 1984. Nous devons accepter ce texte, qui ne remet pas en cause les principes que vous avez rappelés, et qui sont justes. Le texte précise ce qu'est l'interdiction globale des jeux de hasard en France. C'est très bien ainsi.
Avis défavorable.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 1er.
La parole est à M. Louis Giscard d'Estaing.
Je voudrais rappeler brièvement la séquence dans laquelle s'inscrit ce texte et les dispositions qui figurent déjà à l'article 1er.
La genèse de ce texte relève d'une approche de la Commission européenne. Le commissaire européen irlandais McCreevy avait estimé nécessaire, à l'époque, d'aborder le sujet des jeux en ligne au titre des dispositions générales de la législation européenne. Je trouvais cette interprétation tout à fait contestable, puisque la directive « Services » excluait explicitement les jeux de hasard et les paris du champ de compétences du droit européen.
Mais la question était ouverte, puisque la Commission européenne avait lancé un certain nombre d'avertissements concernant particulièrement la France, mais aussi d'autres pays de l'Union.
Une initiative fut alors prise au plan national afin d'engager un processus visant à inscrire notre droit dans une perspective de régulation des jeux transfrontaliers, c'est-à-dire des casinos qui ne sont pas pris « en dur » sur le territoire national.
Nous avons examiné le texte en commission des finances pendant l'été 2009, avant l'arrêt Santa Casa. M. Lamour a présenté le rapport, et nous avons examiné les amendements le 23 juillet 2009, avant que cet arrêt Santa Casa n'apporte un nouvel éclairage du droit européen sur le sujet.
Cet arrêt – vous l'avez rappelé tout à l'heure, monsieur le ministre – a le grand mérite de conforter le modèle français, dans la mesure où il s'appuie sur des causes d'intérêt général, conformément à la façon dont nous avions régulé nos propres secteurs, qu'il s'agisse des jeux hippiques, du secteur des jeux régulés par la Française des Jeux ou du secteur des casinos, soumis eux-mêmes à agrément – trois secteurs qui bénéficiaient déjà des agréments français. Que devions-nous faire pour mettre notre dispositif en conformité avec les perspectives européennes ? Telle est la question que posait l'arrêt Santa Casa, et nous en avons débattu lors de la première lecture.
J'avais émis des réserves sur plusieurs points.
D'abord, la question des paris à cote fixe, puisque nous avions le débat entre le pari mutuel et le pari à cote fixe. Cela peut engendrer, dans certains cas, un conflit d'intérêts entre l'opérateur et celui qui distribue le produit.
Ensuite, la question des paris en direct n'a pas été, à mon sens, traitée de manière tout à fait satisfaisante.
Enfin, des réponses ont été apportées par le Comité consultatif et par l'ARJEL.
Le sujet des redevances perçues par les collectivités où sont situés les hippodromes ou les casinos reste d'autre part important.
L'article 1er définit les objectifs d'une politique de régulation des jeux. Nous sommes dans une situation paradoxale.
Notre législation française reposait sur la notion de monopole, qu'il aurait fallu améliorer. On nous avait dit que nous faisions l'objet d'une pression bruxelloise pour ouvrir à la concurrence. Il est maintenant avéré que non seulement la Cour de justice européenne, avec le fameux arrêt Santa Casa, mais aussi la Commission européenne, par son évolution prenant en compte les débats au Parlement, et grâce à Michel Barnier, nouveau commissaire européen, ont infléchi leur philosophie de la régulation publique du jeu. Il n'existe plus de pression européenne pour libéraliser et ouvrir les jeux en ligne à la concurrence.
Le Comité pour les jeux responsables avait été mis en place par un prédécesseur de M. Baroin, M. Copé, alors ministre du budget. Au moment de la mise en place de ce COJER, M. Copé avait déclaré que le principal objectif de la politique publique en matière de jeux était de prévenir et de combattre l'addiction,, et que jamais le marché des jeux en ligne ne devrait être ouvert à la concurrence, car cela irait précisément à l'encontre de cette lutte.
Il n'est pas cohérent de prétendre d'un côté lutter contre l'addiction, et de l'autre d'ouvrir à la concurrence le marché des jeux en ligne.
C'est assez clair si l'on considère la fiscalité : on attend de cette ouverture des marchés une rentrée d'argent dans les caisses, alors que dans le même temps on baisse les taux de la fiscalité existante. Cela signifie bien que l'on s'attend à avoir plus de joueurs et une assiette plus large, qui rapportera plus d'argent.
Il s'agit donc d'un renversement total de la politique publique. Nous ne sommes plus du tout dans une philosophie orientée vers un jeu responsable, mais dans une politique qui s'appuiera sur une expansion du marché des joueurs et une augmentation des risques d'addiction.
Je suis saisi d'un amendement n° 32 .
La parole est à Mme Valérie Fourneyron.
Cet amendement vise à apporter une précision importante.
Nous proposons, à l'alinéa 2, de substituer aux mots : « le jeu excessif ou pathologique » les mots : « les risques inhérents au jeu et spécialement le risque d'addiction ».
