La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
Madame la ministre de la culture, le président de la CNIL, M. Alex Türk, par ailleurs sénateur, a adressé aux parlementaires un courrier qui me paraît tout à fait intéressant, car il concerne l'évolution du travail parlementaire et, en particulier, la manière dont le Parlement pourrait être davantage éclairé par les travaux de cette commission. Certes, sa lettre porte plus précisément sur le projet de loi « Création et Internet », que vous connaissez bien, mais elle contient certains éléments qui pourraient être utiles à notre débat.
En effet, le président de la CNIL souhaite ardemment que les avis de cette commission soient désormais communiqués au Parlement, afin d'assurer une information plus complète des parlementaires. Une telle information est d'autant plus nécessaire s'agissant du projet de loi « Création et Internet » que nous sommes nombreux, sur tous les bancs de l'Assemblée, à nous inquiéter des conséquences qu'aurait ce texte – un de plus ! – pour les libertés, puisqu'il ne vise ni plus ni moins qu'à instaurer une surveillance généralisée et automatisée de l'Internet, et ce afin de défendre un certain nombre d'intérêts qui sont parfois tout à fait légitimes, parfois moins.
Je souhaiterais donc savoir, madame la ministre, si, d'une manière générale, vous êtes favorable à la communication des avis de la CNIL au Parlement et si la recommandation de son président ne pourrait pas être appliquée par anticipation. M. Türk estime en effet qu'en l'absence de communication des avis de la CNIL et du Conseil d'État, nous nous retrouvons face à une procédure fantôme, puisque deux avis essentiels à la compréhension d'un texte sont tenus dans l'ombre. Or nous avons le sentiment, depuis quelques jours, que les projets de loi relatifs à l'audiovisuel font l'objet d'une procédure étrange, puisque le débat « légal », celui qui se déroule dans l'hémicycle, se double d'un débat « réel », où des parlementaires de la majorité, notamment M. Baroin, mettent radicalement en cause les choix faits par le Gouvernement. Si l'on veut en finir avec les procédures fantômes, il faut s'en donner les moyens ! Madame la ministre, souhaitez-vous, à l'instar de M. Türk, que les avis de la CNIL nous soient communiqués ?
La parole est à Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je ne crois pas que cette question soit au coeur du projet de loi relatif à l'audiovisuel. J'espère que j'aurai prochainement l'occasion de vous dire ce que nous comptons faire des avis de la CNIL, lors de l'examen du projet de loi « Création et Internet ». Pour l'instant, il convient d'appliquer la procédure actuellement en vigueur.
Cet après-midi, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles, s'arrêtant à l'amendement n° 811 à l'article 2.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cet amendement, qui tend à supprimer les mots : « le cas échéant » à l'alinéa 4 de l'article 2, n'est pas anodin, puisqu'il vise à soumettre l'audiovisuel extérieur de la France aux règles du service public. D'autres amendements vont d'ailleurs venir en discussion par lesquels nous proposerons d'aligner le statut des personnels de ces services sur celui du service public.
Lorsqu'on lit la rédaction retenue par le Gouvernement, on comprend bien le sens de ce projet. L'article 2 définit les orientations et les règles de l'audiovisuel extérieur. Cet après-midi, nous avons critiqué le fait que celui-ci aura un statut mixte, puisque, s'il aura une vocation de service public, ses services pourront être édités par des entreprises privées. Ce statut, qui nous paraît très fragile, menace l'indépendance de l'audiovisuel extérieur et son rayonnement. Nous estimons donc nécessaire de combattre cette forme de marchandisation de l'audiovisuel extérieur que permet l'introduction de sociétés privées, en fixant des règles.
En l'espèce, nous proposons de supprimer les mots : « le cas échéant », qui introduisent l'arbitraire, l'aléa et la fragilité, pour que l'audiovisuel extérieur, qui doit être considéré comme un service public au même titre que l'ensemble de l'audiovisuel public, soit soumis aux mêmes règles.
La parole est à M. Christian Kert, rapporteur de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés de l'audiovisuel public et le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.
Rien de ce que vous proposez n'est anodin, monsieur Mamère ! Mais la commission estime qu'il n'est pas souhaitable de rigidifier le champ des services de communication audiovisuelle qu'AEF pourra éditer et d'obérer ainsi l'avenir de la nouvelle société. En outre, la mention « le cas échéant » résulte d'un accord avec nos partenaires francophones et vise à permettre l'adaptation à la situation particulière de TV5, la notion de service public ne s'appliquant pas à toutes les configurations.
La commission a donc donné un avis défavorable à cet amendement.
Il s'agit en effet de préserver le maximum de souplesse dans la réorganisation de l'audiovisuel extérieur de la France. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.
Madame la ministre, je vous remercie de vous en remettre à la sagesse de l'Assemblée. Il est vrai que cet amendement peut paraître anodin, mais l'expression : « le cas échéant », telle une verrue au milieu de cet alinéa, minore les obligations de service public auxquelles seraient soumis les services de l'audiovisuel extérieur. Or il n'y a aucune raison qu'il en soit ainsi. Il me paraît donc important de voter cet amendement.
Permettez-moi, par ailleurs, de revenir sur ce que vous avez dit tout à l'heure de l'audience de certaines antennes de RFI, qui justifierait la disparition de rédactions entières. Si l'on vous suivait, madame la ministre, c'est tout le projet de loi qui devrait tomber.
En effet, dans l'exposé des motifs, vous expliquez que votre texte a précisément pour objet de libérer le service public de l'audiovisuel du diktat de l'audience quotidiennement mesurée, dont la télévision publique ne doit plus être dépendante, et vous consacrez de longs développements au caractère réducteur de ce mode d'évaluation de la qualité des programmes.
S'agissant de l'audiovisuel extérieur, ce n'est pas parce que quelques Afghans seulement écoutent RFI en persan qu'il faut supprimer une rédaction ou transférer la diffusion de ces programmes vers Internet. C'est même tout l'inverse ! Le général de Gaulle a-t-il mesuré l'importance de son appel du 18 juin à l'aune de son audience ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Je ne pense pas que ce soit votre souhait, ni celui de la majorité, que d'être esclave de ce genre de considération et, puisque vous vous en êtes remise à la sagesse de l'Assemblée, je ne vois, dans cet hémicycle, que des personnes sages.
(L'amendement n° 811 n'est pas adopté.)
Les héros sont fatigués ! Nous attendions un Malraux : il ne s'est pas levé.
Nous retrouvons ici un sujet seulement effleuré la semaine dernière. Or le cap, pour l'opposition, est de permettre à la représentation nationale d'avoir les débats approfondis qu'elle n'a pas eus en commission spéciale.
Mme la ministre a révélé la semaine dernière que l'actuelle convention collective des personnels de l'audiovisuel public ne s'appliquerait plus aux nouvelles sociétés créées par le projet de loi. Il faudra donc repartir d'une page blanche et tout renégocier, cette convention étant jetée aux oubliettes. Pourtant, les personnels de France Télévisions, de Radio France, de l'INA et, dans le cas qui nous occupe, des sociétés de l'audiovisuel extérieur de la France, y compris la jeune chaîne France 24, y sont très attachés.
Pour engager une réforme sur de bonnes bases, il convient de rassurer les personnels, lesquels se montrent inquiets des failles du projet et des risques sociaux qu'il comporte. C'est pourquoi notre amendement a pour objet de garantir aux personnels de RFI et de France 24, qui changent seulement de régime, les bénéfices de l'actuelle convention collective. S'il ne vise que l'audiovisuel extérieur, en réalité on voit bien que c'est l'ensemble de l'audiovisuel public qui est concerné.
La convention collective est en effet une question délicate. Depuis la naissance de l'ORTF, suivie par son démantèlement en plusieurs sociétés en 1974 puis par la création d'une holding en 1999, jusqu'au présent texte, qui institue la société unique France Télévisions ainsi que la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France, l'histoire législative de l'audiovisuel français a été complexe et tumultueuse. On peut y trouver des avantages et des inconvénients ; toujours est-il que les personnels ont partagé une culture commune du service public qui a donné naissance à la convention collective actuelle, que vous remettez en cause.
Bref, ce sont les fondements mêmes de notre audiovisuel public que vous ébranlez. La culture du service public des personnels mériterait que l'on y réfléchisse de façon plus approfondie.
Les valeurs du service public de l'audiovisuel ont été bien souvent mises à mal dans notre histoire récente : je pense notamment à cet accident que fut, en 1986, la privatisation de la première chaîne publique, devenue TF1, au motif, ne nous lassons pas de le rappeler, du mieux-disant culturel. On a fait l'invraisemblable cadeau de cette chaîne, qui détenait alors plus de 50 % du marché publicitaire et 40 % des parts d'audience, à un groupe privé spécialisé dans le BTP, secteur dans lequel il avait sans doute beaucoup de mérites – mais pour ce qui est de la télévision, c'était une autre affaire.
En un mot, monsieur le président, la convention collective a un sens au regard des valeurs du service public ; aussi proposons-nous de l'appliquer aux personnels de l'audiovisuel extérieur français. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Je prolongerai les propos de Didier Mathus, qui n'a malheureusement pu qu'effleurer ce problème essentiel.
Ce sont tous les personnels du service public de l'audiovisuel qui sont inquiets. Faut-il rappeler que l'un des membres de la majorité, bien connu pour sa proximité avec le Président de la République…
…et actionnaire d'une société de conseil – même s'il n'en est plus que nu-propriétaire –,…
…laquelle société compte parmi ses clients la société Bouygues Télécom,…
…a dit et répété que le nouveau statut de l'audiovisuel public entraînerait des plans sociaux et des licenciements ?
Faut-il rappeler que le même député s'en est pris aux programmes de France Télévisions, tel un critique spécialisé, comme si le rôle d'un député était de juger de la qualité des émissions de divertissement ou d'information ? Comme me le souffle Christian Paul, peut-être ambitionne-t-il de devenir le rédacteur en chef de « Télé-Sarko » ! Mais « Télé-Sarko » existe déjà, puisque le Président de la République nous invente une nouvelle histoire tous les jours et se répand du matin jusqu'au soir sur les écrans.
Nos amendements identiques visent à étendre la convention collective à la nouvelle société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France, dont les personnels sont menacés puisque l'on a annoncé que l'on effaçait la page pour la réécrire. Comment placer ces personnels dans une telle situation de vulnérabilité ? On mesure d'autant mieux l'inquiétude de ceux de Radio France Internationale que des licenciements massifs y sont déjà prévus, sans parler des bureaux qui seront bientôt fermés, quand ils ne le sont pas déjà.
Bref, appliquer la convention actuelle apportera une garantie à des personnels qui en ont bien besoin. Comme nous l'avons dit et comme nous le répéterons encore, on place en effet l'audiovisuel public sous une triple dépendance : politique, économique et éditoriale.
Sous prétexte de garantir une certaine liberté, on a, une fois encore, le sentiment que vous voulez rigidifier le système.
Les conventions collectives, cela n'a rien de rigide ! Ce sont des protections.
Le présent texte n'effacera absolument pas les règles sociales aujourd'hui applicables aux opérateurs de l'audiovisuel extérieur. La commission spéciale a donc estimé que le dialogue social devait se dérouler librement, et qu'il n'était pas souhaitable d'ajouter des contraintes à un ensemble déjà difficile à harmoniser.
Avis défavorable.
Comme vient de l'indiquer M. le rapporteur, le projet de loi n'entraînera pas la fusion des différentes entités de l'audiovisuel extérieur : les conventions collectives et les accords existants ne sont donc pas remis en cause.
Nous préférons de toute façon, au nom de la souplesse, faire confiance au dialogue social. Avis défavorable.
Dès lors que l'on crée une société unique de l'audiovisuel public, une convention collective s'appliquera bien à l'ensemble des personnels, je pense.
C'est à juste titre que M. le rapporteur a souligné la difficulté posée par cet amalgame qu'est la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France. Cependant, nous voulons avec cet amendement relayer le souci des personnels. Afin qu'ils mobilisent toute leur énergie au service de la nouvelle société et non dans des débats internes, il faut les rassurer quant à leur statut. Je ne comprends donc pas les objections du rapporteur ; mais sans doute aura-t-il l'occasion d'y revenir pour apaiser nos inquiétudes.
L'extrême sobriété des réponses de M. le rapporteur et de Mme la ministre sur une question de cette importance ne laisse pas de surprendre.
Nul ne peut s'opposer à ce qu'on laisse, au nom de la souplesse, les partenaires sociaux négocier. Mais que les deux tomes du rapport ne contiennent pas un mot sur les questions sociales ni sur les légitimes inquiétudes des salariés, inquiétudes à l'origine de grèves dans l'audiovisuel public la semaine dernière, est pour le moins étonnant. Il y a une forme d'insoutenable légèreté à ne pas répondre à ces inquiétudes sous prétexte de souplesse et de liberté laissée aux partenaires sociaux.
Encore pourrait-on comprendre que l'on s'en tienne à cet aimable discours, qui revient tout de même à nier le problème de centaines de personnes ; mais certains membres de la majorité, absents de nos bancs ce soir, ont clairement déclaré que les chaînes et les antennes publiques employaient trop de gens. Bref, les plans sociaux sont devant nous – comme si la situation de l'emploi dans notre pays était florissante et comme si l'État, premier employeur public, n'avait aucune responsabilité en ce domaine.
Je m'étonne que notre estimé et estimable rapporteur invoque soudain l'exigence de souplesse quand il s'agit de personnes qui risquent de perdre leur emploi.
Mme la ministre avait considéré que, certes, il n'y avait plus de convention collective pour France Télévisions, mais que ce n'était pas très grave, qu'il suffirait d'en renégocier une autre et que la négociation se déroulerait certainement de la meilleure façon. C'est possible, mais, en attendant, il n'y a pas de convention collective.
On nous dit maintenant que rien ne changera vraiment, puisque, dans le cadre de la holding, la convention collective continuera de s'appliquer un peu, mais on ne sait pas si ce sera la même convention ou une autre. Et c'est le moment qu'ont choisi certains collègues de la majorité pour affirmer qu'il faudrait supprimer 2 000 emplois dans le service public, que les personnels employés pour les émissions internationales sont trop nombreux ! C'est pourquoi nous demandons des garanties pour ces femmes et ces hommes qui ont fait de l'audiovisuel extérieur un outil remarquable : on ne l'a peut-être pas assez dit, mais RFI est une radio exceptionnelle, un vrai bijou, dont nous pouvons être fiers.
Nous demandons simplement qu'on fasse un petit effort, que la convention collective soit maintenue et que ce soit écrit dans les textes. Cela rassurerait le personnel, auquel on dit qu'il va y avoir des concentrations – y compris des concentrations de personnel. Or, pour toute réponse, vous appelez à un peu de souplesse, ce qui paraît particulièrement mal venu. J'imagine donc que le président de la commission spéciale va donner un avis favorable à ces amendements.
(Les amendements identiques nos 850 et 852 ne sont pas adoptés.)
(L'article 2, amendé, est adopté.)
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 3.
Je rappelle que chacun a le droit de s'exprimer cinq minutes.
La parole est à M. Christian Paul.
Il faut en effet préciser, à l'intention de ceux de nos collègues du groupe UMP qui nous ont donné tout à l'heure des leçons de droit parlementaire et qui sont surpris que nous disposions de cinq minutes pour intervenir sur l'article, qu'il faut entendre : cinq minutes par orateur.
D'après l'exposé des motifs du projet de loi, « les sociétés nationales de programmes peuvent créer des filiales pour leurs activités dites de “diversification” » – c'est le mot important – « qui ne sont pas financées par des ressources publiques ». Je voudrais profiter de l'occasion pour demander à Mme la ministre de cesser de faire l'impasse sur l'avenir de l'audiovisuel public. Depuis plusieurs jours, nous avons eu l'occasion d'échanger sur diverses questions, telles la liberté de la presse ou la compensation financière nécessaire à la suppression de la publicité. J'aurais aimé que M. Copé soit là pour défendre le rapport de la commission qui porte son nom.
Il va revenir !
Car, au fond, c'est sur l'avenir de l'audiovisuel public que nous nous interrogeons. La loi que vous défendez, madame la ministre, et qui répond aux souhaits des principales chaînes privées, ne paraît pas inspirée par une vision moderne, anticipatrice, de la télévision publique.
Derrière la question des filiales, dont traite l'article 3, se profile celle du financement de la mutation du service public. Comment, dans les années qui viennent, pourra-t-on moderniser les chaînes publiques ? Faut-il vraiment filialiser les activités nouvelles ? Qu'est devenue l'ambition du média global ? M. Copé avait découvert ce nouveau jouet à l'occasion des travaux de sa commission, et il serait bon qu'il soit là pour défendre cette idée. Elle est nécessaire, en effet : pour France Télévisions comme pour toute chaîne, il faut multiplier les supports de diffusion, sur la télévision, sur Internet, sur la télévision mobile personnelle – la TMP – même si les débuts en sont relativement difficiles. Comment aider les chaînes de l'audiovisuel public à aller vers des offres complémentaires, vers de nouvelles chaînes thématiques, vers des portails de vidéo à la demande ? Comment les aider à diffuser leurs programmes sur d'autres supports ? Comment accompagner et financer cette mutation de France Télévisions vers la télévision de rattrapage, la télévision mobile, les baladeurs vidéos ? Comment permettre aux chaînes publiques de trouver autrement leur public, la nouvelle génération de téléspectateurs ? Comment concevoir des programmes différents ? Comment produire des programmes autrement ? C'est l'enjeu de cette révolution de la télévision vers le média global.
Or nous avons le sentiment que, en dehors de cet article 3, qui renvoie à une filialisation de la diversification, rien n'a été prévu à cet effet dans cette réforme. C'est en cela qu'elle ne nous paraît pas seulement une horreur politique, mais un contresens économique. En cette période de caisses vides, vous disposez de moyens très limités, madame la ministre, et vous allez les utiliser à compléter – très mal – la compensation de la fin de la publicité. Ces crédits budgétaires ne sont qu'une sorte de cache-misère : en aucun cas ils ne sont les outils que l'actionnaire que vous êtes aurait dû utiliser pour transformer positivement l'entreprise France Télévisions.
On est donc en droit de s'interroger : quel est le bon périmètre de la télévision publique ? Une partie de plus en plus réduite financée par la redevance et par de nouvelles taxes qui vont proliférer ? Quand je lis tout ce que M. Soisson écrit sur l'augmentation des impôts dans la presse régionale, et encore dans L'Yonne républicaine du 29 novembre, et quand je vois qu'il s'apprête à voter la création d'une panoplie de taxes nouvelles, je me dis qu'il y a deux langages : celui qu'on tient dans l'hémicycle, en espérant que les caméras sont éteintes, et la démagogie en Bourgogne. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Le risque existe que, privé d'argent public – que ce soit pour des motifs qui tiennent aux règles de l'Union européenne ou à la suite de décisions arbitraires du pouvoir –, le développement des nouvelles formes et des nouveaux canaux de l'audiovisuel public soit empêché. Nous attendons donc de vous, madame la ministre, que, à l'occasion de l'examen de cet article sur les filiales de France Télévisions, vous nous donniez ne serait-ce qu'une petite raison d'espérer.
Sous une apparence technique, cet article pose une question importante : qu'est-ce qui, dans le périmètre de France Télévisions, relève du financement par la redevance, et qu'est-ce qui relève d'un fonctionnement commercial ? La définition que vous donnez est entachée d'ambiguïté. On comprend cependant que tout ce qui ne serait pas financé par la redevance pourrait faire l'objet d'une filialisation de France Télévisions.
Cela pose plusieurs problèmes, notamment celui de ce qu'on a appelé, indûment et d'une façon un peu irréfléchie, le média global ou – de manière plus chic – le global media.
D'ailleurs, le père du média global vient de faire son apparition dans l'hémicycle !
Visiblement, M. Copé leur manquait !
Aujourd'hui, FTVI est une filiale de France Télévisions : cette structure s'occupe de la diversification sur Internet – vidéos à la demande ou ce qu'on appelle la catch-up TV, à l'image de ce qu'a fait la BBC.
La télévision de rattrapage, certes, quoiqu'on ne comprenne pas très bien ce que signifie cette expression, mon cher collègue.
Si j'interprète bien cet article, FTVI relèverait précisément de ce qui n'est pas financé par la redevance et pourrait donc être filialisé. Ce serait là, me semble-t-il, un contresens. Pendant les quelques semaines où nous avons participé aux réunions de la commission Copé, on nous a expliqué que l'ossature, la colonne vertébrale du projet pour France Télévisions, c'était le média global. On nous dit maintenant qu'il doit faire l'objet d'une filialisation, c'est-à-dire qu'il aura une position secondaire par rapport à la télévision hertzienne. N'y a-t-il pas là un problème ?
D'autre part, qu'est-ce qui relève du service public, et donc du financement par la redevance, et qu'est-ce qui n'en relève pas ? C'est une question importante. J'évoquais tout à l'heure les valeurs du service public de la télévision qui, apparues depuis plusieurs décennies, ont connu bien des aléas mais sont encore vivantes. Je note d'ailleurs que, dans nombre de pays européens, on y attache un très grand prix. On le sait, avant même que l'on commence à examiner ce projet de loi, France Télévisions était déjà sous-financée. N'oublions jamais que son budget se monte à 2,9 milliards d'euros, alors que ceux de la BBC ou de l'ARD dépassent les 6 milliards d'euros.
L'idée d'introduire la filialisation pour certaines activités fait planer une ombre sur le projet de loi : celle d'un certain arbitraire. En fonction de quoi, au vu de quoi allez-vous décréter ce qui relève du service public et ce qui n'en relève pas ? On l'ignore. On pressent toutefois que certaines activités seront filialisées, car on doit sûrement espérer qu'elles pourront engendrer des recettes publicitaires : c'est là toute l'hypocrisie de ce projet de loi, qui affiche des principes vertueux mais qui, en réalité, admet leur contournement, par exemple par le biais des filialisations.
Parce qu'il manque de clarté, cet article risque d'entraîner des dérives. J'aimerais entendre Mme la ministre nous expliquer ce qui relèvera de la filialisation, ce qui ne sera pas financé par la redevance, mais par des recettes publicitaires ou par des crédits budgétaires, et ce qui n'en relèvera pas. Si l'on filialise à nouveau FTVI, alors qu'on nous a expliqué qu'elle était au coeur de votre projet, un problème de fond se pose sur la nature du projet de loi.
Didier Mathus l'a bien dit, la frontière entre les diverses activités est extrêmement ténue, et je n'y reviendrai pas. Je me contenterai de renvoyer aux pages 164 et 165 de l'excellent rapport de Christian Kert, qui énumère les filiales commerciales de France Télévisions : France 2 Cinéma, France 3 Cinéma, Multimédia France Production, France Télévisions Publicité, France Télévisions Publicité Régions, France Télévisions Publicité Inter Océan, Régie Inter Océan, France Télévisions Publicité Conseil, Web Sat Pub, France Télévisions Distribution,…
…Télévision Radio Services, France Espace Développement, Média Exchange, Société Civile Immobilière France Télévisions, Société Civile Immobilière Valin, France Télévisions Gestion Immobilière, France Télévisions Interactive, Music 3, France Télévision Numérique, France Télévisions Systèmes d'informations, GIE France Télévisions Services et France Télémusique.
La page 165 précise l'objet social de certaines de ces filiales. Sa lecture en serait fastidieuse et je vous y renvoie.
Je voudrais cependant appeler votre attention sur le fait que cet article nous est présenté comme la transposition d'une directive communautaire. Or les directives communautaires permettent aux États membres de maintenir des dispositions plus contraignantes ou plus détaillées, ce que la France a toujours fait, notamment à l'égard de la directive Télévision sans frontières. Pourtant, pour l'essentiel, la nouvelle directive Services de médias audiovisuels sera intégralement transposée en droit français, ce qui est peu compréhensible eu égard à l'importance du secteur, à ses spécificités et à l'incapacité dans laquelle nous sommes de définir de manière précise le moment où l'on sort du cadre des missions d'intérêt général et de service public.
Je vous renvoie de nouveau au rapport, page 167 : « S'agissant de la frontière toujours ténue existant autour de la question de la mission de service public des services à la demande, notamment payants, la Commission européenne prépare actuellement une révision de sa communication de 2001 relative aux aides d'État à l'audiovisuel public, dans laquelle elle a l'intention de préciser sa doctrine en tenant compte des progrès technologiques et de l'apparition de nouveaux services. »
Pour ces raisons, l'article 3 paraît nul et non avenu ; je propose donc de le supprimer.
Merci, madame Mazetier, pour votre concision.
La parole est à M. Marcel Rogemont.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, lorsque nous examinions l'article 1er, j'ai demandé au rapporteur de m'indiquer le nombre de sociétés composant la holding France Télévisions. Je remercie ma collègue Mme Mazetier d'avoir répondu, au moins en partie, à cette question. Le rapporteur avait parlé de quarante à cinquante sociétés…
Vous n'avez donc sans doute pas été totalement exhaustive, ma chère collègue.
Quoi qu'il en soit, on justifiait la réorganisation en entreprise unique par la multiplicité de ces sociétés. Or l'article 3 tend à recréer des filiales. Soyons clairs : à y regarder de près, quelles entreprises vont disparaître ? France 2, France 3 et France 4.
Il y a quelques heures, lorsque notre collègue Didier Mathus a finement demandé à notre Assemblée le nom des directeurs généraux de ces trois entreprises, force est de constater que nous avons été bien peu nombreux à pouvoir lui répondre. Cela montre que la holding France Télévisions faisait son travail, c'est-à-dire qu'elle incarnait l'audiovisuel public et que toutes les sociétés qui la composaient obéissaient à son président, en particulier à M. de Carolis.
Dès lors, l'entreprise unique France Télévisions, avec ses filiales, ne constituera-t-elle pas une nouvelle holding réunissant des sociétés dont le nombre n'aura que faiblement diminué ? Voici ce que je reproche à l'article 3 : alors que France Télévisions faisait son travail, notamment en coordonnant les chaînes afin de favoriser les synergies entre les différentes sociétés, ce qui permettait de traiter le problème de façon intéressante et, en tout état de cause, humaine, on prétend mettre au monde en hâte, aux forceps, une entreprise unique qui sera nécessairement dotée de filiales. La seule intelligence des personnes travaillant actuellement pour France Télévisions aurait pourtant permis d'obtenir les résultats attendus : faire des économies ou investir dans de nouveaux médias. Vous perturbez ainsi un processus qui était en cours.
Enfin, dès lors que l'article 3 permet de créer des filiales, se pose la question du périmètre effectif de la nouvelle holding et de la destinée de ces filiales. On voit bien qu'il est nécessaire de disposer de filiales de production, et Mme Mazetier en a énuméré quelques-unes ; mais, sur le périmètre simple de l'audiovisuel public et sur ses missions, nous aimerions, madame la ministre, que vous nous répondiez en précisant le sens du mot « filiales », non seulement d'un point de vue formel, mais quant au contenu qu'il implique pour France Télévisions.
Telles sont les questions que soulève nécessairement l'examen de l'article 3. Je souhaite que la ministre, sinon le rapporteur, y réponde.
On est obligé de parler cinq minutes, ou on peut parler moins longtemps ?
Monsieur le président de la commission spéciale, vous ajoutez à la longueur des débats ; il ne faudra pas vous en plaindre ensuite !
L'article 3 permet la création de filiales de France Télévisions. Je n'ai peut-être rien compris ; ce n'est pas impossible (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) ; dans ce cas, la ministre, le président et le rapporteur de la commission spéciale ne manqueront pas de m'éclairer. Mais les choses sont de moins en moins claires.
L'incertitude devient totale. D'un côté, on évoque une France Télévisions organisée, une holding structurée, chapeautée par les pouvoirs publics, qui se chargeront de vérifier qu'elle est à la botte du Président de la République, voire de certains ministres…
De l'autre, on parle de diversification à propos des filiales, qui ne seront pas financées par des ressources publiques. En d'autres termes, on veut une entreprise très centralisée, mais on tolère que de petites filiales s'organisent selon un modèle marchand, sans rien nous dire de la nature de ces filiales ni de la diversification recherchée. Si cette diversification était source de pluralisme, si elle apportait des atouts supplémentaires au service public, vous pensez bien que nous serions entièrement convaincus. Mais on ne nous dit rien !
J'aimerais donc, madame la ministre, que vous nous éclairiez sur ces financements distincts des ressources publiques, ainsi que sur la diversification et sur sa contribution au service public. D'un côté, une centralisation organisée par le Gouvernement ; de l'autre, petit commerce et diversification : vous l'aurez compris, cela ne saurait me donner pleinement satisfaction. J'espère donc que vous nous éclairerez davantage sur l'orientation que nous prenons.
En évoquant à la fois la concentration, source d'uniformisation, et un périmètre qui risque de ne pas correspondre à celui du service public, on se trompe doublement ; voilà pourquoi nous combattons cet article.
Merci de votre concision, monsieur Françaix.
Monsieur Copé, M. Françaix a parlé trois minutes : vous voyez que l'on peut parler moins de cinq minutes ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Puisque nous en sommes à l'article 3 (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP), j'aimerais poser deux questions, l'une au rapporteur, l'autre à la ministre. J'espère qu'ils me répondront.
Monsieur le rapporteur, j'ai lu attentivement votre rapport, notamment les pages 163 à 168, consacrées à l'article 3 ; je vous remercie d'y présenter de manière aussi complète l'important enjeu de cet article, qui, on le sait, permet à France Télévisions de créer des filiales.
Comme l'a très bien dit M. Françaix, on recentralise, on recrée l'ORTF, tout en permettant à France Télévisions de se doter de filiales dont le financement est d'origine commerciale. Or votre rapport, monsieur Kert, souligne que, dans ce domaine, la Commission veille naturellement de près aux conditions dans lesquelles l'État apporte son aide à l'audiovisuel public. Depuis sa rédaction, cette même Commission vous a-t-elle fourni de nouvelles informations à propos de la fameuse communication modernisée sur la radiodiffusion, dont vous avez émis l'hypothèse qu'elle pourrait être élaborée, sinon adoptée, au premier semestre 2009 ?
D'autre part, en commission, vous aviez émis un avis défavorable à un amendement défendu par Noël Mamère et sur lequel nous reviendrons sans doute, au motif que ces filiales, du fait de leur activité commerciale, ne peuvent être financées par la redevance et donc remplir des missions de service public. Or votre rapport évoque l'éventualité que les filiales soient, pour certaines missions, en partie financées par la redevance. Pourriez-vous nous apporter des informations complémentaires ?
Madame la ministre, l'article 3 nous amène à revenir sur l'architecture générale de l'entreprise unique, dotée de filiales, et sur ses conditions de financement. On parle beaucoup du contrat d'objectifs et de moyens, ainsi que du cahier des charges, mais on parle moins du plan d'affaires. J'espère, madame la ministre, que vous aurez à coeur d'éclairer notre Assemblée sur ce point.
Aux termes de la négociation entre France Télévisions et le Gouvernement dont le plan d'affaires fait actuellement l'objet, le retour de France Télévisions à l'équilibre budgétaire – tenez-vous bien, mes chers collègues –pourrait être repoussé à 2011, ce qui suppose, puisque France Télévisions sera déficitaire en 2010, de trouver la modeste somme de 160 millions d'euros ! J'ai cru comprendre que, au début des négociations, l'État voulait faire supporter 100 millions à France Télévisions et n'en assumer que 60 ; aujourd'hui, l'idée d'un partage équitable se serait imposée – 80 millions pour France Télévisions comme pour l'État.
Comme vous nous parlez continuellement de financement pérenne alors que cet élément, pour l'instant, n'est pas entré clairement dans notre débat, il me semble plus que jamais important, au moment où la discussion porte sur ce que sera, comme vous le dites si bien, la télévision publique du XXIe siècle, de savoir dans quelles conditions celle-ci sera financée.
Madame la ministre, je vous remercie de bien vouloir, à ce stade du débat, informer notre assemblée sur le plan d'affaires.
J'avoue que si l'article 3 nous plonge dans une radicale incertitude, pour reprendre l'expression employée par Michel Françaix, il nous plonge aussi dans la perplexité. C'est ce qui ressort également des interventions de Patrick Bloche et de Didier Mathus, qui vous ont posé des questions très précises, que je vous pose à mon tour, sur le financement des filiales, autrement dit sur le périmètre de la redevance et du service public. Ces filiales vont servir, en fait, de cheval de Troie pour contourner une loi qui précise que le service public ne doit pas être financé par la publicité, mais par la redevance et les taxes prévues à cet effet.
Nous sommes en droit d'être inquiets sur la provenance du financement de ces filiales et sur les éventuelles dépendances dont elles seront les victimes. Vous ne pouvez pas nous expliquer que vous voulez renforcer l'indépendance du service public et le débarrasser de la dictature de l'audimat et des contingences marchandes et, dans le même temps, réintroduire par la fenêtre ce que vous êtes censés avoir fait sortir par la porte.
Nous devons aussi savoir ce que seront ces filiales et comment vous comptez aider le service public de l'audiovisuel à préparer ce que les uns appellent le média global et les autres, un peu plus snobs, le « global media ». Enfin, nous voulons savoir comment vous allez préparer le service public à ces nouvelles techniques qui permettront effectivement d'en élargir le champ.
Quelques indications nous ont été données dans une récente déclaration de l'actuel président de France Télévisions.
M. Mamère n'a pas terminé son intervention. Il n'est qu'à mi-parcours !
Cela vous intéressera sans doute, mon cher collègue Soisson, de savoir que le président de France Télévisions vient de proposer la création d'une Web TV – on peut considérer que celle-ci serait une filiale – à partir des bureaux régionaux de France 3. « J'envisage, a-t-il déclaré, une vraie stratégie de développement de France 3 en matière d'information et de programmes locaux, à travers la création de Web télés, à partir de nos vingt-quatre bureaux régionaux, en collaboration avec les élus locaux. »
La création de filiales de France 3, de type Web TV, ne serait-elle rien d'autre que la création de filiales, avec l'appui des élus locaux, les conseils régionaux par exemple, ou les grandes agglomérations ? Ne s'agit-il pas en réalité, comme s'en est inquiété cet après-midi le syndicat national des journalistes en demandant des clarifications au président de France Télévisions, de ce que nous avons déjà dénoncé dans cet hémicycle et ailleurs : de préparer la vente « par appartements », à la découpe, de France 3 à la presse quotidienne régionale ? Car le président de France Télévisions n'exclut pas la participation, à travers des sociétés d'économie mixte, des élus locaux – cela peut être la région – et des journaux. Or nous savons que la presse quotidienne régionale attend, comme un rapace fixant sa proie, que France 3 soit vendue à la découpe, par l'intermédiaire, par exemple, de ces Web TV.
Nous voulons, dès ce soir, des explications très précises. Car une menace pèse sur cette grande chaîne de l'audiovisuel public qu'est aujourd'hui France 3, en attendant sans doute que vienne le tour d'autres, comme on peut le craindre quand on voit ce qui se passe dans l'audiovisuel extérieur, avec RFI. Pour ma part, j'attends que Mme la ministre, en charge de ces questions, nous apporte des éclaircissements sur les déclarations du président de France Télévisions et sur ces projets de Web TV avec les élus et les journaux régionaux.
Monsieur le président, j'ai été mis en cause par M. Christian Paul, s'agissant de ma position, au conseil régional de Bourgogne, qui vise à limiter les dépenses publiques. Cela n'a aucun rapport avec nos travaux législatifs !
Par conséquent, je lui demande de bien vouloir s'excuser ou de revenir sur ses propos. Mais je le remercie au passage de la publicité donnée à L'Yonne républicaine et aux tribunes que je publie dans ce journal !
Pour ma part, monsieur Paul, je suis partisan du maintien d'un service public de l'audiovisuel fort et ambitieux…
…et je n'accepterai aucun amendement qui pourrait limiter le financement de la future holding.
Alors, votez les nôtres !
Enfin, j'ajoute, en tant qu'ancien ministre de la fonction publique, que l'évolution du service public conduit, pour l'exécution de missions nouvelles, à faire appel au secteur privé, en dehors de la fonction publique proprement dite.
Nous le savons tous, et je pense que l'article 3 contribue simplement à cette souplesse que nous voulons donner demain au futur service public de l'audiovisuel. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Monsieur Soisson, rien dans mon propos ne permet de soutenir qu'il y a eu mise en cause personnelle. (« Si ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Nous étions dans le cadre d'un débat public normal entre majorité et opposition, débat nécessaire dans lequel, je le répète, je ne vois rien qui puisse donner lieu à des excuses.
En revanche, monsieur Soisson, il y a un lien très étroit entre les déclarations locales que j'évoquais et le débat que nous avons. Vous avez terminé votre article dans L'Yonne républicaine du 29 novembre en soulignant que l'intérêt généralexigeait la sobriété fiscale.
Nous pourrions souscrire à ce postulat, mais le problème – et c'est pour cela que j'ai parlé, monsieur Soisson, de double langage –, c'est que vous vous apprêtez, avec vos collègues de la majorité –…
…vous n'êtes d'ailleurs pas le seul Bourguignon sur ces bancs – à créer des taxes pour remplacer la publicité que vous entendez supprimer dans l'audiovisuel public. Vous allez créer une taxe sur les chaînes de télévision privées,…
…ce qui n'est peut-être pas très grave, mais aussi une autre sur les opérateurs de télécommunications, qui se traduira par une augmentation des abonnements à l'Internet. D'ailleurs, dans un grand journal du soir, une tribune, publiée par les représentants de toutes les entreprises de la nouvelle économie, dit que vous êtes en train de pécher par archaïsme.
La meilleure façon de faire de la sobriété fiscale, ce serait de ne pas financer l'audiovisuel public, qui peut l'être autrement – y compris par la publicité –, par une taxe sur la nouvelle économie, par exemple.
Nous avons, monsieur Soisson, un désaccord politique. N'y voyez pas une mise en cause personnelle et encore moins matière à excuses. Nous avons un vrai désaccord, et nous l'assumerons jusqu'au bout. Vous créez trop de taxes !
…mais je puis attester qu'en Aquitaine – M. Mamère, et même M. Dionis du Séjour pourraient le confirmer –, nombreux sont les parlementaires de l'UMP qui, lorsqu'ils sont dans leur sphère régionale, mettent en exergue les difficultés ou les incohérences de ce texte et, lorsqu'ils reviennent à Paris, adoptent de façon très disciplinée tous les articles et amendements qui leur sont proposés par la majorité.
Cet article 3 est marqué par une hésitation, une indécision de la part du pouvoir. Même, Noël Mamère ayant parlé d'incohérence, je reprendrai ce terme. On veut en effet interdire à l'audiovisuel public de se financer autrement que par des taxes fiscales, en l'occurrence la redevance, mais, dans le même temps, on prévoit, dès cet article, la possibilité, pour des filiales qui ne sont pas citées de façon exhaustive et dont on ne connaît ni l'objet ni le mode de gouvernance, de trouver des ressources qui ne relèveraient pas d'un financement public.
Vous avez trouvé un prétexte, madame la ministre : une communication de la Commission en date de 2001. Je veux rebondir sur ce qui a déjà été évoqué par nombre d'orateurs socialistes. On ne peut véritablement examiner ce texte, et donc cet article, que si l'on a l'assurance que les dispositions qui nous sont soumises par le Gouvernement sont déjà validées par la Commission européenne. Pourquoi traiter de ces dispositions s'il y a un doute sur leur solidité juridique ?
Madame la ministre, je vous pose la question : avez-vous des certitudes à cet égard ? Avez-vous confronté votre texte aux exigences de la Commission européenne ? Avant de poursuivre nos travaux, vous devez nous éclairer sur cette question afin que nous puissions examiner au fond, en toute connaissance de cause, le statut des filiales et leur financement.
Voilà ce que je souhaitais dire, monsieur le président. Mais je le répète, il y a, sur cette question qui intéresse nos compatriotes, un double langage chez les élus de la majorité.
Je ne veux pas provoquer l'intervention d'un membre du groupe UMP, qui viendrait alourdir nos débats. Je ne citerai donc pas de nom. Mais je peux témoigner du fait que certains députés de la majorité, en province et plus particulièrement en Aquitaine, dénoncent les incohérences de ce texte. Peut-être font-ils allusion à l'article 3…
Sans vouloir lancer le débat sur des questions régionales, je dirai que, comme il y a, si j'ai bien compris, un double langage en Bourgogne ainsi qu'en Aquitaine, on n'échappe malheureusement pas davantage au double langage des élus de l'UMP dans le Nord-Pas-de-Calais ! Et si l'on posait la question à nos amis parisiens, de l'est ou de Bretagne, je crains fort qu'on n'arrive au même constat !
Madame la ministre, votre loi, même si vous ne voulez pas le reconnaître, est extrêmement floue. Vous dites que l'esprit de ce texte est de débarrasser le service public de la dictature de l'audimat, mais à bien le regarder, c'est le flou qui le caractérise.
Je ne veux pas rallonger le débat, mais je vais reprendre à mon compte des questions qui ont déjà été posées, afin que vous compreniez bien que nous voulons avoir des réponses précises.
La première question, qui a déjà été formulée à plusieurs reprises, est la suivante : comment seront financées les filiales de France Télévisions ? Soyez claire : je suis persuadé que vous avez la réponse. Vous devez nous la donner, afin que nous puissions continuer cette discussion sur la base d'éléments dont nous serons certains, quitte à les contester. Nous souhaitons débattre à partir de propos clairs et francs venant du Gouvernement.
Une autre question, excellemment soulevée par notre collègue Mamère, concerne l'avenir de France 3, qui m'inquiète extrêmement. Les menaces de vente à la découpe qui pèsent, au vu de déclarations récentes, sur un service public de qualité, service essentiel pour nos territoires, méritent, là encore, des réponses.
Je conclurai en revenant sur l'échange qui vient d'avoir lieu entre mon collègue Christian Paul et M. Soisson. Je n'ai pas eu le sentiment qu'il y avait mise en cause personnelle, mais bien plutôt, de part et d'autre, affirmation de convictions politiques personnelles. Monsieur Soisson, mais cela pourrait aussi s'adresser à l'ensemble des députés UMP, vous ne manquez pas d'air. En effet, vous nous rabâchez depuis un an et demi – que dis-je, depuis six ans et demi ! – que vous voulez baisser les impôts, diminuer les taxes, en bref alléger la pression fiscale. Ce sont vos propos, mais dans la réalité, vous ajoutez régulièrement de nouvelles taxes, de nouveaux impôts, surtout d'ailleurs pour les plus humbles. Les Français aujourd'hui étouffent sous la masse des contributions que vous leur assénez. Vous êtes le gouvernement des impôts, surtout sur les plus faibles ! Cette loi en est une démonstration claire, évidente et flamboyante. Une de plus !
J'aimerais donc, madame la ministre, obtenir des réponses. Dans le cas contraire, nous ne manquerons pas de vous interroger de nouveau avec force.
Nous en venons aux amendements.
Je suis saisi d'un amendement rédactionnel de la commission, n° 39.
Le Gouvernement y est favorable. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Ce n'est pas une mince affaire, monsieur le président, que de traiter des sociétés nationales de programme !
Cet amendement rédactionnel, même si on ne peut le qualifier de génial, peut néanmoins prêter à commentaire : je dirai donc que la commission y a été très favorable.
Avis très favorable !
Comme j'ai souvent constaté que M. Kert ne votait pas des amendements qui avaient reçu un avis favorable, je trouve naturel, pour que les choses soient égales, de ne pas voter cet amendement, accepté par la commission.
Non, ce n'est pas petit !
L'ensemble des parlementaires de la majorité avait considéré, en commission, qu'un amendement était de qualité. Mais Mme la ministre leur a fait les yeux doux – ce qui est plus gentil que de dire qu'elle leur a fait les gros yeux – et ces mêmes parlementaires y ont brutalement renoncé. Je tenais donc à montrer le ridicule de cette attitude en agissant de même, l'espace d'un instant.
Je ne veux pas intervenir sur cet amendement, monsieur le président, mais plutôt m'étonner que Mme la ministre ne réponde pas aux questions précises que nous lui avons posées sur la filialisation d'un certain nombre d'activités de France Télévisions, et notamment sur toutes les activités liées au média global. On nous a expliqué jusqu'à satiété que le média global était vraiment l'alpha et l'oméga de la future activité de France Télévisions. Si je comprends bien, on nous dit maintenant que les activités Internet seront cantonnées dans une filiale – FTVI – et que l'ancien système sera ainsi reconduit. C'est donc une sorte de déni de l'esprit qui a présidé aux travaux de la commission Copé.
Je souhaiterais vraiment que Mme la ministre nous éclaire sur ce point précis. Pour lui permettre de préparer sa réponse, je sollicite une suspension de séance de dix minutes, monsieur le président.
Article 3
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-deux heures cinquante, est reprise à vingt-trois heures cinq.)
L'article 3 ne recèle ni ruse ni contradiction.
La création d'une société unique, que tout le monde appelait de ses voeux, n'est nullement contradictoire avec la nécessité de permettre à la holding France Télévisions d'avoir des filiales. La loi de 2002 avait bien fait la distinction entre les sociétés de programme, alimentées par des ressources publiques et soumises à des obligations de service public, et les filiales, en général de type commercial. Pour qu'il puisse y avoir toujours une régie de publicité, un service de distribution et des services Internet, il faut naturellement donner à France Télévisions la possibilité de créer des filiales. C'est l'objet de cet article 3.
S'agissant des déclarations de Patrick de Carolis, il n'y a, je le répète, aucun plan particulier quant à l'organisation régionale. Interrogez-le pour savoir s'il a des projets mais, pour ce qui concerne la presse quotidienne régionale, qui est partie prenante des états généraux dont l'un des sujets est précisément le problème de sa capitalisation, je serais bien étonnée qu'elle soit en situation de lancer des razzias sur les chaînes régionales.
Madame la ministre, votre parole étant assez rare dans cet hémicycle, elle n'en est que plus précieuse.
Nous avons été plusieurs à vous demander, et David Habib très précisément, comment vous interprétiez les contraintes communautaires. Qui va financer la modernisation, la diversification de France Télévisions, et comment ? Sur cette question, vous restez extrêmement silencieuse. L'investissement doit-il se faire exclusivement par les filiales, et donc en dehors du financement public ? Est-ce une volonté nationale, est-ce le fait du prince, est-ce le fruit des contraintes européennes dans lesquelles nous évoluons ? Notre question est donc très simple : qui financera le développement et la diversification de France Télévisions dans les années qui viennent ?
Nous serons amenés à parler des contraintes communautaires lorsque nous évoquerons les taxes. Les filiales ont évidemment vocation à s'autofinancer, et la diversification fait partie de ce que doit prendre en charge France Télévisions : c'est prévu en toutes lettres dans les contrats d'objectifs et de moyens.
(L'amendement n° 39 est adopté.)
Cet amendement est dans la droite ligne des positions que nous avons défendues dans la discussion générale sur l'article 3.
Les réponses qui nous avaient été faites en commission pouvaient laisser espérer que cet amendement recevrait un avis favorable de notre rapporteur, ainsi que du Gouvernement.
Il s'agit tout simplement de bien préciser que les règles du service public s'appliquent aussi à ces filiales.
Les réponses qui viennent d'être apportées par Mme la ministre aux questions que nous lui avons posées au cours de la discussion sur l'article ne sont pas convaincantes. Elle n'a pas non plus réellement répondu à la question posée par Christian Paul. Afin de prouver l'éventuelle bonne foi du Gouvernement, il s'imposerait qu'elle se prononce favorablement sur cet amendement, ce qui permettrait de protéger les filiales d'une forme de marchandisation déjà à l'oeuvre dans l'économie de ce projet.
L'excellent rapport de Christian Kert explique qu'on ne saurait faire financer ces filiales par la redevance parce qu'elles n'ont pas de mission de service public, mais voici qu'on est en train de retourner l'argument : comme ces filiales ne sauraient être financées par la redevance, elles n'auraient pas à assumer de mission de service public.
Ceci n'explique pas du tout cela et il semble indispensable que ces filiales puissent garantir par exemple le pluralisme ainsi que l'indépendance des rédactions et de la programmation dans le cadre de leurs activités commerciales.
Prenons l'exemple des activités audiovisuelles extérieures de la France. Imaginez qu'elles soient demain cofinancées par des groupes privés ayant de gros intérêts dans des pays qui seraient gênés par certains sujets, ou hostiles à certains journalistes ou prestataires auxquels ces filiales auraient recours. Il y aurait alors un risque que le pluralisme ne soit plus que lettre morte.
Il nous paraît par conséquent indispensable de réintroduire cette notion dans le texte et donc d'adopter l'amendement présenté par Noël Mamère. Je ne pense pas qu'il y ait de clivage entre nous sur ce point. Nous cherchions une unanimité : je crois que c'est sur cet amendement que nous pouvons l'obtenir. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Défavorable. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Rappelons l'état actuel du droit : la loi de 1986 autorise déjà France Télévisions à créer des filiales commerciales, qui exercent malgré tout des activités conformes à son objet social. L'article 3 a pour objet d'étendre cette disposition aux autres sociétés nationales de programme par coordination avec les autres dispositions du projet de loi.
Les filiales ne peuvent être financées par la redevance du fait qu'elles sont chargées d'activités commerciales. Cette interdiction trouve son fondement dans les dispositions des articles 86 et suivants du traité instituant la Communauté européenne. Le versement de fonds publics, comme la redevance, à des entreprises de l'audiovisuel public ne peut être autorisé qu'en compensation de coûts résultant de l'accomplissement des missions de service public confiées à l'organisme considéré.
De même, la décision de la Commission validant le système de financement de France Télévisions rappelle que les activités commerciales de celle-ci doivent être gérées au sein de filiales et qu'il doit y avoir séparation des comptes.
La séparation effective de ces comptes entre les activités qui relèvent des missions de service public confiées par l'État et les autres activités, garantie dans le cas français par la filialisation de ces dernières activités, est donc bien une condition nécessaire à la compatibilité du dispositif avec le traité de la Communauté européenne.
Patrick Bloche m'a demandé où l'on en était de la révision de la communication de la Commission. Mme Reding en a parlé dans une déclaration à Strasbourg au mois de septembre mais je n'ai pas eu d'autres nouvelles depuis.
Défavorable, pour les raisons que vient d'expliquer très précisément le rapporteur. Je précise à Mme Mazetier que l'on ne trouve pas, parmi les filiales, les sociétés de l'audiovisuel extérieur ; ce sont seulement des filiales commerciales.
Le rapporteur et la ministre n'ont pas répondu à la question posée par Mme Mazetier.
En quoi le fait que ces filiales ne soient pas financées par la redevance leur interdit de remplir des missions de service public et de respecter les cahiers des charges de France Télévisions, de Radio France ou d'AEF ? Des sociétés privées peuvent, en droit, se voir confier des missions de service public. Il n'a pas été répondu à cette question. Pourquoi ces sociétés, fussent-elles privées, ne pourraient remplir les mêmes missions de service public que les sociétés financées par la redevance ?
Cher collègue, le sujet est inépuisable. En particulier, nous n'avons pas abordé la création des chaînes thématiques, dont nous savons, pour en avoir longuement discuté en commission, notamment avec Noël Mamère, que c'est l'un des enjeux majeurs de l'avenir de la télévision publique.
On nous dit, si je comprends bien, que les chaînes thématiques seraient éventuellement filialisées. Ma question est donc simple : si, demain, la télévision publique a les moyens de créer, par exemple, une chaîne thématique enfance-jeunesse sans publicité, celle-ci sera-t-elle filialisée ou bien restera-t-elle au sein même de l'audiovisuel public ?
Je ne suis saisi d'aucune demande de parole par le rapporteur ou la ministre, monsieur Paul.
(L'amendement n° 783 n'est pas adopté.)
(L'article 3, amendé, est adopté.)
Nous en venons aux amendements portant articles additionnels après l'article 3.
Je suis saisi d'un amendement n° 687 .
La parole est à M. Didier Mathus.
Avec cet amendement, nous traitons de la question du statut de ce que l'on appelait jusqu'à présent des chaînes, et qui ne seront plus désormais des sociétés éditrices de programmes comme elles l'étaient jusqu'à aujourd'hui. Il ne s'agira plus que d'un nom sur le papier, d'une marque, d'on ne sait trop quoi. En tout cas, elles n'auront plus de statut juridique précis.
On peut donc imaginer – et c'est une grande inquiétude des personnels, quoique pas seulement de ces derniers car tous les Français sont attachés aux chaînes du service public – que la géométrie de la télévision publique puisse, demain, être modifiée selon le bon vouloir du Gouvernement ou de la direction de France Télévisions, puisque plus rien ne fera obstacle à ce que soit revu le périmètre des chaînes. L'intérêt de la télévision publique est sa logique de bouquet. Cet amendement, en proposant de consolider l'existence de France 2, vise à préserver cette dernière.
La télévision publique aujourd'hui, c'est France 2, France 3, France 4, France 5 ; de même, Arte, même si elle ne fait pas partie de France Télévisions, est une chaîne 100 % publique. Pour apprécier la « performance » de la télévision publique, il faut tenir compte de la totalité du spectre offert. Un des grands défauts de cette loi est de considérer que la télévision publique est un bloc homogène et que l'on peut demander la même chose à toutes les chaînes, imposer à toutes les mêmes prescriptions, comme la suppression de la publicité à partir de vingt heures. C'est une méconnaissance profonde de l'intérêt réel de la télévision publique ; on ne doit pas demander la même chose à France 5 et à France 2, car elles remplissent des missions différentes.
L'idée de tout renvoyer au cahier des charges repose la question du périmètre de France Télévisions. Certains d'entre vous estiment qu'il y a trop de chaînes publiques dans ce pays. Il faut le dire franchement. Nous avons compris qu'il y avait à l'UMP la tentation de fusionner les rédactions de France 3 et de France 2, ce qui reviendrait très clairement à remettre en cause l'information sur France 3 – des amendements ont été rédigés en ce sens.
Le périmètre tel qu'il résulte aujourd'hui des décisions de ces dernières années ne doit pas nécessairement être gravé dans le marbre. Je reviens sur une idée que j'exprimais tout à l'heure, à savoir la nécessité d'une chaîne pour l'enfance sans publicité, et pas seulement le soir. Il est paradoxal d'imposer la suppression de la publicité après vingt heures tout en acceptant que les émissions pour l'enfance du mercredi matin soient noyées dans la publicité.
En présentant cet amendement visant à consolider France 2, nous voulons aussi rappeler l'histoire de la télévision publique dans notre pays. France 2, ce n'est pas rien. Vous avez privatisé TF1 en 1986 avec l'argument du « mieux-disant culturel », qui était l'étendard de M. Léotard ; on apprécie aujourd'hui tout le sel de cette argumentation ! Mais je vous rappelle une autre phrase de François Léotard lors de ce débat de 1986 : « Le service public est un astre mort, c'est-à-dire un astre dont la lumière nous parvient encore mais qui est mort. » Ainsi, en 1986 déjà, la droite considérait que l'on pouvait enterrer la télévision publique.
C'est ce que vous essayez de faire par ce projet de loi. Par nos amendements, nous entendons pour notre part réaffirmer notre attachement ainsi que celui des téléspectateurs à ce qu'a représenté et à ce que représente encore la télévision publique dans notre pays.
L'amendement n° 687 vise ainsi à consolider l'existence de France 2 en tant qu'entité juridique, pour éviter que, demain, le pouvoir en place, quel qu'il soit, ne remette en cause la logique de bouquet de la télévision publique et puisse faire disparaître, sans avoir à passer devant l'Assemblée, des chaînes comme France 2 ou France 3. Les chaînes ne doivent pas être simplement un nom marketing ; elles doivent posséder une existence réelle pour favoriser la création et la diversité culturelles.
J'appuie évidemment ce qui vient d'être dit. Ce projet présente des contradictions multiples, en particulier sur ce sujet. Comment pouvez-vous, d'un côté, nous dire, dans l'exposé des motifs, à quelle heure les programmes du soir commenceront – de telles précisions ne devraient pas se trouver dans l'exposé des motifs d'une loi car elles relèvent du cahier des charges – et, de l'autre côté, tenter de diluer dans une sorte de brouet l'ensemble des chaînes du service public, qui offrent un bouquet, une diversité, avec des spécificités pour chaque chaîne, dont elles s'acquittent toutes avec succès ? Je ne sais pas si l'organisation que vous nous proposez est une nouvelle ORTF, mais c'est un objet indéfini, par lequel vous prenez le risque de faire disparaître la spécificité de telle ou telle chaîne dans une sorte de mutualisation.
On sait dans quelles circonstances est née la chaîne France 2, qui s'appelait naguère Antenne 2. On sait comment le service public a été affaibli par le bradage, en 1986, de TF1 aux amis de la majorité de l'époque.
En ce qui me concerne, je ne félicite pas ceux qui ont offert la Cinq à M. Seydoux et à M. Berlusconi, mais c'est votre majorité qui a ouvert la boîte de Pandore, en 1986, avec cette mascarade, d'une hypocrisie sans nom, du mieux-disant culturel, que l'on pourrait qualifier, en s'inspirant de l'éditorial du Monde de cet après-midi, de « foutaise ». (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
À l'époque, le Président de la République, Jacques Chirac, qui était dans sa période thatchérienne, avait inventé un bidule, la CNCL, dont la seule mission était d'offrir TF1 sur un plateau à la société Lagardère. Manque de chance, c'est la société Bouygues qui l'emporta !
On a ainsi affaibli le service public en offrant au privé – ce que même Mme Thatcher n'avait pas osé faire – la locomotive du service public, qui était en même temps la chaîne la plus ancienne : le poste de télévision s'allumait toujours sur TF1. C'est donc la chaîne traditionnelle que l'on a osé privatiser, en l'offrant à un entrepreneur du bâtiment et des travaux publics, répondant par ailleurs à des commandes publiques, ce qui pose un problème de conflit d'intérêt et d'atteinte au pluralisme.
À présent, vous nous expliquez qu'avoir une seule entité est préférable et qu'il faut par conséquent diluer les chaînes, qui ont aujourd'hui chacune leur spécificité, en remettant en cause l'actuelle locomotive du service public, la chaîne généraliste France 2.
Par cet amendement, nous souhaitons montrer notre détermination à protéger le service public, sa spécificité, sa diversité. Des émissions de France 5 n'ont pas forcément grand-chose à voir avec des documentaires présentés sur Arte. En tout cas, ce que je sais, c'est que des documentaires comme ceux que nous avons pu voir la semaine dernière sur la privatisation de l'eau en Amérique latine ou en Asie, par l'intermédiaire de sociétés françaises telles que Suez ou la Lyonnaise des eaux, sont impossibles à montrer sur les chaînes privées, et en particulier sur celles qui appartiennent à des sociétés détenant la distribution de l'eau.
Voilà la spécificité du service public. Il n'y a pas d'autre chaîne que France 5 aujourd'hui pour donner accès à l'éducation et à la connaissance.
Ces chaînes ont réussi à produire et à présenter des émissions accessibles au grand public. Non, mesdames et messieurs de la majorité, le service public n'est pas condamné à rester confidentiel ni à être la télévision du pauvre.
C'est la raison pour laquelle nous le défendrons pied à pied tout au long de cette discussion.
Il me semble, monsieur Mamère, que vous avez parfaitement lu le cahier des charges. Son article 2 définit les missions de France 2. C'est la chaîne dont vous rêvez (Rires sur plusieurs bancs du groupe UMP) : « Chaîne généraliste de la communauté nationale dont l'ambition est de réunir tous les publics autour d'un offre large et variée, se nourrissant de toutes les formes de programmes dans leur dimension la plus fédératrice. La programmation de France 2 est placée sous le double signe de l'événement et de la création audiovisuelle et cinématographique française et européenne, et joue un rôle majeur en matière d'information et de sport. »
Ne rêvez-vous pas d'une telle chaîne ? C'est parce que nous connaissons bien le cahier des charges que nous renvoyons à la spécificité des services de la nouvelle France Télévisions. L'amendement, lui, en proposant de recréer des sociétés de programme, renvoie à l'inverse de ce que prévoit la réforme. C'est pourquoi il a été repoussé. Il s'agira d'une société unique, avec des services spécialisés à la hauteur des ambitions que vous avez évoquées, monsieur Mamère. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Avis défavorable. En effet, comme l'a excellemment exposé M. le rapporteur, le cahier des charges, mais aussi l'exposé des motifs, montrent bien que nous avons beaucoup d'ambition pour ce service qui va faire partie de France Télévisions sans avoir la personnalité juridique. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Je crois qu'après ma réponse au rapporteur, Didier Mathus souhaitera répondre au Gouvernement.
Monsieur Apparu, je peux vous faire parvenir le règlement de l'Assemblée si vous le souhaitez.
Chacun pourra s'exprimer comme le prévoit le règlement. C'est encore moi qui préside, monsieur Apparu.
Monsieur Apparu, je comprends que vous soyez quelque peu frustré de ne pas vous exprimer dans ce débat, mais vous pouvez prendre la parole ; ayez le courage de défendre ce projet de loi si vous y croyez. Si vous devez le voter, on aimerait entendre le son de votre voix autrement que lors de vos invectives. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Monsieur Herbillon, vous allez prolonger inutilement le débat si vous continuez ainsi.
Monsieur Paul, veuillez poursuivre.
J'essaye, monsieur le président !
La question que pose cet amendement, monsieur le rapporteur, est celle de l'intégrité des grandes chaînes publiques, en l'espèce de France 2. Il ne s'agit pas là d'immobilisme, mais, au contraire, de responsabilité. Nous voulons être, vous aussi sans doute, des architectes sérieux de l'avenir de l'audiovisuel public. Mais nous renvoyer au cahier des charges ne sert à rien car celui-ci n'a aucune portée normative.
Il n'a pas plus de portée que la feuille jaune de séance que nous avons sous les yeux ! C'est certes une indication, mais ce type de document n'a pas force de loi. Or quand il en va de l'intégrité des chaînes publiques, nous souhaiterions que le dispositif soit inscrit dans la loi. Mais vous, vous ne le souhaitez pas.
Je crois que nous sommes en train d'assister à un basculement dans ce débat. Nous avons tous lu avec intérêt le titre du Monde paru aujourd'hui : « La télévision publique en voie d'asphyxie ».
Certes, mon cher collègue, Le Monde a ajouté un point d'interrogation car c'est un journal pondéré, mais, au fur et à mesure que les heures passent, au fur et à mesure qu'avance le débat, le point d'interrogation s'efface. Madame la ministre, vous ne nous donnez aucune garantie sérieuse, vous refusez tous les amendements qui pourraient permettre de croire en votre volonté de maintenir durablement l'intégrité des chaînes du service public. C'est un démembrement auquel nous assistons. Le concept de média global n'empêche pourtant en rien d'affirmer l'identité et l'intégrité des chaînes publiques. M. Copé, il y a quelques mois, faisait de grandes promesses sur l'avenir du service public, nous prédisant du Malraux dans ce débat. Nous attendions Malraux : ce fut Berlusconi. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La série d'amendements socialistes après l'article 3 soulève un vrai problème. En effet, je me demande si la définition des chaînes relève de la loi ou bien, comme l'a défendu avec précision notre rapporteur, du cahier des charges ? En ce dernier cas, il serait aussi utile de savoir ce que pèse le cahier des charges dans l'architecture globale, entre le contrat d'objectifs et de moyens et la loi. De plus, en quoi aurait-il été choquant de définir les chaînes dans la loi, sans remettre en cause l'entreprise unique ? Que contiennent respectivement le cahier des charges, le COM et la loi, et quelle est leur valeur juridique ? Enfin, quelle est la place de ces trois documents dans l'architecture globale du dispositif ? Une réponse sur tous ces points éclairerait l'examen de la série d'articles additionnels.
(L'amendement n° 687 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 688 .
La parole est à M. Marcel Rogemont.
L'amendement vise à créer un article 44-2 dans la loi de 1986 pour affirmer la présence de France 3 en tant que société nationale de programme parce que cette chaîne est la télévision de la proximité. Il importe, de ce fait, que son existence soit reconnue.
France 3 est importante car elle constitue peut-être la présence la plus forte de France Télévisions dans le pays, et que cette présence est exigeante pour le groupe en termes de personnels et de coûts. C'est en effet une chaîne qui, de par sa mission et la présence qu'elle assure sur l'ensemble des territoires, notamment lors des décrochages locaux, a nécessairement un coût très important.
Il importe donc que cette chaîne, actuellement bousculée, au moins dans les propos, voire dans les intentions de certains, soit prévue explicitement dans la loi pour que la mission qui lui est impartie reste bien assumée par France Télévisions. En effet, nous avons entendu qu'il était question de la diviser en sept sociétés, susceptibles d'être vendues et de quitter le giron de l'espace public. Cela soulève une forte inquiétude, partagée évidemment par tous les téléspectateurs qui sont attachés à cette chaîne, mais aussi par le personnel. Celui-ci sent bien qu'il y a une volonté sourde, mais affirmée, de réduire la voilure de France 3, voire de céder cette chaîne. Certains vont me rétorquer que, dans le projet de loi, on raisonne à périmètre constant. Mais je rappelle que lorsque M. Sarkozy était candidat à la Présidence de la République, il avait dit qu'il y avait un sous-financement de la télévision publique. Dès lors, il ne suffit pas que M. Sarkozy donne 450 millions à TF1 et à d'autres chaînes privées en disant que l'État compensera les recettes publicitaires perdues par la télévision publique : il ne ferait là que rétablir une situation qu'il qualifiait lui-même de sous-financement. La question du périmètre de France télévisions va donc se poser très rapidement. À ce titre, France 3 sera exposée.
Notre rapporteur, avec sa verve naturelle, nous a rappelé les missions de France 2. Je ne doute pas qu'il va nous expliquer que le cahier des charges prévoit également quelque chose pour France 3. On verra bien. Mais le problème majeur, c'est la valeur juridique d'un cahier des charges. Notre collègue Jean Dionis du Séjour s'est interrogé sur ce point à juste titre.
Le cahier des charges a la force contraignante que lui donnent les textes !
Certes, mon cher collègue, mais il n'est pas voté. Cela veut dire que la puissance qui le rédige peut, selon le parallélisme des formes, le réécrire, voire le supprimer, sans que la représentation nationale en soit informée. Je trouve anormal que France 3 puisse être supprimée ou notablement changée dans ses missions sans que nous en soyons informés. En effet, je répète que France 3 est une télévision de proximité appréciée par la totalité des Français.
En conclusion, je regrette que, dès à présent, alors même que la loi n'est pas votée et qu'elle ne devrait supprimer la publicité après vingt heures qu'à partir du 5 janvier, les rappels des titres nationaux ne soient désormais plus donnés par France 3 juste avant vingt heures parce qu'il s'agit de préparer les espaces nécessaires pour diffuser de la publicité à ce moment. Ce petit indice nous révèle les desseins que nourrissent certaines personnes à son sujet. C'est pourquoi je pense que, même si l'amendement précédent, relatif à France 2, a été repoussé, l'amendement sur France 3 devrait réunir une très large majorité.
Même avis que pour l'amendement précédent. Je vous fais grâce de la lecture de l'article afférent du cahier des charges. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Non, monsieur Kert, il faut que cet amendement serve au moins à quelque chose !
Je précise à notre collègue Jean Dionis du séjour, qui s'est interrogé sur la nature juridique des documents, que le cahier des charges est un document réglementaire. Il a donc, monsieur Christian Paul, une portée normative. Je rappelle, au passage, qu'il sera soumis à l'examen des commissions culturelles de l'Assemblée nationale et du Sénat. Nous aurons donc notre mot à dire. En revanche, le contrat d'objectifs et de moyens est un document à caractère contractuel. Il n'est pas de même nature juridique que le cahier des charges.
L'amendement, en proposant de mentionner France 3 dans le projet de loi, revient sur l'esprit même de la réforme. Voilà ce qui justifie l'avis défavorable de la commission.
Avis défavorable. Le cahier des charges est un décret, donc, comme l'a dit le rapporteur, un texte réglementaire. Il faut aussi prendre en compte l'exposé des motifs du projet de loi et, même si son statut n'est pas le même, le contrat d'objectifs et de moyens. Nous prenons donc beaucoup de précautions.
J'ajoute que le Président de la République a pris des engagements très précis sur le périmètre de France Télévisions. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Je signale, en outre, qu'il serait possible, dès aujourd'hui, de privatiser et de vendre une des sociétés de France Télévisions, et probablement beaucoup plus facilement que demain, lorsqu'il y aura une société unique.
Tout le monde sait sans doute ici que France 3 est la chaîne de télévision préférée des Français. Lorsqu'on lit tous les sondages qui leur demandent quelle est la chaîne qu'ils préfèrent, ils répondent : « France 3 ». En effet, cette chaîne est capable de faire sienne la judicieuse formule écologique : « agir local, penser global ».
Cette capacité d'être très proche de chacun des spectateurs tout en ayant une vision globale me paraît tout à fait fondamentale. L'un de ses administrateurs disait : « France 3, cela va de notre rue à l'universel ». Voilà pourquoi une telle télévision a beaucoup d'importance.
C'est alors que les parlementaires de la majorité se manifestent. Les uns disent qu'il faut supprimer tout ce qui est national, avec des amendements proposant de supprimer toutes les missions d'information nationale.
À partir de là, les parlementaires de la majorité partent dans diverses directions : les uns veulent supprimer tout ce qui est national – quelques députés UMP proposent ainsi des amendements visant à la suppression de toutes les émissions d'informations nationales ; les autres expliquent que les salariés sont beaucoup trop nombreux et qu'il faut réduire les effectifs, tout en s'interrogeant sur ce qui doit primer – avoir 24 régions ou 111 journaux locaux ?
Tout cela manque de cohérence. Dans le cahier des charges, rien n'indique sur quoi l'accent sera porté demain. Les journaux locaux ? Les 24 régions couvertes à l'heure actuelle ? Veut-on renforcer une télévision nationale ? Veut-on définitivement oublier cette télévision régionale où la Provence-Alpes-Côte d'Azur, le Languedoc ou le Nord-Pas-de-Calais – faute lourde inacceptable – ne se retrouveront pas ?
France 3 apparaît bien comme la télévision la plus en danger, car elle semble se prêter au plan d'économies le plus important. En même temps, de toutes les télévisions de service public, c'est peut-être la plus nécessaire car apportant le plus de lien social. Je ne me contenterai donc pas de la réponse qui vient de nous être donnée sur le mode « c'est plus ou moins dans le cahier des charges », alors que chacun sait que ce dernier n'a pas force de loi.
Il s'agit de rassurer ce personnel…
…qui fait un travail absolument remarquable. Ce personnel doit se rendre compte qu'on ne balaie pas d'un revers de main toute la politique qui a été menée tant sur le plan national que sur le plan local. J'espère que Mme la ministre pourra être plus précise dans ses réponses pour nous éclairer.
À ce stade de la discussion, je vais me contenter – cela ne durera pas longtemps, rassurez-vous – de vous lire un extrait de cet excellent article paru sous forme de dossier dans le journal Le Monde de cet après-midi, et qui s'intitule « La réforme de l'audiovisuel en cinq questions. »
L'une des cinq questions posée est la suivante : « France 3 fera-t-elle les frais de la réforme ? » Les journalistes écrivent : « Lors de son annonce de la réforme, Nicolas Sarkozy a assuré que le périmètre du service public ne serait pas remis en cause. »
« Aujourd'hui, France Télévisions est structurée autour de cinq chaînes : France 2 (généraliste), France 3 (nationale à vocation régionale), France 4 (pour les 15-34 ans), France 5 (culturelle) et France Ô (outre-mer). » Avec Didier Mathus, nous avons d'ailleurs expliqué la spécificité de chacune d'elles. Les auteurs de l'article poursuivent : « En tout, les chaînes du service public captent un peu plus du tiers de l'audience (34 %). »
« Même si elle n'est pas nommément visée, c'est France 3 qui devrait faire les frais de cette réforme. Avec ses 6 000 salariés, dont 1 600 journalistes, 24 bureaux d'informations régionales et 111 journaux locaux, régionaux et nationaux par jour, France 3 possède la plus grande rédaction de France. Dans le nouveau cahier des charges et des missions de France Télévisions qui doit entrer en vigueur en janvier 2009, France 3 est définie comme une chaîne qui “s'attache à développer l'information régionale et locale et à accroître le nombre d'éditions de proximité”. »
« Les syndicats de France 3 redoutent que la chaîne perde son identité et soit rétrogradée à “une chaîne régionale à vocation nationale”. Ils dénoncent la volonté du Gouvernement de démanteler France 3, qui serait ensuite revendue “par appartements” aux quotidiens de la presse régionale. »
« Les journaux nationaux de la chaîne font pourtant de très bonnes audiences (près de cinq millions de téléspectateurs pour le 19-20.) »
« Patrick de Carolis, PDG de France Télévisions, a réaffirmé que les rédactions nationales de France 2 et de France 3 seraient maintenues, mais deux députés UMP, Jacques Myard et Lionnel Luca, se sont déclarés favorables à la suppression des journaux télévisés de France 3 qui, selon eux, font “doublon” avec ceux de France 2. “France 3 national, on s'en fout. Il vaut mieux mettre le paquet sur le régional”, affirmé M. Luca. »
Il y a des originaux qui ne savent pas quoi inventer pour se faire remarquer,…
…mais, en même temps, on peut remarquer que ces déclarations de nos deux collègues députés sont dans la ligne de ce que vous souhaitez à terme. Nous l'avons dit : quand le service public ne fonctionnera plus bien parce qu'il aura été asséché, il se trouvera parmi vous de bons esprits pour défendre l'idée d'une vente de France 3 par appartements. À qui ? Je le dis et je le répète, madame la ministre : à la presse quotidienne régionale qui n'attend que ça !
Les déclarations récentes de M. Patrick de Carolis sur la création de « web télés » à partir des bureaux régionaux de France 3, associant les élus locaux – c'est-à-dire les régions – et les journaux de la presse régionale, sont très inquiétantes. Les observateurs des médias, ceux qui suivent ces débats et connaissent bien le fonctionnement de l'audiovisuel – comme MM. Daniel Psenny et Patrick Roger – s'inquiètent eux aussi du sort de France 3, car ils savent que cette chaîne va sans doute faire les frais de la mise à sac du service public.
Voilà pourquoi nous soutenons l'amendement présenté par nos collègues, qui vise à protéger la spécificité et l'identité de France 3.
(L'amendement n° 688 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 691 .
La parole est à Mme Sandrine Mazetier.
À notre collègue Jean Dionis du Séjour, cet amendement posera sûrement les mêmes problèmes que les deux précédents. De notre part, il appelle la même demande de précisions et les mêmes questions sur la pérennité de ce qui constituait des chaînes, appelées à devenir de simples services. D'ailleurs, ces chaînes sont abondamment citées dans l'exposé des motifs, qui se substitue ainsi d'une manière assez curieuse au cahier des charges ou aux contrats d'objectifs et de moyens.
Pour France 4, nous avons les plus grands soucis à nous faire. D'abord, parce qu'elle est l'une des plus récentes des chaînes du groupe, qu'elle est moins connue du grand public que France 2, le vaisseau amiral, ou moins inscrite dans les territoires que France 3. Pourtant, France 4 fait partie de ces petites chaînes qui montent et qui ont d'ailleurs causé bien du souci à de grandes chaînes privées en grignotant le gâteau publicitaire.
D'ailleurs, la concurrence des chaînes de la TNT a probablement inspiré une bonne partie des dispositions de ce projet de loi, en particulier la disposition aberrante qui consiste à supprimer d'abord la publicité diffusée entre vingt heures et six heures du matin – à croire que ce texte a été rédigé par un grand insomniaque, importuné par la pression publicitaire qui pesait sur lui en pleine nuit.
Pour en revenir à France 4, l'exposé des motifs en fait la « chaîne de la reconquête de la jeunesse et des nouvelles générations par son offre de culture et de divertissement de qualité. » Renouveler ses publics constitue une obligation pour n'importe quelle entreprise, et en particulier pour un groupe de médias comme France Télévisions. Dans ce groupe, France 4 est donc le fer de lance du groupe, en ce qui concerne la jeunesse. Mais dans leur exposé des motifs, les rédacteurs du projet donnent une vision de la jeunesse et des programmes aptes à la séduire qui fait trembler.
En effet, on nous explique : « Il est essentiel que France Télévisions renforce son action en direction de la jeunesse, en offrant un large choix de programme pour tous les âges, et en encourageant la production de programmes d'animation français, sur toutes les chaînes et particulièrement sur France 4. » Un peu plus loin, il est précisé : « Les programmes jeunesse de France Télévisions devront contribuer au bon développement de l'enfant en l'aidant à grandir et à se construire. Ses programmes éducatifs concerneront aussi bien l'éducation à l'image que l'éducation à la bonne alimentation. »
J'ignore si vous avez tous des adolescents à la maison, mais imaginez de les installer cinq minutes d'affilée devant un programme assurant leur éducation à la bonne alimentation. Croyez-vous qu'ils vont tenir cinq minutes d'affilée devant ce type de programme ? En fixant des objectifs totalement soporifiques – nous sommes passés de l'insomnie à la sieste permanente –, on va petit à petit faire fuir le public de France 4 et détruire la vocation de la chaîne. Une fois démontré que France 4 n'a plus d'audience, on l'éliminera. C'est ainsi que vous procédez dans des domaines concernant toutes sortes de services publics.
Pour balayer ces inquiétudes, il faut que vous inscriviez dans la loi le nom de ces chaînes – en particulier celui des chaînes les plus récentes comme France 4 qui mérite une telle inscription – dans un article additionnel à l'article 3, ainsi que le propose cet amendement.
Sandrine Mazetier faisait référence à ces petites télévisions qui grignotent les grandes chaînes privées et publiques, un peu plus chaque mois ; une étude récente montre ainsi l'importance croissante de l'impact et de l'audience de celles qui sont liées à la TNT comme France 4.
Dans votre projet de loi, vous ne voulez pas préciser la spécificité de chacune des chaînes du service public. Comme l'a très bien dit Mme Mazetier, c'est sans doute pour offrir une séance de rattrapage à TF1 qui a commis une énorme erreur stratégique en refusant d'entrer dans la TNT. À l'occasion d'un autre texte, un de vos collègues député – qui a abandonné l'hémicycle cette semaine probablement pour poursuivre son lobbying – avait proposé un amendement sur l'abaissement du seuil de concentration. Il s'agissait aussi de permettre à ses amis de FT1 et du groupe Bouygues de rattraper leurs erreurs.
Dans ce projet de loi, il est utile de bien préciser la spécificité de France 4, nouvelle chaîne de la TNT qui s'adresse aux 18-34 ans. J'approuve la proposition, émanant de la gauche et réitérée par notre collègue Mathus depuis la semaine dernière, sur la création d'une chaîne spécifique consacrée à l'enfance et à la jeunesse, débarrassée de toute influence commerciale, et non pas noyée dans les tranches où existerait de la publicité sur le service public.
France 4 est un outil important et si cette chaîne n'est peut-être pas regardée par le plus grand public, de plus en plus de nos concitoyens regardent la télévision par la TNT – de même que par Internet, ce qui représente un grand progrès. Nombre de chaînes que l'on croyait confidentielles prennent ainsi une importance croissante en affirmant leur caractère généraliste et de proximité. C'est la raison pour laquelle il me paraît important de préciser les spécificités de France 4, en particulier en ce qui concerne la vocation de cette chaîne.
J'ai noté avec plaisir que Sandrine Mazetier avait eu la gentillesse de passer son week-end à lire mon rapport, mais je voudrais lui rappeler ce qui est indiqué à la page 130 : « Ainsi, France 4, créée à l'occasion du lancement de la télévision numérique terrestre par le dernier alinéa du I de l'article 44, est une filiale ad hoc, dont les modalités de gouvernance ne sont pas définies par la loi, contrairement aux autres chaînes, alors qu'elle répond au même régime juridique qu'elles. Cette disposition spécifique pour France 4, chaîne uniquement numérique, a été introduite en 2000, bien avant que le nom et l'identité de la chaîne n'aient été définis. Il n'était alors pas possible au législateur de définir quels seraient le nombre, et a fortiori les missions, des nouvelles chaînes de service public. »
Je cite ce passage pour vous faire comprendre que même s'il n'est pas inscrit dans la loi, l'esprit de liberté qui nous anime permet de créer de nouvelles chaînes en lesquelles vous finissez par voir – à juste titre – des références.
Je m'associe à votre défense de France 4 qui est, au prorata, la chaîne dont l'audience a le plus augmenté et qui s'adresse à une nouvelle couche de population que France Télévisions ne parvenait plus, semble-t-il, à attirer. Sur ce point au moins, nous nous rejoignons.
Défavorable, pour les raisons précédemment exposées et au nom de la liberté si nécessaire à France 4.
La parole est à M. Patrick Bloche, qui sera le dernier à intervenir sur cet amendement.
C'est, moi aussi, au nom de la liberté que je voudrais répondre à la commission et au Gouvernement. En ne votant pas les amendements portant articles additionnels après l'article 3, nous ouvrons en effet la possibilité de supprimer, dans une liberté quasi totale, des chaînes de service public qui existent actuellement. Vous nous avez rappelé sans rire, madame la ministre, que le Président de la République avait pris l'engagement – dont vous nous permettrez de sourire – que le périmètre de France Télévisions ne subirait aucune modification après le vote de ce projet de loi. Vous nous avez par ailleurs assurés qu'il n'y aurait pas de ventes de chaînes publiques. Mais sur ce point, nous ne sommes pas inquiets ! Il n'est évidemment pas question de créer une concurrence dont pourraient souffrir MM. Bouygues, Bolloré et consorts. TF1 a toujours été défavorable à toute privatisation d'une chaîne publique, qu'il s'agisse de France 2 – la chaîne la plus citée à ce sujet – ou de France 3.
L'heure n'est plus à la privatisation : il est hors de question de créer, en privatisant une chaîne, un nouveau concurrent pour les grandes chaînes privées ! Nous sommes passés à une nouvelle phase, celle de l'euthanasie par étouffement, consistant à asphyxier l'audiovisuel public en le privant de financement. Vous n'avez d'ailleurs pas répondu à la question que je vous ai posée tout à l'heure sur le plan d'affaires, madame la ministre. On parle beaucoup du contrat d'objectifs et de moyens et du cahier des charges, mais pas un mot n'est dit au sujet du plan d'affaires, qui ne prévoit un retour de l'équilibre pour France Télévisions qu'en 2011. En attendant, nous aurons à faire face à un déficit de 160 millions d'euros en 2010, dont la répartition entre France Télévisions et l'État n'est pas encore arrêtée.
Je le répète, si nos amendements ne sont pas adoptés, ce projet de loi donnera toute liberté, à périmètre constant, de provoquer l'étouffement et la disparition de certaines chaînes – une disparition facilitée par le fait que ces chaînes ont perdu leur identité et leur spécificité pour devenir de simples filiales dont la loi ne garantit plus l'existence juridique propre, renvoyant à un cahier des charges qui pourra être ultérieurement modifié.
Tel est le risque majeur que nous dénonçons. Ce n'est pas par principe ou par idéologie de maintien de l'existant que nous défendons ces chaînes. Si nous y tenons, c'est parce qu'elles représentent la garantie de la diversité de l'audiovisuel public, et nous craignons beaucoup qu'en négligeant d'inscrire leur existence juridique dans la loi, elles finissent tôt ou tard par disparaître sans presque que l'on ne s'en aperçoive.
J'entendais répondre au Gouvernement comme le prévoit notre règlement, monsieur le président, mais vous ne me l'avez pas permis.
Dans ces conditions, je demande une suspension de séance.
Monsieur Mathus, il me semble que l'Assemblée a été convenablement éclairée et que pouvons passer à l'examen de l'amendement suivant.
Je vous rappelle que la suspension est de droit, monsieur le président.
Rappel au règlement
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue, le mardi 2 décembre, à zéro heure cinq, est reprise à zéro heure quinze.)
France 5 est la chaîne du savoir et de la connaissance. Elle semble cadrer parfaitement avec ce qu'on peut lire dans l'exposé des motifs de votre projet de loi, madame la ministre, dont je citerai ici un extrait :
« La mission d'une télévision publique est aussi d'éclairer les grands enjeux de société, de donner aux téléspectateurs les moyens de comprendre et surtout de participer aux débats. Pédagogique, elle invitera les téléspectateurs à pénétrer les coulisses de l'histoire et à percer les mystères de la science. Surtout, la nouvelle télévision publique profitera du développement d'Internet pour tisser des liens encore plus solides avec ses téléspectateurs en leur permettant de rebondir, de trouver des informations complémentaires, de creuser des sujets, de débattre sur des forums. »
C'est précisément tout ce que fait France 5. On voit donc bien l'ineptie de votre projet qui vise à diluer l'identité des chaînes, en l'occurrence celle de France, dans un groupe, France Télévisions. France 5 réussit très bien. Elle remplit notamment sa vocation pédagogique puisqu'elle a développé un réseau important avec les écoles et les collèges, grâce à Internet notamment.
Voilà pourquoi nous défendons l'identité de France 5.
La commission est défavorable à cet amendement, qui est dans la même ligne que les précédents. Je reprendrai ici l'exemple que nous avons pris la semaine dernière à propos de Radio France. Aucun de nous ne s'émeut que M. Paul soit un accro de France Info, que M. Mathus soit un accro de France Inter, que M. Rogemont soit un accro de France Culture ou que Mme Filippetti et Mme Mazetier soient des accros du Mouv'. (Rires sur les bancs du groupe SRC.)
Vous ne cherchez pas à savoir, chers collègues, s'il y a une entité juridique. Vous écoutez votre radio. Il s'agit pourtant d'une société unique, avec différents services. Cela vous donne satisfaction. Pourquoi réclamez-vous autre chose pour France Télévisions, avec une insistance qui devient peut-être un peu prégnante ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Avis défavorable pour les mêmes raisons.
Certes. Mais je rejoins avec force les arguments développés par M. le rapporteur, et notamment le parallèle avec Radio France qui était très pertinent.
Au risque de vous décevoir, monsieur le rapporteur, moi je suis un accro du service public.
Cela signifie défendre ce service pied à pied, amendement après amendement, article après article, pour éviter la catastrophe annoncée que vous êtes en train d'écrire avec ce texte.
C'est la raison pour laquelle je soutiens l'amendement qui a été présenté par Aurélie Filippetti. France 5 est en effet une grande réussite de France Télévisions, en matière d'émissions concernant l'éducation, la connaissance et même s'agissant de débat. Je pense en particulier à C'est dans l'air, qui prouve qu'on n'est pas obligé de mélanger le divertissement et la politique pour organiser des débats de société. Oui, on peut proposer à des heures qui ne sont pas forcément qualifiées de grande écoute – par exemple entre 18 heures et 19 heures ou entre 17 heures et 18 heures – des émissions de grande qualité permettant d'apprendre et à l'issue desquelles on se sent un peu plus intelligent.
France 5 fait partie de ces chaînes du service public qui doivent être protégées et promues. Aurélie Filippetti a fort justement cité l'exposé des motifs du projet de loi et tenté d'appeler votre attention sur la nécessité de protéger France 5, comme nous avons essayé de le faire pour d'autre chaînes à travers la succession d'amendements que nous avons présentés. Monsieur le rapporteur, en acceptant cet amendement, vous montreriez que vous êtes solidaire de la défense du service public et que vous êtes, vous aussi, un accro du service public.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Excellent !
Tous ces amendements tendent à défendre l'identité des chaînes. Aurélie Filippetti vient d'évoquer France 5. Chacun connaît la réussite de cette chaîne, depuis 1998-1999, depuis qu'on a inventé pour elle des programmes correspondant à l'esprit de service public, depuis qu'elle a elle-même développé un site à vocation pédagogique – lesite.tv. Cet excellent produit rencontre un énorme succès auprès de milliers et de milliers d'enseignants.
De même France 4, avec Tarata, a redonné du sens à la musique en direct. C'est la seule émission aujourd'hui fondée sur le direct live, comme on dit en français. Elle propose la retransmission, dans les conditions du direct, de la musique vivante. Cela n'existait plus sur les autres chaînes de télévision. France 4 l'a réinventé.
France 3, quant à elle, a remis au goût du jour, en le modernisant, le feuilleton avec Plus belle la vie. Ce produit télévisuel, tout à fait remarquable, d'un certain point de vue, rencontre un très vif succès. Cela commence d'ailleurs à gêner TF1, qui, drapée dans sa virginité outragée, s'étonne qu'à l'heure où elle diffuse le journal du soir, le service public ose proposer un feuilleton. M. Dassier, directeur de l'information de TF1 a crié au scandale pour demander l'interdiction de Plus belle la vie sur France 3. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le rapporteur, madame la ministre, toutes ces chaînes ont une utilité. Et si nous voulons qu'elles soient consolidées dans la loi, c'est que nous n'avons pas confiance dans la pérennité du cahier des charges et, moins encore, dans la parole du Président de la République.
Vous nous dites qu'il s'est engagé à ne pas toucher au périmètre. Mais j'ai des doutes.
D'après vous, chers collègues, de qui donc est la phrase suivante : « Je préfère qu'il y ait un peu plus de publicité sur les chaînes publiques plutôt que ces chaînes n'aient pas assez de moyens pour financer des programmes de qualité. » ? Eh bien, ces paroles sont de Nicolas Sarkozy ! C'était dans L'Express, en février 2007 (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), soit moins d'un an avant qu'il n'annonce son intention de supprimer la publicité sur France Télévisions.
C'est dire le crédit qu'on peut accorder aux propos du Président de la République ! Vous comprendrez donc que nous n'ayons aucune confiance dans la parole du Président lorsqu'il prétend ne pas vouloir toucher au périmètre de France Télévisions.
Nous savons d'ailleurs très bien que la question n'est pas celle du périmètre : c'est celle de l'asphyxie. Nous n'avons pas d'inquiétude sur la privatisation éventuelle d'une chaîne. M. Bouygues en est le meilleur garant. Tant qu'il sera là, il n'y aura pas de privatisation car ses intérêts sont en jeu. Nous sommes en revanche convaincus qu'on s'achemine vers l'asphyxie, à terme, d'une ou deux chaînes de la télévision publique. On voit bien que le danger est grandissant, notamment pour France 3, qui court le risque d'une vente par appartement, par région, par société d'économie mixte…
Dans un débat d'une autre nature, avec un autre exécutif, qui aurait par exemple tenu ses engagements, on aurait pu envisager en effet, et comme le proposait Christian Kert, une architecture semblable à celle de Radio France. Malheureusement, nous ne pouvons accorder aucun crédit aux propos de Nicolas Sarkozy dans ce domaine.
Ce projet de loi n'a qu'un cap : trouver le chemin entre l'étatisme et l'affairisme.
(L'amendement n° 689 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 690 .
La parole est à M. Christian Paul.
Tout ce qui vient d'être redit avec beaucoup de conviction et de pertinence…
… par Didier Mathus vaut encore plus pour RFO. Depuis 2002, et je ne prends pas cette date au hasard, cette chaîne, qui avait réussi à gagner, avec l'aide des gouvernements successifs, une réelle indépendance dans le paysage audiovisuel, a vu cette indépendance progressivement rognée pour en arriver à une autonomie de plus en plus fragile au sein de l'ensemble de l'audiovisuel public. Celle-ci n'est même plus garantie dans le présent texte. À court ou moyen terme, RFO est menacé. Vous refusez en tout cas d'inscrire dans la loi une garantie ferme à portée normative législative pour assurer son avenir.
Pourtant, ce réseau est irremplaçable – nous pouvons tous en témoigner ici à différents titres – pour affirmer les identités plurielles des outre-mers. Il y a une dizaine d'années, on parlait des DOM-TOM. Aujourd'hui, on évoque les outre-mers, et je me réjouis que cette façon de nommer les collectivités d'outre-mer ait été retenue. RFO, c'est le média des outre-mers.
Pour nombre de nos concitoyens d'outre-mer, ce réseau est le moyen d'éviter un traitement périphérique de l'information les concernant. RFO remet en effet les outre-mers au centre de la République.
RFO, c'est aussi une façon de garantir la diversité au sein de l'audiovisuel. Ce métissage des médias est nécessaire. Dans cet héritage compliqué de la période post-coloniale, RFO a su conquérir ses lettres de noblesse.
Monsieur le rapporteur, même si vous avez balayé, certes avec beaucoup d'amabilité mais également une constance jamais prise en défaut, les amendements concernant France 2, France 3, France 4 et France 5, faites preuve d'un peu d'indulgence, de compréhension et, tout simplement, d'intelligence politique pour maintenir France O, et acceptez notre amendement.
Vous allez surtout faire de la peine à des millions de Français, monsieur le rapporteur.
… car la commission a repoussé cet amendement, qu'il faudrait en réalité retirer. Du fait du rejet des quatre autres, intégrer seulement RFO dans la loi reviendrait à marginaliser cette chaîne.
Défavorable.
Il a des signes qui, dans un débat comme le nôtre, dépassent le sujet strictement traité.
Il est utile et précieux de rappeler en permanence que la République reste vigilante à apporter à celles et ceux qui vivent loin les réponses les mieux adaptées à leurs particularismes.
Or, en ne voulant pas garantir dans la loi la présence de RFO au sein de l'audiovisuel public, on prend le risque de créer un malentendu avec nos concitoyens d'outre-mer. Cela avait d'ailleurs été bien compris par le Gouvernement et la majorité en 2000. Ayant d'abord envisagé une autre option, ils s'étaient finalement ralliés à la demande unanime des députés et sénateurs d'outre-mer, qui plaidaient pour l'intégration de RFO dans le périmètre de France Télévisions.
Les mêmes arguments valent aujourd'hui. Élu d'un département continental mais lointain, je sais qu'il est toujours utile de rappeler la présence de la République sur chaque portion de son territoire, ce qui passe par le développement de ses moyens.
J'ai ici des déclarations émanant des journalistes et des organisations syndicales de RFO. Ils s'inquiètent non seulement des pertes sèches et des suppressions d'emploi liées à la fin de la publicité, mais également de la disparition éventuelle d'émissions régionales qui rappellent la spécificité des territoires d'outre-mer. Ils demandent au service public de maintenir ces émissions, et ne pas les écouter reviendrait à accroître leur inquiétude et nous conduirait au malentendu que j'évoquais tout à l'heure.
Je veux donc bien entendre les arguments liés au cahier des charges, mais, en ce qui concerne RFO, il est nécessaire de rappeler dans la loi qu'il appartient au périmètre de l'audiovisuel public. Cette appartenance doit être garantie par la loi et je ne peux que demander au Gouvernement d'examiner notre amendement avec la plus grande prudence et sans démagogie ; il en va de l'intérêt des départements et des territoires d'outre-mer.
(L'amendement n° 690 n'est pas adopté.)
L'article 4 va certainement faire l'objet de longs débats dans la mesure où il prévoit que le capital de l'audiovisuel extérieur de la France n'est plus détenu en totalité par l'État, ce qui pose quelques questions sur les arrière-pensées que nourrit le Gouvernement à son sujet.
Cet article fait par ailleurs disparaître la référence aux sociétés de programme que nous venons de défendre l'une après l'autre, à savoir France 2, France 3, France 4, France 5 et RFO, ce qui est contraire à ce que nous voulons pour le service public.
Pour en revenir au capital, il nous paraît choquant que l'État puisse envisager de ne pas détenir en totalité le capital de la société de programme AEF, alors même que nous ne sommes pas tout à fait sortis de l'imbroglio créé par la répartition du capital sur deux têtes à la création de France 24, avec ce dispositif étonnant qui octroyait 50 % du capital à France Télévisions et 50 % à TF1.
Nous avons appris tout à l'heure que, pour sortir du capital de France 24, TF1, qui avait misé exactement 17 500 euros en 2006, a demandé, dans un premier temps, 90 millions d'euros, puis, revenue à des exigences plus raisonnables, 2 millions d'euros. Cela représente malgré tout une belle plus-value pour une mise de départ de 17 500 euros…
On s'interroge par ailleurs pour savoir si ces deux millions d'euros ne sont pas assortis d'accords implicites sur l'achat de programmes. Et il se murmure dans les milieux autorisés que TF1 aurait revu ses exigences à la baisse en échange de promesses sur l'achat de programmes par AEF à des prix très intéressants pour la chaîne privée. J'aimerais donc que la ministre nous éclaire sur cette question et sur l'existence éventuelle d'un codicille non écrit dans l'accord qui doit sceller le retrait du groupe Bouygues du capital de France 24.
Vous comprendrez que le fait que le Gouvernement ait voulu inscrire explicitement dans le projet de loi que l'État ne détiendrait pas en totalité le capital extérieur de la France nous paraît très inquiétant. Et, si l'État a des arrière-pensées concernant des partenaires éventuels, la représentation nationale mérite d'être éclairée sur ce point.
Nous serons donc nombreux à intervenir sur l'article 4, qui pose un problème de principe. L'État, qui revendique par ailleurs de nommer directement les P-DG des sociétés de l'audiovisuel public nous explique dans le même temps qu'il ne souhaite pas détenir la totalité du capital d'AEF et préfère l'ouvrir à des partenaires extérieurs. On ne peut pas ainsi tenir un double langage, dire une chose et son contraire. Nous tenterons donc, par voie d'amendements, d'obtenir des clarifications et de rectifications afin d'éviter le pire.
L'argumentation de Didier Mathus est si bonne que nous pourrions sans doute passer immédiatement au vote. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Didier Mathus a donc dit l'essentiel sur notre inquiétude au sujet de l'avenir du capital de l'audiovisuel extérieur de la France.
Voilà trois ans que règne une véritable pagaille autour de l'audiovisuel extérieur de la France, et bon nombre de nos collègues de la majorité ne diraient pas autre chose – je pense en particulier à François Rochebloine. Après la vision défendue par Jacques Chirac, qui prônait un système mixte alliant le service public et TF1 au bénéfice de cette dernière, nous avons eu droit à celle du député Bernard Brochand, lequel a si bien vanté les mérites de son projet que François Rochebloine, dont les propositions avaient pourtant recueilli l'unanimité, s'est vu mis sur la touche.
Quant à la nouvelle proposition faite par ce Gouvernement, avec l'appui du Président de la République, elle consiste à dédommager TF1 de sommes qu'elle n'a pas investies, en continuant à lui octroyer des avantages scandaleux.
Je voudrais vous croire, madame la ministre, lorsque vous dites qu'il n'est pas question de faire de cadeaux à TF1 et que vous souhaitez, honnêtement et sincèrement, un service public fort. Prouvez-le-nous ! Ce texte vous en fournit l'occasion.
Pour notre part, nous présenterons des amendements tendant à montrer la vilénie de dispositions qui permettent aujourd'hui à TF1 de récupérer de l'argent, alors qu'elle ne s'est jamais occupée de ce projet. Nous aurons l'occasion d'en reparler dès demain.
Prochaine séance, aujourd'hui, mardi 2 décembre, à neuf heures trente :
Questions orales sans débat.
La séance est levée.
(La séance est levée, le mardi 2 décembre, à zéro heure quarante.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma