Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, pour dire toute l'importance du sujet qui nous réunit aujourd'hui, nous devons d'abord constater avec bonheur que l'économie de la connaissance n'est plus la promesse de quelques esprits visionnaires mais une réalité que le progrès technologique a solidement installée.
L'ayant identifié comme déterminant principal de la compétitivité et du dynamisme de notre économie, les gouvernements au pouvoir depuis 2002 n'ont eu de cesse de brandir le développement des savoirs comme priorité d'action sans que les efforts réellement consentis dans ce domaine soient jamais à la hauteur des proclamations.
Si connaissance rime effectivement avec croissance, il est tout aussi important d'observer que les savoirs et les qualifications conditionnent aujourd'hui plus que jamais l'insertion professionnelle et l'inclusion sociale. Sur ce point, nous partageons le constat établi par les orateurs précédents.
En tant que puissant levier permettant d'agir sur la prospérité et la cohésion, il est indispensable que la formation professionnelle dispense un enseignement adapté aux besoins de notre économie et accessible au plus grand nombre, en particulier aux publics les moins qualifiés.
Cette exigence d'efficacité et de modernité, plusieurs États européens l'ont intégrée en plaçant la formation professionnelle au coeur de leur système de flexi-sécurité – mot très à la mode – en tant qu'outil garantissant l'adaptation des salariés et demandeurs d'emplois aux mutations de plus en plus rapides de l'appareil productif.
La situation sur le marché du travail français appelle un effort de réorganisation similaire. Deux indicateurs, le taux d'emploi des jeunes et celui des seniors, signent effectivement l'échec du système existant. En novembre 2008, seuls 32 % des 15-24 ans exerçaient un emploi en France contre 38 % en moyenne dans le reste de l'Europe. À l'autre bout de l'échelle, plus 60 % des 55-64 ans étaient inoccupés en France contre seulement 30 % de leurs homologues suédois.
Ce qu'il convient de qualifier d'anomalie française ne peut être entièrement imputé au handicap que constituent l'inexpérience des uns et le manque de dynamisme des autres. Le chômage structurel frappant ces deux classes d'âge est également, à l'évidence, le résultat d'un problème de qualifications.
S'agissant du chômage des jeunes, des statistiques plus fines montrent clairement que les problèmes d'insertion concernent au premier chef ceux d'entre eux qui sont les moins diplômés. Partant de ce constat, la loi d'orientation et de programmation sur l'école de 2004 prévoyait qu'aucun élève ne devait sortir du système scolaire sans diplôme, reprenant l'objectif de la loi de 1989. Force est de constater que ces généreuses intentions n'ont malheureusement pas été suivies d'effets. Ce sont encore 150 000 jeunes non qualifiés qui arrivent sur le marché du travail chaque année avec de bien minces espoirs d'y trouver une place.
Pour sécuriser les parcours des plus jeunes et des plus anciens, la réforme du système de formation professionnelle doit aboutir à faire de celle-ci une véritable variable d'ajustement entre les profils des demandeurs d'emploi et les besoins de qualifications des entreprises. Il convient, en d'autres termes, de faire de la formation un outil de régulation du marché du travail au service des politiques de l'emploi et donc des demandeurs d'emploi
L'idée d'un pilotage politique de la formation est celle vers laquelle convergent les rapports produits par les parlementaires, par la Cour des comptes ou par le groupe multipartite Ferracci. Elle suppose de revoir de fond en comble l'organisation d'un système qui a poussé telle une plante sans tuteur jusqu'à devenir aujourd'hui un véritable maquis.
Le système de formation professionnelle que nous connaissons n'a pas été pensé dans sa globalité. Il est le produit de plus de trente années d'empilement de dispositifs répondant chacun à des objectifs spécifiques et faisant appel à des autorités différentes tant au niveau du financement que de la planification ou de l'exécution.
Éducation nationale, régions, entreprises, associations, organismes sectoriels, service public de l'emploi constituent autant d'intervenants impliqués à un niveau ou à un autre dans la formation professionnelle, qu'elle soit initiale ou continue.
La coexistence d'acteurs multiples obéissant à des logiques différentes rend particulièrement complexe tout effort de coordination, si bien que la formation se résume aujourd'hui à un ensemble de programmes cloisonnés suivant des procédures particulières et conçus pour le compte de publics très ciblés.
Ainsi, loin d'être tourné vers les travailleurs précaires ou les chômeurs de longue durée qui devraient être ses publics prioritaires, le système actuel est davantage favorable aux employés les plus qualifiés et les mieux installés dans l'emploi qui bénéficient d'un accès aisé et régulier à la formation. Autrement dit, et selon l'expression consacrée, « la formation va à la formation » et ne profite que faiblement à ceux qui en auraient le plus besoin.
Cette réalité est d'autant plus cruelle que l'effort consenti par la nation à la formation est conséquent : 27 milliards d'euros si l'on en croit le chiffre répété à l'envi par le chef de l'État. Rétablissons d'emblée la vérité : les montants dont nous discutons aujourd'hui sont en réalité bien moindres et se doivent d'exclure notamment les dépenses de formation des ménages et des administrations.
Cette précision faite, nous observerons que les fonds mobilisés par les partenaires sociaux et les entreprises pour la formation des salariés représentent tout de même 6 milliards d'euros auxquels il convient d'ajouter les 4 milliards d'euros déboursés par les régions en direction des apprentis et des demandeurs d'emplois, y compris des jeunes primo-demandeurs d'emploi.
Avec 10 milliards, nous sommes bien loin de la cagnotte de 27 milliards d'euros agitée comme une tirelire magique par notre Président. Si l'enveloppe est donc moins spectaculaire, la façon dont ces fonds sont utilisés n'est pas sans poser problème au regard des besoins précités.
Monsieur le secrétaire d'État, comme vous l'avez compris, au-delà des querelles de chiffres nous partageons avec vous l'essentiel du diagnostic. Et si nous ne manquons pas d'arguments pour critiquer les remèdes que vous nous proposez, nous devons au moins vous reconnaître le mérite d'avoir abordé le problème de la formation après plusieurs années placées sous le signe d'un immobilisme regrettable.
Il semble toutefois qu'il eût fallu, dans ce domaine comme dans d'autres, se hâter plus lentement. Comme bien souvent, l'urgence dans laquelle votre Gouvernement a souhaité expédier cette réforme nous conduit aujourd'hui à examiner un texte qui n'est pas à la hauteur du travail intense de réflexion et de négociation qui l'a précédé.
Rappelons, en effet, que votre projet de loi prend directement appui sur l'accord national interprofessionnel signé par l'ensemble des partenaires sociaux le 7 janvier dernier.
Votre projet de loi reprend essentiellement les objectifs les plus positifs de ce document : l'accès à la formation des personnes les moins qualifiées, notamment des jeunes, le développement de la formation dans les PME, l'amélioration de la transparence des circuits de financement, l'évaluation des politiques de formation professionnelle, une meilleure information et orientation des salariés. Jusque-là, tout va bien.
En face de ces grandes ambitions, les mesures effectivement inscrites dans le texte qui nous est aujourd'hui soumis ne pèsent que bien peu de chose. Toutefois, nous n'occulterons pas ce qui nous a paru constituer de trop rares avancées concrètes.
La portabilité du droit individuel à la formation qui permet au salarié perdant son emploi de conserver durant deux années le bénéfice des droits acquis au titre du DIF est sans conteste un motif de satisfaction. En facilitant la requalification des travailleurs les plus fragiles et les plus exposés au risque de chômage, cette mesure nous semble contribuer effectivement à faire de la formation professionnelle un instrument de sécurisation des parcours.
La possibilité offerte aux salariés d'obtenir de leur employeur un bilan d'étape professionnel nous semble également aller dans une direction acceptable, à la condition toutefois qu'il en soit fait une bonne utilisation. Permettant d'identifier les besoins de formation du salarié au regard à la fois de son projet professionnel et des compétences nécessaires à son employeur, ce bilan devrait permettre de replacer le développement des qualifications au coeur de la stratégie des entreprises.
Nous décernerons un autre bon point en ce qui concerne l'extension du contrat de professionnalisation aux bénéficiaires de minima sociaux et aux titulaires de contrats aidés. L'efficacité des formations en alternance dans l'insertion professionnelle n'étant plus à démontrer, cette mesure permettra d'ouvrir une nouvelle porte d'entrée au marché du travail pour les publics les plus éloignés de l'emploi.
Concernant son financement, la profusion des OPCA étant source d'opacité et d'inefficacité, il convenait d'en réduire le nombre à une vingtaine environ, objectif auquel l'article 15 nous paraît répondre de manière appropriée.