En effet, pour parler de jeux excessifs ou pathologiques, il faudrait en donner une définition : ce n'est pas le cas. C'est plutôt l'usage excessif du jeu qui est pathologique, et qui est visé, et non l'inverse. Le jeu existe, ce jeu que Pascal qualifiait de « divertissement » ; il n'est ni bon, ni mauvais. Mais nous prenons par ce texte, aujourd'hui, la responsabilité d'augmenter la prévalence de l'ensemble des joueurs « addicts ». J'évoquais tout à l'heure des études réalisées par l'INSERM sur les joueurs dépendants aux jeux. Elles confirment qu'il y a bien souvent dans leur cas un vecteur d'addiction supplémentaire : 50 % de ces joueurs sont des buveurs excessifs et 60 % des tabagiques affirmés.
Le jeu en ligne n'est absolument pas le jeu de rêve dont certains parlent depuis le début du débat.
Notre amendement permet de revenir sur la responsabilité que nous prendrions en n'allant pas plus loin en matière de santé publique et en ne faisant pas l'effort d'appréhender l'ensemble des risques inhérents aux jeux.
Votre amendement, madame Fourneyron, est quelque peu déroutant.
À l'issue de la première lecture, je me souviens des souhaits de votre groupe, qu'exprimait un amendement déposé par Mme Delaunay, souhaits qui n'avaient pas été satisfaits alors. Sur le fond, le Gouvernement et les sénateurs, lors de la première lecture au Sénat, lui ont finalement donné raison.
Que disait alors Mme Delaunay ? « Il nous semble important de préciser les divers degrés qui conduisent à l'addiction, en substituant au terme « addiction » ceux de « jeux problématiques, d'addiction et de co-vulnérabilité. » Nous avions achoppé sur le terme « co-vulnérabilité, mais pour le reste la rédaction du Sénat lui donne raison. Et voilà que vous nous demandez maintenant de revenir au terme « addiction », au contraire de ce que vous désiriez lors de la première lecture. Mme Delaunay souhaitait préciser que le jeu problématique, le jeu excessif était le plus important à traiter dans le cadre des actions de prévention mises en place par les différents outils prévus dans la loi.
Je vous propose donc de retirer votre amendement, d'autant que d'autres amendements de cohérence viennent ensuite. Avis défavorable.
L'exposé des motifs de l'amendement me semble assez précis, puisque la définition d'un jeu excessif ou pathologique est très difficile.
Le comportement du joueur peut être à l'origine d'une pathologie, mais le jeu ne peut pas être en lui-même pathogène ou assimilé à une pathologie. La rédaction du texte du Sénat pose donc problème.
Indépendamment de nos discussions en première lecture, il est intéressant, non de prévenir ce type de jeu que l'on ne peut pas qualifier de manière satisfaisante, mais de prévenir les risques associés à cette pratique de jeu. Je pense que notre rédaction est, sur le plan juridique, plus satisfaisante.
(L'amendement n° 32 n'est pas adopté.)
Le Sénat a imaginé un Comité consultatif, dont les responsabilités ont été élargies. Il nous paraît important, au regard des sujets qu'il devra traiter, de garantir son indépendance. Nous voulons préciser que cette indépendance sera assurée par sa composition. Il importe de s'entourer d'un maximum de garanties.
Voilà des avis bien laconiques eu égard à l'importance du sujet. Alors que les différentes autorités qui encadrent la République sont de plus en plus soumises à la dépendance d'autorités politiques supérieures, j'ai du mal à comprendre pour quelles raisons vous refusez cet amendement d'une simplicité évidente. Soit quelque chose m'a échappé, soit j'ai raison, mais en tout état de cause, des explications s'imposent.
(L'amendement n° 34 n'est pas adopté.)
L'opposition va pallier le silence du Gouvernement !
On se plaint souvent que l'opposition est bavarde. Il se trouve qu'il en va de même de cette loi. Ne va-t-on pas jusqu'à demander au législateur de préciser qui doit assurer le secrétariat du comité ? Pour ma part, je considère que c'est aller un peu loin dans le détail. Pourquoi, dans cet élan, ne pas préciser aussi où seront situés ses locaux, le type de matériel qui lui sera affecté ainsi que le montant du budget dont il disposera ? Dans ces conditions, nous aurons effectué le travail qui revient au pouvoir réglementaire.
Dans un souci de simplification et pour ne pas se détourner du rôle du législateur, je propose de supprimer les dispositions qui précisent que le secrétariat est assuré par les services du Premier ministre.
Avec un tel article, nous donnerions une existence législative au secrétariat du Premier ministre ; je n'y vois pas d'inconvénient, mais en l'inscrivant dans la loi, nous sortons de notre rôle.
Monsieur le rapporteur, je vous invite à privilégier la qualité juridique du texte, plutôt que l'opportunité à le faire voter le plus rapidement possible, et donc à revenir sur une disposition qui n'y a pas sa place. S'il le faut, j'invoquerai les mânes de M. Mazeaud et d'autres présidents de cette Assemblée qui se seraient récriés au vu de semblables dispositions. Je fais à dessein référence à des personnalités qui ne siégeaient pas du côté gauche de l'hémicycle. En tout état de cause, jamais elles n'auraient accepté d'inscrire de tels détails dans une loi de la République.
Fort heureusement, monsieur le président, il a bon pied bon oeil !
Par voie d'amendement, j'ai, en première lecture, fait inscrire dans la loi le comité consultatif des jeux. L'objet de l'alinéa en question n'est pas d'instituer le secrétariat de ce comité, mais de préciser quelle est la marge de manoeuvre de ce dernier. Il importe notamment de préciser qu'il n'y a qu'une seule tutelle, celle du Premier ministre, ce qui implique un travail interministériel, transversal. C'est ce qui fait du comité l'outil indispensable au contrôle, à la surveillance et à l'observation de l'évolution des jeux en dur comme en ligne. Rassembler au sein d'une même entité un observatoire et un comité consultatif est une innovation. Nous ne nous inscrivons pas dans une logique d'autorité indépendante, mais dans celle d'un comité consultatif, auquel il faut donner les moyens de sa mission en le dotant d'une tutelle et d'un budget qui dépendent des services du Premier ministre. C'est ce qui fera la force du comité consultatif des jeux et c'est pourquoi nous devons en rester à la rédaction actuelle du texte.
Je peux admettre bien des choses et je comprends le souci du rapporteur, mais vous n'allez tout de même pas nous faire croire, mes chers collègues, qu'il faille donner une dimension législative aux services du Premier ministre ! Certes, nous pourrions en faire l'historique. Celui qui a créé les services du Premier ministre n'était autre que Léon Blum. J'en profite pour lui rendre hommage, car c'est aujourd'hui le soixantième anniversaire de sa disparition. Il fut le premier à réfléchir sur l'organisation gouvernementale et la nécessité de donner des moyens supplémentaires à Matignon et au Premier ministre. Il l'a écrit en 1919 après une expérience auprès de Marcel Sembat, et quand il devint président du Conseil en 1936, il a, avec l'aide de Jules Moch, constitué un premier secrétariat général du gouvernement et les premiers services du Premier ministre.
Pour autant, et même si j'interprétais cette disposition comme un hommage implicite et probablement involontaire rendu à Léon Blum, il est un peu fort de café que, pour de simples raisons d'urgence, l'on veuille nous faire voter une disposition qui donne une dimension législative aux services du Premier ministre.
Je me permets d'insister, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur. La bonne règle juridique nous invite à éviter d'aller aussi loin. Cela n'a pas de sens, ou alors il faudra légaliser les services de Bercy – j'aurais dû commencer par là, monsieur le ministre du budget –, de la place Beauvau, et ainsi de suite, pour s'assurer que chaque ministre disposera des services adéquats… Je regrette, mais cela relève de l'organisation des pouvoirs publics et de l'administration, donc de la responsabilité du chef de l'exécutif, en rien de celle du Parlement.
Il s'agissait bien sûr des services du président du Conseil, mais chacun aura rectifié.
(L'amendement n° 33 n'est pas adopté.)
(L'article 1er est adopté.)
À ce stade de la discussion, je demande, au nom de mon groupe, une suspension de séance, monsieur le président.
Article 1er
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-trois heures trente-cinq, est reprise à vingt-trois heures quarante-cinq.)
Sur l'article 3, plusieurs orateurs sont inscrits.
La parole est à Mme Valérie Fourneyron.
J'ai montré tout à l'heure, en défendant ma motion de renvoi en commission, que l'article échoue malheureusement à atteindre l'objectif rappelé par le ministre, et que nous partageons : empêcher les mineurs d'accéder aux opérateurs de jeux d'argent et de paris en ligne ainsi qu'à la publicité pour ces activités.
En effet, je l'ai dit, des sites comme Dailymotion ou Megavideo, que connaissent tous les adolescents familiers d'internet, renvoient à des sites de jeux et de paris en ligne faciles à utiliser, parfois au moyen de cartes prépayées. Ces sites sont donc accessibles aux mineurs. Par conséquent, l'article ne suffit pas à protéger ces derniers.
Dans sa rédaction actuelle, l'article n'interdit la publicité visant les mineurs que lors des événements qui leur sont spécifiquement destinés. Voilà pourquoi j'ai dit qu'il ne concernait que les événements pour les Bisounours. Or il est bien trop restrictif de limiter l'interdiction aux manifestations destinées aux seuls mineurs, car ceux-ci s'intéressent à d'autres événements et à d'autres sites internet.
Il faut donc absolument aller plus loin. C'est ce que nous vous proposerons par nos amendements, s'agissant en particulier de ce qui est susceptible de toucher les mineurs.
Vous l'avez compris, l'une des grandes craintes que nous inspire ce texte résulte des risques qu'il fait courir aux mineurs.
Le premier est lié à la publicité ; nous y reviendrons à plusieurs reprises. Certes limitée en certains lieux spécifiquement ouverts aux mineurs, elle pourra se répandre largement dans toute la société. La pression publicitaire s'exercera en particulier lors de la retransmission de matchs importants ou lors de la diffusion d'émissions qui les commentent ou les préparent.
