J'en viens à mon amendement.
L'autorisation de la publicité pour les opérateurs de jeux et de paris en ligne est présentée par le Gouvernement et par notre rapporteur comme une arme fatale contre l'offre illégale – on voit Jean-François Lamour avec son sabre !
La logique est la suivante : puisque nous ne pouvons agir efficacement contre l'offre illégale, ouvrons donc le marché des jeux à la concurrence et permettons aux opérateurs agréés de faire de la publicité pour toucher les joueurs potentiels et les détourner des sites illégaux, qu'on espère ainsi assécher.
Cet aveu de l'impuissance des pouvoirs publics dans la lutte contre les sites illégaux est en soi révélateur, dans la mesure où il s'agit de l'une des raisons d'être de ce projet… Mais surtout c'est un curieux paradoxe pour les décideurs politiques que de vouloir, sous couvert de protéger les joueurs, les détourner de l'offre illégale, et les exposer à une publicité massive qui les incitera à se tourner vers une offre pléthorique de jeux en ligne, tout aussi dangereuse pour la santé publique mais drapée dans la légalité.
Souvenons-nous du débat sur HADOPI : vous étiez moins modestes. Vous aviez moins de doutes quant à votre aptitude à juguler. Mais ici, vous capitulez.
Est-il besoin de rappeler que les opérateurs réinvestissent 50 % de leur chiffre d'affaires dans des stratégies commerciales de grande envergure ? À qui, mis à part l'annonceur, profitera cette manne publicitaire ? Aux groupes de presse, dont on connaît bien les principaux propriétaires ou actionnaires, et en premier lieu aux médias audiovisuels.
En fait, sous couvert de protéger l'ordre public et la santé publique, on voit bien la logique mercantile du projet. Il contribuera à propulser un marché déjà structuré par de très grands groupes, en leur ménageant des conditions optimales pour leur développement sur le territoire français, et en permettant leur concentration à long terme. Le risque est grand de voir se constituer un secteur monopolistique privé des jeux de hasard et d'argent.