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Intervention de Philippe Séguin

Réunion du 6 février 2008 à 15h00
Dépôt du rapport annuel de la cour des comptes

Philippe Séguin, premier président de la Cour des comptes :

Nous avons examiné les performances de l'État gestionnaire et celles de l'État actionnaire. Nous évaluons également, dans ce rapport, ses performances dans les principales politiques publiques qu'il mène.

Notre travail aborde, cette année encore, les questions d'enseignement supérieur et de recherche, thèmes sur lesquels la Cour a réalisé ces derniers temps de nombreux contrôles. Je vous renvoie notamment au chapitre consacré au CNRS. L'établissement, en dépit d'une meilleure gestion, a souffert de l'instabilité de ses équipes dirigeantes et des hésitations portant sur son rôle. Il y a aujourd'hui trois solutions pour le CNRS : être un fédérateur de compétences, être un opérateur direct de recherche ou une agence de moyens au service d'une recherche conduite par les universités. Il faudra bien choisir et, en tout cas, trouver des équilibres durables avec l'université.

La Cour s'est également intéressée aux quatre universités des villes nouvelles de la région Île-de-France, créées au tout début des années 1990. Leur dynamique semble avoir pris au dépourvu l'État, et ces établissements sont aujourd'hui dans une situation financière tendue qui ne leur permet pas de répondre aux besoins d'une population étudiante toujours plus nombreuse.

Nous abordons ensuite le domaine de l'emploi, avec deux sujets : le Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, créé en 2005 sur le modèle du fonds géré par l'AGEFIPH pour le secteur privé. Le parti pris d'aligner le dispositif des fonctions publiques sur celui du privé était difficile à tenir, je crois pouvoir en parler en connaissance de cause.

Si les objectifs peuvent légitimement être transposés, les moyens pour y parvenir doivent nécessairement différer, au moins partiellement. Pour l'avoir oublié, on en arrive aux résultats que nous avons constatés. Le fonds dispose de ressources financières élevées qu'il ne parvient pas à utiliser et le taux d'emploi des personnes handicapées dans la fonction publique reste très en deçà de l'objectif.

La raison principale du retard constaté et de la difficulté à dépenser les ressources disponibles tient aux modes de recrutement de la fonction publique, qui n'ont rien à voir avec ceux du secteur privé. Ils privilégient les concours et, surtout, exigent, hors concours, l'équivalence des diplômes pour tout candidat à un emploi donné. C'est donc en amont du processus de recrutement qu'il faut agir, notamment en améliorant la formation des personnes handicapées, quitte à élargir le champ d'intervention du fonds. En bref, il faut imaginer pour la fonction publique un dispositif d'intervention qui lui soit plus spécifique.

Deuxième sujet concernant l'emploi : la fusion de l'ANPE et de l'UNEDIC. Cela fait plusieurs années que nous préconisons un rapprochement. Dans la perspective de la fusion, nous avons réexaminé la question en 2007.

Nous avons constaté certains progrès, notamment la création de quelques guichets uniques, mais l'amélioration reste très limitée. Pendant plusieurs années, les deux réseaux ont plus divergé que convergé. Nous avions notamment dénoncé, en 2006, la stratégie d'implantation territoriale de l'UNEDIC, qui semblait avoir précisément cherché à éviter la proximité avec l'ANPE. Cette situation rendra d'autant plus difficile la mise en oeuvre concrète du projet de fusion.

Nous avons également examiné les conditions de recours à des opérateurs privés de placement pour les demandeurs les plus éloignés de l'emploi. Cette sous-traitance a coûté cher sans que son efficacité soit prouvée. Une méthode d'évaluation plus rigoureuse a été mise en place. Il faudra être vigilant sur ses résultats.

On trouvera également plus loin dans le rapport les résultats d'un contrôle que la Cour a effectué sur la gestion des ressources humaines à l'ANPE. L'enjeu est de taille : avec ses 30 000 agents, l'ANPE est le plus gros opérateur de l'État. Ses dépenses de personnel ont crû de plus des deux tiers entre 1999 et 2006 et dépassent désormais le milliard d'euros. Elles ont crû plus vite que les effectifs, notamment grâce à une politique de primes et d'indemnités très favorable. Le contrôle de la Cour fait ressortir des pratiques en matière de GRH que l'on qualifiera, en maniant là encore l'euphémisme, de « peu rigoureuses ». La fusion avec l'UNEDIC devrait être l'occasion d'une remise en ordre.

La Cour aborde également deux sujets de moindre importance financière, mais illustrant chacun à leur manière des aspects particuliers de politiques publiques importantes.

Le premier concerne les relations entre la métropole et les départements et territoires d'outre-mer, plus particulièrement la continuité territoriale. L'État a mis en place un dispositif financier d'aide aux déplacements entre les territoires d'outre-mer et la métropole. Mais, contrairement à ce qui était prévu, l'État finance seul ce dispositif, alors que ce sont les collectivités concernées qui en déterminent les critères d'attribution. Ainsi, outre des abus ou des effets d'aubaine, on constate que les objectifs n'ont pas été atteints. La Cour estime qu'il faut revoir ce dispositif.

S'agissant, ensuite, de la politique d'aide au développement agricole, les conclusions de la Cour sont sévères. Il conviendra pour le moins de recentrer les objectifs et de mieux évaluer les résultats atteints.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, messieurs les présidents de commission, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les députés, j'en arrive au terme de cette présentation. Je n'aurai pas passé en revue toutes les insertions, mais nous avons préparé à votre intention des synthèses sur chacune d'entre elles. Je ne saurais oublier de mentionner que, comme chaque année, le rapport annuel de la Cour est accompagné du rapport annuel de la Cour de discipline budgétaire et financière, sous la forme d'un fascicule distinct.

A ce sujet, je dois signaler, puisque j'ai parlé tout à l'heure des défaisances, que le Conseil d'État vient de confirmer l'arrêt rendu par la Cour de discipline budgétaire dans le dossier d'Altus Finance, filiale du Crédit Lyonnais, condamnant deux dirigeants à des amendes très significatives. Il a ainsi conforté la jurisprudence de la Cour de discipline budgétaire sur la faute grave de gestion, confirmation qui pourrait être utile demain pour offrir un fondement au régime rénové et unifié de responsabilité des gestionnaires que le Président de la République a appelé de ses voeux.

Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, les quelques observations dont je voulais vous faire part. J'espère que nos travaux vous apporteront, encore une fois, des analyses et une expertise susceptibles d'éclairer vos débats. C'est dans cet esprit, en tout cas, que nous avons travaillé et que nous continuerons à travailler pour vous. (Applaudissements sur tous les bancs.)

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