Le pire serait d'ailleurs de ne rien faire et de laisser le marché en l'état, avec une offre illégale qui est aujourd'hui pléthorique et qui a vocation à se développer si nous ne légiférons pas. Que vous le vouliez ou non, ce marché se développera, j'en suis convaincu. La majorité a fait le choix d'encadrer et de réguler ce développement, pas l'opposition.
Au-delà de la contrainte calendaire, j'aimerais souligner ce soir les améliorations apportées à ce texte par nos collègues sénateurs. Elles recouvrent trois des exigences que le Nouveau Centre avait formulées afin que soit garanti le principe d'une ouverture maîtrisée des jeux d'argent et de hasard en ligne.
Première exigence : le renforcement de la protection des joueurs.
Sur ce point, nos collègues sénateurs ont notamment renforcé l'autorité du Comité consultatif des jeux, sous l'autorité du Premier ministre, et élargi son champ de compétences, puisque l'observatoire des jeux pourra désormais émettre des avis sur l'ensemble des questions relatives à ce secteur et sur l'information du public concernant les dangers du jeu excessif.
Je vous rappelle que ce comité est institué auprès des ministres du budget, de l'intérieur et de l'agriculture, qu'il est chargé de « centraliser les informations en provenance des autorités de contrôle et des opérateurs de jeux et d'assurer la cohérence des régulations au regard des objectifs généraux » et qu'il apparaît ainsi comme un des points forts de l'ouverture « maîtrisée » du marché des jeux en ligne.
L'élargissement de son champ de compétence constitue donc une avancée majeure.
Notre deuxième exigence résidait dans le renforcement de la lutte contre la fraude et les opérateurs illégaux et la responsabilisation des futurs acteurs du marché. Sur ce point, les sénateurs ont notamment renforcé l'indépendance de l'ARJEL, où les opérateurs ne seront plus représentés et dont il sera encore plus difficile de remplacer les membres. De plus, l'ARJEL aura désormais la capacité de refuser un octroi d'agrément à un opérateur qui s'avérerait incapable de mettre en oeuvre des moyens efficaces de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, ainsi que des moyens efficaces de lutte contre l'addiction. Enfin, dans le but de réduire les risques d'utilisation de ce nouveau marché pour le blanchiment d'argent, les opérateurs seront soumis aux mêmes obligations de contrôle interne et de déclaration TRACFIN que les casinos physiques. Reste néanmoins le problème des opérateurs établis à l'étranger, qui pourront se soustraire à cette mesure, ce qui pose la question de son efficacité contre le blanchiment. J'aimerais que vous puissiez nous éclairer sur ce point, monsieur le ministre.
Enfin, au terme du débat, les sénateurs ont maintenu le rôle du juge dans le processus de blocage des sites Internet non homologués. Le président de l'ARJEL pourra ainsi saisir le tribunal de grande instance pour qu'il ordonne aux fournisseurs d'accès à Internet de bloquer l'accès aux sites de jeux d'argent qui n'auraient pas reçu l'autorisation d'exercer auprès des internautes français ainsi, éventuellement, que leur déréférencement. Il s'agit d'une avancée très significative par rapport aux dangers et dérives qui pourraient apparaître après l'adoption de ce texte.
Le fait que l'ARJEL puisse saisir le tribunal de grande instance pour bloquer un site permettra de renforcer l'efficacité, mais aussi la crédibilité de la procédure, en désignant une juridiction qui dispose de réels moyens et d'une expérience confirmée de ces mesures d'urgence : c'est, là encore, une avancée majeure dans la lutte contre les opérateurs illégaux.
La troisième exigence que nous avions formulée consistait en la préservation de la filière équine et la pérennité de son financement. Nombreux sont les parlementaires qui se sont montrés sensibles à la préservation de la filière équine qui représente, je vous le rappelle, entre 70 000 et 90 000 emplois directs. Certains de nos collègues sénateurs ont ainsi soutenu l'idée d'une diminution de la taxation des paris hippiques, compensée par une hausse équivalente de celle des paris sportifs, afin de compenser l'éventuelle perte de compétitivité des paris hippiques – je vois que notre collègue Myard, très attentif à cette question, approuve la disposition que j'évoque.
Bien que les députés du Nouveau Centre soient attachés au principe d'égalité de traitement entre les différents types de jeu, il nous semble en effet indispensable de veiller à la pérennité du financement de cette filière. Sur ce point, nous avons été entendus, puisque le ministre du budget a indiqué qu'il serait possible de retravailler sur les taux après l'entrée en vigueur de la loi et qu'il a également accepté d'inclure l'examen de l'évolution du financement de la filière équine dans la clause de revoyure prévue dix-huit mois après l'entrée en vigueur de la loi.
Bien évidemment, mes chers collègues, tout n'est pas parfait dans la rédaction de ce texte, puisque cette loi concerne uniquement les opérateurs, les sites et les joueurs français, ce qui pose le problème de leur localisation, avec les problèmes technologiques que cela implique. Mais comment en serait-il autrement, alors même que le marché qu'il convient de réguler est par nature déterritorialisé, puisqu'il s'agit d'un marché en ligne ?
Je crois néanmoins que nos deux chambres ont apporté de nombreuses améliorations au projet de loi, notamment en matière de protection des joueurs, de lutte contre l'addiction et de lutte contre la fraude. Surtout, je crois que nous devons aujourd'hui impérativement faire preuve de bon sens en votant en faveur de ce texte, conformément à sa rédaction actuelle, afin d'accélérer sa mise en oeuvre et, par là même, lutter au plus vite contre le fléau des opérateurs illégaux, qui pourraient bien évidemment profiter de la Coupe du monde pour prendre un avantage significatif sur ce marché.