Avec cet amendement, nous traitons de la question du statut de ce que l'on appelait jusqu'à présent des chaînes, et qui ne seront plus désormais des sociétés éditrices de programmes comme elles l'étaient jusqu'à aujourd'hui. Il ne s'agira plus que d'un nom sur le papier, d'une marque, d'on ne sait trop quoi. En tout cas, elles n'auront plus de statut juridique précis.
On peut donc imaginer – et c'est une grande inquiétude des personnels, quoique pas seulement de ces derniers car tous les Français sont attachés aux chaînes du service public – que la géométrie de la télévision publique puisse, demain, être modifiée selon le bon vouloir du Gouvernement ou de la direction de France Télévisions, puisque plus rien ne fera obstacle à ce que soit revu le périmètre des chaînes. L'intérêt de la télévision publique est sa logique de bouquet. Cet amendement, en proposant de consolider l'existence de France 2, vise à préserver cette dernière.
La télévision publique aujourd'hui, c'est France 2, France 3, France 4, France 5 ; de même, Arte, même si elle ne fait pas partie de France Télévisions, est une chaîne 100 % publique. Pour apprécier la « performance » de la télévision publique, il faut tenir compte de la totalité du spectre offert. Un des grands défauts de cette loi est de considérer que la télévision publique est un bloc homogène et que l'on peut demander la même chose à toutes les chaînes, imposer à toutes les mêmes prescriptions, comme la suppression de la publicité à partir de vingt heures. C'est une méconnaissance profonde de l'intérêt réel de la télévision publique ; on ne doit pas demander la même chose à France 5 et à France 2, car elles remplissent des missions différentes.
L'idée de tout renvoyer au cahier des charges repose la question du périmètre de France Télévisions. Certains d'entre vous estiment qu'il y a trop de chaînes publiques dans ce pays. Il faut le dire franchement. Nous avons compris qu'il y avait à l'UMP la tentation de fusionner les rédactions de France 3 et de France 2, ce qui reviendrait très clairement à remettre en cause l'information sur France 3 – des amendements ont été rédigés en ce sens.
Le périmètre tel qu'il résulte aujourd'hui des décisions de ces dernières années ne doit pas nécessairement être gravé dans le marbre. Je reviens sur une idée que j'exprimais tout à l'heure, à savoir la nécessité d'une chaîne pour l'enfance sans publicité, et pas seulement le soir. Il est paradoxal d'imposer la suppression de la publicité après vingt heures tout en acceptant que les émissions pour l'enfance du mercredi matin soient noyées dans la publicité.
En présentant cet amendement visant à consolider France 2, nous voulons aussi rappeler l'histoire de la télévision publique dans notre pays. France 2, ce n'est pas rien. Vous avez privatisé TF1 en 1986 avec l'argument du « mieux-disant culturel », qui était l'étendard de M. Léotard ; on apprécie aujourd'hui tout le sel de cette argumentation ! Mais je vous rappelle une autre phrase de François Léotard lors de ce débat de 1986 : « Le service public est un astre mort, c'est-à-dire un astre dont la lumière nous parvient encore mais qui est mort. » Ainsi, en 1986 déjà, la droite considérait que l'on pouvait enterrer la télévision publique.
C'est ce que vous essayez de faire par ce projet de loi. Par nos amendements, nous entendons pour notre part réaffirmer notre attachement ainsi que celui des téléspectateurs à ce qu'a représenté et à ce que représente encore la télévision publique dans notre pays.
L'amendement n° 687 vise ainsi à consolider l'existence de France 2 en tant qu'entité juridique, pour éviter que, demain, le pouvoir en place, quel qu'il soit, ne remette en cause la logique de bouquet de la télévision publique et puisse faire disparaître, sans avoir à passer devant l'Assemblée, des chaînes comme France 2 ou France 3. Les chaînes ne doivent pas être simplement un nom marketing ; elles doivent posséder une existence réelle pour favoriser la création et la diversité culturelles.