Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Réunion du 6 février 2008 à 15h00
Rétention de sûreté et déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Urvoas :

L'échange entre les deux assemblées, l'intérêt de la navette, les enjeux que porte le texte, les défis qu'il lance, méritaient sans doute mieux que ces débats contraints.

Opposition sur le fond, ensuite : au coeur du débat se trouve une notion dont la légitimité scientifique, voire la définition elle-même, laisse pour le moins à désirer, je veux parler de la dangerosité. Nous n'avons d'ailleurs pas, en dépit des confrontations passionnées ou des recherches nombreuses que nous avons menées les uns et les autres, trouvé de médecins psychiatres estimant convaincants les outils d'évaluation de la dangerosité criminologique destinés à prévenir la récidive. Tout au plus les experts admettent-ils d'en faire usage dans le cadre strict de la recherche, mais ils ne les érigent pas pour autant en instruments de décision judiciaire. Nous persistons donc à penser que la notion de dangerosité criminologique revêt un aspect bien trop aléatoire pour justifier l'enfermement potentiellement perpétuel d'un individu.

Non seulement dangereux, ce texte est aussi, de notre point de vue, inutile. Nous estimons disposer, au moins sur le papier, d'un arsenal juridique suffisant pour lutter contre la récidive : la loi Guigou de 1998, la loi Perben II de 2004, la loi Clément de 2005, l'hospitalisation d'office, le suivi socio-judiciaire, le bracelet électronique, la surveillance judiciaire, l'inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles.

Là où le bât blesse, c'est sur la question des moyens humains et budgétaires : ils ne suivent pas. Élisabeth Guigou l'évoquait tout à l'heure, il manque aujourd'hui 830 psychiatres dans le secteur public hospitalier auquel revient la prise en charge psychiatrique des détenus. À l'horizon 2020, il devrait en manquer 2 000.

Voilà un texte qui repose sur un dispositif d'évaluation de la dangerosité plus que discutable, un texte inutile, un texte contraire, à nos yeux, à la Constitution ainsi qu'à plusieurs conventions que nous avons signées.

Madame la ministre, je ne reviendrai pas sur les remarques que le groupe SRC vous a faites. Vous nous avez expliqué qu'il s'agit non pas d'une peine, mais d'une mesure de sûreté. Nous avons un désaccord juridique sur ce point et nous serons rapidement fixés puisque nous saisirons le Conseil constitutionnel. Nous avons pris connaissance, sans y voir nécessairement une indication, de la déclaration du président du Conseil constitutionnel ce week-end qui a émis des doutes sur la conformité du texte avec les principes généraux du droit et sur sa constitutionnalité.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion