La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
Mes chers collègues, je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation de la Chambre des Députés de la République fédérative du Brésil, conduite par son président, Michel Temer. (Mmes et MM. les députés ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)
La parole est à Mme Marie-Hélène Amiable, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Madame la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, jeudi dernier, le PDG d'EDF demandait une hausse de 20 % des tarifs de l'électricité. Cumulée à l'augmentation envisagée pour l'utilisation des réseaux publics, elle aboutirait à une hausse d'un tiers de la facture des usagers, ce qui serait insupportable dans le contexte difficile que connaissent les particuliers, mais aussi les entreprises de notre pays.
Comment jugez-vous cette annonce, faite au lendemain de la clôture d'un emprunt par lequel les Français ont été précisément appelés à soutenir EDF ? Le changement de statut d'EDF n'était-il pas censé garantir ses besoins de financement ? N'aviez-vous pas soutenu que la déréglementation du secteur aboutirait à la baisse des tarifs ?
Pourquoi ne rappelez-vous pas que, selon la loi, ce n'est pas au PDG d'EDF qu'il revient de fixer les évolutions tarifaires, mais au Gouvernement, sur proposition de la Commission de régulation de l'énergie ?
Pourquoi ne précisez-vous pas que, d'après le contrat de service public passé avec EDF, jusqu'en 2010, l'évolution des tarifs aux particuliers ne peut être supérieure à l'inflation, donc à 0,4 % en 2009 ?
Sachant que ce contrat n'a toujours pas fait l'objet du rapport triennal qui doit être transmis au Parlement, pouvez-vous nous garantir que vous n'êtes pas en train de procéder à une renégociation destinée à remettre en cause ce principe ainsi que celui du tarif réglementé ? Il serait évidemment impensable que la représentation nationale soit écartée d'un processus qui tendrait à faire disparaître le peu qui reste du service public de l'électricité.
Avec les organisations syndicales, nous vous demandons d'organiser un grand débat qui permette de garantir que l'évolution des tarifs sera liée, non pas aux investissements hasardeux qu'EDF a faits à l'étranger sous la pression d'actionnaires auxquels sont affectés l'essentiel des bénéfices, mais à des investissements pertinents sur le long terme, destinés à améliorer le service public et l'emploi et à développer la recherche sur les énergies nouvelles. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Madame la députée Marie-Hélène Amiable, permettez-moi de préciser trois points.
Tout d'abord, ainsi que vous l'avez rappelé, les hausses tarifaires sont décidées conjointement par le ministre de l'énergie et celui de l'économie après avis de la CRE. À ce stade, le Gouvernement n'a pris aucune décision et la Commission de régulation de l'énergie n'est saisie d'aucune demande.
Ensuite, je rappelle que les tarifs de l'électricité actuellement pratiqués en France sont inférieurs d'environ 15 % à 30 % à ceux pratiqués chez nos voisins de l'Union européenne. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
J'ajoute que nous avons mis en place un tarif social de l'électricité, qui permet de répondre aux besoins des ménages les plus démunis.
Enfin, et c'est un point fort important, quelle que soit la stratégie de développement d'EDF, notamment sa stratégie internationale, les hausses tarifaires concernant l'électricité consommée par les Français seront fondées sur les coûts supportés au titre de l'électricité produite en France, c'est-à-dire liés à la distribution, à la mise à niveau des équipements nécessaires et aux réponses technologiques que nous devons apporter au pic tarifaire. La réponse est donc très claire : les tarifs ne seront augmentés qu'à concurrence de l'augmentation des coûts nécessaires à la production de l'électricité en France. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Dino Cinieri, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, mardi 7 juillet, à vingt-deux heures trente, de violents incidents ont éclaté dans le département de la Loire, principalement dans divers quartiers de la ville de Firminy.
Si j'ai souhaité intervenir aujourd'hui, c'est avant tout afin de réhabiliter l'image de ma commune, Firminy, d'ordinaire une ville accueillante, attractive, chaleureuse, où il fait bon vivre, une ville populaire, ouvrière certes, mais dont les valeurs de respect et de solidarité sont les véritables symboles de toute une population.
Malheureusement, cet équilibre vertueux a été rompu, mercredi dernier, par le décès tragique d'un jeune homme qui venait d'être interpellé et placé en garde à vue – un événement dramatique qui engendra un déferlement de violence et de haine qui ne peut être toléré et que les habitants de la commune et moi-même condamnons avec la plus grande fermeté,
Au nom des Appelous, je tiens sincèrement à vous remercier, monsieur le ministre, ainsi que les services de la préfecture de la Loire, la magistrature, les services de police, le corps des sapeurs pompiers, les services municipaux qui ont oeuvré sans relâche, et dont je tiens à saluer le courage et la détermination.
Si le calme semble être revenu, des questions demeurent. Après la peine, la tristesse, notre ville, Firminy, ne peut souffrir plus longtemps d'une image négative qui ne correspond pas à la réalité. Unissons nos moyens et nos compétences, afin de pouvoir engager, dès aujourd'hui, le processus de reconstruction.
Comment garantir à la famille de la victime que toute la lumière sera faite sur les conditions du décès du jeune Mohamed Benmouna ? Par ailleurs, dans cette logique de reconstruction, de quelle façon doit-on envisager le renouveau des quartiers concernés, notamment du centre commercial, et comment soutenir dans les plus brefs délais, tant moralement que financièrement, la ville de Firminy, ses commerçants, ses associations et ses habitants ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Monsieur le député, permettez-moi de rappeler rapidement les faits. Un homme jeune, âgé de vingt et un ans – bien connu des services de police, puisqu'il avait été impliqué dans plus d'une douzaine d'infractions – a été interpellé dans le cadre d'une affaire d'extorsion de fonds au préjudice d'un jeune majeur handicapé.
Lors de sa garde à vue, il a tenté de se suicider, et y est malheureusement parvenu, en dépit de tous les efforts des policiers pour le réanimer. Le procureur a publiquement écarté tout soupçon de violences policières et la famille endeuillée, très digne, a elle-même appelé au calme, tout en récusant l'idée d'un suicide.
Je veux faire trois remarques. Premièrement, j'ai demandé à ce que toutes les garanties de transparence concernant le décès de ce jeune homme soient pleinement respectées, et elles le seront. Deuxièmement, je veux, comme vous, monsieur le député, rendre hommage à l'immense majorité de la population de Firminy, même s'il est vrai qu'une petite minorité s'est permis de brûler des voitures, de détruire des commerces et certains bâtiments, notamment ceux des Restos du coeur. Troisièmement, enfin, je veux souligner que les forces de l'ordre ont agi avec beaucoup de calme, d'efficacité et de rigueur.
Comment mettre fin à ces situations ? Je crois qu'il faut agir sur deux leviers. S'il faut renforcer une présence active des forces de sécurité, il est également nécessaire de recréer un lien social solide, durable, par le dialogue, avec vous-même, monsieur le député, avec le maire – que j'ai eu au téléphone –, avec l'ensemble des élus locaux et, naturellement, avec Fadela Amara. Ce n'est pas l'un sans l'autre, mais l'un avec l'autre.
En conclusion, je vous dis avec beaucoup de force qu'il ne doit pas y avoir, dans notre République, de territoires abandonnés, de populations négligées, ni de formes de délinquance tolérées. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean Mallot, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, notre assemblée a examiné la semaine dernière votre proposition de loi sur le travail du dimanche, portée par Richard Mallié, député des Bouches-du-Rhône. Nous avons, pour notre part, réaffirmé notre attachement à ce qu'il y ait en France un jour de repos commun à tous, chaque semaine, afin de préserver la vie de famille et l'équilibre de la société. Quant à vous, vous voulez blanchir des situations illégales et, pour cela, généraliser le travail du dimanche, le plus souvent sans contrepartie pour les salariés.
Ainsi, dans les communes dites d'intérêt touristique ou thermales, le travail du dimanche sera de droit, c'est-à-dire pour tous les commerces, sans volontariat des salariés, sans repos compensateur, sans rémunération double, et toute l'année.
Vous prétendez que cela ne concernera que les communes touristiques au sens du code du travail, telles que définies par un décret. Ces communes seraient, d'après vous, au nombre de 494 pour l'ensemble de la France. Cependant, la liste de ces communes, telle qu'elle figure dans le rapport de Richard Mallié, est particulièrement troublante : seize communes d'intérêt touristique dans le Morbihan, aucune dans les Côtes-d'Armor – comprenne qui pourra ! – ; aucune commune touristique ou thermale en Haute-Garonne – Toulouse ne présenterait pas d'intérêt touristique – ; onze communes touristiques dans les Bouches-du-Rhône, mais aucune dans le Vaucluse ; douze communes touristiques dans le Var, mais aucune dans les Alpes-Maritimes – qui peut croire que Nice ne serait pas d'intérêt touristique ?
Monsieur le Premier ministre, les salariés du commerce sont inquiets. Ils et elles craignent une plus grande précarité de leur situation, ils et elles craignent de ne pas avoir le choix. Vos arguments ne sont pas de nature à les rassurer. Monsieur le Premier ministre, nous voulons des réponses claires ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.
Monsieur le député, il n'y a que vous qui persistez à faire croire que la distinction entre une commune touristique au sens du code du travail et une commune touristique au sens du code du tourisme peut prêter à confusion. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Aujourd'hui, on connaît parfaitement les 500 communes qui, au titre du code du travail, sont identifiées comme telles et dans lesquelles, en effet, on peut travailler le dimanche, tout simplement parce que c'est utile à la population et au commerce, et que cela va dans le sens du développement du territoire concerné, donc dans son intérêt. (« Et à Nice ? » sur les bancs du groupe SRC.)
Puisqu'il s'agit d'identifier ces lieux, pourquoi ne faites-vous pas confiance aux maires (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), qui, seuls, sont capables de savoir quel est l'intérêt de leur commune ? Pourquoi ne faites-vous pas confiance aux préfets, qui, seuls, pourront prendre l'arrêté sous le contrôle du juge administratif.
Une fois de plus, monsieur Mallot, le parti socialiste a montré qu'il avait un problème avec le travail. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Alors que vous vouliez autrefois que tout le monde travaille 35 heures, vous voudriez maintenant interdire, même dans les endroits où cela existe déjà conformément à l'intérêt général, que l'on puisse déroger au principe du repos dominical.
De même, vous voudriez ignorer qu'il y a en France nombre de salariés qui travaillent déjà tous les dimanches et qui, satisfaits de cette situation, ne souhaitent pas revenir en arrière.
Je vous le dis, monsieur Mallot, tout à l'heure, la majorité va voter cette proposition de loi (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) et je vous défie de dire aux Français, dans quelques années, que vous voulez revenir en arrière : une fois de plus, vous passerez pour des réactionnaires ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le ministre chargé de l'industrie, ce week-end, certains salariés de l'entreprise New Fabris à Châtellerault ont menacé de faire sauter leur entreprise faute de réponse à leurs revendications, sur lesquelles j'avais alerté les pouvoirs publics le 2 juin dernier par le biais d'une question orale posée dans cet hémicycle, et de nombreuses interventions auprès de votre ministère.
Dans un bassin d'emploi caractérisé par la mono-industrie, touché par la crise des équipementiers automobiles, marqué par une augmentation du chômage de près de 50 % en un an et où de futurs plans sociaux sont à redouter, je vous demande d'user de votre influence auprès des deux constructeurs nationaux qui, pendant vingt ans, ont été les donneurs d'ordre majoritaires de l'entreprise, afin que les 366 salariés de New Fabris bénéficient de conditions de départ dignes de leur fidélité à leur entreprise.
Dans ce but, je demande aussi à l'État d'abandonner ses créances prioritaires. À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles ! Je souhaite que l'État puisse faire bénéficier les salariés les plus âgés de cette entreprise des préretraites du fonds national de l'emploi,…
…sans doute plus adaptées que la signature de contrats de transition professionnelle, pour des personnes qui n'ont que peu d'espoir de retrouver du travail.
Même si je désapprouve totalement leurs méthodes et condamne les menaces qu'ils font peser sur la sécurité, je souhaite que les pouvoirs publics marquent leur volonté de renouer le dialogue social avec des salariés qui ont le sentiment d'être traités injustement par rapport à leurs collègues des autres usines du même groupe ZEN. Ces derniers ont effet bénéficié de conditions beaucoup plus favorables.
Merci, monsieur le ministre, d'écouter ce message et de compléter les mesures déjà prises par le Gouvernement pour ce bassin d'emploi : éligibilité au contrat de transition professionnelle, 4 millions d'euros de FNADT pour dynamiser les projets économiques structurants et, plus récemment, nomination d'un commissaire à la réindustrialisation pour nous aider à faire venir de nouvelles activités. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
Monsieur Abelin, vous avez rappelé la situation de la société New Fabris, qui a été liquidée et qui a cessé toute activité à la suite de la décision du tribunal de commerce et faute de repreneur. Je partage totalement votre sentiment. Derrière les annonces, les chiffres, les contraintes économiques, il y a aussi des ouvriers et des familles. Il importe donc de prendre également en compte ce problème, si difficile, que nous rencontrons dans tant d'entreprises de notre territoire, notamment dans le secteur des équipementiers et des sous-traitants automobiles.
Mais, monsieur le député, pouvons-nous accepter que des ouvriers fassent peser des menaces…
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Non !
en plaçant notamment des bonbonnes de gaz destinées à faire sauter leur usine si nous ne parvenons à la négociation qu'ils exigent à la fois de la part des usines automobiles et de l'État ?
Je le dis : il n'est pas possible d'aborder sereinement une discussion sous le coup de la menace.
Certains salariés de l'entreprise Nortel, dans les Yvelines, dans laquelle je me rendrai cet après-midi, avaient fait peser le même type de menace. Ils l'ont levée : j'irai donc les rencontrer avec Valérie Pécresse, qui, dans le domaine de compétence de son ministère, ouvrira la discussion avec eux.
Je veux rassurer en partie les salariés de New Fabris, en confirmant que nous mettrons en oeuvre le contrat de transition professionnelle qui, pendant près d'un an, prendra 90 % de leur salaire en charge. Nous avons également obtenu que PSA rachète les stocks. Je proposerai une réunion dans un climat plus serein dans les jours qui viennent, en votre présence, monsieur le député, et avec les élus locaux. Il s'agit de faire en sorte que personne ne reste sur le bord du chemin. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Christian Eckert, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le ministre du travail, votre réponse à notre collègue Jean Mallot sonne comme un aveu. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Durant huit jours, vous n'avez eu cesse de répéter que, seules 500 communes, dites d'abord touristiques, puis d'affluence touristique, enfin, d'intérêt touristique, pourront ouvrir, sans contrepartie, sans doublement du salaire, avec obligation de travailler le dimanche pour les salariés.
Or le rapport fourni par M. Mallié montre qu'aucune commune des Alpes-Maritimes, de Corse, du Gard, du Vaucluse, de Haute-Garonne, ne figure actuellement sur la liste des 500 communes derrière laquelle vous vous êtes retranché.
Vous nous dites dans votre réponse que vous faites confiance aux maires des 4 000 ou 5 000 communes touristiques, qui demanderont la généralisation de l'ouverture des commerces le dimanche.
Monsieur le ministre, allez-vous en finir avec l'embrouille ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Allez-vous enfin nous dire que, comme nous ne cessons de le répéter depuis huit jours, ce ne sont pas 500 communes qui seront concernées ?
Ou, alors, M. le maire de Nice devra fermer les commerces le dimanche, à partir de demain, y compris dans les zones touristiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Allez-vous mettre un terme à cette embrouille et retirer votre texte ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.
Monsieur Eckert, nous en avons parlé pendant près de cinquante heures.
Je vais répéter une fois de plus que, seules les communes qui, au sens du code du travail, peuvent ouvrir le dimanche le feront. D'autres communes pourront éventuellement demander à entrer dans des types de dérogation. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) C'est déjà le cas. Nous n'avons pas eu besoin de vous pour le savoir.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Quel aveu !
Il y en a eu cinq en dix ans. Ce que vous appelez généralisation, c'est tout simplement le droit que les maires auront, en fonction de critères qui figurent dans le code du travail, de demander aux préfets ce classement. Ils l'obtiendront si le préfet l'accepte et ils entreront ensuite dans le régime des dérogations.
Monsieur Eckert, je le répète, il n'y a qu'au parti socialiste qu'on ne sait pas qu'il y a trois millions de personnes qui travaillent tous les dimanches. Il y a qu'au parti socialiste qu'on ne sait pas que la nouvelle loi, grâce au périmètre d'usage de consommation exceptionnelle, va apporter des garanties nouvelles aux salariés. Il n'y a qu'au parti socialiste qu'on ne sait pas que, dans les communes qui sont ouvertes le dimanche, il y a des protections pour les salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Claquements de pupitres sur les bancs du groupe SRC.) Il n'y a qu'au parti socialiste qu'on ne sait pas que la loi rappelle le principe du repos dominical. Si vous ne voulez pas lire les textes, c'est votre droit. Nous, nous les voterons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Gérard Cherpion, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État à l'emploi, Laurent Wauquiez.
Dans le contexte économique difficile que nous connaissons, la formation professionnelle est un levier essentiel de lutte contre le chômage. Elle offre aux salariés qui ont perdu leur emploi une reconversion dans des secteurs qui recrutent ; elle garantit l'employabilité de ceux qui ont un travail, en leur permettant de faire évoluer leurs compétences ; elle améliore enfin le capital-emploi des personnes en activité partielle.
La formation professionnelle brasse des sommes considérables, dont plus de douze milliards d'euros qui proviennent des entreprises. Pourtant, force est de constater, d'une part, que, sur le terrain, il est toujours aussi difficile de financer des formations de reconversion longues vers des métiers pour lesquels les besoins de recrutement sont forts – par exemple les aides-soignantes ou les infirmières –, et, d'autre part, qu'un salarié d'une petite entreprise a assez peu de chances d'accéder à une formation qualifiante.
À la demande du Gouvernement, les partenaires sociaux ont négocié sur ce sujet et ont adopté à l'unanimité en janvier dernier un accord national interprofessionnel. Cet accord a fait l'objet d'un projet de loi, dont nous allons débattre à partir de cet après midi à l'Assemblée nationale.
Ce projet de loi affiche comme objectif de rendre plus équitable l'accès à la formation professionnelle, de renforcer son efficacité en matière d'insertion dans l'emploi et de mieux contrôler l'utilisation de ses fonds. La commission des affaires sociales, qui a examiné le texte, a également souhaité y insérer un volet sur l'emploi des jeunes, en réponse à la crise et en complément aux mesures à effet rapide annoncées par le Président de la République, le 24 avril dernier.
Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d'État, nous indiquer ce que ce projet de loi va changer très concrètement pour les salariés et les demandeurs d'emploi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi.
Monsieur le député Gérard Cherpion, vous l'avez rappelé, le souhait du Premier ministre est de faire de la formation professionnelle une véritable arme anticrise, qui permette de mieux former les salariés afin que ceux qui ont perdu leur emploi puissent rebondir le plus vite possible.
Pour cela, il fallait sacrément dépoussiérer notre système de formation professionnelle, injuste – je rappelle qu'un cadre sur deux accède à la formation, quand seulement un ouvrier sur sept a l'espoir d'avoir une formation au cours de sa carrière –, opaque, compte tenu de la complexité des circuits de financements, et peu efficace.
Le but de ce projet de loi que je porte avec Christine Lagarde est d'abord de rendre le système plus juste, notamment grâce à un fonds de plus de 900 millions d'euros, qui sera consacré aux demandeurs d'emplois, aux salariés des PME et aux salariés les plus faiblement qualifiés.
Nous voulons ensuite réintroduire au coeur de cette réforme de la formation professionnelle une culture de l'emploi, arrêter les formations qui ne servent à rien et privilégier systématiquement celles qui permettent de se maintenir ou de progresser dans l'emploi : je pense par exemple aux cours du soir ou aux formations professionnalisantes comme les contrats par alternance ou les contrats d'apprentissage, encore trop peu développés.
Nous voulons enfin, au lieu d'un vague contrôle tous les trente ans, une vraie évaluation du système pour plus de transparence et plus de lisibilité.
Ce projet de loi, vous l'avez, avec Jean-Paul Anciaux, considérablement amélioré, notamment sur l'emploi des jeunes. Au-delà de l'hommage qui doit vous être rendu, je voudrais souligner par ailleurs qu'à la base de ce projet se trouve un accord signé par tous les partenaires sociaux, du MEDEF à la CGT, en passant par le CFDT et FO. J'espère donc que, sur tous les bancs de cet hémicycle, on abordera les débats dans un esprit aussi constructif et que l'opposition saura faire preuve du même esprit de responsabilité que les partenaires sociaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, Bruno Le Maire. Je tiens à y associer tous mes collègues du Nouveau Centre, notamment Michel Hunault et Stéphane Demilly.
Hier, à l'occasion de la rentrée du nouveau Parlement européen, plusieurs centaines de producteurs de lait, venant de toute l'Europe, se sont rassemblés à Strasbourg pour exprimer leurs inquiétudes et témoigner de la lourde menace qui pèse sur un grand nombre d'entre eux.
En France, avec une baisse du prix du lait de 30 % en un an, beaucoup seront bientôt incapables de vivre de leur production. Depuis de nombreuses semaines, le Nouveau Centre s'est engagé aux côtés de ces producteurs. Mais la crise est européenne, et la réponse ne peut être qu'européenne.
Les producteurs attendent des outils de régulation communautaire qui défendent leur travail, c'est-à-dire le maintien des quotas, puis leur révision à la baisse, afin de garantir un niveau de prix suffisant pour les faire vivre. C'est également la question de la préférence communautaire qui doit être posée dans une optique de qualité.
Sur la question des prix, nous attendons beaucoup des engagements sur la transparence. Le voile doit être levé sur toutes les étapes de la filière, pour que la grande distribution paie le juste prix aux producteurs et propose le même juste prix aux consommateurs.
Face à la gravité de la crise, monsieur le ministre, vous vous êtes saisi de ce dossier quelques jours après votre entrée en fonction, reprenant le chemin tracé par votre prédécesseur. Vous avez fait preuve de fermeté et de volontarisme. Pouvez-vous aujourd'hui nous rassurer quant à la détermination du Gouvernement à défendre nos producteurs de lait ?
La parole est à M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.
Monsieur le député Marc Vampa, je tiens à vous rassurer : le Gouvernement est fermement décidé à soutenir et à défendre l'ensemble des producteurs de lait en France.
L'urgence est aujourd'hui de soutenir la trésorerie des producteurs de lait, et le Premier ministre a pris toutes les décisions nécessaires pour que nous puissions prendre en charge une partie de leurs intérêts d'emprunt dans les semaines et les mois à venir.
Nous devons ensuite progresser en nous appuyant sur deux piliers. Le pilier national d'abord, en organisant mieux la filière du lait dans notre pays. Cela a été l'objet de la réunion que nous avons eue ce matin avec Hervé Novelli et qui a rassemblé l'ensemble des industriels, des producteurs de lait et des grands distributeurs. Nous devons, ensemble, parvenir notamment à une transparence totale sur les prix, ce qui sera acquis le 29 juillet.
Nous devons, en second lieu, parvenir à une contractualisation des relations entre les producteurs de lait, les industriels, les transformateurs et les grands distributeurs. Nous travaillons sur la question. Un point d'étape est prévu au 1er octobre, et nous devrions aboutir avant la fin de l'année.
En troisième lieu, le produit laitier doit être mieux valorisé en France.
Cela se fera grâce à un label et à un étiquetage spécifiques, qui permettront de valoriser le prix du lait.
Le second pilier, c'est le pilier européen. Nous avons besoin d'une régulation des marchés à l'échelle européenne ; je l'ai dit lors du conseil Agriculture de lundi dernier à Bruxelles ; je l'ai dit également au président de la Commission. Nous allons bâtir avec l'Allemagne une position commune sur la régulation des marchés du lait en Europe, ce qui permettra aux producteurs de lait d'avoir un revenu stable et décent dans les années à venir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Alain Vidalies, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Il aura fallu cinquante heures de débats pour entendre enfin l'aveu de M. le ministre du travail (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) : ce sont bien cinq mille communes qui sont potentiellement concernées par le travail du dimanche, et non pas cinq cents. Ainsi chacun pourra se prononcer en connaissance de cause ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
J'ajoute, monsieur le ministre du travail, que le ton que vous avez employé à l'égard de notre groupe ne paraît pas acceptable – surtout venant de celui qui restera comme le ministre qui a fermé les écoles le samedi pour ouvrir les magasins le dimanche ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le Premier Ministre, dans son discours du 22 juin devant le Congrès, le Président de la République a affirmé : « Nous devons tout faire pour éviter que les victimes de la crise ne deviennent des exclus ». L'exclusion, c'est le sort réservé aujourd'hui aux demandeurs d'emploi en fin de droits.
Dès le 15 janvier, le Parti socialiste a proposé de prolonger de six mois l'indemnisation des demandeurs d'emploi.
Dans son discours du 22 juin, le Président de la République s'engageait : « J'affirme que tout licencié économique – je dis bien tout licencié économique – doit pouvoir garder son salaire pendant un an ». Or, nous apprenons que le gouvernement va étendre à quarante bassins d'emploi seulement le contrat de transition professionnelle, laissant ainsi au moins 80 % des licenciés en dehors du dispositif.
Dès le 15 janvier, le Parti socialiste vous a proposé la généralisation du contrat de transition professionnelle et l'augmentation de sa durée à deux ans.
Dès le 15 janvier, le Parti socialiste vous a proposé de doubler les heures de chômage partiel pour maintenir au maximum le lien entre les salariés et l'entreprise.
Ces trois propositions que nous défendons depuis six mois sont aujourd'hui d'une cruelle actualité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Au lendemain de la fête nationale, ne pensez-vous pas qu'il y a urgence à répondre enfin aux attentes, et même aux angoisses des victimes de la crise ? (Mêmes mouvements.)
La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi.
Heureusement, nous n'avons pas attendu le 14 juillet pour avancer, aux côtés des partenaires sociaux, et pour adopter toutes les mesures possibles, dans cette crise extrêmement difficile, afin de venir au secours de nos compatriotes qui perdent un emploi.
Je ne vais pas revenir sur les chiffres de l'emploi, extrêmement durs dans notre pays –…
…en un an, le nombre de chômeurs a augmenté de 17 % en France – même si l'on pourrait relever que ce nombre a doublé en Espagne et aux États-Unis, ou encore qu'il a augmenté de 70 % au Royaume-Uni – mais vous le savez.
Pour éviter toute polémique, je vais seulement revenir sur ce qui s'est déroulé durant les dix derniers jours, et sur ce que nous avons essayé de mettre en place durant cette courte période.
Ce midi, aux côtés du Président de la République, plus de cinquante entreprises ont pris l'engagement d'offrir à 100 000 jeunes la possibilité d'accéder à des contrats d'apprentissage dès la rentrée.
Ce matin, aux côtés de maires dont certains sont d'ailleurs présents ici, nous avons signé des contrats en faveur de jeunes pour essayer d'atteindre l'objectif de 30 000 contrats-passerelles, voulus par Christine Lagarde, conjointement avec Martin Hirsch.
La semaine dernière, avec les partenaires sociaux, nous avons regardé comment améliorer les dispositifs de tutorat, afin de permettre aux seniors de garder leur emploi tout en transmettant leur savoir-faire à des jeunes. Nous remplaçons ainsi le système antédiluvien qui consistait à financer des préretraites en mettant les seniors dehors.
Il y a enfin ce sujet que vous avez évoqué : le contrat de transition professionnelle et la convention de reclassement personnalisé, que vous connaissez très bien. Ils sont destinés à faire en sorte que quelqu'un qui perd son emploi soit correctement accompagné pendant un an, en termes de salaire et surtout en termes de formation, pour lui permettre de rebondir.
Nous avons fait confiance aux partenaires sociaux. La négociation s'est achevée la semaine dernière : elle permettra d'une part d'améliorer la convention de reclassement personnalisé, en portant à un an la durée d'indemnisation, et d'autre part d'étendre les contrats de transition professionnelle à plus de quarante bassins d'emploi.
Sur ce sujet, tout le monde est mobilisé : les syndicats, le Gouvernement, les employeurs, les collectivités locales.
C'est avec plaisir que nous accueillerons les propositions du parti socialiste !
La parole est à M. Yves Nicolin, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Madame la secrétaire d'État chargée de l'écologie, le 3 avril dernier, vous avez, avec Jean-Louis Borloo, lancé officiellement le Grenelle de la Mer. Ce continent, trop longtemps oublié, représente le plus grand potentiel de l'humanité. La France ne saurait réussir sa transition écologique sans intégrer les océans à cette démarche novatrice.
Comme pour le Grenelle de l'environnement, vous avez réuni pour ce Grenelle de la Mer plusieurs groupes de travail qui ont planché sur de nombreuses propositions. En effet, le Grenelle de la Mer est entré, depuis vendredi dernier, dans sa troisième étape, celle de la négociation et des arbitrages collectifs.
À partir des synthèses de la consultation du public qui vient de s'achever, il convient de définir des engagements et d'établir une véritable stratégie nationale de la mer et du littoral. Cette stratégie doit s'inscrire clairement dans une perspective de développement durable.
Madame la secrétaire d'État, pouvez-vous nous éclairer sur cette troisième étape du Grenelle de la mer ? Quelles sont les premières décisions, et quel avenir leur réservez-vous ?
La parole est à Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie.
Tout le monde doit en effet prendre conscience que la France porte une énorme responsabilité du fait qu'elle possède le deuxième domaine maritime mondial, grâce notamment à ses territoires d'outre-mer.
La mer, c'est un potentiel d'énergie, c'est un potentiel alimentaire, c'est un potentiel de biodiversité, tout cela totalement inexploité. C'est la raison pour laquelle demain, au Havre, le Président de la République présentera la stratégie nationale de la France dans le domaine de la mer.
Ce ne sera pas un tsunami. Tout au plus des vaguelettes de Méditerranée !
Quel premier bilan peut-on tirer du Grenelle de la mer ? Il faut d'abord dire qu'en termes de mobilisation et de dialogue, ce fut un beau succès : il y a eu 330 participants, 650 propositions ; dix-huit Grenelle se sont tenus en régions dont sept outre-mer – car l'essentiel de notre potentiel se situe outre-mer – et nous avons reçu 26 000 contributions de nos concitoyens sur Internet, ce qui est considérable.
Les premières décisions ont été prises vendredi dernier. Il y aura d'abord un grand plan dans le domaine des énergies marines, un plan qui vise à produire pas moins de 6 000 mégawatts d'ici 2020 : c'est un tiers du potentiel en énergie renouvelable que nous visons à l'horizon 2020. Cela concerne en priorité l'outre-mer ; d'ailleurs, M. le Premier Ministre et Mme Marie-Luce Penchard ont lancé la semaine passée le programme GERRI, qui est un programme d'autonomie énergétique à La Réunion.
Nous avons aussi pris des décisions dans le domaine de la protection : 20 % de nos eaux en aires marines protégées et protection des espèces les plus menacées, comme le thon rouge ou le requin-taupe. Nous avons aussi pris des décisions pour la pêche en haute mer : Bruno Le Maire a confié une mission sur ce sujet à Louis Le Pensec.
Enfin, nous allons créer une filière de démantèlement des navires.
Le Grenelle se poursuit – c'est d'ailleurs la raison de l'absence de Jean-Louis Borloo dans l'hémicycle aujourd'hui. Le Président de la République prendra d'autres décisions demain : il était vraiment temps que la France se fixe une nouvelle ambition dans le domaine de la mer ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Daniel Vaillant, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le ministre de l'éducation nationale, l'école maternelle, républicaine et gratuite est un lieu d'éducation, d'épanouissement, de socialisation et d'apprentissage qui joue un rôle essentiel dans le parcours scolaire des enfants.
Avec un taux de scolarisation des trois à six ans proche de 100 %, la France offre aux jeunes enfants une qualité d'encadrement et d'enseignement inégalée parmi les pays développés. Cette originalité française est enviée par de nombreux pays. Elle constitue un formidable outil de lutte contre les inégalités.
Pourtant, après les propos provocateurs de Xavier Darcos devant la commission des finances du Sénat (Protestations sur les bancs du groupe UMP.), des membres du Gouvernement, comme Nadine Morano, ou des élus UMP de Paris font peser des menaces sur l'avenir même de cette école.
Ils manifestent une volonté de suppression de la très petite section, celle qui accueille les deux à trois ans…
…au profit de jardins d'éveil financés par les parents et les collectivités locales.
Plus grave encore, à Paris, des élus ont demandé à la ville d'échafauder un plan des structures d'accueil des enfants de moins de six ans. L'idée n'est-elle pas de préparer, à terme, la suppression d'écoles maternelles…
…en rompant le pacte de la gratuité républicaine au mépris des vertus pédagogiques incontestables de la scolarisation précoce ? Si l'on vend l'école maternelle française à la découpe, comme un immeuble, on en expulsera les plus fragiles. Est-il normal que les manoeuvres budgétaires servant à justifier les suppressions de postes dictent les orientations de notre système éducatif ? Il faut clarifier la situation.
Par ailleurs, à l'instar du droit opposable au logement, ne serait-il pas possible d'instaurer un droit opposable pour l'accueil à l'école maternelle, afin de permettre aux parents de l'exercer comme un droit, non comme une obligation ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) L'enjeu est de garantir la scolarisation précoce.
Sur ces deux points, monsieur le ministre, j'attends votre réponse. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.
Monsieur le député, vous cherchez, je crois, de fausses polémiques.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Non ! c'est la réalité !
Il n'a jamais été question de supprimer l'école maternelle, et nous ne supprimerons pas, monsieur Vaillant, l'école maternelle.
Nous ne la supprimerons pas parce qu'elle accueille 800 000 enfants de trois à quatre ans, que ce soit dans le public, pour l'immense majorité, ou dans le privé.
Au total, sur les trois années de maternelle, ce sont 2,5 millions d'enfants qui sont accueillis. C'est une structure d'accueil très importante qui nous est enviée, monsieur Vaillant, par beaucoup de pays en Europe.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Eh oui !
Il n'est donc absolument pas question d'y renoncer et, pour vous montrer la détermination du Gouvernement à cet égard, ainsi que son attachement à l'école maternelle, je voudrais vous indiquer que le taux d'encadrement moyen, c'est-à-dire le nombre moyen d'élèves par classe, y a été amélioré puisqu'il est passé de 26,1 élèves par classe en 2005-2006 à 25,8 en 2007-2008. Il n'y a donc pas place pour la polémique sur ce sujet.
La volonté du Gouvernement est claire : nous avons un système d'enseignement public qui fonctionne très bien…
…depuis la maternelle, où nous accueillons les enfants à partir de trois ans. (« Deux ans ! » sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.)
Il existe des pistes de réflexion et de travail pour un accueil des plus petits lorsque c'est nécessaire, monsieur Vaillant, pistes sur lesquelles nous travaillons avec Mme Nadine Morano, mais, je le répète, s'agissant de la maternelle entre trois et six ans (« Deux ans ! » sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.),il n'y a aucune remise en question de la part du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Philippe Armand Martin, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Madame la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, ma question concerne l'avenir du G8.
Cette réunion des pays les plus industrialisés du Nord s'est dernièrement tenue en Italie. Si ce sommet international pouvait jusqu'alors se justifier, aujourd'hui, cela semble moins vrai et ce pour au moins deux raisons : l'économie mondiale est toujours plus globalisée et les échanges s'effectuent à l'échelle de la planète ; la crise économique et financière mondiale conduit à une coopération renforcée entre les États. D'ailleurs, nous nous devons de constater la portée limitée des mesures adoptées par le seul G8. Reconnaissons que les décisions significatives l'ont été lorsque, aux discussions, ont été associées les puissances du Sud.
De nombreuses instances internationales ont été créées en réponse à un bouleversement important des relations entre les États. Les Nations unies elles-mêmes, comme les accords de changes fixes de Bretton Woods, ont été fondées sur les ruines de la Seconde Guerre mondiale.
Aujourd'hui, nous sommes confrontés à une grave crise économique et financière, qui pourrait nourrir le protectionnisme, au prétexte de la combattre. À ce jour, rares sont à cet égard les États qui sont passés à l'acte, mais la menace existe et la tentation est grande, et ce malgré l'aggravation de la récession économique que cela emporterait.
Madame la ministre, cette conjonction de faits doit inciter la France à prendre l'initiative d'une réforme des sommets économiques internationaux, avec le souci de doter l'économie mondiale d'une esquisse de gouvernance. Au vu des mesures adoptées lors des derniers G20, il me semble que ces sommets internationaux sont plus appropriés parce que plus proches des réalités économiques mondiales, que le G8 pour répondre à la crise que les États traversent.
En conséquence, madame la ministre, pouvez-vous m'indiquer si la France, lors du prochain G20 qui se tiendra les 24 et 25 septembre prochains à Pittsburgh aux États-Unis, entend proposer que le G20 soit l'instance représentative d'une gouvernance économique mondiale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Monsieur le député, vous avez raison, tout cela est un peu confus : le G8, le G13, le G14, le G20, le G5…
Le monde est aujourd'hui beaucoup plus complexe et beaucoup plus interdépendant qu'à l'époque où le G8 a été constitué. C'est un monde plus complexe parce qu'on y retrouve des pays émergents, la Chine, l'Inde, le Brésil, qui ne participaient pas aux réunions. C'est un monde plus interdépendant parce qu'on y retrouve les pays producteurs de pétrole, dont on sait qu'ils peuvent tenir en otages un certain nombre d'économies développées. C'est un monde interdépendant sur le plan économique parce que la crise peut venir de certains États et affecter les autres – on ne parle plus de découplage. C'est un monde interdépendant sur le plan environnemental parce que, Chantal Jouanno l'a rappelé, les solutions des uns affectent les autres et les problèmes des uns affectent tout le monde.
Le Président de la République a toujours été très ferme sur cette position : le G8, c'était bien ; le G13 ou le G14, ce sera mieux. Ce sera mieux parce qu'on pourra y inviter les pays qui comptent, en particulier les pays émergents : c'est la position qu'il a toujours prise en matière politique et en matière environnementale – associer les pays du G8 et les pays du G5, c'est-à-dire les économies développées et les économies émergentes.
Et puis il y a le G20, dont le Président de la République avait demandé au Président des États-Unis de le convoquer pour traiter des grands problèmes financiers et économiques. Ce G20 a toute sa place s'agissant de traiter des problèmes qui concernent les grandes économies du monde, en particulier les questions économiques et financières.
C'est cette distinction que nous défendons : un G8 qui se transforme graduellement en G13 ou en G14, où les pays émergents sont invités à la table, et un G20 pour traiter des affaires financières et économiques, l'ensemble des pays qui comptent sur ces questions travaillant à un monde multipolaire dans une instance elle-même multipolaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à Mme Geneviève Gaillard, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
En avril 2007, Monsanto a déposé devant la Commission européenne une demande de renouvellement d'autorisation pour tous usages de son maïs transgénique, le célèbre MON 810.
D'après les informations que nous possédons, il semble que la procédure d'instruction en cours soit sur le point de d'aboutir favorablement dans les prochaines semaines, ce qui aurait pour effet immédiat de rendre caduques les six clauses de sauvegarde déposées à l'encontre de ce maïs par l'Autriche, la Grèce, la Hongrie, le Luxembourg, l'Allemagne et la France.
Aujourd'hui, personne ne semble pouvoir ou vouloir répondre à une question élémentaire : au vu des données présentées par Monsanto, est-il possible d'écarter l'hypothèse de la toxicité de ce maïs ?
Je rappelle que, dans son avis en date du 9 janvier 2008, le comité de préfiguration de la Haute autorité sur les OGM a indiqué que « les protocoles utilisés pour le MON 810 ont une puissance insuffisante pour détecter des différences, même importantes » entre deux groupes de rats dont un seul a consommé le produit. Ainsi, les tests de toxicité sur la base desquels une autorisation peut être délivrée d'un jour à l'autre sont incapables d'établir l'innocuité de ce maïs.
C'est dans ce contexte préoccupant que la délégation autrichienne a présenté le 25 juin, lors de la réunion du Conseil des ministres de l'environnement européens, une note d'information sur les OGM. Celle-ci invite la Commission à travailler à une adaptation de la réglementation, afin qu'un État membre puisse suspendre ou interdire la culture d'OGM sur tout ou partie de son territoire, non seulement pour des raisons environnementales, mais aussi à partir de critères socio-économiques qu'il faudrait définir. À ce jour, l'Autriche est soutenue dans son initiative par dix États membres.
La France entend-elle dénoncer l'insuffisance des tests pratiqués par Monsanto à l'appui de sa demande d'autorisation du MON 810 ? Par ailleurs, soutiendra-t-elle l'initiative autrichienne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie.
Madame la députée, les fondements de la clause de sauvegarde qu'a voulue le Président de la République pour ce fameux maïs OGM MON 810 étaient, d'une part, l'existence d'incertitudes environnementales, notamment sur les résistances, et, d'autre part, l'absence de bénéfices socio-économiques avérés. En d'autres termes, nous ne sommes pas opposés aux biotechnologies, mais il faut que leur utilité soit prouvée.
Telle est la position que la France a défendue au sein de l'Union européenne, en particulier lors du Conseil européen de décembre, qui l'a approuvée à l'unanimité. Nous tenons en effet à ce que de nouvelles règles rendent l'expertise pluraliste, contradictoire et susceptible de mesurer les bénéfices socio-économiques attendus, ce qu'elle n'est pas actuellement au niveau européen. La position française a été, je le répète, soutenue par tous les États membres.
Aujourd'hui, nous attendons encore que la Commission traduise concrètement ce choix défendu par la France. L'expertise de l'AESA, l'Autorité européenne de sécurité des aliments, qui a émis, le 30 juin, un avis positif pour la reconduction du MON 810, se fonde sur l'ancienne procédure. À ce titre, elle ne change rien à notre position, qui consiste à refuser le maïs MON 810 tant que de nouvelles règles, de nouvelles procédures ou de nouvelles formes d'expertise n'auront pas été décidées au sein de l'Union européenne, comme elles l'ont été en France.
Quant à la proposition de l'Autriche, qui met en avant la subsidiarité, nous la soutenons s'il s'agit de faciliter l'interdiction de ce type de culture en France, mais non s'il s'agit de faciliter cette culture. Nous maintiendrons notre position, telle que nous l'avons définie lors du dernier Conseil de l'environnement, jusqu'à ce que l'Union européenne et la Commission proposent de nouvelles modalités d'expertise. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Philippe Meunier, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. Brice Hortefeux, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Bien qu'un certain nombre de communes aient réalisé des aires d'accueil pour les gens du voyage, les caravanes continuent à stationner illégalement sur des parcelles privées ou publiques, ce qui appelle de ma part deux questions.
Premièrement, quel est le taux de réalisation des aires d'accueil par rapport aux objectifs de la loi ?
Deuxièmement, qu'allez-vous faire pour permettre aux préfets de poursuivre en temps et en heure ceux qui occupent illégalement ces terrains et de faire respecter la légalité ? On constate en effet un grand retard dans les procédures.
Je profite de temps dont je dispose pour saluer le travail exceptionnel accompli ce week-end par les forces de l'ordre, qui ont fait respecter l'ordre républicain, notamment à Montreuil. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Je suis attristé, pour ne pas dire écoeuré, quand j'entends les propos du maire de cette ville, qui préfère défendre les voyous (« Oh ! » sur les bancs du groupe GDR) plutôt que les forces de l'ordre de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État chargé de l'outre-mer, auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Monsieur le député, puisque vous avez interrogé le ministre de l'intérieur sur l'accueil des gens du voyage, permettez-moi, en son absence, de vous apporter des éléments de réponse.
Le Gouvernement, qui partage votre souci de faire respecter la loi, tient à saluer l'effort important des collectivités et des communes pour réaliser des aires de voyages. Le nombre de places d'accueil en effet est passé de 11 000, à la fin de 2007, à près de 18 000 aujourd'hui, notre objectif étant qu'il atteigne 40 000.
Malgré la mise à disposition de ces aires, des difficultés demeurent, car la sédentarisation des gens du voyage réduit le nombre de places. Le ministre de l'intérieur adressera prochainement à l'ensemble des collectivités une circulaire visant à réviser les schémas départementaux pour mieux prendre en compte les besoins et permettre la réalisation de nouvelles places, afin d'atteindre le nombre de 40 000.
À Meyzieu, un rapport de police ayant été établi, le préfet a pris un arrêté de mise en demeure et, après discussion avec les autorités locales, les gens du voyage ont quitté les lieux.
Vous le voyez, monsieur le député, l'État joue pleinement le rôle qui lui est dévolu. Vous pouvez compter sur notre détermination pour faire respecter la loi et soutenir les collectivités locales dans leur nécessaire dialogue avec les gens du voyage. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean Launay, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
L'arrêt de la télévision analogique et le passage à la télévision numérique terrestre suscite deux interrogations dans les zones rurales et de montagne. On s'interroge d'abord sur le risque d'une nouvelle fracture numérique, avec l'apparition de zones blanches, comme ce fut le cas pour le téléphone mobile et le haut débit, ainsi que, une fois de plus, un transfert aux collectivités locales de la charge des coûts de numérisation dans les zones les moins desservies.
On s'interroge aussi sur la situation de l'emploi dans l'entreprise TéléDiffusion de France. De 1974 à 2009, les salariés de TDF sont passés de l'ORTF en situation de monopole à un EPIC, puis au groupe France Télécom qui a finalement vendu TDF à un groupe d'investisseurs par un montage financier du type LBO. Avant cela, l'entreprise était qualifiée par certains journaux financiers de « machine à cash » parce qu'elle n'avait aucune dette et que ses résultats finançaient totalement les lourds investissements d'infrastructures. Et aujourd'hui, les salariés se trouvent devant un nouveau plan de restructuration qui prévoit jusqu'à 550 suppressions d'emplois, soit un quart des effectifs, sur la quasi-totalité du territoire, dans les dix-huit prochains mois.
Monsieur le ministre, TDF est une entreprise à caractère stratégique et le risque de perte de contrôle sur la diffusion terrestre est réel. C'est pourquoi je vous poserai trois questions. D'abord, quelle analyse faites-vous des montages LBO qui spolient l'Etat et les salariés et quelles directives allez-vous donner aux représentants de la Caisse des dépôts, encore présente à 24 % dans le capital de TDF ? Ensuite, avez-vous mesuré les conséquences de la dégradation de qualité dans la diffusion de la radio et de la télévision en France ? Enfin, considérez-vous encore TDF comme une entreprise appartenant au patrimoine industriel national ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et quelques bancs du groupe GDR.)
Vous partez d'une analyse fausse : parler à propos de l'évolution de TDF d'une nouvelle fracture numérique est complètement à côté du sujet. TDF est une grande et belle entreprise française qui n'est nullement menacée de disparition, mais, au contraire, reste un leader au plan européen.
Certes, la disparition de la télévision analogique au bénéfice de la télévision numérique, programmée pour fin 2011, va faire perdre à TDF environ 40 % de son chiffre d'affaires. Dans ces conditions, TDF a proposé un plan de départs volontaires,…
…sans le moindre licenciement sec. Je serai personnellement attentif à ce qu'il y ait en permanence un dialogue social au sein de l'entreprise afin de limiter autant qu'il se pourra le nombre des licenciements.
Mais là où vous faites erreur, c'est sur le tout numérique. Que représente-t-il en effet ? Dix-huit chaînes de télévision gratuites pour tous contre trois à cinq en analogique aujourd'hui ; ensuite, des coûts de diffusion pour les chaînes divisés par six et la possibilité pour l'État de récupérer les fréquences dites « en or ». Cela nous permettra d'apporter le haut débit mobile dans toute la France rurale, puis la télévision haute définition dans tout le pays. Vous faites donc totalement fausse route, car cette possibilité d'extension du numérique à tout le territoire, ce sont des centaines, et même des milliers d'emplois en perspective. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Pierre Nicolas, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Madame la ministre, l'électricité occupe une place centrale dans la politique énergétique de notre pays, compte tenu de sa productivité grâce au nucléaire et à l'hydraulique, qui représentent 90 % de la production totale. La nécessaire sécurité d'approvisionnement passe par la qualité des infrastructures de transit et de desserte de l'électricité, mais aussi par le bon dimensionnement et le maintien en bon état du parc de production.
Si le prix de vente de l'électricité doit permettre de financer les investissements, il semble légitime que le consommateur français continue de bénéficier de la compétitivité des capacités de production françaises indépendamment des prix du marché et des investissements à l'étranger. C'est probablement une condition sine qua non de l'acceptabilité sociale et de la pérennisation de notre parc électronucléaire qui, à l'évidence, doit évoluer et nécessitera des investissements importants pour la construction de nouvelles centrales – on parle de quatre milliards pour l'EPR – mais aussi pour la maintenance des centrales existantes – on avance un montant de 400 millions par centrale pour porter leur durée d'utilisation à quarante, voire à soixante ans.
Par ailleurs, le réseau de distribution public financé par le TURPE – le tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité dont il est prévu qu'il augmente de 8 % sur quatre ans –, nécessitera lui aussi des investissements importants car à l'évidence, sa qualité se dégrade. Alors que le président d'EDF demande une hausse des tarifs de 20 %, pouvez-vous, madame le Ministre, nous préciser quelle est la stratégie du Gouvernement en ce qui concerne l'évolution tarifaire, tant pour la production que pour la distribution de l'électricité ? (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Je commencerai par trois brefs rappels : les tarifs sont fixés par le ministre de l'énergie et le ministre de l'économie sur avis de la commission de régulation de l'énergie ; ces tarifs sont, en France, inférieurs de 15 % à 30 % à ceux pratiqués ailleurs dans l'Union européenne ; enfin un tarif social donne aux ménages défavorisés accès à une électricité à très bas coût.
Vous l'avez dit, notre parc électronucléaire et hydraulique assure 80 % de notre production en toute indépendance. Il est légitime que ce soient les Français qui en perçoivent les dividendes. Nous avons investi, nous percevons les dividendes, le Gouvernement s'y tiendra.
Vous l'avez également rappelé, notre parc électronucléaire nécessite des investissements et des dépenses de maintenance importantes. M. Gadonneix, président d'EDF, a indiqué clairement, lors d'une audition en commission à l'Assemblée ce matin, le montant des investissements requis : 400 millions d'euros pour une centrale, et nous en avons 58 sur le territoire ; faites la multiplication… Il faudra donc investir beaucoup pour rénover le parc électronucléaire et prolonger la vie des centrales de 40 à 60 ans par exemple, investir aussi beaucoup pour satisfaire aux exigences du Grenelle de l'environnement, et pour faire face à des pics de consommation pendant lesquels, actuellement, nous devons importer de l'électricité.
Pour être en état de faire ces investissements, la priorité du groupe EDF sera d'améliorer sa productivité. Le parc électronucléaire fonctionne bien, mais peut fonctionner mieux. Ensuite, il faudra examiner des augmentations de tarif, en étant très attentifs à leur volume, à leur champ d'application, et attentifs en particulier aux ménages et aux entreprises qui souffrent aujourd'hui de la crise. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Augmentation des tarifs d'EDF
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze.)
L'ordre du jour appelle les explications de vote, au nom des groupes, et le vote, par scrutin public, après engagement de la procédure accélérée, sur la proposition de loi réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires (nos 1685, 1782 et 1742).
Pour les explications de vote du groupe UMP, la parole est à M. Richard Dell'Agnola
Monsieur le président, monsieur le ministre du travail des relations sociales, de la famille et de la solidarité, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, la discussion de cette proposition de loi s'est déroulée dans le cadre du nouveau règlement, qui, de fait, a fait ses preuves. L'application de ses dispositions a permis à chacun de s'exprimer longuement…
…et d'approfondir toutes les questions. Un débat serein a permis à chaque groupe et à chaque orateur de s'organiser pour sa prise de parole, aussi bien dans le cadre de la discussion générale que lors de l'examen des amendements.
La semaine dernière, entre le mardi matin et le vendredi soir, deux articles et 340 amendements ont été discutés durant cinquante heures. C'est le « temps programmé » qui est ainsi validé. Dix-sept amendements ont été adoptés, dont quatre déposés par des députés du groupe Nouveau Centre, trois par des députés du groupe SRC, un par des députés du groupe GDR, les autres par des députés du groupe de l'UMP.
La proposition de loi qui en résulte est équilibrée. Elle ajoute quelques dérogations aux 180 déjà mises en place par des gouvernements appartenant à des majorités différentes, issues aussi bien de la droite que de la gauche de cet hémicycle. Elle réaffirme toutefois que le repos dominical est la règle.
Elle permet seulement aux magasins ouverts le dimanche jusqu'à midi de le rester jusqu'à treize heures. Il s'agit aussi de permettre l'ouverture de tous les commerces dans les 497 zones touristiques actuelles, au sens du code du travail. Enfin, ce texte permet d'autoriser l'ouverture du dimanche dans une vingtaine de zones qui constituent aujourd'hui des périmètres d'usage de consommation exceptionnel.
Le groupe UMP votera la proposition de loi de Richard Mallié et de ses collègues. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mes chers collègues, produire pour construire ou reconstruire, comme après les guerres, c'est permettre à l'homme d'aménager son espace de vie, pour mieux se nourrir, pour mieux se soigner, pour mieux se déplacer, pour mieux se sentir en sécurité, pour vivre mieux et plus longtemps.
Parce que la santé, la sécurité, les transports ne souffrent pas d'attendre, parce qu'un haut-fourneau qui s'arrête ne redémarre pas en une minute, certains métiers s'exercent en continu, tous les jours, et même le dimanche. Ainsi, il manque parfois autour de la table, pendant la sortie avec les gosses ou pour la visite aux aînés, celui – ou plus souvent celle – qui, pour de très bonnes raisons, travaille pour faire ce qui ne souffre pas de s'arrêter un jour par semaine. La loi de 1906 le permettait en dérogeant, pour ces raisons, et elles seules, au principe quasi consensuel du repos dominical.
Produire plus et assurer les services essentiels au mieux vivre et au mieux aménager peut conduire à faire travailler la nuit, longtemps et souvent. Parce que l'homme est un être intelligent, capable de penser l'organisation de sa vie individuelle et collective, il a créé – surtout dans notre pays – l'outil qui permet à chaque salarié de protéger ses intérêts personnels, sa sécurité au travail, son droit de refuser les sacrifices exagérés de ses droits personnels au nom d'un intérêt général discutable et aux contours biens flous. Cet outil, c'est le code du travail.
Selon le rapporteur et le ministre, la proposition de loi soumise à notre vote est un petit texte régularisant des situations qualifiées d'anormales, voire d'illégales. Mais, selon le Président de la République, c'est la marque de l'UMP. Sur ce point, nous pensons qu'il a raison : ce texte est bien la marque de l'UMP.
Ce qui nous est présenté comme un petit texte anodin de faible portée, est en fait une grande brèche ouverte dans le modèle social français, par ailleurs mis en avant à Versailles ou à Genève. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.)
Cinquante-huit parlementaires UMP l'avaient compris en signant courageusement, en novembre dernier, une tribune, dont l'actualité reste brûlante aujourd'hui, contre ce texte confus et embrouillé, qui affiche le contraire de ce qu'il contient. Et les amendements de replâtrage, déposés en dernière minute, ne répondent en rien aux risques qu'il fait courir.
En effet, dans les communes touristiques, aux contours fluctuant entre le code du tourisme et le code du travail –l'« affluence touristique » étant devenue subitement l'« intérêt touristique » –, dont le nombre annoncé est de 500 mais qui sont en réalité dix fois plus, pas de volontariat, pas de paiement double, même pour les cinq dimanches du maire qui n'ont plus lieu d'être ! Dans tous les commerces, le travail du dimanche pourra être exigé de plein droit par l'employeur, sans aucune contrepartie.
Dans les PUCE, autorisés à Paris, Lille Marseille et Lyon, on blanchit les enseignes hors-la-loi et le salaire ne sera doublé que faute d'accord entre les partenaires sociaux. La concurrence permettra que des accords moins favorables s'appliquent et fassent tache d'huile. La réversibilité n'est pas garantie.
