La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
La parole est à M. Gérard Charasse, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le président, mes chers collègues, vous comprendrez qu'un radical ne puisse prendre la parole ici un 6 février sans souhaiter un bon anniversaire à la République et à tous les parlementaires. (Applaudissements sur tous les bancs.)
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. « Je serai le président du pouvoir d'achat. » (Rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Inutile de nommer l'auteur de cette citation : les Françaises et les Français le connaissent. La seule de ces deux promesses qui ait été tenue, c'est que Nicolas Sarkozy est Président de la République. Pour le reste, nos concitoyens attendent, à l'exception de celles et ceux à qui vous avez signé, dans l'été, un chèque de quinze milliards d'euros. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Le Gouvernement est comptable de l'ensemble des engagements : or ils ne sont pas tenus. La semaine dernière, après les fonctionnaires, les chauffeurs de taxis, les cheminots et combien d'autres, vous avez mis les caissières de supermarchés dans la rue. Comme tous mes collègues, j'ai reçu des copies de bulletins de paye. Un exemple parmi tant d'autres : avec neuf années d'ancienneté et un travail quotidien haché, le net à payer est de 710 euros ; pas d'heures supplémentaires ni de travail complémentaire possibles.
Dans le même temps, les dix-huit premières entreprises de la grande distribution vont publier leurs bilans. Le résultat net cumulé avoisine les 80 milliards. Ce bénéfice est composé pour moitié de la marge réalisée sur la vente des produits, et pour moitié de l'écart entre les délais de paiement des clients et ceux des fournisseurs : le client a trois jours pour s'acquitter, quand les fournisseurs doivent attendre jusqu'à 120 jours.
Le Gouvernement est à la recherche de gisements de pouvoir d'achat. En voilà un, et dans un secteur hors d'atteinte de la concurrence internationale. Quels moyens allez-vous mettre en oeuvre pour exploiter ce gisement en faveur des salariés du secteur et des petites entreprises qui sont les fournisseurs de la grande distribution et font vivre nos territoires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La parole est à M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur.
Monsieur Charasse, vous avez raison : en matière de délais de paiement, la situation française n'est pas satisfaisante. La moyenne européenne est de cinquante-sept jours, la moyenne française de soixante-sept, la moyenne allemande de quarante-sept. C'est la raison pour laquelle, comme l'avait annoncé le Président de la République en décembre dernier, nous allons légiférer dans ce domaine.
Dès le mois d'avril, Christine Lagarde présentera, dans le cadre du projet de loi de modernisation de l'économie, une disposition pour limiter à soixante jours le délai de paiement.
Je vous vois hausser les sourcils, monsieur Charasse. Sachez que nous irons plus loin : nous avons décidé d'engager des négociations durant le premier semestre de l'année 2008. J'ai demandé à Yvon Jacob de les mener branche par branche. Là encore, vous avez raison, monsieur le député, la situation dans la grande distribution n'est pas satisfaisante, loin de là. Nous serons très attentifs à ce dossier.
À la fin du premier semestre, soit nous aurons enregistré des accords de bonne pratique, sur un calendrier de réduction des délais de paiement dans l'ensemble des branches professionnelles, soit nous légiférerons une deuxième fois pour abaisser, bien en deçà des soixante jours, les délais de paiement qui pèsent injustement sur les plus faibles,…
…les petites et moyennes entreprises et les salariés de la grande distribution.
C'est, enfin, la raison pour laquelle, toujours dans le cadre des dispositions qui seront prises par Christine Lagarde, nous conditionnerons les allégements de charges par l'engagement de négociations salariales en 2008. Monsieur le député, vous le voyez, nous tenons nos promesses.
Le Président de la République s'est engagé à un certain nombre de réalisations durant son quinquennat. Nous avons commencé à tenir ces engagements et nous continuerons. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Madame la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, le 22 janvier, je vous alertais sur la grave menace pesant sur les deux entreprises Goodyear et Dunlop et sur l'avenir du site industriel d'Amiens.
La direction américaine veut imposer les quatre fois huit aux 2 700 salariés et la suppression de 450 emplois. Consultés par référendum…
Plusieurs députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Eux !
…ils ont dit non.
M. le préfet, le président d'Amiens Métropole et moi-même avons demandé au Gouvernement de rencontrer la direction du groupe pour lui rappeler ses devoirs, le respect du droit français et la nécessité d'ouvrir de vraies négociations. Le compte rendu de vos contacts, madame la ministre, nous laissait espérer que l'engagement de pérenniser le site serait tenu. Malheureusement, lors de la réunion du comité d'entreprise, le 1er février, les propositions présentées aux syndicats ont été aggravées et condamnées unanimement par tous les syndicats.
Ainsi, la suppression de 450 emplois est confirmée. On y ajoute trente et un dimanches travaillés sur cinquante-deux ; seuls cinq samedis et dimanches pourront être passés en famille. En plein été, au moment des plus grandes chaleurs, on impose 48 heures de travail hebdomadaire, six jours travaillés d'affilée et la suppression des ponts. Tout cela doit se faire sans contreparties sociales et financières. Nous le savions : pour cette direction, la santé des hommes ne compte pas.
Par ailleurs, celle-ci affirme encore que les 52 millions d'euros d'investissement prévu pour Amiens sont déjà répartis sur d'autres sites du groupe.
Madame la ministre, il s'agit d'une provocation contre laquelle les syndicats préparent, à la mi-février, une riposte d'envergure que nous soutenons pleinement.
Il semble bien que la stratégie du groupe américain soit de liquider purement et simplement ces deux entreprises. Le Gouvernement est placé devant une grande responsabilité pour sauver 2 700 emplois,…
…deux entreprises et un site.
Dès lors, après les déclarations du Président de la République affirmant l'engagement financier de l'État pour le maintien de l'outil de production à Gandrange et de Michelin à Toul, on comprend que les syndicats et les salariés n'en attendent pas moins pour les 2 700 salariés. (« La question ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Ma question est simple : le Gouvernement et le Président de la République s'y engagent-ils ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.
Un député du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. La dernière séance !
Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, la situation du complexe industriel de Goodyear Dunlop Tires France, situé à Amiens sur deux sites qui, vous l'avez rappelé, emploient plus de 2 600 salariés, attire l'attention de tous : la vôtre, celle de M. Gilles de Robien, celle de l'ensemble de la représentation nationale et, soyez-en assuré, celle du Gouvernement.
Je ne reviendrai pas sur l'historique de ce dossier, que vous avez esquissé. D'un côté, un investissement de 52 millions d'euros est nécessaire pour assurer la pérennité du site. De l'autre, une négociation est engagée sur l'aménagement de la durée du temps de travail, au travers du comité central d'entreprise. Je me réjouis que les négociations aient repris depuis le 1er février. Je me réjouis qu'un comité central d'entreprise soit à nouveau convoqué pour le 12 avec un ordre du jour qui, je souhaite que vous le sachiez, pourra être modifié sous réserve que les négociations en cours se poursuivent. Ce ne sont pas des relations simples. Les partenaires sociaux eux-mêmes ne sont pas toujours du même avis. Ce dont je suis sûre, en revanche, pour en avoir parlé avec le président du groupe, au plus haut niveau, c'est qu'il est prêt à reconsidérer sa décision, à procéder à un investissement, dès lors que le dialogue social permet de rétablir l'équilibre dans la balance de la négociation en cours.
Il s'agit d'un enjeu important – 2 600 emplois, la pérennité de deux sites dans la région d'Amiens – et j'espère que les partenaires sociaux, leurs interlocuteurs et tous les représentants des pouvoirs publics vont pouvoir continuer à travailler en bonne intelligence. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le groupe Nouveau Centre.
Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.
Le 23 janvier, Jacques Attali remettait au Président de la République le rapport de sa commission pour la libération de la croissance française.
Par la voix de leur président, François Sauvadet, les députés du Nouveau Centre ont salué la méthode de travail et le caractère novateur de son orientation générale. J'ai personnellement aimé la pertinence du chapitre 1 dont le titre donne le ton de l'orientation du rapport : « Au commencement, le savoir ».
Cela précisé, le moins que l'on puisse dire, c'est que Jacques Attali a singulièrement manqué d'humilité (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) en affirmant, page 5, que ce rapport n'était pas « un inventaire dans lequel un gouvernement pourrait picorer à sa guise ».
Au Nouveau Centre, nous contestons cette prétention. Comme, après chaque travail de fond mené par l'administration ou par des experts, l'exécutif et le législatif sont placés devant leurs responsabilités…
…et, pour ce faire, ils ont au contraire un droit et un devoir d'inventaire. Dans cette perspective, nous saluons la création du comité de suivi de ces propositions mis en place par la commission des affaires économiques de notre assemblée.
En effet, ce rapport comporte, à côté de propositions consensuelles d'intérêt général qu'il convient de mettre en oeuvre au plus vite, un certain nombre de véritables âneries. Que penser, par exemple, de la décision n° 5 du chapitre 1, page 28, visant à faire évaluer les professeurs par leurs élèves ?
Il comporte aussi un certain nombre de propositions sur les professions réglementées qui soulèvent des inquiétudes légitimes parmi nos concitoyens ; je pense aux pharmaciens, aux notaires, aux avoués et bien évidemment aux artisans taxis, aujourd'hui en grève. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Un débat doit être mené quant à l'opportunité de ces propositions au regard de l'intérêt général de la nation, à commencer avec les parties prenantes, les professionnels concernés. Si, au terme de ce débat, le Gouvernement et le Parlement confirment le bien-fondé de ces propositions, un nouveau débat devra s'ouvrir avec les professions concernées sur le calendrier et les modalités de transition. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Mes questions s'imposent naturellement : madame la ministre, comment allez-vous exercer le droit d'inventaire du Gouvernement ? Comment comptez-vous associer le Parlement à votre démarche ? Comment allez-vous organiser la concertation avec les professions concernées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.
Monsieur le député, ne voyez pas dans la multiplicité des questions auxquelles je vais répondre cet après-midi un signe d'absence d'humilité. C'est avec humilité mais surtout avec une grande détermination et un souci de la concertation que nous allons engager le programme de réformes sur lequel nous avons été mandatés par les Français.
La détermination, c'est celle qu'a exprimée le Président de la République. La concertation, c'est clairement la méthode que le Premier ministre va défendre et dont il ne s'écartera pas avec l'ensemble du Gouvernement.
Comme dans toute réforme, il y a le temps des experts, puis le temps du politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre.)
Le temps des experts a rassemblé un certain nombre de collaborateurs autour de M. Attali, permettant à ce dernier de faire, le 23 janvier, de nombreuses propositions au Président de la République.
Le 1er février, le Premier ministre a rassemblé l'ensemble de son gouvernement dans un séminaire gouvernemental pour fixer la méthode. Et c'est cela qui vous importe.
D'abord, sur le plan des principes, le Gouvernement est déterminé à agir, sous l'autorité du Premier ministre, sereinement, à son rythme et dans la concertation. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre.)
Nous entrons maintenant dans le temps du politique. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Le temps du politique, c'est celui de la réflexion et de la concertation qui doivent précéder la mise en oeuvre. La concertation s'exercera avec le Parlement, les représentants des professions concernées et tous les partenaires économiques.
Chaque ministère a ainsi été invité à proposer des mesures, un plan d'action.
Ensuite, en liaison avec les présidents des commissions parlementaires concernées, des groupes d'élus participeront aux réunions thématiques menées par les ministères. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Il est en effet indispensable que toute la représentation nationale soit associée à l'exercice.
Les chantiers peuvent être classés en deux catégories : d'une part, les chantiers prioritaires – j'aurai l'honneur d'avoir à mener le premier chantier prioritaire dans le cadre de la loi de modernisation de l'économie.
D'autre part, les chantiers qui concernent notamment les professions réglementées, sur lesquels je souhaite associer la représentation parlementaire à l'ensemble de la réflexion.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Monsieur le président, le temps !
C'est avec les parlementaires, les représentants des partenaires sociaux et les représentants des professions réglementées que nous mènerons ce travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. Jean-Pierre Schosteck, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Madame la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi (« Encore ? » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) …
J'ai compris que vous en redemandiez, je réponds à votre attente.
Les enquêtes d'opinion montrent que le sujet qui a angoissé les Français durant de longues années, je veux parler du chômage, ne figure plus aujourd'hui parmi leurs principales préoccupations. (« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Cela est tout à fait remarquable. Je m'étonne d'ailleurs que nos collègues de l'opposition ne l'évoquent guère et préfèrent s'intéresser au disque hélas un peu rayé du pouvoir d'achat. (« Oh ! » sur les mêmes bancs.)
L'objectif du Gouvernement est d'atteindre le plein-emploi, c'est-à-dire un taux de chômage de 5 %, d'ici à la fin de la législature. Le mouvement est déjà bien engagé : le taux de chômage au troisième trimestre s'est réduit à 7,9 %, ce qui, au vu de l'histoire française récente, constitue une performance très remarquable.
Naturellement, il reste du chemin à parcourir. Pourriez-vous nous indiquer, madame la ministre, et par delà les mesures que vous avez déjà prises au cours des derniers mois, quels sont vos prochains chantiers pour faire diminuer durablement le chômage dans ce pays et pour renvoyer dans les livres d'histoire la sombre période commencée dans les années 1980 durant laquelle le non-emploi a explosé ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Nouveau Centre. – « Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Eh oui ! merci la gauche !
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.
Monsieur le député, vous l'avez souligné, j'ai deux objectifs en matière d'emploi : d'une part, réduire le taux de chômage à 5 %, d'autre part, porter le taux d'emploi en France à 70 %, c'est-à-dire 7 points de plus qu'à notre arrivée au pouvoir.
Un trait caractéristique des derniers mois est la baisse tendancielle constante du chômage : nous sommes enfin durablement passés en dessous des 8 %, nous sommes à 7,9 % exactement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Les entreprises de France ont créé plus de 312 000 emplois en 2007. La tendance est à la création d'emplois et à la baisse continue du nombre de demandeurs d'emplois inscrits à l'ANPE, moins 195 000 en 2007.
La combinaison de tous ces chiffres est favorable. C'est le signe que les Français ont retrouvé confiance dans leur économie (« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine), confiance dans les entreprises et qu'ils créent des emplois.
Nous nous efforçons de participer à ce mouvement en utilisant différents moyens et en agissant sur plusieurs leviers.
Premier levier, celui des charges. La loi que vous avez votée cet été en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat a permis de libérer de charges sociales et fiscales toutes les heures supplémentaires au-delà de la fameuse trente-cinquième heure.
Deuxième levier, le levier de la concurrence. Nous le savons, les entreprises soumises à la concurrence sont souvent plus productives et les entreprises plus productives sont toujours, toutes les études le démontrent, plus créatrices d'emplois.
Troisième levier, la réforme du marché de l'emploi. Il existe aujourd'hui en France plus de 500 000 offres d'emplois non pourvues. Grâce à la loi que vous avez votée, ce dont je vous remercie, les offres et les demandes d'emploi seront réunies au sein de la nouvelle institution née de la fusion ANPE-ASSEDIC. Ce marché mieux intermédié permettra, je l'espère, de répondre à ces offres d'emplois qui sont aujourd'hui insatisfaites, en se concentrant sur les demandeurs d'emplois et sur les entreprises.
Dernier levier, le levier fiscal. À l'occasion de la revue générale des prélèvements obligatoires, nous devrons nous concentrer, à prélèvements constants, sur les dispositions de nature à encourager la croissance.
Notre objectif n'a pas varié : plus de croissance, moins de chômage, plus de pouvoir d'achat. C'est en ce sens que nous allons, sans fléchir, poursuivre notre action, monsieur le député. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. Bernard Lesterlin, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, vous avez annoncé hier votre volonté de tenir l'engagement d'augmenter de 25 % d'ici à 2012 le minimum vieillesse.
Ma question est triple :
Premièrement, quand cette augmentation interviendra-t-elle ?
Deuxièmement, à qui s'adressera-t-elle ? Aux 600 000 bénéficiaires du minimum vieillesse ou aux 3,5 millions de petits retraités ?
Troisièmement, le Président de la République a déclaré que les caisses étaient « vides », le ministre du budget que les caisses étaient « plus vides que vides », et vous-même, monsieur le Premier ministre, que le pays était « en faillite ». Dès lors, qui va payer la facture ? Quel plan de rigueur vous préparez-vous à annoncer après les municipales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je vous remercie, monsieur le Premier ministre, de bien vouloir faire une réponse aussi précise que ma question est concise. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables.
Monsieur le député, le Président de la République avait annoncé que l'amélioration de la situation des retraités serait l'un des axes prioritaires de sa politique. Vous n'ignorez pas qu'aujourd'hui même la conférence sociale se réunit à l'Élysée avec les partenaires sociaux sur ce sujet.
Oui, la réforme du minimum vieillesse sera faite en 2008. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre.) Aujourd'hui même, le Président de la République a annoncé qu'un à-valoir de 200 euros serait versé le prochain trimestre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. Louis Giscard d'Estaing, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Madame le ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, ma question porte sur la crise que traverse actuellement la Société générale.
Vous avez dès lundi présenté au Premier ministre un rapport sur les dysfonctionnements constatés à la Société générale, après l'annonce de fraudes présumées commises sur des opérations de marché qui ont engendré une perte d'au moins 4,9 milliards d'euros pour la banque. Je salue d'ailleurs votre réactivité, madame la ministre, qui vous a permis de venir exposer devant notre commission des finances la teneur de votre rapport onze jours seulement après la révélation des faits.
Bien sûr, la Société générale étant une entreprise privée et cotée, l'argent public n'est absolument pas concerné par cette affaire. Le contribuable n'aura donc pas à payer une facture comme celle qui a résulté de la gestion du Crédit lyonnais il y a quelques années (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.), laquelle aura coûté, faut-il le rappeler, sous gouvernement socialiste, près de 15 milliards d'euros d'argent public à notre pays ! (« Hou ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Néanmoins, lorsque l'on sait que la Société générale est le troisième établissement bancaire français, il est légitime que l'on s'interroge sur les causes des pertes occasionnées et notamment sur l'insuffisance des mécanismes de contrôle.
Madame la ministre, je souhaiterais savoir si la réglementation boursière a été respectée dans cette affaire. (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Est-il nécessaire de revoir les conditions dans lesquelles la Commission bancaire et l'Autorité des marchés financiers assurent leur mission de régulation. (« Oui ! » sur les mêmes bancs.)
Quels enseignements peuvent être tirés de ce type de dysfonctionnement, notamment sur le plan législatif ?
Enfin, les marchés financiers étant par définition internationaux, et la crise des prêts immobiliers hypothécaires dits subprimes aux États-Unis étant malheureusement là pour le rappeler, quelles mesures pourraient être prises au plan des instances internationales telles que la Banque centrale européenne, la Réserve fédérale ou le Fonds monétaire international, pour veiller à une meilleure sécurité des marchés financiers ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.
Monsieur le député, vous m'interrogez sur le rapport d'enquête, et j'insiste sur le mot « enquête » car ce rapport était destiné non pas à établir les responsabilités, à déterminer la culpabilité de tel ou tel acteur en la matière, mais simplement à déterminer quel avait été le déroulement des événements, pourquoi les contrôles n'avaient pas fonctionné et quels contrôles devaient être améliorés pour qu'une telle fraude ne survienne pas à nouveau.
Vous me demandez d'abord si la Société générale avait respecté, dans ses comportements, la réglementation applicable sur les marchés boursiers. C'est évidemment à l'Autorité des marchés financiers, autorité indépendante, de déterminer si oui ou non la réglementation a été respectée. Elle a d'ailleurs immédiatement diligenté une enquête.
Mais, vous l'aurez lu dans mon rapport, je conclus que les opérations de débouclage qui sont intervenues les 21, 22 et 23 janvier ont eu lieu de manière strictement professionnelle, comme nous l'ont confirmé les autorités des marchés britanniques et allemands sur lesquels les opérations se sont déroulées.
S'agissant des règles d'information du marché sur les positions de l'opérateur concerné, dès lors que la Société générale a été informée des fraudes, la réglementation a là encore été respectée.
Pour ce qui est du fonctionnement de l'Autorité des marchés financiers et de la Commission bancaire, je conclus dans mon rapport que nous devons travailler avec elles pour étudier les conditions dans lesquelles toutes les autorités, au plus haut niveau de l'État, pourront à l'avenir, dans ce type de situation, être informées dans un corset réglementaire qui doit être particulièrement strict pour préserver les règles de confidentialité.
Je souligne aussi dans mon rapport que certains mécanismes de contrôle n'ont pas fonctionné et je recommande que la gestion du risque opérationnel soit prise en compte par les services de gestion du risque et de contrôle du risque au sein des établissements bancaires.
Enfin, s'agissant de l'action internationale de la France, je me rendrai jeudi au G 7 à Tokyo, où je ferai valoir auprès des ministres des finances la position qui est la nôtre depuis le 16 février : nous devons impérativement renforcer les principes de gouvernance, les règles de transparence et la régulation applicable aux acteurs et aux produits financiers. Ce sont ces points que nous devons tous ensemble faire avancer pour établir la confiance. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. Jean-Marie Sermier, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse encore à Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) J'y associe notre excellent collègue Jean-Paul Charié.
Dans le monde entier, les taxis de France sont la référence pour leur sûreté. Ce sont des partenaires essentiels pour développer l'attractivité de notre pays et l'accueil en France. Pour assurer les services à la personne et la mobilité sur l'ensemble du territoire, le savoir-faire et le maillage des taxis indépendants sont essentiels. Et pourtant, il est, pour certains, de bon ton de les dénigrer. On les accuse de ne pas être assez présents. On en déduit qu'il faudrait augmenter leur nombre. En province, on délivre à d'autres des droits qui sont refusés à Paris.
Il est donc peut-être légitime que les taxis réagissent. Ils sont demandeurs de modifications réglementaires et législatives. Mais les taxis ne veulent pas être rendus responsables de faits dont ils sont victimes, car eux aussi veulent être présents là où la clientèle les attend. (« Ils ont raison ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Aujourd'hui, les taxis protestent une nouvelle fois contre les propositions de déréglementation du rapport Attali. A l'UMP, nous partageons cette position.
Cette nouvelle journée de mobilisation dans plusieurs grandes villes de France à l'appel de la Fédération nationale des artisans du taxi montre le malaise qui a gagné la profession.
J'ai rencontré dernièrement, dans ma circonscription jurassienne, un jeune qui avait signé un compromis pour reprendre une licence, en attente d'une décision politique claire. Sa banque, qui avait donné son accord, a aujourd'hui remis en cause sa décision.
Madame la ministre, comment comptez-vous apaiser les craintes exprimées par les artisans de la profession pour leur permettre de répondre aux besoins de leurs clients dans les meilleures conditions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. En leur disant de faire du vélo !
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.
Monsieur le député Sermier, la commission Attali pour la libération de la croissance propose de réformer certaines professions réglementées, notamment celle de taxi. Il ne s'agit pas de déréglementer.
C'est précisément ce que le rapport indique en substance. Il s'agit de substituer une autre réglementation à une réglementation contraignante et susceptible d'ankyloser la profession. Le Premier ministre l'a dit de manière très claire : il ne s'agit pas de déréglementer ; il s'agit de moderniser la réglementation pour moderniser la profession. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Moderniser la profession de taxi, cela permettra de mieux répondre aux besoins des usagers et de renforcer encore l'attractivité de la profession. Je le répète, il s'agit non de déréglementer, mais de mieux réglementer.
Nous allons procéder en concertation avec tous les acteurs concernés, c'est-à-dire en recevant les représentants des sociétés de taxis, des artisans taxis, pour voir avec eux de quelle manière rendre leur profession plus moderne, plus efficace, plus attractive.
Le préfet Chassigneux, qui a été nommé par le Premier ministre pour recueillir des propositions, continue son travail. Il fournira les conclusions qu'il tire de sa concertation avec les professionnels des sociétés de taxis, des artisans taxis, pour que nous parvenions à moderniser et à rendre plus attractive, pour les professionnels et les clients, la profession de taxi, qui est extrêmement utile et à laquelle nous rendons hommage à Paris comme en province. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. Jean-René Marsac, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Mes collègues ont attiré l'attention du Gouvernement sur l'évolution négative du pouvoir d'achat d'un nombre de plus en plus grand de Français. Tout à l'heure, répondant à mon collègue Lesterlin qui l'interrogeait sur les petites retraites, et plus précisément sur le minimum vieillesse, M. Borloo a parlé d'un à-valoir de 200 euros pour 2008. Un rapide calcul montre que cela représente 16 euros par mois et 50 centimes d'euro par jour pour les 600 000 personnes au minimum vieillesse et non pas pour les 3,7 millions de petits retraités qui attendent une revalorisation de leur pension ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Je voudrais, madame la ministre, vous interroger sur la situation des 7 millions de nos concitoyens qui vivent en dessous du seuil de pauvreté – 650 euros par mois. ATD-Quart Monde souligne que les minima sociaux ne cessent de diminuer relativement au niveau du SMIC, lui même pourtant très faible.
Je souhaite que vous nous disiez quelles sont vos propositions budgétaires et de politique de l'emploi pour sortir des millions de nos concitoyens de la misère et de la pauvreté. Chacun voit bien en effet que les faibles moyens de M. Hirsch ne peuvent tenir lieu d'une politique de lutte contre la pauvreté. Le RSA à lui seul ne peut tenir lieu de politique d'insertion dans l'emploi.
Que s'est-il passé depuis neuf mois ? Après avoir consacré 15 milliards d'euros annuels à des avantages fiscaux, il ne reste plus que des miettes pour les pauvres.
Vous réduisez la politique des emplois aidés et les moyens accordés aux structures d'insertion par l'activité économique et aux entreprises adaptées.
Vous stigmatisez les chômeurs en les rendant responsables de leur inactivité.
Vous supprimez les crédits de soutien au développement de l'économie sociale et solidaire.
Vous avez engagé la fusion des ASSEDIC et de l'ANPE sans attendre les résultats du « Grenelle de l'insertion » qui aurait dû apporter des éclairages nouveaux sur les besoins de conseil et d'accompagnement des chômeurs de longue durée.
En neuf mois, vous avez amplifié comme jamais une politique qui méconnaît les réalités sociales des personnes les plus éloignées de l'emploi.
En neuf mois, vous avez vidé les caisses. Dès lors, comment croire que votre politique puisse avoir un effet positif sur la vie de nos concitoyens les plus démunis ? Quelles sont vos propositions ? Avec quel financement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi. (« Tout va très bien, madame la marquise ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur le député Marsac, vous avez parlé de miettes, je vous parle du gâteau : plus nous le ferons grossir, plus les parts seront importantes et plus nous en distribuerons. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Je vais vous donner quatre exemples de ce que nous avons déjà fait.
Nous avons réformé le service public de l'emploi pour créer une plateforme polyvalente afin que tout le monde puisse en bénéficier, les chômeurs indemnisés comme les non indemnisés.
Nous nous efforçons désormais de cibler les contrats aidés dans le secteur non marchand sur ceux qui en ont le plus besoin.
Ensuite, et c'est important parce que cela concerne tout le monde, nous prévoyons de conditionner les allégements de charges par les engagements des entreprises de négocier annuellement sur les salaires. C'est leur obligation légale. A défaut de négociation annuelle, les allégements de charges ne seront plus disponibles dans les mêmes proportions.
Enfin, les minima sociaux seront plus mis au service de l'emploi que de l'assistance.
Je ne vous laisserai pas dire que nous stigmatisons les chômeurs, ceux qui ont le plus besoin de formation professionnelle, d'emplois aidés dans le secteur non marchand et de minima sociaux.
Voilà pourquoi M. Martin Hirsch a souhaité déployer le RSA, à titre expérimental d'abord, pour le généraliser ensuite à tous les départements. C'est ainsi que nous aiderons les personnes les plus éloignées du marché du travail à trouver un emploi durable, car c'est là la seule manière efficace de lutter contre le chômage. Entre une économie administrée et une économie libérée, nous avons choisi la seconde ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. Jacques Kossowski, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et européennes. (« Guéant ! Guéant ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Le 25 juin 2006, un commando palestinien du Hamas attaquait un poste militaire israélien, tuant deux soldats et en capturant un troisième, le caporal Gilad Shalit. Depuis cette date, cet homme âgé d'une vingtaine d'année est détenu par ses ravisseurs quelque part, semble-t-il dans la bande de Gaza. La seule trace de vie dont nous disposons est un message qu'il a pu adresser à ses parents et aux autorités israéliennes. Je tiens à souligner que ce soldat a la double nationalité franco-israélienne et que ses parents sont originaires de notre pays.
Au même titre que la situation insupportable d'Ingrid Betancourt, nous avons le devoir de ne pas passer sous silence cette captivité. Notre diplomatie doit agir afin d'obtenir la libération de notre compatriote. Aussi, monsieur le ministre, je souhaiterais, au nom du bureau du groupe d'amitié France-Israël unanime, que vous éclairiez la représentation nationale sur ce que la France entreprend ou peut entreprendre, en concertation avec Israël et les autorités palestiniennes, en particulier avec le président Abbas, pour que le caporal Shalit puisse rapidement retrouver les siens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La parole est à M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.
Monsieur Kossowski, vous avez attiré l'attention de la diplomatie française…
…sur la situation du caporal Gilad Shalit, et je vous en remercie. Nous sommes très attentifs au sort de tous les détenus, et particulièrement de celui-ci puisqu'il possède aussi la nationalité française, comme vous l'avez rappelé. Depuis son enlèvement, en juin 2006, il ne s'est pas déroulé une seule rencontre avec les autorités israéliennes ou palestiniennes, avec les pays de la région ou avec tout autre interlocuteur susceptible d'intervenir – y compris la Russie et le Qatar, qui entretiennent des relations avec le Hamas – sans que nous prononcions son nom et nous enquérions de son sort.
Le Président de la République a reçu sa famille en juillet 2007, comme je l'ai fait en septembre, et nous évoquerons à nouveau son sort lors de notre visite en Israël et dans les territoires palestiniens les 15 et 16 février prochains. Cela, naturellement, ne suffira pas. Nous devons trouver les moyens d'une médiation, car nous devons bien sûr rester attentifs à tout ce qui pourrait mettre sa vie en péril. Hélas, vous savez combien cela est délicat dans la bande de Gaza, surtout pour quiconque n'entretient pas de relations avec le Hamas. Mais notre diplomatie explore également d'autres chemins, et vous permettrez que je n'en dise pas plus.
Soyez sûrs que, à tous les niveaux, comme nous le pouvons et de façon acharnée, nous nous intéressons au sort du caporal Gilad Shalit et réclamons sa libération. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. Jean-Michel Fourgous, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Madame la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, le Gouvernement réforme. Ce n'est pas trop tôt ! Vous avez déjà modernisé la gestion des universités pour qu'elles retrouvent leur place dans le classement mondial. Vous avez également autorisé les capitaux privés à financer des fondations universitaires. Je m'en réjouis.
Par ailleurs, dès la rentrée de septembre, vous avez mis en oeuvre plusieurs chantiers comme la réforme du système d'aides sociales pour les étudiants ou encore le plan licence, opérationnel depuis le mois dernier.
Il y a quelques semaines, le Président de la République a annoncé qu'il allait vendre 3% du capital d'EDF pour financer…
..en annonçant que les dix premiers campus seraient sélectionnés en 2008. Ce plan prévoit la création de campus universitaires performants avec des salles informatiques, des laboratoires de recherches ultramodernes et des logements destinés aux étudiants. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il tend également, et je m'en félicite, à resserrer les liens entre l'entreprise et l'université. À ce sujet, je félicite M. Ayrault, président du groupe socialiste, d'avoir déclaré que l'entreprise n'était plus l'ennemie. Bravo ! (Sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Vous le savez, c'est avec des équipes pluridisciplinaires que l'on fera l'université de demain. Nos étudiants, nos chercheurs et nos entreprises doivent apprendre à travailler davantage ensemble en pleine mondialisation. Il y va de la survie de notre modèle socio-économique et de notre niveau de vie.
Madame la ministre, pouvez-vous nous dire où en est la mise en oeuvre de ces engagements présidentiels ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Allô ! Allô !
La parole est à Mme Valérie Pecresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Monsieur le député, l'immobilier est désormais une priorité afin que nos universités rayonnent et deviennent de vrais lieux de rencontre et d'échange avec le monde socio-économique, ainsi que des lieux de vie et d'épanouissement pour les étudiants, les enseignants chercheurs et l'ensemble de la communauté universitaire. L'enjeu est de taille, puisque 30% des locaux universitaires sont aujourd'hui vétustes.
À situation exceptionnelle, solution exceptionnelle. Le Président de la République a décidé de vendre 3% d'actions d'EDF…
…et de consacrer le produit de cette vente à une opération Campus d'une ampleur inédite destinée à rénover, à restructurer les bâtiments et à construire de nouveaux campus. Cette opération s'inscrit dans la logique de l'autonomie des universités, puisque ce sont elles qui élaboreront leur projet, lequel correspondra à leurs besoins et à leurs ambitions scientifiques.
Avant l'été 2007, les dix premiers projets seront sélectionnés en fonction de critères tels que l'ambition scientifique et pédagogique des établissements, l'urgence de leur situation immobilière, la capacité du campus à être un lieu de vie, intégrant des logements pour les étudiants, et le caractère structurant pour le territoire, en lien avec les pôles de compétitivité, les réseaux de recherche et les collectivités territoriales. Enfin, il est évident que ces projets devront être exemplaires en matière d'environnement, d'accessibilité aux personnes handicapées et d'intégration des nouvelles technologies.
Le plan Campus lance une nouvelle dynamique qui bénéficiera à toutes les universités. En effet, les plus petites seront incitées à s'associer à d'autres pour présenter un projet commun et celles qui ne seront pas sélectionnées pourront bénéficier des crédits budgétaires libérés par mon ministère afin d'accélérer leur rénovation. (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Pardonnez-moi d'insister, mesdames, messieurs les députés, mais j'ai la conviction…
…qu'en changeant le visage de l'université, on redonnera à la jeunesse confiance en son avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à Mme Catherine Quéré, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.
Après le rapport Attali, voici venir le choeur des pleureuses de l'UMP ! Pourtant, qui a annoncé – sinon M. Sarkozy lui-même – qu'il appliquerait 310 des 313 mesures préconisées dans ce rapport, dont celles qui concernent les taxis, les notaires, les pharmaciens et les commerces ? Mais les députés UMP commencent à paniquer. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Depuis plus de deux semaines, les salariés de l'Imprimerie nationale de Choisy-le-Roi occupent leur usine pour dénoncer la remise en cause du plan social négocié en 2005. De fait, malgré les engagements pris par le ministre de l'économie et des finances de l'époque, devenu Président de la République, soixante-dix-sept emplois sur cent vingt vont être supprimés.
Au-delà du drame personnel des salariés qui vont perdre leur emploi, cette décision vient conforter le sentiment partagé par de nombreux élus que l'État veut démanteler ce patrimoine national. Depuis 2002, les deux tiers des effectifs ont été supprimés. Hier, les sites d'Évry et de Strasbourg étaient privatisés, après d'importants investissements publics. Aujourd'hui, l'usine de Choisy-le-Roi va être cédée à un repreneur. Il s'agit pourtant d'une usine ultramoderne, construite grâce aux fonds publics apportés par l'État, la région, le département du Val-de-Marne et la ville de Choisy-le-Roi.
Nous ne pouvons accepter que soient ainsi démantelés un savoir-faire, un patrimoine auquel nos concitoyens sont attachés et des activités dont le caractère sensible – impression de documents officiels, de passeports, de sujets d'examens et de concours... – justifie qu'elles soient maintenues dans le secteur public.
Nous ne pouvons non plus accepter qu'il y ait deux poids deux mesures : alors que les salariés de Choisy-le-Roi se battent depuis plus de quinze jours pour sauver leurs emplois, le Président de la République a déclaré lundi dernier, devant les salariés d'ArcelorMittal, que l'État était prêt à investir dans cette entreprise pour sauver les emplois. Il a même ajouté qu'un « pays qui n'a plus d'usine est un pays qui n'a plus d'économie ».
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Posez votre question !
On voit mal quel crédit les salariés d'Arcelor ou d'Alcatel pourraient accorder à la parole de l'État quand il ne respecte pas ses engagements envers l'Imprimerie nationale, dont il est actionnaire à 100%.
Madame la ministre, les engagements pris en 2005 par le Président de la République alors qu'il était ministre des finances seront-ils tenus ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La parole est à M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur.
Oui, madame la députée, ces engagements seront tenus. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.– Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) En 2005, vous y avez fait allusion, nous avons obtenu l'autorisation de la Commission européenne de venir en aide à l'Imprimerie nationale, alors en pleine difficulté. La Commission nous a autorisés à soutenir cette entreprise à hauteur de 200 millions d'euros ; en contrepartie, elle a demandé que l'Imprimerie nationale se recentre sur le coeur de son métier. La cession du site de Choisy-le-Roi répond à cet engagement.
À l'annonce de la cession, beaucoup de repreneurs se sont manifestés et l'un d'eux a été choisi à l'issue d'une large consultation. Quand la direction actuelle de l'entreprise a entamé le processus normal d'information des salariés, ceux-ci se sont inquiétés. Nous en avons tenu compte. Un médiateur désigné par le ministre de l'économie et des finances s'est mis au travail il y a quelques jours. Il a rencontré la direction puis les représentants des salariés, et, cet après-midi même, réunit les uns et les autres. D'ores et déjà, je puis vous annoncer que les engagements en matière de soutien à chaque employé affecté par le plan de restructuration seront tenus. (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Néanmoins, on doit être conscient que l'Imprimerie nationale connaît des difficultés et que chaque jour qui passe la fragilise un peu plus. (« Un peu de morphine ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Il nous faut donc assumer nos responsabilités. Maintenant que l'information est complète et que le plan de sauvegarde a été décrit, l'heure est à nouveau à la négociation. C'est ce que prévoit le mandat du médiateur. Mais, pour négocier, encore faut-il que tout le monde se mette autour de la table. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. André Schneider, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie, la mobilisation des financements pour le développement occupe à juste titre une place éminente dans l'agenda international.
Cette priorité a été également rappelée en 2005 à l'ONU lors d'un sommet des chefs d'État et de Gouvernement. De tels financements sont indispensables pour atteindre les objectifs fixés par la communauté internationale, les fameux « objectifs du millénaire pour le développement ». Les ONG françaises s'inquiètent du risque de voir la contribution française stagner, voire diminuer, dans les années à venir.
Vous avez indiqué lors de votre conférence de presse que vous souhaitiez « sanctuariser » l'effort français d'aide publique au développement sous forme d'engagements budgétaires à caractère pluriannuel. Concrètement, comment envisagez-vous de le faire ?
D'autre part, vous avez également exprimé le souhait d'associer plus étroitement le Parlement à la définition des choix, des priorités, des secteurs de concentration de l'aide française. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Je reviens de la réunion du bureau de l'Assemblée parlementaire de la francophonie à Bujumbura. La Françafrique attend beaucoup de nous. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie.
Monsieur le député, l'aide publique au développement est un élément essentiel de l'action extérieure de la France. Son montant était de 8 milliards d'euros en 2007 et atteindra 9 milliards en 2008.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Tournez-vous vers la gauche de l'hémicycle!
Oui, il convient de renforcer nos engagements pluriannuels, afin de préserver cette aide, et même de l'augmenter. Nous maintenons notre objectif qu'elle atteigne, comme celle de l'ensemble des pays européens, 0,7% du produit intérieur brut à l'horizon de 2015. Mais ce renforcement passe aussi par une efficacité accrue de notre aide, à un moment où nous ne sommes pas seuls en Afrique. Il faut en effet compter avec d'autres pays européens et des pays émergents, comme la Chine. Pour y parvenir,…
…nous devons davantage associer le Parlement à la définition des stratégies. D'ailleurs, la commission des affaires étrangères a donné l'exemple dans ce domaine. Nous partageons son objectif d'améliorer la gouvernance démocratique. Nos critères sont simples : respecter l'État de droit, aller vers la démocratie et lutter contre la corruption.
Je ferai d'ailleurs, avec Bernard Kouchner et Brice Hortefeux, des propositions au Premier ministre et au Président de la République en matière de codéveloppement. J'ai également appelé à ce que nous nous tournions moins vers l'Afrique d'hier et davantage vers celle d'aujourd'hui et de demain, c'est-à-dire vers la jeunesse. Nous nous inscrivons ainsi dans la feuille de route du Président de la République et nous mènerons à bien ce travail essentiel, avec l'engagement du Parlement.
Enfin, monsieur le député, je salue le travail très important mené par l'Assemblée parlementaire de la francophonie, dans laquelle vous vous investissez. Elle contribue à la défense de notre langue et à la diversité culturelle si essentielle à l'avenir de l'humanité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Aide publique au développement
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze.)
L'ordre du jour appelle le dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes.
Mes chers collègues, je souhaite en votre nom la bienvenue à M. le premier président de la Cour des comptes. (Applaudissements.)
Monsieur le premier président, vous avez la parole.
Monsieur le président, en application de l'article L. 136-1 du code des juridictions financières, j'ai l'honneur de vous remettre le rapport public annuel de la Cour des comptes. (Applaudissements sur tous les bancs.)
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les députés, en 1832, la Cour des comptes remettait, pour la première fois, son rapport annuel au Parlement. C'était en quelque sorte l'acte inaugural d'une mission d'assistance qui n'a cessé depuis de se développer.
Le travail de la Cour des comptes à vos côtés n'a en effet plus grand-chose à voir avec ce qu'il était il y a quelques années à peine et dépasse désormais largement le champ du seul rapport public annuel, au demeurant, bien mal dénommé puisque cet intitulé donne à croire que la Cour ne publie qu'une fois l'an. Il n'en est plus rien, bien sûr.
Pourquoi alors, me dira-t-on, maintenir ce rendez-vous annuel ? Tout d'abord parce qu'il garde un sens pour nos concitoyens qui, depuis que le rapport est public, se sont habitués à ce rendez-vous régulier. Ensuite, parce qu'il constitue une occasion de dresser un bilan de l'activité de la Cour des comptes et de mettre en exergue des observations qui n'auraient pas forcément justifié un rapport public spécifique.
Il est clair, en tout cas, que le rapport public annuel et nos observations sur l'exécution budgétaire – celles-ci existent depuis 1822 – ne sont plus les seuls supports de notre mission d'assistance au Parlement. Dans les années 1990, cette dernière a pris une nouvelle tournure, et ces progrès ont été consacrés et élargis en 2001 à la faveur du vote de la LOLF.
On peut, sans risque de se tromper, avancer que le Parlement français est aujourd'hui l'un des deux ou trois au monde qui reçoit le plus d'information de la part de son institution supérieure de contrôle. Nous vous livrons désormais trois rapports par an sur l'exécution des lois de finances et de financement de la sécurité sociale : le rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l'État, le rapport sur les finances publiques, le rapport sur la sécurité sociale. S'y ajoutent, depuis 2007, deux autres rapports rassemblant les résultats de nos travaux de certification sur les comptes de l'État et sur ceux de la sécurité sociale.
Nous réalisons par ailleurs des rapports à la demande des commissions des finances et des affaires sociales des deux assemblées. Nous en aurons produit une bonne quinzaine en 2007. Nous avons ainsi adressé à la commission des finances de l'Assemblée cinq rapports, au titre de l'article 58-2 de la LOLF, consacrés respectivement à l'immobilier du ministère de la défense, à l'Imprimerie nationale, au financement de l'enseignement supérieur privé, au bilan de la réforme de la redevance audiovisuelle et enfin, aux exonérations de charges sociales. Parallèlement nous avons transmis deux rapports sur le médicament à la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale de la commission des affaires sociales. Il faut aussi compter avec les rapports sur les entreprises publiques, dont le Parlement est destinataire. Nous vous en avons remis dix-huit cette année. Et je n'oublie par les référés qui vous sont désormais communiqués trois mois après leur transmission aux ministres : nous en avons adressé trente-trois en 2007.
La Cour des comptes livre également chaque année au Parlement le résultat de ses travaux sur les thèmes les plus divers. En 2007, nous avons ainsi publié cinq rapports thématiques portant respectivement sur les grands chantiers culturels, les aides des collectivités territoriales aux entreprises, la recherche publique dans le domaine des sciences du vivant, la prise en charge des personnes sans domicile et les institutions sociales des industries électriques et gazières. Nous avons également publié quatre rapports, que nous vous avons fait parvenir, présentant les résultats de nos contrôles relatifs aux organismes faisant appel à la générosité publique.
Mesdames, messieurs les députés, vous connaissez le prix que nous accordons aujourd'hui à cette mission d'assistance. J'ai moi-même à coeur que la Cour des comptes soit utile à vos travaux de contrôle.
J'ai à coeur qu'elle soit, par le relais puissant de votre propre travail, plus écoutée et mieux suivie.
Comme je le rappelais l'an dernier, ici même, nous sommes à votre disposition, en particulier pour assister la commission des finances de l'économie générale et du plan, et la commission des affaires culturelles, familiales et sociales dans leurs travaux d'évaluation et de contrôle. D'ailleurs, les magistrats de la Cour viennent régulièrement s'exprimer devant elles et ils répondent aux questions que vous leur posez.
Monsieur le président de l'Assemblée nationale, la confiance que votre assemblée fait à la Cour vous a conduit à souhaiter élargir le champ de notre concours. Vous nous avez ainsi demandé, cette année, de procéder à un audit de gestion de l'Assemblée, dans le sillage des recommandations du comité présidé par M. Balladur et dans celui de la décision du Président de la République de soumettre les comptes de l'Élysée au contrôle de la Cour. Cette nouvelle mission nous honore. Sachez que nous la remplirons avec le souci de respecter pleinement les prérogatives parlementaires.
Mesdames, messieurs les députés, vous pourrez constater que, pour la troisième fois, le rapport qui vous est soumis comporte un deuxième volume consacré aux suites données à nos travaux. Il s'agit de mettre un terme à une idée fausse qui voudrait que la Cour parle le plus souvent dans le vide. Cette année, avec trente-huit insertions de suivi, nous battons d'ailleurs notre propre record. Si ces résultats sont encourageants, je me garderai d'en attribuer à la Cour le seul mérite. C'est notamment grâce au travail de vos commissions des finances et des affaires sociales, et à l'attention qu'elles portent à nos travaux, que de nouveaux progrès sont ainsi constatés.
Je pense notamment à la taxation des stock-options consacrée dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, à l'intégration progressive dans le budget de l'Élysée de l'ensemble des dépenses qui lui sont rattachables, à la plus grande autonomie conférée aux universités grâce à la loi du 10 août 2007, à la consécration dans la loi d'un principe de continuité de la prise en charge pour les personnes sans domicile, ou encore au redéploiement de certaines places d'hébergement d'urgence vers un hébergement plus durable. Je songe aussi au meilleur encadrement des remboursements par l'assurance maladie des frais de transport, à la réforme de la protection juridique des majeurs par la loi de mars 2007, à la simplification et à la consolidation juridique du crédit impôt recherche, ou à la toute récente suppression, au profit du contrat initiative-emploi, du dispositif inefficace et si contestable à nos yeux de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise – ce qui devrait, selon vos propres rapporteurs, entraîner une économie budgétaire substantielle.
Je pourrais également citer les réformes intervenues à la Banque de France dans le sens de nos préconisations, la création par l'UNEDIC d'un fonds de réserve pour lisser les conséquences financières des aléas conjoncturels, ou l'amélioration de la gestion de l'action sociale à la Caisse des dépôts et consignations.
Dans certains domaines, les résultats sont même quantifiables. Ainsi, nous avons calculé que plus de 90 % de nos recommandations concernant les comptes de l'État dans le cadre de la certification avaient été mises en oeuvre. Alors, certes, le bilan n'est pas toujours positif, mais force est de constater que les choses bougent. Et que la Cour, lorsque satisfaction ne lui est pas donnée, ne lâche jamais prise.
J'en viens aux insertions nouvelles. Nous traitons de la question de la redevance audiovisuelle que nous avions déjà abordée. À la demande du président de la commission des finances, la Cour s'était en effet attachée à dresser le bilan de la réforme de la redevance. Nous avions montré qu'elle avait bien eu pour conséquence une simplification pour l'usager, une diminution de la fraude, ainsi que des économies, mais aussi qu'un plein parti n'avait pas été tiré des gains de productivité réalisés. Nous avons développé notre analyse sur le problème du financement de l'audiovisuel public : la réforme ne le règle en rien. La redevance augmente en effet moins vite que les dépenses des sociétés audiovisuelles. Son montant est resté fixé à son niveau de 2002, soit 116 euros, et demeure donc deux fois moins élevé que chez nos voisins allemands ou britanniques. Il y a donc d'ores et déjà un problème financier qui fait peser un risque de report de charge sur le budget de l'État. Le débat a resurgi il y a quelques semaines avec les hypothèses tout à fait nouvelles que vous savez. Vous ne trouverez évidemment pas dans le rapport que je viens de vous remettre un avis de la Cour sur les propositions du Président de la République. En revanche, les termes financiers du débat y sont exposés.
Avec l'Imprimerie nationale, nous abordons un deuxième sujet qui avait également fait l'objet à votre demande d'un rapport « 58-2 ». Nous en exposons les suites. L'Imprimerie nationale s'est trouvée, on le sait, fortement secouée par son entrée dans le champ concurrentiel, au point de frôler le dépôt de bilan. La Cour avait déjà préconisé en 2000 un certain nombre d'ajustements. Nous constatons aujourd'hui qu'un plan de redressement a été mis en oeuvre et globalement bien mené. À son terme, le risque de disparition aura été écarté. Mais ce plan a coûté cher à l'État…
…et l'entreprise reste très dépendante de ses dernières activités de monopole. Elle devra donc encore faire un effort pour aligner sa productivité sur ses concurrentes.
Troisième sujet sur lequel la Cour avait apporté son concours à votre assemblée : celui de la gestion immobilière de l'État. L'enjeu est considérable puisqu'il porte sur un patrimoine estimé à environ 50 milliards d'euros. La Cour dénonce depuis longtemps les gaspillages, la faiblesse de la maîtrise d'ouvrage et la priorité trop souvent donnée aux opérations nouvelles sur les opérations d'entretien.
Sur ce dossier, je me dois de souligner que l'intervention de la mission d'évaluation et de contrôle, créée par votre commission des finances, a été pour beaucoup dans l'annonce, en février 2006, d'une réforme de la politique immobilière de l'État, incluant la création de l'agence France Domaine, héritière du service des domaines du ministère de l'économie des finances et de l'industrie.
Ces décisions sont prometteuses de changements significatifs. Force est de constater que nous n'y sommes pas encore. Les cinq exemples cités par la Cour dans son rapport annuel illustrent chacun un aspect différent des problèmes. L'un est malheureusement classique : il s'agit de la rénovation du grand ensemble de bureaux des ministères sociaux, place de Fontenoy à Paris. Faute d'engagement politique et financier clair, l'opération ne sera bouclée au mieux qu'en 2011, soit quasiment 20 ans après avoir été lancée en 1992. Quant aux dépenses, elles auront plus que doublé par rapport aux estimations initiales.
Deux autres cas illustrent les risques du recours à des montages dits « innovants », sortes de partenariats public-privé, pour financer des localisations nouvelles. Pour le ministère de l'intérieur, c'est la relocalisation des directions de renseignement à Levallois-Perret et, pour le ministère des affaires étrangères, la construction d'un immeuble pour les archives diplomatiques. Résultat de ces « innovations » qui visent en fait, le plus souvent, à faire face à l'insuffisance de crédits immédiatement disponibles : des surcoûts très importants pour l'État, estimés à près 40 millions d'euros en valeur actualisée pour le seul ministère de l'intérieur, qui sont dus notamment au fait qu'on paraît avoir oublié que l'État emprunte à un taux plus bas que les sociétés auxquelles il fait appel.
Vous retrouverez également dans le rapport l'évocation de cas bien connus de la mission d'évaluation et de contrôle : la restructuration de l'immeuble des Bons-Enfants, resté sans occupant pendant plus de quinze ans pour cause de querelle entre le ministère des finances et celui de la culture, ou les conditions du relogement des affaires étrangères sur l'ancien site de l'Imprimerie nationale.
De façon générale, l'État a fait preuve dans toutes ces opérations d'une myopie coûteuse.
Le rapport contient de nombreux autres exemples illustrant la difficulté qu'éprouve l'État pour réformer sa gestion interne. C'est le cas des pensions des fonctionnaires. Si les pensions sont généralement bien versées dans les règles et à temps, le service est de qualité médiocre et faiblement productif. On estime les économies possibles à 1 200 agents, soit 40 % des effectifs actuels ! Nous avions déjà signalé cette situation en 2003. Aujourd'hui, elle n'est plus acceptable, et c'est pourquoi nous croyons devoir revenir à la charge.
La Cour aborde aussi dans ce rapport ce qu'elle qualifie, avec le sens de la litote que chacun lui reconnaît, de « curiosité administrative », les conservations des hypothèques. Les conservateurs des hypothèques bénéficient d'un statut datant d'un édit de Louis XV pris en 1771. Leurs rémunérations font partie des plus élevées du ministère des finances, sans lien avec leurs responsabilités véritables. Ceci peut expliquer que le nombre de conservations et donc de conservateurs n'ait pas bougé, alors que le nombre d'agents a déjà beaucoup diminué. À côté de cela, les usagers continuent à payer des tarifs élevés et les prestations ne bénéficient pas encore de tous les progrès rendus possibles par l'informatisation. Là encore, ce n'est pas la première fois que la Cour préconise une profonde réforme, qui n'a été visiblement différée que pour maintenir un débouché particulièrement attrayant.
Je vous ai parlé de gestion interne à l'État. La Cour s'est également intéressée à la manière dont celui-ci assume sa fonction d'actionnaire.
À cet égard, il convient tout d'abord de souligner les progrès engendrés par la création de l'Agence des participations de l'État, qui a permis un plus grand professionnalisme des opérations en capital, ainsi qu'une meilleure gouvernance des entreprises publiques.
Le gros problème qui demeure, c'est que l'État actionnaire a des intérêts contradictoires : patrimoniaux et financiers d'un côté – comme n'importe quel boursicoteur –, stratégiques de l'autre. Il est, de ce fait, schizophrène. Doit-il seulement gagner de l'argent ou peser sur l'évolution des entreprises ? Ainsi, la situation financière – le déficit, pour parler clair – le pousse parfois à vendre, au détriment d'une vision de long terme de ses intérêts. Pour schématiser, il est des cas où l'État vend mal et vend des participations pourtant stratégiques. Du coup, il se retrouve de plus en plus souvent dans une position d'actionnaire minoritaire, qui affaiblit ses positions et sa maîtrise des décisions. La mauvaise gestion de l'affaire EADS est symptomatique de ces difficultés.
Nous citons aussi à l'appui de nos analyses l'exemple de la privatisation des sociétés concessionnaires d'autoroutes, qui n'a pas rapporté autant qu'elle aurait pu et qui a été conduite sans que les précautions nécessaires à la protection des usagers en matière de tarifs aient été prises.
La question des tarifs autoroutiers fait, du coup, l'objet d'un chapitre entier du rapport public. La Cour en a analysé précisément les mécanismes. Elle constate qu'aujourd'hui les prix pratiqués ne correspondent plus aux coûts des investissements et de l'exploitation des autoroutes et que, bien souvent, trop souvent, l'usager paye plus qu'il ne devrait. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe Nouveau Centre.)
Aucune remise en ordre n'a été effectuée, ni lors de l'ouverture du capital, ni lors de la privatisation des concessionnaires en 2006. Il faut revoir ce système et la Cour demande à l'administration qui homologue chaque année les tarifs de faire preuve de plus de rigueur, y compris dans ses relations avec les sociétés privées.
Le rapport présente également un bilan des défaisances ayant concerné le Crédit Lyonnais, bien sûr, mais aussi le Crédit Foncier de France, le Comptoir des Entrepreneurs et le GAN. Ce sujet, la Cour l'a déjà examiné en 2000 dans un rapport sur l'intervention de l'État dans la crise du secteur financier. Aujourd'hui, elle est en mesure de dresser un bilan que l'on peut considérer comme quasi définitif.
Financièrement, on s'y attendait, la facture pour l'État est lourde, très lourde : 20,7 milliards d'euros. Surtout, le choix de cantonner les actifs compromis dans des structures spécifiques vouées à la disparition n'a pas permis d'en tirer le meilleur parti. Les montages complexes ont conduit à de fréquentes confusions de responsabilités, aggravées par le fait que l'État ne pouvait guère se désintéresser de ces dossiers. On peut se demander s'il ne conviendrait pas plutôt, en de semblables circonstances, de responsabiliser les sociétés concernées en leur laissant la gestion directe des actifs compromis et des contentieux.
Nous avons examiné les performances de l'État gestionnaire et celles de l'État actionnaire. Nous évaluons également, dans ce rapport, ses performances dans les principales politiques publiques qu'il mène.
Notre travail aborde, cette année encore, les questions d'enseignement supérieur et de recherche, thèmes sur lesquels la Cour a réalisé ces derniers temps de nombreux contrôles. Je vous renvoie notamment au chapitre consacré au CNRS. L'établissement, en dépit d'une meilleure gestion, a souffert de l'instabilité de ses équipes dirigeantes et des hésitations portant sur son rôle. Il y a aujourd'hui trois solutions pour le CNRS : être un fédérateur de compétences, être un opérateur direct de recherche ou une agence de moyens au service d'une recherche conduite par les universités. Il faudra bien choisir et, en tout cas, trouver des équilibres durables avec l'université.
La Cour s'est également intéressée aux quatre universités des villes nouvelles de la région Île-de-France, créées au tout début des années 1990. Leur dynamique semble avoir pris au dépourvu l'État, et ces établissements sont aujourd'hui dans une situation financière tendue qui ne leur permet pas de répondre aux besoins d'une population étudiante toujours plus nombreuse.
Nous abordons ensuite le domaine de l'emploi, avec deux sujets : le Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, créé en 2005 sur le modèle du fonds géré par l'AGEFIPH pour le secteur privé. Le parti pris d'aligner le dispositif des fonctions publiques sur celui du privé était difficile à tenir, je crois pouvoir en parler en connaissance de cause.
Si les objectifs peuvent légitimement être transposés, les moyens pour y parvenir doivent nécessairement différer, au moins partiellement. Pour l'avoir oublié, on en arrive aux résultats que nous avons constatés. Le fonds dispose de ressources financières élevées qu'il ne parvient pas à utiliser et le taux d'emploi des personnes handicapées dans la fonction publique reste très en deçà de l'objectif.
La raison principale du retard constaté et de la difficulté à dépenser les ressources disponibles tient aux modes de recrutement de la fonction publique, qui n'ont rien à voir avec ceux du secteur privé. Ils privilégient les concours et, surtout, exigent, hors concours, l'équivalence des diplômes pour tout candidat à un emploi donné. C'est donc en amont du processus de recrutement qu'il faut agir, notamment en améliorant la formation des personnes handicapées, quitte à élargir le champ d'intervention du fonds. En bref, il faut imaginer pour la fonction publique un dispositif d'intervention qui lui soit plus spécifique.
Deuxième sujet concernant l'emploi : la fusion de l'ANPE et de l'UNEDIC. Cela fait plusieurs années que nous préconisons un rapprochement. Dans la perspective de la fusion, nous avons réexaminé la question en 2007.
Nous avons constaté certains progrès, notamment la création de quelques guichets uniques, mais l'amélioration reste très limitée. Pendant plusieurs années, les deux réseaux ont plus divergé que convergé. Nous avions notamment dénoncé, en 2006, la stratégie d'implantation territoriale de l'UNEDIC, qui semblait avoir précisément cherché à éviter la proximité avec l'ANPE. Cette situation rendra d'autant plus difficile la mise en oeuvre concrète du projet de fusion.
Nous avons également examiné les conditions de recours à des opérateurs privés de placement pour les demandeurs les plus éloignés de l'emploi. Cette sous-traitance a coûté cher sans que son efficacité soit prouvée. Une méthode d'évaluation plus rigoureuse a été mise en place. Il faudra être vigilant sur ses résultats.
On trouvera également plus loin dans le rapport les résultats d'un contrôle que la Cour a effectué sur la gestion des ressources humaines à l'ANPE. L'enjeu est de taille : avec ses 30 000 agents, l'ANPE est le plus gros opérateur de l'État. Ses dépenses de personnel ont crû de plus des deux tiers entre 1999 et 2006 et dépassent désormais le milliard d'euros. Elles ont crû plus vite que les effectifs, notamment grâce à une politique de primes et d'indemnités très favorable. Le contrôle de la Cour fait ressortir des pratiques en matière de GRH que l'on qualifiera, en maniant là encore l'euphémisme, de « peu rigoureuses ». La fusion avec l'UNEDIC devrait être l'occasion d'une remise en ordre.
La Cour aborde également deux sujets de moindre importance financière, mais illustrant chacun à leur manière des aspects particuliers de politiques publiques importantes.
Le premier concerne les relations entre la métropole et les départements et territoires d'outre-mer, plus particulièrement la continuité territoriale. L'État a mis en place un dispositif financier d'aide aux déplacements entre les territoires d'outre-mer et la métropole. Mais, contrairement à ce qui était prévu, l'État finance seul ce dispositif, alors que ce sont les collectivités concernées qui en déterminent les critères d'attribution. Ainsi, outre des abus ou des effets d'aubaine, on constate que les objectifs n'ont pas été atteints. La Cour estime qu'il faut revoir ce dispositif.
S'agissant, ensuite, de la politique d'aide au développement agricole, les conclusions de la Cour sont sévères. Il conviendra pour le moins de recentrer les objectifs et de mieux évaluer les résultats atteints.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, messieurs les présidents de commission, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les députés, j'en arrive au terme de cette présentation. Je n'aurai pas passé en revue toutes les insertions, mais nous avons préparé à votre intention des synthèses sur chacune d'entre elles. Je ne saurais oublier de mentionner que, comme chaque année, le rapport annuel de la Cour est accompagné du rapport annuel de la Cour de discipline budgétaire et financière, sous la forme d'un fascicule distinct.
A ce sujet, je dois signaler, puisque j'ai parlé tout à l'heure des défaisances, que le Conseil d'État vient de confirmer l'arrêt rendu par la Cour de discipline budgétaire dans le dossier d'Altus Finance, filiale du Crédit Lyonnais, condamnant deux dirigeants à des amendes très significatives. Il a ainsi conforté la jurisprudence de la Cour de discipline budgétaire sur la faute grave de gestion, confirmation qui pourrait être utile demain pour offrir un fondement au régime rénové et unifié de responsabilité des gestionnaires que le Président de la République a appelé de ses voeux.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, les quelques observations dont je voulais vous faire part. J'espère que nos travaux vous apporteront, encore une fois, des analyses et une expertise susceptibles d'éclairer vos débats. C'est dans cet esprit, en tout cas, que nous avons travaillé et que nous continuerons à travailler pour vous. (Applaudissements sur tous les bancs.)
Monsieur le premier président, vous nous avez présenté de manière précise, complète, passionnante, et parfois piquante, les activités de la Cour des Comptes. Au nom de l'Assemblée nationale, je vous en remercie vivement. Comme vous, je forme le voeu que les relations de travail entre le Parlement et la Cour, notamment au sein de la commission des finances et de la commission des affaires culturelles, continuent à s'approfondir et à s'intensifier dans l'année à venir.
Je veux, au nom du Bureau de l'Assemblée nationale et en mon nom personnel, vous remercier d'avoir accepté que la Cour procède pour la première fois à un audit de la gestion administrative et comptable de notre institution, tout en respectant, bien entendu, sa parfaite indépendance dans l'exercice de ses missions constitutionnelles, c'est-à-dire sa mission législative et sa mission de contrôle. Nous aurons toujours le même plaisir à vous recevoir dans cette maison qui est aussi la vôtre. (Applaudissements sur tous les bancs.)
La parole est à M. Didier Migaud, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.
de l'économie générale et du plan. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le premier président de la Cour des comptes, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, j'ai grand plaisir à saluer l'événement que constitue toujours la publication du rapport public annuel de la Cour des comptes et je souhaite, à cette occasion, souligner l'importance que la commission des finances de l'Assemblée nationale attache à l'assistance que la Cour lui apporte dans sa fonction essentielle de contrôle. C'est le thème que je développerai, laissant le soin à M. le rapporteur général d'évoquer d'autres sujets sur lesquels nous nous retrouvons souvent.
Chacun ici se souvient que la LOLF, en modifiant profondément l'architecture du budget de l'État, en donnant plus de liberté aux gestionnaires, en assouplissant les contrôles a priori, a modernisé la gestion publique pour l'orienter vers les résultats. C'est désormais la démarche de performance qui est privilégiée. Dans cette optique, la LOLF a considérablement renforcé les pouvoirs de contrôle qu'exerce le Parlement pour vérifier a posteriori l'utilisation optimale des ressources disponibles, en vue de satisfaire aux objectifs assignés à l'action publique.
Mais la nature même du contrôle a changé. Je rappelle que la LOLF, beaucoup plus précise que ne l'était l'ordonnance organique de 1959, a pris soin de distinguer deux missions. La première est classique : comme le précise la LOLF, « les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances suivent et contrôlent l'exécution des lois de finances. » C'est pourquoi, de longue date, les rapporteurs spéciaux sont désignés pour l'année entière – et bien souvent renouvelés – dans un souci de continuité de l'action de contrôle.
Le contrôle revêt un deuxième aspect, plus récent et d'une portée plus étendue. Je cite à nouveau la LOLF : « les commissions des finances procèdent à l'évaluation de toute question relative aux finances publiques. » À côté du contrôle au sens strict a donc pris place l'évaluation. Cette mission correspond, bien sûr, à la conception contemporaine des finances publiques, qui suppose de suivre les finances de l'ensemble des administrations publiques. La perspective est davantage qualitative : si le contrôle de l'exécution porte sur la conformité au vote du Parlement sur la loi de finances, l'évaluation se prononce sur la qualité de la gestion, sa pertinence, sa performance, son efficacité.
Pour la représentation nationale, l'évaluation est donc tout autre chose qu'un terme à la mode, une idée plaisante, nouvelle et bientôt périmée. La LOLF l'a inscrite au coeur de l'activité du Parlement et de ses commissions des finances, qui se sont résolument engagés sur cette voie. C'est, pour l'État et le Gouvernement, une obligation et, pour nous-mêmes, un devoir. En juin 2007, pour la première fois, le Parlement a été destinataire des rapports annuels de performances, à l'occasion de l'examen de la loi de règlement du budget 2006.
Progressivement, la loi de règlement va en effet devenir un moment essentiel de la discussion budgétaire. En mesurant les performances de chaque politique publique à l'aune des objectifs qui lui avaient été fixés, nous serons mieux à même de juger en connaissance de cause les orientations prévues pour chaque mission dans le projet de loi de finances pour l'année suivante.
En juillet dernier, alors même qu'en ce début de législature l'ordre du jour de notre assemblée était chargé, la commission des finances a ainsi procédé à l'audition de plusieurs responsables de programmes qui ont rendu compte de leur action. Ceux d'entre vous qui y ont assisté se souviennent que la discussion a parfois été serrée, mais toujours utile et instructive. Cette année, nous allons encore développer ces auditions sur les programmes qui auront été signalés comme significatifs, que ce soit par vous, monsieur le premier président, ou par les rapporteurs spéciaux.
Si l'évaluation des politiques publiques n'est pas du seul ressort de l'Assemblée nationale et du Parlement – après tout, il est heureux que la mesure de l'efficacité de l'action publique devienne la préoccupation du plus grand nombre –, il faut rappeler avec force qu'elle est d'abord l'affaire du Parlement. C'est la loi organique, la LOLF, qui fait obligation au Gouvernement d'associer à chaque programme « des objectifs précis, définis en fonction de finalités d'intérêt général, ainsi que des résultats attendus et faisant l'objet d'une évaluation. » C'est la loi organique qui lui fait obligation de présenter au Parlement des objectifs stratégiques au travers des projets annuels de performances. C'est la loi organique qui a créé les indicateurs de performance et qui a mis en place les rapports annuels de performances. Je veux souligner au passage, monsieur le secrétaire d'État, qu'il ne faudrait pas que les indicateurs de performance instaurés par le Gouvernement pour évaluer ses propres ministres soient différents des indicateurs de performance présentés au Parlement pour l'évaluation des politiques publiques. Une certaine cohérence entre les dispositifs d'évaluation des politiques publiques d'une part, de ceux chargés de les conduire d'autre part, me paraît nécessaire.
Dans les différents aspects du contrôle et de l'évaluation, la Cour des comptes est d'une aide précieuse, d'une aide nécessaire, d'une aide devenue permanente. Je ne parlerai pas des trois rapports sur l'exécution des lois de finances et de financement de la sécurité sociale, sur la situation de nos comptes publics ou sur la certification des comptes. Ce sont désormais des documents de travail utiles pour le Parlement comme pour nos concitoyens. La LOLF a explicitement confié à la Cour, qui compte parmi ses attributions la recherche de la performance de l'action publique, une mission d'assistance au Parlement.
Je rappelle que le président et le rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale ont, comme leurs homologues du Sénat, la faculté de formuler des demandes d'assistance à la Cour dans le cadre de leur mission de contrôle et d'évaluation. En outre, la commission des finances a la possibilité de demander à la Cour des enquêtes sur la gestion des services ou organismes qu'elle contrôle.
La combinaison de ces dispositions de l'article 58 de la LOLF est le fondement des relations qui se sont établies autour des travaux de la mission d'évaluation et de contrôle, la MEC – dont je salue les deux coprésidents, Georges Tron et David Habib. Celle-ci engage fréquemment son analyse prospective à partir des constatations réalisées par la Cour dans le cadre d'enquêtes demandées par notre commission. En début de législature, les travaux de la MEC bénéficient à tout le moins de la présence de représentants de la Cour à chacune de ses auditions.
Mes chers collègues, j'attire votre attention sur cette participation aussi discrète qu'assidue, utile et efficace. Sachez que depuis la mi-décembre, une ou deux fois par semaine, deux et parfois trois magistrats de la Cour, en fonction des sujets traités, assistent aux travaux de la MEC ainsi qu'aux réunions des rapporteurs spéciaux, apportant une plus-value réelle à ses travaux.
À titre d'exemple, la MEC, sur les programmes d'équipement naval, a bénéficié de la connaissance de la politique de défense et des industries d'armement dont disposent les présidents de section de la Cour qui l'ont accompagnée dans ses auditions. Je pourrais en dire autant pour l'immobilier de l'État, dont le rapport sera examiné la semaine prochaine, et qui est depuis plusieurs années un cheval de bataille de notre commission. C'est avec beaucoup d'attention, monsieur le premier président, que nous lirons vos observations, qui seront reprises au titre du droit de suite que nous souhaitons exercer dans le cadre de la mission d'évaluation et de contrôle. Je tiens à rendre hommage à la disponibilité de ces magistrats ainsi qu'à l'esprit d'ouverture dont ils font preuve pour enrichir les débats de la MEC, loin de tout tapage médiatique.
Une autre illustration de l'assistance fructueuse apportée par la Cour est donnée naturellement par l'activité de nos rapporteurs spéciaux. Le bras armé de la commission des finances en matière de contrôle et d'évaluation réside en effet dans les 49 rapporteurs spéciaux chargés de suivre en détail les missions et les programmes du budget.
Depuis l'automne dernier, sur la proposition du premier président de la Cour des comptes, plusieurs d'entre eux ont rencontré les présidents de chambre de la Cour compétents pour contrôler les mêmes politiques publiques. Ils ont pu ainsi non seulement s'entretenir de l'exécution budgétaire, mais aussi confronter leurs analyses sur les principaux sujets d'actualité et d'avenir. De même, avec votre accord, monsieur le premier président, la commission des finances organisera régulièrement des auditions à partir des audits et référés que vous nous adressez et qui sont trop longtemps restés sans suite.
Cette coopération renforcée est une composante de la nouvelle démarche du Parlement, qui doit passer d'une culture de soumission et de démission à une culture de contrôle et d'évaluation. L'exemple des autoroutes, que vous avez cité, constitue une illustration de la démission du Parlement face à des propositions de l'exécutif. On pourrait donner d'autres exemples sous tous les gouvernements, cette culture de soumission et de démission s'imposant quelle que soit leur sensibilité politique. Il me semble que la restauration du Parlement, dont on parle beaucoup actuellement, passe par une affirmation de notre volonté.
Ce n'est, en effet, pas tant une question de textes que de volonté. Je suis, pour ma part, de ceux qui pensent que le contrôle et l'évaluation doivent dépasser les clivages et les sensibilités politiques. À cet égard, monsieur le premier président, vos travaux montrent que c'est possible.
On l'aura compris, les parlementaires que nous sommes vont maintenant étudier avec un grand intérêt le rapport déposé aujourd'hui par M. le premier président de la Cour des comptes dans le cadre du droit de suite. Nous savons que ce rapport est pleinement en phase avec les questions d'évaluation qui nous préoccupent. Les quatre insertions relatives à la politique immobilière de certains ministères rejoignent, par exemple, les travaux de notre rapporteur spécial et ceux de la MEC. L'une d'entre elles, en particulier, porte sur un thème figurant au programme des auditions que la MEC réalisera demain matin.
Le rapport public de la Cour des comptes est la partie la plus visible de nos échanges et il en illustre la qualité. Permettez-moi, monsieur le premier président, de m'associer à votre souhait de voir cette coopération se renforcer afin de nous permettre de placer le contrôle et l'évaluation au coeur de l'action du Parlement. (Applaudissements sur tous les bancs.)
La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le premier président de la Cour des comptes, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, monsieur le président de la commission des finances, de l'économie générale et du plan, mes chers collègues, cette séance de dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes est toujours l'occasion d'insister sur certains aspects de nos finances publiques, en particulier dans leur dimension d'évaluation et de contrôle. Pour ma part, je consacrerai les quelques minutes dont je dispose à un seul sujet, celui de la dépense fiscale.
Au préalable, je voudrais saluer la qualité des relations de travail qui unissent notre assemblée, en particulier la commission des finances, à la Cour des comptes. Cela va bien au-delà de votre rapport annuel, monsieur le premier président, puisque nous travaillons ensemble de façon continue, que ce soit dans le cadre de la mission d'évaluation et de contrôle et des missions spécifiques que vous exercez au titre de l'article 58 de la LOLF, ou dans le cadre d'un travail quotidien non formalisé, mais qui tend à se développer, et auquel j'attache beaucoup d'importance, réunissant les rapporteurs spéciaux, les rapporteurs pour avis et les différents conseillers et magistrats de la Cour des comptes qui se penchent sur les mêmes sujets.
Les dépenses fiscales deviennent pour nous une préoccupation majeure, à la fois du point de vue de l'efficacité de la dépense publique et du rétablissement de nos comptes publics. Ces dépenses fiscales sont pourtant récentes, puisqu'elles n'ont été formalisées et organisées qu'à la fin des années 1970. Ce n'est que dans la loi de finances pour 1980 qu'apparaît, à l'article 32, la notion de dépenses fiscales, qui fait l'objet d'un fascicule spécial annexé à la loi de finances, ayant vocation à tenter d'évaluer les dépenses fiscales dans le cadre des « Voies et moyens. »
Près de trente ans plus tard, ces dépenses fiscales sont devenues un enjeu absolument essentiel, à la fois du point de vue de la maîtrise budgétaire, de la simplification de notre fiscalité et de l'équité de la loi fiscale.
En matière de maîtrise budgétaire, je donnerai un exemple très récent. En 2007, pour la première fois, la réalisation de l'impôt sur le revenu est inférieure de plus d'un milliard d'euros à ce que nous avions prévu en loi de finances initiale, ce qui n'était jamais arrivé au cours des dix dernières années. La raison de ce phénomène est que les niches fiscales sont en train de miner littéralement un certain nombre de recettes de l'État. On a vu ainsi exploser des dépenses non évaluées, résultant notamment de mesures de défiscalisation relatives aux économies d'énergie ou aux énergies renouvelables dans le logement. Il en est de même de la prime pour l'emploi, sous l'effet de la baisse du chômage.
En ce qui concerne la simplification de la fiscalité, il est évident que la multiplication des dispositions dérogatoires, au nombre de plusieurs centaines actuellement, rend notre législation fiscale absolument incompréhensible.
Enfin, pour ce qui est de l'équité, nous avons introduit avec le plafonnement des impôts par rapport aux revenus – ce qu'il est convenu d'appeler le « bouclier fiscal » – un principe qui me paraît essentiel, selon lequel l'impôt ne doit pas revêtir un caractère confiscatoire. Mais qui dit plafond doit également dire plancher.
Il ne serait pas normal qu'un contribuable qui bénéficie de revenus confortables puisse, à coup d'utilisation de niches fiscales diverses et variées, s'exonérer complètement du paiement de l'impôt. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.) C'est pour nous une préoccupation majeure. C'est pourquoi, avec Pierre Méhaignerie, Didier Migaud et l'ensemble des commissaires, nous réfléchissons au plafonnement des niches fiscales, voire à la notion d'impôt minimal.
En effet, dans le budget 2008, qui s'élève à un peu plus 300 milliards, les dépenses fiscales représentent à elles seules 73 milliards d'euros. Et l'on compte 486 types de dépenses fiscales. En outre, et c'est une singularité française, les dix premières dépenses fiscales constituent 40 % du coût total. Plus préoccupant encore, la dynamique s'accélère. Par exemple, entre 2007 et 2008, la progression des dépenses fiscales est de 7 % alors que celle des crédits budgétaires n'est que de 1,6 % en vertu de la règle de la croissance zéro en volume. Autre chiffre qui donne à réfléchir : en valeur absolue, la progression des dépenses fiscales en 2008 par rapport à 2007 représente 5 milliards d'euros, c'est-à-dire à elle seule la totalité de la marge autorisée par la règle précitée. Ces exemples montrent qu'il nous faut absolument réagir.
En 2003, le Conseil des impôts, devenu depuis le Conseil des prélèvements obligatoires, animé, rappelons-le, par la Cour des comptes, a remis un remarquable rapport sur la dépense fiscale. Il en ressortait un constat sévère et deux conclusions : d'une part, ces dépenses fiscales sont très mal évaluées et, d'autre part, leur efficacité est souvent très incertaine.
L'article 51 de la loi organique nous a permis de progresser puisqu'il faut désormais chiffrer les dépenses fiscales dans le cadre des programmes annuels de performances et les rapports annuels de performances. Ces chiffrages ne sont cependant pas satisfaisants puisque 20 % des dépenses fiscales demeurent non chiffrées et la moitié des 80 % restants ne font l'objet que d'ordres de grandeur qui se révèlent toujours largement dépassés.
Par ailleurs, l'instauration d'une nouvelle dépense fiscale est souvent perverse. En effet, celle-ci ne coûte en général pratiquement rien la première année, et à peine plus la deuxième. Mais, ensuite, les coûts explosent. Prenons l'exemple de la transformation des crédits budgétaires pour le financement de l'accession sociale à la propriété en crédit d'impôt. Le prêt à taux zéro est financé, non pas sur des crédits budgétaires, mais sur une dépense fiscale, une économie d'impôt sur les sociétés au niveau des banques. Celles-ci paient moins d'impôt sur les sociétés pour prêter à taux zéro. La mesure a coûté 200 millions d'euros la première année. Mais, cinq ans plus tard, nous en sommes à 1 milliard d'euros.
Pour toute nouvelle dépense fiscale, il faudra donc prévoir une évaluation pluriannuelle et un chiffrage. La dépense fiscale s'apparentant à un crédit budgétaire, il faudrait aussi que nous disposions d'indicateurs de performances, d'efficacité. Tel n'est pas le cas aujourd'hui. Je sais que la Cour des comptes travaille sur ce sujet. Dès la loi de finances 2007, elle a proposé, pour une douzaine de dépenses fiscales, un certain nombre d'indicateurs de performances. Le Gouvernement vient d'ailleurs de s'engager, par une circulaire, il y a quelques jours, à nous présenter, à l'occasion de l'examen de la loi de règlement de 2007 prévu en juin prochain, un travail d'évaluation sur quelques très grosses dépenses fiscales.
Par exemple, l'instauration du taux de TVA à 5,5 % pour les travaux dans les logements a-t-elle permis de créer les emplois escomptés, a-t-elle été gagée par de nouvelles recettes ? La mesure est a priori positive. Encore faut-il l'évaluer avec le recul nécessaire. Il en est de même pour les exonérations liées au capital de l'assurance-vie, pour les réductions d'impôt pour emploi salarié à domicile, pour le crédit d'impôt au titre du développement durable.
Monsieur le Premier président, vous le voyez, le champ est vaste et le travail à accomplir est urgent. Nous devons absolument nous astreindre à maîtriser la prolifération des dépenses fiscales. En effet, plus la norme de dépense proprement dite est rigoureuse, plus il est tentant pour les administrations et les ministres de contourner cette norme par le biais de dépenses fiscales, d'exonérations en tout genre. Ils compensent ainsi le rationnement des crédits budgétaires. Il faut être très attentif à cela.
Dès la loi de finances pour 2009, nous pourrions donc intégrer dans la norme de dépenses une partie de la dépense fiscale. (Applaudissements sur plusieurs bancs.) Je sais que la Cour des comptes propose cette mesure que je souhaite défendre cet après-midi à la tribune. En 2008, nous avons intégré les prélèvements sur recettes, et cela a constitué un vrai progrès. Monsieur le Premier président, vous qui êtes toujours d'une grande sévérité – ce que nous admettons parfaitement –, vous l'avez d'ailleurs salué dans votre rapport. Pour 2009, pourquoi ne pas introduire sur la ligne des prélèvements sur recettes une partie de la dépense fiscale, soit dans la norme elle-même soit dans une norme spécifique ?
Nous pourrions ainsi demander à un ministre nous proposant telle ou telle exonération fiscale qu'il aurait chiffrée à telle ou telle somme le montant de l'économie de crédit qu'il prévoit en contrepartie.
Le dialogue serait équilibré. Soyons-en conscients, ce ne sera pas facile.
Nous sommes de tout cM. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous devons faire preuve de courage en équipe, mes chers collègues ! (Sourires.) Je sais en tout cas que le président de la commission des finances fait siens mes propos s'agissant de la dépense fiscale.
Je souhaite également vous soumettre une autre idée. Mais celle-ci sera plus difficile à mettre en oeuvre car elle exige une modification de la Constitution.
Elle consisterait à réserver aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale les niches fiscales, les exonérations mais également les dérogations, les niches sociales qui commencent à proliférer. (Applaudissements sur plusieurs bancs.) En attendant, je salue une proposition émanant du Sénat. Comme quoi l'imagination de nos collègues sénateurs peut être fertile. Ils viennent en effet d'adopter une proposition de loi concernant les finances sociales qui me paraît fort intéressante. Le maintien de toute exonération de cotisations sociales serait conditionné par une ratification dans la loi de financement annuelle de la sécurité sociale. Nous contournerions ainsi l'obstacle puisque nous n'avons pas le droit de réserver la création de dérogations de dépenses fiscales aux lois de finances ou de financement.
Vous le voyez, un certain nombre de pistes s'ouvre à nous. Monsieur le Premier président, sur tous ces sujets, votre concours, le travail que nous effectuons en commun nous sont particulièrement précieux. Je vous remercie à nouveau de la qualité des relations qui unissent la Cour des comptes et notre assemblée. (Applaudissements sur tous les bancs.)
Monsieur le Premier président, l'Assemblée nationale vous donne acte du dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures dix, est reprise à dix-sept heures quinze, sous la présidence de M. Jean-Marie Le Guen.)
L'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental (n° 678).
La parole est à M. Georges Fenech, rapporteur de la commission mixte paritaire.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le président de la commission mixte paritaire, mes chers collègues, notre assemblée est aujourd'hui saisie du texte adopté lundi dernier par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale.
La CMP est parvenue sans difficulté à rapprocher les positions de l'Assemblée nationale et du Sénat, qui, à l'issue d'une lecture dans chaque assemblée, étaient déjà parvenus à un accord de vues sur les principales dispositions du texte.
S'agissant de la rétention de sûreté, la CMP a repris, à quelques exceptions près – je vais y revenir –, les dispositions adoptées par le Sénat : la décision de placement en rétention de sûreté est prise par une juridiction régionale, après avis de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté et évaluation de la personne pendant une durée minimale de six semaines dans un centre spécialisé, du type du centre national d'observation de Fresnes. Ces modifications apportent des garanties supplémentaires à l'évaluation de la dangerosité de la personne et doivent donc être maintenues.
Par ailleurs, la CMP a repris le dispositif de la surveillance de sûreté, introduit par le Sénat pour unifier sous un même vocable la prolongation des obligations liées à une surveillance judiciaire ou à un suivi socio-judiciaire.
S'agissant des dispositions transitoires prévues à l'article 12, la CMP a adopté le dispositif prévu par le Sénat : les personnes exécutant, au 1er septembre 2008 ou à partir de cette date, une peine de réclusion criminelle d'une durée égale ou supérieure à quinze ans, à la suite soit de plusieurs condamnations, soit d'une condamnation unique pour les crimes mentionnés à l'article 706-53-13 du code de procédure pénale, pourront être soumises, dans le cadre d'une surveillance judiciaire, d'un suivi socio-judiciaire ou d'une surveillance de sûreté, à une obligation d'assignation à domicile sous le régime du placement sous surveillance électronique mobile.
À titre exceptionnel, si cette obligation apparaît insuffisante pour prévenir la récidive, ces personnes pourront être soumises à un placement en rétention de sûreté, à la condition que la chambre de l'instruction ait préalablement averti la personne qu'elle pourra faire l'objet d'un réexamen de sa situation.
La chambre de l'instruction statue en chambre du conseil, après avoir fait comparaître la personne condamnée, assistée par un avocat choisi ou commis d'office. Si elle constate qu'il résulte de la ou des condamnations prononcées une particulière dangerosité de cette personne, caractérisée par une probabilité très élevée de récidive parce qu'elle souffre d'un trouble grave de la personnalité, susceptible de justifier, à l'issue de sa peine, un placement en rétention de sûreté, elle avertit celle-ci qu'elle pourra faire l'objet d'un examen de dangerosité pouvant entraîner son placement en rétention de sûreté. La rétention de sûreté peut ensuite être décidée suivant la procédure mise en place – à savoir une décision de la juridiction régionale.
La CMP, outre quelques modifications de nature rédactionnelle, a modifié le texte du Sénat sur deux points essentiels. Premièrement, s'agissant du champ d'application de la rétention de sûreté, elle a, à mon initiative, repris la distinction entre victimes majeures et victimes mineures. Le Sénat avait, dans une rédaction à la fois plus élégante et plus concise de l'article 706-53-13 nouveau du code de procédure pénale, supprimé cette distinction, prévoyant que rentraient déjà dans le champ de la rétention de sûreté les personnes condamnées à au moins quinze ans de réclusion criminelle pour l'un des crimes visés, commis avec circonstance aggravante, ce qui avait pour principale conséquence de rendre nécessaire l'existence de cette circonstance aggravante pour les crimes commis sur mineurs de quinze à dix-huit ans. Cela revenait à traiter différemment les victimes mineures de quinze ans et les autres mineurs, ce qui n'était pas acceptable. La CMP est donc revenue sur ce point au texte de l'Assemblée nationale.
Deuxièmement, s'agissant du contenu de la prise en charge dans les centres socio-médico-judiciaires de sûreté, le Sénat avait ajouté aux volets médical et social, une « prise en charge éducative, psychologique et criminologique adaptée ». La CMP a retenu l'adjectif « psychologique », mais rejeté ceux d' « éducatif » et de « criminologique », le premier étant relativement inapproprié s'agissant de personnes qui viennent de passer quinze ans en détention et le second renvoyant à une science encore trop nouvelle pour pouvoir être consacrée par la loi.
La CMP a par ailleurs procédé à d'utiles coordinations, en permettant tout d'abord la prolongation du PSEM en cas de surveillance de sûreté ; en définissant ensuite, dans le code de procédure pénale, la nouvelle obligation prévue par le Sénat d'assignation à domicile et en la rendant possible dans le cadre d'un suivi socio-judiciaire ou d'une surveillance judiciaire.
S'agissant des dispositions relatives à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, la CMP a confirmé les dispositions adoptées par le Sénat.
S'agissant enfin des dispositions relatives à l'injonction de soins, la CMP a confirmé le vote du Sénat concernant les médecins coordonnateurs. Elle a donc entériné le droit en vigueur, selon lequel les fonctions de médecin coordonnateur sont exercées non seulement par les psychiatres mais également par d'autres médecins spécialement formés. Aujourd'hui, neuf médecins coordonnateurs ne sont pas psychiatres. En effet, le nombre de psychiatres étant insuffisant, il paraît plus satisfaisant de recourir à d'autres médecins parfaitement compétents du fait de leur expérience plutôt que de laisser ces postes non pourvus.
La CMP a également souhaité maintenir en vigueur la disposition du code de la santé publique qui permet de substituer au médecin traitant en charge de l'injonction de soins un psychologue traitant. Une telle disposition semble utile, notamment dans les cas de violences conjugales.
Sur ce sujet, la CMP a également constaté l'absence de mesure réglementaire mettant en oeuvre le dispositif du psychologue traitant, issu de la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales. La CMP a donc proposé de préciser dans la loi qu'un psychologue devait avoir exercé au moins cinq ans pour pouvoir devenir psychologue traitant.
Au bénéfice de l'ensemble de ces remarques, je vous invite, mes chers collègues, à adopter le texte élaboré par la CMP sur ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, vous examinez aujourd'hui les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.
Il s'agit, vous le savez, d'un texte important et ambitieux. Il vise à mieux protéger nos concitoyens, il est attendu de tous les Français. Il offre une prise en charge nouvelle aux personnes condamnées qui restent d'une particulière dangerosité à la fin de leur peine. Il permet aussi de tirer toutes les conséquences d'une infraction commise par une personne déclarée pénalement irresponsable. Sur ces deux aspects, nous avons ensemble recherché le meilleur équilibre entre les droits des personnes en cause et les attentes de la société.
Je voudrais ici souligner le rôle majeur joué par le Parlement et notamment par votre assemblée. Je tiens à remercier tout particulièrement le président de votre commission des lois, Jean-Luc Warsmann, et votre rapporteur, Georges Fenech. La qualité de leur travail a contribué à améliorer notablement le texte du Gouvernement.
Sur un sujet aussi essentiel, votre assemblée s'est montrée constructive et soucieuse de répondre à la préoccupation exprimée par les Français.
Les dispositions relatives à la nouvelle procédure de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental n'ont pas fait l'objet de modifications substantielles de la part du Sénat. De même, la commission mixte paritaire a repris, pour l'essentiel, le texte adopté par le Sénat sur le volet sanitaire de ce texte.
Vous le savez, l'essentiel de nos débats a porté sur la rétention de sûreté. Il s'agit d'une mesure nouvelle dans notre droit, même si elle existe depuis longtemps dans d'autres pays, tels que la Belgique, les Pays-Bas, l'Allemagne ou le Canada. Elle a soulevé de nombreuses interrogations dans cet hémicycle, mais je crois que le texte issu de la commission mixte paritaire est de nature à répondre à certaines de ces interrogations.
Le texte qui vous est soumis reprend la volonté de l'Assemblée nationale de bien préciser le champ d'application de la loi. Votre assemblée avait souhaité que les nouvelles dispositions puissent s'appliquer aux auteurs de crimes commis sur des mineurs, qu'ils aient moins ou plus de quinze ans. Elle avait également souhaité que ces dispositions s'appliquent aux crimes commis sur des victimes majeures, à condition qu'ils soient commis avec des circonstances aggravantes. Le texte issu de la commission mixte paritaire répond à ces objectifs.
Votre assemblée avait également souhaité mieux cerner les critères susceptibles de justifier une rétention de sûreté. Je me souviens notamment que nous avons eu un débat nourri sur la nécessité de prévoir un régime distinct de celui de l'hospitalisation d'office.
Le texte issu de la CMP répond à cet objectif, en précisant que les personnes visées sont les personnes qui présentent une grande dangerosité parce qu'elles souffrent d'un trouble grave de la personnalité. Ces personnes sont responsables de leurs actes, mais les faits pour lesquels elles ont été condamnées démontrent leur dangerosité et la nécessité dans laquelle elles se trouvent de suivre des soins.
Le texte qui vous est soumis renforce les garanties des personnes. Nous avions longuement débattu de la nécessité d'assurer des soins dès le début de la détention. Le texte issu de la commission mixte paritaire prévoit un examen systématique dans le centre national d'observation, afin de définir un parcours adapté.
Nous avions également débattu de la difficulté d'évaluer l'existence d'une dangerosité à la fin de la peine et du poids qui risquerait de peser sur les experts. Si la dangerosité initiale de certains criminels est évidente au moment du jugement, il est plus difficile de l'évaluer à la fin de la peine. Le texte issu de la commission mixte paritaire renforce l'expertise en fin de peine, en prévoyant, pendant une durée de six semaines, un nouvel examen pluridisciplinaire réalisé par deux experts au Centre national d'observation. Les trois juges qui prononceront la mesure de rétention seront donc entièrement éclairés.
Nous avions enfin débattu de la nécessité d'éviter que la rétention de sûreté s'apparente à un simple enfermement indéfini. Le texte issu de la commission mixte paritaire insiste sur le fait qu'un suivi médical et psychologique adapté devra être mis en place dans le centre socio-médico-judiciaire. Le décret d'application devra définir précisément les droits en matière d'emploi, d'éducation et à la formation des personnes placées en rétention de sûreté. Le rôle des centres socio-médico-judiciaires de sûreté est de donner le plus de chances possible aux personnes concernées, de remédier à leurs troubles et donc de réduire leur dangerosité.
Les personnes retenues bénéficieront d'offres de soins individualisées et adaptées à leur profil : prise en charge médico-sociale renforcée, traitement antihormonal avec le consentement de l'intéressé, psychothérapie individuelle ou de groupe, accompagnement socio-éducatif, structuration sociale par le travail et la formation.
Nous avons beaucoup de choses encore à découvrir sur le traitement de la dangerosité et les conditions du passage à l'acte. Il y a beaucoup à apprendre des pays qui ont déjà des dispositifs équivalents.
J'ai l'espoir aussi que le travail réalisé dans ces centres de soins contribue à faire progresser nos connaissances en cette matière dans tous les domaines scientifiques. Le centre socio-médico-judiciaire qui ouvrira dans l'hôpital de Fresnes permettra de mettre en place cette dynamique.
Le texte qui vous est soumis prévoit que la rétention de sûreté pourra s'appliquer aux tueurs et aux violeurs en série qui sortiront de prison dans les années à venir. Nous avons eu de longs débats sur ce sujet, mais soyons clairs : les Français ne pourraient pas comprendre que l'on attende quinze ans avant que ce dispositif puisse s'appliquer à des psychopathes qui refusent de se soigner. La rétention de sûreté est donc une mesure de sûreté, ce n'est pas une peine. Elle est donc immédiatement applicable, comme l'a expressément jugé la Cour constitutionnelle allemande dans une décision du 5 février 2004.
Le Sénat a renforcé le caractère exceptionnel et subsidiaire de ce dispositif transitoire en posant deux conditions : en prévoyant d'abord qu'une rétention de sûreté ne pourrait être envisagée que si une assignation à domicile sous surveillance électronique mobile était insuffisante ; en établissant ensuite que les personnes incarcérées au moment de l'entrée en vigueur de la loi devront être averties par la chambre de l'instruction que la dangerosité révélée par leur condamnation pourra justifier un placement en rétention de sûreté à la fin de la peine. Les personnes pourront ainsi décider de suivre des soins pendant leur détention.
Après cet important travail préparatoire, nous sommes parvenus aujourd'hui, j'en ai la conviction, à un texte qui respecte nos principes constitutionnels fondamentaux et les exigences de la Convention européenne des droits de l'homme.
Telles sont les principales dispositions du projet de loi issu de la commission mixte paritaire, sur lesquelles je souhaitais m'exprimer.
Le Gouvernement veillera avec une vigilance toute particulière à ce que tous les délais prévus par la loi soient respectés. Il s'assurera également que les plus larges garanties seront accordées aux condamnés susceptibles de relever d'une rétention de sûreté.
Pour conclure, je rappellerai ces considérants de principe du Conseil constitutionnel : « la prévention d'atteintes à l'ordre public, notamment d'atteinte à la sécurité des personnes, est nécessaire à la sauvegarde de principes et de droits ayant valeur constitutionnelle » ; « il appartient au législateur d'assurer la conciliation entre ces objectifs de valeur constitutionnelle et l'exercice des libertés publiques constitutionnellement garanties au nombre desquelles figurent la liberté individuelle et la liberté d'aller et venir ».
Je considère que ce texte, tel qu'il ressort des débats du Parlement, concilie parfaitement ces deux exigences.
Je salue le travail remarquable accompli par le législateur pour assumer son devoir de protection de nos concitoyens.
Je vous demande donc d'approuver le texte adopté par la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
La parole est à M. Serge Blisko, pour une durée ne pouvant excéder quinze minutes.
Le texte de la CMP instituant une rétention de sûreté, madame la ministre, est à notre sens tout à fait contraire à nos principes constitutionnels – nous avions dit la même chose au cours de la première lecture. Il est également contraire à l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme – nous avions également souligné ce point il y a un mois.
L'article 1er de votre projet est inquiétant. Inquiétant parce qu'il introduit dans notre droit une notion qui lui est totalement étrangère, mettant en avant le soupçon et l'effacement de la protection de l'individu au profit de la protection de la collectivité.
Cela aboutira à un recul, voire à une dilution de principes aussi fondamentaux que celui qui fonde notre droit pénal – « pas de peine sans loi » – ou celui de la responsabilité personnelle de chacun pour ses actes.
Résumons le mécanisme que vous proposez.
Un criminel suspecté de récidive peut être condamné à une deuxième incarcération d'un an, reconduite tant que la société n'est pas rassurée sur son compte. Nul doute qu'il s'agit là d'une seconde peine prononcée sans qu'un fait nouveau objectif soit nécessaire. C'est pour nous un premier motif d'irrecevabilité.
Nous avons dit au cours du premier débat qu'il s'agissait bien d'une peine. Vous vous évertuez à dire le contraire, mais le rapport du sénateur Lecerf le démontre et rend totalement inopérante votre justification de ce montage par la particularité de la mesure. C'est le deuxième motif d'irrecevabilité.
À l'issue de la période d'emprisonnement, quand vous interrogerez la commission pluridisciplinaire d'experts, se cachera une double question à laquelle personne ne peut répondre, à un point tel que notre tradition juridique interdit de donner une réponse.
Première question : allez-vous enfermer dans un centre médico-socio-judiciaire un criminel parce qu'il a commis un crime affreux il y a quinze ans ? Dans ce cas, un obstacle constitutionnel se dresse : la règle non bis in idem qui interdit de juger deux fois une personne pour les mêmes faits. Vous m'objecterez certainement que ce n'est pas possible.
Deuxième question : le jugerez-vous pour ce qu'il n'a pas encore fait ou ce qu'il pourrait faire, ou parce qu'une commission aura dit qu'il pourrait le faire ? Dans ce cas, c'est la règle de la légalité – pas de peine sans loi – qui est alors bafouée.
D'ailleurs, nos débats ont montré que la nature de la mesure a changé depuis le dépôt du projet de loi. Ce n'est plus une peine exceptionnelle, réservée spécialement aux prédateurs, aux violeurs ou aux assassins d'enfants de moins de quinze ans.
La disposition n'est plus exceptionnelle : en l'espace de deux semaines, le texte a été élargi par l'Assemblée nationale aux crimes les plus graves commis sur des enfants ou sur des adultes. Ici, nous avons bien perçu que vous utilisez les mineurs victimes comme alibi pour introduire un durcissement exceptionnel de notre droit pénal.
Les précautions prises pour laisser à cette mesure ce caractère et la mention selon laquelle « aucune autre solution n'est envisageable » ne sont pas sérieuses. La plupart du temps, la solution alternative dépend des moyens proposés et de la bonne orientation. C'est d'ailleurs pour cela que nous sommes heureux que le Sénat ait repris la notion d'observation préalable dans un centre national d'observation, comme il en existe un à la prison de Fresnes, évidemment rénové et avec beaucoup plus de moyens, en particulier des moyens criminologiques. Mais toutes les solutions alternatives que nous avons mises en place sont récentes, vous le savez.
On manque à l'évidence d'une évaluation sur les résultats à moyen et long terme de ces dispositifs et, comme le disent les parlementaires de tous les groupes, il ne sert à rien d'inventer de nouveaux dispositifs si on ne donne pas des moyens suffisants pour appliquer ceux qui existent, comme le suivi socio-judiciaire. Et nous avons vu, au cours de l'été 2007, quand nous avons débattu de la prévention de la récidive, à quel point ce secteur était sinistré et ne pouvait donner lieu qu'à une évaluation insuffisante et, pour tout dire, décevante aujourd'hui. Or au lieu d'octroyer des moyens supplémentaires, vous nous avez soumis un nouveau texte qui soulève énormément de problèmes et qui présente de nombreux motifs d'irrecevabilité.
La version de la CMP, telle que le sénateur Portelli l'a bricolée – excusez-moi de ce terme, mais je n'en vois pas d'autre – sous la pression du Gouvernement, nage d'ailleurs en pleine subjectivité car elle prévoit la rétention « à titre exceptionnel » et évoque la « probabilité » de récidive. Vous savez, mes chers collègues, ce que l'on peut craindre d'une telle subjectivité en matière pénale. Elle est inadmissible.
Troisième motif d'irrecevabilité, la rétention est une peine qui, d'abord prononcée pour un an, pourrait être une peine à vie, puisque prolongée d'année en année à la suite d'une expertise, si j'ose dire, médico-psychologique. Que penser de législateurs qui ne définissent pas une limite dans le temps aux peines qu'ils édictent ? Est-ce constitutionnel ?
La personne placée en rétention de sûreté subira de façon permanente, vous dit-on, une prise en charge médicale, sociale et psychologique adaptée. Mais monsieur Fenech, nous étions avec vous en CMP, et vous avez vous-même admis que la criminologie est une science trop récente pour qu'on puisse définir un programme tout à fait évident ; vous avez donc retiré, c'est bien, le terme « criminologique », mais nous ne savons pas plus ce qu'est une prise en charge médicale, sociale et psychologique adaptée. Encore une fois, le texte pèche sur ce point.
Il n'y a pas de limite objective à cette prise en charge et c'est la subjectivité de la commission d'experts qui sera requise pour savoir si la rétention est prolongée d'un an supplémentaire. C'est du jamais vu. Même les mesures de sûreté actuellement admises par le Conseil constitutionnel – bracelet mobile ou suivi socio-judiciaire – sont toutes inscrites dans le temps.
Dès lors que la rétention, c'est-à-dire la peine après la peine, pourrait être plus longue que la peine initialement prononcée, parce que rien ne s'y oppose – ce qui sera le cas si la rétention dépasse quinze ans... –, on ne peut plus inscrire dans un continuum modéré des mesures déjà mises en oeuvre, comme l'a admis, moyennant un encadrement sérieux, la décision de 2005 du Conseil constitutionnel pour le placement sous bracelet électronique mobile.
Quatrième cause d'irrecevabilité, la rétention de sûreté est une peine distincte sui generis dont les résultats sont illusoires.
Treize années d'emprisonnement changent fondamentalement la personnalité d'un criminel, y compris d'un récidiviste. Si vous estimez qu'il n'y a aucun changement, il faudrait peut-être que, tous ensemble, nous nous interrogions collectivement – et sans polémiquer sur l'utilité de la première condamnation – sur ce qui a été fait pendant les treize ou quinze années avant d'arriver à la rétention de sûreté.
En conclusion, autant de motifs d'inconstitutionnalité, c'est beaucoup pour un texte aux résultats criminologiques illusoires et non évalués car sans étude d'impact.
Madame la ministre, nous voulons également dénoncer à cette tribune les contorsions de procédure. Après un travail d'auditions rapide mais complet, nous avons connu la déclaration d'urgence, les amendements du Gouvernement qui ont changé totalement l'esprit de la loi et la création d'une nouvelle entité sans aucune étude d'impact ou juridique : la commission administrative pluridisciplinaire.
Cette commission est véritablement le maître d'oeuvre les procédures de prolongations... Bref, elle se substitue au procureur de la République, au juge des libertés et de la détention, au juge de l'application des peines. Mais cette commission, véritable magistrat d'un type nouveau, n'est pas judiciaire, elle est administrative puisque s'y côtoient des magistrats, des médecins et des psychologues, ainsi qu'un représentant des associations de victimes.
Elle joue pourtant le rôle d'un magistrat, y compris pour les mesures de prolongation de la peine qu'elle peut accepter ou refuser, alors que cette prolongation est proposée par le juge de l'application des peines, un juge du siège !
Autant d'anomalies, autant d'atteintes aux fondements de la République, à commencer par la séparation des pouvoirs !
J'en viens maintenant à la rétroactivité, deuxième bricolage.
Par amendement de dernière minute du Gouvernement, l'Assemblée nationale avait voté une rétroactivité double : application de la loi à des faits antérieurs à la publication de loi – ce qui est une atteinte au principe de l'application de la loi la plus douce ; application à des affaires en cours, voire déjà jugées.
La commission des lois du Sénat avait estimé ces dispositions anticonstitutionnelles ; à cet égard, je renvoie au rapport Lecerf qui mérite d'être salué par son honnêteté. Il est dommage que la rétroactivité ait été réintroduite sous une autre forme.
En prévoyant que « les personnes exécutant, à la date du 1er septembre 2008, une peine de réclusion criminelle d'une durée égale ou supérieure à quinze ans », le législateur s'apprête à remettre en cause la chose jugée définitivement pour aggraver la situation du détenu.
Cela est doublement attentatoire aux principes constitutionnels qui veulent que, en droit pénal, la rétroactivité des lois soit proscrite, sauf pour ce qui concerne les lois les plus douces.
Peu importe que vous proposiez une gradation dans la peine – surveillance judiciaire, suivi socio-judiciaire ou surveillance de sûreté, voire assignation à domicile – pour aboutir à l'enfermement prétendument exceptionnel et pour une durée mal définie dans ces centres ad hoc.
Nous nous interrogeons toujours car, alors que nous étions tous tombés à peu près d'accord, dans la première version de la loi, sur un nombre de dix à quinze personnes qui pourraient être placées en centre de rétention de sûreté par an, ce chiffre varie aujourd'hui de cinquante à plusieurs centaines. Il est quand même curieux de légiférer sans que nous sachions combien de personnes seraient concernées par les nouvelles dispositions.
En ajoutant ainsi des peines aux peines, alors qu'un jugement a été rendu sous l'empire d'une loi plus douce, le texte viole sans aucun doute la Constitution.
Peu importe enfin que l'on ait prévu une procédure purement judiciaire puisque la question n'est pas celle de la compétence, mais celle de la rétroactivité.
En prévoyant la même rétroactivité à l'encontre des personnes jugées en première instance, la loi encourt les mêmes griefs, tant il est vrai que le principe de l'application de la loi la plus douce est fondamental.
Quant au volet sur l'irresponsabilité, qui a peu varié en CMP, nous estimons que vous avez apporté une réponse bâclée à un vrai sujet. Mais nous reconnaissons que la situation qui sortira de ce texte sera sans doute meilleure que celle qui prévaut aujourd'hui.
En conclusion, le projet de loi instituant une rétention de sûreté rompt le lien fondamental entre le fait punissable et la peine qui sanctionne son auteur – un lien fondamental entre le fait punissable, entre le crime et la peine qui sanctionne l'auteur.
Ce projet de loi remet en cause le principe fondamental selon lequel on ne peut être condamné qu'à l'issue d'un procès équitable, à une peine prévue par la loi pour les faits commis et dont on est déclaré responsable. Chacun des termes de cette équation doit être respecté dans un État de droit.
En autorisant une commission à juger en toute subjectivité de la particulière dangerosité d'une personne et du risque particulièrement élevé que celle-ci commette un nouveau crime – on voit à quel point on est hors du champ de la loi pour entrer dans le domaine de la subjectivité totale –, vous remettez dans le débat public une prétendue prédisposition de l'individu à commettre un crime virtuel, alors que c'est durant l'exécution de sa peine, et non après celle-ci, que le condamné devrait recevoir les soins qui lui sont nécessaires. Et nous sommes tous d'accord pour dire qu'un certain nombre de personnes ont besoin de soins, et même de soins de longue durée.
Le souci légitime de protection des victimes ne doit pas conduire à bafouer les principes fondamentaux du droit pénal et de notre État de droit. C'est la raison pour laquelle nous nous opposons résolument à ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La parole est à M. Michel Hunault, pour le groupe Nouveau Centre, au titre des explications de vote sur l'exception d'irrecevabilité.
Au nom de mes collègues du Nouveau Centre, je me prononce contre l'adoption de la motion d'irrecevabilité.
M. Blisko s'est borné à reprendre les arguments qu'il a déjà développés au cours de l'examen du texte il y a un mois et s'est contenté de rappeler un certain nombre de principes auxquels la majorité est tout aussi attachée que lui.
De quoi s'agit-il ? Il s'agit de prévenir la récidive des crimes les plus graves par un texte – et notre collègue l'a reconnu – que nous avions amélioré au cours des débats. En effet, nous n'avons pas voulu faire de distinction entre les victimes – l'âge n'étant pas un critère à retenir – et nous avons souhaité faire de la gravité du crime commis le facteur essentiel. Nous avons l'obligation de tout mettre en oeuvre pour éviter la récidive.
En ce sens, madame la garde des sceaux, vous êtes fidèle à un engagement du Président de la République, celui de tenir compte la dangerosité des détenus avant leur libération. Faut-il rappeler que la dangerosité n'est pas prise en compte dans les remises de peine qui sont automatiques aujourd'hui ? Avec ce texte, le criminel fera l'objet d'une évaluation avant sa sortie de prison.
Je n'aurai pas la cruauté d'énumérer le nom des malheureuses victimes de délinquants particulièrement dangereux, qui ont été relâchés sans que l'on prenne en compte leur dangerosité. L'objectif de ce texte est d'améliorer la situation. Le dispositif qui nous est proposé tend à prendre en compte la dangerosité des individus et de faire en sorte qu'ils soient soignés avant d'être libérés.
M. Blisko a rappelé un certain nombre de principes auxquels nous sommes tous attachés comme la non-rétroactivité des lois. L'opposition menace de déposer un recours devant le Conseil constitutionnel en arguant invariablement de l'inconstitutionnalité supposée de ce texte. N'ayons crainte, chers collègues : le Conseil constitutionnel, à n'en pas douter, dira que ce texte est conforme à la Constitution !
Il y urgence à agir, à savoir prendre en compte la dangerosité des criminels avant leur libération. Tel est l'objet de ce texte. C'est la raison pour laquelle nous devons rejeter l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
L'UMP rejette évidemment cette exception d'irrecevabilité défendue au titre d'une prétendue inconstitutionnalité du texte.
Une fois de plus, référence a été faite à l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme aux termes de laquelle nul ne peut être détenu dans notre pays sans avoir été jugé et condamné sur des faits.
Cela a été dit et répété dans cette enceinte : il ne s'agit ni d'un nouveau jugement, ni d'une nouvelle sanction, mais d'une mesure de sûreté. Si l'on admet la notion de mesure de sûreté définie à l'article 1er de ce texte, l'argumentation se référant à l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme n'a pas d'objet.
L'on nous explique à l'envi que le dispositif proposé n'est pas suffisamment encadré et qu'il comporterait donc un risque pour les libertés individuelles. Or rappelons qu'avant toute décision de mise en placement dans un centre de rétention, le texte prévoit une expertise précise non de la personnalité de l'individu concerné, mais de sa dangerosité au regard des faits commis et de son parcours pendant son long temps de détention, car nous sommes dans le cadre de peines particulièrement lourdes.
Deuxièmement, on évoque aussi le risque d'une détention à vie. Rappelons que, tous les ans, la situation de l'intéressé sera à nouveau examinée à partir de nouvelles expertises par une commission régionale – en fait, une juridiction régionale – composée de magistrats chevronnés.
En outre, la décision de placement en rétention ne sera possible qu'après une évaluation de la personne dans un centre spécialisé, pendant six semaines au moins.
En troisième lieu, rappelons que ce n'est pas une commission administrative qui sera appelée à se prononcer sur la situation de dangerosité, mais des magistrats aguerris, spécialisés, connaissant parfaitement la situation des intéressés et les particularités des délinquants très dangereux.
En quatrième lieu, la rétention de sûreté – et c'est un ajout considérable du Sénat – est une mesure subsidiaire. Elle est exceptionnelle. Quel est son principe ? La surveillance par un bracelet électronique ou une assignation à résidence. Ce n'est que dans un cas particulièrement exceptionnel que l'on aura recours à la rétention de sûreté.
Enfin, la mesure de sûreté n'est pas une nouvelle peine.
Les magistrats appelés à se prononcer dans le cadre de la juridiction régionale le feront, certes, en fonction des condamnations prononcées dix ou quinze ans avant, mais surtout sur des expertises évaluant la dangerosité de la personne susceptible d'être placée dans un centre de rétention.
L'UMP rejettera donc cette exception d'irrecevabilité.
Mais en conclusion, je demande à nos collègues qui n'ont cessé, semaine après semaine, de nous répéter leur argumentation inopérante à mes yeux ce qu'ils proposent comme solution alternative.
L'autre solution serait, si je vous ai bien compris, une utilisation plus large de la législation et de la réglementation qui concernent l'hospitalisation d'office. Nous préférons, quant à nous, une juridiction présidée par des magistrats, garants de nos libertés individuelles, à une procédure purement administrative comme l'hospitalisation d'office.
Nous croyons, nous à l'UMP, que la protection des libertés individuelles est assurée et mieux assurée par des magistrats que par une autorité purement administrative dépendant d'un préfet et de l'autorité préfectorale.
Selon nous, ce texte n'a rien d'inconstitutionnel : il garantit et sauvegarde très largement les libertés individuelles. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. Michel Vaxès, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Nous nous associerons au recours devant le Conseil constitutionnel.
Nous entendons sans cesse les mêmes arguments !
Quelles solutions proposez-vous, nous a-t-on demandé ? Nous avons répondu !
Et à Mme la garde des sceaux qui a fait référence aux expériences menées à l'étranger, je rappelle que, dans les pays cités, les soins commencent dès le début de l'incarcération.
Donnez-vous les moyens d'engager les traitements dès le début de l'incarcération et vous verrez le résultat quinze ans après ! En tout état de cause, les expériences étrangères font la démonstration que si l'on s'y prend de cette manière, le taux de récidive baisse dès la première année dans des proportions considérables !
Personne ici n'a parlé de l'aspect rétroactif de la loi. Or, à elle seule, cette rétroactivité signifie, sauf à rester sourd à ce que suggère le président du Conseil constitutionnel – même si ce dernier ne s'est pas prononcé – que ce texte est inconstitutionnel.
C'est la raison pour laquelle le groupe GDR votera l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Je serai bref, monsieur le président. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les remarques de nos collègues de la majorité et je voudrais les appeler à la prudence. Nous sommes dans un débat de droit, et le droit est affaire d'interprétation. Je salue donc l'indépendance d'esprit du rapporteur du Sénat qui a dit que la distinction entre la mesure de sûreté et la rétroactivité de la peine ne va de soi : il serait bien imprudent de prévoir la décision du Conseil constitutionnel. Le groupe socialiste votera donc l'exception d'irrecevabilité.
Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.
(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)
La parole est à M. Étienne Blanc, premier orateur inscrit dans la discussion générale.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le texte tel qu'il fut adopté par le Sénat n'est pas très éloigné dans ses principes fondamentaux et son esprit de la loi de celui qui fut adopté par notre assemblée.
Dès lors, la commission mixte paritaire a permis de régler sans difficulté les quelques points sur lesquels le texte du Sénat se différenciait de celui de l'Assemblée nationale.
Les débats ont d'abord porté sur la rétention de sûreté. Concernant son champ d'application, le Sénat avait adopté une disposition qui visait à traiter différemment les victimes mineurs de quinze ans et les autres mineurs : cette différence n'était pas justifiée. La commission mixte paritaire est revenue au texte adopté par notre assemblée afin que ne s'opère plus de différence entre les victimes mineurs.
En deuxième lieu, la commission mixte paritaire a décidé d'apporter des garanties supplémentaires pour l'évaluation de la dangerosité de la personne : la décision de placement en rétention de sûreté sera prise par une juridiction régionale, après avis de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté.
En outre, la décision de placement en rétention ne sera possible qu'après une évaluation de la personne dans un centre spécialisé, pendant au moins six semaines. C'est une garantie supplémentaire donnée à la personne susceptible d'être placée dans un centre de rétention, au regard notamment de la composition de la juridiction régionale, qui est constituée de magistrats.
En troisième lieu, s'agissant des dispositions transitoires de l'article 12, la commission mixte paritaire a retenu les dispositions prévues par le Sénat, qui confirment le caractère subsidiaire de la rétention de sûreté. En effet pour les personnes exécutant au 1er septembre 2008 ou à partir de cette date une peine de réclusion criminelle d'une durée égale ou supérieure à quinze ans pour une ou plusieurs condamnations pour les crimes d'assassinat, de torture, d'acte de barbarie ou de viol, la rétention de sûreté ne sera applicable qu'à titre exceptionnel et seulement si une mesure de placement sous surveillance électronique mobile assignant la personne à résidence s'avère insuffisante.
Les personnes concernées pourront être soumises à une surveillance judiciaire, à un suivi socio-judiciaire ou à une surveillance de sûreté, à une obligation d'assignation à domicile sous le régime du placement sous surveillance électronique mobile. À titre exceptionnel, et seulement si l'obligation d'assignation à domicile apparaît insuffisante pour prévenir le risque de récidive, elles pourront faire l'objet d'un placement en rétention de sûreté.
La commission mixte paritaire a choisi d'apporter une garantie supplémentaire en subordonnant le placement à l'obligation pour la chambre de l'instruction d'avertir préalablement la personne qu'elle pourra faire l'objet d'un réexamen de sa situation. Très concrètement, la chambre de l'instruction fera comparaître la personne concernée, assistée par un avocat. S'il résulte de la ou des condamnations prononcées que la personne présente une particulière dangerosité pouvant justifier un placement en rétention de sûreté à l'issue de sa peine, elle avertit l'intéressé que sa situation pourra faire l'objet d'un examen de dangerosité. Le placement, le cas échéant, en rétention de sûreté par la commission régionale ne pourra intervenir que si cet avertissement solennel a été donné.
Les précisions et les garanties supplémentaires apportées par la commission mixte paritaire au dispositif de rétention de sûreté sont utiles et renforcent le respect des principes fondamentaux de notre droit et les garanties des libertés essentielles.
Enfin, s'agissant de la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, la commission mixte paritaire n'a pas bouleversé les dispositions adoptées par notre assemblée : les victimes ne se verront plus opposer un non-lieu, qui leur paraissait nier que les faits s'étaient produits, la juridiction se prononcera sur les faits et sur leur imputabilité et, surtout, elle permettra l'indemnisation.
S'agissant de l'injonction de soins, la commission mixte paritaire a retenu les dispositions du Sénat qui, ayant considéré que cette injonction imposait de renforcer les effectifs des médecins coordonnateurs choisis parmi des psychiatres, a ouvert la possibilité de les désigner parmi d'autres médecins à même d'exercer ces fonctions.
Madame la garde des sceaux, avec ce texte, loin de réagir à chaud à la pression d'événements circonstanciels, vous avez su apporter une réponse concrète aux Françaises et aux Français, exaspérés par les risques de récidive. Les auteurs de faits particulièrement graves ne pourront plus recouvrer la liberté sans l'encadrement nécessaire à la prévention de la récidive. Vous apportez, de surcroît, une bonne réponse au lancinant problème du non-lieu, opposé aux victimes de faits commis par des personnes irresponsables : la réalité des faits et leur imputabilité seront clairement établies avant que soit prononcée l'irresponsabilité. Enfin, vous renforcerez l'injonction de soins.
Dans ce projet de loi, il n'y donc rien de contraire aux principes fondamentaux de notre droit, rien qui heurte le respect des principes juridiques qui garantissent nos libertés individuelles. C'est la raison pour laquelle l'UMP le votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
(Mme Catherine Génisson remplace M. Jean-Marie Le Guen au fauteuil de la présidence.)
Madame la présidente, madame la garde des sceaux, chers collègues, ne nous trompons pas sur l'importance du choix que nous allons exprimer aujourd'hui. Notre vote sera emblématique. Dans notre société où les repères manquent, où les valeurs peinent à s'affirmer, où les principes deviennent confus, notre vote aura un sens : il exprimera à la fois l'idée que, nous parlementaires, nous nous faisons de la loi et de la justice.
Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires, disait Montesquieu. Cette nouvelle loi était-elle utile, madame la garde des sceaux ? Peut-être. Mais jamais cette question n'a été soumise à notre assemblée.
Ce projet a-t-il été précédé d'un bilan de l'application des lois existantes contre la récidive des délinquants sexuels criminels ? A-t-on débattu ici de l'injonction de soins dès le début de l'incarcération et du suivi socio-judiciaire institués par la loi de 1998 ? De la surveillance judiciaire instituée par la loi Perben du 9 mars 2004 ? Ou de l'utilisation du bracelet électronique mobile à la suite de la loi Clément ?
Nous sommes-nous interrogés sur les moyens mis à disposition de notre système pénitentiaire pour faire appliquer ces lois ? Avons-nous assez de médecins, de psychiatres, de psychologues, de surveillants, de conseillers d'insertion et de probation, de juges d'application des peines dans nos prisons ?
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Non !
Sont-ils suffisamment nombreux pour suivre les délinquants à leur sortie de prison ?
Alors que le crime odieux de Francis Evrard, qui a ému la France entière, continue de nous horrifier, nous sommes- nous posé quelques questions simples ?
Les lois existantes ont prévu le suivi psychiatrique des condamnés à une longue peine dès le début de leur incarcération. Francis Evrard a-t-il été soigné en prison alors qu'il y a passé trente-deux ans ? Non ! Aurait-il pu l'être alors que l'on sait que le service médico-psychologique régional du centre de détention de Caen, où il était détenu, a fermé en juillet 2005 ses douze lits par manque de psychiatres, deux ans avant sa libération ?
Pourquoi Francis Evrard n'a-t-il eu de rendez-vous avec le juge d'application des peines que sept semaines après sa libération en juillet 2007 alors qu'il avait déjà récidivé deux fois lors de ses deux précédentes libérations ? Ne serait-il pas possible de réduire ces délais si un juge d'application des peines n'avait pas 750 dossiers à suivre ?
Francis Evrard était-il soumis à la surveillance judiciaire qui aurait dû l'obliger à se présenter régulièrement au commissariat et qui aurait permis de constater qu'il avait quitté la ville de Caen ? Nous savons que non. Pourquoi ?
Francis Evrard portait-il un bracelet électronique mobile qui aurait permis de le suivre dans ses déplacements et d'éviter qu'il ne séjourne dans sept départements différents avant d'enlever le petit Enis ?
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Non !
Pourquoi ?
Enfin, a-t-on seulement envisagé l'hospitalisation d'office de Francis Evrard dans un hôpital psychiatrique ? Nous savons que non et je demande pourquoi. Il n'existait aucun obstacle juridique à ce qu'il le soit. Cette mesure, prévue par la loi depuis 1938, est en effet inscrite dans le code de la santé publique. En outre, monsieur Blanc, je précise que cette décision, prise par le préfet sur avis médical, est contrôlée par un magistrat. Elle présente une grande différence avec le système qui nous est proposé dans ce texte. C'est, en effet, dans un hôpital et non dans un centre pénitentiaire que l'on place la personne estimée dangereuse pour elle-même, pour autrui et pour l'ordre public.
L'enlèvement du petit Enis eut mérité que la nation, à travers nous, s'interroge sur notre système pénitentiaire et sur l'organisation de la psychiatrie en France. J'avais, en août 2007, proposé que soit créée une mission d'information conduite conjointement par la commission des lois et la commission des affaires sociales. Notre président de groupe, Jean-Marc Ayrault, en avait fait la demande à la conférence des présidents. Elle a été refusée. Pourtant c'est bien d'une commission d'enquête dont nous avions besoin : nous aurions pu interroger tous ceux qui ont eu la responsabilité de s'occuper de Francis Evrard depuis ses premiers crimes, car il a récidivé trois fois, chaque fois qu'il a été libéré. Sans doute aurions-nous découvert, comme après la commission d'enquête d'Outreau, la misère de notre système pénitentiaire et de la psychiatrie en France.
À ce constat, est-il approprié de répondre par une nouvelle loi ? Ne faut-il pas plutôt faire précéder toute nouvelle loi d'une analyse complète de notre arsenal législatif et des moyens indispensables à son bon fonctionnement ?
Faudra-t-il continuer à voter une nouvelle loi chaque fois qu'un crime odieux nous bouleverse ? La fuite en avant n'est pas bonne pour la démocratie. Elle obscurcit les vrais enjeux, elle produit de faux espoirs, elle conduit à la surenchère. Je vous demande, mes chers collègues, de vous poser un instant cette question : après une rétention de sûreté, si un criminel récidive, que fera-t-on ? Que dira-t-on à l'opinion à qui on aura laissé croire que cette mesure élimine le risque et protège la société des criminels dangereux ?
Aucune réponse n'a été apportée à ces questions avant que ce texte de loi soit soumis à notre examen. Aucun bilan sérieux sur les lacunes de notre système pénitentiaire et psychiatrique n'a été réalisé ; aucune démonstration de l'insuffisance des lois actuelles n'a été formulée. C'est dans ce vide que le Gouvernement nous propose un texte qui appelle de notre part les plus expresses réserves.
Ce texte porte atteinte à deux principes fondamentaux de notre droit pénal.
Depuis la Révolution française, une personne ne peut être emprisonnée que pour un acte commis et reconnu comme contraire à la loi par un tribunal. Depuis l'abolition des lettres de cachet, seule l'infraction rend l'incarcération possible. Or votre projet propose le placement, pour une durée d'un an, indéfiniment reconductible, peut-être jusqu'à la fin de leur vie, d'être humains, non en raison de ce qu'ils ont fait mais de ce qu'ils sont supposés être. Avec ce texte, serait passible de prison l'homme, ou la femme, réputé dangereux, et non plus seulement la personne jugée coupable d'un acte contraire à la loi. Incarcérer quelqu'un sur une suspicion de dangerosité, sur une présomption de culpabilité future éventuelle, passer ainsi de l'homme jugé coupable à l'homme supposé dangereux, c'est piétiner un principe fondamental de notre droit depuis la Déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen, qui dispose dans son article 9 que « Tout homme est présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable par un tribunal ». Ce principe de la présomption d'innocence, inscrit à l'article 1er de notre code de procédure pénale depuis le 15 juin 2000, n'existera plus pour cette catégorie de criminels si ce projet est voté.
Ce projet de loi ne respecte pas le principe de non- rétroactivité de la loi pénale la plus dure. Votre texte prévoit que la rétention de sûreté, c'est-à-dire l'enfermement, peut-être à vie, dans un centre gardé par des surveillants pénitentiaires, pourra être imposée aux détenus déjà condamnés, sans que la cour d'assises qui a prononcé cette condamnation ait prévu cette mesure. Depuis plus de deux siècles, ce principe de non-rétroactivité a toujours été respecté, sauf sous le régime de Vichy par les lois anti-juives. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La rétroactivité de la loi pénale la plus dure est contraire à la Constitution ainsi qu'à toutes les conventions internationales que le Parlement et le peuple français ont ratifiées.
En conclusion, les victimes de ces crimes odieux et leurs familles méritent mieux que cette escalade de lois inappliquées. Elles méritent qu'une vraie réflexion soit menée et de vrais moyens accordés à notre système pénitentiaire et psychiatrique. Elles méritent qu'on leur dise que l'on peut lutter contre la récidive sans piétiner le droit et les principes de la justice républicaine. Leur douleur nous impose un devoir de vérité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Madame la garde des sceaux, il y a un mois à peine, je regrettais ici même que nous discutions d'un texte relatif aux condamnés jugés dangereux avant même que nous examinions le projet de loi pénitentiaire, tant annoncé et tant attendu. Il est regrettable que votre majorité n'ait pas décidé de s'inspirer du rapport de M. Lecerf, notre collègue du Sénat, et qu'elle n'ait pas accepté les plus intéressants de ses amendements. Même si ces amendements n'étaient pas exceptionnels, au moins avaient-ils le mérite d'essayer de rendre ce projet de loi un peu plus conforme à nos principes fondamentaux.
Les cas de récidive mettent avant tout en évidence les défaillances de notre système et notre part de responsabilité dans les tragédies que nous déplorons tous ici. Partant de ce constat, il faudrait que les soins et traitements soient dispensés dès le début de l'incarcération et non quelques mois avant la date prévue de la libération.
Le texte aurait dû s'attacher à proposer, dans le cadre d'une réforme ambitieuse de notre système pénitentiaire, un parcours d'exécution de la peine correspondant à une véritable stratégie individualisée de lutte contre la récidive. Si un nouvel article du code de procédure pénale le prévoit, son manque d'ambition se traduit par le maintien de la rétention de sûreté. Si vous aviez eu la certitude que tous les moyens seront déployés pour permettre que cet article soit pleinement appliqué, vous auriez conclu à l'inutilité d'une rétention de sûreté après la peine. Mais ce que vous visez, quoi qu'en dise votre majorité, c'est bien la perpétuité réelle.
L'objectif de la réinsertion, clef de voûte de la lutte contre la récidive, n'est pas celui visé par la chancellerie. Vous nous proposez, au contraire, avec la complicité de votre majorité, de remettre au goût du jour la relégation.
Le dispositif proposé n'est rien d'autre qu'un aveu de faiblesse. Vous refusez de prendre les mesures qui s'imposent pour traiter de la situation des criminels les plus dangereux. Ces mesures existent ; elles supposent de dégager des moyens financiers et humains suffisants pour que la prison ne devienne pas le plus grand asile psychiatrique de France, pour reprendre l'expression de M. Lecerf. Or le Gouvernement n'est pas disposé à faire de tels efforts.
La prise en charge psychiatrique en France est telle que la prison reste malheureusement, et dans de trop nombreux cas, l'ultime recours. Ce choix n'est pas sans risques ; nous le mesurons aujourd'hui.
Le temps de la peine dans nos prisons est un temps mort. Même pour les longues peines, rien n'est entrepris, ou si peu, pour favoriser l'amendement du condamné. Les soins, les traitements, la prise en charge sociale, la formation, autant de mesures indispensables à la réinsertion, sont quasiment inexistants faute de moyens. C'est pourquoi, à leur sortie de prison, les condamnés n'auront bénéficié d'aucun suivi et n'auront aucun projet de réinsertion. Qui s'étonnera que les plus fragiles de ces détenus, les plus dangereux, récidivent ? Le Gouvernement et sa majorité en tirent prétexte pour médiatiser leur indignation et justifier les mesures les plus injustifiables. Cette posture ne sert que de paravent à votre immobilisme face à l'urgence pénitentiaire.
Faute d'agir, vous choisissez d'enfermer après la peine au prétexte de garantir à notre société un risque zéro qui n'existe pas. Et à quel prix ? Celui du sacrifice de nos principes fondamentaux et du renoncement aux valeurs qui fondent notre tradition humaniste. Il n'était pas utile d'en passer par là. Il aurait suffi que vous preniez vos responsabilités en vous engageant dans une réforme ambitieuse permettant une prise en charge médicale et sociale dès le début de la peine. Vous auriez pu alors, comme vous le prétendez, madame la garde des sceaux, mieux protéger les Français en prévoyant pour les condamnés un processus de soins et d'insertion, dans le respect de nos principes fondamentaux.
Vous avez beau répéter à l'envi que cette rétention de sûreté n'est pas une peine, mais une mesure de sûreté, les faits sont têtus. Les auteurs de crimes graves seront enfermés à leur sortie de prison, après avoir effectué leur peine, pour une durée inconnue, donc potentiellement illimitée. Une telle privation de liberté, bien que vous ayez décidé de lui donner une autre appellation juridique, s'apparentera donc bien à une peine pour le détenu.
Notre justice criminelle a toujours reposé sur un principe simple, selon lequel il ne peut y avoir de détention sans infraction. Aujourd'hui, vous piétinez ce principe , puisque la détention sera décidée, non plus sur la base d'un crime commis, mais d'un crime dont on craint qu'il le soit. Pour reprendre l'expression parfaitement adaptée d'un de vos éminents prédécesseurs, notre justice punira « un auteur virtuel d'infractions éventuelles ». Et selon quels critères ? Celui de la dangerosité appréciée par des experts psychiatriques. Vous avez pourtant reconnu, madame la garde des sceaux, qu'il était difficile de définir la notion de dangerosité. Du reste, lors de votre audition devant la commission des lois, vous aviez mis en garde les membres de votre majorité sur les risques d'inconstitutionnalité.
Cet appel à la prudence aura été de courte durée puisque, quelques jours plus tard, vous acceptiez les amendements tendant à élargir le champ de la mesure, initialement limitée aux crimes graves commis sur des mineurs de quinze ans.
Mais ce n'est pas le seul risque d'inconstitutionnalité que vous avez décidé de braver puisqu'un amendement gouvernemental a prévu la rétroactivité de la mesure. Nos collègues sénateurs et leur rapporteur ont tenté, lors de l'examen du texte en commission, d'être bien moins imprudents, mais c'était sans compter sur la détermination du Gouvernement qui a fortement insisté pour que la rétention de sûreté soit immédiatement appliquée, y compris pour les personnes déjà condamnées. Et il a été malheureusement suivi par la majorité des parlementaires. L'article 12 prévoit ainsi l'application de la rétention aux personnes déjà condamnées. Malgré l'usine à gaz mise en place et toutes vos contorsions juridiques, vous ne pouvez masquer l'évidence : la mesure sera rétroactive et ne pourra donc satisfaire aux exigences constitutionnelles.
Le président du Conseil constitutionnel a d'ailleurs rappelé ce week-end que le principe de rétroactivité des lois ne s'applique que pour les lois pénales les plus douces. Sans préjuger de la décision du Conseil constitutionnel, on peut d'ores et déjà y voir là un indice.
Le débat autour de la notion de peine et de la mesure de sûreté est un faux débat car, comme le rappelle un sénateur de votre majorité, « la gravité de l'atteinte à la liberté est la racine de l'exigence de non-rétroactivité, même si la mesure prise n'est pas une sanction pénale ».
Toutefois, et vous l'aurez compris, ce n'est pas l'inconstitutionnalité de cette mesure qui détermine avant tout notre opposition, c'est le fait que cette rétention de sûreté heurte notre conception de la justice. On ne peut détenir à vie un individu sans jugement. L'homme est entré dans la civilisation le jour où il a fait sien ce principe. Nous ne validerons pas, par notre vote, un tel recul de civilisation.
Permettez-moi de conclure mon intervention par quelques réflexions sur le deuxième volet du texte, celui qui instaure une procédure de déclaration d'irresponsabilité pénale pour les criminels atteints de trouble mental. L'article 4 réintroduit un dispositif que nous avions rejeté lors de l'examen du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance : le fichage des personnes atteintes de troubles mentaux.
Il prévoit que les décisions reconnaissant l'irresponsabilité pénale seront désormais inscrites au casier judiciaire. Celui-ci a pour vocation de ne collecter que les données à caractère personnel en lien avec des infractions, des condamnations ou des mesures de sûreté. Il m'avait semblé que la déclaration d'irresponsabilité pénale n'entrait dans aucune de ces catégories. Quelle est la raison d'être de ce dispositif, si ce n'est le fichage des personnes atteintes de troubles mentaux ? Vous comprendrez que nous ne pouvons y souscrire.
Enfin, je ne peux quitter cette tribune sans évoquer l'événement dramatique qui s'est produit lundi dernier à Meyzieu. Un enfant de seize ans s'est pendu dans un établissement pénitentiaire pour mineurs.
Ce drame démontre les limites de votre politique répressive à l'égard des mineurs. Il devrait nous inciter tous à la réflexion. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Madame la garde des sceaux, nous examinons dans cet hémicycle, pour la deuxième fois en un mois, un projet qui vise à combattre la récidive des crimes les plus odieux. C'est un problème délicat car il s'agit d'évaluer la dangerosité de criminels qui ont déjà été condamnés et de tout mettre en oeuvre pour lutter contre la récidive. J'ai entendu les représentants de l'opposition nous faire à cette tribune la leçon et nous rappeler des principes auxquels nous sommes aussi attachés qu'eux. Dans un grand journal du soir daté du 6 février, deux magistrats honoraires sont allés même jusqu'à déclarer que ce projet de loi était une insulte aux libertés les plus essentielles. Or de quoi s'agit-il ?
Madame Guigou, vous avez été ministre de la justice. Je me souviens que nous avons tenté d'apporter notre contribution pour améliorer le texte que vous présentiez en 2000. Et je me rappelle plus particulièrement que vous vous étiez opposée à nos amendements qui visaient à prendre en compte la dangerosité de certains criminels. Alors, quand je vous entends nous donner des leçons en évoquant Vichy, je trouve que vous manquez de retenue. C'est un problème suffisamment grave pour que chacun d'entre nous fasse preuve d'humilité. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Que contient le présent texte ? Des mesures novatrices qui visent à évaluer la dangerosité de certains criminels avant leur sortie de prison. C'est tout !
Mme la garde des sceaux et M. le rapporteur vous ont répondu tout à l'heure que le travail qui a été fait, à l'Assemblée nationale et au Sénat, ainsi qu'en CMP a permis de répondre à des interrogations légitimes…
…et d'apporter toutes les assurances sur la constitutionnalité du texte et les possibilités de recours.
Mme la ministre de la justice l'a rappelé, il ne s'agit pas d'une peine, mais d'une mesure de sûreté.
Avant de relâcher un individu particulièrement dangereux, sa dangerosité sera évaluée et il sera obligé de suivre un traitement avant de sortir de prison.
Vous avez posé des questions légitimes sur les moyens. Mme la garde des sceaux, en six mois, a fait voter plusieurs textes que l'opposition appelait de ses voeux tels que le contrôle des lieux privatifs de liberté. Mais qui a voté les crédits du budget de la justice et ceux de l'administration pénitentiaire, en augmentation de 7 % ? C'est nous, et pas vous.
Qui a pris l'initiative d'élaborer une loi pénitentiaire, sinon Mme la garde des sceaux ? Nous sommes d'accord pour fournir les moyens nécessaires pour traiter les détenus dangereux. Mais au-delà des discours, il y a l'action, et l'action est du côté du Gouvernement et de la majorité.
Au nom des députés du groupe Nouveau Centre, je voudrais remettre en perspective le présent texte, madame la garde des sceaux. Il est destiné à éviter la récidive et se place clairement du côté des victimes. Nous savons quelle est la douleur des familles,...
..nous les avons auditionnées, et nous avons pu mesurer le drame qu'elles vivent. Le législateur a l'obligation d'en tenir compte.
Le texte introduit un dispositif nouveau, inspiré, vous l'avez dit, madame le garde des sceaux, de ce qui se passe dans d'autres démocraties occidentales (« C'est faux ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine), en Angleterre, en Allemagne et au Canada.
Le projet de loi a le mérite de respecter les principes auxquels la majorité est tout aussi attachée que l'opposition : c'est une juridiction qui rendra la décision, à l'encontre de laquelle il y a des voies de recours possibles, et qui sera prise pour une durée limitée, même si elle est renouvelable. Mais nous avons aussi le devoir de veiller à ce qu'il y ait les moyens de traiter les détenus les plus dangereux. En se donnant les moyens de lutter contre la récidive, le texte prend toute sa dimension et les députés du Nouveau Centre lui apportent, madame la garde des sceaux, tout leur soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Madame la présidente, madame la garde des sceaux, notre assemblée est invitée à adopter aujourd'hui un projet de loi visant à instaurer une « rétention de sûreté », qui permettra, après l'exécution de la peine de prison, de prolonger, sans limitation de durée, sans peine et sans infraction, l'enfermement des personnes considérées comme d'une « particulière dangerosité ».
Le Gouvernement a choisi, une fois de plus, d'utiliser la procédure d'urgence. Elle ne facilite jamais les débats parlementaires, mais, en l'occurrence, le procédé est une aberration et une indécence dans la mesure où cette loi ne devrait pas, en vertu du principe de non-rétroactivité, avoir de véritable effet avant quinze ans, bien qu'un subterfuge vous permette d'ouvrir le premier centre de rétention de sûreté dès le 1er septembre 2008, à Fresnes.
Un tel dispositif, préparé à la hâte à la suite de l'affaire Évrard, relève d'une philosophie de l'enfermement qui s'inscrit dans la culture du « risque zéro ». Sous prétexte de lutter contre la récidive, elle impose, depuis plusieurs années, des législations de plus en plus répressives et attentatoires aux libertés publiques. Il ne s'agit plus seulement de durcir les sanctions ou de renforcer les moyens de contrainte, mais bien de procéder à des enfermements préventifs, sur la base d'une présomption d'infraction future et dans une logique d'élimination qui s'apparente à une mort sociale. Initialement circonscrit aux infractions les plus graves commises sur les mineurs, ce texte, comme la plupart des dispositifs répressifs, a été élargi et il est susceptible d'extensions au gré des faits divers du moment.
Cette nouvelle mesure est en réalité une véritable peine privative de liberté, qui s'applique sans que de nouveaux crimes ou délits aient été commis, remettant ainsi en cause l'autorité de la chose jugée.
Cette nouvelle peine n'est pas de même nature que la peine classique. Elle constitue, selon Robert Badinter, une révolution de notre droit pénal, puisque la cour d'assises envisage, lors de la condamnation initiale, une seconde peine sans qu'un fait nouveau objectif soit nécessaire. L'expertise pluridisciplinaire n'aura qu'une valeur de confirmation.
La confusion règne : le projet de loi envisage la possibilité d'une rétention de sûreté prononcée à l'encontre d'une personne exécutant une mesure de suivi socio-judiciaire.
Jusqu'à présent, on a toujours respecté en France le principe de responsabilité pénale. Avec la loi nouvelle, le lien est rompu : il n'y a plus d'infraction, mais un diagnostic psychiatrique de « dangerosité », destiné à déceler une prédisposition innée ou acquise à commettre des crimes. Que reste-t-il de la présomption d'innocence dans un tel système ?
On nous dit que le texte ne prévoit cette « rétention de sûreté » que pour des criminels particulièrement odieux. On souligne que le texte exige que la mesure soit demandée par une commission pluridisciplinaire. On insiste sur le fait que la rétention ne sera ordonnée qu'au vu d'expertises psychiatriques sur la dangerosité du sujet. Est-il besoin de rappeler que le concept de dangerosité demeure toujours incertain ? Il n'y aura demain aucune raison d'arrêter demain le champ des possibles.
Et que penser de la rétroactivité du texte ? Elle fait basculer l'État de droit démocratique vers une norme juridique totalitaire. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est une grave dérive de la démocratie que de permettre une peine préventive indéterminée et rétroactive au seul motif d'une « probabilité très élevée » de réitération d'une infraction. Son caractère indéterminé viole le principe de légalité des délits et des peines, et son caractère préventif le principe de responsabilité pénale. En la déclarant applicable aux condamnés exécutant actuellement une peine prononcée antérieurement à son entrée en vigueur, le texte viole en outre le principe de non-rétroactivité de la loi pénale, ce qui ne s'était pas vu depuis le régime de Vichy. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Que devient dans ces conditions la notion de procès équitable, protégée par la Constitution ?
En adoptant ce texte, la France se dotera d'un dispositif sans équivalent dans les démocraties occidentales car, contrairement à ce que le Gouvernement veut laisser croire, rien de comparable n'existe en Europe. Aux Pays-Bas et en Belgique, ce type d'enfermement n'intervient qu'en substitution à la peine.
Aujourd'hui, avec un dispositif comparable et au prétexte de leur dangerosité sociale, certains pays enferment des journalistes dans des établissements psychiatriques. (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Et qui les a mis sur écoutes, les journalistes ? Sans même que le garde des sceaux de l'époque s'en aperçoive !
Dans un rapport d'information (Très vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...
Dans un rapport d'information sur les mesures de sûreté concernant les personnes dangereuses, les sénateurs Philippe Goujon et Charles Gautier indiquaient que « s'il est indispensable de limiter le plus possible le risque de récidive, celui-ci ne peut, dans une société de droit respectueuse des libertés individuelles, être complètement éliminé. Le risque zéro n'existe pas ». Nous ne pouvons pas accepter un modèle de société qui sacrifie nos libertés au profit d'un objectif illusoire de « risque zéro ». (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche – « Zéro ! Zéro ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Jean Jacques Urvoas, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le groupe SRC votera naturellement contre ce texte qui ressemble malheureusement à celui que nous avons examiné en première lecture. Tout a été dit sur les raisons de notre opposition.
Opposition à la méthode d'abord : l'urgence réclamée sur ce texte nous a privés d'un débat qui aurait mérité d'être plus long.
L'échange entre les deux assemblées, l'intérêt de la navette, les enjeux que porte le texte, les défis qu'il lance, méritaient sans doute mieux que ces débats contraints.
Opposition sur le fond, ensuite : au coeur du débat se trouve une notion dont la légitimité scientifique, voire la définition elle-même, laisse pour le moins à désirer, je veux parler de la dangerosité. Nous n'avons d'ailleurs pas, en dépit des confrontations passionnées ou des recherches nombreuses que nous avons menées les uns et les autres, trouvé de médecins psychiatres estimant convaincants les outils d'évaluation de la dangerosité criminologique destinés à prévenir la récidive. Tout au plus les experts admettent-ils d'en faire usage dans le cadre strict de la recherche, mais ils ne les érigent pas pour autant en instruments de décision judiciaire. Nous persistons donc à penser que la notion de dangerosité criminologique revêt un aspect bien trop aléatoire pour justifier l'enfermement potentiellement perpétuel d'un individu.
Non seulement dangereux, ce texte est aussi, de notre point de vue, inutile. Nous estimons disposer, au moins sur le papier, d'un arsenal juridique suffisant pour lutter contre la récidive : la loi Guigou de 1998, la loi Perben II de 2004, la loi Clément de 2005, l'hospitalisation d'office, le suivi socio-judiciaire, le bracelet électronique, la surveillance judiciaire, l'inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles.
Là où le bât blesse, c'est sur la question des moyens humains et budgétaires : ils ne suivent pas. Élisabeth Guigou l'évoquait tout à l'heure, il manque aujourd'hui 830 psychiatres dans le secteur public hospitalier auquel revient la prise en charge psychiatrique des détenus. À l'horizon 2020, il devrait en manquer 2 000.
Voilà un texte qui repose sur un dispositif d'évaluation de la dangerosité plus que discutable, un texte inutile, un texte contraire, à nos yeux, à la Constitution ainsi qu'à plusieurs conventions que nous avons signées.
Madame la ministre, je ne reviendrai pas sur les remarques que le groupe SRC vous a faites. Vous nous avez expliqué qu'il s'agit non pas d'une peine, mais d'une mesure de sûreté. Nous avons un désaccord juridique sur ce point et nous serons rapidement fixés puisque nous saisirons le Conseil constitutionnel. Nous avons pris connaissance, sans y voir nécessairement une indication, de la déclaration du président du Conseil constitutionnel ce week-end qui a émis des doutes sur la conformité du texte avec les principes généraux du droit et sur sa constitutionnalité.
Le dispositif est contraire à l'article 5 de la convention européenne des droits de l'homme qui ne fait pas de la dangerosité un motif légitime de privation de liberté. Il est contraire à la présomption d'innocence et au principe en vertu duquel un individu ne peut pas être puni deux fois pour les mêmes faits, sauf en cas de réouverture d'un procès au pénal. Pour toutes ces raisons, nous espérons, madame la ministre, que ce texte ne sera pas appliqué en l'état.
En conclusion, je voudrais vous dire, avec toute la gravité que le sujet mérite, que ce texte est dangereux en raison des chimères qu'il fait naître. Élisabeth Guigou l'a dit, mais je veux y insister, que se passera-t-il demain si, après qu'un individu aura purgé sa peine, après qu'il aura été placé en centre médico-socio-judiciaire, qu'il aura été déclaré, selon les termes du texte, « exempt d'une probabilité très élevée de commettre à nouveau l'une des infractions visées à l'article L. 706-53-13 du code de procédure pénale », cet individu finit par récidiver et se rendre coupable d'un autre crime atroce ? Que dirons-nous alors à ceux qui auront cru, de bonne foi, qu'une telle situation n'arriverait pas ? Que dirons-nous à ceux qui vous ont écoutés et qui auront cru que ce type d'enfermement constituait la panacée ? À quelle surenchère devrez-vous alors vous livrer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La parole est à M. Étienne Blanc, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Madame la présidente, mes chers collègues, le groupe UMP votera bien entendu ce texte. (« Pourquoi “bien entendu” ? » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Cela a été dit : nous sommes démunis face au risque que représentent certains criminels, déjà condamnés, mais qui restent manifestement dangereux ; si nous sommes à peu près armés contre la dangerosité psychiatrique, nous ne le sommes pas contre la dangerosité criminologique.
Quant à moi, je remercie Jean-Jacques Urvoas d'avoir replacé le débat sur le terrain qui aurait dû toujours être le sien. Nos analyses sur la constitutionnalité de ce texte divergent, c'est indéniable, et nous nous en sommes expliqués. En revanche, permettez-moi de vous dire que nous avons été exaspérés par le procès d'intention qui a été fait, à nous, membres du groupe UMP, ainsi qu'à Mme la garde des sceaux. Tout de même ! Faire référence à Lombroso et à certains épisodes de l'histoire juridique et politique française et européenne, comme Vichy ou Nuremberg, c'est inacceptable ! (« Oui, c'est indigne ! Honteux ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nous pouvons, sur certains textes, avoir des divergences, nous pouvons même, sur quelques principes fondamentaux, nous séparer, mais ce procès d'intention est indigne de notre assemblée ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Lamentable !
Avec ce texte, nous avons simplement tenté d'apporter une réponse à un vrai problème – qui, d'ailleurs, a donné lieu, dans l'histoire parlementaire, à quantité de débats, sans que nos prédécesseurs réussissent à le régler.
Nous ne leur en faisons pas grief. Mais les temps changent, les sciences et la psychiatrie évoluent, et notre droit doit s'adapter. Je l'ai dit et je le redis : avec ce texte, madame la garde des sceaux, vous le faites évoluer dans le bon sens, dans le respect des libertés fondamentales et en vous attachant à rendre compatibles la défense des intérêts des victimes et celle des principes fondamentaux de notre droit. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.
(L'ensemble du projet de loi est adopté.)
Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, je remercie votre assemblée pour le vote de ce texte très important.
Je remercie aussi, bien sûr, les députés membres de la commission mixte paritaire et son président, M. Jean-Luc Warsmann, pour le travail qu'ils ont accompli afin de parvenir au texte adopté.
Enfin, je tiens à saluer tout particulièrement le rapporteur du projet de loi, M. Georges Fenech. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.) Monsieur le rapporteur, vous avez grandement contribué à ce que ce texte réponde aux attentes des Français, tout en respectant les grands principes de notre droit. Je rends hommage à votre engagement et à votre exigence.
En adoptant ce texte, mesdames et messieurs les députés, vous améliorez la protection de nos concitoyens dans le respect des principes fondamentaux de notre droit. Je vous remercie d'avoir ainsi su répondre à leurs attentes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Discussion du projet de loi autorisant la ratification du traité de Lisbonne.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-huit heures cinquante.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,
Jean-Pierre Carton