Nous sommes d'autant plus inquiets que la manière dont les mineurs sont actuellement protégés n'est pas de nature à nous rassurer, bien que les pouvoirs publics et le Gouvernement prétendent qu'il s'agit de l'une de leurs principales préoccupations.
Je citerai l'exemple d'un document disponible sur le site Kuzeo.com et que mon collaborateur vient de me transmettre : il explique tranquillement, en toute légalité, comment un mineur peut jouer, le cas échéant à des jeux d'argent, peut-être sous la surveillance de ses parents, mais de telle sorte qu'une accoutumance peut naître. Ainsi voit-on fleurir ici ou là, notamment sur des sites destinés aux enfants ou aux jeunes, des publicités qui incitent à jouer et envisagent l'éventualité de gains, fussent-ils limités, préparant ainsi les joueurs de demain, avec toutes les conséquences que cela suppose.
Il ne s'agit pas de notre part d'une posture ou d'une tentative pour animer le débat : nous craignons véritablement les dangers que comporte ce dispositif et que la publicité va encore aggraver. Afin de rendre efficaces les moyens de protection des mineurs que nous instaurons, il faut donc les renforcer considérablement. Tel est le sens de tous les amendements que nous nous apprêtons à défendre.
« Spécifique » signifie « exclusif ». Or, comme l'a très bien dit Valérie Fourneyron, quels sont les événements exclusivement destinés aux jeunes dans une société où l'information connaît une diffusion sans précédent et où les manifestations s'adressent à différents publics ?
L'adjectif « spécifique » ne protégeant donc pas suffisamment les mineurs, nous proposons de le supprimer, afin d'étendre leur protection sous le contrôle de l'ARJEL, chargée, avec l'aide du juge, de vérifier que les publicités ne contreviennent pas au dispositif.
Monsieur Gorce, étendre la protection reviendrait à interdire tout type de publicité.
Le terme « spécifique » vise à limiter l'interdiction aux événements spécifiquement réservés aux mineurs. Dans le cas d'un événement auquel participeraient des personnes majeures et un ou deux mineurs, votre proposition entraînerait d'interminables contentieux.
Voici un exemple d'événement spécifiquement destiné aux mineurs : les camps d'été, exclusivement réservés aux mineurs, ne pourront bénéficier de sponsoring ou de publicité générés par un site de paris sportifs ou de poker en ligne.
L'adjectif « spécifique » doit donc demeurer inscrit dans la loi. Avis défavorable. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
(L'amendement n° 35 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 38 .
La parole est à M. Christian Hutin.
L'alinéa 3 de l'article nous semble particulièrement insuffisant : le joueur doit simplement indiquer sa date de naissance lors de son inscription. Mme Morano évoquait cet après-midi un sujet bien plus grave, la pédophilie : dans ce dernier cas, à l'inverse, des adultes se font facilement passer pour des enfants.
Notre proposition est beaucoup plus sérieuse que la rédaction actuelle du texte, à la mesure de ce qu'exige une telle loi : il s'agit d'identifier strictement le joueur, tenu de produire sa carte d'identité, son relevé d'identité bancaire, une déclaration sur l'honneur manuscrite et une preuve de domiciliation. Le courrier postal est également un moyen plus sérieux. Ce dispositif justifié empêcherait un certain nombre de gamins de jouer.
Ces mesures nous paraissent donc indispensables : lorsque les conséquences sont potentiellement si graves, comment se contenter de messages d'avertissement et de simples déclarations de date de naissance ?
Même avis.
L'amendement est, pour l'essentiel, déjà satisfait par le premier alinéa de l'article 12, aux termes duquel l'opérateur s'assure de l'identité de chaque nouveau joueur, de son âge, de son adresse et de l'identification du compte de paiement sur lequel sont reversés ses avoirs.
Voici en outre un extrait du pré-décret actuellement en préparation et qui sera publié en cas de vote conforme : « Toute personne sollicitant l'ouverture d'un compte joueur auprès d'un opérateur agréé de jeux en ligne communique à ce dernier, dans un délai maximal d'un mois à compter de la demande d'ouverture dudit compte, la copie d'une carte nationale d'identité, d'un passeport ou d'un permis de conduire justifiant de son identité et de sa date de naissance et un document portant référence du compte de paiement mentionné au 1° du I et attestant que ce compte est ouvert à son nom. »
Nous apportons donc toutes les garanties permettant d'identifier un joueur qui ouvre un compte.
Sur le vote de l'amendement n° 38 , je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Gaëtan Gorce.
Nos inquiétudes viennent justement, entre autres, de l'article 12 auquel le ministre vient de faire référence, et qui, dans son alinéa 4, permet à l'opérateur agréé de proposer au joueur, de manière provisoire, une activité de jeu d'argent ou de pari en ligne avant vérification des éléments mentionnés au premier alinéa. Cette vérification, et celle de la majorité du joueur, conditionnent toutefois la validation du compte joueur et la restitution de son éventuel solde créditeur.
En d'autres termes, pendant un mois, puisque tel est le délai mentionné dans le projet de décret, un mineur peut s'immiscer dans le dispositif et se livrer au jeu. Les conséquences de cette éventualité mériteraient d'ailleurs d'être précisées : selon la rédaction actuelle, si je ne me trompe, le joueur qui aura gagné sera privé de ses gains s'il est mineur, alors que l'opérateur qui aura accepté son inscription conservera ses mises s'il a perdu. Nous devrons clarifier cette situation lorsque nous examinerons l'article 12 ; je serais rassuré que mon interprétation soit inexacte.
Quoi qu'il en soit, le texte ouvre en quelque sorte une fenêtre de tir ; or on dit souvent que c'est la première mise qui compte. Pourquoi donc cette disposition temporaire, pourquoi cette exception d'un mois qui permet de déroger à des mesures dont vous avez vous-même souligné qu'elles étaient essentielles à la protection des mineurs ?
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'amendement n° 38 .
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 43
Nombre de suffrages exprimés 43
Majorité absolue 22
Pour l'adoption 13
Contre 30
(L'amendement n° 38 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 28 .
La parole est à M. Philippe Boënnec.
Certes, cet article porte sur la protection des mineurs. Mais mon amendement tend plus largement à protéger les joueurs.
Je ne le cache pas, un point me gêne quelque peu. Il concerne les tournois de poker qui se déroulent aujourd'hui, en France, dans des hôtels, dans des salles, voire dans des arrière-salles – et pourquoi pas jusque dans l'Assemblée ?
Il faudrait réserver l'exclusivité de ces événements aux casinos « en dur », et ce pour deux raisons qui me paraissent essentielles. J'aimerais que le Gouvernement me réponde sur ce point.
Premièrement, les casinos, dont l'exploitation résulte d'une délégation de service public des communes, reçoivent un agrément du ministère de l'intérieur ; vous le savez, monsieur le ministre. Il s'agit en outre de mesures dérogatoires, puisque, à ce niveau, les jeux sont interdits en France, sauf dérogation.
En outre, dans ces casinos, les joueurs – je ne parle pas des mineurs – ont affaire à un personnel formé…
… et des contrôles sont assurés par des inspecteurs présents en permanence. De plus, il existe des chartes de lutte contre les conduites addictives ; ceux qui jouent de manière incontrôlée peuvent même être pris en charge à ce titre.
Deuxièmement, les jeux en ligne mettent actuellement à mal les casinos en dur. Vous savez que, conformément à l'amendement Chaban-Delmas, ces casinos ne sont autorisés que dans les stations touristiques classées. Or le prélèvement municipal sur le produit des jeux – je ne parle pas du prélèvement de l'État – subit aujourd'hui des chutes vertigineuses. De sorte que notre tourisme national de bonne gamme, voire de haut de gamme, est en chute libre, avec ce que cela implique pour la richesse nationale et les emplois, monsieur le ministre du budget.
À mes yeux, il est indispensable de donner l'exclusivité de l'organisation de ces tournois de poker aux casinos, ce qui permettra d'aider les collectivités locales et d'assurer une surveillance.
Je vous demande donc d'accepter cet amendement.
Monsieur le député, votre amendement est satisfait. La loi de 1983 et l'arrêté du 14 mai 2007 prévoient que seuls les casinos peuvent accueillir des tournois de poker payants.
Je reconnais toutefois que des tournois de poker sont organisés de manière illégale en dehors des casinos. Il importe de lutter contre ces pratiques exceptionnelles, mais les dispositions actuelles le permettent.
Je vous propose donc de retirer votre amendement.
Monsieur Boënnec, comme M. le rapporteur, nous considérons qu'en l'état actuel du droit, votre amendement est satisfait. Seuls les casinos sont en droit d'organiser des tournois de poker payants, impliquant des frais de participation et un contrôle des parties. Par définition, tous les tournois se déroulant en dehors de ces lieux sont illégaux et le cadre actuel de la législation nous permet d'engager des poursuites, sous l'autorité du ministre de l'intérieur, pour mettre un terme à ces pratiques.
Il est donc tout à fait légitime de vouloir préserver une activité encadrée et limitée, exercée par des sociétés ayant pignon sur rue, cotées en bourse, dont les comptes sont placés sous une surveillance beaucoup plus étroite qu'il y a vingt-cinq ou trente ans.
Monsieur le président, j'interviens pour deux raisons.
M. Marleix m'a fourni la première puisque ma nouvelle circonscription compte un casino, ce qui n'était pas le cas de l'ancienne. (Sourires.)
J'ajoute que comme deux circonscriptions ont été fondues en une, nous sommes deux pour un casino, ce qui est plus compliqué qu'il n'y paraît.
Deuxièmement, en tant que père d'enfants d'une vingtaine d'années, je sais que des tournois de poker sont d'ores et déjà organisés dans des salles des fêtes ou par des associations privées.
Je vais oser une comparaison sans doute excessive : dans les boîtes de nuit ou dans les cafés, on est censé ne pas servir d'alcool aux moins de seize ans et ne pas leur vendre des cigarettes. Dans le secteur associatif, plus libre et beaucoup moins surveillé, il n'est pas évident qu'un réel contrôle s'exerce sur le jeu des mineurs, problème qui renvoie à l'article précédent.
