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Intervention de Jean-Patrick Gille

Réunion du 15 juillet 2009 à 15h00
Formation professionnelle tout au long de la vie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Patrick Gille :

Une véritable réforme de la formation professionnelle devait donc viser à atteindre ces objectifs. Pour ce qui est des deux premiers, on ne peut pas dire que la réussite soit au rendez-vous ; pour le dernier, permettez-moi d'être plutôt dubitatif, car je ne vois pas comment, en l'état, ce texte permet concrètement d'avancer sur la sécurisation des parcours professionnels. Il ne contient rien sur le changement de paradigme de l'emploi, et donc de la formation, que vous avez vous-même évoqué au début de votre propos.

Comment réussir une réforme de la formation professionnelle ? Un bref regard rétrospectif nous convainc que cela suppose de réunir trois conditions qui, à mon sens, ne sont pas remplies.

La première, c'est de respecter l'accord des partenaires sociaux. Depuis la loi fondatrice de Jacques Delors en 1971, toute réforme – et toute la législation française en matière de formation continue – s'appuie toujours sur un accord des partenaires sociaux. De ce point de vue, la formation professionnelle est même l'exemple d'un droit social qui progresse grâce à la dynamique du dialogue social, allant même jusqu'à se poser la question de son autonomie contractuelle.

Mais cette fois, les partenaires sociaux ont été contraints, on le sait, à un accord défensif pour sauver les avancées de l'accord national interprofessionnel de 2003 et le financement du paritarisme. C'est sous la menace qu'ils ont accepté la création du Fonds de sécurisation des parcours professionnels, c'est-à-dire un prélèvement sur les fonds mutualisés qu'ils devront – et c'est là l'innovation de la loi, ou, devrais-je dire, sa trahison – co-gérer avec l'État. Et on sait bien que, d'ici à quelques années, c'est l'État qui pilotera l'ensemble de ce fonds. Telle n'est pas l'idée des partenaires sociaux, même si celle de consacrer 900 millions d'euros aux salariés les plus en difficulté ou aux demandeurs d'emploi peut sembler excellente.

La deuxième condition nécessaire est d'accompagner le fait régional. Depuis plus de vingt-cinq ans, toutes les évolutions législatives dans ce domaine ont manifesté et confirmé la montée en puissance des compétences des régions. Les transferts de l'État sont nombreux : en 1983, l'apprentissage ; en 1993, la formation professionnelle des jeunes ; en 2004, les demandeurs d'emploi. La légitimité de l'échelon régional comme le plus pertinent pour élaborer, et surtout mettre en oeuvre, les politiques de formation, notamment à destination des jeunes, de l'alternance et des demandeurs d'emploi, est reconnue par l'ensemble des acteurs, et semblait acquise.

Pourtant, sans que personne le demande – insistons sur ce point –, le gouvernement se lance dans une recentralisation à contre-courant qui aboutira au mieux à diluer les responsabilités, au pire à paralyser la prise de décision.

La troisième condition est d'énoncer quelques principes simples. Chaque réforme, pour en être vraiment une, doit poser quelques principes simples et novateurs issus de la négociation des partenaires sociaux. Ceux-ci les ont d'ailleurs inscrits au fronton de leur accord interprofessionnel du 7 janvier 2009, ratifié à l'unanimité.

Le premier principe qu'ils ont énoncé a dû être réinscrit dans les textes par les parlementaires : la formation professionnelle vise à permettre « de progresser d'au moins un niveau de qualification au cours de sa vie professionnelle. »

Le second principe est en revanche demeuré lettre morte. Il concerne la création du droit à la formation initiale différée, véritable réponse aux exigences de qualification que requiert notre économie pour rester compétitive, et sans lequel il n'y aura jamais de véritable contenu au droit à la formation tout au long de la vie.

C'est pourquoi j'ai déposé, au nom du groupe socialiste, un amendement visant à inscrire ce principe dans le code du travail, sous forme d'une priorité d'accès à des formations qualifiantes d'une durée maximale d'un an pour les personnes non titulaires d'un bac ou d'une première qualification professionnelle.

Je suis au regret de constater, monsieur le secrétaire d'État, que le projet de loi qui nous est proposé tourne le dos à la recherche annoncée de clarté et de simplification. Sous prétexte de réorienter la formation vers ceux qui en sont le plus éloignés, il organise une forme d'étatisation et de recentralisation de la formation professionnelle financée par les régions et les fonds paritaires.

Malgré la transcription des mesures techniques issues de l'accord national interprofessionnel, il s'agit d'une loi de mise sous tutelle des partenaires sociaux et des régions, qui l'ont d'ailleurs clairement manifesté – cela a déjà été rappelé – en refusant tous et toutes de l'approuver lors de sa présentation au Conseil national de la formation tout au long de la vie.

Vous m'objecterez certainement, comme vous l'avez déjà largement fait, que c'est la crise qui justifie cette reprise en main par l'État – qui met ainsi la main sur les 900 millions d'euros de l'obligation légale de formation des entreprises, jusqu'alors gérés par les partenaires sociaux.

Vous instaurez aussi un dispositif de première orientation numérique centralisé : c'est un gadget déjà dépassé, alors que les travaux de la commission Hirsch jettent, me semble-t-il, les bases d'une approche renouvelée de l'orientation.

Il s'agit encore de récupérer à Pôle Emploi les psychologues de l'AFPA – l'Association pour la formation professionnelle des adultes – sans nous dire ce que va devenir celle-ci.

Il s'agit enfin de remettre en cause la compétence des régions en imposant que le Plan régional de développement des formations professionnelles soit signé des préfets de région et des recteurs d'académie.

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