Ce texte est un modèle d'embrouille. Il crée sept catégories de salariés du dimanche. Il crée des inégalités territoriales qui ne résisteront pas longtemps au marché et à la concurrence. À Paris, il laisse le préfet décider à la place du maire, sans le consulter.
Mes chers collègues, dans la vie politique, il y a les mots et il y a les actes. Le vote de cet après-midi est un acte plus fort que ce que les mots ont prétendu dire. Vous ne voulez pas de la civilisation du tout-commerce, du culte de la possession, de la fin de la respiration du dimanche. Vous voulez des lois applicables, claires et visant à l'intérêt général. Chacun mesurera ses responsabilités, chacun assumera !
Il est des moments où les lois doivent protéger la société de ses propres envies. Acheter tout et tout le temps peut paraître confortable, mais c'est au détriment de bien des salariés, et cela banalise ce jour que l'on a pour soi.
Le groupe SRC veut croire à un sursaut auquel nos concitoyens nous appellent. Il refusera ce texte emblématique, dont les dangereuses dérives n'ont pas fini de faire parler. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
D'ores et déjà, je fais annoncer le scrutin dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe GDR.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'histoire retiendra peut-être que le vote de cette proposition de loi aurait pu avoir lieu le 14 juillet. Il s'en est fallu d'une journée !
À un jour près, le symbole de la Révolution française, le jour commémorant la fête de la Fédération et célébrant l'union nationale, devenait la fête du commerce, de la consommation et du profit pour quelques-uns. Continuez comme cela, et, avec un peu de chance, vous nous proposerez d'adopter la suppression de la retraite à soixante ans un 1er mai !
Le choix de la date n'est pas innocent. Il faut répéter aux Français que vous avez ainsi voulu faire passer l'un des textes les plus contestés que vous ayez déposés depuis deux ans. Il touche en effet au coeur de notre société, il met en cause l'un de ses points de repère, l'un de ses points d'appui.
Au-delà de toute considération philosophique, religieuse ou partisane, en 1906, avec la République, le repos dominical était devenu le jour de repos commun du plus grand nombre de Français. Il leur permettait de se reposer après une semaine de travail, de se retrouver en famille, entre amis, dans une association, dans un club sportif, de profiter de tous ces moments de détente ou de loisir qui échappaient encore au rouleau compresseur de l'économie, du commerce et de la consommation toute-puissante, au rouleau compresseur de l'argent roi.
La pause du dimanche a manifestement le tort de ne pas être prise en compte dans le calcul du PIB. Les belles paroles de Nicolas Sarkozy, il y a seulement quelques semaines, à Versailles, sur le modèle social français – dont la pause dominicale est pourtant l'un des symboles les plus anciens – n'auront donc pas tenu bien longtemps devant l'adoration du tout-marchand.
Ce texte de loi est grave. Il ne se contente pas de légaliser des situations existantes – ce qui, en soi, est déjà contestable, car on ne voit pas pourquoi la loi volerait au secours des hors-la-loi. Il est grave, car il ouvre une brèche et y place une véritable bombe à retardement : avec la disposition relative aux communes touristiques, il permettra la généralisation de l'ouverture des commerces le dimanche. Vous savez très bien qu'il suffira pour cela que la liste des communes touristiques s'allonge. Nous connaissons actuellement une situation similaire avec les ouvertures de casinos qui, à l'origine, n'étaient autorisées que dans les villes thermales. Pourtant, progressivement, ces établissements se sont implantés partout en France. Même si les élus locaux s'opposent à l'ouverture du dimanche, il suffira d'une décision des préfets représentant un gouvernement comme le vôtre, désireux de généraliser cette pratique.
À cette brèche, vous ajoutez une bombe à retardement économique et sociale. Elle est économique, tout d'abord, car vous instituez un déséquilibre de plus en faveur de la grande distribution, au détriment des petits commerces. Ensuite, elle est surtout sociale, car les travailleurs du dimanche n'auront pas tous droit au même traitement. Vos belles paroles sur le paiement double se sont vite fracassées sur la réalité. Il en est de même du volontariat. Tout le monde sait très bien à quel point ce volontariat sera virtuel. Il est d'autant plus irréaliste dans la période de développement du chômage que nous traversons. Quel chômeur refusera de signer un contrat de travail comprenant une clause de travail du dimanche alors que la France compte 2,5 et bientôt 3 millions de demandeurs d'emplois ? Quel salarié déjà employé à temps partiel dans la grande distribution, où c'est la règle, refusera de travailler quelques heures de plus un dimanche, quand c'est la seule solution pour obtenir un revenu décent et correct ?
Enfin, votre refus obstiné de faire un bilan précis des conséquences sociales de l'ouverture du dimanche déjà pratiquée par certains commerces sonne comme un aveu. Cela n'aurait pas manqué de faire apparaître ses conséquences négatives, notamment sur la vie de famille. Comment déplorer que des enfants soient livrés à eux-mêmes des journées entières si, dans le même temps, on incite par la loi – on les contraint même – un certain nombre de parents à travailler toute la journée du dimanche ?
Avant de conclure, mes chers collègues, je voudrais lancer un appel à celles et ceux qui, sur les bancs de la majorité, de l'UMP et du Nouveau Centre, doutent encore. La question du travail du dimanche est au coeur du pacte social et républicain de la France depuis plus de cent ans. Alors, au-delà des partis et des groupes parlementaires, écoutez la voix de la majorité des Français et levez-vous pour exprimer, avec nous, le refus de ce texte.
En attendant, vous pouvez compter sur la détermination pleine et entière de tous les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Que nous soyons Verts, communistes, du Parti de gauche, de métropole ou d'outre-mer, nous voterons tous contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Mes chers collègues, nous arrivons au terme de l'examen d'une proposition de loi qui aura monopolisé l'attention de notre assemblée pendant de longues heures – trop longues peut-être, au regard de la portée du texte. On peut penser que le temps passé sur ce texte aurait pu l'être de façon bien plus utile sur le projet de loi bien plus essentiel dont nous allons commencer l'examen dans quelques minutes, à savoir le texte sur la formation professionnelle tout au long de la vie.
De quoi s'agit-il, en effet, avec cette proposition de loi ?
Ce texte n'avait d'autre but que d'adapter notre législation sur le repos dominical aux évolutions de notre société, de reconnaître l'utilité de dérogations guidées par les caractéristiques de la vie moderne, plus urbaine, plus diversifiée, tout en réaffirmant avec force le principe du repos le dimanche.
Il ne s'agit pas de revenir sur un principe de notre droit social, mais de le concilier avec les attentes nouvelles de nos concitoyens, avec les nouvelles attitudes et habitudes de vie que ceux-ci ont développées le dimanche. Contrairement à ce que l'opposition a voulu laisser croire, il ne s'agit donc pas de généraliser le travail du dimanche.
Pour le groupe Nouveau Centre, le repos le dimanche doit rester la règle et le travail l'exception. C'est le cas aujourd'hui et ce sera toujours le cas après le vote de ce texte.
Celui-ci n'a pas d'autre ambition que d'introduire une dérogation nouvelle, autorisant le travail le dimanche dans les périmètres où sont constatés des usages de consommation dominicale exceptionnelle, périmètres concentrés dans un nombre limité de grandes aires urbaines ou dans les zones frontalières.
Il étend également le travail du dimanche à tous les commerces non alimentaires dans les communes d'intérêt touristique, c'est-à-dire les communes touristiques qui auront effectué la démarche de solliciter leur classement en tant que telles au titre du code du travail, dans le cadre d'une procédure qui est bel et bien différente du classement en commune touristique au titre du code du tourisme.
Contrairement aux affirmations qui ont pu être lancées, le classement en commune touristique n'entraîne donc pas ipso facto la possibilité pour les établissements situés sur le territoire de la commune classée d'ouvrir le dimanche, et de faire travailler leurs salariés ce jour-là.
Qui plus est, la démarche de classement en commune d'intérêt touristique est une compétence du maire, qui est le mieux placé pour constater les attentes de ses administrés, et juger de l'intérêt d'un tel classement. Il en est de même dans les périmètres d'usage de consommation exceptionnelle, où, là encore, l'initiative de solliciter l'ouverture des commerces le dimanche est entre les mains des élus locaux, ce qui est une assurance contre tout abus.
Enfin, des garanties et des contreparties précises sont reconnues aux salariés, de manière à ce que ceux-ci voient leurs droits respectés, qu'ils ne soient pas contraints à accepter contre leur gré de travailler le dimanche.
Le travail le dimanche repose sur le volontariat (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR), le refus de travailler le dimanche n'est ni une cause de licenciement ni un élément susceptible de justifier un refus d'embauche, pas plus qu'il ne peut justifier un comportement discriminatoire à l'encontre du salarié. Celui-ci conserve d'ailleurs la possibilité de revenir sur son choix de travailler le dimanche, le droit à la réversibilité étant clairement encadré par le texte.
Le groupe Nouveau Centre a, par ailleurs, obtenu l'assurance que les salariés actuellement concernés par le travail dominical, et qui bénéficieraient, par accords collectifs, de contreparties, ne voient pas celles-ci remises en cause par les dispositions de ce texte.
Il a également obtenu que le dialogue social permette la conclusion d'accords collectifs apportant des garanties et des contreparties aux salariés concernés par le travail dominical. Ce sera en particulier le cas dans les branches couvrant des commerces et les services de détail où des dérogations sont d'ores et déjà applicables.
Il existe aujourd'hui 180 dérogations au repos dominical, et celles que nous adoptons aujourd'hui ne bouleversent pas, loin s'en faut, les principes fondamentaux de notre droit social.
Le groupe Nouveau Centre a obtenu, au cours du débat, les précisions nécessaires pour dissiper ce qui pouvait susciter des inquiétudes.
Notre groupe a également fait valoir des propositions pour garantir les intérêts des salariés, propositions qui ont été prises en compte.
En conséquence, la grande majorité des élus de notre groupe exprimera un vote favorable à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble de la proposition de loi.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 540
Nombre de suffrages exprimés 520
Majorité absolue 261
Pour l'adoption 282
Contre 238
(La proposition de loi est adoptée.)
Vote sur l'ensemble
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à seize heures cinquante, sous la présidence de M. Marc Laffineur.)
L'ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie (nos 1628, 1793, 1700).
Je vous rappelle que la conférence des présidents a décidé d'appliquer à la discussion de ce projet de loi la procédure du temps législatif programmé, sur la base d'un temps attribué aux groupes de trente heures.
Chaque groupe dispose des temps de parole suivants : le groupe UMP, huit heures trente, le groupe SRC, onze heures vingt-cinq, le groupe GDR, cinq heures quarante-cinq, le groupe NC, quatre heures vingt et les députés non inscrits, cinquante minutes.
En conséquence, chacune des interventions des députés, en dehors de celles des rapporteurs et des présidents des commissions, sera décomptée sur le temps du groupe de l'orateur.
Les temps qui figurent sur le « jaune » ne sont en tout état de cause qu'indicatifs.
La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi.
Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, je suis très heureux que s'ouvre aujourd'hui, avec l'examen dans l'hémicycle de ce projet de loi, une nouvelle étape, décisive, pour la formation professionnelle.
Avant d'entrer précisément dans les détails techniques d'un texte qui en compte beaucoup, et de rappeler, par-delà ses aspects administratifs, ses principales orientations, je souhaite souligner devant vous l'importance du sujet que nous traitons.
La réforme de la formation professionnelle, qui porte sur des sommes considérables puisque celles-ci s'élèveraient, selon les estimations, à quelque 27 milliards d'euros, est un enjeu décisif en cette période de crise de l'emploi. La formation professionnelle est en effet la seule façon d'offrir à des salariés, qui ont perdu leur emploi dans des branches touchées par la crise, une chance et un espoir de rebondir. Or, sur le plan structurel, la réforme de la formation professionnelle doit répondre à une évolution majeure du marché de l'emploi.
La structure actuelle du dispositif de la formation professionnelle est en effet héritée du système de la conception du travail forgé entre la fin du XIXe siècle et la période de l'après-guerre, système à l'intérieur duquel un salarié, après une formation initiale, entrait dans une entreprise au début de sa carrière pour y rester jusqu'à la fin de celle-ci. Notre formation professionnelle, je le répète, est l'héritière d'une telle conception, selon laquelle un même salarié restait dans la même branche, le même métier, voire la même entreprise.
Or, aujourd'hui, chacun le sait, un salarié sera conduit, dans le cadre de son parcours, à exercer entre trois à cinq métiers différents au minimum, à renouveler de façon très approfondie, voire substantielle, la totalité des savoirs qu'il aura pu acquérir dans le cadre de sa formation continue, voire à changer totalement de branche ou de secteur professionnel.
C'est valable pour tous, les parlementaires comme les membres du Gouvernement.
Dans un tel cadre, la formation professionnelle a besoin d'être revue. De deux choses l'une : ou nous la laissons en l'état et nous laissons, de ce fait, perdurer les injustices profondes qui la caractérisent – alors, non seulement nous ne corrigerons pas les inégalités, mais nous les aggraverons encore – ou nous essayons d'en faire un outil adapté aux nouvelles réalités du marché de l'emploi, et nous pouvons en faire la meilleure arme anti-crise en cette période en même temps qu'un vrai levier visant à protéger et à renforcer le capital emploi des salariés. Tel est notre objectif.
Notre système de formation professionnelle, empoussiéré dans les vieilles logiques du marché de l'emploi, a donc besoin d'un véritable coup de jeune : il convient de le rendre plus dynamique, plus réactif et plus souple.
S'agissant des inégalités profondes qui caractérisent notre logique actuelle, il ne me paraît pas inutile de rappeler certains chiffres qui ont le mérite de poser clairement la situation, que nous avons trop longtemps laissé perdurer. Aujourd'hui, moins le salarié est qualifié et plus il a besoin de formation professionnelle, moins il a de chance d'accéder à des heures de formation ;…
…un cadre a une chance sur deux d'accéder à la formation professionnelle durant son parcours tandis qu'un ouvrier n'en a qu'une sur sept ! De plus, celui qui recherche un emploi – période durant laquelle le besoin en formation est le plus grand –, voit sa demande de formation rester lettre morte dans trois cas sur quatre. N'oublions pas non plus l'inégalité selon l'âge, qui est la plus patente : lorsque le salarié passe la barre des cinquante ans, âge auquel il doit réactualiser ses savoirs en vue de parcourir les dernières années de sa carrière professionnelle, il perd la moitié de ses chances d'accéder à une formation.
À ces inégalités selon la personne, il convient d'ajouter les inégalités totalement ubuesques, si on y réfléchit un peu, que sont les inégalités selon les entreprises. Aujourd'hui, plus l'entreprise est petite et moins elle a de moyens, moins elle bénéficie de la formation alors même qu'elle contribue, en réalité, à la formation dans les grands groupes. En effet, c'est l'argent de la formation des petites entreprises qui finance la formation dans les grands groupes du CAC 40 ! Un salarié dans une entreprise de moins de dix salariés a cinq fois moins de chances de se former qu'un salarié d'une entreprise de plus de 500 salariés. Ces inégalités, qui caractérisent le marché de l'emploi, sont, aujourd'hui, devenues insoutenables.
Il existe enfin des inégalités selon les territoires, puisque les possibilités d'accès à une formation professionnelle peuvent varier d'un à trois selon la région où l'on habite.
Notre système de formation est également trop cloisonné. Il est évidemment utile de raisonner en termes de branche professionnelle, mais non pas au point d'élever des murs qui freinent, voire interdisent à un salarié toute mobilité et le privent de toute possibilité de passer d'un métier à un autre. Nous avons besoin non seulement de financer les métiers de demain, qui se développent et n'appartiennent pas nécessairement aux branches professionnelles structurées existant actuellement, mais également d'aider les salariés à passer d'une branche à une autre. Un système qui prévoit un financement différent pour les banques et pour les assurances, voire selon la banque à laquelle on appartient, peut être à juste titre considéré comme insuffisamment souple et peu adapté aux nouvelles réalités du marché de l'emploi.
Notre système de formation souffre enfin – c'est un euphémisme – d'un manque de transparence et de lisibilité. Il n'y a ni culture d'évaluation ni contrôle du système de la formation professionnelle, ce dont des organismes, minoritaires, ont profité pour développer des pratiques qui ne sont pas à l'honneur de celle-ci.
Telles sont les raisons majeures pour lesquelles le Gouvernement, à la demande pressante du Président de la République, a pris les choses à bras-le-corps en vue de réformer enfin notre système de formation professionnelle. Alors qu'on prétendait qu'il était impossible de le faire bouger, en raison notamment du poids important des corporatismes, nous avons fait le pari d'une réforme à la fois ambitieuse et fondée sur un diagnostic partagé avec les différents acteurs.
La formation professionnelle est en effet un domaine dans lequel interviennent des acteurs d'horizons différents. N'oublions pas tout d'abord que les principaux financeurs – et de très loin – de la formation professionnelle sont les salariés et les employeurs, pour plus de 11 milliards d'euros. Viennent ensuite l'État, pour 7 milliards d'euros, et les régions, qui sont des acteurs importants, pour 4 milliards. Nous avons donc tenu à développer une vraie concertation entre les acteurs, la compétence partagée impliquant qu'on prenne le temps d'établir un diagnostic et de mener une concertation commune : avis du Conseil d'orientation pour l'emploi recueilli en avril 2008, groupe multipartite, piloté par Pierre Ferracci, jusqu'en juillet 2008, négociation des partenaires sociaux achevée en janvier 2009, concertation avec l'Association des régions de France, qui s'est étalée de fin 2008 au début de 2009, en plus du travail commun mené dans le cadre du groupe piloté par Pierre Ferracci, sans oublier les nombreuses multilatérales avec les partenaires sociaux sur le projet de loi, notamment en avril 2009.
Ce texte, qui est le fruit de la concertation, s'appuie sur l'accord unanime des partenaires sociaux, accord auquel ils sont arrivés le 7 janvier dernier et qui est, à mes yeux, lourd de signification, y compris pour le positionnement de chacun au cours du débat dans l'hémicycle. Du reste, sur certains points, notamment le Fonds de sécurisation des parcours professionnels, cet accord est allé au-delà des attentes du Gouvernement. Sur d'autres, le texte a été enrichi – je pense notamment aux dispositions portant sur la formation professionnelle dans les TPE et les PME, la réforme des OPCA, l'offre de formation ou encore le pilotage des politiques de formation.
Par ailleurs, et j'y tenais beaucoup, le débat a permis, notamment dans le cadre de la commission, de laisser toute sa place à l'initiative parlementaire. La formation professionnelle est un domaine dans lequel nombre d'entre vous, députés comme sénateurs, ont beaucoup oeuvré, depuis de nombreuses années. Je pense au travail accompli, dès 1995, par la commission d'enquête sur l'utilisation des fonds de la formation professionnelle, par M. Claude Goasguen notamment. Je pense encore au rapport de la mission d'information de la commission des affaires sociales, présidée par Françoise Guégot, à qui a été confiée une mission sur la mise en oeuvre opérationnelle du droit à l'orientation. Je pense encore à la qualité des débats qui ont pu avoir lieu dans le cadre de la commission des affaires sociales, sous votre autorité, monsieur le président, ou encore dans le cadre de la commission des affaires économiques.
Les deux rapporteurs du projet de loi – MM. Michel Cherpion pour la commission des affaires sociales et Jean-Paul Anciaux pour la commission des affaires économiques – sont de très fins connaisseurs de la formation professionnelle. Je tenais à les remercier très chaleureusement pour leur travail, qui a permis d'améliorer substantiellement de nombreux points, sur lesquels je reviendrai systématiquement lors de l'examen des articles, puisque nous débattrons sur le texte de la commission. Je ne voulais pas que l'apport des parlementaires soit passé sous silence. Il a permis d'enrichir le travail du Gouvernement de façon très importante. Je rappelle que 117 amendements ont ainsi été adoptés en commission. Ils proviennent – je tenais à le souligner – de tous les groupes politiques : dix-huit des députés UMP, neuf des députés du groupe SRC, six des députés du groupe GDR et cinq des députés du groupe Nouveau Centre. Je vais citer quelques exemples.
La commission des affaires sociales a retenu le principe selon lequel la formation professionnelle doit permettre à chaque salarié de progresser au moins d'un niveau de qualification au cours de sa vie professionnelle ; elle a aussi fait des apports décisifs sur l'emploi des seniors, notamment avec le tutorat ou l'entretien à quarante-cinq ans, visant à informer les salariés sur leurs droits à la formation. Je pense également au travail accompli par Gérard Cherpion sur de nombreux volets ayant trait à la formation ou à l'orientation des jeunes. De la même manière que le texte repose sur un accord unanime des partenaires sociaux, je pense que le travail de coproduction législative appelle à dépasser les clivages politiciens et à se réunir pour moderniser notre système de formation professionnelle.
Les trois objectifs poursuivis par ce projet de loi se résument en trois points majeurs, simples mais de bon sens, sur lesquels nous avons concentré tous nos efforts.
Premièrement : l'impératif de justice et d'équité. Je l'ai dit, notre système de formation professionnelle non seulement ne corrige pas les inégalités par rapport au travail, mais, bien au contraire, les renforce. Ce système ne peut perdurer.
Du point de vue des personnes d'abord. Un fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels sera créé. Doté en année pleine de 900 millions d'euros, il permettra, conformément au souhait des partenaires sociaux, la formation de 500 000 salariés peu qualifiés et de 200 000 demandeurs d'emplois supplémentaires. Le but de ce fonds est de produire un effet de levier et d'entraînement permettant d'aller bien au-delà de la somme qui lui est consacrée, afin d'avoir un véritable point d'accroche pour faire bouger, dans un sens plus équitable, l'ensemble du dispositif de formation professionnelle.
Équité entre les secteurs professionnels, ensuite. Nous sommes aujourd'hui incapables de financer des besoins dans des secteurs émergents : les services à la personne, les emplois verts – qui constituent des gisements majeurs d'emplois à gagner. Nous ne sommes pas capables, il faut le reconnaître humblement, de répondre aujourd'hui aux besoins de formation. Le but de cette réforme est de réorienter les fonds, afin d'assurer le développement de ces filières en expansion, où nous pouvons gagner des emplois.
Équité et justice, enfin, en réorientant l'argent en direction des PME, qui sont traitées de manière inacceptable. Elles ne parviennent pas à mettre en place de façon satisfaisante des offres de formation pour leurs salariés. Le projet de loi sanctuarise les sommes en direction des entreprises de moins de cinquante salariés. Au total, chaque année, 1,2 milliard d'euros au titre du plan de formation seront consacrés exclusivement à la formation dans les entreprises de moins de cinquante salariés, aujourd'hui trop souvent spoliées par le système de la formation professionnelle.
Voilà pour le premier objectif : faire en sorte que le système soit plus juste et plus équitable.
Le deuxième objectif, qui est encore une idée de bon sens, est de faire en sorte que le seul horizon, le seul but de la formation professionnelle soit l'emploi. Trop souvent, au fil du temps, cet objectif a été oublié au profit de formations trop éloignées d'une culture d'emploi et de professionnalisation. La formation professionnelle est destinée à permettre à un salarié de garder son emploi, de progresser dans sa carrière et à un demandeur d'emploi de retrouver le plus vite possible un emploi. Il faut en finir avec des formations trop vagues, trop floues, « des formations à l'état gazeux » comme je les appelle, pour miser, au contraire, sur des formations directement reliées à une culture d'emploi.
Dans ce cadre-là et de façon très pragmatique, la réforme mise sur ce qui a marché. Je pense notamment au contrat en alternance, au certificat de qualification de branche, aux formations telles que les cours du soir, qui ont une vocation d'ascenseur social extrêmement importante sur notre territoire.
Il faut faire en sorte qu'un salarié licencié puisse bénéficier de son droit individuel à formation. Aujourd'hui, lorsqu'un salarié est licencié et a besoin de se reformer, on lui explique qu'il est trop tard et qu'il fallait y penser avant d'être licencié. Mais c'est justement au moment où on perd son emploi que l'on a besoin de la formation professionnelle !
Je pense également au bilan d'étape professionnel ou au passeport orientation et formation. Toutes ces mesures constituent un dispositif opérationnel, destiné à mettre au coeur du réacteur nucléaire de tout le raisonnement de la formation professionnelle la logique de l'emploi. Je vais donner quelques exemples des améliorations qu'apportera ce texte, pour répondre également au souhait du président de la commission des affaires sociales.
Premier exemple : une personne de plus de cinquante ans pourra bénéficier d'un bilan d'étape qui lui permettra de gérer ses dix années de carrière restantes et d'accéder à la formation, alors qu'aujourd'hui, passé cinquante ans, on n'a quasiment plus aucune chance d'en obtenir une.
Deuxième exemple : un salarié qui perd son emploi dans le secteur textile et a besoin de se reconvertir dans le secteur de la logistique pourra bénéficier d'une préparation qualifiante pour assurer sa reconversion. Là encore, c'est du concret !
Troisième exemple : un demandeur d'emploi qui a besoin de réactiver ses connaissances dans des domaines de la logistique avec des formations type CACES, pourra mobiliser son droit individuel à la formation pour actualiser sa formation. Ce n'est pas possible aujourd'hui et c'est souvent un obstacle à l'accès à l'emploi dans de nombreux secteurs.
Quatrième exemple : aujourd'hui, une personne qui veut devenir aide-soignante ne peut pas bénéficier du congé individuel de formation. Vous avez tous vu ces exemples dans le cadre de vos permanences. Le projet de loi, par le biais du financement du congé individuel de formation, notamment par les cours du soir, le permettra.
Dernier exemple : il est bien souvent impossible aux collectivités locales qui utilisent des contrats aidés d'assurer un financement en termes de formation. Grâce à des amendements portés dans le cadre de la commission, cela deviendra possible.
Enfin, le projet de loi pose les bases d'un vrai service public de l'information et de l'orientation et prévoit de donner un label de qualité aux organismes qui y contribuent sur le modèle auquel on est très attaché dans l'Ouest : « les Cités des métiers ». Le but est de mettre un GPS dans le maquis actuel de la formation professionnelle.
Plusieurs députés du groupe UMP. Belle image !
Le troisième objectif consiste à braquer le projecteur dans les recoins obscurs de la formation professionnelle, qui souffre d'une absence de transparence, de lisibilité et d'évaluation.
Cela s'explique d'abord par une balkanisation du système, beaucoup trop émietté. Il y a beaucoup trop d'OPCA, beaucoup trop éparpillés, ce qui ne permet d'avoir ni une véritable offre de proximité sur chacun des départements ni un contrôle véritablement efficace.
Le projet de loi prévoit de réformer les OPCA. Il s'agit de passer d'une centaine d'organismes différents à une quinzaine d'OPCA de branches au maximum. Cela nécessite de fixer le seuil d'agrément de ces organismes à 100 millions d'euros, agrément qui sera accordé au regard d'autres critères de qualité, parmi lesquels la transparence de gestion et la bonne gouvernance. Les OPCA seront contrôlés et évalués tous les trois ans.
Par ailleurs, il faut s'attaquer à divers points relevant du bon sens, sur lesquels, faute de courage et du fait de corporatismes redoutables, les réformes calaient depuis trop longtemps. Il sera mis fin à la confusion des rôles entre les responsables d'OPCA et les organismes de formation. On ne peut pas avoir des jetons à la fois dans une OPCA et dans un organisme de formation. Cette confusion des rôles, on l'imagine assez bien, donne lieu à toutes les dérives possibles.
Il faut plus de transparence sur les frais de gestion des OPCA. L'argent de la formation doit aller aux entreprises et aux salariés qui en ont besoin. Il faut éviter trop d'évaporation avec les frais de gestion.
Il faut enfin faire en sorte que les OPCA soient soumis, lorsque l'on achète de la formation, à un certain nombre de règles, comme le respect des délais de paiement ou des règles de la concurrence.
Enfin, il faut s'attaquer aux organismes de formation, minoritaires, qui ternissent l'image de la profession. Il faut rendre plus strictes les règles d'enregistrement des organismes de formation et – c'est un point auquel j'attache beaucoup d'importance – mieux contrôler afin d'éviter certaines dérives sectaires que nous avons pu constater sur le terrain. Je peux en témoigner sur mon propre territoire où, faute de transparence, certaines sectes ont instrumentalisé des organismes de formation professionnelle, s'en servant d'outil de financement. Ce n'est pas tolérable. Le projet de loi permettra de contrôler ces dérives sectaires. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Enfin, la qualité de l'information doit être améliorée vis-à-vis des salariés qui s'engagent dans une formation. Aujourd'hui, une personne n'est pas toujours informée du contenu de la formation qu'elle entame, et celle-ci n'est pas toujours sanctionnée par un diplôme. Là encore, cette absence de transparence n'est pas tolérable.
Reste la question de la gouvernance. Le projet de loi a pris l'option de passer d'un travail dans lequel chacun est dans son couloir, l'un à côté de l'autre, à un travail d'équipe, où chacun est dans son rôle, mais avec une bien meilleure concertation.
En matière de formation professionnelle, je le rappelle, personne n'a d'exclusivité. D'abord, parce que les montants sont répartis entre les partenaires sociaux, l'État et les régions, avec une nette dominante pour les partenaires sociaux et des fonds très massivement investis à la fois par l'État et les régions.
Ensuite, chacun est dans son rôle : les partenaires sociaux, auxquels il revient de faire en sorte que la formation colle le plus possible aux réalités de l'emploi ; les régions, qui veillent à ce que les formations professionnelles se déclinent en fonction des réalités territoriales ; l'État – je suis très attaché à la vocation de l'État –, qui doit assurer la solidarité républicaine et l'équité sur l'ensemble du territoire.
Le but est de faire en sorte d'avoir une gouvernance bien articulée à deux niveaux. D'abord au niveau national, puisque, dans le cadre de la gestion du fonds paritaire – le fonds de sécurisation des parcours professionnels –, une convention est passée avec l'État afin d'assurer la bonne déclinaison et la bonne concertation entre les politiques de l'État et les politiques des partenaires sociaux. Ensuite au niveau régional, avec une contractualisation du plan régional de développement des formations, pour éviter ce que nous constatons aujourd'hui : l'État d'un côté et les conseils régionaux de l'autre. Il ne s'agit nullement de mettre sous tutelle, mais de sortir simplement d'une logique où chacun travaille dans son coin, pour aller vers un travail en équipe.
N'oublions pas ce qu'attendent de nous les salariés et les demandeurs d'emplois : un système de formation professionnelle plus efficace, plus juste qui réponde à leur besoin. Ils n'ont aucune envie d'un débat où chacun s'enfermerait dans une posture, veillant à préserver son petit pré carré. Ce ne serait pas digne des enjeux de la formation professionnelle.
Le projet cible donc trois priorités claires : plus de justice et d'équité, promotion de la formation professionnelle en arme anti-crise, et transparence et meilleure évaluation du système.
Avant que le débat ne s'ouvre, je voudrais lancer un appel très solennel. Ce projet de loi, je le répète, repose sur un accord approuvé par tous les partenaires sociaux : les représentants des employeurs comme les représentants des salariés, depuis le MEDEF, la CGPME, l'UPA jusqu'à la CGT, la CFDT, FO, la CGC ou encore la CFTC. Bien entendu, chacun aurait préféré que tel ou tel point du projet soit amélioré. Je le comprends parfaitement. Mais ils ont tous été capables de faire preuve d'un esprit de responsabilité pour dire : « Dans cette période de crise, il faut que nous avancions. Il n'y a pas de place pour les postures d'acteurs, pour les invectives ou les jeux de ping-pong ! »
Plusieurs députés du groupe GDR. Ce n'est pas la peine de débattre alors !
Vos réactions sont intéressantes, mesdames, messieurs de l'opposition ! Je n'ai fait que restituer la teneur des débats qui ont eu lieu entre les partenaires sociaux.
Ils ont fait preuve d'un grand sens des responsabilités en signant unanimement un accord. Comme vous le savez, je suis très respectueux de l'initiative parlementaire. Aussi, alors que les partenaires sociaux – toutes tendances confondues – ont été capables de proclamer que leur priorité était d'améliorer la situation,…
… je fonde l'espoir que nous donnerons la même image d'unanimité et que nous ferons avancer, avec le même esprit de responsabilité, un texte qui mérite mieux que des postures politiciennes. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Gérard Cherpion, rapporteur de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur de la commission des affaires économiques, mes chers collègues, nous abordons cet après-midi l'examen du projet de loi relatif à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie.
À ce stade, je ne reviendrai pas sur le détail des dispositions de ce texte déposé depuis deux mois et dont M. le secrétaire d'État vient de nous rappeler la teneur. Je ne reviendrai pas non plus sur les enjeux multiples que recouvre la question de la formation professionnelle, sinon pour rappeler le montant bien connu de 27 milliards d'euros – financés notamment par l'État, Pôle emploi, vingt-six régions et une centaine d'organismes paritaires collecteurs agréés – brassés chaque année au profit d'un système auquel il est aisé de reprocher sa complexité, son cloisonnement, son défaut de coordination et de transparence. Ce sont précisément ces critiques que le présent texte a l'ambition de prendre en compte en apportant des réponses multiples.
Avant tout, il me paraît important de souligner que ce projet de loi est le résultat d'un processus de maturation exemplaire. Non seulement il a été précédé de très nombreux rapports de grande qualité – celui de notre collègue Mme Françoise Guégot notamment –, qui se sont accordés sur la nécessité d'une réforme profonde, mais il a également été précédé d'une délibération sociale…
… dont il traduit le résultat, l'accord national interprofessionnel du 7 janvier 2009. L'apport peut-être le plus significatif de cet accord réside dans l'affirmation d'une responsabilité des partenaires sociaux quant à l'accès à la formation des demandeurs d'emploi. Par ailleurs, l'objectif d'un accès plus large et plus égal à la formation, déjà présent dans l'accord de 2003, est réaffirmé. S'il est vrai que des résultats ont été obtenus – le taux d'accès des salariés à la formation continue chaque année est passé de 34 % à près de 41 % de 2002 à 2006 –, il reste effectivement beaucoup à faire en la matière : le taux d'accès des cadres et des professions intermédiaires à la formation est le double de celui des ouvriers ; celui des salariés des entreprises de plus de 2 000 salariés représente le quadruple de celui des entreprises de dix à vingt salariés, M. le secrétaire vient de le rappeler.
Le projet de loi poursuit deux grandes séries d'objectifs. Il s'agit de faire de la formation professionnelle un outil efficace de la sécurisation des parcours professionnels, notamment en l'orientant mieux vers les salariés les moins qualifiés ou les plus fragiles ainsi que les demandeurs d'emploi. Il s'agit aussi de rendre l'ensemble du système plus lisible, plus transparent et donc plus efficace.
S'agissant de la réorientation des fonds vers ceux qui en ont le plus besoin, la mesure emblématique est naturellement la création d'un fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels qui, avec 900 millions d'euros, disposera de trois fois plus de moyens que l'instrument actuel de mutualisation entre OPCA, le fonds unique de péréquation, le FUP. Je voudrais également saluer l'ouverture d'une possibilité de prise en charge par les OPACIF des formations suivies à l'initiative des salariés hors temps de travail, c'est-à-dire les cours du soir, qui répondra à une demande sociale forte, notamment dans les petites et moyennes entreprises où il est souvent très difficile d'organiser des formations longues sur le temps de travail faute de pouvoir remplacer les salariés.
Pour ce qui est de l'objectif d'améliorer la gouvernance et la transparence du système, le projet de loi élargit les missions des organismes collecteurs agréés et promeut la nécessaire réorganisation de leur réseau. Cette réorganisation doit aussi permettre de mieux orienter les moyens vers les très petites et petites entreprises.
Naturellement, ce projet – très riche – contient de multiples autres mesures. Notre discussion nous permettra d'aborder dans le détail ces différents dispositifs, je ne m'attarderai donc pas, à ce stade, sur leur énumération, préférant évoquer les questions qui ont particulièrement retenu mon attention au cours de la préparation de ce rapport et qui ont conduit la commission à enrichir assez substantiellement le projet de loi initial. Quelque soixante-dix auditions m'ont, en effet, permis, au cours des dernières semaines, de prendre la mesure d'un certain nombre de préoccupations que je me suis efforcé de traduire en propositions d'amendements, qui ont été aujourd'hui, puisque tel est le principe de la réforme constitutionnelle, intégrées au projet soumis à la discussion. La commission des affaires sociales a, en effet, substantiellement amendé le projet de loi initial : elle a adopté 117 amendements, provenant de tous les groupes politiques et s'inscrivant dans plusieurs logiques.
Tout d'abord, ils visent à respecter au mieux les termes de l'accord des partenaires sociaux. Dans l'ensemble, le projet de loi du Gouvernement transcrit très bien l'accord des partenaires sociaux du 7 janvier dernier. Certains points de cet accord n'y avaient toutefois pas été repris. Il en était ainsi, par exemple, du principe selon lequel la formation professionnelle continue doit permettre à chaque salarié de progresser d'au moins un niveau de qualification au cours de sa vie professionnelle. La commission a repris ce principe et apporté plusieurs autres aménagements destinés à encore mieux prendre en compte la volonté des partenaires sociaux : elle a notamment renvoyé à une future négociation collective les modalités d'application du bilan d'étape professionnel, du fait des positions divergentes des organisations syndicales sur cette question, et associé les OPCA à la mise en oeuvre de la préparation opérationnelle à l'emploi.
Ensuite, la commission s'est efforcée de maintenir l'équilibre des circuits financiers et des acteurs. D'autres points, techniques, mais très importants au regard des enjeux financiers qu'ils représentent, faisaient, en effet, débat dans le projet de loi initial : c'était le cas des modalités de répartition du prélèvement finançant le nouveau fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels entre les sommes dues par les entreprises au titre du plan de formation et celles dues au titre des contrats et périodes de professionnalisation ; c'était aussi le cas des seuils d'effectifs – dix etou cinquante salariés – retenus pour la mise en oeuvre du dispositif de cantonnement de la collecte des organismes paritaires sur les petites entreprises, dispositif qui vise à éviter des transferts des fonds de la formation professionnelle des petites vers les grandes entreprises.
La commission des affaires sociales a souhaité apporter des éléments de réponse sur ces points. Afin d'éviter tout risque que l'instauration du nouveau fonds n'entraîne une ponction excessive des montants destinés à financer les contrats et périodes de professionnalisation ainsi que le droit individuel à la formation, elle a prévu une possibilité d'encadrement réglementaire de la répartition du prélèvement au bénéfice du nouveau fonds entre les participations « plan de formation » et « professionnalisation ». Afin de protéger les sommes destinées aux très petites et petites entreprises, elle a par ailleurs, comme le proposait la commission des affaires économiques, distingué trois sections dans les comptes des OPCA, délimitées par les deux seuils d'effectif de dix et cinquante salariés.
Dans le même souci d'équilibre, mais cette fois entre les acteurs, la commission souhaite une meilleure prise en compte du « hors champ », c'est-à-dire des secteurs et branches d'activités qui ne se reconnaissent pas dans les trois organisations patronales actuellement représentatives au plan national et interprofessionnel. Les organisations professionnelles du « hors champ » seront ainsi associées, suite à un amendement de la commission, non seulement à la répartition des moyens du nouveau fonds, mais encore à la procédure annuelle de fixation – entre 5 % et 13 % – du taux du prélèvement affecté au fonds.
La commission des affaires sociales a également adopté plusieurs amendements destinés à assurer une plus grande transparence dans le fonctionnement de la formation professionnelle. Elle propose ainsi de renforcer les possibilités de contrôle et d'instaurer, pour les formations excédant une durée qui sera fixée par voie réglementaire, l'obligation de signer une convention de formation entre l'acheteur de formation, l'organisme de formation et la personne concernée, qui pourra ainsi s'assurer que la formation qui lui est dispensée correspond bien aux engagements pris. Elle a aussi spécifié que la liste des organismes de formation dûment déclarés à l'administration sera diffusée sur Internet.
La commission a voulu prendre des mesures destinées à relancer le dialogue social au niveau des branches. Le dialogue social qui est conduit au niveau des branches professionnelles a souvent permis l'émergence d'innovations ensuite reprises dans des accords à portée nationale et interprofessionnelle puis, le cas échéant, par le législateur. La commission a donc enrichi la liste des thèmes sur lesquels, en matière de formation, les branches seront invitées à négocier périodiquement, en y insérant notamment la portabilité du DIF et la valorisation de la fonction de tuteur, en particulier pour les salariés les plus âgés.
S'inscrivant dans la même optique que les partenaires sociaux, la commission a souhaité apporter des réponses à l'ensemble des salariés et demandeurs d'emploi pour lesquels l'accès à la formation est aujourd'hui difficile alors qu'il est essentiel pour ces personnes. En conséquence, elle a complété la liste des bénéficiaires potentiels des concours du nouveau fonds en y citant les intérimaires et en y ajoutant les salariés à temps partiel, ceux dont la reconversion exige une formation longue, les personnes handicapées, les personnes éloignées de l'emploi et les personnes en contrat aidé. Elle a également adopté une disposition qui permettra aux salariés en contrat de professionnalisation licenciés pour motif économique de poursuivre cependant leur formation, qui restera prise en charge par l'OPCA concerné.
Pour ce qui est des salariés plus âgés, dont l'accès à la formation est également difficile, outre des mesures favorisant le développement du tutorat, la commission a adopté le principe, défendu par M. Jacques Kossowski, du droit à un entretien professionnel pour les salariés atteignant quarante-cinq ans, entretien qui permettra notamment de les informer de leurs droits en matière d'accès à un bilan d'étape professionnel, un bilan de compétence ou une action de professionnalisation.
Avant-dernier point, la commission a aussi souhaité affirmer le droit à l'information et à l'orientation professionnelles. Dans un domaine où des progrès très importants doivent manifestement être accomplis, celui de l'orientation professionnelle et de l'information sur la formation professionnelle, le projet de loi tel qu'il avait été déposé à l'Assemblée nationale pouvait être enrichi. Conformément aux annonces du Président de la République le 3 mars dernier à Alixan, la commission des affaires sociales a voulu affirmer le droit à l'information et à l'orientation professionnelles. Pour le mettre en oeuvre, elle a adopté l'amendement proposé par le rapporteur de la commission des affaires économiques, M. Jean-Paul Anciaux, qui inscrit dans la loi le principe d'un service Internet de première information, lequel orientera les internautes vers les structures d'orientation à proprement parler.
Enfin, dernière série de mesures, mais non la moindre, j'ai souhaité, considérant la situation très difficile de l'emploi des jeunes, proposer des mesures fondées sur l'expérimentation et sur la contractualisation.
Le constat est, en effet, sévère. À court terme, le fait est que la crise économique actuelle touche particulièrement les jeunes. Selon les derniers chiffres disponibles, en un an, de mai 2008 à mai 2009, le nombre de jeunes de moins de vingt-cinq ans inscrits à Pôle emploi en catégorie A, B ou C a augmenté de 32,6 %, passant de 483 000 à 640 000, quand la hausse générale du chômage était de 18,4 %. En outre, d'un point de vue plus structurel, il est clair que les performances françaises en matière d'emploi des jeunes sont largement perfectibles.
Aussi, en complément des mesures à effet rapide annoncées par le Président de la République le 24 avril dernier et sans préjuger des conclusions de la commission présidée par M. Martin Hirsch, la commission a fait un ensemble de propositions dont certaines sont expérimentales.
Notre pays compte actuellement 600 000 jeunes en contrats d'alternance – apprentissage et professionnalisation – quand l'Allemagne, avec une population de 30 % supérieure, recense 1,6 million d'apprentis. Si les jeunes en alternance représentaient 5 % des effectifs de salariés, fonction publique comprise, ils seraient en France 1,1 million, soit 500 000 de plus qu'aujourd'hui. La commission souhaite donc engager les entreprises et leurs fédérations professionnelles dans une démarche volontariste, contractualisée avec l'État et de moyen terme, avec deux rendez-vous, en 2012 et 2015, de renforcement de leur accueil des jeunes en alternance.
De même, la commission propose de généraliser temporairement les clauses d'insertion au bénéfice des jeunes pas ou peu qualifiés dans les marchés publics.
La commission propose ensuite d'expérimenter un cadre juridique pour la conclusion de conventions d'objectifs entre le préfet et les opérateurs privés de placement sur le marché du travail, qui porteraient notamment sur l'identification des offres d'emplois non pourvues et la mutualisation des informations.
Afin de développer le tutorat en entreprise, la commission propose également d'autoriser, à titre expérimental, les entreprises à imputer sur leur obligation légale de financement de la formation professionnelle continue une part de la rémunération de leurs salariés tuteurs des jeunes qu'elles viennent d'embaucher, ainsi que les éventuelles gratifications accordées à ces tuteurs à ce titre.
Dans le même esprit, afin que l'apprentissage soit encore plus souvent un choix gagnant, il est proposé d'ouvrir la possibilité aux apprentis ayant achevé leur contrat d'apprentissage, sans que celui-ci ait été sanctionné par la validation d'un diplôme ou d'un titre, de demander à bénéficier de la prise en compte de leurs acquis en vue de l'obtention d'un certificat de qualification professionnelle.
Un autre amendement de la commission, intégré au présent texte, concernant également l'apprentissage, vise à lever les obstacles de droit que rencontrent certains jeunes étrangers, pourtant en situation régulière et scolarisés, quand ils veulent passer un contrat de formation en alternance. Le volontariat international en entreprise est un remarquable outil d'insertion pour les jeunes diplômés, qui sert, en outre, les intérêts de nos entreprises. Il est donc proposé que les jeunes volontaires soient pris en compte pour déterminer le taux de jeunes en alternance dans l'entreprise en vue du calcul de la contribution additionnelle à la taxe d'apprentissage.
S'agissant des missions locales, il conviendrait de mesurer leurs résultats en matière d'insertion professionnelle et de conditionner une part de leur financement à ces derniers.
Enfin, il ne faut pas oublier les écoles de la deuxième chance qui représentent une véritable alternative pour les jeunes qui ont décroché du système scolaire, leur pédagogie spécifique leur permettant d'obtenir de bons résultats, malgré un public très défavorisé. La commission souhaite que soit posé le principe d'un déploiement complet et équilibré de leur réseau sur le territoire national.
S'agissant du volet de l'emploi des jeunes, j'ajouterai que les consultations que j'ai pu mener ces derniers jours m'ont conduit à déposer un nouvel amendement proposant un dispositif destiné à prendre en compte la situation des élèves sortant du système de formation initiale sans être diplômés du second cycle de l'enseignement secondaire. Il s'agit d'inscrire dans la loi le principe de l'organisation, dans chaque département, d'un dispositif de suivi des élèves décrocheurs associant l'ensemble des services concernés ainsi que celui de la transmission de leurs coordonnées aux missions locales et aux diverses parties prenantes de ce dispositif.
Voilà donc l'essentiel des propositions de la commission. Je souhaite que le débat qui s'ouvre aujourd'hui nous permette d'enrichir encore ce texte au profit d'un système de formation professionnelle plus lisible et plus efficace, véritable outil de sécurisation des parcours professionnels. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur de la commission des affaires économiques, saisie pour avis.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le rapport sur le projet de décret relatif à l'organisation générale de l'instruction que Condorcet présentait à l'assemblée législative les 20 et 21 avril 1792 …
…comprenait déjà des mesures relatives à l'« instruction pendant toute la durée de la vie », laquelle, notait-il, « empêchera les connaissances acquises dans les écoles de s'effacer trop promptement de la mémoire, entretiendra dans les esprits une activité utile, instruira le peuple des lois nouvelles, des observations d'agriculture, des méthodes économiques qu'il lui importe de ne pas ignorer ».
Le style de Condorcet est passé, mais son esprit est là. Le projet de loi que nous avons à examiner aujourd'hui est en effet relatif à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie. C'est un texte bref mais dense, en grande partie issue des négociations entre partenaires sociaux qui ont abouti à l'accord national interprofessionnel du 7 janvier 2009. Il s'inscrit dans le prolongement de la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, dont j'avais eu l'honneur d'être le rapporteur pour la commission des affaires sociales.
Dans son discours prononcé le 3 mars 2009, le Président de la République résumait ainsi l'importance du présent projet de loi : « il ne s'agit pas de tout mettre à bas, mais de conduire une réforme ambitieuse ». Cette réforme rend indéniablement plus efficace, plus juste et plus lisible notre système de formation professionnelle.
Avant d'aborder le détail de ce texte, j'aimerais rappeler que le système de formation français, s'il présente encore des défauts souvent soulignés, est un instrument qui concourt utilement à l'évolution professionnelle.
Sans doute mon parcours me rend-il, plus encore que d'autres députés, sensible à la nécessité de mettre en place un système de formation tout au long de la vie qui soit de qualité, accessible à tous les salariés, quels que soient leur rang et la taille de leurs entreprises, et qui réponde également au besoin de formation qualifiante pour les demandeurs d'emploi.
Pour commencer, je souhaite souligner deux avancées majeures contenues dans l'accord national interprofessionnel du 7 janvier 2009 et transcrites dans le présent projet de loi.
Par l'accord interprofessionnel de janvier dernier, les partenaires sociaux ont en effet reconnu pour la première fois que le financement de la formation professionnelle doit être plus transparent et que la participation des employeurs doit en partie servir à financer la formation des demandeurs d'emploi.
« Transparence » et « demandeurs d'emploi » sont des mots que les syndicats de salariés et d'employeurs ont trop souvent laissés de côté lors des négociations. Ce sont aussi des mots qui ont valeur de symbole : ils nous ont conduits à améliorer les dispositifs ainsi qu'à innover afin que le système de formation professionnelle soit plus efficace et réponde davantage à la crise.
Ces mots lourds de sens ont été déclinés en mesures concrètes dans le projet de loi : l'article 9 crée le fonds de sécurisation des parcours professionnels qui aura notamment pour objet de financer la formation des demandeurs d'emploi ; les articles 14 et 15 modifient substantiellement le statut des organismes paritaires collecteurs agréés, même si le détail des mesures clés est renvoyé à des décrets.
Je ne rappellerai pas les principales mesures contenues dans le projet de loi – cela a été fait avant moi – et me bornerai à vous présenter les principales modifications que la commission des affaires économiques a proposées et qui ont été intégrées au texte adopté par la commission des affaires sociales.
Le travail visant à améliorer le projet de loi a été, pour l'essentiel, réalisé par la commission des affaires sociales et je souhaite, à cet instant, saluer le travail du rapporteur Gérard Cherpion, sa grande qualité d'écoute ainsi que sa volonté d'entretenir un dialogue permanent avec tous.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très juste !
Personnellement, je me suis particulièrement attaché à approfondir la question de l'orientation professionnelle, problème sur lequel achoppe aujourd'hui la mise en place d'un système efficace de formation tout au long de la vie.
J'ai entendu les principaux acteurs du secteur, envisagé les diverses pistes de réforme et élaboré, en concertation avec les professionnels, un amendement qui enrichit de manière substantielle le texte du Gouvernement sur cette question, et je remercie mes collègues des deux commissions qui m'ont soutenu sur ce point.
Le constat est partagé par tous : les dispositifs français d'aide à l'orientation sont à la fois foisonnants et incohérents avec plus de 8 500 organismes d'information et d'orientation qui interviennent, pas moins de quinze plates-formes téléphoniques et dix sites Internet généralistes qui ont été mis en place. Il est de la responsabilité du Parlement d'apporter un minimum de cohérence dans ce maquis.
À la suite de ce travail, je vous propose d'établir les bases législatives d'un système d'orientation professionnelle articulé autour de trois niveaux : premièrement, un droit à l'orientation professionnelle ; deuxièmement, un service national unique de première orientation qui pourrait être une sorte de « 112 » de la formation professionnelle ; troisièmement, un label définissant les services qui devront être fournis par les principaux organismes d'information et d'orientation susceptibles de répondre précisément aux besoins d'orientation des individus.
Ces propositions relatives à l'orientation ont été adoptées par la commission des affaires sociales, ce dont je me réjouis.
La commission des affaires économiques a, par ailleurs, approuvé deux amendements importants, qui ont aussi conduit à modifier le projet de loi.
Le premier est relatif à la création de trois sections séparées de gestion des fonds de la formation professionnelle au sein des OPCA : pour les entreprises de moins de dix salariés, pour les entreprises de dix à cinquante salariés et pour les plus grandes, avec un principe de fongibilité asymétrique.
Le second est relatif au partage du financement du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, le FPSPP, entre les fonds du plan de formation et les fonds de la professionnalisation. Le Gouvernement, je le sais, monsieur le secrétaire d'État, a pris l'engagement de veiller au partage équitable de cette charge au moyen d'un texte réglementaire.
En conclusion, je veux dire ma conviction que ce texte améliorera la transparence, l'efficacité et la justice du système français de formation professionnelle mais qu'il faudra poursuivre le dialogue social et le travail en commun avec les partenaires sociaux pour continuer à moderniser le système français et à l'adapter, au bénéfice des salariés mais aussi de la compétitivité de nos entreprises. Un travail important a été fait. Je souhaite qu'il se prolonge dans l'hémicycle, grâce aux engagements déjà pris et à la volonté commune des uns et des autres d'avancer. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à M. Michel Issindou.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, pour dire toute l'importance du sujet qui nous réunit aujourd'hui, nous devons d'abord constater avec bonheur que l'économie de la connaissance n'est plus la promesse de quelques esprits visionnaires mais une réalité que le progrès technologique a solidement installée.
L'ayant identifié comme déterminant principal de la compétitivité et du dynamisme de notre économie, les gouvernements au pouvoir depuis 2002 n'ont eu de cesse de brandir le développement des savoirs comme priorité d'action sans que les efforts réellement consentis dans ce domaine soient jamais à la hauteur des proclamations.
Si connaissance rime effectivement avec croissance, il est tout aussi important d'observer que les savoirs et les qualifications conditionnent aujourd'hui plus que jamais l'insertion professionnelle et l'inclusion sociale. Sur ce point, nous partageons le constat établi par les orateurs précédents.
En tant que puissant levier permettant d'agir sur la prospérité et la cohésion, il est indispensable que la formation professionnelle dispense un enseignement adapté aux besoins de notre économie et accessible au plus grand nombre, en particulier aux publics les moins qualifiés.
Cette exigence d'efficacité et de modernité, plusieurs États européens l'ont intégrée en plaçant la formation professionnelle au coeur de leur système de flexi-sécurité – mot très à la mode – en tant qu'outil garantissant l'adaptation des salariés et demandeurs d'emplois aux mutations de plus en plus rapides de l'appareil productif.
La situation sur le marché du travail français appelle un effort de réorganisation similaire. Deux indicateurs, le taux d'emploi des jeunes et celui des seniors, signent effectivement l'échec du système existant. En novembre 2008, seuls 32 % des 15-24 ans exerçaient un emploi en France contre 38 % en moyenne dans le reste de l'Europe. À l'autre bout de l'échelle, plus 60 % des 55-64 ans étaient inoccupés en France contre seulement 30 % de leurs homologues suédois.
Ce qu'il convient de qualifier d'anomalie française ne peut être entièrement imputé au handicap que constituent l'inexpérience des uns et le manque de dynamisme des autres. Le chômage structurel frappant ces deux classes d'âge est également, à l'évidence, le résultat d'un problème de qualifications.
S'agissant du chômage des jeunes, des statistiques plus fines montrent clairement que les problèmes d'insertion concernent au premier chef ceux d'entre eux qui sont les moins diplômés. Partant de ce constat, la loi d'orientation et de programmation sur l'école de 2004 prévoyait qu'aucun élève ne devait sortir du système scolaire sans diplôme, reprenant l'objectif de la loi de 1989. Force est de constater que ces généreuses intentions n'ont malheureusement pas été suivies d'effets. Ce sont encore 150 000 jeunes non qualifiés qui arrivent sur le marché du travail chaque année avec de bien minces espoirs d'y trouver une place.
Pour sécuriser les parcours des plus jeunes et des plus anciens, la réforme du système de formation professionnelle doit aboutir à faire de celle-ci une véritable variable d'ajustement entre les profils des demandeurs d'emploi et les besoins de qualifications des entreprises. Il convient, en d'autres termes, de faire de la formation un outil de régulation du marché du travail au service des politiques de l'emploi et donc des demandeurs d'emploi
L'idée d'un pilotage politique de la formation est celle vers laquelle convergent les rapports produits par les parlementaires, par la Cour des comptes ou par le groupe multipartite Ferracci. Elle suppose de revoir de fond en comble l'organisation d'un système qui a poussé telle une plante sans tuteur jusqu'à devenir aujourd'hui un véritable maquis.
Le système de formation professionnelle que nous connaissons n'a pas été pensé dans sa globalité. Il est le produit de plus de trente années d'empilement de dispositifs répondant chacun à des objectifs spécifiques et faisant appel à des autorités différentes tant au niveau du financement que de la planification ou de l'exécution.
Éducation nationale, régions, entreprises, associations, organismes sectoriels, service public de l'emploi constituent autant d'intervenants impliqués à un niveau ou à un autre dans la formation professionnelle, qu'elle soit initiale ou continue.
La coexistence d'acteurs multiples obéissant à des logiques différentes rend particulièrement complexe tout effort de coordination, si bien que la formation se résume aujourd'hui à un ensemble de programmes cloisonnés suivant des procédures particulières et conçus pour le compte de publics très ciblés.
Ainsi, loin d'être tourné vers les travailleurs précaires ou les chômeurs de longue durée qui devraient être ses publics prioritaires, le système actuel est davantage favorable aux employés les plus qualifiés et les mieux installés dans l'emploi qui bénéficient d'un accès aisé et régulier à la formation. Autrement dit, et selon l'expression consacrée, « la formation va à la formation » et ne profite que faiblement à ceux qui en auraient le plus besoin.
Cette réalité est d'autant plus cruelle que l'effort consenti par la nation à la formation est conséquent : 27 milliards d'euros si l'on en croit le chiffre répété à l'envi par le chef de l'État. Rétablissons d'emblée la vérité : les montants dont nous discutons aujourd'hui sont en réalité bien moindres et se doivent d'exclure notamment les dépenses de formation des ménages et des administrations.
Cette précision faite, nous observerons que les fonds mobilisés par les partenaires sociaux et les entreprises pour la formation des salariés représentent tout de même 6 milliards d'euros auxquels il convient d'ajouter les 4 milliards d'euros déboursés par les régions en direction des apprentis et des demandeurs d'emplois, y compris des jeunes primo-demandeurs d'emploi.
Avec 10 milliards, nous sommes bien loin de la cagnotte de 27 milliards d'euros agitée comme une tirelire magique par notre Président. Si l'enveloppe est donc moins spectaculaire, la façon dont ces fonds sont utilisés n'est pas sans poser problème au regard des besoins précités.
Monsieur le secrétaire d'État, comme vous l'avez compris, au-delà des querelles de chiffres nous partageons avec vous l'essentiel du diagnostic. Et si nous ne manquons pas d'arguments pour critiquer les remèdes que vous nous proposez, nous devons au moins vous reconnaître le mérite d'avoir abordé le problème de la formation après plusieurs années placées sous le signe d'un immobilisme regrettable.
Il semble toutefois qu'il eût fallu, dans ce domaine comme dans d'autres, se hâter plus lentement. Comme bien souvent, l'urgence dans laquelle votre Gouvernement a souhaité expédier cette réforme nous conduit aujourd'hui à examiner un texte qui n'est pas à la hauteur du travail intense de réflexion et de négociation qui l'a précédé.
Rappelons, en effet, que votre projet de loi prend directement appui sur l'accord national interprofessionnel signé par l'ensemble des partenaires sociaux le 7 janvier dernier.
Votre projet de loi reprend essentiellement les objectifs les plus positifs de ce document : l'accès à la formation des personnes les moins qualifiées, notamment des jeunes, le développement de la formation dans les PME, l'amélioration de la transparence des circuits de financement, l'évaluation des politiques de formation professionnelle, une meilleure information et orientation des salariés. Jusque-là, tout va bien.
En face de ces grandes ambitions, les mesures effectivement inscrites dans le texte qui nous est aujourd'hui soumis ne pèsent que bien peu de chose. Toutefois, nous n'occulterons pas ce qui nous a paru constituer de trop rares avancées concrètes.
La portabilité du droit individuel à la formation qui permet au salarié perdant son emploi de conserver durant deux années le bénéfice des droits acquis au titre du DIF est sans conteste un motif de satisfaction. En facilitant la requalification des travailleurs les plus fragiles et les plus exposés au risque de chômage, cette mesure nous semble contribuer effectivement à faire de la formation professionnelle un instrument de sécurisation des parcours.
La possibilité offerte aux salariés d'obtenir de leur employeur un bilan d'étape professionnel nous semble également aller dans une direction acceptable, à la condition toutefois qu'il en soit fait une bonne utilisation. Permettant d'identifier les besoins de formation du salarié au regard à la fois de son projet professionnel et des compétences nécessaires à son employeur, ce bilan devrait permettre de replacer le développement des qualifications au coeur de la stratégie des entreprises.
Nous décernerons un autre bon point en ce qui concerne l'extension du contrat de professionnalisation aux bénéficiaires de minima sociaux et aux titulaires de contrats aidés. L'efficacité des formations en alternance dans l'insertion professionnelle n'étant plus à démontrer, cette mesure permettra d'ouvrir une nouvelle porte d'entrée au marché du travail pour les publics les plus éloignés de l'emploi.
Concernant son financement, la profusion des OPCA étant source d'opacité et d'inefficacité, il convenait d'en réduire le nombre à une vingtaine environ, objectif auquel l'article 15 nous paraît répondre de manière appropriée.
J'y arrive !
De la même manière, toutes les analyses convergeaient vers la nécessité d'une certification des organismes de formation, pour mettre fin aux dérives résultant de leur prolifération et s'assurer de la qualité des enseignements dispensés. Aujourd'hui, quelque 46 800 organismes de formation sont déclarés, dont seuls quelques milliers sont réellement actifs. L'article 16, qui ouvre la possibilité d'un refus d'enregistrement par l'autorité administrative de la déclaration d'activité et qui étend les possibilités de son annulation a posteriori, est un pas appréciable dans cette direction.
Tels sont les motifs de satisfaction, et nous savons les reconnaître. Comme nous l'avons dit, cette réforme nécessaire comporte des points positifs. Mais venons-en maintenant à ce qui fâche.
Non, parce que c'est là que cela devient intéressant !
Toujours au chapitre des réalisations, nous commencerons par la principale, celle qui fait figure de point d'orgue de votre réforme : la création du fonds paritaire de sécurisation.
Innovation inscrite dans l'accord national interprofessionnel, la création de ce fonds n'est pas contestable dans son principe. L'instrument imaginé par les partenaires sociaux qui permet de s'enfreindre de la logique des statuts pour financer la formation sur la base de projets associant les branches, les régions et Pôle Emploi doit effectivement concourir à réorienter la formation vers ceux qui en ont le plus besoin. Cet objectif limpide et auquel nous souscrivons tous aurait dû conduire le maître d'ouvrage que vous êtes à concevoir ce fonds selon une architecture bien différente de celle que vous nous proposez.
Nous étions en droit d'attendre des règles de fonctionnement simples permettant le financement rapide d'une offre de formation adaptée aux besoins de qualification du marché du travail. Or la complexité redoutable du dispositif que vous nous soumettez sonne comme une promesse de son inefficacité par avance.
Une simple plongée dans votre article 9, qui est un peu la base de votre texte, suffira pour s'en convaincre. Je cite : « L'affectation des ressources du fonds est déterminée par un accord interprofessionnel (...) ». « La déclinaison de cet accord donne lieu à une convention-cadre signée entre l'État et le fonds (...) ». « Cette convention détermine le cadre dans lequel des conventions peuvent être conclues entre le fonds et les organisations représentatives d'employeurs et de salariés, les régions et Pôle emploi. »
À première lecture, nous sommes perdus, et après examen approfondi nous demeurons extrêmement perplexes. Cette mécanique si compliquée semble en fait destinée à noyer les deux questions centrales : comment le fonds sera-t-il piloté et comment ses crédits pourront-ils être engagés ?
Les modalités d'intervention du fonds restant entourées d'un grand flou, nous observerons a contrario que vous avez eu à coeur de reprendre les préconisations des partenaires sociaux quant aux ressources qui lui seront affectées. Constitué des excédents des OPCA et d'une fraction des cotisations obligatoires des employeurs au titre de la formation professionnelle, ce fonds sera convenablement abondé de 900 millions, avec une cotisation allant de 5 à 13 %.
Doté de ressources substantielles mais ne pouvant engager des dépenses qu'avec les plus extrêmes difficultés, ce fonds est menacé des mêmes écueils que son prédécesseur, le fonds unique de péréquation, finalement utilisé pour renflouer les caisses de l'État et épinglé à ce titre par la Cour des comptes.
Naturellement, nous vous mettons en garde contre cette tentation. Il nous faut ici rappeler que la réduction du chômage structurel qui résulterait à terme d'une politique de formation plus efficace serait autrement plus profitable aux finances publiques de notre pays que le détournement des ressources du fonds en vue d'éponger les déficits.
Afin de nous convaincre que vous partagez sincèrement cette conviction, il vous faudra accepter de revoir votre copie au cours des débats qui s'ouvrent. Il s'agira, comme nous l'avons dit, de simplifier le fonctionnement du fonds mais également de repenser sa place au sein du paysage institutionnel.
La création des fonds comme celle des commissions étant caractéristique des effets d'annonces dont le chef de l'État est si friand, il conviendra notamment de réfléchir à l'articulation du FSPP avec le fonds d'investissement social, le FISO, créé l'hiver dernier et qui doit notamment intervenir dans le domaine de la formation au profit des salariés victimes de licenciements économiques.
S'agissant du FSPP comme des autres aspects de ce projet de loi, nous ne demandons ni plus ni moins que la réforme du siècle régulièrement promise par le chef de l'État – il devait en faire la grande affaire de son quinquennat –, souhaitée par tous et partiellement dessinée par l'ANI. Votre texte, si tant est que ce soit là sa véritable intention, échoue dans cette entreprise de profonde rénovation.
L'ampleur du décalage entre vos discours et vos actes est confirmée par l'examen des autres mesures de ce texte. Ainsi en va-t-il du droit à l'orientation que votre Gouvernement prétend créer. Pour que ce droit ne demeure pas entièrement fictif, il convenait que l'univers kafkaïen de la formation soit rendu intelligible pour le citoyen. Le plus sûr moyen d'y parvenir consistait à mettre en place un guichet unique chargé d'aider les travailleurs à toutes les étapes du développement de leur projet de formation. Aujourd'hui, le guichet unique proposé est très loin de ce que nous avions envisagé. Les parlementaires, droite et gauche confondues, ont appelé de leurs voeux le service public de l'orientation, notamment dans les rapports Guégot et Sellier que vous n'avez pourtant pas manqué de décortiquer mais dont vous n'avez quasiment rien retenu.
Sa matérialisation passait par une recomposition des structures et une redistribution des rôles. Vous contentant de proposer une labellisation des organismes existants, vous faites preuve une fois de plus d'un conservatisme regrettable.
Concernant les demandeurs d'emplois, il paraissait cohérent que l'orientation figure parmi les attributions de Pôle Emploi. En ce sens, le transfert à ce dernier des services d'orientation de l'AFPA nous semble une démarche hasardeuse et très négative pour cette association, qui, amputée d'une mission essentielle, s'en trouvera fortement fragilisée.
On redoute vos intentions à terme sur ces organismes.
Nous craignons toutefois que votre attachement dogmatique à la réduction de l'emploi public ne transforme cette opération en véritable fiasco. Désorganisé par la fusion entre l'ANPE et l'UNEDIC qu'il n'a pas encore fini de digérer, le service public de l'emploi manque aujourd'hui cruellement de personnel pour faire face au bataillon toujours plus important des demandeurs d'emplois.
En proie à ces graves difficultés, Pôle Emploi semble aujourd'hui dans l'impossibilité d'intégrer cette nouvelle mission et le risque est grand que la compétence reconnue de l'AFPA en matière d'orientation ne soit finalement noyée dans ce chaos.
Pour ce qui est de l'orientation des salariés, le bon sens appelait dans un premier temps à confier cette responsabilité aux FONGECIF, d'ores et déjà positionnés dans une fonction de conseil à destination des candidats au CIF. Ces organismes pourraient s'acquitter de cette mission dans le cadre d'un contrat d'objectif passé avec les régions.
Et puisque nous y sommes, évoquons justement les régions, grandes absentes de votre projet de loi. Leur réussite attestée dans la prise en charge de la formation professionnelle destinait cet échelon territorial à devenir le coeur de la gouvernance d'un système rénové. La légitimité des conseils régionaux pour gérer les problématiques de formation ne faisait d'ailleurs débat pour personne.
De nombreux rapports émanant de la majorité, comme les rapports Lambert et Balladur, invitaient ainsi à positionner la région comme pilote unique en matière de formation professionnelle. Totalement à rebours de cette tendance, votre Gouvernement a, au contraire, souhaité revenir sur la compétence déléguée aux régions par les lois de décentralisation.
Votre article 20 prévoyant la cosignature par l'État du PRDF, le plan régional de développement des formations, en fournit l'illustration la plus flagrante. Cette entreprise de recentralisation ne manquera pas d'aggraver la rigidité et la lourdeur d'un système que chacun souhaite au contraire plus adaptable et plus réactif aux besoins des territoires. En d'autres termes, ce copilotage État-région n'annonce rien d'autre que paralysie et immobilisme.
Et ce n'est pas l'argument si facile de l'égalité de traitement des citoyens qui nous convaincra du bien-fondé d'une restauration de la tutelle de l'État. L'hétérogénéité des territoires commande au contraire la mise en place de politiques de formation différenciées et leur articulation au cas par cas avec des actions en matière de développement économique et d'aménagement du territoire.
Se refusant à faire émerger une gouvernance territoriale du système de formation professionnelle, votre projet de loi est également singulièrement dépourvu d'audace dans ses mesures visant à garantir l'accès de tous à la formation.
Les mesurettes évoquées au chapitre des satisfactions peinent à faire oublier l'abandon pur et simple, sans autre forme de procès, du droit à la formation différée, mesure phare sur laquelle les partenaires sociaux s'étaient accordés et que vous avez oubliée au motif qu'elle était vraisemblablement jugée trop coûteuse.
Permettant de redonner une seconde chance aux personnes ayant quitté prématurément le système scolaire, cette mesure nous semblait, plus qu'aucune autre, donner corps à l'idée de formation tout au long de la vie. Vous ne serez donc pas surpris que les députés socialistes réclament ardemment son intégration à votre texte. Il est encore temps de nous montrer l'ouverture que vous avez annoncée tout à l'heure.
De la même manière, nous sommes particulièrement étonnés de ne trouver dans votre texte quasiment aucune mesure relative à la réforme du DIF et du CIF créés par la loi de 2003.
Comme on le sait – et je tire ces mots du rapport public 2009 de la Cour des comptes – en leur état actuel « le DIF et le CIF n'apportent qu'une contribution très incomplète à la correction des inégalités d'accès à la formation professionnelle continue et à la sécurisation des parcours professionnels en raison notamment de leur absence de complémentarité, d'un faible nombre de bénéficiaires et de leur absence de ciblage sur les publics les plus fragiles ».
Ce bilan sévère était assorti de plusieurs recommandations pour moderniser ces dispositifs et réserver le DIF aux publics les plus fragiles, à savoir les salariés faiblement qualifiés, les employés des PME et des TPE et les seniors.
Que de désillusions alors que nous attendions de cette réforme qu'elle consacre la place de l'investissement dans le capital humain aussi bien pour les entreprises que pour l'Éducation nationale et les régions. En pleine crise économique et sociale, alors que nous devons faire face aux bouleversements structurels d'une économie en pleine mutation, il y avait pourtant urgence à agir en ce sens.
Vous n'avez pas su saisir l'opportunité de mettre en place un rouage essentiel de la sécurité sociale professionnelle, à laquelle aspirent l'ensemble de nos concitoyens et que plusieurs de nos voisins européens ont d'ores et déjà commencé à construire.
Une fois dissipée la poudre aux yeux, une fois retombé le soufflé des beaux discours, il faut se rendre à l'évidence, votre gouvernement ne s'est pas donné les moyens de ses ambitions. Pour justifier des mesures réduites à peau de chagrin, vous vous abriterez peut-être une fois de plus derrière votre bouclier favori, pas le bouclier fiscal pour une fois, mais l'état critique de nos finances publiques.
Sans négliger l'ampleur des efforts pour mettre sur pied une sécurité sociale professionnelle, nous les mettons en parallèle avec ses retombées en termes de dynamisme économique et de bien-être social.
Ne vous méprenez pas, nous souscrivons avec vous à l'objectif d'une dépense publique efficiente mais nous vous demandons simplement de vous libérer de cette obsession comptable qui condamne les montagnes que vous nous promettez à accoucher de bien petites souris.
Nous aurions aimé soutenir avec enthousiasme votre texte…
….tant il est devenu nécessaire de réformer le système, mais nous restons sur notre faim.
Si vous ne modifiez pas votre texte, nous serons malheureusement amenés à voter contre, ce qui est bien dommage, mais il est ne tient qu'à vous de nous faire changer d'avis.
L'on peut tout d'abord vous reprocher d'avoir manqué d'ambition à un point tel que vous avez fait l'impasse sur la formation initiale différée et la création d'un véritable service public de l'orientation – et pourtant, l'orientation figure en bonne place dans le titre de votre projet de loi !
Par ailleurs, le flou le plus total qui règne sur la gouvernance du fonds de sécurisation masque mal l'intention de l'État de mettre la main sur la cagnotte des partenaires sociaux. Ce n'est pas bien, monsieur le secrétaire d'État.
Dans le même registre, vous remettez en question la compétence pleine et entière transférée aux régions en 2004 et vous instaurez un copilotage dont nous ne tarderons pas à voir les limites.
Enfin, en retirant à l'AFPA ses conseillers d'orientation, vous préparez le démantèlement progressif de ce service public de la formation qui a pourtant fait ses preuves.
Pour toutes ces bonnes raisons, je vous propose de rejeter ce projet de loi, qui n'est pas à la hauteur de l'ambition partagée sur tous ces bancs d'une réforme de la formation professionnelle à même de relever le défi économique et social auquel nous sommes confrontés. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Permettez-moi de répondre très brièvement à M. Michel Issindou, dont je respecte l'expertise dans le domaine de l'emploi.
Je le remercie tout d'abord d'avoir relevé que nous portions le même diagnostic sur la formation professionnelle et que ce texte comportait de nombreuses avancées – les contrats de transition professionnelle, le droit individuel à la formation, la certification des organismes de formation professionnelle, l'amélioration de la clarté et de l'évaluation des OPCA, les apports du bilan d'étape professionnel. Vous avez par ailleurs souligné que nous partagions certains objectifs, dont la création d'un fonds pour mieux former et orienter les demandeurs d'emploi ou les salariés faiblement qualifiés.
J'en viens à vos deux principaux axes de critique. Vous nous reprochez tout d'abord d'aller trop vite, alors que nous discutons de ce projet de loi depuis un an et demi. S'il est nécessaire de prendre le temps de la concertation avec les partenaires sociaux, ce que nous avons fait, il arrive un moment où il faut agir et rendre opérationnel le dispositif dont les acteurs de terrain ont besoin. Les partenaires sociaux eux-mêmes nous disent qu'il ont fait leur travail et que c'est à nous d'avancer à présent.
Nous sommes d'accord pour prendre le temps de faire une réforme, mais pas pour l'enterrer. Si au bout d'un an et demi, il faut encore « se hâter plus lentement », je me demande comment l'on peut conduire une réforme.
Vous avez par ailleurs exprimé des réticences par rapport à des logiques d'acteurs. Je les comprends. Vous êtes parfaitement en droit de défendre l'intérêt des régions ou de l'AFPA,…
…mais je ne partage pas votre vision. Et je pense qu'au contraire, nous avons amélioré la gouvernance. Vous voulez que les régions soient les seules chefs de file, mais nous préférons que les partenaires sociaux, l'État et les régions travaillent ensemble sur ce dispositif.
C'est vrai, nous ne sommes pas d'accord sur ce point, mais est-ce une raison pour oublier les avancées de ce texte que vous avez vous-même mises en avant et qui sont attendues par les salariés, les demandeurs d'emplois et les partenaires sociaux ? Je fais appel à votre sens que je connais de l'intérêt général pour évoluer et nous permettre de débattre de manière constructive de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Dans les explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à Mme Marisol Touraine, pour le groupe SRC.
Personne ne conteste les éléments positifs de ce texte, lesquels résultent d'ailleurs de l'accord national interprofessionnel adopté par les partenaires sociaux. Malheureusement, vous n'avez repris qu'une partie de cet accord, délaissant nombre de dispositions, au grand regret des partenaires sociaux. Vous ne pouvez pas, monsieur le ministre, nous appeler à voter votre projet au motif que les partenaires sociaux en seraient satisfaits !
Permettez-nous par ailleurs de douter que ce texte améliore la situation des demandeurs d'emploi ou des personnes en formation professionnelle, car le dispositif envisagé est aussi complexe, opaque et difficile à mettre en oeuvre que l'actuel.
Si encore vous aviez enfin réussi à sécuriser les parcours professionnels, nous aurions pu assouplir notre position, mais l'on peut s'interroger sur la portée de votre principale mesure, la création d'un fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels tant son fonctionnement est complexe et son financement opaque.
Certes, vous travaillez sur ce dossier depuis des mois, mais votre objectif n'est plus le même qu'au début. Alors que vous nous promettiez un dispositif de formation professionnelle, vous faites aujourd'hui de ce texte l'arme absolue pour lutter contre la crise et le chômage. Que n'êtes-vous allé plus loin dans la sécurisation des parcours professionnels dans ce cas ! Voilà où le bât blesse !
Parce que votre texte est loin de répondre aux attentes et aux enjeux de la formation professionnelle et de la sécurisation des parcours, nous appelons à voter la motion de rejet préalable brillamment défendue par M. Michel Issindou. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Notre parti soutiendra cette motion de rejet préalable.
Outre que nous déplorons qu'il ait été fait injonction aux partenaires sociaux de répondre dans des délais très brefs, nous regrettons que ce texte, qui pourtant pose pertinemment les questions de la cohérence des dispositifs, de l'efficience de l'argent consacré à la formation professionnelle et du ciblage des personnes qui en ont le plus besoin,…
… n'apporte pas les bonnes réponses.
Nous regrettons ainsi que le dispositif proposé s'inscrive dans le seul secteur marchand et que les références au service public de l'information et de la formation soient si faibles.
Il est par ailleurs évident que le Gouvernement a l'intention de démanteler l'AFPA.
Nous craignons enfin que le regroupement des organismes paritaires collecteurs agréés ne masque l'intention réelle du Gouvernement de détourner les 27 milliards d'euros aujourd'hui destinés à la formation professionnelle au profit de sa politique de l'emploi.
Pour toutes ces raisons, le groupe GDR votera cette motion de rejet préalable.
Ce texte sur la formation professionnelle est très attendu par les partenaires sociaux, tout d'abord parce qu'il transpose une grande partie d'un accord national interprofessionnel signé et accepté à l'unanimité, ce qui est assez rare pour être souligné – je pense même que c'est la première fois en dix ans –, ensuite parce qu'il réoriente la formation professionnelle vers ceux qui en ont le plus besoin. D'aucuns nous reprocheront de n'être pas allés assez loin. Certes, l'on peut toujours faire mieux, ce que permettra sans doute le débat, mais d'ores et déjà, ce texte est une belle avancée.
La formation est l'un des meilleurs moyens de lutter contre la crise, en ce qu'elle permet d'améliorer, de sécuriser les parcours professionnels. Un salarié dont la compétence et l'expérience sont reconnues pourra évoluer d'entreprise en entreprise plutôt que de stagner dans une seule.
Ce texte est encore attendu parce qu'aujourd'hui la formation professionnelle est la cible de toutes les critiques, sur nos bancs, mais aussi de la part de la Cour des comptes. Nous serions aujourd'hui coupables de ne pas chercher à améliorer la loi.
Ce texte propose des avancées importantes comme, bien sûr, la portabilité du droit individuel à la formation, disposition grâce à laquelle le salarié pourra garder ses droits même s'il change d'entreprise. Certains amendements visent à améliorer encore cette portabilité et nous attendons, monsieur le secrétaire d'État, l'avis du Gouvernement.
On peut également citer la création du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, du reste souhaitée par les partenaires sociaux, en particulier par une grande centrale syndicale au moment des grands conflits sociaux survenus il y a quelques mois. Une telle démarche nous paraît très importante, même si les crédits alloués ne sont pas suffisants.
J'évoquerai enfin le passeport formation, véritable CV qu'un salarié gardera tout au long de sa vie professionnelle.
Certaines dispositions sont certes perfectibles et j'entends bien, par exemple, les critiques sur la gouvernance, à propos de laquelle j'ai quelques questions à poser moi aussi au Gouvernement et sur laquelle je présenterai plusieurs amendements. Aujourd'hui, en effet, tout le monde s'occupe de tout en matière de formation – le CESR, la région, Pôle Emploi – et peut-être conviendrait-il d'éclaircir le rôle de chacun afin que le salarié et l'entreprise s'y retrouvent. Le rapporteur nous a donné une vision assez idyllique de la formation et j'espère qu'il ne se trompe pas.
Monsieur Issindou, vous nous demandez de voter votre motion de rejet préalable. (Murmures sur les bancs du groupe SRC.) En même temps, vous demandez au secrétaire d'État de revoir sa copie au cours de la discussion. Dès lors, pourquoi vouloir rejeter le texte avant le débat ? Comment le Gouvernement pourrait-il revoir sa copie ?
J'en conclus qu'il ne faut sûrement pas adopter votre motion de rejet si nous voulons pouvoir débattre avec le Gouvernement et tenter d'améliorer le texte, si tant est que cela soit possible. C'est pourquoi le groupe du Nouveau Centre ne votera pas la motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
En écoutant les orateurs proposant le rejet préalable du texte – quelle mauvaise expression, du reste…
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Ce n'est pas la nôtre !
Je sais, mais jamais, pour le coup, nous n'aurons autant eu le sentiment que le rejet préalable était un préalable au rejet.
J'ai relevé de nombreuses contradictions parmi les différentes raisons pour lesquelles vous rejetiez ce texte. Vous avez reconnu, et il s'agissait des prolégomènes…
…d'un discours plutôt positif, que le texte comportait des avancées, pour ensuite lui reprocher de ne pas aller assez loin, tout en vous dispensant d'indiquer quelle aurait dû être sa direction.
Vous déplorez que le projet mette à mal l'AFPA, les régions, un certain nombre de partenaires. Je trouve que vous avez posé un préalable qui n'est peut-être pas conforme à l'esprit qui aurait pu être le nôtre, celui de la formation permanente et professionnelle imaginée par le gouvernement de Jacques Chaban-Delmas, qui avait déjà pratiqué l'ouverture avec Jacques Delors, qui en est le véritable auteur.
Oui, hélas, et vous aussi d'ailleurs, monsieur Brard. (Sourires.)
Cette loi présentait de nombreuses qualités, sauf que nous n'avons pas bien surveillé l'évolution de son application. Depuis trente ans, en effet, nous nous reposons sur un bon texte, considéré en Europe comme le meilleur d'un point de vue financier, mais qui ne donne pas les résultats que la masse des financements attribués à la formation professionnelle laisserait espérer.
Les raisons en sont multiples, et nous avons déjà eu l'occasion d'en débattre à plusieurs reprises. Elles sont essentiellement liées à l'absence de contrôle du système. C'est pourquoi vous auriez au moins pu relever que l'un des mérites du présent texte consiste notamment à contrôler le système à la place des partenaires sociaux qui nous en faisaient implicitement la demande tant il leur était difficile d'évoquer certains points douloureux opposant les organisations patronales et les organisations syndicales.
Or la majorité a eu le courage, et j'en félicite le Gouvernement, d'aborder un sujet négligé depuis des décennies à cause d'habitudes propres aussi bien aux organisations syndicales qu'aux organisations patronales. Le texte offre par conséquent un embryon de solution. Vous auriez voulu aller plus loin et nous sommes un certain nombre, issus de la majorité, à vouloir vous suivre en la matière comme sur d'autres sujets.
J'ai connu d'incroyables organisations, crépusculaires, où il n'y avait rien, et je vous renvoie aux rapports des commissions d'enquête sur le sujet ; je pense aux FAF… (Rires sur les bancs du groupe SRC.) Pas d'humour sur la question, mes chers collègues, le passé est le passé, et il s'agit d'un passé que je ne cache pas, je n'oublie rien.
Je pensais donc aux FAF et aux fameuses organisations chargées de récolter de l'argent dont on ne savait trop où il aboutissait. Cependant, comme il s'agissait d'une loi sociale, on considérait par angélisme que l'argent en question était par nature vertueux ; on ne s'intéressait guère au sujet. Les organisations patronales n'étaient du reste pas les seules à défendre ce système paritaire. Or nous allons désormais examiner de près la manière dont les OPCA seront gérés et nous accomplissons par là un pas essentiel vers l'élimination de l'évaporation des fonds.
Il est un autre sujet, plus grave, sur lequel j'attendais, de la part d'hommes et de femmes aussi attachés que vous à la qualité de la formation, des solutions plutôt que des critiques. Je fais allusion aux institutions de formation qui constituent depuis une trentaine d'années un véritable scandale auquel personne, jusqu'à présent, n'a osé s'attaquer.
On compte 48 000 institutions de formation dont seulement 8 000 peuvent être considérées comme valables. Aucune n'est contrôlée. Un tel système favorise une évaporation d'argent considérable.
Un coup de pied dans cette fourmilière se révélait nécessaire. Celui donné par le texte n'est pas féroce et j'aurais aimé qu'il soit plus fort, c'est pourquoi je défendrai des amendements en ce sens. Ce projet représente néanmoins un moment clef de clarification, de transparence et d'évaluation de la formation professionnelle.
Vous pouvez mettre tout l'argent que vous voulez dans la formation professionnelle, une déperdition est immanquable si vous n'avez pas affaire à des instituts suffisamment qualifiés. Ainsi, le texte montre un certain courage, reconnu par les partenaires sociaux eux-mêmes.
Quant aux régions, pourquoi ne seraient-elles pas les partenaires d'un contrat ? Il n'est pas question de déshabiller l'AFPA…
…ou quelque autre acteur existant, mais de substituer à une organisation qui ne fonctionne pas…
…une organisation contractuelle auprès d'un fonds mis en place par les partenaires sociaux et sujette à cette amélioration de la qualification.
Encore une fois, le projet peut être amélioré, quand bien même il ne deviendra pas le texte phare de la remise à niveau de la formation.
L'entreprise est difficile car la situation est ce qu'elle est depuis trente ans. Vous ne pouvez toutefois enlever au Gouvernement le mérite d'avoir abordé courageusement un système qu'aucun gouvernement précédent, de droite comme de gauche, n'avait osé aborder avant lui. Les différents gouvernements se sont en effet toujours défilés. Ne serait-ce que pour cette raison, aux yeux du groupe UMP, la motion de rejet préalable n'est pas fondée. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous voici réunis, à quelques jours de la fin de la session, à la mi-juillet, pour débattre d'un texte annoncé de longue date et qui devait être, selon le Président de la République, l'un des plus importants de la législature : celui de la réforme de la formation professionnelle.
La réforme était en effet nécessaire et nous étions prêts, bien que dans l'opposition, à y travailler avec vous sur le plan national aussi bien qu'au niveau local. Hélas, notre déception comme celle de nombreux acteurs, spécialistes ou citoyens, est grande à la lecture de votre projet, et le rejet de la plus grande partie de nos amendements en commission ne nous a pas permis de l'améliorer en le modifiant ou en le complétant.
Je citerai juste quelques communiqués qui corroborent nos propres critiques, celles que vous ne voulez pas entendre. Ainsi, pour le CEREQ, « cette loi ne simplifie pas le système, n'améliore guère le contrôle ; il n'y a pas de pilote dans l'avion, il n'y en aura pas demain. C'est toute l'architecture qu'il fallait revoir, au lieu de cela une réforme cosmétique qui ne réglera rien. » Je citerai également Pierre Ferracci que vous avez désigné pour piloter l'instance dite de concertation en amont : « Ce qui est prévu risque de rendre encore plus confus et obscur le système. »
Pas un jour où une voix n'apporte son lot de critiques et ne dénonce l'absence d'ambition de votre réforme. En fait, elle reste à faire. Vous contentant d'incantations, vous énoncez des objectifs que vous ne vous donnez pas les moyens d'atteindre.
Concernant la formation des salariés, nous pouvons comptabiliser pas moins de six lois depuis 2000. Très souvent, les partenaires sociaux insistent sur la nécessité d'inscrire dans la loi un droit à la formation initiale différée qui était contenu dans l'ANI et que vous n'avez pas transcrit. Vous ne retenez dans la démocratie sociale que ce qui vous intéresse. Contrairement à ce que vous affirmez, les préoccupations qui vous animent sont d'un autre ordre, j'y reviendrai.
La réforme reste à faire car, pour que la formation continue puisse représenter une seconde chance, elle devrait pouvoir être négociée au plus près des attentes et des besoins des salariés. Les inégalités ne se réduiront qu'à ce prix. Pour cela, il faudrait que vous révisiez vos idées essentiellement centralisatrices et dont le rapport de notre collègue Guégot constitue de ce point de vue un chef-d'oeuvre d'approche jacobine complètement dépassée dans les démocraties modernes et qui ne sera d'aucune efficacité.
On ne trouve rien, dans votre projet, sur un véritable pilotage stratégique de la formation professionnelle, rien sur la clarification des compétences des différents acteurs malgré les déclarations de M. Balladur dans le cadre de la réforme des collectivités ; vous ne changez rien, vous ajoutez des dispositifs à ceux en vigueur ; vous appelez des financements croisés, notamment des régions, qui ne disposeront plus, dans le même temps, des compétences qui leur ont été octroyées depuis des années tant par des gouvernements de droite que de gauche, la dernière réforme datant de 2004.
En effet, votre première ambition – une petite ambition en l'occurrence – est de déposséder le plus possible les régions des politiques de formation, ainsi que l'avaient prévu les lois de décentralisation, de les déposséder aussi de la gestion financière des partenaires sociaux au profit de l'État. Pourtant, depuis des années, nous avons assisté à un désengagement constant de l'État. Aujourd'hui, vous incitez les partenaires sociaux à prendre en charge la formation des demandeurs d'emploi jusqu'à ce jour dévolue en grande partie aux régions.
L'État accentue son désengagement, récupère les financements des partenaires sociaux, souhaitant récupérer ceux des régions en revendiquant la mise au pas des partenaires sociaux et des régions sur les politiques à mener. Bref, vous décidez, nous finançons.
Faut-il rappeler que, selon une étude récente de votre ministère, l'État prenait en charge, en matière de formation, 670 000 chômeurs en 1990, contre seulement 155 000 en 2007 ! Faut-il rappeler que les régions ont financé 56 % des formations commencées en 2007 contre 52 % en 2006, l'État en ayant financé 26 % seulement et les ASSEDIC 11%. Les 7 % restant ont été pris en charge par d'autres entités comme les départements et l'AGEFIPH. Vous devriez par conséquent revoir vos déclarations concernant l'impact des régions sur la formation des demandeurs d'emploi.
En 2007, 57 % des formations de l'AFPA – que vous démantelez – ont été financées par les régions, contre 1 % en 2006. Ce transfert, vous l'avez imposé.
Recentraliser les décisions, transformer les régions en services extérieurs de l'État et faire main basse sur les financements pour contrôler les politiques de l'emploi : tel est le premier objectif de votre projet de loi. La même démarche a, du reste, présidé à la fusion de l'ANPE et des ASSEDIC, qui a donné naissance à Pôle Emploi, financé en grande partie par les partenaires sociaux. Ce financement suscite d'ailleurs quelques interrogations, si l'on en juge par ce qui s'est passé lors d'un récent conseil d'administration.
Vous avez d'abord tenté, comme d'habitude, de jouer les uns contre les autres – les partenaires sociaux contre les régions –, mais vous avez échoué. Vous avez ensuite obligé les partenaires sociaux à négocier sous la pression et la menace à peine voilée – je vous renvoie, sur ce point, au texte du Président de la République et du Gouvernement de l'époque. Vous avez enfin procédé à un simulacre de concertation. Pierre Ferracci estime ainsi, dans un communiqué récent, que le groupe multipartite a travaillé sous la contrainte, que l'État était en retrait et qu'il n'y a pas eu de véritable concertation.
Votre texte rate la marche de l'orientation, puisqu'il fait uniquement référence à la mise en place d'outils, notamment un portail national – portail qui existe déjà, par ailleurs –, sans aborder le fond de la question. Il rate également la marche de la coordination et de la gouvernance, ainsi que celle de la formation initiale différée. Cela fait beaucoup pour un seul projet de loi, qui se voulait un chef-d'oeuvre en matière de réforme.
Le 14 avril 2009, lors du Conseil national sur la formation tout au long de la vie, en dépit de vos brillantes explications,…
Attendez la suite, monsieur le secrétaire d'État – vous la connaissez, d'ailleurs.
En dépit de vos brillantes explications, disais-je, le Conseil composé des régions, des partenaires sociaux – patronat et salariés – et des services de l'État a rejeté votre projet de loi. Seuls ces derniers ont voté pour, et l'on comprend pourquoi. S'agissant d'un texte dont vous dites qu'il est celui des partenaires sociaux, on se serait attendu à un autre résultat. Vous n'êtes pas, monsieur le secrétaire d'État, leur seul interlocuteur, loin s'en faut. Nous pourrions, du reste, extraire de leurs déclarations des propos qui contredisent les arguments que vous leur empruntez. Les partenaires sociaux n'appartiennent à personne !
Quoi qu'il en soit, nous attendions tous plus d'ambition, de respect et de confiance envers les acteurs locaux, notamment envers les collectivités régionales, que vous traitez avec tant de mépris que vous semblez oublier qu'elles sont issues du suffrage universel. Vous témoignez ainsi d'une certaine faiblesse ou d'une appétence de destruction de tout ce qui peut résister au Président de la République. C'est la complémentarité qu'il fallait rechercher, et non le doublement systématique des politiques existantes.
Nous attendions plus d'ambition, de volontarisme politique et moins d'effets d'annonce. Nous escomptions davantage de conviction pour traiter les problèmes de fond. La juxtaposition d'outils n'a jamais fait une politique.
Il ne suffit pas de communiquer de manière incessante pour annoncer des millions d'euros, que, de surcroît, vous n'avez pas, dont on ne peut suivre la trace et qui sont recyclés à chaque déclaration du Président de la République. Ainsi, le Fonds de sécurisation des parcours professionnels a tant de mal à se mettre en place au niveau local, au plus près des entreprises, que plusieurs régions ont créé, à leur initiative et à la demande des entreprises, un fonds financé par l'État – souvent sur les crédits dits « de relance » et non sur ceux du Fonds de sécurisation tant annoncé –, les régions et les partenaires sociaux.
La région Midi-Pyrénées a créé un fonds de ce type, intitulé « Qualification + ». Chaque mois, un comité de pilotage, composé de l'ensemble des partenaires sociaux – représentants des salariés et des employeurs –, de l'État et de la région, se réunit afin d'examiner les demandes des entreprises via les OPCA. Les critères d'éligibilité ont été élaborés en commun et sont donc respectés. Ce fonds intervient en matière de formation qualifiante des salariés en chômage partiel. Une convention a été signée. Trois comités de pilotage ont eu lieu depuis mai et plus de cinquante dossiers ont été retenus. Cette initiative démontre que nous n'avons pas besoin de votre convention-cadre.
Monsieur le secrétaire d'État, la décentralisation a du bon. Elle permet une mise en oeuvre rapide et coordonnée, donc efficace, des politiques publiques. En déclarant récemment dans un quotidien qu'« écarter les collectivités serait absurde », vous avouez implicitement que la politique que vous menez est absurde. Vous vantez le travail en équipe, mais vous en avez sans doute une curieuse conception.
Contrairement à ce que vous prétendez, le partenariat en région fonctionnait bien. Au reste, les différents partenaires reconnaissent le rôle pilote des régions et souhaite le voir confirmé. La décentralisation permet de s'adapter à la diversité des réalités territoriales. De même que l'uniformité n'est pas forcément un gage d'égalité, la décentralisation n'implique pas nécessairement un accroissement des inégalités. Vous dites vous-mêmes que ce n'est pas le choix du Gouvernement et vous multipliez les dispositifs redondants et les doublons, créant délibérément des systèmes parallèles, lesquels aboutissent forcément à un gaspillage d'argent public et d'énergie qui nuit à toute forme d'efficacité.
Quant à la liaison entre emploi, formation et développement économique, elle est totalement absente de votre texte, alors que c'est ce triptyque qui permet aux territoires de se développer harmonieusement. Si vous évitez de l'aborder, c'est sans doute parce que la coordination des politiques économiques relève de la compétence des régions, qui sont les mieux placées pour assurer la cohérence nécessaire avec l'ensemble des acteurs locaux et des collectivités.
Vous menez une politique à courte vue, alors que le chômage de longue durée a progressé de près de 5 % en un an, que plus d'un million de chômeurs sont inscrits à Pôle Emploi, désormais chargé de la formation des jeunes – qui relève, là encore, des régions, lesquelles y consacrent un budget non négligeable – et que les finances publiques, déjà en faillite en septembre 2007 selon le Premier ministre, sont très préoccupantes, le déficit public atteignant aujourd'hui 7 % du PIB.
Il s'agit bien d'une occasion manquée, et nous le regrettons sincèrement. En effet, cette réforme aurait pu non seulement juguler les effets de la crise, mais aussi susciter une véritable mutation vers une économie de l'innovation et de la connaissance, fondée d'abord sur le capital humain. Vous auriez pu entreprendre une grande réforme, qui consacre la place de l'investissement social et dont les entreprises, les salariés et les citoyens auraient bénéficié. Il nous restera tout à faire : créer une véritable sécurité sociale professionnelle et promouvoir un mode de développement différent. Depuis l'apparition de la crise, vous semblez défendre ces objectifs dans vos discours, mais ceux-ci sont quotidiennement démentis par les faits. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Votre intervention, monsieur Vercamer, ne va tout de même pas durer les quarante minutes prévues !
Si, cher ami, car j'estime que la portée ce texte est autrement plus importante que celle de la proposition de loi que vous nous avez contraints à examiner durant cinquante heures la semaine dernière. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous entamons l'examen d'un texte dont le sujet, la formation professionnelle, occupe une place essentielle au sein de nos politiques de l'emploi.
Après la réforme de l'architecture du service public de l'emploi et celle du marché du travail, la réforme de la formation professionnelle et de l'orientation constitue un pilier supplémentaire de cette politique de l'emploi qui se veut plus réactive aux évolutions du marché du travail, plus attentive aux plus fragiles, plus à même d'apporter des réponses personnalisées aux difficultés d'accès à l'emploi de nos concitoyens et plus en phase avec les réalités de nos territoires.
L'examen de cette réforme par l'Assemblée nationale intervient après qu'un riche travail de fond a été mené par les partenaires sociaux, qui, en adoptant à l'unanimité l'accord du 7 janvier 2009, ont bien marqué toute l'importance qu'ils accordent à ses dispositions.
Nous mesurons tous, sur ces bancs, combien ce texte est attendu et combien il revêt une importance réelle dans le contexte actuel, caractérisé par la crise économique et l'augmentation du chômage. Néanmoins, il ne s'agit pas de la refonte globale de la formation professionnelle, de ses principes et de son organisation, que certains, y compris parmi nous, pouvaient espérer.
Cette remise à plat était attendue, compte tenu des critiques, parfois très virulentes, qui la visaient et qui la visent toujours. Ainsi, la Cour des comptes a dénoncé, dans un rapport publié l'année dernière, l'inefficacité du système, caractérisé par des formations inadaptées aux individus et aux entreprises, des financements abondants mais peu mutualisés et peu contrôlés et l'absence de coordination des acteurs.
Des critiques récurrentes émanent également de l'opinion publique. Des articles de presse dénoncent ainsi régulièrement les scandales et les gaspillages de la formation professionnelle, soulignant le contraste qui existe entre l'importance des sommes consacrées et le peu de résultats obtenus et mettant en cause l'opacité du système.
Il convient enfin de citer certains chercheurs, en particulier les travaux des professeurs Cahuc et Zylberberg, qui, dans un rapport pour le moins remarqué, ont brossé à grands traits un dispositif de formation professionnelle des adultes qu'ils qualifient de « système à la dérive », déresponsabilisant pour les entreprises et donnant aux OPCA un pouvoir exorbitant dans la gestion des fonds de la formation professionnelle.
Au regard de la sévérité de ces critiques, cette réforme n'est pas, force est de le constater, le « grand soir » de la formation professionnelle. Faut-il le regretter ? Oui, répondront ceux pour qui une formation professionnelle continue efficace implique une remise en cause totale du système existant.
Non, diront ceux qui estiment que la crise économique actuelle, ses conséquences sur l'emploi et ses implications sur les parcours professionnels des salariés ne nous laissent pas le temps de réinventer un système entièrement nouveau, dont les acteurs de l'emploi mettraient plusieurs mois, voire plusieurs années, à maîtriser les rouages et qui exigerait du temps pour être visible et lisible par celles et ceux qui en ont besoin, salariés comme demandeurs d'emploi.
Aujourd'hui, le besoin de formation est particulièrement important.
Pour des raisons conjoncturelles, tout d'abord. Le ralentissement de l'activité est, pour l'entreprise, un moment propice pour envoyer certains de ses salariés en formation. Mieux vaut, en effet, des salariés qui se forment pour accroître leurs compétences et améliorer la maîtrise de leurs métiers afin d'être prêts au moment de la reprise, plutôt que des salariés menacés par un plan social. Pour les salariés, mieux vaut une entreprise qui fait le pari de la qualification et de la formation, plutôt qu'un employeur qui engage une procédure de licenciement.
Pour des raisons structurelles, ensuite. D'une part, la compétitivité de l'entreprise sur son marché, face à ses concurrents, dépend aussi de la qualité de la qualification de ses ressources humaines. C'est ainsi que s'impose, peu à peu, l'idée, qui est en réalité une évidence, selon laquelle la formation n'est pas seulement une dépense pour l'entreprise : elle est aussi un investissement. D'autre part, si l'on élargit la focale et que l'on raisonne au niveau des territoires, la formation des demandeurs d'emploi est un impératif pour de nombreux bassins d'emploi fragilisés.
Il en est ainsi du bassin d'emploi de Roubaix, dont je suis élu et qui, outre un taux de chômage parmi les plus élevés de la région Nord-Pas-de-Calais, concentre des publics parmi les moins diplômés et les moins formés : 25 % des demandeurs d'emplois ont un niveau de formation inférieur au niveau 5 et 47 % d'entre eux sont dépourvus de qualification.
Je citerai, par ailleurs, l'exemple de l'action menée par la maison de l'emploi du Val de Marque, que je préside. Le mois dernier, celle-ci a mené, à l'occasion de la semaine de la mobilité et de l'évolution professionnelle du salarié, une action de sensibilisation et d'information en direction des publics salariés d'entreprises en difficulté du secteur textile ou de la vente à distance. Sur quarante et une personnes reçues au cours de cette opération, trente sont venues à la rencontre des conseillers emploi pour se renseigner sur les dispositifs et organismes de formation qui pouvaient répondre à leur problématique. L'aspiration à s'engager dans un parcours de formation est donc particulièrement forte.
Dans un tel contexte, face aux besoins des salariés et aux attentes des demandeurs d'emplois, il n'est pas illégitime de penser que l'urgence n'est pas au bouleversement des fondements de la formation professionnelle. Mais cela ne signifie pas pour autant qu'il faille laisser perdurer les anomalies et les dysfonctionnements du système.
C'est le sens de l'accord national interprofessionnel du 7 janvier dernier, et c'est aussi à quoi tend le projet de loi. L'objectif est de « rénover plutôt que bouleverser », de sorte que la formation professionnelle atteigne les objectifs qui sont les siens.
La formation professionnelle, en particulier dans le cadre de la formation continue, constitue, en effet, une chance pour tout salarié de progresser en qualification, de manière à pouvoir donner un élan à son parcours professionnel, sur la base des savoir-faire issus de son expérience et des certifications qu'il est parvenu à acquérir.
Elle est aussi une seconde chance, pour les demandeurs d'emploi, de retrouver une voie d'accès à l'emploi, soit en perfectionnant leurs compétences, soit en acquérant de nouvelles connaissances, ou en se formant à un nouveau métier, et en réussissant un parcours de reconversion professionnelle. En cela, elle représente un filet de sécurité permettant de gérer, dans les meilleures conditions, les parcours et les transitions professionnelles.
Déjà largement répandu avant la crise, le sentiment d'insécurité sociale et professionnelle s'est accentué avec celle-ci. Les chiffres du chômage et les annonces régulières de plans sociaux entretiennent l'inquiétude de nos concitoyens. La formation professionnelle continue, en concourant au maintien du salarié dans l'emploi ou en facilitant les transitions, participe au développement des dispositifs qui permettent de sécuriser ces dernières.
Je ne suis pas loin de penser, avec l'ensemble du groupe Nouveau Centre, que tout l'enjeu de l'examen d'un projet de loi comme celui-ci est de passer d'une époque – aujourd'hui révolue – où l'entreprise pouvait assurer l'emploi à vie, à une époque où l'entreprise assure à chaque salarié la possibilité de se former tout au long de sa vie.
L'entreprise est placée au coeur du système, puisqu'elle contribue de façon significative à son financement, mais n'est évidemment pas seule à assurer la charge et la responsabilité de la formation continue. Elle trouve, autour d'elle, des partenaires tels que l'État, les collectivités locales – en particulier les régions – et les partenaires sociaux. Sans oublier le partenaire final, mais également usager, de la formation continue : le salarié ou le demandeur d'emploi, qui doit être considéré comme un véritable acteur de son parcours de formation.
On peut d'ailleurs regretter, si l'on considère la formation professionnelle comme une seconde chance offerte à chacun, que la réforme de la formation continue soit demeurée à ce point une affaire de spécialistes, objet d'une concertation complexe entre partenaires sociaux d'abord, entre partenaires sociaux et pouvoirs publics ensuite. On aurait pu imaginer un débat plus large, plus ouvert aux usagers, pour entendre leurs besoins et leurs attentes. Ce débat aurait pu être mené en région, au sein des territoires, pour mieux impliquer les acteurs de la formation et les publics qui bénéficient de celle-ci. Il aurait permis à chacun de prendre davantage conscience des enjeux et des opportunités qu'offre la formation professionnelle. La méthode du Grenelle nous semblait bien adaptée à ce genre d'exercice, et nous pensons qu'un véritable Grenelle de la formation professionnelle aurait pu être utile. Chacun doit en effet pouvoir s'approprier, demain davantage qu'aujourd'hui, les dispositifs de la formation continue. Pour cela, il est indispensable de mieux les faire connaître.
On voit bien, à travers l'exemple du droit individuel à la formation, qu'il faut du temps, parfois malheureusement trop de temps, pour qu'un outil d'accès à la formation, un droit pourtant ouvert à tous les salariés, soit clairement identifié par l'ensemble des acteurs. Il faut souvent trop de temps pour que son utilité soit prouvée, son mécanisme compris, et qu'enfin il soit utilisé.
L'information de l'entreprise, comme du salarié, est au coeur de cette difficulté. Une entreprise qui a mis sur pied une politique de ressources humaines dynamique, anticipant sur l'évolution des emplois et des compétences, est aussi, souvent, une entreprise qui a développé une politique de formation qui diffuse une information adéquate aux salariés. On peut déjà distinguer, sur ce point, ce qui sépare PME et grandes entreprises d'une part, et petites et très petites entreprises d'autre part.
Tandis que des politiques de ressources humaines sont mises en place au sein des plus grandes entreprises, à des niveaux divers de sophistication, les plus petites sont davantage mobilisées sur leur activité en tant que telle. Entre ces entreprises, le niveau d'information n'est clairement pas le même.
Mais au sein même d'une entreprise, le niveau d'information est également différent entre les salariés, en fonction de leur catégorie. Les cadres ont, ainsi, un accès à l'information plus développé et plus indépendant de l'entreprise que les ouvriers. Une étude du Centre d'études et de recherches sur l'emploi et les qualifications montre que l'information diffusée par l'entreprise, si elle n'apporte qu'un faible gain pour les cadres, est essentielle pour les non-cadres. Cette information sera d'autant plus mise à profit si elle intervient dans un contexte où la politique de ressources humaines menée dans l'entreprise permet des entretiens professionnels qui ouvrent la possibilité au salarié de participer à l'élaboration de son parcours de formation.
Plus largement, identifier les publics qui doivent être visés en priorité par l'information, c'est poser la question des objectifs de la formation professionnelle continue. Celle-ci, c'est un constat partagé par tous, doit être davantage ouverte aux salariés les moins qualifiés, les plus fragilisés par l'évolution des technologies utilisées au sein de l'entreprise, et aux mutations que celle-ci affronte pour rester compétitive sur son marché. Une enquête menée par la Direction régionale de l'emploi du Nord-Pas-de-Calais, portant sur l'accès à la formation continue à travers le cas de 6 000 entreprises de la région, a mis en évidence que, si l'accès à la formation a augmenté entre 2003 et 2006, ce sont 60 % des cadres qui y accèdent, contre 30 % seulement des ouvriers.
La formation doit également s'adresser aux demandeurs d'emplois, aux personnes éloignées de l'emploi, dépourvues de diplômes et de qualification. Elle doit, enfin, continuer d'offrir à l'entreprise les outils qui lui permettent de faire progresser, en compétences et en qualification, ses ressources humaines, y compris ses cadres, pour leur permettre d'élever leur niveau de performance, mais également pour fidéliser ses collaborateurs en leur ouvrant des perspectives de carrière.
Face à ces enjeux, le choix des partenaires sociaux dans le cadre de l'accord national interprofessionnel du 7 janvier et les orientations du Gouvernement dans ce projet de loi qui en opère la transcription, sont de fixer des objectifs ambitieux tout en faisant preuve de pragmatisme. L'accord et le projet de loi développent des outils capables d'atteindre ces objectifs et de remédier aux dysfonctionnements et insuffisances qui ont pu être identifiés dans notre système de formation professionnelle. Ce projet de loi comporte, ainsi, plusieurs apports déterminants pour donner un nouvel élan à la formation professionnelle continue. Je ne reviendrai ici que sur quelques-uns d'entre eux, ce qui explique que je n'aie demandé qu'un temps de parole de quarante minutes : si j'avais voulu m'exprimer sur tous les articles du projet de loi, il m'aurait fallu une heure et demie, monsieur le ministre ! (Sourires.)
Premier apport : les dispositions de l'article 4 sur le financement de la portabilité du droit individuel à la formation, le DIF. Ce dernier était la principale innovation de la loi du 4 mai 2004, elle-même transcrivant les dispositions de l'accord national interprofessionnel du 5 décembre 2003. On remarquera, au passage, que la formation professionnelle constitue décidément un sujet où la coproduction législative entre partenaires sociaux, Gouvernement et Parlement, est une habitude de longue date.
Le droit individuel à la formation, en instituant pour chaque salarié, un droit à vingt heures de formation cumulables sur six années, a donné à chacun une clef d'accès concrète à la formation continue. Cette clef est d'autant plus déterminante, et peut démontrer toute son efficacité, quand le salarié change d'entreprise, d'emploi et, ce faisant, de métier. D'où la nécessité de pouvoir conserver les droits à la formation au titre du DIF en cas de perte d'emploi.
Vous avez souligné, monsieur le rapporteur, à quel point, entre dispositifs issus de la loi et dispositifs issus du dialogue social, la nécessité d'assurer une transférabilité du DIF s'est rapidement imposée, malheureusement selon une diversité de modalités qui rend celle-ci difficilement lisible, et qui, en fonction des situations, risque d'instaurer des situations inéquitables entre les salariés. L'accord national interprofessionnel du 7 janvier 2009 est, en effet, venu préciser le mécanisme dont les partenaires sociaux avaient arrêté le principe à l'article 14 de l'accord national du 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail.