Sans allonger les débats, monsieur le président, j'aimerais revenir sur ce sujet important. Certes, monsieur le rapporteur, la législation existe mais vous savez bien que les tournois dont je parle sont retransmis à la télévision ! Si le Gouvernement affirme qu'il va faire appliquer la loi, je veux bien retirer mon amendement, mais il faut qu'il le fasse !
Je voudrais d'abord saluer l'immense effort accompli par un député de la majorité qui a déposé un amendement, et déplorer dans le même temps qu'il ait dû faire un tout aussi grand effort pour le retirer, car cela constituait un véritable événement dans ce débat. Nous sommes désolés, monsieur Boënnec, que vous n'ayez pas été davantage suivi par vos collègues. Notre discussion aurait pris une autre tournure.
Vous avez d'autres amendements, nous aurons donc l'occasion d'en discuter à nouveau.
Saluons votre sens de l'initiative, même si vous créez le désordre au sein d'une majorité à laquelle il a été dit que le débat ne devait pas porter sur trop de sujets.
L'article 4 bis concerne la réglementation de la publicité, notamment, mais pas seulement, pour ce qui concerne les mineurs. Nous touchons un point extrêmement sensible du texte sur lequel M. Censi et M. le rapporteur ont tenté tour à tour de nous rassurer.
Rappelons tout de même la logique du projet de loi.
Vous êtes en train de nous dire que l'on change tout pour ne rien changer. Vous prétendez que vous mettez de l'ordre là où il y avait du désordre, la suppression des lois de régulation – qui sont plutôt des lois d'interdiction – étant censée aboutir à une meilleure organisation. Le raisonnement est un peu sophistiqué mais c'est bel et bien celui que l'on nous tient.
Mais tout repose au fond sur la logique économique. Certains opérateurs ont décidé d'entrer de manière régulière sur le marché et comme on veut leur éviter les tracas, on va les encourager à y entrer sans leur infliger de sanctions au titre de leurs activités précédentes. Une fois rentrés, alors qu'ils seront soumis à la concurrence, y compris celle d'organismes publics, ils devront se faire connaître, notamment pour éliminer la concurrence qui pourrait venir du côté privé. Tous disent – ce que soulignait M. Perruchot en parlant d'opportunité – que cette possibilité est offerte non pas à une cinquantaine ni même à une dizaine d'opérateurs mais à trois ou quatre seulement. La compétition est donc engagée pour se partager le marché. Nous assisterons à une forme de cartellisation : en plus de la Française des jeux et du PMU, nous aurons BetClic, Bwin ou d'autres. En fait, je n'aurai pas dû leur faire de publicité en les citant, ce qui prouve quand on est vite rentrés dans le jeu... C'est cette publicité qui leur permettra de faire leur place sur ce marché et de se partager ensuite les bénéfices qu'il peut générer.
Or c'est cette publicité qui est dangereuse, car elle charrie tous les risques associés à la pratique du jeu. Dès lors qu'il y a publicité, par définition, les jeux en ligne sont mieux connus alors qu'aujourd'hui il faut pour les connaître avoir fait certaines démarches. Dès lors qu'il y a publicité, il y a un encouragement fort à jouer car la publicité n'est en général pas présentée de manière à ne pas inciter à pratiquer l'activité présentée. Dès lors qu'il y a encouragement fort à jouer, il y a des risques liés à l'addiction et des menaces qui pèsent sur les mineurs.
Enfin, il y aura confusion des genres entre la publicité, l'information et l'événement lui-même. C'est un problème dont il nous faudra discuter.
La publicité va forcer le passage et ce faisant, elle développera la consommation et le marché des jeux, par conséquent elle accroîtra les risques vis-à-vis des mineurs comme de nos concitoyens en général.
Cet article 4 bis est la vraie raison de l'urgence de l'examen de ce texte. Il s'agit de se donner la possibilité d'étendre la publicité afin d'accroître l'offre et le nombre des parieurs sur les jeux en ligne dans la perspective de la Coupe du monde de football.
Ces jeux en ligne, nous le répétons inlassablement, sont source d'addiction, au même titre que l'alcool ou le tabac, mais avec une différence notable : l'addiction au jeu est fortement proportionnelle à l'offre. Nous estimons, pour notre part, que les restrictions en fait de publicité applicables au tabac et à l'alcool devraient aussi s'appliquer aux jeux en ligne.
Permettez-moi, à cet égard, de citer le rapporteur : « La publicité pour les jeux ne peut être interdite totalement, comme il a été fait pour le tabac. La publicité sera, en effet, l'outil privilégié de promotion de l'offre légale »… C'est donc bien l'outil de promotion d'une offre qui conduira à une addiction supplémentaire !
Vous êtes contraints à des compromis en matière de santé publique et de protection des mineurs pour protéger les opérateurs de jeux en ligne.
La vérité, c'est que le Gouvernement est favorable à la publicité. Il l'encadre a minima,car il souhaite la multiplication des contrats entre opérateurs de paris en ligne, radios et télévisions et entend faire en sorte qu'il n'y ait pas seulement un match entre le PSG et l'OM mais un match entre Bwin et BetClic afin que ceux se répartissent un maximum de parts de marché.
La publicité est au coeur du débat de ce soir. D'après le Gouvernement, l'enjeu du projet de loi serait d'assécher l'offre illégale au profit d'une offre légale. Mais pour les opérateurs, le véritable intérêt est le marché publicitaire qui, au Royaume-Uni, est évalué à 7 milliards d'euros. Il s'agit donc d'un énorme marché et les enjeux sont considérables car beaucoup de monde aura intérêt à son développement.
Le marché publicitaire traditionnel s'est réduit avec la crise. Il y aura donc beaucoup d'acteurs qui auront intérêt à décliner la publicité sur différents supports. Or, plus il y aura de publicité, plus il y aura d'incitation à jouer et plus il y aura d'addiction.
Nous sommes là encore devant une contradiction entre, d'une part, un texte qui prétend réguler et, d'autre part, ses effets concrets, parmi lesquels l'augmentation du nombre de joueurs.
Cela concerne au premier chef les mineurs qui sont soumis davantage que les adultes à la pression publicitaire car ils ont moins d'outils pour y résister ; mais cela concerne l'ensemble de nos concitoyens.
Ce n'est pas le modèle de société que – sur tous les bancs, je pense – nous souhaiterions voir se développer. Cela va entraîner des risques en termes d'addiction et de surendettement.
Il convient donc de limiter au maximum la publicité pour les jeux en ligne. C'est le sens de tous les amendements que nous avons déposés à l'article 4 bis.
Monsieur le président, je ne peux laisser mes collègues développer de tels arguments, dont ils savent d'ailleurs qu'ils sont malhonnêtes.
Vous évoquez, madame Filippetti, un marché publicitaire de 7 milliards d'euros – chiffre extraordinaire ! Prenons l'exemple des paris sportifs de la Française des jeux qui, avec 36 000 points de vente, génèrent un chiffre d'affaires de 850 millions d'euros. De ce total, le chiffre d'affaires des paris en ligne représente au maximum 15 %, autrement dit moins de 100 millions d'euros, sur lesquels l'opérateur récupérera 3 % à 4 %. Dans ces conditions, évoquer des sommes aussi importantes, c'est vraiment se moquer du monde.
Quant au nombre de joueurs en ligne, il faut savoir que, comparé au nombre de joueurs qu'implique les 36 000 points de vente physiques, il sera minime : la procédure pour entrer sur les sites internet est longue, suppose de montrer patte blanche et de disposer d'un compte.
Parlons donc de la réalité, c'est la meilleure façon de pouvoir l'encadrer.
Afin de satisfaire à des considérations techniques qui ne l'ont pas été lors de la précédente interruption de séance, je demande une brève suspension de séance.
Article 4 bis
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue le mercredi 31 mars 2010 à zéro heure quinze, est reprise à zéro heure dix-sept.
La séance est reprise.
Nous en venons à l'amendement n° 6 .
Sur le vote de cet amendement, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir cet amendement.
Monsieur le ministre, avant de défendre l'amendement n° 6 , je tiens à vous remercier pour votre commentaire sur Stefan Zweig dont vous avez su dégager, au-delà de l'aspect littéraire, la signification philosophique.
Je me prenais à rêver d'un Conseil des ministres au cours duquel aurait lieu une confrontation littéraire entre... – ils ne seraient pas nombreux à pouvoir le faire – François Baroin, François Fillon et Frédéric Mitterrand, rappelant les accents des débats qui ont eu lieu ici entre Barrès et Jaurès. À la différence que, dans cette auguste assemblée qu'est le conseil des ministres, plus de la moitié de l'assemblée dormirait au bout d'une demi-heure. Mais heureusement, grâce à la Rolex présidentielle, tout le monde se réveillerait ensuite !
J'en viens à mon amendement.
L'autorisation de la publicité pour les opérateurs de jeux et de paris en ligne est présentée par le Gouvernement et par notre rapporteur comme une arme fatale contre l'offre illégale – on voit Jean-François Lamour avec son sabre !
La logique est la suivante : puisque nous ne pouvons agir efficacement contre l'offre illégale, ouvrons donc le marché des jeux à la concurrence et permettons aux opérateurs agréés de faire de la publicité pour toucher les joueurs potentiels et les détourner des sites illégaux, qu'on espère ainsi assécher.
Cet aveu de l'impuissance des pouvoirs publics dans la lutte contre les sites illégaux est en soi révélateur, dans la mesure où il s'agit de l'une des raisons d'être de ce projet… Mais surtout c'est un curieux paradoxe pour les décideurs politiques que de vouloir, sous couvert de protéger les joueurs, les détourner de l'offre illégale, et les exposer à une publicité massive qui les incitera à se tourner vers une offre pléthorique de jeux en ligne, tout aussi dangereuse pour la santé publique mais drapée dans la légalité.
Souvenons-nous du débat sur HADOPI : vous étiez moins modestes. Vous aviez moins de doutes quant à votre aptitude à juguler. Mais ici, vous capitulez.
Est-il besoin de rappeler que les opérateurs réinvestissent 50 % de leur chiffre d'affaires dans des stratégies commerciales de grande envergure ? À qui, mis à part l'annonceur, profitera cette manne publicitaire ? Aux groupes de presse, dont on connaît bien les principaux propriétaires ou actionnaires, et en premier lieu aux médias audiovisuels.
En fait, sous couvert de protéger l'ordre public et la santé publique, on voit bien la logique mercantile du projet. Il contribuera à propulser un marché déjà structuré par de très grands groupes, en leur ménageant des conditions optimales pour leur développement sur le territoire français, et en permettant leur concentration à long terme. Le risque est grand de voir se constituer un secteur monopolistique privé des jeux de hasard et d'argent.
Face à cette hypocrisie chevillée d'irresponsabilité qui s'épanouit dans une logique de court terme propre au capitalisme financier, nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter cet amendement visant à interdire toute communication commerciale, à l'exception de la Française des Jeux et du PMU.
Monsieur Brard, il est vrai que le choix d'offrir aux opérateurs agréés une capacité d'accès à la publicité sous un certain nombre de formes, en l'interdisant par exemple aux mineurs, est l'un des piliers de la loi. (À ce moment, M. Tian entre dans l'hémicycle.)
Cela permettra, d'une part, aux opérateurs agréés d'avoir une marge de manoeuvre suffisante pour proposer une offre légale, contrairement aux opérateurs illégaux qui continueront à être bloqués par l'autorité de régulation, la justice et les fournisseurs d'accès et, d'autre part, de valoriser l'acceptation d'un certain nombre de contraintes.
Il est surprenant de vous voir proposer l'interdiction de la publicité, sauf à la Française des Jeux et au PMU. Il y a là une rupture d'égalité des opérateurs face à la publicité qui entraînerait immédiatement des contentieux. Or tous les opérateurs de jeux en ligne sont sur la même ligne de départ.
C'est parce que le présent projet de loi permettra de proposer une offre légale et d'en faire la promotion, même si celle-ci est contrainte, que j'émets un avis défavorable.
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'amendement n° 6 .
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 76
Nombre de suffrages exprimés 76
Majorité absolue 39
Pour l'adoption 34
Contre 42
(L'amendement n° 6 n'est pas adopté.)
Monsieur le président, une fois encore nous venons d'assister à un épisode assez amusant mais qui finit, par sa répétition, à ne plus être drôle.
On vient de le voir, les passionnés du jeu se réveillent assez tardivement, surtout sur les bancs de la majorité. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Mais criez donc, puisque c'est votre mode d'expression !
Monsieur le président, je vous ai observé. Vous étiez vous-même en train de compter. Or en tant que président de séance, vous présidez pour toute l'Assemblée. Vous voir compter, en relation avec le groupe UMP, pour savoir si une majorité est acquise et si vous pouvez passer au vote, voilà qui est aussi scandaleux que ce à quoi nous avons assisté cet après-midi. (Protestations sur les bancs du groupe UMP – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Je mets en cause la présidence dans son comportement ! Ce ne sont pas des façons de faire fonctionner cette assemblée. Cela fait deux fois dans la journée !
Mes chers collègues de la majorité, jouez les carpettes, amusez-vous à ce jeu de tapis !
Je me souviens d'une citation de François Mitterrand qui parlait de ces journalistes qui ne se plaisent qu'au saut du lit. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Si vous ne vous plaisez qu'au saut du lit, continuez ! Laissez ces institutions s'abaisser ! Laissez un président sans règle ni loi continuer à faire fonctionner la République en faisant augmenter le nombre de voix du Front national et progresser l'abstention, et vous aurez gagné la partie… Pour notre part, nous n'acceptons pas le comportement que nous avons déjà vu cet après-midi.
Il est indigne, indécent, ridicule, absurde, stupide et il nuit aux institutions et à l'esprit de cette République.
Je n'accepte pas une assemblée où l'on traite les députés de cette manière, où un président oublie la fonction qui est la sienne. Vous n'êtes pas impartial dans ce débat.
Je ne vous permettrai pas de dire cela ! C'est sans aucun fondement ! Je dirai même que c'est cocasse !
La parole est à M. Jean Leonetti, pour un rappel au règlement.
Mon rappel au règlement est fondé sur l'article 58.
Je demande que l'on reste dans la décence des mots et que l'insulte n'arrive pas par tombereaux. M. Gorce nous a habitués à des réflexions, à des débats quelquefois vifs mais qui n'aboutissaient jamais à l'insulte.
Nous sommes en deuxième lecture. Nous évoluons tranquillement vers un vote conforme qui ne mérite pas tant de haine ni tant d'invectives.
Ce n'est pas le vote qui pose problème, c'est la manière ! N'abaissez pas le Parlement !
Monsieur Gorce, nous nous sommes connus dans des débats d'un autre niveau. Vous ne faites pas honneur à ce que vous êtes ni au groupe que vous représentez.
Je demande donc une suspension de séance d'une minute pour que chacun reprenne ses esprits et que les paroles reviennent au niveau où elles doivent être ici. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je vais accéder à votre demande, monsieur Leonetti, et même plus, puisque je vais lever la séance.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Suite de la discussion du projet de loi, modifié par le Sénat, relatif à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne.
La séance est levée.
(La séance est levée à zéro heure trente.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma