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Intervention de Élisabeth Guigou

Réunion du 6 février 2008 à 15h00
Rétention de sûreté et déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉlisabeth Guigou :

À ce constat, est-il approprié de répondre par une nouvelle loi ? Ne faut-il pas plutôt faire précéder toute nouvelle loi d'une analyse complète de notre arsenal législatif et des moyens indispensables à son bon fonctionnement ?

Faudra-t-il continuer à voter une nouvelle loi chaque fois qu'un crime odieux nous bouleverse ? La fuite en avant n'est pas bonne pour la démocratie. Elle obscurcit les vrais enjeux, elle produit de faux espoirs, elle conduit à la surenchère. Je vous demande, mes chers collègues, de vous poser un instant cette question : après une rétention de sûreté, si un criminel récidive, que fera-t-on ? Que dira-t-on à l'opinion à qui on aura laissé croire que cette mesure élimine le risque et protège la société des criminels dangereux ?

Aucune réponse n'a été apportée à ces questions avant que ce texte de loi soit soumis à notre examen. Aucun bilan sérieux sur les lacunes de notre système pénitentiaire et psychiatrique n'a été réalisé ; aucune démonstration de l'insuffisance des lois actuelles n'a été formulée. C'est dans ce vide que le Gouvernement nous propose un texte qui appelle de notre part les plus expresses réserves.

Ce texte porte atteinte à deux principes fondamentaux de notre droit pénal.

Depuis la Révolution française, une personne ne peut être emprisonnée que pour un acte commis et reconnu comme contraire à la loi par un tribunal. Depuis l'abolition des lettres de cachet, seule l'infraction rend l'incarcération possible. Or votre projet propose le placement, pour une durée d'un an, indéfiniment reconductible, peut-être jusqu'à la fin de leur vie, d'être humains, non en raison de ce qu'ils ont fait mais de ce qu'ils sont supposés être. Avec ce texte, serait passible de prison l'homme, ou la femme, réputé dangereux, et non plus seulement la personne jugée coupable d'un acte contraire à la loi. Incarcérer quelqu'un sur une suspicion de dangerosité, sur une présomption de culpabilité future éventuelle, passer ainsi de l'homme jugé coupable à l'homme supposé dangereux, c'est piétiner un principe fondamental de notre droit depuis la Déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen, qui dispose dans son article 9 que « Tout homme est présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable par un tribunal ». Ce principe de la présomption d'innocence, inscrit à l'article 1er de notre code de procédure pénale depuis le 15 juin 2000, n'existera plus pour cette catégorie de criminels si ce projet est voté.

Ce projet de loi ne respecte pas le principe de non- rétroactivité de la loi pénale la plus dure. Votre texte prévoit que la rétention de sûreté, c'est-à-dire l'enfermement, peut-être à vie, dans un centre gardé par des surveillants pénitentiaires, pourra être imposée aux détenus déjà condamnés, sans que la cour d'assises qui a prononcé cette condamnation ait prévu cette mesure. Depuis plus de deux siècles, ce principe de non-rétroactivité a toujours été respecté, sauf sous le régime de Vichy par les lois anti-juives. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

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