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Intervention de Didier Migaud

Réunion du 6 février 2008 à 15h00
Dépôt du rapport annuel de la cour des comptes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDidier Migaud, président de la commission des finances :

de l'économie générale et du plan. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le premier président de la Cour des comptes, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, j'ai grand plaisir à saluer l'événement que constitue toujours la publication du rapport public annuel de la Cour des comptes et je souhaite, à cette occasion, souligner l'importance que la commission des finances de l'Assemblée nationale attache à l'assistance que la Cour lui apporte dans sa fonction essentielle de contrôle. C'est le thème que je développerai, laissant le soin à M. le rapporteur général d'évoquer d'autres sujets sur lesquels nous nous retrouvons souvent.

Chacun ici se souvient que la LOLF, en modifiant profondément l'architecture du budget de l'État, en donnant plus de liberté aux gestionnaires, en assouplissant les contrôles a priori, a modernisé la gestion publique pour l'orienter vers les résultats. C'est désormais la démarche de performance qui est privilégiée. Dans cette optique, la LOLF a considérablement renforcé les pouvoirs de contrôle qu'exerce le Parlement pour vérifier a posteriori l'utilisation optimale des ressources disponibles, en vue de satisfaire aux objectifs assignés à l'action publique.

Mais la nature même du contrôle a changé. Je rappelle que la LOLF, beaucoup plus précise que ne l'était l'ordonnance organique de 1959, a pris soin de distinguer deux missions. La première est classique : comme le précise la LOLF, « les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances suivent et contrôlent l'exécution des lois de finances. » C'est pourquoi, de longue date, les rapporteurs spéciaux sont désignés pour l'année entière – et bien souvent renouvelés – dans un souci de continuité de l'action de contrôle.

Le contrôle revêt un deuxième aspect, plus récent et d'une portée plus étendue. Je cite à nouveau la LOLF : « les commissions des finances procèdent à l'évaluation de toute question relative aux finances publiques. » À côté du contrôle au sens strict a donc pris place l'évaluation. Cette mission correspond, bien sûr, à la conception contemporaine des finances publiques, qui suppose de suivre les finances de l'ensemble des administrations publiques. La perspective est davantage qualitative : si le contrôle de l'exécution porte sur la conformité au vote du Parlement sur la loi de finances, l'évaluation se prononce sur la qualité de la gestion, sa pertinence, sa performance, son efficacité.

Pour la représentation nationale, l'évaluation est donc tout autre chose qu'un terme à la mode, une idée plaisante, nouvelle et bientôt périmée. La LOLF l'a inscrite au coeur de l'activité du Parlement et de ses commissions des finances, qui se sont résolument engagés sur cette voie. C'est, pour l'État et le Gouvernement, une obligation et, pour nous-mêmes, un devoir. En juin 2007, pour la première fois, le Parlement a été destinataire des rapports annuels de performances, à l'occasion de l'examen de la loi de règlement du budget 2006.

Progressivement, la loi de règlement va en effet devenir un moment essentiel de la discussion budgétaire. En mesurant les performances de chaque politique publique à l'aune des objectifs qui lui avaient été fixés, nous serons mieux à même de juger en connaissance de cause les orientations prévues pour chaque mission dans le projet de loi de finances pour l'année suivante.

En juillet dernier, alors même qu'en ce début de législature l'ordre du jour de notre assemblée était chargé, la commission des finances a ainsi procédé à l'audition de plusieurs responsables de programmes qui ont rendu compte de leur action. Ceux d'entre vous qui y ont assisté se souviennent que la discussion a parfois été serrée, mais toujours utile et instructive. Cette année, nous allons encore développer ces auditions sur les programmes qui auront été signalés comme significatifs, que ce soit par vous, monsieur le premier président, ou par les rapporteurs spéciaux.

Si l'évaluation des politiques publiques n'est pas du seul ressort de l'Assemblée nationale et du Parlement – après tout, il est heureux que la mesure de l'efficacité de l'action publique devienne la préoccupation du plus grand nombre –, il faut rappeler avec force qu'elle est d'abord l'affaire du Parlement. C'est la loi organique, la LOLF, qui fait obligation au Gouvernement d'associer à chaque programme « des objectifs précis, définis en fonction de finalités d'intérêt général, ainsi que des résultats attendus et faisant l'objet d'une évaluation. » C'est la loi organique qui lui fait obligation de présenter au Parlement des objectifs stratégiques au travers des projets annuels de performances. C'est la loi organique qui a créé les indicateurs de performance et qui a mis en place les rapports annuels de performances. Je veux souligner au passage, monsieur le secrétaire d'État, qu'il ne faudrait pas que les indicateurs de performance instaurés par le Gouvernement pour évaluer ses propres ministres soient différents des indicateurs de performance présentés au Parlement pour l'évaluation des politiques publiques. Une certaine cohérence entre les dispositifs d'évaluation des politiques publiques d'une part, de ceux chargés de les conduire d'autre part, me paraît nécessaire.

Dans les différents aspects du contrôle et de l'évaluation, la Cour des comptes est d'une aide précieuse, d'une aide nécessaire, d'une aide devenue permanente. Je ne parlerai pas des trois rapports sur l'exécution des lois de finances et de financement de la sécurité sociale, sur la situation de nos comptes publics ou sur la certification des comptes. Ce sont désormais des documents de travail utiles pour le Parlement comme pour nos concitoyens. La LOLF a explicitement confié à la Cour, qui compte parmi ses attributions la recherche de la performance de l'action publique, une mission d'assistance au Parlement.

Je rappelle que le président et le rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale ont, comme leurs homologues du Sénat, la faculté de formuler des demandes d'assistance à la Cour dans le cadre de leur mission de contrôle et d'évaluation. En outre, la commission des finances a la possibilité de demander à la Cour des enquêtes sur la gestion des services ou organismes qu'elle contrôle.

La combinaison de ces dispositions de l'article 58 de la LOLF est le fondement des relations qui se sont établies autour des travaux de la mission d'évaluation et de contrôle, la MEC – dont je salue les deux coprésidents, Georges Tron et David Habib. Celle-ci engage fréquemment son analyse prospective à partir des constatations réalisées par la Cour dans le cadre d'enquêtes demandées par notre commission. En début de législature, les travaux de la MEC bénéficient à tout le moins de la présence de représentants de la Cour à chacune de ses auditions.

Mes chers collègues, j'attire votre attention sur cette participation aussi discrète qu'assidue, utile et efficace. Sachez que depuis la mi-décembre, une ou deux fois par semaine, deux et parfois trois magistrats de la Cour, en fonction des sujets traités, assistent aux travaux de la MEC ainsi qu'aux réunions des rapporteurs spéciaux, apportant une plus-value réelle à ses travaux.

À titre d'exemple, la MEC, sur les programmes d'équipement naval, a bénéficié de la connaissance de la politique de défense et des industries d'armement dont disposent les présidents de section de la Cour qui l'ont accompagnée dans ses auditions. Je pourrais en dire autant pour l'immobilier de l'État, dont le rapport sera examiné la semaine prochaine, et qui est depuis plusieurs années un cheval de bataille de notre commission. C'est avec beaucoup d'attention, monsieur le premier président, que nous lirons vos observations, qui seront reprises au titre du droit de suite que nous souhaitons exercer dans le cadre de la mission d'évaluation et de contrôle. Je tiens à rendre hommage à la disponibilité de ces magistrats ainsi qu'à l'esprit d'ouverture dont ils font preuve pour enrichir les débats de la MEC, loin de tout tapage médiatique.

Une autre illustration de l'assistance fructueuse apportée par la Cour est donnée naturellement par l'activité de nos rapporteurs spéciaux. Le bras armé de la commission des finances en matière de contrôle et d'évaluation réside en effet dans les 49 rapporteurs spéciaux chargés de suivre en détail les missions et les programmes du budget.

Depuis l'automne dernier, sur la proposition du premier président de la Cour des comptes, plusieurs d'entre eux ont rencontré les présidents de chambre de la Cour compétents pour contrôler les mêmes politiques publiques. Ils ont pu ainsi non seulement s'entretenir de l'exécution budgétaire, mais aussi confronter leurs analyses sur les principaux sujets d'actualité et d'avenir. De même, avec votre accord, monsieur le premier président, la commission des finances organisera régulièrement des auditions à partir des audits et référés que vous nous adressez et qui sont trop longtemps restés sans suite.

Cette coopération renforcée est une composante de la nouvelle démarche du Parlement, qui doit passer d'une culture de soumission et de démission à une culture de contrôle et d'évaluation. L'exemple des autoroutes, que vous avez cité, constitue une illustration de la démission du Parlement face à des propositions de l'exécutif. On pourrait donner d'autres exemples sous tous les gouvernements, cette culture de soumission et de démission s'imposant quelle que soit leur sensibilité politique. Il me semble que la restauration du Parlement, dont on parle beaucoup actuellement, passe par une affirmation de notre volonté.

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