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Intervention de Rachida Dati

Réunion du 6 février 2008 à 15h00
Rétention de sûreté et déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental — Discussion du texte de la commission mixte paritaire

Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, vous examinez aujourd'hui les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.

Il s'agit, vous le savez, d'un texte important et ambitieux. Il vise à mieux protéger nos concitoyens, il est attendu de tous les Français. Il offre une prise en charge nouvelle aux personnes condamnées qui restent d'une particulière dangerosité à la fin de leur peine. Il permet aussi de tirer toutes les conséquences d'une infraction commise par une personne déclarée pénalement irresponsable. Sur ces deux aspects, nous avons ensemble recherché le meilleur équilibre entre les droits des personnes en cause et les attentes de la société.

Je voudrais ici souligner le rôle majeur joué par le Parlement et notamment par votre assemblée. Je tiens à remercier tout particulièrement le président de votre commission des lois, Jean-Luc Warsmann, et votre rapporteur, Georges Fenech. La qualité de leur travail a contribué à améliorer notablement le texte du Gouvernement.

Sur un sujet aussi essentiel, votre assemblée s'est montrée constructive et soucieuse de répondre à la préoccupation exprimée par les Français.

Les dispositions relatives à la nouvelle procédure de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental n'ont pas fait l'objet de modifications substantielles de la part du Sénat. De même, la commission mixte paritaire a repris, pour l'essentiel, le texte adopté par le Sénat sur le volet sanitaire de ce texte.

Vous le savez, l'essentiel de nos débats a porté sur la rétention de sûreté. Il s'agit d'une mesure nouvelle dans notre droit, même si elle existe depuis longtemps dans d'autres pays, tels que la Belgique, les Pays-Bas, l'Allemagne ou le Canada. Elle a soulevé de nombreuses interrogations dans cet hémicycle, mais je crois que le texte issu de la commission mixte paritaire est de nature à répondre à certaines de ces interrogations.

Le texte qui vous est soumis reprend la volonté de l'Assemblée nationale de bien préciser le champ d'application de la loi. Votre assemblée avait souhaité que les nouvelles dispositions puissent s'appliquer aux auteurs de crimes commis sur des mineurs, qu'ils aient moins ou plus de quinze ans. Elle avait également souhaité que ces dispositions s'appliquent aux crimes commis sur des victimes majeures, à condition qu'ils soient commis avec des circonstances aggravantes. Le texte issu de la commission mixte paritaire répond à ces objectifs.

Votre assemblée avait également souhaité mieux cerner les critères susceptibles de justifier une rétention de sûreté. Je me souviens notamment que nous avons eu un débat nourri sur la nécessité de prévoir un régime distinct de celui de l'hospitalisation d'office.

Le texte issu de la CMP répond à cet objectif, en précisant que les personnes visées sont les personnes qui présentent une grande dangerosité parce qu'elles souffrent d'un trouble grave de la personnalité. Ces personnes sont responsables de leurs actes, mais les faits pour lesquels elles ont été condamnées démontrent leur dangerosité et la nécessité dans laquelle elles se trouvent de suivre des soins.

Le texte qui vous est soumis renforce les garanties des personnes. Nous avions longuement débattu de la nécessité d'assurer des soins dès le début de la détention. Le texte issu de la commission mixte paritaire prévoit un examen systématique dans le centre national d'observation, afin de définir un parcours adapté.

Nous avions également débattu de la difficulté d'évaluer l'existence d'une dangerosité à la fin de la peine et du poids qui risquerait de peser sur les experts. Si la dangerosité initiale de certains criminels est évidente au moment du jugement, il est plus difficile de l'évaluer à la fin de la peine. Le texte issu de la commission mixte paritaire renforce l'expertise en fin de peine, en prévoyant, pendant une durée de six semaines, un nouvel examen pluridisciplinaire réalisé par deux experts au Centre national d'observation. Les trois juges qui prononceront la mesure de rétention seront donc entièrement éclairés.

Nous avions enfin débattu de la nécessité d'éviter que la rétention de sûreté s'apparente à un simple enfermement indéfini. Le texte issu de la commission mixte paritaire insiste sur le fait qu'un suivi médical et psychologique adapté devra être mis en place dans le centre socio-médico-judiciaire. Le décret d'application devra définir précisément les droits en matière d'emploi, d'éducation et à la formation des personnes placées en rétention de sûreté. Le rôle des centres socio-médico-judiciaires de sûreté est de donner le plus de chances possible aux personnes concernées, de remédier à leurs troubles et donc de réduire leur dangerosité.

Les personnes retenues bénéficieront d'offres de soins individualisées et adaptées à leur profil : prise en charge médico-sociale renforcée, traitement antihormonal avec le consentement de l'intéressé, psychothérapie individuelle ou de groupe, accompagnement socio-éducatif, structuration sociale par le travail et la formation.

Nous avons beaucoup de choses encore à découvrir sur le traitement de la dangerosité et les conditions du passage à l'acte. Il y a beaucoup à apprendre des pays qui ont déjà des dispositifs équivalents.

J'ai l'espoir aussi que le travail réalisé dans ces centres de soins contribue à faire progresser nos connaissances en cette matière dans tous les domaines scientifiques. Le centre socio-médico-judiciaire qui ouvrira dans l'hôpital de Fresnes permettra de mettre en place cette dynamique.

Le texte qui vous est soumis prévoit que la rétention de sûreté pourra s'appliquer aux tueurs et aux violeurs en série qui sortiront de prison dans les années à venir. Nous avons eu de longs débats sur ce sujet, mais soyons clairs : les Français ne pourraient pas comprendre que l'on attende quinze ans avant que ce dispositif puisse s'appliquer à des psychopathes qui refusent de se soigner. La rétention de sûreté est donc une mesure de sûreté, ce n'est pas une peine. Elle est donc immédiatement applicable, comme l'a expressément jugé la Cour constitutionnelle allemande dans une décision du 5 février 2004.

Le Sénat a renforcé le caractère exceptionnel et subsidiaire de ce dispositif transitoire en posant deux conditions : en prévoyant d'abord qu'une rétention de sûreté ne pourrait être envisagée que si une assignation à domicile sous surveillance électronique mobile était insuffisante ; en établissant ensuite que les personnes incarcérées au moment de l'entrée en vigueur de la loi devront être averties par la chambre de l'instruction que la dangerosité révélée par leur condamnation pourra justifier un placement en rétention de sûreté à la fin de la peine. Les personnes pourront ainsi décider de suivre des soins pendant leur détention.

Après cet important travail préparatoire, nous sommes parvenus aujourd'hui, j'en ai la conviction, à un texte qui respecte nos principes constitutionnels fondamentaux et les exigences de la Convention européenne des droits de l'homme.

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