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Intervention de Philippe Séguin

Réunion du 6 février 2008 à 15h00
Dépôt du rapport annuel de la cour des comptes

Philippe Séguin, premier président de la Cour des comptes :

…et l'entreprise reste très dépendante de ses dernières activités de monopole. Elle devra donc encore faire un effort pour aligner sa productivité sur ses concurrentes.

Troisième sujet sur lequel la Cour avait apporté son concours à votre assemblée : celui de la gestion immobilière de l'État. L'enjeu est considérable puisqu'il porte sur un patrimoine estimé à environ 50 milliards d'euros. La Cour dénonce depuis longtemps les gaspillages, la faiblesse de la maîtrise d'ouvrage et la priorité trop souvent donnée aux opérations nouvelles sur les opérations d'entretien.

Sur ce dossier, je me dois de souligner que l'intervention de la mission d'évaluation et de contrôle, créée par votre commission des finances, a été pour beaucoup dans l'annonce, en février 2006, d'une réforme de la politique immobilière de l'État, incluant la création de l'agence France Domaine, héritière du service des domaines du ministère de l'économie des finances et de l'industrie.

Ces décisions sont prometteuses de changements significatifs. Force est de constater que nous n'y sommes pas encore. Les cinq exemples cités par la Cour dans son rapport annuel illustrent chacun un aspect différent des problèmes. L'un est malheureusement classique : il s'agit de la rénovation du grand ensemble de bureaux des ministères sociaux, place de Fontenoy à Paris. Faute d'engagement politique et financier clair, l'opération ne sera bouclée au mieux qu'en 2011, soit quasiment 20 ans après avoir été lancée en 1992. Quant aux dépenses, elles auront plus que doublé par rapport aux estimations initiales.

Deux autres cas illustrent les risques du recours à des montages dits « innovants », sortes de partenariats public-privé, pour financer des localisations nouvelles. Pour le ministère de l'intérieur, c'est la relocalisation des directions de renseignement à Levallois-Perret et, pour le ministère des affaires étrangères, la construction d'un immeuble pour les archives diplomatiques. Résultat de ces « innovations » qui visent en fait, le plus souvent, à faire face à l'insuffisance de crédits immédiatement disponibles : des surcoûts très importants pour l'État, estimés à près 40 millions d'euros en valeur actualisée pour le seul ministère de l'intérieur, qui sont dus notamment au fait qu'on paraît avoir oublié que l'État emprunte à un taux plus bas que les sociétés auxquelles il fait appel.

Vous retrouverez également dans le rapport l'évocation de cas bien connus de la mission d'évaluation et de contrôle : la restructuration de l'immeuble des Bons-Enfants, resté sans occupant pendant plus de quinze ans pour cause de querelle entre le ministère des finances et celui de la culture, ou les conditions du relogement des affaires étrangères sur l'ancien site de l'Imprimerie nationale.

De façon générale, l'État a fait preuve dans toutes ces opérations d'une myopie coûteuse.

Le rapport contient de nombreux autres exemples illustrant la difficulté qu'éprouve l'État pour réformer sa gestion interne. C'est le cas des pensions des fonctionnaires. Si les pensions sont généralement bien versées dans les règles et à temps, le service est de qualité médiocre et faiblement productif. On estime les économies possibles à 1 200 agents, soit 40 % des effectifs actuels ! Nous avions déjà signalé cette situation en 2003. Aujourd'hui, elle n'est plus acceptable, et c'est pourquoi nous croyons devoir revenir à la charge.

La Cour aborde aussi dans ce rapport ce qu'elle qualifie, avec le sens de la litote que chacun lui reconnaît, de « curiosité administrative », les conservations des hypothèques. Les conservateurs des hypothèques bénéficient d'un statut datant d'un édit de Louis XV pris en 1771. Leurs rémunérations font partie des plus élevées du ministère des finances, sans lien avec leurs responsabilités véritables. Ceci peut expliquer que le nombre de conservations et donc de conservateurs n'ait pas bougé, alors que le nombre d'agents a déjà beaucoup diminué. À côté de cela, les usagers continuent à payer des tarifs élevés et les prestations ne bénéficient pas encore de tous les progrès rendus possibles par l'informatisation. Là encore, ce n'est pas la première fois que la Cour préconise une profonde réforme, qui n'a été visiblement différée que pour maintenir un débouché particulièrement attrayant.

Je vous ai parlé de gestion interne à l'État. La Cour s'est également intéressée à la manière dont celui-ci assume sa fonction d'actionnaire.

À cet égard, il convient tout d'abord de souligner les progrès engendrés par la création de l'Agence des participations de l'État, qui a permis un plus grand professionnalisme des opérations en capital, ainsi qu'une meilleure gouvernance des entreprises publiques.

Le gros problème qui demeure, c'est que l'État actionnaire a des intérêts contradictoires : patrimoniaux et financiers d'un côté – comme n'importe quel boursicoteur –, stratégiques de l'autre. Il est, de ce fait, schizophrène. Doit-il seulement gagner de l'argent ou peser sur l'évolution des entreprises ? Ainsi, la situation financière – le déficit, pour parler clair – le pousse parfois à vendre, au détriment d'une vision de long terme de ses intérêts. Pour schématiser, il est des cas où l'État vend mal et vend des participations pourtant stratégiques. Du coup, il se retrouve de plus en plus souvent dans une position d'actionnaire minoritaire, qui affaiblit ses positions et sa maîtrise des décisions. La mauvaise gestion de l'affaire EADS est symptomatique de ces difficultés.

Nous citons aussi à l'appui de nos analyses l'exemple de la privatisation des sociétés concessionnaires d'autoroutes, qui n'a pas rapporté autant qu'elle aurait pu et qui a été conduite sans que les précautions nécessaires à la protection des usagers en matière de tarifs aient été prises.

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