Le projet de loi établit que cette portabilité s'effectuera via la valorisation forfaitaire des heures acquises au titre du droit individuel à la formation. Le DIF pourra être utilisé pour le financement d'actions de formation, de bilans de compétences, de validation des acquis de l'expérience – VAE – ou d'accompagnement pendant la période de chômage. Il pourra l'être, également, suite à une nouvelle embauche, pendant deux ans, pour des actions du même type, déterminées en accord avec l'employeur.
Autre apport de ce texte : la création du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels. Ce fonds concrétise, sur le plan financier, l'un des points incontournables du cahier des charges de la réforme de la formation professionnelle : permettre aux personnes qui en ont le plus besoin d'accéder à la formation. Avec la portabilité du droit individuel à la formation, la création du fonds paritaire est, pour nous, l'un des piliers de la sécurisation des parcours professionnels que nous mettons peu à peu en oeuvre. Une somme de 900 millions d'euros sera ainsi affectée, chaque année, à des actions de formation en faveur des publics les plus fragiles, prélevés à deux sources : d'une part, les obligations légales de financement de la formation par les entreprises, avec un plafond fixé à 13 % du montant de ces obligations ; d'autre part, les excédents financiers des OPCA au titre de la professionnalisation et des OPACIF. Le débat en commission a permis de compléter la définition des publics qui doivent être visés en priorité par ces formations. J'y reviendrai plus loin.
Par ailleurs, le droit à l'orientation a été réaffirmé dans le texte issu de la commission des affaires sociales, grâce à un amendement de notre collègue Anciaux. En effet, nous estimons essentiel que la personne ne se retrouve pas seule devant le maquis des formations possibles et des organismes susceptibles de les lui dispenser. L'information et la qualité de cette information jouent un rôle moteur, comme je le soulignais tout à l'heure, en particulier pour les salariés et les demandeurs d'emploi les moins qualifiés. Le travail en commission a permis, là encore, de compléter utilement les dispositions prévues dans la version initiale du projet de loi, qui précise les conditions dans lesquelles un organisme pourra être reconnu comme exerçant la mission d'intérêt général d'information et d'orientation professionnelles.
Sur un autre point, mais dans le même ordre d'idée, à savoir la nécessité de faciliter l'accès à la formation professionnelle des publics qui ont le plus besoin de qualification, la préparation opérationnelle à l'emploi est un dispositif qui permet de développer des actions de formation en direction des demandeurs d'emploi, sur des offres identifiées. La formation, d'une durée maximale de 400 heures, doit permettre aux demandeurs d'emploi d'acquérir « le socle de compétences professionnelles nécessaires pour occuper le poste en vue. » Nous pensons qu'il peut s'agir là d'un levier non négligeable pour l'accès à l'emploi.
Le projet de loi procède, enfin, à la clarification des missions des OPCA et fixe les nouvelles modalités d'agrément de ces organismes. Conformément aux dispositions de l'ANI du 7 janvier 2009, il complète les dispositions des articles du code du travail consacrés aux OPCA, en précisant, notamment, que ceux-ci concourent à l'information, à la sensibilisation et à l'accompagnement des entreprises, en particulier des petites et moyennes entreprises, pour la définition de leurs besoins.
Le projet de loi ajoute que les OPCA participent à l'identification des compétences et des qualifications mobilisables au sein de l'entreprise et à la définition des besoins collectifs et individuels au regard de la stratégie de l'entreprise. Il précise également qu'ils définissent la part de leurs ressources affectée au cofinancement d'actions en faveur de la formation professionnelle et du développement des compétences des salariés et des demandeurs d'emploi.
Le projet de loi sanctuarise, par ailleurs, la gestion des fonds collectés pour les actions de formation des entreprises de moins de cinquante salariés d'une part, des entreprises de moins de dix salariés d'autre part. Ce faisant, il initie une mutualisation asymétrique descendante, permettant d'assurer que, si les fonds issus des entreprises de plus de cinquante salariés pourront contribuer à financer des actions de formation des entreprises de moins de cinquante salariés, les fonds issus de ces dernières ne pourront pas alimenter les actions de formation de l'ensemble des entreprises. Il en est de même avec les entreprises de moins de dix salariés, vis-à-vis des entreprises ayant un effectif situé entre dix et cinquante salariés.
Enfin, le relèvement du seuil de collecte à 100 millions d'euros permet de clarifier le paysage de la collecte des fonds de la formation professionnelle, riche de pas moins de 97 OPCA, qui exercent leurs missions à des degrés et avec des résultats divers, comme l'IGAS l'a démontré dans son rapport d'évaluation.
Le projet de loi modifie les critères d'agrément des OPCA par l'État. Il cumule les critères de capacité financière, de gestion paritaire, et d'organisation professionnelle et interprofessionnelle. Par ailleurs, et c'est important pour notre groupe, il introduit un critère d'aptitude à remplir leurs missions au niveau des territoires, et à assurer des services de proximité, en particulier en direction des petites et moyennes entreprises. Le critère est important. Là encore, le rapport de l'IGAS l'avait mis en évidence : faute de proximité géographique, les relations entre OPCA et PME restent faibles.
Un OPCA qui entretient une véritable relation de conseil, d'accompagnement et de suivi avec les PME permet plus facilement le recours à la formation. Cela passe par une proximité géographique, territoriale, plus affirmée.
Cependant, le projet de loi nous semble rester en deçà des attentes que nous pouvions nourrir à son égard sur cinq points au moins.
Nous regrettons, tout d'abord, que le droit à la formation initiale différée n'y soit pas affirmé, ce qui va contre l'accord national interprofessionnel du 7 janvier.
Celui-ci aborde, en effet, dans son article 16, la question de ce droit à la formation initiale différée. Il en développe le principe en posant que, « dans un souci d'équité, les salariés qui ont arrêté leur formation initiale avant le premier cycle de l'enseignement supérieur, et en priorité ceux qui n'ont pas obtenu de qualification professionnelle reconnue et qui souhaitent poursuivre ultérieurement des études en vue d'une promotion sociale, devraient avoir accès à une ou des formations qualifiantes ou diplômantes, d'une durée totale d'un an, mises en oeuvre notamment dans le cadre du congé individuel de formation. »
Cette absence est d'autant plus regrettable que la formation initiale différée pourrait être un formidable outil de dynamisation d'un parcours professionnel. Elle pourrait constituer un moyen supplémentaire d'offrir aux salariés une véritable deuxième chance de formation, d'acquisition ou de validation de connaissances, et de progression individuelle et professionnelle.
Par ailleurs, comme le souligne, dans son rapport, la mission d'information sur la formation tout au long de la vie, animée par notre collègue Françoise Guégot, ce droit à la formation différée avait déjà été abordé par l'accord national interprofessionnel de 2003 sans que cela soit suivi d'effet.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Eh oui !
Le projet de loi aurait pu permettre la mise en oeuvre de ce droit.
C'est là une occasion manquée,…
… et nous souhaitons que vous puissiez nous apporter, monsieur le secrétaire d'État, des éléments d'information sur les suites que le Gouvernement entend donner à cette proposition.
Ce projet de loi n'apporte pas non plus de réponse sur deux sujets qui nous paraissent essentiels pour, d'une part, dissiper les malentendus et les doutes sur l'utilisation des fonds de la formation professionnelle, et, d'autre part, donner des signes tangibles de l'accessibilité de la formation continue.
S'agissant du premier point, je pense bien sûr aux questions entourant le financement de la démocratie sociale. La mission Guégot s'était interrogée sur la pertinence d'un financement de la démocratie sociale par les fonds du paritarisme. Elle avait proposé de supprimer les subventions versées aux organisations syndicales, au titre de leur participation à la gestion des OPCA comme au titre du fonds national de gestion paritaire de la formation professionnelle continue.
Dans son rapport d'évaluation sur le service rendu par les OPCA, l'IGAS avait soulevé également les difficultés posées par la prise en charge, par les OPCA, des frais du paritarisme. Elle avait conclu à la nécessité d'une réforme qui permettrait aux OPCA « de ne plus être suspectés de développer leurs actions et d'accroître leur collecte à des fins partisanes. »
Sur ce point, l'IGAS distinguait la question de l'indemnisation des membres des organisations syndicales pour leur participation effective à l'activité des OPCA en qualité d'administrateurs. Selon elle, cette indemnisation devrait être préservée mais encadrée selon des modalités nouvelles.
À l'inverse, le principe d'une contribution obligatoire du FONGEFOR perçue auprès des OPCA, pour l'affecter aux organisations syndicales, méritait, selon l'IGAS, une clarification plus poussée.
Sur ce point, nous constatons le silence du projet de loi, et attendons du Gouvernement des précisions sur ses intentions.
Ensuite, les avancées opérées par le projet de loi sur l'organisation de notre formation professionnelle ne sont pas de nature, à première vue, à apporter une réponse précise à la question de la longueur, parfois excessive, du délai s'écoulant entre la décision de se former et l'entrée effective en formation.
Pourtant, c'est là une condition essentielle, en ces temps d'incertitude économique, pour permettre aux salariés ou aux demandeurs d'emploi de s'engager dans une voie de formation, mettant ainsi à profit un ralentissement d'activité de l'entreprise ou une période de chômage, avec l'objectif de s'orienter, dans les meilleurs délais, vers un autre métier, un autre secteur d'activité.
Nous constatons également que le projet de loi n'aborde pas la question de la formation professionnelle des dirigeants d'entreprise. Or la qualité de la formation du dirigeant d'une entreprise est déterminante pour la pérennité de celle-ci, en particulier s'il s'agit d'une petite PME ou d'une TPE, mais également dans le cas du modèle de l'auto-entrepreneur, qui connaît un réel succès.
L'environnement juridique qui évolue de façon régulière impose une actualisation des connaissances de plus en plus fréquente. Bon nombre de nos PME et TPE auraient évité la fermeture si leurs dirigeants avaient pu gérer, parvenus au terme de leur carrière professionnelle, avec les connaissances et l'accompagnement nécessaires, le moment de la reprise de l'entreprise par un tiers.
Sur cette question de la formation du créateur et du dirigeant, nous souhaitons également connaître les intentions du Gouvernement.
Enfin, il nous paraît essentiel que la question de l'orientation soit envisagée dès la formation initiale. Le rôle de l'éducation nationale est central en ce qui concerne l'orientation des jeunes. Il aurait été utile que ce projet de loi soit plus offensif s'agissant du renforcement des liens entre l'école et le monde de l'entreprise.
Là encore, la mission d'information sur la formation professionnelle tout au long de la vie avait dressé un état des lieux qui aurait pu servir de base à des propositions concrètes allant dans ce sens.
Il ne s'agit pas ici de dresser un réquisitoire – il n'a pas lieu d'être – contre une éducation nationale qui laisserait sortir, chaque année, des cohortes de chômeurs en raison d'un enseignement inadapté. Nous savons tous que la réalité est plus complexe.
À l'inverse, nous ne pensons pas que l'école se dévaloriserait en développant des liens plus étroits avec le monde de l'entreprise, de manière à donner aux élèves une idée claire des multiples filières d'activité et de leurs métiers.
L'idée, c'est de donner aux élèves un premier contact avec la réalité de l'emploi parce qu'ils sont, eux-mêmes, très vite confrontés à la nécessité de se projeter en avant et de se construire un avenir qui repose, d'abord, sur le socle d'une orientation professionnelle. Or, à quatorze ou quinze ans, aux environs de la classe de troisième, rien n'est plus difficile que de se rendre compte de la réalité d'une filière professionnelle si on n'est pas aidé. Les enseignants tout comme les conseillers d'orientation peuvent jouer le rôle essentiel de passeurs et de découvreurs des talents, des aptitudes et des métiers qui leur correspondent.
C'est pour développer le lien entre formation initiale et formation continue que notre groupe a proposé un passeport orientation et formation qui soit un trait d'union entre les aptitudes et les compétences des élèves, et les choix d'orientation effectués. Mais nous aurions souhaité qu'en la matière, ce projet de loi contienne davantage de dispositions.
Je l'ai indiqué, des avancées concrètes réalisées en commission ont permis au texte d'être plus précis ou d'aller plus loin dans différentes voies. Notre groupe a vu ainsi un certain nombre de ses amendements adoptés ou satisfaits par les amendements du rapporteur.
Parmi les amendements du Nouveau Centre qui ont été adoptés en commission – et nous veillerons à ce qu'ils soient confortés par notre débat, monsieur le secrétaire d'État –, nous en relevons cinq en particulier.
Premièrement, la suppression de la référence à la durée indéterminée du contrat de travail dont la rupture ouvre droit au bénéfice de la portabilité du DIF.
Deuxièmement, l'élargissement du champ du passeport de formation qui devient un passeport d'orientation et de formation et qui retrace les titres et diplômes ainsi que les compétences et aptitudes acquises dans le cadre de la formation initiale – une sorte de CV permanent.
Troisièmement, la production d'un rapport sur les modalités d'accès à la formation professionnelle dans les zones transfrontalières, l'harmonisation des conditions d'accès pour les demandeurs d'emploi, la reconnaissance mutuelle des certifications professionnelles et le financement des formations suivies dans un pays frontalier – élu du Nord, zone frontalière avec la Belgique, je suis très attaché à cet amendement.
Quatrièmement, la possibilité de financer, via le fonds paritaire, des actions de formation en direction des salariés à temps partiel, des personnes éloignées de l'emploi, ou des personnes qui ont conclu un contrat unique d'insertion. Grâce à cet amendement, la formation ira vraiment vers ceux qui en ont le plus besoin.
Cinquièmement, l'ouverture d'une réflexion sur le renforcement du statut juridique de la Commission nationale des certifications professionnelles.
L'examen du texte en commission a permis l'adoption, sur deux sujets, d'amendements du rapporteur qui allaient dans le sens d'amendements que nous avions nous-mêmes déposés.
Il s'agit d'abord de l'association des OPCA à la mise en oeuvre et au financement de la préparation opérationnelle à l'emploi. Nous pensons en effet que celle-ci, dans la logique des dispositions de l'ANI du 7 janvier, nécessite l'implication des OPCA dans le travail préalable d'identification des besoins de formation.
A également été satisfaite notre volonté de voir les modalités du bilan d'étape professionnel renvoyées à la discussion par les partenaires sociaux.
L'avenant du 3 mars 2009 qui en détaillait le dispositif, et qui résultait de la négociation collective, a en effet été remis en cause dans la mesure où trois organisations syndicales ont fait valoir leur droit d'opposition sur ce texte.
Dans ces conditions, il était normal qu'une nouvelle négociation puisse s'engager de manière que les modalités de mise en oeuvre du bilan d'étape professionnel soient précisées. Nous pensons pour notre part que ce principe d'un entretien régulier doit être maintenu.
Monsieur le secrétaire d'État, le Nouveau Centre souhaite que nombre de ses attentes et de ses propositions soient prises en compte au cours du débat et lors de l'examen des articles.
Nous souhaitons, tout d'abord, élargir un peu le champ des situations dans lesquelles un salarié peut bénéficier de la portabilité du droit individuel à la formation, en abordant le cas des démissions.
La portabilité du DIF, qui permet au salarié de faire concrètement valoir ses droits à la formation d'une entreprise à une autre, est un élément essentiel de la sécurisation des parcours professionnels. De plus, elle correspond à une conception de la place du salarié, dans l'entreprise et sur le marché du travail, qui répond davantage à une logique de parcours qu'à une logique de statut.
C'est au regard de cette conception que nous estimons que réserver le bénéfice de la portabilité du DIF aux seuls cas de démissions dites « légitimes » est quelque peu restrictif. Nous défendrons un amendement visant à étendre le dispositif.
Par ailleurs, pour le groupe Nouveau Centre, l'exigence de qualité, tant des organismes de formation que des formations dispensées, doit être placée au coeur du dispositif de la formation professionnelle et de cette réforme.
Le texte suit globalement cette direction et nous y trouvons des mesures destinées à mieux faire circuler l'information en direction de la personne qui souhaite se former, à mieux évaluer l'apport d'une formation, ou qui visent encore à conforter la qualité des certificats de qualification professionnelle. Il est nécessaire d'aller plus loin s'agissant de la qualité de l'offre de formation, tant en ce qui concerne les organismes de formation que les formations elles-mêmes.
Dans cet esprit, nous proposons la création d'un label de qualité pour les organismes de formation, dans la logique des préconisations de la mission d'information sur la formation tout au long de la vie.
De fait, nous approuvons les dispositions de l'article 3 qui vont dans le sens d'une telle labellisation. Nous proposons également l'inscription obligatoire des certificats de qualification professionnelle au Répertoire national des certifications professionnelles. Ce RNCP nous semble, en effet, constituer l'outil adapté pour garantir et mettre en valeur la qualité d'une formation.
L'instruction de la demande d'inscription de la certification au RNCP par la commission nationale des certifications professionnelles nous paraît constituer une garantie de la qualité des formations. Si cette inscription n'était pas possible, il serait à tout le moins nécessaire de mettre en place un dispositif assurant la transparence sur les formations et mettant à la disposition du public les informations utiles pour apprécier la pertinence et la qualité de la formation dispensée.
Concernant les OPCA, nous sommes attentifs à ce que les excédents financiers dont peut disposer un organisme collecteur agréé puissent être effectivement affectés au financement d'actions entrant dans le champ d'intervention du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels.
Nous tenons également à ce que, dans ce projet de loi, soit réaffirmé avec force le principe de la liberté de l'employeur pour choisir l'organisme de formation auquel il confie la formation de ses salariés. Il s'agit là, pour nous, d'un principe incontournable, gage à la fois de la vitalité du secteur de la formation et de la qualité des prestations assurées par les organismes de formation.
L'organisation et le fonctionnement par branches professionnelles ont en effet favorisé la tendance de certains OPCA à privilégier le travail régulier avec des organismes de formation en liens étroits avec la branche. Or il nous semble que rechercher la qualité des formations doit passer aussi par la possibilité d'ouvrir le champ des prestataires. D'où la nécessité de réaffirmer la liberté de l'employeur dans ce cadre.
Enfin, il nous paraît nécessaire de consacrer l'existence d'une véritable instance de concertation et de pilotage de la formation professionnelle au niveau régional. Vous voyez, j'y arrive, monsieur Gille.
Au-delà des dispositions sur le plan régional de développement des formations, il est assez largement admis, en particulier chez les partenaires sociaux, qu'il manque en région, et au niveau territorial, une instance unique de concertation, capable d'analyser les besoins de formation et leurs évolutions, d'anticiper ces besoins, de coordonner les différents acteurs, et d'échanger avec l'ensemble des branches professionnelles présentes sur le territoire.
Je dois dire, monsieur le secrétaire d'État, que l'on discerne mal, dans le projet de loi, l'instance qui va jouer ce rôle, et même s'il existe, de la part du Gouvernement, une réelle volonté de confier ce rôle à une instance.
La plus grande diversité règne d'ailleurs dès lors qu'il s'agit de désigner la structure qui serait susceptible de tenir cette fonction : comité économique et social régional, comité de coordination régionale de l'emploi et de la formation professionnelle, conseil régional de l'emploi, voire les COPIRE ou les comités de bassin d'emploi sur un plan infrarégional.
Afin d'inscrire le texte en cohérence avec la loi sur la réforme de l'architecture du service public de l'emploi, nous pensons que c'est au conseil régional de l'emploi que devrait revenir ce rôle. Le projet de loi met en effet en évidence les liens entre la formation professionnelle continue et l'accès à l'emploi. Or, le rôle du conseil régional de l'emploi est notamment de veiller à la programmation des interventions de Pôle Emploi dans chaque région, en fonction de la situation locale de l'emploi et du marché du travail. À ce titre, nous pensons que les missions du conseil régional de l'emploi pourraient s'élargir à la formation professionnelle, dans le cadre d'une coresponsabilité, dont les termes resteraient à définir, entre l'État et la région.
Toutefois, d'autres hypothèses conservent leur intérêt. Nous les analyserons et soutiendrons celle qui nous paraîtra la plus intéressante. Nous examinerons notamment les propositions qui mettent en avant la capacité des comités de coordination régionale de l'emploi et de la formation professionnelle afin d'assurer une gouvernance opérationnelle associant l'ensemble des acteurs. Nous restons ouverts à ces différentes hypothèses, pourvu que le débat permette d'affirmer l'existence formelle d'une instance de coordination qui allie efficacité de la gouvernance et respect des différents intervenants – l'État, la région et les partenaires sociaux –, tout en garantissant leur légitimité.
La réforme de la formation professionnelle est l'une des clés de l'adaptation de nos politiques de l'emploi aux réalités du monde du travail. Élaborée en lien étroit avec les partenaires sociaux, elle est au coeur de notre conception de la sécurisation des parcours professionnels. Elle constitue un pan de cette flexibilité à la française, que le Gouvernement et la majorité édifient, peu à peu, au fil des réformes que nous adoptons.
Le Nouveau Centre apporte sa pierre à l'édifice de ces réformes, et c'est en souhaitant être écoutés comme nous l'avons déjà été en commission et par vous-même, monsieur le secrétaire d'État, que nous abordons ce débat, avec un avis favorable sur ce projet de loi.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, voici le texte que nous attendions. Ce n'est pas forcément celui qui révolutionnera la formation professionnelle, mais nous en avions grand besoin, car ce que coûte notre système, sans doute le plus opérationnel d'Europe, voire du monde, du point de vue financier, est disproportionné par rapport à la qualité du service rendu, et nous avons trop tardé à réduire ce décalage entre les sommes gigantesques consacrées à la formation et la faible adéquation du dispositif à la situation de l'emploi.
La loi actuellement en vigueur date de plus de trente ans. Elle a été conçue dans l'esprit du paritarisme social de 1945, avec beaucoup d'argent et peu de contrôle. Il faut souligner ici la responsabilité de l'État et des gouvernements successifs, qui ont considéré que le système paritaire pouvait assurer la gestion du secteur social sans qu'il soit besoin de contrôle. Hélas, des abus n'ont pas manqué d'altérer la qualité du système.
Il n'y a pas une formation professionnelle de gauche et une formation professionnelle de droite.
Le débat devrait donc être ouvert, voire consensuel, et nous permettre de mettre enfin en place un système qui corresponde à l'effort de la nation en faveur de la formation professionnelle et sorte cette dernière, en partie du moins, de la crise qu'elle traverse.
J'insisterai plus particulièrement sur la qualité de la formation. On a beaucoup parlé des acteurs, qui débattent, – et à juste titre, car ce sont les ordonnateurs du système – mais on a négligé le fait qu'une bonne formation professionnelle passait par de bons formateurs. Or, de ce point de vue, notre échec est patent.
L'inadéquation entre l'offre et les besoins en est une preuve. Le système idéal est difficile à mettre en place, car il faut trouver le juste équilibre entre trop de lourdeur, qui empêche de s'adapter aux contingences économiques, et trop de facilité.
C'est la raison pour laquelle, contrairement à certains de mes collègues, j'ai toujours été sceptique sur l'idée de confier la formation professionnelle à l'Éducation nationale. Ayant moi-même géré pendant plusieurs années à l'inspection générale certaines questions économiques, je suis intimement convaincu que notre système éducatif, quelles que soient par ailleurs ses qualités et le travail des GRETA ou de certaines universités, n'est pas fait pour assurer la formation professionnelle, même s'il doit s'en rapprocher.
Vous avez, monsieur le secrétaire d'État, pris la décision de vous pencher sur la qualité de la formation professionnelle, et je tenais à vous en remercier, car le sujet jusqu'alors était tabou.
Certes, nous avions, en 1994, avec notre collègue Jean Ueberschlag et certains membres de la majorité d'alors, aujourd'hui dans l'opposition, dénoncé certaines carences de la formation professionnelle. Nous notions qu'il existait 40 000 organismes de formation professionnelle, dont 8 000 seulement qui fonctionnaient réellement, 20 000 étant de simples boîtes aux lettres. Notre enquête avait également révélé qu'une bonne part de l'argent de la formation passait en cash flow pour les entreprises ou servait à financer des systèmes paritaires.
C'est pourtant en vain qu'à l'époque nous avons donné l'alerte. Les intérêts en jeu derrière ce gros pactole étaient tels qu'il a fallu attendre le rapport produit par la Cour des comptes en octobre 2008 pour constater avec stupéfaction que non seulement le nombre d'organismes de formation n'avait pas diminué mais qu'il avait augmenté, puisque la Cour en dénombrait 45 777, dont 10 000 environ ayant véritablement vocation à assurer de la formation professionnelle.
Le système doit donc incontestablement être réformé, ce qu'entreprend le texte que nous allons adopter. Son article 16 en particulier modifie le régime de la déclaration d'activité et tend à favoriser la constitution d'une base de données des dispensateurs de formation professionnelle continue.
En ce qui concerne la modification du régime de déclaration d'activité, là où l'article L. 6351-1 du code du travail prévoit aujourd'hui que l'autorité administrative procède à l'enregistrement de la déclaration, selon le modèle applicable aux associations loi 1901 – j'y reviendrai –, le projet de loi dispose que cet enregistrement n'est plus automatique, sauf dans un certain nombre de cas limitativement énumérés. Cet enregistrement peut donc être refusé et, à ce titre, est susceptible de recours gracieux ou contentieux de la part d'associations qui s'estimeraient lésées.
De plus, l'article 16 prévoit que l'autorité administrative peut procéder à l'annulation de l'enregistrement, une fois celui-ci effectué. Je vous proposerai d'ailleurs un amendement afin que cette annulation puisse être prononcée non seulement quand les manquements sont « avérés », ce qui suppose qu'ils soient démontrés, mais aussi lorsqu'ils sont simplement « constatés » par les contrôleurs. Le système en effet a réellement besoin d'être secoué par tous les bouts.
Comme le dit l'exposé des motifs du projet de loi, la déclaration d'activité doit permettre la constitution d'une base de données des organismes enregistrés, qui pourra alimenter un « répertoire des organismes de formation construit sur la base d'une fiche d'identité commune et accessible à tous ». Il s'agit de remédier aux difficultés de visibilité et de lisibilité de l'offre de formation aujourd'hui.
J'insiste d'ailleurs, monsieur le secrétaire d'État, pour que l'on incite les organismes de formation, les OPCA et les entreprises à utiliser les moyens modernes de formation à distance et notamment l'Internet, beaucoup moins chers et tout aussi opérationnels que les moyens classiques.
La liste officielle des organismes dispensateurs de formation professionnelle sera ainsi constituée de ceux ayant satisfait à une double condition : une déclaration d'activité, mais surtout – et c'est essentiel – la mise en oeuvre du bilan pédagogique et financier, qui doit être remis chaque année, accompagné du bilan, du compte de résultat et de l'annexe du dernier exercice clos, à l'autorité administrative. Je vous proposerai un amendement afin qu'à défaut de transmission de ces bilans, la caducité de leur enregistrement soit automatique.
Enfin, les conditions de moralité des dirigeants et des administrateurs étaient également limitées, puisque ceux-ci devaient seulement ne pas avoir fait l'objet d'une condamnation pénale à raison de faits constituant des manquements à la probité, aux bonnes moeurs et à l'honneur. Vous avez insisté sur les dérives sectaires que connaissait le secteur. Nous y mettons fin.
Je voudrais terminer cette intervention, orientée essentiellement sur les organismes de formation, en abordant la question du statut juridique et des règles fiscales qui s'appliquent à ces organismes.
Il se trouve que la plupart des organismes de formation sont régis par des statuts issus de la loi de 1901. Or la loi de 1901 a bon dos, mais elle ne correspond pas du tout aux critères de qualité, de contrôle et de transparence que nous exigeons désormais pour la formation professionnelle. Je souhaite donc que nous réfléchissions ensemble à une redéfinition des statuts applicables à l'offre de formation.
Il ne s'agit pas de réduire le champ d'activité des personnes morales de droit public, pas plus qu'il ne s'agit de s'en prendre aux associations reconnues d'utilité publique ; il s'agit simplement de se demander pourquoi une simple déclaration concède autant avantages fiscaux.
Car il ne vous aura pas échappé que, le financement de la formation professionnelle par les entreprises étant une obligation légale soumise au contrôle de la Cour des comptes, nous avons à faire à un système parafiscal.
Une association loi 1901 peut-elle, sur simple déclaration, être bénéficiaire de ce type de parafiscalité ? La Cour des comptes a émis à plusieurs reprises de sérieuses réserves sur le sujet.
D'autre part, le non-assujetissement à la TVA est un atout assez considérable. Est-il légitime qu'il puisse être octroyé sur simple déclaration à de simples boîtes aux lettres ? Il ne s'agit pas de transformer toutes les associations en sociétés, mais nous nous sommes beaucoup préoccupés – à juste titre – du contrôle des sociétés civiles et commerciales, beaucoup moins du contrôle des moyens dont disposent les associations.
Faut-il inventer une autre typologie et donner une nature de société civile à ces organismes, afin de permettre le contrôle ? C'est un vrai débat, qui ne pourra pas être longtemps éludé – même si, de toute évidence, nous n'avons pas ici le temps d'aborder la question de la nature juridique de ces organismes. Nous y reviendrons lors de la délibération de l'article 16.
Je voudrais enfin souligner que la qualité des organismes dispensateurs de formations doit, à mon avis, être vérifiée à plusieurs stades, au moment de l'agrément notamment, mais aussi lors de la signature des conventions financées par les collectivités publiques.
Pierre Morange et moi-même avons fait adopter en commission un amendement qui précise qu'avant le 31 décembre 2010, le Fonds de sécurisation doit établir une charte de qualité de la commande de formation. Nous comptons sur le poids financier de ce fonds pour contraindre les organismes dispensateurs de formations à adopter des indicateurs de qualité qui tireront vers le haut l'ensemble des prestations. Pour ma part, beaucoup plus radical, j'étais favorable à une procédure ISO ; mais, visiblement, le sujet n'est pas mûr.
Ça existe, mais ce n'est pas obligatoire ! J'aurais pour ma part voulu rendre la procédure ISO obligatoire.
Je vois que notre collègue s'intéresse beaucoup à la liberté accordée aux associations de formation : je vois là un vieux réflexe, que nous avons connu il y a une quinzaine d'années. Je vous assure, mon cher collègue, que dans les organismes de formation, il y a vraiment à boire et à manger ! Mon intervention n'est pas une attaque contre certaines habitudes ; je constate simplement qu'il est absolument indispensable que la collectivité se donne les moyens de contrôler un système qui, jusqu'à présent, a été largement approvisionné du point de vue matériel, mais qui n'a pas fourni les prestations de qualité que nous étions en droit d'attendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je serais tenté de demander, pour commencer : que reste-t-il de la grande réforme tant attendue ?
Tout le monde s'accorde sur la nécessité d'une réforme du système de formation professionnelle afin de le rendre – vous l'avez dit, monsieur le secrétaire d'État – plus clair et plus lisible pour tous ; plus efficace économiquement et doté d'une gouvernance plus simple ; plus juste et plus accessible enfin à ceux qui en ont le plus besoin.
Il faudrait aussi donner un contenu au droit de formation professionnelle tout au long de la vie, pierre angulaire de la sécurisation des parcours professionnels. Or je note avec surprise que vous n'avez même pas utilisé cette expression dans votre propos liminaire ; c'est pourtant le titre même du projet de loi que nous examinons.
Une véritable réforme de la formation professionnelle devait donc viser à atteindre ces objectifs. Pour ce qui est des deux premiers, on ne peut pas dire que la réussite soit au rendez-vous ; pour le dernier, permettez-moi d'être plutôt dubitatif, car je ne vois pas comment, en l'état, ce texte permet concrètement d'avancer sur la sécurisation des parcours professionnels. Il ne contient rien sur le changement de paradigme de l'emploi, et donc de la formation, que vous avez vous-même évoqué au début de votre propos.
Comment réussir une réforme de la formation professionnelle ? Un bref regard rétrospectif nous convainc que cela suppose de réunir trois conditions qui, à mon sens, ne sont pas remplies.
La première, c'est de respecter l'accord des partenaires sociaux. Depuis la loi fondatrice de Jacques Delors en 1971, toute réforme – et toute la législation française en matière de formation continue – s'appuie toujours sur un accord des partenaires sociaux. De ce point de vue, la formation professionnelle est même l'exemple d'un droit social qui progresse grâce à la dynamique du dialogue social, allant même jusqu'à se poser la question de son autonomie contractuelle.
Mais cette fois, les partenaires sociaux ont été contraints, on le sait, à un accord défensif pour sauver les avancées de l'accord national interprofessionnel de 2003 et le financement du paritarisme. C'est sous la menace qu'ils ont accepté la création du Fonds de sécurisation des parcours professionnels, c'est-à-dire un prélèvement sur les fonds mutualisés qu'ils devront – et c'est là l'innovation de la loi, ou, devrais-je dire, sa trahison – co-gérer avec l'État. Et on sait bien que, d'ici à quelques années, c'est l'État qui pilotera l'ensemble de ce fonds. Telle n'est pas l'idée des partenaires sociaux, même si celle de consacrer 900 millions d'euros aux salariés les plus en difficulté ou aux demandeurs d'emploi peut sembler excellente.
La deuxième condition nécessaire est d'accompagner le fait régional. Depuis plus de vingt-cinq ans, toutes les évolutions législatives dans ce domaine ont manifesté et confirmé la montée en puissance des compétences des régions. Les transferts de l'État sont nombreux : en 1983, l'apprentissage ; en 1993, la formation professionnelle des jeunes ; en 2004, les demandeurs d'emploi. La légitimité de l'échelon régional comme le plus pertinent pour élaborer, et surtout mettre en oeuvre, les politiques de formation, notamment à destination des jeunes, de l'alternance et des demandeurs d'emploi, est reconnue par l'ensemble des acteurs, et semblait acquise.
Pourtant, sans que personne le demande – insistons sur ce point –, le gouvernement se lance dans une recentralisation à contre-courant qui aboutira au mieux à diluer les responsabilités, au pire à paralyser la prise de décision.
La troisième condition est d'énoncer quelques principes simples. Chaque réforme, pour en être vraiment une, doit poser quelques principes simples et novateurs issus de la négociation des partenaires sociaux. Ceux-ci les ont d'ailleurs inscrits au fronton de leur accord interprofessionnel du 7 janvier 2009, ratifié à l'unanimité.
Le premier principe qu'ils ont énoncé a dû être réinscrit dans les textes par les parlementaires : la formation professionnelle vise à permettre « de progresser d'au moins un niveau de qualification au cours de sa vie professionnelle. »
Le second principe est en revanche demeuré lettre morte. Il concerne la création du droit à la formation initiale différée, véritable réponse aux exigences de qualification que requiert notre économie pour rester compétitive, et sans lequel il n'y aura jamais de véritable contenu au droit à la formation tout au long de la vie.
C'est pourquoi j'ai déposé, au nom du groupe socialiste, un amendement visant à inscrire ce principe dans le code du travail, sous forme d'une priorité d'accès à des formations qualifiantes d'une durée maximale d'un an pour les personnes non titulaires d'un bac ou d'une première qualification professionnelle.
Je suis au regret de constater, monsieur le secrétaire d'État, que le projet de loi qui nous est proposé tourne le dos à la recherche annoncée de clarté et de simplification. Sous prétexte de réorienter la formation vers ceux qui en sont le plus éloignés, il organise une forme d'étatisation et de recentralisation de la formation professionnelle financée par les régions et les fonds paritaires.
Malgré la transcription des mesures techniques issues de l'accord national interprofessionnel, il s'agit d'une loi de mise sous tutelle des partenaires sociaux et des régions, qui l'ont d'ailleurs clairement manifesté – cela a déjà été rappelé – en refusant tous et toutes de l'approuver lors de sa présentation au Conseil national de la formation tout au long de la vie.
Vous m'objecterez certainement, comme vous l'avez déjà largement fait, que c'est la crise qui justifie cette reprise en main par l'État – qui met ainsi la main sur les 900 millions d'euros de l'obligation légale de formation des entreprises, jusqu'alors gérés par les partenaires sociaux.
Vous instaurez aussi un dispositif de première orientation numérique centralisé : c'est un gadget déjà dépassé, alors que les travaux de la commission Hirsch jettent, me semble-t-il, les bases d'une approche renouvelée de l'orientation.
Il s'agit encore de récupérer à Pôle Emploi les psychologues de l'AFPA – l'Association pour la formation professionnelle des adultes – sans nous dire ce que va devenir celle-ci.
Il s'agit enfin de remettre en cause la compétence des régions en imposant que le Plan régional de développement des formations professionnelles soit signé des préfets de région et des recteurs d'académie.
Je remarque que, pour faire face à la crise, vous avez déjà mis en place, sur la proposition des syndicats, et notamment de la CFDT, un Fonds d'intervention sociale, conjoncturel, qui va permettre à Pôle emploi de s'investir pleinement dans la formation des demandeurs d'emploi.
Je note que pour mettre en place les nécessaires mesures d'urgence, et décréter le doublement de la cotisation au Fonds unique de péréquation, vous n'avez pas eu besoin d'avoir recours à la loi. Une loi sur la formation professionnelle devrait donc, à mon sens, plutôt préparer l'avenir, la sortie de crise et la nécessaire montée en qualification de notre appareil productif – sans pour autant oublier l'objectif de promotion sociale, dont je constate pourtant qu'il a disparu de nos discours.
Mais nous avons bien compris qu'il s'agit avant tout pour le Gouvernement, comme ce fut le cas avec le 1 % logement ou la fusion de l'ANPE et des ASSEDIC, de mettre la main sur les fonds gérés par les partenaires sociaux, afin d'alléger d'autant les déficits de l'État.
Nous examinons ce projet de loi – selon la procédure d'urgence, alors que nous l'attendons depuis plus d'un an ! –, suite aux conclusions de la commission multipartite présidée par Pierre Ferracci. Ce travail d'ailleurs fructueux avait constitué une sorte de moment de grâce prometteur, esquissant une sorte de nouvel équilibre entre l'État, les partenaires sociaux et les régions.
Mais force est de constater que nous n'y retrouvons pas grand-chose des huit séries de propositions dégagées dans le rapport de Pierre Ferracci. Lui-même indiquait récemment à propos du projet de loi : « Ce qui est en train de se passer risque de rendre encore plus confus et obscur le système si la gestion des prérogatives n'est pas réglée. »
Le gouvernement a ensuite contraint les partenaires sociaux à négocier – dans l'urgence là aussi, et sous la menace implicite de remettre en cause le financement du paritarisme – pour que finalement nous ne délibérions que six mois après l'accord, au coeur de l'été. C'est si vrai qu'ils ont eu le temps, la semaine dernière, d'en signer un autre, qui porte précisément sur les réponses à apporter à la crise !
Bref, si l'urgence est souvent invoquée, c'est en réalité à chaque fois pour permettre au Gouvernement d'imposer son point de vue, voire de passer en force.
Pour satisfaire le souhait louable d'échapper au cloisonnement en fonction des statuts, il est proposé à l'ensemble des acteurs de financer l'ensemble des publics concernés : c'est pour l'État une manière de remettre son oeil partout, voire, je le crains, d'organiser la confusion et ainsi – vieille tactique – de se remettre au centre du jeu. Il aurait au contraire fallu préciser les rôles de chacun.
Pour clarifier la gouvernance au niveau régional, nous soumettrons un amendement visant, à l'inverse de ce que propose M. Vercamer, à supprimer le Conseil régional de l'emploi, créé par la loi de février 2008 portant création de l'opérateur unique. À l'époque déjà, nous avions indiqué que cette nouvelle instance présidée par le préfet de région apporterait plus de confusion que de solutions. Un débat avait eu lieu, notamment avec le président Méhaignerie, pour voir si l'on ne pouvait pas faire d'autres expérimentations.
Nous proposons pour notre part que le lieu unique de coordination soit le Comité de coordination régional de l'emploi et de la formation professionnelle, qui existe depuis des années et qui est co-présidé par le préfet et le président de région – même s'il nous semblerait préférable qu'il soit uniquement présidé par le second.
Contrairement à ce qui est répété à l'envi, le vrai problème auquel nous sommes confrontés n'est pas tant l'accès à la formation de tous les publics, mais l'accès à des formations qui débouchent sur un véritable emploi. J'étais encore la semaine dernière à un forum de l'emploi, comme il y en a beaucoup. De nombreux salariés, et bien sûr de nombreux demandeurs d'emploi, y participaient. Tous ceux qui se sont exprimés avaient suivi, ou subi, des formations – souvent deux, trois, quatre, à des métiers différents. Leur problème, c'est que ces formations débouchaient à chaque fois soit sur un petit contrat, soit sur rien du tout. C'est cela, le vrai problème !
Les dysfonctionnements du système de formation reflètent en grande partie ceux du marché du travail et la difficulté de prévoir les besoins. La solution semble plutôt d'aller, comme l'expliquait Monique Iborra, vers des rapprochements avec les entreprises, éventuellement avec les branches, et avec les partenaires sociaux au niveau des territoires, sous l'égide des conseils régionaux, afin de bâtir des conventions. Comme le disait notre collègue, de nombreux accords allant dans ce sens sont en train d'être signés dans les régions et nous souhaitons qu'ils puissent bénéficier du fonds de sécurisation.
Mais il semble bien que vous fassiez le choix de miser pleinement sur Pôle Emploi. Pourtant, selon l'aveu même de son directeur, que nous avons auditionné ici et au Conseil national de la formation tout au long de la vie, l'opérateur unique n'a pas eu le temps de définir nettement ses missions en matière d'orientation et de formation. Cela ne l'empêche pas, pourtant, de multiplier les appels à projets massifs, pluriannuels et centralisés à destination des organismes de formation, sans véritable approche territoriale. Je crois que c'est un problème sur lequel nous devons nous pencher, de façon vraiment urgente cette fois.
Ne craignez-vous pas, monsieur le secrétaire d'État, que, déjà mis en difficulté par le processus de fusion et l'explosion du chômage, Pôle Emploi ne soit pas en mesure de faire face à l'ensemble des missions que vous semblez vouloir lui confier ? D'autre part, la juxtaposition de ces programmes de formation ne risque-t-elle pas d'entretenir la confusion – à moins que vous ne souhaitiez faire de Pôle Emploi l'opérateur unique en matière de formation des demandeurs d'emploi ?
Je voudrais dire un mot sur la directive services, qui est totalement oubliée dans ce texte alors qu'elle doit être transcrite avant la fin de l'année.
En refusant de transcrire cette directive dans une loi-cadre, vous faites l'impasse sur ses conséquences pour la formation professionnelle. Nous proposerons un amendement qui vise à exclure la formation professionnelle du champ d'application de cette directive et à permettre aux régions de construire de véritables services publics régionaux de la formation.
Je signale d'ailleurs que la question de l'ouverture à la concurrence risque aussi de se poser pour le service public de l'orientation – d'où la formulation ambiguë, dont nous avons parlé en commission, de « mission d'intérêt général d'information et d'orientation » – et pour les nouvelles missions confiées aux OPCA, auxquelles je suis favorable. Même si vous avez refusé jusqu'à maintenant de l'évoquer, vous n'échapperez pas à la question de la liberté de choix par les entreprises.
Je pourrais multiplier les exemples démontrant que cette loi n'est pas à la hauteur des enjeux et qu'elle élude les vrais problèmes, notamment le rôle et les obligations des entreprises en matière de formation.
Ce texte s'apparente en fait à un patchwork de mesures qui confine à l'obésité législative. Alors que certaines dispositions relèvent du règlement ou de la simple négociation collective, comme le bilan d'étape professionnel ou le passeport formation, une législation normative risque d'être en définitive plus dangereuse qu'efficace pour les salariés.
J'ai souhaité insister sur le fil blanc qui relie toutes ces mesures ensemble, à savoir la reprise en main par l'État du système de formation professionnelle, avec la convention cadre pour le fonds de sécurisation et l'obligation de signature du préfet pour le plan régional de développement de l'information. Pourtant, le système de formation n'est jamais aussi dynamique que lorsqu'il s'appuie pleinement sur la capacité contractuelle des partenaires sociaux et sur la capacité d'expérimentation et d'innovation des collectivités locales, mais également des entreprises.
C'est pourquoi je soutiendrai les amendements du rapporteur qui concernent principalement des expérimentations en faveur des jeunes, notamment sur le tutorat, à l'exception précisément de l'amendement proposant aux préfets de lancer leurs propres dispositifs à grand renfort d'opérateurs privés de placement qui, de nouveau, entreraient en concurrence avec les autres dispositifs. Il faut cesser d'envoyer des messages de défiance aux acteurs de terrain, telles les missions locales, et soutenir les dispositifs d'initiative locale qui fonctionnent, comme les écoles de la deuxième chance.
En matière d'emploi, c'est une nouvelle couverture sociale et non un patchwork de mesures qu'il nous faut inventer. La trame de la sécurisation des parcours professionnels ne peut être qu'une formation professionnelle rénovée par l'assurance du droit pour tous à la deuxième chance.
En l'état, ce projet de loi ne fait pas progresser la formation tout au long de la vie telle qu'elle est requise par la stratégie de Lisbonne de construction d'une société de la connaissance et de l'innovation. D'ailleurs, plus personne n'y a fait référence aujourd'hui.
Même s'il comporte des avancées indéniables…
…telles que la portabilité du droit individuel à la formation et l'extension du contrat de professionnalisation aux publics les plus éloignés de l'emploi, ce projet de loi constitue une forme de régression.
En effet, il confirme le clivage entre formation initiale et continue – l'éducation nationale étant la grande absente de ce texte – alors qu'il faudrait, au contraire, élaborer un continuum pour conjurer ce mal français qu'est la « dictature du diplôme », responsable des échecs de nos systèmes de formation et d'orientation.
Nous disposons d'un appareil de formation initiale qui maille l'ensemble du territoire mais ses locaux sont fermés la moitié de l'année un jour sur deux. Ces locaux pourraient être utilisés pour mettre en place des parcours de deuxième chance individualisés, en phase avec les besoins de l'économie !
On peut même imaginer un dispositif de « crédit de formation continue » qui serait inversement proportionnel à ce dont on a bénéficié en formation initiale. Voilà qui constituerait une grande ambition en matière de formation pour notre pays et justifierait pleinement l'intervention de l'État !
Faute d'une véritable stratégie pour construire le droit pour chacun à reprendre une formation, vous pensez essentiellement la formation – c'est flagrant dans votre discours – comme un remède au chômage. Mais ce n'est pas lorsqu'on est précarisé, notamment par une situation de chômage, qu'on est le mieux à même d'apprendre ou de se former.
Les régions qui gèrent les lycées et les CFA sont assurément les mieux placées pour développer un tel projet, mais tout votre texte tend à dénier leurs compétences dans ce domaine, au point de leur refuser la gestion du patrimoine de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes. Pourtant, il serait cohérent que les régions gèrent l'ensemble de ces outils de formation qui, je le répète, maillent l'ensemble du territoire.
Ce serait illégal, et anticonstitutionnel !
Quant aux partenaires sociaux, vous les avez contraints à un accord défensif qui contribue plutôt – tout le monde le reconnaît – à opacifier le système. De plus, vous avez rogné leur capacité de gestion et d'innovation en les incitant à créer un fonds dont le principal utilisateur sera Pôle emploi, dont je crains qu'il ne retombe dans l'utilisation occupationnelle de la formation, aussi coûteuse qu'inefficace, que l'on a connue du temps de l'ANPE.
Les agents apprécieront !
Par calcul politique, à la veille des régionales, et confronté à une remontée du chômage sans précédent, vous vous préparez avec ce texte, monsieur le secrétaire d'État, à instrumentaliser le système de formation professionnelle pour déstabiliser les exécutifs régionaux et affaiblir le paritarisme, et à vous doter d'un outil de traitement social du chômage au lieu de la véritable loi dont nous avons besoin.
Plutôt que d'engager une telle politique de défiance à l'égard des partenaires, qui ne règle aucun des problèmes, la vraie réforme serait de faire confiance aux régions et aux partenaires sociaux pour construire le système de formation tout au long de la vie qui représente le véritable investissement pour l'avenir, l'investissement dans l'humain et la connaissance. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ce projet de loi relatif à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie transpose notamment l'accord national interprofessionnel sur le développement de la formation tout au long de la vie professionnelle, la professionnalisation et la sécurisation des parcours professionnels.
Si nous nous retrouvons sur la plupart des constats faits par le Gouvernement et sur l'objectif général de rénover le dispositif de la formation professionnelle, nous pensons qu'il est regrettable que le Gouvernement ait attendu la crise pour présenter un texte relatif à la formation professionnelle en contraignant les partenaires sociaux à une négociation à marche forcée.
Nous jugeons en outre que la majorité présidentielle ne peut s'exonérer de sa part de responsabilité dans la situation actuelle, notamment en ce qui concerne le déficit de compétences relevé dans les entreprises, les inégalités d'accès à la formation au détriment notamment des moins qualifiés, ou l'immense besoin de formation nécessaire à l'élévation générale des niveaux de qualification.
Ainsi, nous ne cessons de déplorer depuis plus de deux ans votre politique de formation initiale et vos attaques répétées contre le service public d'éducation, ou votre politique de l'emploi, qui a consisté pour l'instant à ne proposer que de travailler plus et, si possible, le dimanche.
Malgré quelques avancées concédées en commission des affaires sociales, nous sommes encore en décalage sur les réponses à apporter.
Pour nous, la qualification d'un salarié se comprend comme le résultat d'un parcours comprenant formation initiale, formation continue, expérience professionnelle et expérience sociale. À cet égard, nous regrettons notamment que ne soit pas inscrit dans le projet de loi le « droit à la formation initiale différée » pour les salariés sortis du système scolaire sans diplôme.
Nous constatons en effet que vous organisez la régression des dépenses publiques d'éducation, dont on ne parle pas beaucoup. En 1993, avec une scolarisation moindre et un investissement des collectivités territoriales nettement inférieur à ce qu'il est aujourd'hui, la France consacrait 7,8 % du produit intérieur brut à l'école, contre 6,8 % en 2006 par exemple. Ce désinvestissement n'est pas une preuve d'efficacité puisque le Haut conseil de la population et de la famille a rappelé que, chaque année, 150 000 jeunes sortent sans qualification du système scolaire et que le diplôme a un effet protecteur important pour l'accès à l'emploi.
Il est ainsi regrettable que le Gouvernement ne s'attelle pas à mettre en oeuvre de la loi d'orientation de 1989, qui prévoit qu'aucun jeune ne doit sortir du système scolaire sans, au minimum, le premier niveau de certification reconnu sur le marché du travail ou, à défaut, un accompagnement dans l'année qui suit pour que cet objectif soit atteint. Et aujourd'hui, il refuse d'allouer des moyens pour qu'aucun travailleur ne soit plus sans qualification !
Dans ces conditions, le volet consacré à l'emploi des jeunes, que vous avez intégré in extremis en commission, risque fort de ne pas résister à l'épreuve de la réalité. Pour ce qui est de l'alternance, nous savons en effet que les jeunes rencontrent d'immenses difficultés à trouver des entreprises pour les accueillir. Mais les moyens que vous proposez de mettre en oeuvre pour y remédier manquent visiblement d'ambition.
En particulier, le projet de loi issu de la commission fixe à 2012 et à 2015 les horizons de réalisation des engagements que l'État « pourrait » – j'insiste sur le conditionnel – demander dans le cadre de conventions passées avec les entreprises. Au regard du développement sans précédent du chômage des jeunes, qui a augmenté de 41 % en un an selon les chiffres du ministère de l'économie, nous pensons qu'il y a urgence à fixer, mais surtout à respecter des objectifs – et ce texte aurait pu en être l'occasion.
Je déplore la disposition introduite par le rapporteur à l'article 13, concernant le financement des missions locales qui dépendrait de leurs résultats en matière d'insertion professionnelle. Si je ne conteste pas que les missions locales aient à faire preuve d'ambition en ce domaine, je soutiendrai la suppression de cette mesure qui me paraît extrêmement dangereuse, parce qu'elle fait fi des inégalités territoriales que l'on peut rencontrer dans l'accès à la formation et à l'emploi et qu'elle risque de pénaliser les missions locales des territoires qui ont le plus besoin de l'intervention publique.
Avec ce texte, nous pouvions espérer la création d'un nouveau statut du travail salarié qui assure à chacun la continuité de son contrat de travail en même temps que la garantie de son salaire et de ses droits associés : protection sociale, retraite, formation professionnelle, à laquelle nous estimons que doivent être consacrés au moins 10 % du temps travaillé, soit au total quatre années de formation pour quarante années de travail salarié. Nous jugeons que la portabilité du droit individuel à la formation est une première étape, et nous nous félicitons que ce droit ait été étendu au-delà des seuls salariés en CDI, grâce à l'adoption de l'un de nos amendements en commission, mais cela reste toutefois très insuffisant.
Vous créez un fonds dit de sécurisation des parcours professionnels, mais l'organisation de ce fonds par le regroupement des organismes paritaires collecteurs agréés – une quinzaine contre près d'une centaine aujourd'hui – nous fait craindre que l'intention du Gouvernement ne soit de ponctionner les 27 milliards d'euros actuellement destinés à la formation professionnelle, afin de servir une politique de l'emploi qui devrait uniquement relever du budget de l'État ! C'est en effet la méthode à laquelle vous avez déjà recouru avec le 1 % logement, le regroupement des organismes collecteurs ayant été organisé par la loi afin de compenser le désinvestissement de l'État dans les politiques publiques du logement, de la rénovation urbaine et de l'amélioration de l'habitat.
Cette logique, qui consisterait à organiser la sécurisation du chômage plutôt que de l'emploi, faciliterait en outre la déculpabilisation de certains patrons sans morale qui trouvent déjà prétexte dans la crise pour procéder à des vagues de licenciements. Il est vrai que vous seriez ainsi en cohérence avec votre décision de repousser, il y a quelques semaines, notre proposition de loi visant à interdire les licenciements dans les entreprises qui réalisent des profits, versent des dividendes ou reçoivent des aides publiques !
Pour les députés communistes, républicains et du parti de gauche se pose également la question de la dissolution de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes dans Pôle emploi avec le transfert des personnels avant le 1er avril 2010.
Cette décision fait planer de graves menaces sur le service public de la formation professionnelle puisque certaines des missions de l'AFPA ne seront pas pérennisées. C'est le cas par exemple de l'accompagnement psychologique des chômeurs de longue durée, que seule l'AFPA assure aujourd'hui, avec la qualité que l'on connaît.
Sur le terrain, cette réforme d'inspiration libérale devra s'adapter aux constructions, déjà engagées, de réseaux publics régionaux de formation professionnelle. Ces structures, qui associent l'ensemble des organismes de formation répondant à des critères de gestion d'utilité sociale, se sont en effet créées récemment, sous la forme de services économiques d'intérêt général, afin de jeter les bases de services publics régionaux de formation professionnelle refusant clairement de s'inscrire dans le secteur uniquement marchand. Comment comptez-vous travailler avec ces structures ?
La labellisation d'un réseau d'organismes offrant un ensemble de services d'orientation aux personnes nous fait également douter de votre volonté d'organiser un véritable service public de l'orientation.
Vous proposez de créer un centre d'appel téléphonique qui y serait dédié, mais pensez-vous réellement qu'une conversation de quelques minutes permettra d'informer, d'orienter et d'accompagner annuellement les quelque 500 000 salariés et 200 000 demandeurs d'emploi visés par la loi ? Ces derniers, qui ont fait l'expérience du numéro d'appel surtaxé ayant accompagné le lancement de Pôle emploi, pourraient en sourire si le sujet n'était pas aussi sérieux. Il est manifeste que d'autres mesures doivent être proposées.
Nous attendons enfin que vous répondiez à notre demande de prise en compte des problèmes spécifiques aux travailleurs handicapés – nous avons insisté sur ce point en commission –, sans vous retrancher derrière la seule mise en oeuvre d'un cadre général favorable.
Vous l'aurez compris : les députés communistes et républicains du parti de gauche espèrent que la discussion permettra de satisfaire aux nombreuses exigences qu'ils formulent encore, évitant ainsi qu'ils ne s'opposent à ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi relatif à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma