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Séance en hémicycle du 25 mars 2008 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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Sommaire

La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Mes chers collègues, nous avons appris avec tristesse et émotion le décès de Lazare Ponticelli, dernier survivant des anciens combattants de la Première Guerre mondiale. L'Assemblée nationale s'associe naturellement à l'hommage national qui lui a été rendu et, à travers lui, à tous les « poilus ».

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Mes chers collègues, l'Assemblée a également eu la très grande tristesse de perdre l'un de ses membres, en la personne de Michel Debet, député de la Dordogne. Je prononcerai l'éloge funèbre de notre regretté collègue le 29 avril prochain.

Je vous invite à observer une minute de silence. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement observent une minute de silence.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Mes chers collègues, je salue en votre nom Mme Colette Langlade, nouvelle députée de la troisième circonscription de la Dordogne. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

Monsieur le président, mesdames et messieurs les ministres, chers collègues, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Comme vous, monsieur le Premier ministre, et comme la plupart d'entre nous, j'ai parcouru le pays ces dernières semaines. Mais, contrairement à vous, je n'ai croisé aucun électeur qui m'ait dit : « Monsieur le député, je voterai communiste, je voterai à gauche, pour que M. Fillon marque sa politique encore plus à droite. » Or vous êtes très fort, monsieur le Premier ministre, puisque, cette espèce rare d'électeurs, vous assurez l'avoir souvent croisée. Ce serait d'ailleurs en son nom que vous avez décidé de nous imposer un nouveau train de contre-réformes.

Permettez-moi de vous dire ce que les hommes et les femmes que nous avons croisés nous ont dit, ce qu'ils n'ont cessé de nous répéter et que vous ne voulez pas entendre. Ils nous ont parlé des franchises médicales, qui les obligent à se priver de soins. Ils nous ont parlé de leurs salaires, qui ne leur permettent plus de nourrir leurs enfants, de payer les factures de chauffage ou, tout simplement, de vivre. Ils nous ont parlé de leurs insomnies, lorsqu'ils pensent au petit dernier qui ne vivote que d'intérims ou de CDD sans avenir. Et ils nous ont dit qu'ils ne supportaient plus de n'être jamais écoutés.

Monsieur le Premier ministre, allez-vous enfin comprendre que l'on ne dirige pas un pays en sacrifiant les intérêts de l'immense majorité pour le bon plaisir d'une opulente minorité ? Allez-vous enfin comprendre que notre pays ne pourra pas continuer longtemps sur la voie que vous lui imposez ? Comme les députés communistes et républicains vous le demandent, il faut en finir avec les dérèglements permanents de ce capitalisme financier dont vous êtes un insatiable défenseur. Nous le disons et le redisons : on ne sortira pas de la crise boursière et économique actuelle sans s'attaquer à ces marchés et à ces multinationales qui accaparent toutes les richesses créées par le travail de nos compatriotes.

Aussi, monsieur le Premier ministre, ma question est double. Allez-vous accepter notre proposition d'organiser un débat sur la crise financière internationale, sur ses conséquences pour la France et l'Europe, et sur les mesures à prendre pour bloquer cette dérive aux conséquences si terribles pour notre pays ? Après la sanction de ces élections, allez-vous enfin entendre les Françaises et les Français, et changer de cap ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, vous pouvez et pourrez compter sur le Gouvernement, rassemblé autour du Premier ministre et derrière le Président de la République, pour être à l'écoute de tous les Français.

Je voudrais simplement vous rappeler quelques chiffres : 320 000 emplois ont été créés en 2007, ce qui ne s'était pas vu depuis l'an 2000 ; 327 000 entreprises ont été fondées, ce qui est également sans précédent depuis l'an 2000 ; le taux de chômage, qui s'est établi à 7,5 %, est le meilleur depuis 1983 ; le nombre de RMIstes a baissé de 8 % en 2007 ; le salaire moyen a augmenté de 3,1 % ; le pouvoir d'achat de 1,6 %.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Certes, ce n'est pas assez : nous devons et nous pourrons faire mieux. Je sais pouvoir compter, auprès de tous mes collègues et sous l'autorité du Premier ministre, sur l'ensemble de la majorité pour améliorer encore ces performances, notamment lors des débats sur la loi de modernisation de l'économie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Michel Hunault, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et européennes et concerne la situation au Tibet.

Monsieur le ministre, au nom de mes collègues du groupe parlementaire Nouveau Centre et en y associant plus particulièrement mon collègue François Rochebloine, je voudrais vous interroger sur la situation et sur les événements tragiques que connaît le Tibet depuis plusieurs jours. Cette situation, monsieur le ministre, interpelle la communauté internationale tout entière, car elle a trait à ce qui est le plus essentiel, le respect des droits de l'Homme.

Aux yeux du monde, la France représente cet idéal et ces valeurs : celles des droits de l'Homme, de la liberté, de la démocratie, ces valeurs qui nous sont communes et dont nous sommes tous ici, dans cet hémicycle, quelles que soient nos appartenances, les dépositaires, car elles sont universelles.

Le Président de la République a fait part, hier, de son émotion et a appelé à la fin des violences au Tibet par le dialogue.

Dans quelques semaines, la France présidera l'Union européenne. Elle a donc un rôle d'autant plus essentiel à jouer pour contribuer à faire triompher les valeurs de liberté. Ma question est la suivante : quelle initiative entend prendre le gouvernement français pour contribuer à faire cesser les violences au Tibet ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Monsieur le député, vous avez raison de lier la préparation et la tenue des jeux Olympiques et les droits de l'homme. L'olympisme, c'est avant tout la fraternité, le respect de l'autre et, évidemment, le respect des droits de l'Homme.

La présidence française débutant le 1er juillet, vous nous demandez ce que nous allons faire. Nous n'avons pas attendu cette perspective pour nous manifester et nous continuons de le faire. Le 14 mars, c'est-à-dire vendredi dernier, à l'occasion du Conseil européen, les Vingt-sept ont produit un texte qui demandait que cessent les violences. C'était le premier jour. Le mardi suivant, nous avons répété qu'il fallait que cessent les violences et que les journalistes soient, dès ce jour, autorisés à se rendre sur le terrain, au Tibet, pour constater ce qui se passait. Nous avons continué ainsi, en écoutant l'appel de Robert Ménard, qui, vous le savez, ne demandait pas le boycott des jeux Olympiques – et c'est encore la position officielle –, mais que des manifestations se tiennent à l'ouverture des Jeux.

Maintenant, que peut-on faire ? D'abord, il faut parler avec les Chinois, parler avec les Tibétains. Comme le Président de la République l'a dit dans sa lettre d'hier, il faut tenter d'apporter des éléments pour ce dialogue nécessaire.

Mais je voudrais également dire à nos amis chinois que leur combat n'est pas bon. D'après nos informations, ils se trompent en pensant que le dalaï-lama menace l'intégrité territoriale de ce grand pays. Nous n'avons pas connaissance de ces écrits et je serais surpris que 1,3 milliard de Chinois soient menacés par quelques millions de Tibétains.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Ce qui est en question – vous l'avez justement dit –, ce sont les droits de l'Homme, mais c'est surtout une identité culturelle et religieuse que les Tibétains veulent vivre pleinement, et qui est très bien représentée par un dalaï-lama qui, à notre connaissance, est un des grands apôtres du pacifisme. Je peux me tromper, mais je crois qu'il n'a jamais recherché la violence.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Nous ne cesserons pas de prôner la fin de cette violence. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-François Copé, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Monsieur le Premier ministre, après les élections et avec la reprise des travaux parlementaires, nous entrons dans l'acte II du quinquennat du Président Sarkozy. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Un travail considérable a été accompli en seulement neuf mois. Il nous faut maintenant reprendre la cordée en songeant au message que nous ont adressé les Français ces dernières semaines. (« Ah ? » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Ils nous ont parlé de courage, ils nous ont parlé de clarté, ils nous ont parlé de concertation, autant de mots qui sont la marque de fabrique de la politique que nous voulons conduire au service de notre pays.

En politique, monsieur le Premier ministre, vous le savez mieux que personne, la maîtrise du temps est essentielle. Or nous avons désormais devant nous deux ans sans élections locales. C'est le moment de lancer les grands chantiers que les Français attendent : sauver nos retraites et notre protection sociale, moderniser l'État, agir pour le travail, le pouvoir d'achat, la compétitivité des entreprises, réformer nos institutions, donner une suite au Grenelle de l'environnement.

Nous souhaitons, nous les députés de l'UMP, ouvrir ces chantiers dans les trois mois qui viennent, avant que ne commence la présidence française de l'Union européenne, parce que, nous le savons les uns et les autres, c'est maintenant qu'il faut y aller. C'est maintenant ou jamais.

Monsieur le Premier ministre, pour réussir ces réformes difficiles, dont la conception nécessitera une longue réflexion, je veux vous assurer que notre groupe sera à vos côtés. Ce travail, nous le mènerons ensemble, avec vous, très en amont, avant de l'expliquer aux Français, grâce à un dialogue constant sur le terrain.

Dans ce contexte, ce que nous attendons de vous, monsieur le Premier ministre, c'est que vous nous exposiez cet après-midi, à l'occasion de la reprise des travaux parlementaires, la feuille de route que nous allons mettre en oeuvre ensemble au service des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Ce n'est pas une feuille de route que veulent les Français, c'est une feuille de paie !

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le président Copé, la majorité a déjà accompli en dix mois un travail considérable de réforme.

Hier, on parlait de la réduction du temps de travail ; aujourd'hui, le débat porte sur les heures supplémentaires.

Hier, on parlait des régimes spéciaux de retraite ; aujourd'hui, le débat concerne l'équité des régimes de retraite.

Hier, les universités françaises étaient bloquées dans leur développement ; aujourd'hui, elles sont en marche vers l'autonomie.

Hier, les Français devaient s'adapter aux grèves ; aujourd'hui, ce sont les services publics qui doivent s'adapter aux Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Hier, on évoquait la fatalité de la délinquance ; aujourd'hui, c'est le temps de la fermeté.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Je vous le dis, monsieur Copé, mesdames et messieurs les députés, nous allons poursuivre notre effort de réforme et nous allons tenir tous les engagements qui ont été pris par le Président de la République et la majorité devant les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Sans doute ces derniers nous ont-ils rappelé nos engagements à l'occasion des dernières élections : ...

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

..emplois dignes pour tous ; une croissance durable qui permette de financer notre pacte social et d'améliorer les salaires des Français, en particulier des plus modestes ; ...

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

..mais également des institutions plus modernes et plus démocratiques.

Eh bien, ces priorités vont structurer les travaux parlementaires qui commencent aujourd'hui.

Mesdames et messieurs, vous allez débattre du projet de loi de modernisation de l'économie. Ce texte permettra d'améliorer la compétitivité des petites et moyennes entreprises et de renforcer la concurrence dans notre pays pour faire baisser les prix et augmenter le pouvoir d'achat des Français.

Vous allez débattre du contrat de travail et de sa réforme telle qu'elle est proposée par l'accord des partenaires sociaux.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Vous allez débattre de l'élargissement de l'intéressement et de la participation aux salariés des petites entreprises, et de la conditionnalité des allégements de charges – ce qui nous donnera un levier pour agir sur la politique salariale.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Vous allez débattre des suites du Grenelle de l'environnement, avec en particulier un premier train de mesures concernant les transports publics attendu par tous les Français.

Vous allez débattre de la réforme de nos institutions. Le texte qui vous sera soumis au début du mois de juin constituera un compromis entre les positions des uns et des autres et il permettra, pour l'essentiel, d'accroître les pouvoirs du Parlement et de donner de nouveaux droits à nos concitoyens.

Enfin, vous allez participer à la maîtrise des dépenses publiques et à l'amélioration de la justice sociale dans notre pays avec le rendez-vous sur les retraites prévu par la loi de 2003, avec le rendez-vous sur la protection sociale, avec la préparation du budget pour 2009, qui doit constituer une étape significative vers l'objectif que nous nous sommes fixé d'équilibre des finances publiques en 2012, grâce notamment à une importante réforme de l'État.

Monsieur le président Copé, mesdames et messieurs les députés, la France ne se gouverne pas à coups de sondages.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Il ne s'agit pas de sondages mais d'élections.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

On ne peut pas changer de cap tous les dix mois. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Avec le Président de la République, nous avons fait le choix de la vérité, du courage et de la continuité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Monsieur le Premier ministre, ce ne sont pas les sondages qui se sont exprimés, mais les Français, qui viennent de vous adresser un message clair. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Ils ont sanctionné votre politique. Leurs inquiétudes sont nombreuses et légitimes, ils n'ont cessé de le répéter durant toute la campagne.

Debut de section - PermalienPhoto de Lucien Degauchy

Ne vous réjouissez pas trop vite ! Cela ne va pas durer !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Nous leur devons, vous leur devez la vérité sur la crise économique et financière dont tout le monde sent bien aujourd'hui la gravité.

Depuis deux mois, nous vous demandons un débat mais, jusqu'à présent, vous vous y êtes dérobé.

Après un premier refus le 4 février par une lettre que vous m'avez adressée, vous récidivez aujourd'hui dans un nouveau courrier que vous venez de me faire parvenir et que je veux porter à la connaissance de l'Assemblée nationale tant il illustre votre imprévoyance.

Je cite cette lettre datée du 25 mars : « Si la situation financière internationale est naturellement préoccupante, rien ne permet aujourd'hui d'affirmer que les objectifs du projet de loi de finances pour 2008 ne sont plus valables. » Et vous ajoutez : « si nous sommes attentifs aux évolutions de la conjoncture, elles ne nous conduisent naturellement pas à remettre en cause notre politique ». (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Je suis stupéfait par cette obstination dans l'erreur. Vous osez affirmer que la France est épargnée par la crise. Est-ce alors que tous les indicateurs sont déréglés depuis des mois ? Vous continuez d'afficher des prévisions de croissance pour 2008 supérieures à 2 % alors que le FMI, la Commission européenne et l'INSEE ne cessent de répéter que les hypothèses de croissance sont inférieures à 2 % : ils prévoient entre 1,5 % et 1,7 %.

Le doute sur votre politique économique ne cesse de grandir. Même votre ministre de l'économie a été obligée d'admettre la semaine passée que l'hypothèse de croissance devait être revue à la baisse.

Monsieur le Premier ministre, le temps de l'esquive est révolu. C'est aux Français que vous devez répondre de vos erreurs de diagnostic et de politique économique, qui vous rendent responsable de la détérioration de la situation financière et sociale de notre pays.

Oui, monsieur le Premier ministre, ce débat n'est pas seulement comptable, il touche à la vie des Françaises et des Français, notamment à travers les nouveaux sacrifices que vous allez leur demander.

Le groupe socialiste, radical et citoyen propose de consacrer sa séance d'initiative parlementaire de jeudi prochain à ce débat. Ma question est simple : monsieur le Premier ministre, serez-vous personnellement présent à ce débat, participerez-vous à ce dialogue avec l'opposition ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Dans l'hypothèse où votre présence ne serait pas possible ce jeudi, à quelle date seriez-vous prêt à conduire ce débat avec l'opposition ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Les Français ont droit au respect et à la vérité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et sur plusieurs bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Monsieur le président Ayrault, le parti socialiste réclame un débat sur la situation économique et sociale. C'est son droit. Je prends acte d'ailleurs que vous en fixez l'heure et la date avant même d'avoir reçu la réponse à la question que vous posiez au Gouvernement.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Pourquoi donc tant de fébrilité ? Sans doute parce que vous n'avez cessé durant la campagne des municipales et des cantonales d'annoncer aux Français un plan de rigueur qui n'a pas plus de chance, ou de risque, d'aboutir que l'augmentation de la TVA que vous aviez annoncée durant la campagne des législatives. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Oui, monsieur Ayrault, nous sommes ouverts au débat, tous les jours, ici, dans cet hémicycle ou devant la commission des finances, qui est présidée, je vous le rappelle, par l'un des vôtres. Nous sommes attentifs à la conjoncture internationale et nous avons pris des initiatives pour améliorer la sécurité des systèmes financiers ou pour améliorer la coopération européenne et internationale. Mais, au-delà de la conjoncture, nous nous en tenons au cap que nous nous sommes fixé, que nous avons fixé avec les Français, et ce n'est pas au premier coup de vent que nous allons en changer.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Ce cap, monsieur Ayrault, il est fixé dans la loi de finances pour 2008. Ce cap, c'est d'abord la maîtrise des dépenses. Qu'est-ce que le parti socialiste propose d'autre ?

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Est-ce que le parti socialiste propose d'augmenter la dépense ? Est-ce qu'il propose de ne pas respecter les engagements que nous avons pris envers nos collègues européens ? Est-ce que le parti socialiste propose de continuer à tirer des chèques sur l'avenir de nos enfants en augmentant la dette ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.) Aucune de ces solutions ne serait responsable.

Ce cap, c'est ensuite la maîtrise des prélèvements obligatoires. C'est la première condition de la défense du pouvoir d'achat des Français. Avant de donner des leçons sur le pouvoir d'achat des Français, il faut commencer par accepter ensemble de maîtriser et de baisser les prélèvements obligatoires.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

J'espère que tout le monde sera d'accord sur cet objectif, tout le monde et partout sur le territoire national – on en jugera dans les prochaines semaines.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Ce cap, c'est enfin la croissance, parce que seule une politique de croissance nous permettra de retrouver les marges de manoeuvre dont nous avons besoin. Nous avons commencé avec les heures supplémentaires – qui touchent aujourd'hui 60 % des entreprises françaises –, ...

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

..avec la réforme du crédit impôt recherche et avec la réforme du service public de l'emploi.

Et nous allons continuer, d'abord avec la loi de modernisation de l'économie. Je vous donne rendez-vous, monsieur Ayrault. À l'occasion de ce débat, le Gouvernement et la majorité feront des propositions. Nous attendons avec impatience les propositions du parti socialiste pour améliorer le fonctionnement de l'économie française. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Nous poursuivrons avec la réforme du marché du travail et avec celle du temps de travail.

Cette politique, c'est celle qui a été validée par les Français à l'occasion de l'élection présidentielle et des élections législatives.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

C'est celle que nous allons mettre en oeuvre. Nous allons la mettre en oeuvre pendant la législature parce que les difficultés et le retard de notre pays sont dus non pas à la crise financière mais à un défaut trop fréquent, que vous illustrez dans votre impatience et votre fébrilité, celui de piloter à vue, en fonction de la conjoncture à court terme, alors qu'il faut au contraire se fixer des objectifs et s'y tenir. C'est ce que nous allons faire avec la majorité et nous vous invitons à nous y aider. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Lionnel Luca, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionnel Luca

Monsieur le ministre des affaires étrangères et européennes, ma question concerne les événements dramatiques du Tibet. Certains penseront peut-être : « encore ! ». Eh bien, oui, il faut en parler encore, en parler aussi longtemps qu'il y aura des assassinats, de la répression, des tragédies, pour ne pas oublier.

Monsieur le ministre, je souhaiterais que nous puissions ici témoigner de notre soutien au peuple tibétain, victime de la répression, que les élus rejoignent le groupe Tibet, qui est un interlocuteur entre l'ambassadeur chinois et le représentant du bureau du Tibet, que les maires hissent dans leur commune un drapeau du Tibet jusqu'aux jeux Olympiques, que nos concitoyens arborent un autocollant, pour affirmer haut et fort que personne n'est dupe en France du fait que les jeux Olympiques auront lieu dans la plus grande dictature du monde.

Monsieur le ministre des affaires étrangères, je souhaiterais que vous relayiez le communiqué du Président de la République d'hier. Il s'agit d'un communiqué important dans lequel le Président de la République, en plus de faire part de son émotion, indique pour la première fois très clairement qu'il est nécessaire de renouer le dialogue entre les représentants du dalaï-lama et les autorités chinoises. Le Président a également fait part de la spécificité des relations diplomatiques entre la France et la Chine, dans la mesure où les représentants tibétains attendent que nos bonnes relations avec la Chine servent non pas à taire, mais au contraire à permettre le dialogue entre les autorités chinoises et eux-mêmes. Le fait que le Président de la République ait pu dire qu'il se tenait prêt à faciliter la reprise du dialogue me paraît extrêmement important, indépendamment des discussions que nous aurons avec nos partenaires européens. Monsieur le ministre, de quelle manière comptez-vous relayer l'initiative du Président de la République ?

Un mot pour dire que nous sommes un peu heurtés lorsque vous parlez de nos « amis chinois ». Nous, nous sommes les amis du peuple chinois, pas des représentants de la dictature. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Monsieur le député, nous disons « nos amis chinois » comme nous disons « nos amis américains », nos « amis allemands » ou nos « amis anglais ». (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

C'est une façon de s'exprimer quand on a quelque chose à demander. Il faut aussi tenir compte du fait que le peuple chinois lui-même n'est pas bien informé de ce qui se passe au Tibet.

Nous nous adressons aux dirigeants chinois pour leur demander de bien vouloir renouer le dialogue avec les Tibétains, un dialogue qui n'a encore rien donné et a été interrompu à six reprises depuis 2002. Comment faire ? Pour instaurer un dialogue il faut être deux. Les Tibétains y sont prêts, mais il faut aussi que cela soit le cas des Chinois. J'ai parlé hier pendant une heure et demie à mon homologue, le ministre chinois des affaires étrangères, M. Yang, lequel prétend que la « clique du dalaï-lama » les a attaqués. Tout d'abord, je lui ai fait valoir qu'il ne devait pas s'exprimer ainsi s'agissant du dalaï-lama, lequel est toujours le bienvenu en France et ne me semble pas être dans cet état d'esprit. Ensuite, je lui ai fait observer que le dalaï-lama assurant n'être pour rien dans les événements qui ont eu lieu au Tibet et n'avoir donné aucun ordre, il convenait de vérifier tout cela, et donc que la Chine accepte que des journalistes, sans doute aussi des diplomates et des parlementaires, se rendent sur place. Nous nous y employons.

Nous essayons de faire en sorte que le dialogue reprenne. M. Gordon Brown s'y emploie, de même que Mme Merkel. Il est important de parler à vingt-sept pour donner du poids à ces paroles. Certes, la France occupe une place spécifique dans ses relations avec le Tibet et la Chine, mais j'espère que, vendredi prochain, à Lubjana, en Slovénie, les vingt-sept ministres des affaires étrangères adopteront un texte commun redonnant espoir aux deux parties. Bien sûr, je déplore que l'on mette toutes les victimes dans un même sac, mais elles sont toutes à déplorer, qu'il s'agisse de Tibétains, de Chinois, de Hans ou de musulmans ! Nous ne faisons pas de tri parmi les victimes ! Donc, si nous pouvons obtenir une position commune vendredi prochain, ce sera un atout pour la position que défend la France. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Claude Greff, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Greff

Ma question s'adresse à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Chers collègues, Mme Greff ne parle pas très fort, mais sa question est intéressante et il vous faut l'écouter ! J'ajoute que nos compatriotes, avec lesquels nous avons tous été en contact pendant les quelques semaines de suspension de nos travaux, nous ont fait savoir qu'ils souhaitaient que ceux-ci se déroulent dans une certaine sérénité. Je vous invite donc à y contribuer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Greff

Ma question est d'une particulière gravité, compte tenu de ses implications éthiques.

À cinquante-deux ans, Chantal Sébire souffrait d'une tumeur incurable. Cette souffrance était telle qu'il ne lui a plus été possible de vivre. Alors qu'elle venait de se voir refuser par la justice une « aide à mourir », sa mort a relancé le débat en France sur la fin de vie.

Cette question a déjà été longuement discutée au sein de notre hémicycle, et nous avons voté une loi au Parlement, le 22 avril 2005, pour mieux encadrer la pratique des soins palliatifs. Il nous faut aujourd'hui envisager les situations insupportables qui n'entrent pas dans le cadre des soins palliatifs.

Des pays européens comme la Belgique et les Pays-Bas permettent déjà aux médecins de provoquer directement la mort d'un patient dans certains cas extrêmes, après autorisation de plusieurs commissions et à la demande du malade et de sa famille.

Jean Leonetti, rapporteur de la loi sur la fin de vie adoptée au Parlement au printemps 2005, a déjà entamé la mission qui lui a été confiée par le Premier ministre après cet événement dramatique.

Madame la ministre, l'état de notre droit vous paraît-il aujourd'hui adapté à ces situations ? Comment comptez vous répondre aux demandes exceptionnelles des patients atteints de maladies incurables, tellement douloureuses et insupportables, qui se tournent vers les médecins pour leur demander une assistance visant à abréger les souffrances qu'ils endurent ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative

Nous abordons là une question particulièrement grave qui appelle une réponse responsable. L'éthique et la morale imposent à chacun d'entre nous d'aider et d'accompagner toutes les personnes qui souffrent. Les progrès de la médecine rendent cette obligation encore plus vive pour la communauté soignante.

Vous avez, madame la députée, salué les travaux de Jean Leonetti et cet hommage est justifié. La loi Leonetti, votée en 2005 à l'unanimité à l'Assemblée nationale,…

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative

…rappelle certains principes éthiques.

Premier principe : la volonté du malade doit être observée et l'acharnement thérapeutique n'est plus de mise.

Deuxième principe : tout malade en phase particulièrement avancée ou terminale de sa maladie a droit à un accompagnement palliatif et au soulagement de sa douleur.

Troisième principe irréfragable : donner la mort ne saurait relever d'un acte médical. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.) La survenue de la mort peut être l'aboutissement d'une démarche palliative, mais ne saurait en aucun cas constituer un projet médical. (Mêmes mouvements.)

Trois ans après son adoption, la loi Leonetti est encore mal connue. Jean Leonetti lui-même a d'ailleurs regretté que cette méconnaissance de la culture palliative n'ait pas permis d'accompagner Mme Sébire, dont je salue ici la mémoire avec respect. C'est pourquoi le Premier ministre a confié une mission à Jean Leonetti pour savoir comment cette loi est appliquée, et j'en attends beaucoup. C'est dans cet esprit qu'à l'issue de cette séance de questions au Gouvernement, je me rendrai avec lui dans une unité de soins palliatifs pour faire, avec le personnel soignant, le bilan de la démarche palliative dans notre pays. Soyez en tout cas assurée, madame la députée, de ma détermination totale ainsi que celle du Gouvernement à mener une véritable politique de prise en charge de la douleur. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Valérie Fourneyron, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Fourneyron

Monsieur le Premier ministre, les 9 et 16 mars derniers, à l'occasion des élections municipales et cantonales, les Français se sont exprimés par la voie des urnes. En choisissant de porter aux responsabilités des villes et départements de France une majorité de candidates et candidats de gauche, ils ont adressé un message clair au Gouvernement et aux élus.

Durant ces mois de campagne, qu'avons-nous entendu ? Que nous ont dit les Françaises et les Français ? Qu'ils regrettent que les promesses du « Président du pouvoir d'achat » n'aient pas été tenues sur la revalorisation du minimum vieillesse, des pensions de réversion, sur les coups de pouce aux revenus modestes ; qu'ils désapprouvent l'instauration des franchises médicales, dont ils condamnent le principe injuste (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) ; qu'ils ont toujours autant de difficultés à trouver un travail ou un logement, et que les réformes conduites sont loin d'avoir répondu à leurs priorités. (Mêmes mouvements.)

Les Français se sont aussi exprimés sur la méthode, sur ce pilotage à vue qui vous caractérise. Ils déplorent l'absence de concertation et la brutalité des réformes.

L'écoute a été au coeur de nos campagnes électorales, l'écoute est la première demande des Français. Vous ne pouvez pas rester sourd à cette réalité et votre méthode de Gouvernement doit évoluer.

Après des élections qui, de l'aveu même du président du groupe UMP, constituent une véritable défaite pour la droite, écouterez-vous aujourd'hui ce que vous disent les Françaises et les Français ? Ce n'est pas le remaniement ministériel « aspirine » que vous avez entrepris il y a quelques jours (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) qui peut faire office de réponse à leur attente.

Les Français ont également adressé un message à tous les élus et à ceux de gauche en particulier. Ils nous ont fait confiance pour nous élever contre les mesures injustes, les réformes précipitées, une politique internationale dont on cherche vainement la ligne directrice. Nous continuerons à vous proposer des mesures concrètes, comme nous l'avons fait depuis le début de cette législature.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Fourneyron

Mais jusqu'à présent, vous ne nous avez pas plus écoutés que les Français.

Monsieur le Premier ministre, quelle réponse allez-vous apporter aux Français qui, dans les urnes et non dans les sondages, vous ont interpellé ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et sur quelques bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Mes chers collègues, je vous invite à être attentifs et moins bruyants. Personne n'entend correctement les questions. La confusion des débats de rehausse pas l'image de l'Assemblée.

La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Madame la députée, parmi les chiffres qui se succèdent, nous ne retenez que les mauvais, s'il y en a. Je souhaite les regarder tous, donc aussi lorsqu'ils sont bons. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Vous nous reprochez de ne pas écouter, écoutez-moi donc ! C'est sur la réalité des chiffres que l'on juge la réussite d'une politique économique.

La crise financière qui vient des États-Unis est grave. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Elle entraîne un ralentissement de l'économie américaine qui, selon l'OCDE, connaîtrait aux premier et second trimestre 2008 une croissance d'abord nulle, puis de 0,1 %. Toujours selon l'OCDE, ces chiffres seraient respectivement de 0,5 % et 0,4 % pour l'Union européenne. La France n'est pas dans la situation des États-Unis, parce que vous avez voté cet été des mesures qui permettent d'amortir largement la crise et que notre système bancaire et financier est solide. Les prévisions pour notre pays sont de 0,4 % et 0,3 %. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Si l'on y ajoute l'acquis de croissance des troisième et quatrième trimestres 2007, nous sommes déjà à 1,4 %.

Comptez sur nous pour accélérer le programme. Le Premier ministre l'a indiqué tout à l'heure : nous allons poursuivre dans la voie de la modernisation de notre économie, pour permettre la libération de la croissance, dans un régime convenablement régulé, un régime de mesure et de liberté. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Philippe Vitel, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vitel

Monsieur le ministre de la défense, vendredi dernier, à Cherbourg, M. le Président de la République a assisté à la présentation de notre quatrième sous-marin nucléaire lanceur d'engins de nouvelle génération, Le Terrible.

Ce monstre d'acier de 138 mètres de long, déplaçant plus de 14 000 tonnes en plongée, sera équipé du nouveau missile balistique, le M51, conçu sous la maîtrise d'oeuvre d'EADS et de sa filiale ASTRIUM. Lorsqu'il intégrera, dans deux ans, la force océanique stratégique, il sera alors le plus moderne, le plus discret, le plus puissant des fers de lance de notre dissuasion, et, pour reprendre l'expression du Président de la République : « l'assurance-vie de la France ».

Saluons le savoir-faire exceptionnel de notre industrie navale et en particulier de l'entreprise DCNS, de ses partenaires et de ses sous-traitants. Ce sont 800 000 heures d'études et plus de 15 millions d'heures de travail qu'il a fallu à plus de mille personnes, à Cherbourg, sur le chantier, et à plusieurs centaines de personnes, à Toulon, pour relever ce formidable défi technologique.

La présentation de ce sous-marin a été l'occasion pour le chef de nos armées non seulement de rappeler son attachement à la dissuasion nucléaire et de définir le niveau de stricte suffisance auquel nous devions maintenir notre arsenal, mais aussi de lancer une initiative internationale en matière de désarmement. Pouvez-vous, monsieur le ministre, éclairer la représentation nationale sur l'évolution de notre doctrine en la matière ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Hervé Morin, ministre de la défense.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Monsieur le député Philippe Vitel, vice-président de la commission de la défense nationale et des forces armées, vous avez raison de rappeler à quel point la conception et la construction du Terrible représentent un formidable défi technologique qu'ont su relever les hommes et les femmes qui travaillent dans l'industrie d'armement française. Je pense notamment aux concepteurs, tant à la Délégation générale pour l'armement que chez les fabricants, DCNS et l'ensemble de ses sous-traitants. Ce joyau technologique est le résultat d'un effort réalisé dans notre pays depuis cinquante ans par des hommes et des femmes dotés d'un savoir-faire et d'une compétence extraordinaires, qui font leur métier avec passion. Je crois qu'on peut leur rendre hommage. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Sur le fond, le Président de la République a d'abord rappelé les principes fondamentaux de notre dissuasion nucléaire, qui demeurent inchangés.

Le premier est que la dissuasion vise à sauvegarder nos intérêts vitaux. Il s'agit de notre « assurance-vie ».

Le deuxième principe est que cette force de dissuasion n'a pas vocation à être offensive. Elle est défensive. Elle est là pour nous protéger contre des menaces d'États sur nos intérêts vitaux, sous quelque forme que ce soit.

Le Président de la République a réaffirmé un troisième principe : son attachement au maintien de deux composantes, l'une aéroportée, l'autre océanique, qui est assurée par les SNLE de nouvelle génération dont Le Terrible, qui entrera en service actif en 2010.

Le discours de Cherbourg annonce par ailleurs un certain nombre d'adaptations. Tout d'abord, dès son entrée en fonction, le Président de la République a souhaité réexaminer le principe de stricte suffisance, que vous avez mentionné. À ce titre, il a décidé de réduire de trois à deux escadrons la composante aéroportée assurée par le mirage 2000N, qui seront remplacés à partir de 2010 par le Rafale version F3.

Par ailleurs, le Président de la République a invité nos partenaires européens qui le souhaiteraient à ouvrir un dialogue sur le rôle de notre dissuasion…

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

…dans le cadre de la sécurité globale de l'Europe.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Enfin, il a invité l'ensemble des pays disposant de l'arme nucléaire à un effort majeur, afin de participer au désarmement.

Ce grand discours rappelle donc deux principes fondamentaux : nous maintenons la garde et nous voulons oeuvrer au désarmement, notamment nucléaire, du monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Decool

Madame la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, la France compte aujourd'hui 2,6 millions d'entreprises, parmi lesquelles 80 000 PME et plus de 2 millions de très petites entreprises. Véritable poumon économique, elles représentent 64 % de l'emploi en France et 53 % de la valeur ajoutée produite dans notre pays.

Par les richesses qu'ils créent au quotidien, les chefs d'entreprises, les artisans, les commerçants et tous les salariés des PME et TPE sont naturellement des acteurs essentiels du retour à la croissance en France.

En moins d'un an, plusieurs mesures déterminantes ont été prises. La suppression de l'impôt forfaitaire annuel dès 2009 est déjà un grand pas en avant en matière de fiscalité des entreprises. Il me faut aussi citer le succès de la loi TEPA permettant de défiscaliser les heures supplémentaires, ou le déblocage de la participation et de l'intéressement.

Au fil de mes rencontres sur le terrain, j'entends aussi les besoins de nos entrepreneurs et je pense qu'il est aujourd'hui nécessaire d'aller plus loin. Après avoir réhabilité le travail, il est temps de redonner à nos entreprises tous les moyens d'agir, de créer les richesses suffisantes pour accompagner leur dynamisme, de permettre une augmentation du pouvoir d'achat de leurs salariés, et de continuer la baisse historique du chômage, que les dispositions récentes ont engagée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Decool

Aujourd'hui, trois entrepreneurs sur quatre estiment que les deux principaux freins à l'emploi sont le poids des charges fiscales et sociales, et la lourdeur des procédures administratives. Beaucoup d'entre eux souhaitent se développer en réalisant des investissements de croissance, mais aussi en embauchant du personnel supplémentaire. Or leur décision d'embaucher est bien souvent retardée, voire annulée, faute de moyens financiers pour recruter de la main-d'oeuvre qualifiée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Decool

En outre, ils manquent de temps pour se lancer dans une gestion administrative contraignante. Dans de nombreux cas, le recours au CDD est alors fréquent, par manque de visibilité et de confiance en l'avenir.

De même, la situation des entreprises naissantes est paradoxale : une charge de travail trop importante pèse sur une seule personne, sachant que le recours à l'embauche, trop coûteux, mettrait en péril la rentabilité de l'entreprise, à laquelle son créateur a souvent consacré d'importants moyens financiers et des mois de travail.

Ma question est la suivante : quelles mesures comptez-vous prendre afin de libérer le potentiel de nos petites entreprises et de leur permettre de grandir et de créer des emplois ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Decool

Quelles solutions pouvez-vous leur apporter tant sur le plan de la réduction des charges que de la nécessaire simplification administrative ? Comment le Gouvernement envisage-t-il d'aider les créateurs d'entreprises pour éviter que la moitié d'entre elles ne meure après sa première année d'existence ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Je vous remercie, monsieur le député, d'avoir parlé des petites et moyennes entreprises, parce qu'elles sont, vous avez raison de le souligner, le gisement non seulement des emplois de demain mais aussi des efforts de recherche et développement.

C'est pourquoi nous avons déjà pris certaines mesures. Vous avez mentionné la suppression de l'impôt forfaitaire annuel. J'y ajouterai le crédit impôt recherche, qui, déplafonné et multiplié par trois, permet évidemment aux petites et moyennes entreprises de bénéficier d'un crédit d'impôt dans des conditions privilégiées, ainsi qu'une mesure dont la Commission européenne vient d'accepter qu'elle ne soit pas soumise au de minimis : le fléchage de l'ISF vers les petites et moyennes entreprises, ce qui constituera bien sûr une source de financement supplémentaire indispensable.

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Quel charabia ! Qu'est-ce que cela veut dire, flécher l'ISF ?

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Ce n'est pas tout. La loi de modernisation de l'économie, qui viendra prochainement en débat devant l'Assemblée, comprend un titre entier sur lequel Hervé Novelli a considérablement travaillé et entrepris de nombreuses consultations. Il concerne tout à la fois la réduction des délais de paiement, la simplification des formalités administratives et la création d'un statut spécifique pour l'entrepreneur individuel, car on le sait, beaucoup de Français, même salariés, même en retraite, souhaiteraient créer leur entreprise et ainsi développer l'emploi.

Ces mesures, que je cite, parmi d'autres, à titres d'exemples, sont comprises dans le titre Ier de la loi de modernisation de l'économie. Je souhaite vivement que les députés soient nombreux à la voter, tant dans la majorité présidentielle que sur les bancs de l'opposition, afin d'encourager l'emploi ainsi que la création d'entreprises et de valeur dans notre économie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Olivier Dussopt, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Dussopt

Monsieur le Premier ministre. comme nombre de mes collègues, je suis de retour dans l'hémicycle après la campagne des municipales, au cours de laquelle les Français nous ont délivré un message, dont je crains que vous ne l'ayez pas assez suffisamment entendu. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Dussopt

Il est pourtant simple, puisqu'il tient en deux phrases, que je vais vous répéter. Les Français veulent d'abord vivre décemment du revenu de leur travail. En outre, ils veulent un État fort, efficace, et un territoire marqué par la solidarité.

Le désengagement de l'État, notamment dans les territoires ruraux, amène les Français à beaucoup attendre des collectivités locales. Malheureusement, celles-ci ne peuvent pas répondre à tous les besoins ni pallier les insuffisances de l'État, à moins que l'on ne crée une France à deux vitesses. Cette situation inquiète les collectivités locales et les élus locaux. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Dussopt

En effet, dans le budget voté pour 2008, vous avez d'ores et déjà gelé 7 milliards d'euros, ce qui nourrit des inquiétudes sur les fonds d'investissement à disposition des collectivités locales, sur le nombre d'emplois aidés et sur les dotations, qui se trouvent remises en cause, notamment avec la fin du contrat de croissance.

La diminution de toutes ces allocations versées aux collectivités locales les contraindra soit à faire peser sur les Français une fiscalité locale injuste, due à l'absence de compensation et au désengagement de l'État, soit à choisir, parmi les priorités, celles auxquelles elles devront répondre, ce qui reviendra à créer une France à deux vitesses, dans laquelle les droits et les protections varieront en fonction du lieu d'habitation et des capacités financières de la commune.

Monsieur le Premier ministre, ma question est simple. Nous voulons la vérité. Qui va payer ? Le contribuable des collectivités locales ou les collectivités locales elles-mêmes ? Quelle sera votre réponse au message des Français ? Au-delà d'un remaniement qui oscille entre tableau d'honneur et lot de consolation, comment répondrez-vous aux Français qui vous ont adressé une demande de solidarité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Monsieur le député, c'est un thème récurrent dans cet hémicycle que de prétendre que l'État ne remplit pas ses engagements financiers. (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) J'aimerais simplement vous rappeler que, depuis 2003, aux termes de la Constitution, les transferts de l'État vers les collectivités sont compensés à l'euro près. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Les parlementaires l'ont souhaité, le Gouvernement l'a fait. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Certains députés de l'opposition protestent. Je ne voudrais pas être cruel, mais je leur rappelle que, entre 1997 et 2002, l'État avait transféré l'APA vers les collectivités sans transférer la moindre ressource financière. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.– « C'est faux ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Je leur rappelle également qu'ils ont supprimé des ressources fiscales, à hauteur de 15 milliards d'euros, sans jamais se demander comment les collectivités locales allaient faire face à cette situation. Je pense donc qu'ils n'ont aucune leçon à nous donner.

Pour l'heure, l'État va même au-delà de ses responsabilités. À titre d'exemple, en ce qui concerne le RMI, il a consenti un effort supplémentaire de 2 milliards d'euros…

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

…en créant le fonds de mobilisation départementale pour l'insertion.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

D'ailleurs, c'est aux collectivités locales, une fois qu'une responsabilité est transférée, de l'exercer à plein et de la gérer. En ce qui concerne le RMI, elles doivent s'acquitter pleinement de cette responsabilité. Il ne s'agit pas d'un problème de transfert financier, mais de gestion des transferts de compétences. (« Ben voyons ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Enfin, l'État a transféré de la fiscalité, notamment les droits de mutation. J'aurais aimé vous entendre rappeler, monsieur le député, qu'entre 2002 et 2008, ces ressources avaient doublé, ce qui montre que le dynamisme de ces transferts. Votre question n'a donc pas lieu d'être.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

La vérité, c'est le partage des responsabilités dans le respect des compétences. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Yves Nicolin, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Nicolin

Madame la secrétaire d'État chargée de la famille, il y a trois ans l'adoption internationale en France était à la hausse : 4 000 parents français pouvaient accueillir des enfants en provenance de l'étranger. En quelques mois, la situation de l'adoption internationale s'est considérablement modifiée et, malheureusement – et tant mieux pour les pays concernés , de moins en moins d'enfants sont proposés à l'adoption alors que, parallèlement, de plus en plus de candidats occidentaux, notamment français, souhaitent adopter.

Face à cette situation – et nous avons pu constater il y a quelques mois qu'il n'était pas possible de faire n'importe quoi sous prétexte de sentiments généreux –, nous avions proposé, en 2005, de créer l'Agence française de l'adoption. Cette création a permis l'adoption de près de 700 enfants lors de la première année de plein exercice. Mais cela ne suffit pas. C'est la raison pour laquelle, afin de trouver des solutions à ce problème, le Président de la République et le Premier ministre ont souhaité confier au journaliste Jean-Marie Colombani la rédaction d'un rapport sur ce sujet. Ce dernier vient de leur remettre son rapport, qui, selon moi, comporte des propositions qui vont dans le bon sens, et d'autres qui risquent d'être contre-productives.

Madame la secrétaire d'État, en tant que représentante du Gouvernement et secrétaire d'État en charge de ce secteur, je voudrais savoir quel calendrier vous souhaitez donner à la mise en oeuvre des conclusions de ce rapport, quelles sont les propositions que vous souhaitez reprendre à votre compte, bref, quel bilan vous voulez tirer du rapport Colombani. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille.

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille

Monsieur Yves Nicolin, du fait de vos fonctions de président de l'Agence française de l'adoption et de votre expérience personnelle, vous êtes bien placé pour savoir que, dans notre pays, la situation ne s'améliore pas en matière d'adoption.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Près de 30 000 familles sont en attente pour accueillir un enfant dans leur foyer, et vous avez eu raison de rappeler que la situation internationale de l'adoption s'est dégradée. Certes, la raison de ce recul est généreuse puisque certains pays d'origine de ces enfants ont, en modifiant leur dispositif de protection de l'enfance, favorisé l'adoption à l'intérieur de leurs frontières. Toutefois, au regard de ce constat et de la détresse des familles françaises qui attendent de pouvoir adopter un enfant, le Président de la République et le Premier ministre ont confié à Jean-Marie Colombani la rédaction d'un rapport afin de dresser un constat de la situation française mais aussi de proposer des pistes d'amélioration.

M. Colombani nous a fait trente-deux propositions qui s'articulent autour de quatre axes : la mise en place d'une autorité centrale de coordination et de régulation ; une plus grande attention portée à la situation des enfants français ; l'expérimentation de nouvelles procédures d'agrément et le renforcement de l'accompagnement des familles dans le processus de l'adoption. Nous étudierons avec Xavier Bertrand l'ensemble de ces propositions dans les meilleurs délais. Sachez que nous associerons à ce travail le Quai d'Orsay et le ministère de la justice mais également, en tout état de cause, les parlementaires en charge de ce dossier parce qu'ils connaissent bien la situation. Nous aurons à coeur de les écouter pour améliorer le plus possible le dispositif d'adoption sur l'ensemble du territoire français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Pierre Kucheida, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Kucheida

Monsieur le Premier ministre, à la veille des jeux Olympiques, la situation des droits de l'homme en Chine et au Tibet —pays annexé il y a quarante-neuf ans — nous interpelle cruellement. Des dizaines de morts, des centaines peut être, des emprisonnements, des exécutions sommaires, une information totalement contrôlée, nous montrent que le processus espéré il y a sept ans par le comité international olympique, en prenant la décision politique de choisir Pékin comme ville olympique pour les jeux d'été de 2008, a fait long feu.

Alors que les premiers ministres d'Angleterre et d'Allemagne ont réagi, comme d'autres représentants de diverses démocraties, avec force, les Français n'ont eu droit qu'au silence assourdissant et inhabituel du Président de la République, rompu seulement hier. La France, pays des droits de l'Homme, se déshonore. Les affaires passeraient-elles avant nos valeurs universelles ? Je le demande en particulier à M. Laporte.

Au-delà du boycott des jeux Olympiques, que nous ne souhaitons pas et qui ne pourrait être que l'arme suprême, quels gestes significatifs votre Gouvernement entend-il faire ? Pensez vous recevoir le dalaï-lama ? Ce serait mieux que de recevoir M. Khadafi ! Monsieur le président Accoyer, je vous suggère ici, au nom du groupe socialiste, de recevoir le dalaï-lama devant l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et sur quelques bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Pensez-vous demander avec force à la Chine de négocier l'autonomie culturelle de cette province annexée et assujettie ? Pensez-vous vraiment qu'en l'état actuel des choses, la France – qui assumera en août la présidence de l'Union européenne, ne l'oubliez pas – pourrait être présente aux cérémonies d'ouverture des jeux Olympiques ? (Applaudissement sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et européennes.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Monsieur le député Kucheida, je comprends votre inquiétude, et même votre indignation.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Du reste, je les partage ! Vous dites que nous n'avons réagi que dimanche, mais, en fait, notre réaction date du dimanche précédent. La première des réactions, ce fut celle que nous avons eue en commun avec les vingt-six autres membres de l'Union européenne en condamnant les violences et en appelant à la négociation. Nous avons répété cette position mardi dernier et ne cessons de le faire depuis – Rama Yade l'a encore fait hier.

Tout à l'heure à Tarbes, alors que notre pays a toujours été favorable au maintien des jeux Olympiques – tout en appelant au dialogue, nous nous interrogeons bien entendu sur les conséquences de la violence au Tibet sur la cérémonie d'ouverture –, le Président de la République a dit : « Toutes les options sont ouvertes. » Cette déclaration signifie que nous souhaitons que l'évolution pacifique et l'apaisement que nous appelons de nos voeux, en essayant de jouer un rôle, permettent la tenue des jeux Olympiques et que nous souhaitons aussi, et plus que tout, le respect des droits de l'Homme. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Situation au Tibet

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Jean-Marie Le Guen.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations (n° 514, n° 695).

La parole est à Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité.

Debut de section - PermalienValérie Létard, secrétaire d'état chargée de la solidarité

Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les députés, depuis les années 70, l'Union européenne s'est dotée d'une législation abondante dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Cette législation s'est traduite par des avancées concrètes dans l'ensemble des États membres de l'Union, en particulier en France, où les textes communautaires ont notamment conduit à la création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, par la loi du 30 décembre 2004.

Le présent projet de loi a pour objet de poursuivre la mise en conformité du droit français avec le droit communautaire relatif à l'égalité de traitement, ce qui suppose, d'une part, de transposer la directive 2004113CE du Conseil du 13 décembre 2004 mettant en oeuvre le principe de l'égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l'accès à des biens et services et la fourniture de biens et services et, d'autre part, de compléter la transposition, qui a déjà été opérée, de trois directives communautaires relatives à l'égalité de traitement, dont la Commission estime qu'elle est insuffisante. Avec l'adoption du projet de loi qui vous est soumis, il sera ainsi mis fin à trois procédures d'action en manquement qui ont été lancées par la Commission à l'encontre de la France.

Je veux d'emblée souligner que, dans la perspective de la présidence française de l'Union européenne, le Gouvernement a engagé des efforts très importants pour réduire le nombre des directives en retard de transposition dans le droit français. Ces efforts commencent à porter leurs fruits puisque, selon les dernières estimations de la Commission, au 10 novembre 2007, seules 1,1 % des directives communautaires seraient en retard de transposition en France. Nous atteignons donc, pour la troisième fois consécutive, l'objectif fixé par le Conseil européen de Stockholm selon lequel le taux de directives en retard de transposition doit être inférieur à 1,5 % du total des textes à transposer. Ainsi, après avoir longtemps été parmi les « lanternes rouges » de l'Europe, notre pays se situait, au second semestre de l'année 2007, au dixième rang, sur vingt-sept, des États les plus rapides à assurer la transposition des directives communautaires. Ce résultat n'est bien sûr pas un acquis, et nos efforts doivent se poursuivre.

L'adoption du projet de loi qui vous est soumis participe de ces efforts. Il anticipe également sur le travail de transposition qu'il nous faudra mener à l'avenir, puisqu'il permet l'introduction en droit français d'une grande partie des dispositions contenues dans la directive 200654CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relatives à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail, qui procède à la refonte de directives antérieures et qui doit être transposée avant le 15 août 2008.

Le projet de loi qui vous est présenté introduit trois séries de nouvelles dispositions dans le droit français.

En premier lieu, il précise, à la demande de la Commission, un certain nombre de définitions, notamment celle de la discrimination directe et indirecte et celle des faits constitutifs de harcèlement au sens civil, et non pénal, du terme. Il assimile par ailleurs à une discrimination le fait d'enjoindre à quelqu'un de pratiquer une discrimination, ce qui permettra de donner à ces deux comportements les mêmes conséquences juridiques.

En deuxième lieu, le projet de loi qui vous est présenté affirme de manière explicite qu'un certain nombre de discriminations sont interdites, en reprenant précisément les termes des directives communautaires : les discriminations fondées sur la race ou l'origine ethnique en matière de biens et services, de protection sociale, de santé, d'avantages sociaux et d'éducation ; les discriminations fondées sur le sexe, l'appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, la religion, l'âge, le handicap, l'orientation sexuelle ou les convictions en matière de travail et d'emploi ; les discriminations pratiquées en raison de la maternité ou de la grossesse, sauf à ce qu'il s'agisse d'en assurer la protection ; les discriminations fondées sur le sexe en matière d'accès aux biens et services et de fourniture de biens et services.

Tout en posant ces principes, le projet de loi précise, dans le strict respect des directives transposées, les dérogations qui sont autorisées au principe d'égalité de traitement. Il en va ainsi, notamment, des différences qui sont faites pour répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante, pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée.

En troisième et dernier lieu, le projet de loi renforce les garanties accordées aux personnes victimes de discriminations. En particulier, il instaure une protection contre les rétorsions pouvant frapper les personnes qui témoignent d'une discrimination. Il aménage, en outre, les règles de charge de la preuve au profit des personnes qui engagent une action en justice pour faire reconnaître une discrimination. Car, nous le savons bien, rien n'est plus difficile à prouver devant un juge que l'existence d'une discrimination.

L'ensemble des dispositions introduites seront d'application générale et immédiate. Elles s'imposeront tout autant aux personnes privées qu'aux collectivités publiques. Dans le domaine professionnel, elles vaudront donc de la même manière pour les personnes employées en vertu d'un contrat de droit privé que pour les fonctionnaires, y compris les magistrats, les militaires et les fonctionnaires des assemblées parlementaires.

Vous l'aurez constaté, le texte qui vous est soumis se donne pour seul objet la transposition d'un certain nombre de dispositions communautaires. Le Gouvernement n'a pas choisi d'en faire un instrument d'approfondissement ou de réorientation de la politique de lutte contre les discriminations en France. Les délais imposés par les échéances de transposition et les procédures en cours ne nous en laissaient pas le temps, alors que, précisément, l'amplitude des champs couverts est immense et que la matière supporte l'approximation moins qu'aucune autre. Mais nous allons continuer à agir avec force, car le combat pour l'égalité des chances est un combat que le gouvernement auquel j'appartiens veut mener. Nous reviendrons bientôt devant vous avec une loi sur le statut du beau-parent. Nous vous présenterons également une loi sur l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, qui se situera dans le prolongement de la conférence organisée le 26 novembre dernier, à la demande du Président de la République, en concertation étroite avec les partenaires sociaux. Nous vous proposerons prochainement de ratifier la convention des Nations unies sur les droits des personnes handicapées, qui le sera également par la Communauté européenne. Et nous veillerons, bien sûr, à la mise en oeuvre de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, qui nous impose, d'ici à l'année 2015, des efforts sans précédent en faveur de la lutte contre les discriminations fondées sur le handicap.

Je veux enfin vous dire que notre engagement en faveur de l'égalité des chances sera au coeur de la présidence française de l'Union européenne. Nous avons été mobilisés contre les discriminations en 2007, année européenne de l'égalité des chances, mais nous le serons aussi en 2008. Nous avons d'ailleurs prévu d'organiser, à la fin du mois de septembre 2008, un sommet européen pour l'égalité des chances, qui fera écho à la manifestation du même type organisée en 2007. Par ailleurs, nous apporterons à la Commission le soutien qu'elle peut attendre de la présidence en exercice pour la mise en oeuvre des mesures qu'elle devrait proposer, au cours du second semestre 2008, dans une communication sur l'égalité des chances. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

La parole est à Mme Isabelle Vasseur, rapporteure de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, mes chers collègues, l'Assemblée nationale est saisie du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Ce texte est avant tout pragmatique. La France a fait l'objet de procédures en manquement pour n'avoir pas suffisamment transposé trois directives européennes dans les délais impartis : la directive 200078 du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ; la directive 200273 du 23 septembre 2002 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail ; la directive 200043 du Conseil du 29 juin 2000 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique. Le présent projet de loi vise donc à compléter la transposition en droit interne français de ces trois textes.

Par ailleurs, pour satisfaire pleinement aux exigences communautaires, ce projet transpose aussi une partie de la directive 200654 du 5 juillet 2006 relative à la mise en oeuvre le principe de l'égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l'accès à des biens et services et la fourniture de biens et services.

À l'évidence, ce projet ajoute une pierre à l'édifice juridique en faveur de la lutte contre les discriminations et devrait confirmer l'importance de l'effet du droit communautaire relatif à la non-discrimination sur l'état du droit français.

Car le droit international en général et le droit communautaire en particulier ont souvent servi d'aiguillon pour inciter la France à enrichir les instruments juridiques au service de la lutte contre les discriminations.

C'est essentiellement à partir de la fin des années 90 que la lutte contre les discriminations est devenue une politique européenne autonome, le traité d'Amsterdam de 1997 ayant procédé à l'élargissement des compétences de l'Union européenne en matière de lutte contre la discrimination. En 2000, un nouveau pas a été franchi avec l'adoption de deux directives sur l'égalité de traitement, qui font l'objet du présent projet de loi.

En France, les lois du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations, du 30 décembre 2004 portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité – la HALDE –, du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, et du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances, ont enrichi la palette des outils juridiques au service de la lutte contre les discriminations. On peut y voir pour partie l'influence du droit communautaire, même si ces textes comportent évidemment de nombreuses dispositions sans lien direct avec la législation européenne.

Enfin, il convient de garder à l'esprit que les lois ne sont pas les seuls instruments juridiques applicables en matière de lutte contre les discriminations. Le 11 octobre 2006, les partenaires sociaux ont conclu un accord national interprofessionnel sur la diversité dans l'entreprise, destiné à promouvoir la non-discrimination et l'égalité de traitement en matière de recrutement, d'affectation, de rémunération, de formation professionnelle et de déroulement de carrière.

Le bilan établi régulièrement par la HALDE permet de prendre la mesure de l'état des discriminations en France. Les chiffres disponibles pour l'année 2007 montrent, comme en 2006, que les matières où existent des discriminations sont, en dépit des vraies avancées réalisées en matière législative, encore multiples, et que les discriminations y sont pratiquées sur des fondements divers. Ainsi, de nombreuses réclamations reçues par la HALDE concernent l'emploi – pour 50,1 % – et les services publics – pour 20,35 %. Mais elles touchent aussi les biens et services privés, l'éducation ou le logement. L'origine, qui représente 27,16 % des réclamations, demeure le critère de discrimination le plus souvent évoqué en 2007. Viennent ensuite, par ordre décroissant de fréquence, la santé ou le handicap, l'âge, l'activité syndicale, le sexe, la situation de famille, l'orientation sexuelle, l'apparence physique, la religion, les opinions politiques et les moeurs. Par rapport à 2006, ces chiffres pour 2007 révèlent une augmentation de la proportion des discriminations pratiquées sur le fondement de la santé ou du handicap.

Par ailleurs, selon une étude publiée en janvier 2008 par l'agence de notation sociale Vigeo pour le Bureau international du travail sur les pratiques des entreprises européennes en matière de non-discrimination et de diversité, des efforts sont encore nécessaires. Dans 44 % des entreprises étudiées, les moyens mis en oeuvre se limitent à l'information ; 32 % des entreprises ne déploient pas de moyens spécifiques ; 20 % mobilisent des moyens significatifs accompagnés de procédures actives ; seulement 4 % disposent de dispositifs avancés s'appuyant sur des accords ouverts au contrôle des syndicats. L'ensemble de ces données montre que la lutte contre les discriminations constitue un objectif aujourd'hui bien établi, mais encore à atteindre.

Le présent projet de loi, en assurant la transposition des cinq directives précitées, prend en considération les différentes observations formulées par la Commission européenne dans deux mises en demeure et un avis motivé en 2007, ainsi qu'un avis motivé rendu au début de cette année 2008. Ce projet ne constitue donc pas, conformément à son intitulé, un texte généraliste sur la question des discriminations.

Je vous en rappelle brièvement la teneur. L'article 1er du projet de loi reprend les définitions qui prévalent en droit communautaire de la discrimination directe et de la discrimination indirecte, ainsi que du harcèlement. Le projet de loi énonce notamment, s'agissant des discriminations directes, que les différences de traitement doivent être analysées au regard des situations passées, présentes ou à venir. Pour ce qui est du harcèlement, il en étend la définition aux cas de la survenance d'un seul agissement et au cadre extraprofessionnel. En outre, il assimile à la notion de discrimination le fait d'enjoindre à quelqu'un de pratiquer une discrimination.

L'article 2 précise le champ des discriminations conformément au droit communautaire applicable, qu'il s'agisse de la réaffirmation de l'interdiction des discriminations fondées sur la race ou l'origine ethnique en matière de biens et services, de protection sociale, de santé, d'avantages sociaux et d'éducation ; de l'interdiction des discriminations en matière de travail et d'emploi, quels que soient le sexe, l'appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, la religion, l'âge, le handicap, l'orientation sexuelle ou les convictions.

Le projet de loi interdit ainsi toute discrimination en matière de travail indépendant sur ces fondements, ainsi qu'en matière d'affiliation et d'engagement dans une organisation syndicale et professionnelle, y compris pour les non-salariés et dans la fonction publique. Le projet de loi affirme l'interdiction de portée générale de pratiquer des discriminations en raison de la maternité ou de la grossesse, sauf à ce qu'il s'agisse d'en assurer la protection. Il pose, enfin, l'interdiction – également de portée générale – des discriminations fondées sur le sexe en matière d'accès aux biens et services et de fourniture de biens et services.

Les articles 2, 6 et 8 du projet de loi déterminent les cas où ces principes ne font pas obstacle à la mise en oeuvre de différences de traitement et procèdent à des modifications au sein du code pénal, s'agissant de la liste des discriminations qui ne font pas l'objet de sanctions pénales. En particulier, est ajoutée une condition à la mise en oeuvre de différences de traitement en matière d'emploi : outre la présence d'une exigence professionnelle essentielle et déterminante, l'objectif à atteindre doit être légitime et le moyen utilisé proportionné.

Aux termes des articles 3 et 4 du projet de loi, les garanties dont bénéficient les victimes de discriminations sont renforcées, en particulier dans les situations où des personnes témoignent d'agissements discriminatoires et lorsque les victimes des discriminations intentent une action en justice. Le projet de loi généralise l'aménagement de la charge de la preuve favorable à la victime, qui existe déjà dans certains cas en droit français.

L'article 5 du projet de loi permet d'en assurer une application aussi large que possible à l'ensemble des personnes de droit privé et de droit public.

L'article 9 prévoit qu'aucune différence ne peut être fondée sur le sexe pour les cotisations et les prestations versées, conformément aux dispositions du code de la mutualité et du code de la sécurité sociale, sauf pour ce qui concerne l'attribution des prestations liées à la grossesse et à la maternité.

Au cours de sa réunion du mercredi 6 février 2008, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a tout d'abord adopté un certain nombre d'amendements destinés à clarifier le dispositif proposé : il s'agit de favoriser une transposition au plus près de la lettre des directives européennes, tout en assurant la meilleure lisibilité possible des dispositions du projet de loi. C'est ainsi que la commission a, par exemple, préféré que le projet de loi précise sans ambiguïtés que l'injonction à discriminer constitue une discrimination.

En outre, en ce qui concerne un certain nombre de questions, la commission a jugé que la transposition devait, dans la fidélité au texte communautaire, respecter les garanties déjà existantes pour les victimes de discriminations. Elle a, ainsi, expressément rappelé que les conditions de travail et de promotion professionnelle ne sauraient donner lieu à discrimination fondée sur le sexe, l'origine ethnique, la race, la religion, l'âge, le handicap l'orientation sexuelle ou les convictions. La commission a aussi souhaité éviter toute formulation qui aurait pu apparaître restrictive en matière de protection contre les rétorsions en visant les situations où un seul agissement discriminatoire est intervenu.

Elle a enfin précisé qu'aucune discrimination ne saurait être effectuée en raison du congé de maternité.

Compte tenu de ces modifications, je ne peux que vous inviter, conformément aux conclusions de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à adopter le présent projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à Mme Martine Pinville.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Pinville

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le texte dont l'Assemblée nationale est aujourd'hui saisie, ce projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, doit nous rappeler notre devoir de nous adapter au droit communautaire en matière de lutte contre les discriminations. Force est de constater qu'en ce domaine, nous ne sommes pas prompts à réagir. Or la totalité des transpositions auxquelles nous sommes tenus de procéder devrait être de nature à assurer une meilleure protection de nos concitoyens.

La Commission européenne a engagé une procédure d'infraction à notre encontre pour ne pas avoir transposé la directive 200078 du 27 novembre 2000 interdisant la discrimination en matière d'emploi et de travail fondée sur la religion ou les croyances, l'âge, le handicap ou l'orientation sexuelle. Plus récemment, elle nous a adressé un avis motivé et s'apprêtait à saisir la commission de la Cour de justice de la Communauté européenne toujours au regard de la même directive. Les motifs pour lesquels nous sommes épinglés – définition incorrecte des discriminations et du harcèlement, caractère restrictif de l'interdiction de l'injonction à discriminer, et d'autres encore – doivent nous interpeller et nous montrent à quel point le chemin sur la lutte contre les discriminations, ne serait-ce que pour nous conformer aux directives européennes, est long et difficile. Espérons que nous n'aurons plus à courir derrière l'uniformisation européenne et à être ainsi pointé du doigt et menacer de sanctions.

En transposant en droit français les directives 200043, 200078, et 200072 et en modifiant la loi du 30 décembre 2004, nous serons désormais en conformité. Tâchons de réussir cette adaptation et n'hésitons pas à aller plus loin en renforçant certains dispositifs qui, pour l'instant, ne me semblent pas très définis.

Il faut savoir prendre le temps du débat. La France aime être présentée comme le pays des droits de l'Homme et, bien souvent, certains ont eu la prétention de donner des leçons au monde entier. Cependant, nous ne serions même pas capables d'avoir, dans notre pays, un véritable débat sur un sujet aussi sensible que celui des discriminations. Sans la pression de la Commission européenne, nous en serions restés au statu quo.

À première vue, le texte semble répondre à l'essentiel des directives européennes. Mais quand on en vient aux détails, on constate que le texte comporte de graves insuffisances. La transposition a été faite a minima et, compte tenu des nombreuses lacunes et exceptions, on assiste, une fois de plus, à la remise en cause d'une partie de notre droit du travail.

Ainsi, le projet de loi précise qu'en matière de travail, d'emploi et de formation professionnelle, comme en matière d'adhésion à une organisation syndicale ou professionnelle, il ne doit pas être fait obstacle aux différences de traitement lorsque celles-ci répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante, et pour autant que l'objectif soit légitime et que l'exigence soit proportionnée. Mes chers collègues, vous le comprendrez aisément, c'est la porte ouverte à tous les abus, à toutes les interprétations.

De la même manière, le projet de loi prévoit plusieurs exceptions au principe que « toute discrimination directe et indirecte fondée sur le sexe est interdite en matière d'accès aux biens et services et de fournitures de biens et services ». Ainsi, ne sont pas interdites, d'une part, les différences de traitement si la fourniture de biens et services exclusivement ou essentiellement destinés aux personnes soit de sexe féminin, soit de sexe masculin, est justifiée par un but légitime et que les moyens de parvenir à ce but sont appropriés et nécessaires et, d'autre part, les différences relatives au calcul des primes et à l'attribution des prestations d'assurance fondées sur la prise en compte du sexe, dans les conditions prévues par l'article L. 111-7 du code des assurances.

Le projet de loi autorise également les différences dans le contenu des médias et de la publicité – celui-ci n'étant pas considéré comme un accès aux biens et aux services, ni comme une fourniture de biens et services à la disposition du public – et dans l'organisation des enseignements en regroupant des élèves en fonction de leur sexe.

Là encore, vous en conviendrez avec moi, ces exceptions sont difficilement justiciables et acceptables puisque ces discriminations se nourrissent de représentations stéréotypée et parfois sexistes. De plus, ces dispositions apparaissent en retrait par rapport aux dispositions conventionnelles applicables, en particulier l'accord national interprofessionnel du 1er mars 2004

Autre disposition contestable : dans l'article 3, le projet ajoute la notion de « bonne foi » au texte protégeant d'actes de représailles les personnes ayant témoigné en justice. Il est incontestable que cet ajout en réduit la portée. De plus, cela va conduire à des contentieux autour de ladite notion et non sur les faits de discrimination relatés.

Dans l'article 4, le projet revient sur l'aménagement de la charge de la preuve de la discrimination. Là aussi, il est incohérent avec le texte existant puisqu'il prévoit que la personne qui s'estime victime d'une discrimination « établit les faits ». Dans la loi du 16 novembre 2001, la personne « présente » les faits devant le juge. Le maintien de la coexistence de plusieurs régimes probatoires suivant le terrain – emploi ou accès aux biens – n'apparaît pas satisfaisant.

Autre défaut : le texte oublie d'ouvrir la possibilité pour les associations de lutte contre les discriminations d'agir auprès des tribunaux si la victime est un agent de la fonction publique. C'est une exigence écrite noir sur blanc de la directive. Pourtant, si, à la demande des victimes, les associations peuvent agir au pénal, si elles peuvent agir devant les conseils de prud'hommes, elles ne peuvent le faire devant la justice administrative. La Commission européenne a explicitement pointé du doigt cette lacune de la législation française, mais rien n'y a fait.

Je relève encore une autre insuffisance du texte dans le fait qu'il rétablit une hiérarchie entre les discriminations que l'on croyait définitivement bannie du droit français, par une transposition aveugle de deux directives. La directive 200078CE traite de toutes les discriminations, mais dans le seul domaine de l'emploi et du travail. La directive 200043CE, relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique, ne traite que d'un seul motif, la race et l'origine, mais intervient dans tous les domaines, y compris l'éducation, le logement, et non seulement l'emploi et le travail.

Sans doute pour aller vite, comme d'habitude, madame la secrétaire d'État, l'auteur du projet de loi a scolairement recopié les définitions données par les deux directives, sans essayer de les synthétiser, en séparant les discriminations liées à l'origine et à la race, d'un côté, et les autres discriminations, de l'autre. Pour les discriminations racistes, le champ d'application est donc large – il concerne tous les domaines de la vie courante –alors que, pour les autres discriminations, homophobie, handiphobie, ou autres, le projet de loi restreint son application aux domaines de l'emploi et du travail. Vous auriez voulu « hiérarchiser » les victimes, et encourager la concurrence entre elles, que vous ne vous y seriez pas pris autrement.

À toutes ces insuffisances, s'ajoute la proposition de loi, déjà adoptée par les sénateurs, qui ramène de 30 ans à 5 ans le délai de prescription au-delà duquel on ne peut plus faire valoir un droit ou réclamer la réparation d'un dommage. Actuellement, en matière sociale, les dommages et intérêts ne sont prescrits qu'au bout de 30 ans, ce qui provoque régulièrement la colère du patronat et le dépôt de propositions de loi. Surprise : en novembre dernier, profitant de la séance mensuelle consacrée aux propositions de loi, les sénateurs ont adopté une proposition de loi déposée le 2 août par Jean-Jacques Hyest ramenant à 5 ans ce fameux délai de droit commun. La procédure parlementaire a été extrêmement rapide, puisque la commission des lois du Sénat ne s'est réunie sur le sujet qu'une semaine avant le vote en séance publique.

Les termes de cette proposition de loi posent un problème certain quant à son application dans les situations de discrimination au travail : d'une part, ce texte ôterait à l'article L. 122-45 prohibant les discriminations une grande partie de sa portée ; d'autre part, il pose un sérieux problème de compatibilité avec la norme européenne. Le délai de cinq ans apparaît en effet insuffisant. Pour caractériser la discrimination, il est nécessaire de disposer d'un certain recul dans le temps. De même, pour réparer une situation de discrimination, il est nécessaire de considérer les effets qu'elle a produits dans le temps.

Une prescription ramenée à cinq ans apparaît contraire aux termes de la directive européenne sur l'égalité des chances pour deux raisons. En premier lieu, parce qu'elle entraîne un plafond maximal d'indemnités par le jeu de la prescription de l'action à 5 ans, et la réparation ne sera pas « suffisante au regard du préjudice subi ». En second lieu, parce que les sanctions ne seront ni « proportionnées » ni « dissuasives », eu égard à la faiblesse d'indemnités par rapport à un préjudice réel qui serait supérieur.

Ainsi, les victimes, face aux difficultés rencontrées pour faire valoir les discriminations subies, céderaient au découragement et renonceraient à leurs droits puisque, comme le dit si bien le bon sens populaire, le jeu n'en vaudrait pas la chandelle. Est-ce là l'objectif recherché ? On peut très sérieusement se poser la question.

Dans l'état actuel des choses, ce texte donne l'impression d'un travail inachevé. Il semble avoir été rédigé dans l'intention de satisfaire aux exigences de la Commission européenne plutôt que dans l'intérêt des victimes.

Compte tenu du contexte politique national et international, notamment eu égard à l'inquiétude que peuvent manifester nos concitoyens sur leur devenir et en particulier sur leur place dans le monde du travail, il m'aurait paru plus judicieux d'assurer une clarification réelle des moyens de lutte contre les discriminations de nature à rassurer et à protéger plus efficacement.

Peut-être aussi aurions-nous pu aller plus loin au nom des valeurs qui fondent notre République. Alors que la France ne se départit jamais de son discours moralisateur en matière de droits de l'Homme en général, peut-être aurions-nous pu, une fois pour toutes, placer notre cadre législatif et réglementaire en accord avec nos déclarations de principe.

Parallèlement, alors que notre pays, comme bon nombre d'autres pays de l'Union Européenne, traverse une période dans laquelle se multiplient toutes les formes de discrimination, notamment d'origine ethnique et religieuse, n'aurait-il pas été salutaire d'instaurer un vrai débat national qui aurait permis, non seulement une prise de conscience de tous nos concitoyens, mais également la définition d'un dispositif complet de lutte contre les discriminations ? Je regrette profondément que nous n'ayons pu saisir cette opportunité.

En tout état de cause, le texte introduit des dispositions dans la loi qui sont contraires au principe d'égalité de notre Constitution. Ainsi, l'article 2 du projet de loi introduit une différence de traitement entre les discriminations qui va à rencontre de l'orientation prise par le législateur français depuis ces dernières années. Ainsi, en matière de protection sociale, de santé, d'avantages sociaux, d'éducation, d'accès aux biens et services ou de fournitures de biens et services, la loi ne retiendrait que les discriminations à raison de l'appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race et ignorerait les discriminations relatives à la religion, à l'âge, au handicap, à l'orientation sexuelle ou aux convictions.

Cette distinction formulée dans l'article 2 entre les discriminations dans le domaine de la protection sociale, de l'éducation et de l'accès aux biens et services, d'une part, et les discriminations dans le domaine de l'emploi et du travail, d'autre part, introduit une différence de traitement entre les victimes selon les motifs de discriminations qui est contraire au principe d'égalité. Elle instaure entre les discriminations une hiérarchisation qui n'est pas recevable au regard du principe d'égalité inscrit dans l'article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958. C'est la raison pour laquelle je vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir adopter cette motion d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

Nous allons passer aux explications de vote.

La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

La manière dont se débat a été introduit montre bien le désintérêt du Gouvernement pour la lutte contre les discriminations. Alors que nous avons, au mois d'octobre dernier, entendu des propositions aussi discutables les unes que les autres, notamment dans le projet de loi défendu par M. Hortefeux, au motif qu'il était indispensable que notre pays lutte efficacement contre les discriminations, le sujet est aujourd'hui abordé avec réticence et beaucoup de discrétion. Or il est regrettable de donner ainsi le sentiment que la France mène la lutte contre les discriminations qu'aiguillonnée par l'Europe, que parce qu'elle est contrainte de se conformer à des exigences européennes, mais sans véritable volonté du Gouvernement.

Ce texte méritait mieux. Notre pays aurait besoin d'une mise à jour de sa politique de lutte contre les discriminations, à un moment où beaucoup de membres de notre société ont le sentiment que la lutte contre les discriminations ethniques et l'homophobie est insuffisante. Nous aurions également besoin de définir plus clairement certains concepts, manipulés sans beaucoup de précision non seulement dans ce texte mais aussi dans les discours de nos gouvernants. Il faudrait enfin pouvoir répondre aux chercheurs, qui s'interrogent sur la manière d'évaluer les discriminations et l'orientation à donner à leurs recherches.

Or nous entamons un débat tronqué, sans envergure, qui ne répond pas véritablement aux exigences de la Commission européenne ni à celles de la Cour de Justice. Pour toutes ces raisons, il convient de souligner l'irrecevabilité de ce texte par rapport à ce que réclame la Commission mais aussi à ce que mérite la lutte contre les discriminations. C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste votera l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

La parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

Ce texte aborde un sujet grave et cette motion d'irrecevabilité est malvenue. Voilà sept ans que je suis député et voilà sept ans que, dans tous les textes que je présente, j'aborde la question de la discrimination dans notre pays – je pense notamment au CV anonyme, sur lequel nous avons eu de nombreux débats et qui a été inscrit dans la loi en 2006, sans être malheureusement appliqué, faute de décret.

La discrimination est un sujet difficile mais important, car la France est non seulement un pays d'égalité mais également un pays de fraternité. Tous les Français, tous les habitants de notre pays ont droit à un traitement équitable, une place dans notre société.

J'ai bien entendu le discours de Mme Pinville. Je suis un peu choqué lorsque je l'entends préconiser que l'on retarde l'examen de ce texte voire qu'on le rejette, sous prétexte qu'il ne serait pas conforme à la Constitution. Nous sommes en 2008 et nous transposons des directives qui datent de 2000 – date à laquelle, je le rappelle, Lionel Jospin était Premier ministre –, pas de la semaine dernière ! Cela fait donc huit ans qu'elles auraient du être transposées, et non de manière incorrecte, comme cela a été fait une première fois selon la Commission – j'aurais d'ailleurs l'occasion de revenir dans mon intervention sur ce problème de la transposition des directives. Ce n'est donc pas en retardant encore l'échéance de quelques mois ou de quelques années que l'on va régler le problème de la discrimination en France.

La lutte contre les discriminations, c'est un état d'esprit, ce n'est pas du juridisme, ce n'est pas de l'opposition. C'est prendre conscience qu'il faut traiter le problème pour nos jeunes des banlieues et pour tous ceux qui ont des difficultés à s'intégrer dans la société à cause de leur handicap ou de convictions mal acceptées.

Il est donc malvenu de déposer cette motion, même si je suis sensible à certains de vos arguments, madame Pinville. Je les évoquerai d'ailleurs à mon tour en intervenant dans la discussion générale, avec l'espoir d'obtenir du Gouvernement des réponses, notamment sur la question des prescriptions et la distinction faite entre le domaine de l'emploi et les autres domaines.

Faut-il pour autant reporter ce texte aux calendes grecques, sachant combien l'agenda parlementaire est surchargé ? C'est une mauvaise idée et le Nouveau Centre ne votera donc pas cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

La parole est à M. Guénhaël Huet, pour le groupe de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Guénhaël Huet

Comme vient de l'indiquer Francis Vercamer, cette exception d'irrecevabilité est malvenue. J'ajouterai qu'elle est également mal fondée sur le principe du droit, car il y a une certaine contradiction à soulever l'irrecevabilité alors même qu'il s'agit – c'est l'exercice qui nous est proposé par le Gouvernement – de transposer des directives européennes en droit français.

Sur le fond du texte, j'ai bien entendu les arguments présentés par Mme Pinville. Elle a signalé les points qui constituaient à ses yeux des insuffisances du texte. Or ces insuffisances, à y regarder de plus près, sont en réalité des progrès. Qui peut nier en effet que la protection à l'égard des rétorsions soit un progrès par rapport à la législation actuelle ? Qui peut nier que la mise en place de pôles anti-discrimination auprès de chacun des 181 tribunaux de grande instance de France soit également un progrès par rapport à la situation actuelle ? Qui peut nier enfin qu'une définition plus précise de la discrimination directe, de la discrimination indirecte, du harcèlement moral et du harcèlement sexuel constitue également une avancée significative par rapport au droit positif ?

Ne pas vouloir regarder la réalité en face et laisser sans réponse des questions qui se posent chaque jour aux entreprises – l'égalité entre les hommes et les femmes, pour ne citer que ce problème – procède de la mauvaise foi. C'est au contraire l'honneur de notre parlement que d'adopter ces dispositions parfaitement conformes à notre tradition juridique et à notre texte constitutionnel. Pour toutes ces raisons, le groupe UMP rejettera la motion d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

La parole est à Mme Martine Billard, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Nos collègues qui proposent de rejeter cette motion parlent à son sujet de mauvaise foi. Mais faut-il, chaque fois qu'on étudie un texte de loi, le faire vite et mal ? Si nous examinons ce projet aujourd'hui, c'est que la France a été mise en demeure par la Commission européenne pour avoir transposé de manière incomplète des directives dont il nous faut donc achever la transposition.

Il y a donc urgence à corriger ce qui n'a pas été fait correctement, et il est indéniable que nous améliorerons la transposition, mais au prix d'une définition des discriminations à géométrie variable selon nos différents codes, sachant par ailleurs que l'essentiel de cette nouvelle loi ne sera pas codifiée.

Introduire de l'instabilité dans la définition des discriminations est-il une bonne manière de procéder ? Mieux vaudrait arrêter une définition unique et modifier les codifications, de façon à n'avoir qu'une seule et même définition dans l'ensemble de nos lois. Car, si les juristes peuvent s'en donner à coeur joie en jonglant avec les différentes définitions, il est moins simple de s'y retrouver pour le citoyen victime d'une discrimination qui souhaite s'appuyer sur la loi pour se défendre.

Je reviendrai en second lieu sur le problème de l'article 2. Au lieu de scinder la définition et les conséquences qu'elle emporte en fonction des discriminations, en distinguant entre les discriminations fondées sur l'appartenance réelle ou supposée à une race et les autres, il serait plus correct de réintroduire une seule définition, soit celle du code pénal, soit une définition que nous établirions définitivement avec ce texte de loi et de laquelle découlerait une égalité effective devant l'ensemble des discriminations. Sans compter qu'est absente de ce texte la question de la discrimination pour raisons de santé, qui conduit pourtant nombre de nos concitoyens à saisir la HALDE. Cela prouve bien que ce texte de transposition demeure non seulement incomplet mais qu'il comporte encore des problèmes de rédaction.

Voilà pourquoi le groupe de la Gauche démocrate et républicaine votera la motion d'irrecevabilité du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Nous pensons en effet qu'il est de notre devoir, en tant que législateurs, de produire des textes stables qu'on ne modifie pas tous les six mois et que tous nos concitoyens puissent utiliser sans être obligés de se livrer à de grands exercices d'interprétation parce que les définitions diffèrent d'un code à l'autre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.

(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

J'ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à Mme Martine Billard.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Madame la secrétaire d'État, vous soumettez aujourd'hui au Parlement une loi de transposition de diverses dispositions européennes de lutte contre les discriminations. Je serais tentée de dire « enfin ! » La France a en effet fait l'objet de trois procédures d'action en manquement de la part de la Commission européenne.

Trois directives communautaires relatives à l'égalité de traitement ont été imparfaitement transposées au jour d'aujourd'hui : celle du 29 juin 2000 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail.

Il manque donc actuellement dans le droit français la définition des discriminations directes et indirectes, du harcèlement moral et du harcèlement sexuel ; l'interdiction d'enjoindre à quelqu'un de pratiquer une discrimination, et des dispositions pour garantir les droits des victimes de discriminations, notamment contre la rétorsion, et pour asseoir l'aménagement de la charge de la preuve.

Comme il a été dit, deux actions pour manquement ont donné lieu à l'envoi d'une mise en demeure et la troisième à l'émission d'un avis motivé. Dans la mise en demeure adressée à la France le 21 mars 2007, la Commission estimait que le droit français n'interdit pas la discrimination fondée sur la religion, les convictions, le handicap ou même l'orientation sexuelle, en ce qui concerne les conditions d'accès aux activités non salariées et au travail.

Il s'agit aussi de commencer à transposer la directive du 13 décembre 2004 mettant en oeuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail.

C'est grâce à l'action de l'Union européenne et au fait que ce soit depuis la fin des années 90 une politique communautaire autonome que la France s'est attaquée à bras le corps à la lutte contre les discriminations. Le problème était resté longtemps occulté dans notre pays. Les principes républicains d'égalité et d'universalité se trouvaient ainsi détournés de leur véritable sens. La place prise dans le système juridique français par le droit pénal, qui donne la priorité à la dimension répressive, rendait difficile la mise en évidence de cas concrets de pratiques discriminatoires, gardées dans le silence et dont l'évocation publique était souvent taxée d'illégitimité.

Suite aux impulsions successives données par l'Union européenne, la France a commencé à partir de l'an 2000 à se départir de simples proclamations abstraites sur l'égalité de traitement pour adopter des outils législatifs d'actions concrètes, protectrices et correctrices, de lutte contre toutes les discriminations. Ceux-ci ont commencé à être introduits dans le droit codifié – droit pénal, droit du travail, droit du logement et loi sur les rapports locatifs, droit de l'action sociale, loi spécifique pour les personnes en situation de handicap. Ils sont venus enrichir les premières lois françaises adoptées depuis les années 70 et 80 sur l'égalité de traitement entre femmes et hommes.

Ces outils législatifs transposés se sont aussi traduits par la création d'institutions universelles de lutte contre les discriminations et l'adoption de lois : le GELD, groupe d'études et de lutte contre les discriminations, en l'an 2000 ; la loi du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations ; la création de la HALDE, Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, en 2005, répondant, elle aussi, à une exigence européenne ; et la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

La loi du 30 décembre 2004 portant création de la HALDE a intégré des amendements permettant aux associations de lutte contre les discriminations de se constituer partie civile lorsque des propos discriminatoires – injures, diffamations, provocations à la haine – sont publiquement tenus à raison du sexe – qui intègre la discrimination fondée sur l'identité de genre qui est assimilable en droit –, de l'orientation sexuelle ou du handicap d'une personne ou d'un groupe de personnes. Les peines encourues sont les mêmes que celles introduites précédemment dans la loi contre les propos racistes, mais, contrairement aux possibilités données aux associations antiracistes, les associations LGBT, de lutte contre le sexisme ou de soutien aux personnes handicapées n'ont pas obtenu le pouvoir d'exercer le droit de réponse à un propos discriminatoire tenu publiquement par voie de presse.

À côté de la HALDE, le FAS, le fonds d'action sociale, a été transformé en FASILD, s'élargissant ainsi à l'intégration et à la lutte contre les discriminations, dont les services ont été intégrés, il y a deux ans, dans l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances.

Les choses avancent, donc, depuis les années 2000.

La HALDE reçoit en moyenne 400 saisines par mois. Selon le tableau de bord des réclamations qu'elle a enregistrées pour l'année 2007, parmi les saisines entrant dans son champ de compétence, 38 % concernent le service public, dont 18 % ont trait à l'emploi public, alors même que le principe d'égalité est hautement proclamé dans le service public ! Nombre de pratiques de l'administration dans la gestion des services publics doivent ainsi être passées au crible de la politique contre les discriminations. J'y reviendrai sur le détail des transpositions des directives européennes qui font l'objet de ce projet de loi. Il est important que les mesures antidiscriminatoires sur le lieu de travail ne touchent pas seulement l'emploi privé – ce qui risque d'être le cas si l'on ne modifie que le code du travail –, mais portent aussi sur l'emploi public, en modifiant la loi Le Pors de 1983 sur la fonction publique, ce qui n'est pas prévu.

S'agissant des motifs de discriminations, en 2006, 35 % des saisines portaient sur l'origine tandis qu'en 2007, la part n'était plus que de 27 %, mais avec un nombre de plaintes allant croissant. Le deuxième motif le plus important de discriminations porte sur le champ de la santé et du handicap : de 18,63 % des saisines en 2006, ce champ représentait 21,7 % des saisines en 2007. Celui-ci est lié à des concepts juridiques qui sont en cours d'élaboration à l'heure actuelle, tel, par exemple, le concept de « mesure appropriée » pour l'aménagement du poste de travail en compensation d'un handicap, qui décline celui d' « aménagement raisonnable » prévu dans le droit communautaire. Dans ce cadre précis, la pratique discriminatoire est directement causée par la non-mise en oeuvre de mesures positives spécifiques.

Parmi les autres motifs importants de saisine de la HALDE pour discrimination, les statistiques de 2007 indiquent notamment l'âge, le sexe et l'activité syndicale. L'orientation sexuelle demeure un motif de discriminations relativement peu suivi d'une saisine de la HALDE, même si le nombre absolu de saisines sur ce motif augmente, et même si les cas sont particulièrement douloureux pour les victimes.

Les situations discriminatoires restent multiples et profondes dans notre pays, ce qui justifie de ne plus être en retard sur les transpositions d'outils prévus par l'Union européenne. Je ne vais citer que quelques situations reflétant la diversité des discriminations. Environ une personne handicapée sur quatre est au chômage. Selon l'INSEE, le taux de chômage est presque trois fois plus élevé chez les étrangers non communautaires, notamment les ressortissants des pays de Maghreb et d'autres anciennes colonies françaises de l'Afrique subsaharienne. Sur un CV d'embauche, le prénom et le nom de famille d'un candidat, la couleur de sa peau sur la photo, quand ce n'est pas l'adresse du domicile, sont parfois des éléments rédhibitoires et donc de discriminations, qu'il est ensuite très difficile de prouver.

Comme vient nous le rappeler une énième fois une récente étude de l'INSEE de février 2008, à travail égal, les femmes perçoivent un revenu salarial moyen inférieur de 26 % à celui des hommes. Le différentiel de rémunération est même de 31 % dans le seul secteur privé. Pour les temps complets dans les secteurs privé et semi-public, l'écart salarial atteint 29 % pour les cadres. Quant à la fonction publique d'État, l'écart moyen est de 16 % et atteint 27 % dans la fonction publique hospitalière.

Selon les associations SOS homophobie et Sida info service, de nombreuses personnes homosexuelles ainsi que la plupart des personnes séropositives déclarent être victimes ou avoir été victimes d'un événement discriminatoire sur leur lieu de travail ou à une autre occasion de leur vie sociale ou privée. Cette situation est corroborée par une étude de la HALDE, « L'homophobie dans l'entreprise », réalisée auprès de 1 413 salariés se déclarant gays ou lesbiennes, et rendue publique au début du mois de mars. Selon cette enquête, 85 % des personnes qui ont répondu disent avoir déjà une fois ressenti une homophobie implicite sous différentes formes : rejet, dénigrement, harcèlement ; 40 % ont déjà été directement victimes d'insultes, de dégradation, de violences physiques… quand ce n'étaient pas des menaces ouvertes de licenciement mentionnant explicitement l'orientation sexuelle.

Je voudrais aussi tout particulièrement souligner l'ampleur des discriminations en raison de l'état de santé. Les associations spécialisées nous alertent régulièrement sur les discriminations pour cause de séropositivité, mais la question est plus globale. Alors que le projet de loi qui nous est présenté tend à réintroduire une hiérarchie entre les types et motifs de discriminations, il me semble particulièrement important d'insister sur ce point. Nous le savons tous, un certain nombre personnes souffrant de problèmes de santé rencontrent des difficultés pour accéder à des prêts à cause du refus des assurances.

Notre pays connaît en effet de nombreuses discriminations en raison de l'état de santé de nos concitoyens. Mais alors que cela constitue un motif croissant de préoccupation et de mobilisation des associations de la société civile, le sujet reste de toute évidence tabou et les rapports d'activité de la HALDE omettent cette dimension.

Comme nous le voyons, le développement récent dans notre droit positif de dispositifs de sanctions contre les pratiques discriminatoires n'est pas suffisant, alors que les études ont montré que nombre de victimes de discriminations peinent à formuler juridiquement les actes de discriminations dont l'une des spécificités est de s'appuyer sur des motifs a priori « invisibles ». Ainsi, s'agissant des saisines de la HALDE concernant l'emploi privé, fin 2006, 30 % concernaient l'embauche. Toutefois, les moyens d'action de la HALDE sont limités parce qu'elle ne peut intervenir que sur des situations concrètes, et qu'elle ne peut que rarement obtenir des preuves de pratiques discriminatoires plusieurs années après l'envoi de CV.

Au-delà des questions d'embauche, les pratiques discriminatoires sont multiples sur le lieu de travail. Comme le souligne la rapporteure, les députés sont souvent saisis des discriminations subies par des salariés qui quittent leur lieu de travail et peinent à trouver un autre emploi. Il est alors difficile de justifier la perte d'emploi. Il est donc devenu nécessaire d'inverser la charge de la preuve dans les affaires de sanctions ou de licenciement, sauf en matière pénale où l'on ne saurait déroger au principe constitutionnel de la présomption d'innocence. À ce titre, nous pouvons saluer l'article 4 du présent projet de loi de transposition du droit communautaire qui prévoit justement un aménagement des règles de charge de la preuve au profit des personnes qui engagent une action en justice pour faire reconnaître une discrimination. Nous devrons toutefois voir comment cet article sera appliqué.

Néanmoins, si – sur le principe – ce projet de loi est plus que nécessaire pour pallier les manquements de la France à l'égard de ses obligations communautaires, il faut, une nouvelle fois, regretter les conditions d'urgence dans lesquelles il a été écrit. De toute évidence, tous les acteurs, notamment associatifs, du champ des luttes contre les discriminations n'ont pas été associés. Finalement, ce texte risque d'apporter de la confusion au droit français actuel et remet en cause certains acquis de l'architecture législative des luttes contre les discriminations élaborée au cours de ces dernières années.

La première des critiques, et elle est de taille, est que ce projet de loi, dans son article 2, rétablit une hiérarchisation entre les discriminations, alors que depuis la loi de novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations et la création de la HALDE par la loi du 30 décembre 2004, notre droit avait connu un mouvement d'uniformisation des dispositifs mettant au même niveau les peines encourues et les procédures à suivre, quel que soit le motif de la discrimination.

Au cours de la législature précédente, j'avais moi-même souhaité, en déposant une proposition de loi constitutionnelle cosignée par mes autres collègues Verts, amender l'article 1er de la Constitution concernant l'égalité de traitement devant la loi, pour y introduire explicitement l'énoncé de tous les motifs de discriminations aujourd'hui reconnus dans le droit français.

Comment pourrions-nous dire qu'une discrimination à raison de l'origine serait plus ou moins grave qu'une discrimination à raison du sexe ou de l'état de santé ? Ou de l'orientation sexuelle ? Ou de l'engagement syndical ?

En effet, tout en prenant les directives européennes comme aiguillon, le législateur français a, depuis 2001, de sa propre initiative, mené ce travail d'universalisation de la lutte contre toutes les discriminations, notamment en droit pénal – code pénal et code de procédure pénale, et loi sur la liberté de la presse de 1881 s'agissant de la pénalisation des propos publics discriminatoires. De même, s'agissant de la HALDE, la directive européenne n'imposait la création d'une autorité administrative que dans le champ de la mise en oeuvre du principe d'égalité de traitement entre les personnes sans distinction, à raison d'une appartenance réelle ou supposée d'origine ethnique. Mais du fait de la mobilisation d'un collectif associatif diversifié, la HALDE a été conçue sur un principe universel de lutte contre toutes les discriminations qui sont combattues par la loi française, ce qui a constitué une excellente avancée.

Lorsque nous transposons une directive européenne, il s'agit, certes, de satisfaire une obligation communautaire, mais n'oublions pas qu'il y a, derrière, des personnes à qui nos lois vont s'appliquer ou ne pas s'appliquer ! Et c'est avant tout dans cette dernière finalité de défense des intérêts des victimes que la représentation nationale doit mener son travail de législateur.

Alors, je serais tentée de dire qu'avec ce projet de loi, nous sommes face à une transposition a minima – on n'a pas cherché à servir aux mieux les intérêts des personnes discriminées – et incomplète ; j'y reviendrai.

Ainsi, aux termes de l'alinéa 2 de l'article 2, en matière de protection sociale, de santé, d'avantages sociaux, d'éducation, d'accès aux biens et services ou de fournitures de biens et services, la « discrimination directe ou indirecte », n'est interdite que si elle est « fondée sur l'appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race » ! Quel recul par rapport à l'énoncé des missions de la HALDE ou à la rédaction de l'article 225-1 du code pénal, qui est, en droit codifié, la référence actuelle la plus accessible pour la définition des discriminations selon leurs différents motifs. Une telle hiérarchie constitue une régression. Alors pourquoi l'introduire à l'occasion de cette transposition ?

De même, l'alinéa 3 de l'article 2 du projet de loi, qui s'intéresse aux questions « d'affiliation et d'engagement dans une organisation syndicale ou professionnelle, d'accès à l'emploi, d'emploi, de formation professionnelle et de travail, y compris le travail indépendant ou non salarié », ne couvre qu'un champ, lui aussi parcellaire, par rapport aux acquis du droit français en matière de lutte contre les discriminations.

Ne sont couverts que huit motifs de discrimination : « le sexe, l'appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, la religion, l'âge, le handicap, l'orientation sexuelle ou les convictions ». Pourquoi, là encore, s'arrêter à ces huit motifs – que la rapporteure semble considérer comme étant les seuls motifs possibles de discriminations –, alors que la liste existant dans l'énoncé de l'article 225-1 du code pénal actuel est plus large ? Encore un recul.

Pourquoi, pour ne prendre que cet exemple, ne pas reprendre parmi les motifs des discriminations l'état de santé ? Dans mes propos préliminaires, je vous ai rappelé l'ampleur des discriminations en raison de l'état de santé qui sont celles, couplées avec le handicap, qui font de plus en plus l'objet de saisines de la HALDE.

Par ailleurs – et cela n'est pas très compréhensible –, pourquoi ne pas garder le même ordonnancement dans l'énonciation des motifs de discriminations, d'un article à l'autre ? Autre exemple de complexification, inutile pour nos concitoyens, de la façon dont le législateur écrit les lois ! Pourquoi, à cet alinéa 3 de l'article 2, la discrimination fondée sur le sexe se retrouve-t-elle en tête dans l'énoncé, alors que ce n'est pas le cas dans l'autre article ? Cela peut ne paraître que rédactionnel, mais il en va de la facilité de lecture, alors même que le projet de loi réinvente des listes de motifs de discriminations différents selon les articles et alinéas.

Aussi, la refonte de l'article 2 s'impose-t-elle, afin de faire disparaître cette hiérarchie entre les discriminations, qui – et ce n'est pas le moindre des paradoxes – contribue à réintroduire une inégalité de traitement devant la loi dans un texte de lutte contre les discriminations ! Je défendrai donc, au nom de mon groupe, un amendement ; je sais que d'autres amendements ont été déposés en ce sens. J'espère que le Gouvernement saura les accepter.

Le deuxième écueil de ce projet de loi réside dans le caractère parcellaire de sa codification, qui le rend peu lisible et difficile d'application. Pourquoi cette non-codification et pourquoi cette nouvelle définition des discriminations sachant qu'elle ne recoupe pas entièrement les champs couverts par l'article 225-1 du code pénal ?

Alors que l'article 8 du projet de loi prévoit d'élargir à l'article 225-3 du code pénal les dérogations au principe de non-discrimination, pourquoi ne pas avoir inscrit directement le contenu de l'article 1er, présentement non codifié, à l'article de référence 225-1 du code pénal ? Nous sommes là face à un nouveau paradoxe : cette transposition de directives européennes se traduirait par un recul par rapport à nos dispositifs actuels de lutte contre les discriminations. Pourquoi ?

En outre, l'article 1er du projet de loi ayant introduit sur un plan général l'assimilation du harcèlement et de l'injonction à discrimination à une discrimination proprement dite, il convient de décliner cet ajout législatif dans le code pénal, le code du travail ainsi que dans la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires afin de garantir la lisibilité de la loi et de faciliter son application.

Ce texte souffre d'autres manques, que j'ai déjà soulignés. Pour couvrir tout le champ du travail, secteur public comme secteur privé, il conviendrait de ne pas se limiter au seul code du travail et de modifier également la loi de juillet 1983 relative aux fonctionnaires. Le code du travail prévoit que les associations régulièrement constituées depuis cinq ans ayant pour but de lutter contre les discriminations peuvent exercer en justice toutes actions découlant de l'interdiction légale des discriminations sur le lieu de travail. Pour leur part, les agents de la fonction publique victimes de discriminations ne pourront toujours pas bénéficier de l'assistance juridique de telles associations en cas de conflit devant la justice administrative – la loi de juillet 1983 ne comportant aucune disposition en ce sens –, alors même que la directive le prévoit.

J'espère, madame la secrétaire d'État, que vous accepterez de réparer cet oubli surprenant. Je citerai le cas fameux d'un fonctionnaire au ministère des finances, qui a aujourd'hui bien des difficultés à faire reconnaître la discrimination dont il est victime du fait de son orientation sexuelle : cette personne ne peut être soutenue par des associations devant le tribunal administratif, même si son dossier a été pris en charge par la HALDE.

La définition actuelle du harcèlement sexuel donnée à l'article 222-33 du code pénal ne permet pas d'en sanctionner toutes les formes. Restrictive, elle ne le conçoit que comme un agissement à l'encontre d'une femme en particulier. Le droit ne prévoit rien contre le harcèlement « environnemental », qui résulte d'un environnement hostile à l'encontre des femmes en général. Ce point mériterait d'être approfondi dans le droit français, comme nous y invitent les associations de lutte contre les violences faites aux femmes. C'est malheureusement une réalité dans les entreprises où sévit parfois un climat de mépris et de dénigrement à l'égard des femmes salariées. De même, le harcèlement n'est aujourd'hui caractérisé que s'il est démontré qu'il y a eu intentionnalité de l'auteur d'« obtenir des faveurs de nature sexuelle », alors qu'il peut y avoir harcèlement sexuel pour d'autres motifs, par exemple lorsqu'il y a volonté d'humilier la victime. La presse se fait régulièrement l'écho de tels cas.

À cet égard, la notion simple et générique de harcèlement reprise dans ce texte de loi est-elle suffisante ? Pourquoi ne pas avoir repris plus directement les éléments de la directive européenne du 23 septembre 2002 relative à la mise en oeuvre de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelle, et les conditions de travail, qui définit précisément le harcèlement lié au sexe et le harcèlement sexuel ?

Le projet de loi réprime les « agissements » assimilés à une discrimination à l'alinéa 3 de l'article 1er, alors que le texte de la directive évoque des « comportements non désirés liés au sexe d'une personne portant atteinte à la dignité d'une personne et créant un environnement intimidant ». En limitant la définition du harcèlement, notamment du harcèlement sexuel, à des agissements, alors que la directive donne comme définition un « comportement non désiré », le projet de loi continue de donner une vision restrictive du phénomène : il omet de prendre en compte le climat régnant sur le lieu de travail. La directive de 2002 n'est donc qu'incomplètement transposée.

Dans ce domaine, comme dans les autres précédemment évoqués, on ne peut que regretter une nouvelle fois l'enchevêtrement des textes de droit français et le caractère disparate des protections juridiques accordés aux salariés, dans le privé comme dans le public.

Au-delà des propres limites de ce projet de loi, si je défends aujourd'hui cette question préalable, c'est que les diverses transpositions de droit communautaire auxquelles ce projet de loi répond ne peuvent être examinées sans qu'il soit fait mention d'un second texte législatif, déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale, appelé à venir en discussion dans un avenir plus ou moins proche et qui rend la présente discussion quelque peu artificielle : je veux parler de la proposition de loi adoptée au Sénat le 21 novembre 2007 qui réduit considérablement – de trente ans à cinq ans – le délai de prescription des actions personnelles et mobilières et ce, à compter du jour où le titulaire du droit « a connu ou aurait dû connaître » les faits qui permettent d'exercer un possible recours. Comment discuter de la transposition sans connaître les conséquences de la proposition de loi adoptée au Sénat ? Améliorer les lois n'a d'intérêt que si celles-ci sont applicables. Si le texte du Sénat était adopté par notre assemblée, vous aurez repris d'une main ce que vous aurez donné de l'autre.

Pendant très longtemps, les représentants syndicaux dans de nombreuses entreprises étaient victimes de discriminations : retard dans l'avancement, suppression de primes, mise au placard. Au cours des années 1990, la jurisprudence de la Cour de cassation, grâce notamment au fameux arrêt Clerc, a permis une évolution de la situation et, aujourd'hui, les discriminations sont plus justement indemnisées par les juridictions. Mais pour obtenir réparation, encore faut-il pouvoir démontrer l'existence d'une discrimination. Or en établir la preuve suppose d'examiner le déroulement de la carrière du salarié concerné, de le comparer avec celui d'autres salariés se trouvant dans une situation comparable et de démontrer qu'il existe une répétition ou une accumulation de faits discriminatoires.

Avec le délai de prescription de trente ans, les actions devant les conseils de prud'hommes intentées par les salariés victimes de discrimination avaient des chances d'aboutir mais, avec un délai ramené à cinq ans, elles seront vouées à disparaître. Les actions en dommages et intérêts menées contre les discriminations retenues par l'article L. 122-45 du code du travail – liées au sexe de la personne, à son origine, à sa couleur de peau, à son handicap, à son orientation sexuelle, ou à son appartenance syndicale – ne pourront plus aboutir.

Au regard des actions passées et des jugements rendus, c'est l'existence d'une prescription de trente ans qui, soit par la négociation dans les entreprises, soit par l'action en justice, a permis aux salariés discriminés de bénéficier d'une juste indemnisation et d'une réintégration dans les échelles de salaires. En ramenant le délai à cinq ans, vous allez remettre en cause l'ensemble de la construction jurisprudentielle qui leur permettait d'obtenir réparation. La plupart des praticiens du droit du travail s'accordent pour dire qu'un délai si court n'est pas opérationnel pour établir les faits et leurs conséquences qui, par nature, sont le plus souvent opaques.

C'est ce même délai de prescription qui évite aujourd'hui que de tels faits ne se reproduisent. Sa réduction est un mauvais message que vous adressez aux employeurs qui usent de telles pratiques. En minimisant le risque financier, vous les poussez de fait à transgresser la loi, mais aussi à tourner le dos à la réparation négociée des discriminations. Une fois de plus, vous donnez satisfaction aux revendications du MEDEF.

Toutefois, la réduction du délai de prescription n'est pas le seul élément inquiétant de la proposition de loi votée au Sénat, car elle modifie aussi le point de départ de ce délai. Désormais, celui-ci devrait courir à partir « du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant » d'exercer ce droit. Cette rédaction n'est pas anodine car elle renverse de surcroît la charge de la preuve qui incomberait alors au demandeur, donc au salarié. Elle sous-entend que des personnes subiraient volontairement une discrimination avec comme objectif de se mettre un petit pécule de côté pour leurs vieux jours. Voilà qui est tout simplement indécent.

Cette nouvelle attaque contre la législation du travail porte aussi atteinte au principe posé par l'article 66 de notre Constitution qui fait du juge le garant des libertés individuelles et des droits de la défense le fondement du règlement loyal et contradictoire des contentieux entre les citoyens.

Dans ce contexte, la réduction de la prescription à cinq ans rendrait inopérante la lutte pour l'égalité de traitement et contre les discriminations et donnerait un caractère factice à l'examen du projet de loi de transposition des textes communautaires que vous nous présentez. Le président de la HALDE, Louis Schweitzer, a d'ailleurs exprimé son opposition à la réduction de ce délai et la Haute autorité elle-même a émis une recommandation à ce sujet.

C'est d'un débat global et non d'un débat morcelé dont nous avons besoin.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, au nom des député-e-s Verts, communistes et des DOM-TOM du groupe de la Gauche démocratique et républicaine, je vous appelle à voter cette question préalable afin que nous puissions examiner le plus rapidement possible ce projet de loi tout en ayant l'assurance que l'adoption du texte voté par le Sénat n'empêchera pas son application. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

Dans les explications de vote, la parole est à M. Christophe Caresche, pour le groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Si ce projet de loi comporte des dispositions qui vont dans le bon sens, c'est bien parce que la Commission européenne a mis la France en demeure de transposer les directives communautaires, avec la volonté claire de voir la question des discriminations totalement prise en compte dans notre législation. Toutefois, le résultat de ces transpositions est loin d'être satisfaisant, et même inquiétant. Face à ce travail inachevé, on a le sentiment que la France ne s'y résout que contrainte et forcée.

Pour commencer, le projet de loi est mal écrit – en témoignent les nombreux amendements proposés par la rapporteure. Il est imprécis et ne correspond pas toujours à ce que les directives prévoient : pourquoi n'avoir pas choisi une transposition directe des textes communautaires ?

En outre, il n'y a pas eu de volonté d'harmoniser notre législation en ce domaine. Certaines définitions, pas totalement contradictoires il est vrai, continueront de coexister dans notre droit, avec toutes les possibilités d'interprétation qui en découleront.

Enfin, sur beaucoup de points, le projet de loi est incomplet, notamment s'agissant de la capacité des associations à se porter partie civile en cas de plaintes pour discrimination.

Le travail mené paraît surtout technique. L'enjeu politique – au bon sens du terme – que représentent les discriminations n'a pas été pris en compte alors que des millions de personnes en France en sont quotidiennement victimes. Une évolution inquiétante a même pu être constatée par certaines enquêtes, notamment celles du Bureau international du travail. Nous déplorons donc que cette question, abordée ici de manière limitée, ne donne pas lieu au débat qui s'impose.

Pour toutes ces raisons, nous voterons la question préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-George Buffet

J'insisterai sur deux éléments qui justifient l'adoption de la question préalable.

Mme Billard a montré, dans une brillante intervention, l'étendue des discriminations et la douleur quotidienne qu'elles représentent pour nombre de Françaises et de Français. Lutter contre les discriminations exige une véritable volonté politique, pour placer la loi à la hauteur de ses enjeux. Or le présent texte n'est qu'une transposition a minima des directives européennes. De surcroît, il comporte maintes incohérences et insuffisances, comme l'ont montré divers orateurs.

Qui plus est, si la proposition de loi du Sénat était inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale et adoptée, elle rendrait totalement inutiles le débat et les dispositions que nous pourrions voter ce soir. D'ailleurs, les différents syndicats concernés par ces questions ont déclaré : « Nous pouvons résumer notre point de vue commun en indiquant que la réduction de la prescription à cinq ans rendrait inopérante la lutte pour l'égalité de traitement et contre les discriminations et inutile le débat à l'Assemblée nationale sur la loi de transposition effective des textes communautaires ».

Nous souhaitons donc obtenir l'assurance que le Gouvernement n'inscrira pas cette proposition de loi du Sénat à l'ordre du jour de notre assemblée. C'est là un point essentiel, qui justifie l'adoption de la question préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Guénhaël Huet

Aucun des arguments que nous avons entendus dans les interventions tant de Mme Billard, de Mme Buffet que de M. Caresche, ne suffit à mon sens à justifier l'adoption de la question préalable.

Si brillants qu'aient été les vôtres, madame Billard, ils restent de pure forme : sur le fond, vous élaguez ou vous oubliez beaucoup de choses. Je ne vois pas en quoi l'article 2 introduirait une quelconque hiérarchie entre les discriminations ; et vous semblez ignorer que l'article 3 institue une réelle protection contre les rétorsions dont peuvent être victimes ceux qui témoignent de faits de discriminations.

Vous oubliez aussi l'avancée que constitue, dans notre droit positif, l'article 4 avec le renversement de la charge de la preuve.

Debut de section - PermalienPhoto de Guénhaël Huet

Vous l'avez saluée, mais un peu rapidement...

Par ailleurs, j'ai du mal à comprendre en quoi les fonctionnaires seraient exclus du champ d'application de ce projet de loi, dans la mesure où l'article 5 fait expressément référence à la loi du 13 juillet 1983.

S'agissant enfin de la réduction du délai de prescription de trente ans, tel qu'il résulterait de la proposition de loi sénatoriale, je vous rappelle qu'il existe déjà, dans le domaine social, une prescription de cinq ans en matière de répétition des salaires. Selon d'éminents juristes, notamment le professeur Langlois, il n'y a aucune raison a priori de s'opposer à ce qu'il en aille de même en matière de discrimination, étant précisé par ailleurs que la prescription de cinq ans court à compter de la cessation de la relation de travail et non à partir du moment où les faits peuvent être avérés.

Ajoutons qu'en matière commerciale, il existe une prescription de dix ans, en application de la théorie dite de l'acte mixte. Or, de l'avis de certains juristes, un contrat de travail peut également être considéré comme un acte mixte dans la mesure où il est passé entre une société de droit commercial et une personne physique. Autant de raisons qui portent à penser que la prescription trentenaire n'est pas gravée dans le marbre.

En tout cas, l'inscription à l'ordre du jour de la proposition de loi ne remettrait nullement en cause la possibilité offerte par le présent texte de lutter efficacement contre toute forme de discrimination que nous avons tous hâte de voir disparaître.

Voilà pourquoi le groupe UMP ne votera pas la question préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

Je mets aux voix la question préalable.

(La question préalable n'est pas adoptée.)

Question préalable

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante, est reprise à dix-huit heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

Dans la discussion générale, la parole est à M. Francis Vercamer.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mesdames, messieurs, réunir les différences dans une même volonté de construire est, depuis l'origine, l'essence même du projet européen. Dès le traité de Rome, le principe d'égalité et de non-discrimination a été posé comme un principe fondamental de l'ordre juridique européen. Parce que l'Union européenne se veut « unie dans la diversité », elle doit se montrer à l'avant-garde de la lutte contre les discriminations. De fait, c'est la législation européenne qui incite les États à engager des politiques audacieuses et ambitieuses pour favoriser l'égalité de traitement et l'égalité des chances, notamment dans le domaine du travail et de l'emploi. Le texte qu'il nous est proposé d'examiner aujourd'hui, et qui vise à compléter la transposition de diverses directives communautaires relatives à l'égalité de traitement, nous rappelle cette exigence.

D'emblée, il y a de quoi être surpris de devoir étudier à nouveau des textes qui ont déjà fait l'objet de transpositions. La Commission européenne a estimé que, sur plusieurs points que je ne détaillerai pas car ils sont précisés dans l'exposé des motifs du projet de loi, le législateur français n'avait pas procédé à une transposition complète. C'est donc avec la perspective de voir des sanctions s'appliquer que nous entamons notre travail de modification de la législation.

De telles circonstances appellent de la part du groupe Nouveau Centre une remarque d'ordre général : notre administration doit mettre un soin particulier à transposer en droit français les directives européennes, s'agissant des délais comme du fond. Notre pays a certes amélioré sa position au cours de ces dernières années. Le rapport 2006 de la Délégation de l'Assemblée pour l'Union européenne a souligné les efforts effectués pour rattraper notre retard, efforts qui ne plaçaient toutefois la France qu'au dix-septième rang sur les vingt-cinq pays alors membres de l'Union.

« La permanence du perfectionnisme juridique de notre administration » étant l'une des raisons invoquées pour expliquer notre piètre performance, il est paradoxal de devoir réexaminer des textes déjà transposés, même si figurent également dans ce projet de loi des dispositions nouvelles ! Nous ne pouvons que souhaiter une adaptation de notre droit plus conforme à l'esprit de la législation européenne, ce qui éviterait de revenir sur des textes alors que l'agenda parlementaire est d'ores et déjà bien chargé. Cela étant dit, je n'ignore pas, madame la secrétaire d'État, que vous n'êtes évidemment en rien responsable de cette situation !

Concernant le texte lui-même, le groupe Nouveau Centre présentera deux amendements.

À l'article 2, nous vous proposerons d'harmoniser les motifs de discrimination évoqués, d'une part, dans le champ du travail et de l'emploi, et, d'autre part, dans les domaines les plus variés de la vie quotidienne comme la santé, l'accès à la protection sociale, l'éducation ou le logement, où ils sont paradoxalement moins nombreux. Ce décalage surprenant ne nous semble pas correspondre à la réalité vécue par nos concitoyens. Le handicap ou l'orientation sexuelle peuvent être des facteurs discriminants aussi bien pour l'accès à certains biens ou services que pour l'accès à l'emploi et le déroulement de carrière. Il nous a donc semblé nécessaire de prendre en compte, dans les différents domaines de la vie courante, des motifs plus variés de discriminations.

L'article 4 concerne le renversement des règles de charge de la preuve au profit des personnes qui engagent une action en justice pour faire reconnaître une discrimination. Nous avons, sur ce point, souhaité répondre aux inquiétudes d'associations qui craignent que la rédaction actuelle de l'article ne rende plus difficile l'exposé des faits commis à l'encontre de la personne qui estime être discriminée. Nous aurons l'occasion d'y revenir.

Notre groupe veut par ailleurs profiter de l'examen de ce texte pour lever certaines craintes exprimées par le monde associatif ou syndical concernant en particulier la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable. L'article 35 de cette loi permettrait au bailleur de demander au candidat à la location d'un logement adapté communication de son dossier médical personnel, préalablement à l'établissement du contrat de location. Indépendamment des questions relatives à l'entrée en vigueur du dossier médical personnel, qui ne relèvent pas de notre propos ici, cette disposition ne paraît guère compatible avec la confidentialité qui s'attache à ce document. Nous souhaitons connaître l'avis du Gouvernement sur ce point.

De la même manière, nous voudrions entendre le Gouvernement sur la question, récemment évoquée dans la presse, de la réduction du délai de prescription des procédures civiles. Une proposition de loi sénatoriale ramène ce délai de trente ans à cinq ans, y compris pour les actions engagées par les salariés devant les prud'hommes. Une telle disposition pourrait avoir un impact sur les poursuites pour faits de discrimination, notamment lorsqu'il est nécessaire de réunir, sur une longue période, les pièces nécessaires pour présenter les faits. Nous souhaitons que le Gouvernement lève les inquiétudes sur ce point.

L'examen de ce texte est également l'occasion de l'interroger sur les actions qu'il compte mener contre les discriminations notamment à l'embauche et dans l'emploi. Il est impératif de briser le plafond de verre qui prive, souvent durablement, certains de nos concitoyens de l'accès à l'emploi en raison de critères qui n'ont rien à voir avec leur qualification, leurs compétences ou leur expérience. L'état des lieux ne peut que nous convaincre du travail qui reste à réaliser pour assurer à tous l'égalité de traitement jusque dans les procédures de recrutement et le déroulement de la carrière professionnelle.

Le rapport 2006 de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité est riche d'enseignements. Sur un peu plus de 4 000 réclamations, près de 43 % touchaient au domaine de l'emploi. Si 35 % des réclamations concernaient des discriminations liées à l'origine, plus de 18 % étaient liées à la santé et au handicap, et plus de 6 % à l'âge.

J'ajoute que la question de l'égalité de traitement dans le déroulement de la carrière est tout aussi prégnante que l'accès à l'emploi, même si elle est moins mise en avant. Toujours d'après les chiffres de la HALDE en 2006, les réclamations concernant le déroulement de la carrière dans le secteur privé comme le secteur public représentaient, respectivement, près de 18 % et de 13 % des dossiers.

Ces chiffres nous font mesurer à quel point les mentalités doivent encore évoluer. Or, pour porter ses fruits, la lutte contre les préjugés, contre les représentations, demande beaucoup de temps. Raison de plus pour ne pas en perdre davantage ! C'est pourquoi le groupe Nouveau Centre veut accentuer les politiques de lutte contre les discriminations à l'embauche et dans l'emploi.

Sous la précédente législature, j'ai personnellement beaucoup insisté pour que l'anonymat des curriculum vitae soit une obligation inscrite dans la loi. Il ne s'agit évidemment pas du seul et unique moyen de combattre les discriminations à l'embauche. Mais le CV anonyme peut constituer un outil intéressant pour faire reculer l'inégalité de traitement des candidats à un poste, s'il s'accompagne de tout un dispositif visant à faire prendre conscience des pratiques discriminatoires, et à les faire reculer.

L'obligation légale d'« anonymiser » les curriculum vitae, devenue réalité avec l'article 24 de la loi pour l'égalité des chances en 2006, est cependant restée lettre morte, faute de décret d'application. En décembre dernier, le président de la HALDE lui-même a regretté cet état de fait. Quel avenir le Gouvernement entend-il donc réserver au CV anonyme ?

Par ailleurs, au mois de novembre dernier, les syndicats qui ont signé l'accord national interprofessionnel sur la diversité dans l'entreprise en octobre 2006 ont demandé à le voir réellement entrer dans les faits, et étendu. Qu'en est-il aujourd'hui de son application ?

Parmi les domaines d'action librement définis par les partenaires sociaux dans le cadre de cet accord, figurent notamment la sensibilisation des salariés, via des démarches de communication régulières sur le sujet des discriminations à l'embauche et dans l'emploi, la désignation de correspondants « égalité des chances » dans les entreprises, la formation de l'encadrement ; l'égalité de traitement concernant l'accès à la formation professionnelle, l'expérimentation de l'anonymat des candidatures dans le cadre des recrutements. C'est d'ailleurs à cause de cette dernière possibilité d'expérimentation que le précédent gouvernement n'avait pas pris le décret d'application que j'évoquais à l'instant. Nous souhaiterions connaître où en est la mise en oeuvre de cet accord, et quelles dispositions le Gouvernement entend prendre pour inciter les entreprises à l'appliquer.

Contrairement à ce que nous pourrions croire parfois, des initiatives existent pour avancer sur le terrain de l'égalité des chances. Si elles concernent au premier chef l'embauche et l'emploi, elles s'étendent désormais à l'accès au logement, à l'éducation, et à certains services touristiques ou culturels. Je pense, sans prétendre le moins du monde être exhaustif, aux initiatives prises pour favoriser l'accès au logement de personnes déficientes intellectuelles, grâce aux concours de collectivités locales, pour former les personnels des bailleurs sociaux chargés de l'accueil des demandeurs de logements, afin de prévenir les comportements et attitudes susceptibles de constituer des discriminations, pour favoriser l'accès des enfants handicapés à l'éducation, aux loisirs, et aux vacances. Je pense également aux dispositifs d'alerte mis en oeuvre dans certains groupes pour permettre aux personnes qui s'estiment victimes de discriminations de mieux faire valoir leurs droits, aux guides du recrutement qui sont élaborés dans certaines entreprises, afin de rappeler le cadre légal et de mieux respecter la diversité lors des embauches, aux mesures enfin visant à mieux anticiper et à prendre en compte l'allongement des carrières dans les politiques internes de management des ressources humaines, afin de favoriser l'emploi des seniors.

Si ces innovations ne constituent jamais la réponse unique aux discriminations, elles n'en sont pas moins le signe qu'une prise de conscience a eu lieu ces dernières années : les acteurs du monde du travail – les organisations syndicales et patronales, mais aussi des intermédiaires de l'emploi tels que les organismes de placement – conviennent désormais que chacun doit jouer son rôle pour faire progresser l'égalité de traitement. Ces bonnes pratiques ne demandent qu'à être diffusées et expliquées afin d'être appliquées plus largement.

Les hasards du calendrier veulent qu'il y a quelques jours, ait été organisée aux Archives du monde du travail, à Roubaix, une rencontre devant permettre aux partenaires sociaux engagés dans la lutte contre les discriminations à l'embauche et dans l'emploi de faire le point sur leur action. Cette rencontre, à laquelle je n'ai pu participer mais dont je me suis procuré les conclusions, a aboutit au constat que de nouvelles formes de discriminations, liées à l'âge, à l'orientation sexuelle ou à l'état de santé, se développaient – ou, plus exactement, qu'elles devenaient de plus en plus importantes, les discriminations de ce type n'étant pas vraiment nouvelles. Il y a donc urgence à diffuser largement les mesures qui permettraient de les contenir.

Il semblerait qu'en la matière, la France entende jouer un rôle au niveau européen. Il y a deux mois, le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité a annoncé que le Gouvernement allait prendre des initiatives dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne, qui débute en juillet. Quand on sait, comme je l'ai rappelé en préambule, que projet européen et promotion de l'égalité et de la diversité sont intimement liés, on mesure l'importance de cette annonce. Aussi le groupe Nouveau Centre souhaiterait-il avoir des précisions sur les initiatives envisagées.

Madame la secrétaire d'État, c'est avec la volonté d'enrichir le débat au-delà de la simple transposition de dispositions communautaires et de renforcer notre dispositif global de lutte contre les discriminations que le groupe Nouveau Centre votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Guénhaël Huet

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame la rapporteure, mes chers collègues, le texte qui nous est aujourd'hui présenté résulte de la nécessité de transposer avec précision les directives européennes relatives à la lutte contre les discriminations de toutes sortes. S'inscrivant dans le droit fil notre tradition juridique, il suppose de ne pas confondre – dans ce domaine comme dans d'autres – la nécessaire notion d'égalité et la néfaste et funeste notion d'égalitarisme.

À bien des égards, ce texte constitue une avancée très importante de notre droit positif. Il s'agit en effet de définir clairement les discriminations directe et indirecte, de formaliser l'interdiction de toute injonction à pratiquer une discrimination, de bannir les pratiques de harcèlement sexuel et moral, d'instaurer une protection contre les mesures de rétorsion, enfin de renverser les règles de la charge de la preuve, dans le but louable et juste d'aider les victimes.

Comme l'a souligné Mme Vasseur, ce texte vient compléter notre législation dans un domaine où la délégation aux droits des femmes, si chère à Marie-Jo Zimmermann, a déjà beaucoup travaillé. Mais si la lutte contre les discriminations est un combat de longue date, elle est aussi une oeuvre de longue haleine : bien que beaucoup de progrès aient été réalisés, la route est encore longue avant que le sujet ne s'épuise de lui-même.

À cet égard, je voudrais insister sur l'importance des efforts collectifs et la nécessité que ces préoccupations soient partagées par tous. Ce texte le met en évidence, en étendant le champ de la lutte contre les discriminations à de nombreux domaines, ce qui lui donne à la fois son originalité et son importance.

Le rapport publié en janvier 2004 par l'Institut Montaigne sur « les oubliés de l'égalité des chances »avait déjà eu un retentissement très important. Quelques mois avant la création de la HALDE, il avait fait prendre conscience à nombre de nos concitoyens qu'il ne suffisait plus de proclamer l'égalité des droits aux frontons de nos mairies pour réaliser l'égalité des chances. Il mettait en lumière que la mobilité sociale et la méritocratie républicaine ne fonctionnaient plus assez bien et que l'ascenseur social était en panne, ce qui fragilisait notre confiance dans les valeurs républicaines. Il appelait ainsi à s'interroger sur la notion d'égalité dans une perspective non plus statique, mais dynamique.

S'il est nécessaire de compléter notre droit, légiférer n'est pas suffisant – la délégation aux droits des femmes le sait bien. En effet, les discriminations ne sont pas toutes intentionnelles ou ouvertement racistes et sexistes. Il en est – ce sont les plus nombreuses et les plus sournoises – qui sont engendrées par le système social lui-même, et que l'on admet simplement parce que « c'est comme ça ». Ces discriminations, que l'on dit « systémiques », ne peuvent être corrigées que par des mesures inscrites dans la durée, les seules capables de faire évoluer les mentalités.

Soulignons-le, la majorité s'est emparée avec détermination de ces questions très importantes de respect des droits et des valeurs. C'est grâce à sa volonté qu'a été instaurée la HALDE ; l'actuel gouvernement poursuit cet effort, notamment par l'intermédiaire du ministère du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité et du secrétariat d'État chargé de la solidarité.

Au-delà des textes, comment sensibiliser les acteurs et rallier l'opinion de manière à supprimer toute source de discrimination ? En matière d'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, on a longtemps essayé de sensibiliser les entreprises sur leur rôle. Mais n'est-il pas un peu paradoxal de leur demander de régler un problème dont l'origine se trouve dans la sphère privée ? Les femmes ont souvent dressé un bilan négatif de leur situation : double journée de travail, carrière bloquée, pas d'égalité salariale ; dans le contexte économiquement difficile des années 1990, on a eu tendance à réhabiliter des mécanismes tendant à maintenir les femmes hors de la sphère professionnelle, avec notamment le salaire parental. En effet, le problème n'est pas tant celui de l'égalité entre hommes et femmes que celui de l'égalité entre, d'un côté, les femmes mères, et de l'autre, les autres femmes et les hommes. Plus que le genre, c'est la situation de famille qui compte ; les employeurs anticipent à l'embauche la charge qui en résulte – et qui incombe le plus souvent à la femme –, et les femmes elles-mêmes l'intériorisent en choisissant des postes moins exigeants en termes de présence et de pression, au détriment souvent de leur évolution professionnelle.

En la matière, les sujets de réflexion sont légion. Que faire pour améliorer la garde des enfants ? Quelle contribution les entreprises peuvent-elles y apporter ? Et quid du temps partiel, fréquemment perçu comme une solution pour concilier vie professionnelle et vie privée, mais dont les conséquences en termes de carrière et de salaire sont irréparables : dans la pratique, le temps partiel concerne le plus souvent des postes subalternes et vulnérables.

Si l'on veut atteindre le taux d'activité de 70 % recommandé par la stratégie de Lisbonne, force est de constater que les femmes constituent la plus importante réserve de main-d'oeuvre – en particulier celles dont le niveau d'éducation est faible. Or ce sont précisément celles qui rencontrent le plus de difficultés à concilier la vie professionnelle et la vie familiale. Là encore, on se heurte à des obstacles principalement culturels. Notre gestion des ressources humaines souffre d'insuffisances criantes, qui expliquent pour partie notre retard ; les dirigeants français travaillent souvent « à la sonnette » : ils ont besoin, pour les évaluer, d'avoir en permanence leurs subordonnés à leur disposition. Dans une telle approche, le travail des femmes s'apparente à une véritable « double peine », conjuguant disponibilité extrême et impossibilité totale de prévision.

La présentation de ce texte devant notre assemblée mérite donc un satisfecit, mais je souhaite rappeler qu'il reste de nombreux chantiers à mettre en oeuvre et que, vu les profonds changements sociaux qu'ils impliquent, il est nécessaire de le faire de manière globale et, pour reprendre le terme de Mme Vasseur, pragmatique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, chers collègues, je souhaite souligner à mon tour l'importance de ce texte : il ne s'agit pas simplement de réaliser un travail technique, mais d'introduire dans la législation française une définition des discriminations, qu'elles soient directes ou indirectes.

Il est vrai que, pour que nous puissions débattre de ce texte, il aura fallu que la Commission européenne fasse preuve d'une grande persévérance (Sourires) : deux mises en demeure et un avis motivé, avec menace de sanction immédiate, ce n'est pas rien ! Cela révèle les difficultés rencontrées côté français pour transposer ces directives.

Pourquoi une telle résistance ? À l'évidence, contrairement à ce que vous venez de dire, madame la secrétaire d'État, le problème n'est pas technique. Il ne s'agit pas d'un simple retard, puisqu'une partie des dispositions en cause avait déjà été transposée par la France. Il y a bel et bien eu une controverse juridique avec la Commission. Les trois lettres que celle-ci a adressées au Gouvernement sont très claires à ce sujet, et je regrette qu'elles ne figurent pas dans le rapport, non plus que les réponses des administrations françaises.

S'il y a eu controverse, c'est d'abord en raison de la difficulté d'intégrer les questions de discrimination dans notre droit, qui reste essentiellement individuel et fondé sur l'intention – d'où notre difficulté à introduire, par exemple, la notion de discrimination systémique. Plus largement, notre conception universaliste de l'égalité s'appuie sur un individu abstrait, détaché de ses racines et de ce qui fait son identité. Manifestement, ces divergences théoriques ont joué un rôle important.

Mais il existe aussi une autre résistance, plus prosaïque, mais très forte, liée au fait qu'une partie des milieux patronaux s'inquiète des conséquences que pourrait avoir l'introduction de telles mesures dans notre législation. J'en veux pour preuve la proposition de loi déposée au Sénat, déjà évoquée, qui vise à limiter les délais de prescription en matière de discrimination. Personne ne me fera croire qu'elle est arrivée spontanément sur le bureau du Sénat… Elle est assurément le résultat d'un travail effectué en amont – en soi tout à fait légitime, du reste – en vue de limiter les éventuels effets des dispositions législatives en matière de discrimination.

Au-delà de l'adoption récente de cette proposition, à laquelle nous nous opposerions très fortement si d'aventure elle venait en lecture devant notre assemblée, un autre fait témoigne de cette résistance : le décret relatif au curriculum vitae anonyme – M. Vercamer l'a rappelé – n'a toujours pas été publié alors que la disposition législative qui, sur les plans juridique et réglementaire, ne présente aucune difficulté particulière, a été votée en 2006 ! Comment le comprendre ? Il me semble que c'est, là aussi, le résultat de réticences, voire de résistances parfois très vives.

Cela est inquiétant parce que la situation de la France en matière de discrimination n'est pas satisfaisante : les quelques rares études qui portent sur les discriminations à l'embauche sont proprement accablantes, notamment en termes de critères « ethniques » ou « raciaux » – entre guillemets. L'étude du Bureau international du travail, citée par Mme Vasseur dans son rapport, montre que 11 % seulement des nombreuses entreprises testées ont des procédures à l'embauche qui ne peuvent être qualifiées de discriminatoires. Autrement dit, près de 90 % des entreprises françaises ont des procédures susceptibles d'être considérées comme discriminatoires ! La situation est donc extrêmement préoccupante. Elle a, du reste, été récemment dénoncée par M. Louis Schweitzer, lorsqu'il a présenté une autre étude, celle du cabinet Vigeo, qui révèle le caractère massif des discriminations en France. Aussi M. Schweitzer a-t-il tiré la sonnette d'alarme. Il est donc nécessaire de se saisir à bras-le-corps de ce problème et de le résoudre.

C'est dans ce contexte que vous nous présentez ce projet de transposition de directives européennes. Je tiens tout d'abord à saluer le travail très important réalisé sur le sujet depuis une dizaine d'années sur le plan européen, le traité d'Amsterdam ayant donné à l'Europe un véritable élan et de réelles capacités d'intervention dans ce domaine. La Commission et les institutions européennes ont ainsi effectué un énorme travail qui permet de disposer désormais d'un cadre juridique conséquent ; à charge pour nous de le transposer en droit français.

Cette transposition, positive dans la mesure où elle permettra l'introduction de nouvelles notions dans notre législation, notamment celles de discrimination directe et indirecte, demeure toutefois très imparfaite. Elle est en effet confuse sur le plan juridique par le fait que, non seulement elle ne prévoit aucune harmonisation entre les différentes notions, mais sa rédaction manque de clarté par rapport aux textes européens : nous aurions aimé une rédaction plus précise et surtout plus proche des directives européennes. Qui plus est, elle n'est pas complète, notamment pour ce qui est de la possibilité pour les associations d'ester en justice et donc de se porter partie civile en cas de discrimination – oubli d'autant plus incompréhensible que cette disposition fait partie des cinq priorités figurant dans l'injonction de la Commission européenne au Gouvernement français. Par ailleurs, la Commission précise que le délai de cinq années pour ester en justice n'est pas satisfaisant. Je suis, là aussi, surpris de constater que le projet de loi ne reprenne pas cette recommandation, pourtant explicite, de la Commission. Il nous faudra donc travailler de nouveau sur la question.

Nous avons devant nous quelques heures pour améliorer le texte. Tel est l'état d'esprit dans lequel nous abordons ces débats, en vue d'aboutir à une transposition beaucoup plus satisfaisante. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-George Buffet

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, on dit souvent qu'en France, depuis le bel été de 1789 et la proclamation de l'universalité de l'égalité des droits, l'égalité serait au coeur de toutes les passons républicaines. Elle incarnerait un certain modèle français. Peut-être… Ce dont je suis certaine, c'est qu'elle répond à l'aspiration d'une majorité de nos concitoyens et de nos concitoyennes, et que je partage.

Mais je vois la réalité et les réticences. Je vois que la France a encore besoin, en 2008, des remontrances de l'Union européenne – trois procédures d'action en manquement dont deux ont donné lieu à l'envoi d'une mise en demeure et la troisième à l'émission d'un avis motivé – pour qu'elle consente à se mettre au niveau en matière de lutte contre les discriminations. Je vois qu'en 2008 notre pays est encore incapable de se donner les moyens de réaliser concrètement cette égalité des droits qu'elle a proclamés il y a plus de deux cents ans.

La France a déjà transposé une partie de ces mesures antidiscriminatoires au travers de diverses lois entre 2001 et 2006.

La directive 200078CE portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, adoptée le 27 novembre 2000, donnait trois ans aux États membres de l'Union pour modifier leur droit interne, et transposer les outils juridiques proposés. En France, cette directive n'a été que partiellement transposée, si bien qu'à ce jour toutes ses dispositions n'ont pas été intégrées dans le droit français. C'est ce qui a amené la commission européenne à adresser récemment un avis à la France, ainsi qu'à dix autres pays, relevant les lacunes de transposition et leur donnant deux mois pour réagir. Tel est l'objet du projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui : se mettre en conformité avec le droit communautaire en vue de se prémunir de toute sanction pour manquement de la part de la Commission européenne. J'aurais aimé un peu plus de chaleur, de passion et de volonté politique d'en finir enfin avec ces discriminations qui sont autant de blessures quotidiennes pour des millions de nos concitoyens. Vous avez préféré le formalisme étroit d'une transposition juridique, un projet de loi pour bon élève de la classe européenne, technique et froid, légal mais surtout minimal.

J'aurais donc tendance à réagir comme ces nombreux instits confrontés à des élèves doués mais paresseux : « Peut mieux faire ! » Assurément, la France peut se montrer plus ambitieuse lorsqu'elle parle d'égalité !

C'est bien cette ambition ou ce souffle qu'auraient pu vous transmettre toutes les associations qui luttent contre les discriminations, si vous aviez cru bon de prendre le temps de les consulter, et ce d'autant plus que la consultation des acteurs associatifs est précisément un objectif de ces directives, que je souhaiterais voir inscrit dans ce texte.

Elles auraient pu vous dire, par exemple, combien l'existence de discriminations peut être à ce point banalisée que trop nombreuses sont les victimes qui les intègrent comme faisant partie de leur quotidien. C'est pourquoi il est urgent de se mobiliser pour éradiquer toutes les discriminations et pour développer l'égalité comme une exigence du « vivre ensemble ».

Or votre politique divise et met en concurrence, pour mieux faire régner ceux qui profitent de cette jungle : elle oppose les femmes aux hommes, les jeunes aux vieux, les travailleurs aux chômeurs, les salariés de la fonction publique à ceux du privé ou les personnes en fonction de leurs origines.

Il est évident que les discriminations sont largement aggravées par les politiques libérales, qui sont des politiques discriminantes de fait mettant en cause les droits sociaux, les services publics et les droits du travail en développant l'insécurité sociale et celle de l'emploi. Des politiques de rejet ou sécuritaires stigmatisent, quant à elles, des populations, notamment les jeunes et les migrants, et mettent à mal la solidarité en contredisant la nécessaire égalité des droits.

Je préside, vous le savez, le groupe d'étude SIDA de notre assemblée. Les formes de stigmatisation et de discrimination rencontrées par les personnes vivant avec le VIH-SIDA sont dramatiques. Elles sont multiples et complexes. Ainsi en est-il de l'absence de CMU complémentaire pour ces malades qui ne disposent pas d'allocation adulte handicapé. Près de la moitié des personnes séropositives sont aujourd'hui sans emploi alors que plus des deux tiers des personnes ayant perdu leur emploi depuis la découverte de leur séropositivité souhaitent retravailler. Mais leurs démarches n'aboutissent pas.

Dans plus de la moitié des états membres de l'ONU, des mesures discriminatoires à l'encontre de la liberté de circulation des personnes séropositives sont appliquées. Dans au moins onze pays dont les États-Unis et la Russie, les séropositifs sont tout simplement interdits d'entrer sur le territoire national, même en tant que touriste. Même au sein de l'Union européenne, des pays appliquent des mesures discriminatoires aux ressortissantes et aux ressortissants de pays ne faisant pas partie de l'Union.

Alors que ces discriminations touchent les personnes séropositives, d'autres, plus insidieuses mais tout aussi réelles, bien qu'« indirectes », comme dirait le droit communautaire, continuent de toucher les femmes au travail, par le biais de leur salaire ou de la progression de leur carrière, ou les filles dans l'accès aux filières ou la maîtrise de leur corps. Or l'amendement que vous proposez, madame Vasseur, visant à l'organisation des enseignements en regroupant les élèves en fonction de leur sexe, nous inquiète : attention aux discriminations sexistes ! Les discriminations territoriales touchent, quant à elles, les jeunes dans leur accès à l'emploi, aux loisirs ou au logement. Les discriminations liées à l'orientation sexuelle demeurent. Chaque jour, de fait, des millions d'hommes et de femmes souffrent au quotidien et c'est bien parce que la vie de tous ces hommes et de toutes ces femmes est blessée que j'aurais aimé que le projet de loi fasse preuve d'un peu plus d'ambition.

La lutte en profondeur, durable, contre toutes les discriminations est une question de dignité et de justice, partie intégrante de tout combat humaniste pour l'égalité, la justice et la solidarité.

Pourquoi la lutte contre les discriminations ne serait-elle pas déclarée grande cause nationale pour toute la durée de la législature afin de lui donner l'ampleur et le temps nécessaires ? Il faut en effet une volonté politique, des projets, des actions et des luttes persévérantes pour combattre ce fléau.

Je vous soumets quelques propositions : créer une délégation interministérielle à la lutte contre toutes les discriminations ; renforcer les pouvoirs de la HALDE, la démocratiser et la décentraliser ; mettre en place un corps d'inspecteurs d'État contre les discriminations ; enfin, lutter concrètement contre les discriminations au travail en formant et en recrutant des inspecteurs du travail en bien plus grand nombre.

Ces quelques propositions nous permettraient de poser des jalons solides pour construire et inventer une société de partage et de rencontre avec une vision inédite du rapport à l'autre : une société riche de ses couleurs, de ses actes et de ses créations. Hélas, nous n'en sommes pas là ! Tant qu'un homme ou une femme sera victime de discrimination, nous ne serons pas quittes. Il faut inverser ces logiques de domination tant sociale que sociétale. Il nous faut trouver le chemin de l'action pour la dignité, la citoyenneté et la démocratie.

C'est bien pour aller dans ce sens que je souhaiterais appeler votre attention sur quelques points particulièrement importants du texte qui nous est aujourd'hui soumis.

Alors que, ces dernières années, le législateur a éliminé toute forme de hiérarchie entre les discriminations selon leur motif, l'article 2 de votre projet rétablit deux niveaux d'interdiction par le biais de deux catégories de discrimination en matière de biens et de services, de protection sociale, de santé, d'avantages sociaux et d'éducation ou en matière d'affiliation et d'engagement dans une organisation syndicale ou professionnelle. Ainsi, selon le motif de la discrimination, les personnes seront plus ou moins protégées. Cette régression n'est pas acceptable.

Par ailleurs, la Commission européenne reproche à la France des limitations à l'action des associations auprès des victimes. En effet, alors que les associations de lutte contre les discriminations peuvent agir auprès des victimes au pénal et aux prud'hommes, elles ne le peuvent pas devant le tribunal administratif. Les associations ne peuvent donc ester en justice aux côtés des fonctionnaires victimes de discrimination. Le projet de loi a omis de rectifier cette non-transposition du droit européen, ce qui est un comble, vu son objet.

Enfin le texte, tout simplement en raison d'une rédaction trop rapide, ne précise pas certaines notions juridiques dans les différents codes auxquels il renvoie et oublie d'intégrer certaines avancées de la directive dans le code pénal.

Ce texte donne le sentiment d'avoir avant tout été écrit pour satisfaire aux exigences de la Commission européenne et non dans l'objectif de définir un droit accessible et lisible par tous et toutes.

Un certain nombre d'amendements ont été déposés par le groupe de la gauche démocrate et républicaine et par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche sur chacun de ces points. Nous les soutiendrons, car il est de notre responsabilité, à nous, législateurs, de refuser clairement que des hommes ou des femmes aient dans notre pays moins de droits que les autres.

Madame la secrétaire d'État, chers collègues, j'insisterai sur un dernier point. Je n'aimerais pas que les mesures que nous votons aujourd'hui soient dépecées dès demain. Je n'aimerais pas que les grands discours qui résonnent aujourd'hui dans notre hémicycle contre les discriminations soient balayés dès demain. Je n'aimerais pas qu'au moment où nous donnons plus de moyens juridiques à la justice pour combattre les discriminations, le Parlement lui en retire de bien plus grands !

Vous n'ignorez pas en effet que le Sénat vient de voter une proposition de loi, présentée par le sénateur Hyest, portant réforme de la prescription en matière civile. Et vous ne pouvez ignorer que derrière une présentation apparemment anodine, au motif de simplifier le droit de prescription civile, ce texte réduit de trente à cinq ans la durée du délai de droit commun de la prescription extinctive !

Or, parmi les faits visés qui ne pourraient plus donner affaire à contentieux civil au-delà de cinq ans, on trouve évidemment les poursuites engagées en matière de lutte contre les discriminations dans le domaine de l'emploi, fondées sur le sexe, l'origine, l'appartenance syndicale, ou encore sur l'âge ou l'orientation sexuelle. La réforme proposée va heurter de plein fouet les actions en dommages et intérêts contre ces discriminations, alors que l'expérience démontre que seule la prescription trentenaire a permis de créer un rapport de forces favorisant l'action juridique par la négociation ou l'action en justice.

Un délai de cinq ans n'est pas suffisant pour établir les faits et les conséquences d'une discrimination par nature opaque. Un délai de cinq ans n'est pas suffisant pour permettre une réparation intégrale des dommages occasionnés par de telles discriminations. Aussi cette proposition de loi, si elle devait être adoptée par l'Assemblée, constituerait-elle un terrible recul des luttes contre les discriminations.

Cette coïncidence entre ces textes mais aussi la condamnation dont les discriminations font l'objet dans l'opinion, plaident pour que le texte adopté par le Sénat ne soit pas inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée, à moins que ce ne soit pour le modifier très sensiblement. J'attends évidemment, madame la ministre, une réponse claire du Gouvernement sur ce point.

Je peux résumer mon point de vue en indiquant que la réduction de la prescription à cinq ans rendrait inopérante la lutte pour l'égalité de traitement et contre les discriminations, et inutile ce débat dans l'hémicycle sur la loi de transposition des textes communautaires. C'est bien évidemment au regard de l'engagement de votre gouvernement à cet égard et des avancées réelles sur le texte que les députés communistes et républicains détermineront leur vote. Or en l'état, ils ne peuvent le voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Jo Zimmermann

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État chargée de la solidarité, chers collègues, l'Assemblée examine aujourd'hui un projet important qui transpose plusieurs directives relatives à la lutte contre les discriminations, domaine dans lequel la Délégation aux droits des femmes, que je préside, continue d'oeuvrer.

La transposition de ces directives complète et élargit le dispositif existant en droit français en matière de discriminations fondées sur la race ou l'origine ethnique, la religion, les convictions, l'orientation sexuelle, le handicap, l'âge, ainsi qu'en matière de discriminations fondées sur le sexe.

Sur ce dernier point, je ferai une première remarque pour souligner qu'il ne faut pas perdre de vue que les discriminations liées au sexe sont transversales aux autres et que cette approche doit guider la mise en place de l'ensemble des politiques publiques. Pourquoi ? Parce que les discriminations se renforcent parfois les unes les autres et de surcroît ne touchent pas de la même façon les femmes et les hommes. Une discrimination ethnique ou sociale pourra ainsi se trouver renforcée par le genre de la personne qui en est victime.

Je formulerai une seconde remarque pour rappeler l'importance jouée par le droit communautaire en matière de lutte contre les discriminations et son rôle moteur, tout particulièrement en matière de discriminations entre hommes et femmes. Ainsi, la réduction des écarts salariaux entre les hommes et les femmes fait partie depuis 1999 de la stratégie européenne pour l'emploi et la Commission européenne poursuit une politique continue visant à ce que l'égalité des sexes soit prise en compte dans les politiques de l'emploi.

Reste qu'en France, en matière de discrimination entre hommes et femmes, nous nous trouvons toujours face à un véritable défi. Nous devons donc perfectionner les outils juridiques permettant aux victimes de discriminations de faire valoir leurs droits, en nous mettant en conformité avec le droit communautaire si nécessaire. Nous n'en devons pas moins, dans le même temps, faire fonctionner les instruments existants tout en agissant sur tous les fronts simultanément.

Il convient d'abord d'agir auprès des entreprises, des employeurs mais aussi des syndicats de salariés qui n'ont pas toujours pleinement saisi l'enjeu de l'égalité professionnelle, et de sanctionner, le cas échéant, les discriminations salariales persistantes. La Conférence sur l'égalité professionnelle réunie par Xavier Bertrand le 26 novembre dernier a ainsi eu pour but de relancer le processus de négociation. Les entreprises doivent mettre en place, d'ici au 31 décembre 2009, un projet de résorption des écarts salariaux entre les hommes et les femmes. Si elles ne le font pas, des sanctions financières seront applicables dès le début 2010.

Il est essentiel que l'on avance en ce domaine. J'y insiste devant vous parce que la non-discrimination, qui est d'abord un enjeu moral, un enjeu éthique, est aussi un enjeu économique. En effet, notre économie va avoir de plus en plus besoin de salariés qualifiés prêts à investir les secteurs en développement et devra nécessairement faire appel à tous, aux femmes comme aux hommes, dans les mêmes conditions, pour satisfaire ces nouveaux besoins. C'est aussi une nécessité pour valoriser le coût que représente l'investissement dans une formation de haut niveau. Si, au bout du compte, une telle formation ne débouche pas pour les femmes sur le métier auquel elles se destinent, parce que l'entreprise hésite à embaucher une jeune femme qui va avoir des enfants, parce que celle-ci ne se voit pas exercer des métiers prétendument masculins, il s'agit, somme toute, d'un investissement perdu pour tout le monde.

Ce constat peut sembler cynique au moment où nous sommes appelés à débattre des moyens propres à faire respecter l'égalité entre les citoyens, mais il est réaliste ; et tant mieux s'il peut faire avancer les choses.

De toute façon, on ne peut plus raisonner comme si le salaire des femmes était toujours un salaire d'appoint, comme si, secondaire, leur emploi pourrait être plus mal payé et moins qualifié. Pour bien des foyers, il n'est pas secondaire. Pour les familles monoparentales de plus en plus nombreuses, non plus : 1,7 million de familles, soit presque un quart des familles françaises, sont monoparentales et, dans 85 % des cas, ont une femme à leur tête.

Or, que constate-t-on en matière de salaires et de carrières, sinon des inégalités persistantes entre les femmes et les hommes ? Le salaire horaire moyen des femmes est de 19 % inférieur à celui des hommes. Le revenu salarial des femmes est de 26 % inférieur, et même de 31 % dans le secteur privé. Quatre-vingts pour cent des emplois à temps partiel sont occupés par des femmes et trois femmes sur dix déclarent travailler à temps partiel faute d'avoir trouvé un emploi à temps complet, comme vient récemment de le rappeler le Conseil économique et social.

Certes, ces chiffres sont des moyennes et masquent la diversité des situations individuelles ; mais, quand cela concerne, en masse, 13,5 millions de salariées, puisque près de la moitié des 27 millions d'actifs – 47 % – sont des femmes, on ne saurait parler de problème marginal. Quand on conjugue les emplois précaires et à bas salaires avec une discrimination salariale particulièrement forte à l'égard des femmes cadres, ce n'est pas non plus un problème marginal !

Il faut, j'y insiste, agir sur tous les fronts : auprès des services de l'emploi, des organismes de formation, auprès des salariés, des étudiants, des élèves, des professeurs, des parents, des femmes elles-mêmes que nous devons sensibiliser et mobiliser pour faire évoluer les mentalités.

L'égalité professionnelle passe aussi par la diversification des choix des métiers : on appelle cela « lutter contre les stéréotypes de genre ». Que signifie cette expression en réalité ? Que les jeunes femmes ne doivent pas se cantonner, comme c'est trop souvent le cas, dans certaines formations et se limiter toujours aux mêmes filières. Ainsi, plus de la moitié des femmes travaillent aujourd'hui dans seulement 10 des 84 groupes professionnels. Or le niveau de salaire dépend des tâches effectuées mais aussi des secteurs d'activité. La Délégation aux droits des femmes travaille en ce moment sur le sujet.

Face à cet état de fait illustré par la faiblesse du nombre d'accords de rattrapage salarial effectivement signés – 125 entreprises toutes de plus de 1 000 salariés –, il est important que les dispositifs anti-discrimination puissent jouer.

Que montre l'activité de la HALDE ? Cinq pour cent des réclamations portées devant elle ont pour motif une discrimination fondée sur le sexe – 86 en 2005, 203 en 2006 et 366 en 2007 –, ce qui reste finalement faible. D'une part, les femmes n'ont pas nécessairement le sentiment d'être victimes d'une discrimination parce que le système fonctionne ainsi et parce qu'il n'est pas toujours facile d'exciper de sa qualité de femme pour faire valoir ce qui constitue pourtant des droits. D'autre part, toute la difficulté réside dans la distinction entre ce qui relève des facteurs que je viens d'évoquer, et sur lesquels il faut agir, et ce qui relève de la discrimination prohibée par les textes.

En matière d'égalité salariale, cette difficulté est accrue par les politiques d'individualisation des salaires. Il s'agit, souligne la HALDE, « d'une brèche dans laquelle s'insinue souvent la discrimination salariale et derrière laquelle se retranchent les employeurs mis en cause ».

Les directives dont nous examinons aujourd'hui la transposition apportent des garanties supplémentaires aux témoins des agissements discriminatoires et aux victimes intentant une action en justice, par la généralisation de l'aménagement de la charge de la preuve, par l'introduction d'une définition explicite de la notion de discrimination indirecte et par l'élargissement de la définition du harcèlement moral et sexuel.

Les directives assimilent harcèlement et discrimination. Le harcèlement sexuel y est considéré comme une discrimination fondée sur le sexe, pouvant résulter d'un agissement unique et non nécessairement limité au monde du travail. Cette nouvelle définition, qui répond aux exigences communautaires, aura pour effet d'étendre la saisine de la HALDE aux cas de harcèlement désormais explicitement constitutifs d'une discrimination.

Des garanties supplémentaires sont aussi apportées par l'interdiction générale des discriminations en raison de la grossesse et de la maternité. La commission des affaires culturelles propose utilement de compléter cette interdiction par l'inscription dans notre droit de l'interdiction de toute discrimination en raison du congé de maternité. Cet amendement s'inscrit dans la logique de la loi sur l'égalité salariale, votée en mars 2006, qui a fait bénéficier les salariés des augmentations de salaire décidées dans l'entreprise pendant leur congé maternité. En effet, chacun le sait, les interruptions de carrière constituent un frein à l'évolution des femmes dans l'entreprise et à leur accès à des postes de responsabilité.

Une étude de l'INSEE de janvier 2008 montre, une nouvelle fois, combien l'activité professionnelle des femmes, contrairement à celle des hommes, dépend du nombre d'enfants, surtout à partir du deuxième. Passés trois enfants, seules deux femmes sur trois restent en activité, sachant que ce phénomène est encore plus flagrant lorsque les enfants sont petits. Ces données confirment les difficultés des femmes à concilier vie professionnelle et vie familiale. Alors que l'activité des hommes ne dépend guère de leur situation familiale, c'est exactement l'inverse pour les femmes.

En conclusion, je me réjouis une nouvelle fois de l'examen de ce texte de lutte contre les discriminations par l'Assemblée et j'exprime le souhait qu'il s'inscrive dans une approche plus globale de la question, ce qui permettra enfin, je l'espère, de faire évoluer les mentalités. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Crozon

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je viens de lire dans un quotidien – Le Figaro, pour ne pas le nommer – une interview du président de notre assemblée, M. Accoyer, qui appelle à ne pas « légiférer dans la précipitation »… Je trouve cela cocasse, dans la mesure où c'est précisément ce que nous faisons depuis le début de cette législature ! Et c'est ce que nous faisons encore avec ce texte, qui est discuté rapidement, en urgence, au lendemain d'élections municipales, sans qu'il y ait, cela a été beaucoup dit, de véritable concertation avec les associations, en particulier les syndicats. C'est dommage.

C'est dommage parce que ce texte est bâclé. Le sujet aurait mérité mieux. J'espère que le Gouvernement saura, à l'avenir, entendre la demande du président de l'Assemblée nationale.

Si j'en crois votre exposé des motifs, madame la secrétaire d'État, les procédures engagées contre nous par la Commission européenne seraient la seule raison pour laquelle nous discutons aujourd'hui de ce texte.

Mais ce projet de loi va au-delà des exigences légitimes formulées par la Commission en matière de lutte contre les discriminations. Il transpose un certain nombre de limitations nouvelles au principe d'égalité de traitement, notamment dans ses articles 2 et 8. Cette pratique législative vous est pourtant explicitement interdite par les directives elles-mêmes, dont la mise en oeuvre ne peut « en aucun cas constituer un motif d'abaissement du niveau de protection contre la discrimination déjà accordé par les États membres ». Je crains donc que vous ne soyez tentée de faire porter à l'Europe un chapeau que vous refuseriez d'assumer.

Je ne vais pas revenir sur ce qui a été dit quant à la situation des femmes dans notre pays. Marie-George Buffet et Marie-Jo Zimmermann l'ont très bien fait avant moi. Je me bornerai à évoquer deux points qui me paraissent importants dans ce texte.

Notre droit du travail limite strictement les dérogations au principe d'égalité en matière d'embauche. Il est plus protecteur que les normes minimales que vous retenez de ces directives. Le sexe est aujourd'hui le seul critère pouvant constituer la condition déterminante d'un emploi, et ce uniquement pour les professions artistiques, les mannequins et les modèles. Cette liste exhaustive a fait l'objet, faut-il le rappeler, d'un accord entre les partenaires sociaux suite à la loi Roudy de 1983 relative à l'égalité professionnelle.

Mais en inscrivant dans notre code pénal, comme vous le faites dans votre article 8, que des différenciations fondées sur le sexe, l'âge ou l'apparence physique seraient dorénavant admissibles en matière d'embauche si ce motif est une exigence professionnelle essentielle et déterminante, vous élargissez potentiellement cette liste à l'ensemble des emplois, au gré de l'évolution de la jurisprudence.

Dans notre pays, seulement 2 % des professions sont exercées à parité entre les hommes et les femmes. Les deux tiers du personnel enseignant, par exemple, sont des femmes alors que les trois quarts des artisans sont des hommes. Et si les ouvriers de l'automobile sont presque exclusivement des hommes, ceux du textile sont pratiquement toujours des femmes. Comment reconnaître ce qui relève des stéréotypes sexuels que nous devons combattre, et ce qui relèverait de « qualités intrinsèquement féminines ou masculines », qui constitueraient « l'essence » d'une profession ?

C'est ce débat éminemment politique que votre projet de loi choisit de renvoyer à nos tribunaux. Avec un vrai risque : celui de voir les employeurs se prévaloir de ce déterminisme statistique pour justifier, par exemple, que leur secrétaire de direction ne saurait être un homme, tandis que les chauffeurs de poids lourds ne pourraient de toute évidence pas être des femmes.

Peut-être l'importance de la génétique comme explication du monde aux yeux du Président de la République a-t-elle inspiré votre rédaction, et peut-être devrions-nous finalement admettre cette « réalité de bon sens » selon laquelle les hommes sont bons en maths et les femmes en lettres... Mais si nous constatons effectivement un écart dans les résultats scolaires des garçons et des filles en France, je veux vous rappeler que cet écart est moins grand dans un certain nombre d'autres pays. C'est dire que, plus que le sexe lui-même, c'est la culture qui détermine les stéréotypes sexuels. Et c'est dire le rôle primordial que doit jouer le système scolaire dans la déconstruction de ces stéréotypes.

Notre code de l'éducation ne dit d'ailleurs pas autre chose, en établissant que « les écoles, les collèges et les lycées contribuent à favoriser la mixité et l'égalité entre les hommes et les femmes, notamment en matière d'orientation », ce qui, vous en conviendrez, paraît difficilement compatible avec la ségrégation sexuelle à l'école, permise par l'article 2 de votre projet de loi.

C'est là encore un vrai débat de société que je ne peux pas accepter, que nous ne pouvons pas accepter de voir tranché par une phrase lapidaire au détour d'une loi qui ne traite d'ailleurs pas de ce sujet. Jamais la Commission européenne ne vous a demandé de transposer cette disposition qui, de toute évidence, s'adresse aux États où la mixité scolaire n'est pas devenue la norme.

Je crains que la faille béante que vous ouvrez ici soit bien davantage exploitée par les communautaristes, les intégristes et les réactionnaires les plus misogynes, que pour poursuivre de réels objectifs pédagogiques.

Le refus de toute discrimination n'est ni de droite ni de gauche. Il est une exigence républicaine, que les socialistes seront heureux de soutenir lorsqu'il s'agit de corriger les erreurs et les oublis du passé. Mais dans son état actuel, que je mettrai sur le compte de votre précipitation, votre projet de loi est un texte de régression, qui porte de rudes coups à l'égalité des chances et à l'égalité entre les sexes.

C'est pourquoi je vous remercie, monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, de bien vouloir apprécier nos amendements pour ce qu'ils sont : une volonté de respecter tant l'esprit de notre tradition législative que celui du droit européen, pour parvenir sur ce sujet au nécessaire consensus républicain. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Clément

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, notre assemblée est conduite à examiner ce jour un texte portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Nous l'avons dit : la France, rappelée à ses obligations par la Commission européenne, y répond avec le texte qui nous est soumis. Mais cette transposition tardive se doit d'être replacée dans un contexte législatif plus large, à l'instant ou la réforme de la prescription en matière civile vient d'être examinée par le Sénat. Si cette dernière devait rester en l'état, elle viderait de son sens le texte qui nous est soumis, en matière de discrimination dans l'emploi.

Je n'entrerai pas dans le débat de l'opportunité ou non d'un raccourcissement de la prescription civile extinctive de façon générale, notre assemblée aura l'occasion d'en débattre.

Le délai de cinq ans adopté au Sénat en lieu et place du délai actuel de prescription trentenaire deviendrait donc le délai de droit commun, et s'appliquerait dans les relations entre les salariés et les employeurs, telles que régies par le code du travail.

Ce délai de prescription extinctive de cinq ans pose deux véritables problèmes. En premier lieu, la prescription de cinq ans, si elle était retenue, ôterait à l'article L. 122-45 du code du travail une grande partie de sa portée.

Pour caractériser la discrimination, il est en effet nécessaire de disposer d'un certain recul dans le temps. Et pour réparer une situation de discrimination, il est nécessaire de considérer les effets qu'elle a produits. C'est pourquoi l'article L. 122-45, en prévoyant la nullité des actes discriminatoires, permet une réparation au plus juste de la situation de discrimination créée. La Cour de cassation l'a parfaitement compris, qui ne manque pas de rappeler à chaque occasion que les dommages et intérêts octroyés relevaient de la prescription trentenaire.

Une prescription ainsi ramenée à cinq ans effacerait toutes les discriminations passées liées à l'évolution de carrière antérieures à cinq ans, puisque la loi serait d'application immédiate, mais elle rendrait également invisibles toutes les situations de discrimination à l'avenir, les recouvrant du voile de la prescription chaque année qui passe dans le cadre d'un délai court de cinq ans.

Alors même que nous débattons de la nécessité de renforcer la lutte contre toutes formes de discriminations, vous comprendrez notre interrogation et celle de ceux qui luttent au quotidien contre ces formes rampantes de discriminations.

En second lieu, la prescription à cinq ans en matière de discrimination serait incompatible avec la norme européenne. Alors même que nous sommes amenés à revenir sur une transposition imparfaite de directives européennes, la majorité n'a apparemment pas retenu la leçon, puisque la prescription quinquennale annoncée est contraire à la directive « refonte » 200654 sur l'égalité des chances et de traitement entre les hommes et femmes en matière d'emploi et de travail.

Un délai de cinq ans entraînera de fait un plafond maximal d'indemnité, par le jeu de la prescription. La réparation ne sera pas « suffisante au regard du préjudice subi », et les sanctions ne seront ni « proportionnées », ni « dissuasives », eu égard à la faiblesse d'indemnités par rapport à un préjudice réel, qui serait supérieur. Tout cela en totale contradiction avec la directive « refonte » de 2006.

La mesure de la démesure ne peut se faire sur cinq ans... Est-ce l'objectif recherché ? On peut le penser à la lecture de la première proposition de loi en 2003, visant « à réduire à cinq ans la prescription applicable aux actions en justice fondées sur une discrimination syndicale », qui émanait de M. Godfrain. Il est regrettable de proposer une réduction à cinq ans du délai de prescription au moment même où le dispositif juridique adopté en 2001 concernant l'aménagement de la charge de la preuve permet de voir aboutir des actions en justice contre les discriminations.

En conséquence, pour être en conformité avec le droit européen, et permettre un traitement juste des situations de discrimination, il est nécessaire que la prescription civile extinctive de droit commun de cinq ans soit expressément écartée en matière de situations de discrimination telles que visées à l'article L. 122-45 du code du travail.

À l'instant où nous allons transposer les textes communautaires en matière de discrimination dans notre cadre législatif national, veillons à ne pas vider de leur sens ceux relatifs à la discrimination au travail.

Je veux, à cet égard, rapporter les propos du président de la HALDE, M. Louis Schweitzer qui vient de déclarer aujourd'hui même son opposition au raccourcissement de trente ans à cinq ans du délai de prescription en matière civile. Cette proposition, estime-t-il, « n'est pas un progrès » car la durée de trente ans lui semble « pleinement justifiée » Il a précisé que le collège de la HALDE avait émis une « recommandation » pour demander le maintien de la prescription à trente ans.

La position du Gouvernement sur ce sujet est attendue par le monde du travail, mais aussi par toutes les associations luttant contre toute forme de discrimination susceptible de provoquer dans le milieu professionnel des conséquences par trop définitives et profondément injustes. Tout ce que le texte que nous examinons aujourd'hui prétend réparer.

Par conséquent, nous aimerions connaître votre position, madame la secrétaire d'État, sur cette proposition de loi. Acceptez-vous que le texte débattu aujourd'hui soit balayé dans quelques semaines par une proposition de loi sur la prescription civile ?

Les avancées en matière de lutte contre les discriminations seraient illusoires si, dans le même temps, nous ôtions toute portée aux actions judiciaires menées contre les actes de discrimination. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le texte dont nous avons à discuter aujourd'hui aurait mérité un meilleur traitement.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Discuté en commission la veille de la suspension des travaux de notre assemblée, le voilà examiné en séance publique le jour même de la rentrée. Cela me paraît un peu expéditif. Plusieurs collègues s'en sont d'ailleurs fait l'écho en commission. Je rejoins, en ce sens, l'analyse de Mme Crozon.

La lutte contre les discriminations est un sujet important, et c'est même une nécessité. Au fronton de tous nos bâtiments publics, on trouve notre devise : « Liberté, Égalité, Fraternité ». La lutte contre les discriminations, c'est la lutte pour l'égalité. Je suis donc, par principe, contre les discriminations et je considère comme normal de lutter contre elles.

Mais je dois constater que la manière dont cette lutte est menée pose problème. Plusieurs éléments m'inquiètent dans la tournure qu'elle prend.

On accentue encore le dangereux penchant de notre société à donner une place centrale à la victime. Aujourd'hui, on a l'impression que la victime ne peut pas avoir tort, que sa parole est sacralisée. De ce fait, tous ceux qui revendiquent s'empressent de se présenter en victimes, pour tuer tout débat sur la légitimité de leurs revendications. C'est profondément malsain.

Autre dérive qui semble se dessiner, et contre laquelle je m'élève, c'est qu'au nom de la lutte contre les discriminations, on favorise les revendications communautaires. Un seul exemple : en novembre 2007, le Consistoire central a saisi la HALDE sur la situation des étudiants juifs pratiquants qui sont convoqués à des examens universitaires les samedis et les jours de fête juive. Faut-il modifier les calendriers d'examens universitaires en cas d'incompatibilité avec l'agenda de certains étudiants ? Qu'une telle demande puisse être formulée est révélatrice des risques élevés de dérives communautaristes.

Le citoyen lambda ne se reconnaît pas dans ces orientations, et j'ai souvent entendu des réflexions marquant l'incompréhension face aux décisions des instances de lutte contre les discriminations.

Pourtant, la lutte contre les discriminations est d'abord un combat pour changer les mentalités, et si les citoyens n'y adhèrent pas, on risque de passer complètement à coté de l'objectif et, pire, de susciter des réactions de rejet. Bon nombre de décisions prises pour lutter contre les discriminations sont de nature à vous plonger dans la perplexité : ainsi, j'ai reçu récemment un courrier de l'Union départementale des associations familiales de Haute-Savoie, déroutée par les changements apportés aux conditions d'attribution de la médaille de la famille française. Au nom de la lutte contre les discriminations, on a d'abord supprimé la condition de nationalité des parents. La décoration y a perdu une partie de son nom pour devenir la médaille de la famille. On a ensuite supprimé l'obligation pour les parents d'être mariés. Bientôt, on supprimera l'obligation d'avoir un lien biologique ! On sera ainsi passé de la médaille de la famille française à la « médaille de la parentalité en France », ce qui n'a rien à voir.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Les premiers à blâmer sont les politiques – nous, qui n'avons pas suffisamment débattu et encadré cette politique. Faute d'indications, les structures chargées de la lutte contre les discriminations, au premier rang desquelles la HALDE, sont allées là où elles voulaient. Il nous appartient donc de mettre fin aux risques de dérives en indiquant clairement les limites et les directions vers lesquelles doit tendre la lutte contre les discriminations.

Bien entendu, le texte qui nous est présenté est globalement positif et ne contient pas de nouveauté qui risquerait de dérouter un peu plus nos concitoyens. C'est une étape supplémentaire, une étape « technique », qui aurait pu être une belle occasion de dresser un bilan de notre politique de lutte contre les discriminations. C'est mon grand regret s'agissant de ce projet de loi. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Imbert

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui vise à transposer plusieurs directives communautaires, à mettre la législation française en accord avec nos engagements européens. Il se propose tout particulièrement de répondre à l'injonction de la Commission européenne demandant à la France de créer un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, et d'interdire toute discrimination fondée sur l'appartenance – réelle ou supposée – à une race ou une ethnie, sur les convictions religieuses, les opinions politiques ou appartenances syndicales, l'orientation sexuelle, l'âge, l'état de santé et le handicap.

Notre pays dispose déjà d'instruments de lutte, dont certains constituent de réels progrès. Je pense notamment à la loi du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations et à celle du 30 décembre 2004 portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations. Cependant, cette accumulation de textes ne constitue pas une réponse totalement satisfaisante à un problème de société qui est d'abord le reflet d'un état d'esprit et de pratiques encore bien peu sanctionnés.

Les discriminations sont une violence inadmissible, car elles blessent et humilient quotidiennement ceux qui les subissent. Or, malgré tous les dispositifs mis en place, elles subsistent dans de trop nombreux domaines. La HALDE reçoit de nombreuses réclamations concernant les secteurs de l'emploi, des services publics, de l'éducation et du logement. Si l'origine demeure le critère de discrimination le plus souvent évoqué, de plus en plus, l'état de santé ou le handicap précèdent l'activité syndicale, la situation de famille, l'orientation sexuelle, les opinions politiques, la religion ou l'apparence physique.

Pour traiter ce problème de société, le texte qui nous est soumis se révèle décevant. En effet, des dispositions communautaires sont transposées a minima, d'autres sont en retrait par rapport aux mesures déjà existantes dans notre pays. Il en est ainsi d'une partie de l'article 2, qui complète la liste des discriminations déjà interdites dans le droit français et introduit des différences de traitement des discriminations lorsqu'elles répondent « à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée ». D'autres, enfin, sont traduites en des termes qui peuvent se révéler peu appropriés ou avoir des conséquences importantes en droit du travail. Je pense au témoignage « de bonne foi » de l'article 3, qui peut réduire la portée de la protection du témoignage, pourtant essentielle pour arriver véritablement à combattre les discriminations dans les entreprises.

J'insisterai sur les discriminations liées au handicap, fréquentes dans le domaine de l'emploi et du travail. À l'égard des personnes en situation de handicap, la société française reste marquée par des dispositifs spécifiques finalement peu favorables à leur intégration et assimilant le handicap à une déficience. Notre société doit s'interroger sur la place qu'elle fait – ou plutôt qu'elle ne fait pas – à ses 3 millions de concitoyens porteurs de handicaps. Le Préambule de la Constitution de 1958 rappelle l'attachement du peuple français au Préambule de la Constitution de 1946. Celui-ci indique que « chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi ». Or, l'obligation d'employer 6 % de personnes en situation de handicap dans les entreprises d'au moins vingt salariés, dans le secteur privé comme dans le secteur public, est bien peu respectée. À compétences égales, le handicap constitue un frein pour le recrutement et, dans le cadre d'un emploi, pour la progression de carrière. En témoigne le faible nombre de personnes handicapées ayant le statut de cadre.

L'État doit faire appliquer et faire vivre les principes et les valeurs qui fondent notre République, en particulier favoriser l'égalité des citoyens et combattre l'intolérance et les discriminations. La loi, quant à elle, se doit d'être cohérente, soucieuse de son application et conforme à l'intérêt de chacun, afin de permettre aux citoyens de se défendre, de faire valoir leurs droits face aux discriminations dont ils peuvent être victimes. C'est ce à quoi je vous invite, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvia Pinel

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les objectifs poursuivis par ce texte ne peuvent que recueillir le consensus de notre assemblée – du moins, je l'espère – puisqu'il s'agit de renforcer notre arsenal juridique pour mieux lutter contre les discriminations. Ce doit être aussi pour nous l'occasion de réaffirmer les principes républicains d'égalité et de laïcité, auxquels les radicaux de gauche sont particulièrement attachés.

Malgré ce consensus en faveur de l'égalité des droits, une nouvelle fois notre assemblée est amenée à légiférer dans l'urgence et sur la base d'un projet de loi mal rédigé, incomplet et, il faut bien le dire, quelque peu bâclé. Une fois de plus, le Gouvernement a attendu d'être rappelé à l'ordre par la Commission européenne pour se décider à achever la transposition de trois directives. Comment en est-on arrivé à une telle situation ?

La Commission européenne a engagé contre la France une procédure d'infraction pour n'avoir pas pleinement transposé la directive du 27 novembre 2000 interdisant la discrimination en matière d'emploi et de travail fondée sur la religion ou les croyances, l'âge et le handicap ou l'orientation sexuelle. Ce texte devait être transposé dans notre droit interne au plus tard le 2 décembre 2003. Une deuxième mise en demeure a été adressée à notre pays le 21 mars 2007 concernant la directive du 23 septembre 2002 modifiant celle du 9 février 1976 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelle, et les conditions de travail. Celle-ci devait être transposée au plus tard le 5 octobre 2005. Enfin, un « avis motivé », reçu le 27 juin 2007, porte sur la directive du 29 juin 2000 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique, pour laquelle le délai de transposition arrivait à échéance le 19 juillet 2003. On mesure, d'une part, le retard conséquent pris par notre pays dans ces transpositions, d'autre part, l'étendue du champ des discriminations que couvrent ces directives. Ces retards et lacunes sont à ce jour autant de griefs formulés par la Commission à notre encontre et pourraient entraîner une saisine de la Cour européenne de justice avant une probable condamnation. Si l'on comprend donc cette soudaine célérité pour transposer les directives – il était temps ! –, la précipitation reste injustifiée, car elle est à l'origine des imperfections et des lacunes du projet de loi, dont témoigne d'ailleurs le nombre des amendements déposés.

Tout d'abord, il est particulièrement surprenant, et pour le moins inattendu, que le projet de loi rétablisse une hiérarchie entre discriminations, alors que, depuis 2001, le législateur s'est attaché à uniformiser les dispositifs, aussi bien pour les peines encourues que pour les procédures. Le texte réintroduit, en effet, par le biais d'une transposition a minima, deux niveaux de protection des victimes : selon la nature et le motif de discrimination, la protection prévue par la loi ne serait plus la même. Ainsi, l'article 2 du projet de loi prévoit des protections nouvelles pour les victimes de discriminations raciales, notamment en matière de protection sociale, de santé et d'éducation, mais ne les étend pas aux autres victimes. Il est permis de s'interroger sur la constitutionnalité d'une telle disposition qui permettrait une différence de traitement entre les victimes. N'est-ce pas là une remise en cause manifeste du principe d'égalité ?

Ensuite, une réelle lacune de notre droit n'est pas comblée par le projet de loi. La Commission européenne reproche à la France de trop limiter l'action des associations de lutte contre les discriminations auprès des victimes. Aujourd'hui, ces associations peuvent agir devant les juridictions pénales et aux prud'hommes, mais pas devant le tribunal administratif, les agents de la fonction publique étant ainsi privés de leur secours. Le texte omet de remédier à cette lacune en n'intégrant pas la totalité des éléments contenus dans la directive, pourtant exigés par la Commission européenne. Vous conviendrez, madame la ministre, qu'il est pour le moins paradoxal de rester en infraction avec le droit communautaire en adoptant un texte qui vise précisément à s'y conformer ! Il est donc indispensable de transposer la totalité des éléments de la directive.

Enfin, il est particulièrement regrettable que le projet de loi ne codifie que très partiellement les dispositions nouvelles. Aujourd'hui, les dispositions législatives de notre droit en matière de lutte contre les discriminations sont disséminées dans différents codes quand elles n'intègrent pas des dispositifs législatifs plus globaux comme la loi sur la liberté de la presse. Le texte donne ainsi l'impression d'exister d'abord pour satisfaire aux exigences communautaires, bien plus que pour rendre le droit accessible et lisible par tous, et en premier lieu par les victimes de discriminations.

Il n'est, bien entendu, pas question de remettre en cause l'impérieuse nécessité d'adapter notre législation au droit communautaire. Toutefois, devant un texte rédigé dans la précipitation et en partie inachevé, nous serons particulièrement attentifs à l'examen des amendements. Si la rédaction de certains articles n'était pas sensiblement modifiée, les députés radicaux de gauche, plus que jamais vigilants quant au respect des principes d'égalité et de laïcité, n'auraient pas d'autre choix que de s'abstenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

La discussion générale est close.

La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la solidarité.

Debut de section - PermalienValérie Létard, secrétaire d'état chargée de la solidarité

Madame la rapporteure, mesdames, messieurs les députés, à quelques semaines de la présidence française de l'Union européenne, il est plus qu'opportun de délibérer sur un texte qui nous permettra d'achever la transposition dans notre droit de directives dont nous reconnaissons tous l'importance. Grâce à ce projet de loi, notre pays tiendra ses engagements vis-à-vis de ses partenaires. Le respect de la parole donnée justifie à soi seul la tenue de notre débat.

Il est impératif d'adopter ce texte, qui introduit dans notre droit des précisions importantes, en particulier en matière de définition des notions de discrimination directe et indirecte, de protection des femmes dans l'accès aux biens et aux services. Mme Buffet le disait à juste titre, on ne saurait en rester là : il faudra aller plus loin dans la lutte contre les discriminations. Au-delà de ce texte de transposition, nous agirons dans tous les domaines. Ainsi, d'ores et déjà, en matière de lutte contre toutes les formes de discrimination envers le handicap, le Président de la République a annoncé ce matin de grandes avancées : l'augmentation de 5 % de l'AAH, un pacte national pour l'emploi des handicapés, ainsi qu'un engagement à aller plus loin dans l'accès à la scolarisation et à la formation des jeunes et des adultes handicapés.

Dans le cadre de la Commission nationale de lutte contre les violences faites aux femmes, un groupe de travail sera constitué pour débattre de tout ce qui touche à l'articulation entre le civil et le pénal en matière de harcèlement. Cette question est difficile. Elle mérite que des discussions soient ouvertes avec les associations, les administrations concernées, le ministère de la justice. Madame Buffet, le Gouvernement est sensible à cette question et va s'engager sur toutes ces voies.

Mais il est urgent de se mettre en conformité avec le droit européen. Nous voulons tenir nos engagements. Mais ce n'est qu'un point de départ et nous irons bien plus loin.

Je voudrais maintenant répondre aux questions précises que vous avez posées.

Mmes Billard, Pinville et Pinel ont évoqué le traitement hiérarchisé des discriminations. En matière de lutte contre les discriminations, l'Europe a toujours procédé par étapes, en se limitant à certains motifs, dans certains champs. Cette démarche a toujours été efficace. Elle n'a pas vocation à se substituer à notre arsenal juridique déjà existant ; elle a pour but de le compléter.

Les victimes de discriminations n'ont pas toutes les mêmes besoins, elles ne sont pas toutes dans les mêmes situations. Il faut se garder d'aller trop vite et de se livrer à des amalgames qui pourraient leur nuire dans le domaine des inégalités hommes-femmes, par exemple en matière de protection sociale, et finalement pénaliser les femmes. Nous voulons avancer en concertation avec nos partenaires européens sur le droit communautaire des discriminations.

Mmes Imbert, Buffet, Pinville et M. Caresche ont critiqué une transposition « a minima ». Un débat sur la lutte contre les discriminations a eu lieu à l'occasion de la loi de 2006 sur l'égalité des chances. Nous n'allons pas en refaire un tous les ans… Le droit doit être stable, ce qui n'interdit pas d'y introduire des améliorations au fil des textes. Nous apporterons bien sûr des réponses adaptées à chacune des discriminations.

Je le répète : le droit communautaire n'a pas vocation à se substituer à notre arsenal juridique, par exemple pour ce qui touche au statut du beau-parent ou sur l'égalité professionnelle, mais à le compléter. Nous voulons continuer à progresser dans l'élaboration d'un droit communautaire de lutte contre les discriminations, mais toujours en concertation avec nos partenaires européens.

Il ne s'agit pas de « résister à transposer », mais de corriger les erreurs de transposition commises, par exemple, dans la loi du 16 novembre 2001 adoptée sous le gouvernement Jospin… Tous les gouvernements ont du mal à procéder à ces transpositions. Reste qu'ils le font et c'est ce à quoi nous nous attachons.

Vous nous reprochez de recopier de manière scolaire les directives. Mais lorsque nous nous sommes éloignés du texte des directives, comme ce fut le cas avec la loi du 16 novembre 2001, nous avons été attaqués devant la Cour de justice des Communautés européennes. Être scolaire, c'est être respectueux de nos engagements européens. On ne peut tout à la fois exiger que la France soit un bon élève en matière de transposition et demander à s'éloigner du texte des directives au moment de les transposer…

Je voudrais rappeler à Mme Crozon et M. Tardy que de nombreux organismes ont été consultés pour l'élaboration de ce texte, même si l'on peut déplorer que ce ne soit pas suffisant : la HALDE, porte-parole des victimes de discriminations, les partenaires sociaux, la Commission nationale de la négociation collective, le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle entre hommes et femmes.

Mmes Zimmermann, Billard, Pinville, MM. Vercamer, Caresche et Clément ont évoqué la proposition de loi portant réforme de la prescription civile, adoptée en première lecture au Sénat. Ce texte n'a nullement pour objet de remettre en cause l'effectivité de la protection des salariés victimes des discriminations. Il n'est pas question de limiter la réparation du préjudice sur les cinq dernières années précédant l'action en justice. En tout état de cause, cette proposition de loi demeure à l'état de projet. J'ignore si votre assemblée aura à en discuter, mais, pour l'instant, ce n'est pas d'actualité.

Madame Zimmermann, madame Pinville et monsieur Huet, poser un principe de non-discrimination à l'égard des femmes en matière de protection sociale et d'avantages sociaux risquerait fort de se retourner contre elles en interdisant de prévoir des dispositions plus favorables – en matière de retraite par exemple. Ajoutons que le Gouvernement agit dans le droit fil des axes arrêtés à l'issue de la Conférence sur l'égalité professionnelle du 26 novembre dernier. Mme Zimmermann en a rappelé certains : l'égalité salariale, un rapport de situation comparée mis en ligne, un guide méthodologique élaboré avec les partenaires sociaux et des DRH pour s'assurer d'une parfaite opérationnalité, les sanctions financières pour les entreprises applicables à compter du 31 décembre 2009, la table ronde sur le temps partiel prévue pour la mi-mai avec les branches professionnelles et les partenaires sociaux pour trouver des réponses au temps partiel et éclaté, la mise en oeuvre du droit opposable à la garde d'enfants, conformément à l'engagement du Président de la République, la lutte contre les stéréotypes, ou encore la relance de la convention égalité dans le système éducatif et la rénovation des contrats mixité-égalité.

Le CV anonyme, adopté en mars 2006, au moment où les partenaires sociaux négociaient l'accord national interprofessionnel sur la diversité, signé le 12 octobre 2006, devait être étendu à toutes les entreprises à compter de février 2008. Le Gouvernement souhaitait s'appuyer sur le bilan des expérimentations des dispositifs d'« anonymisation » des candidatures, prévu pour le 31 décembre 2007 pour élaborer les mesures d'application de l'article L. 121-6 du code du travail, puisqu'il doit, de toute manière, consulter les partenaires sociaux sur tout projet de réforme.

Comme vous l'avez souligné, madame Zimmermann, de nombreuses initiatives sont mises en oeuvre sur le terrain pour l'accompagnement des entreprises en matière de diversité. Le Gouvernement souhaite valoriser ces bonnes pratiques, notamment par la création d'un label « diversité » décerné dès cet été, qui, dans le prolongement de la charte de la diversité, viendra reconnaître les entreprises qui s'engagent effectivement.

Madame Buffet, madame Pinville, et monsieur Caresche, les associations constituées pour lutter contre les discriminations seront bien sûr autorisées à ester en justice pour le compte de victimes de discrimination. Ces dispositions sont de nature réglementaire. Nous préparons un décret, qui sera publié en même temps que la loi, sur ce sujet.

Debut de section - PermalienValérie Létard, secrétaire d'état chargée de la solidarité

Tout sera cohérent et présenté dans le même temps.

Il nous semble inutile de procéder à une codification, puisque ce projet de loi sera d'application immédiate, générale et transversale. De même que le décret en préparation, le dispositif bénéficiera aux fonctionnaires.

Enfin, madame Buffet, en matière de formation des inspecteurs du travail, des référents égalité professionnelle devraient bientôt être désignés dans les services déconcentrés. Une lettre adressée cette semaine au préfet de région y donnera corps. Dès l'adoption de la loi, une information spécifique à l'attention de ces services déconcentrés sera mise en place.

Si ce projet de loi se borne à transposer une directive, cela ne signifie pas que le Gouvernement que je représente ait l'intention de s'arrêter là. Bien au contraire, je le répète, il a l'intention d'en faire son cheval de bataille. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

(M. Marc-Philippe Daubresse remplace M. Jean-Marie Le Guen au fauteuil de la présidence.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du règlement.

La parole est àMme George Pau-Langevin.

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous venons d'entendre les observations des parlementaires et la réponse du Gouvernement.

Malheureusement, tout cela ne nous a pas convaincus. Nous maintiendrons donc notre motion de renvoi en commission. Ce texte ne nous semble manifestement pas à la hauteur du problème posé et ne correspond pas à ce que nous attendons du Gouvernement en matière de lutte contre les discriminations.

La question de l'égalité est fondamentale dans notre pays et a été proclamée nécessaire et même essentielle depuis la Révolution française.

Depuis que l'Europe existe, les instances européennes ont repris le flambeau et reformulé cette exigence en termes de lutte contre les discriminations. On ne comprend pas que notre pays, précurseur en la matière, donne aujourd'hui l'impression de traîner les pieds et de manifester tant de réticences à s'engager résolument dans cette lutte.

Faut-il rappeler que nous avons été dénoncés à maintes reprises comme de mauvais élèves ? Aujourd'hui encore, la réponse apportée par la France aux procédures en manquement intentées par la Commission reste tardive et partielle. Qui plus est, elle s'accompagne d'un tel manque d'enthousiasme que nous ne saurions nous en satisfaire.

La transposition des directives européennes n'est pas une affaire simple. C'est une discipline exigeante. Or on a le sentiment que la France s'exécute lentement : il aura malheureusement fallu trois procédures en manquement ! Vous vous employez à remédier à cette situation, mais avec un débat a minima, dans l'indifférence générale et selon une méthode ambiguë, sans même vous efforcer de faire en sorte que les obligations internationales de la France soient respectées.

Enfin, comme le Conseil constitutionnel le réclame, le droit en vigueur doit être lisible pour ses utilisateurs. Lorsqu'un texte donne de la discrimination plusieurs définitions successives et qui, de surcroît, ne se superposent pas totalement avec ce qu'on trouve dans le code du travail ou le code pénal, comment peut-on prétendre parvenir à une transposition lisible tant par les utilisateurs que par les exégètes ? C'est là encore une situation dont on ne saurait se satisfaire.

Ajoutons, mais vous venez d'y répondre, que la Commission nous a mis en demeure de respecter le texte de la directive pour ce qui touche à l'intervention des associations. Celle-ci a expressément prévu que les organisations ou les personnes morales pouvaient engager pour le compte et à l'appui du plaignant toute procédure judiciaire. Or votre texte exige que les associations soient constituées depuis cinq ans. Vous nous promettez d'assurer leur droit d'agir en justice par décret. Comment est-ce possible alors que la directive est expresse ? Les dispositions du code que vous nous proposez de modifier peuvent-elles l'être par décret ? Force est de constater qu'il reste une restriction inadmissible et qui ne répond pas à la procédure en manquement intentée par la Commission.

Par ailleurs, votre projet semble introduire une hiérarchie entre les discriminations – ce qui nous ramène au problème de lisibilité que j'évoquais tout à l'heure. À partir du moment où, selon la discrimination envisagée, vous prévoyez une définition et un régime juridique différents, vous créez une hiérarchie selon les discriminations. Là encore, votre texte ne nous semble ni lisible, ni satisfaisant, ni même conforme à la loi française.

L'aménagement de la charge de la preuve lui aussi appelle à être amélioré. Le projet de loi prévoit qu'en cas de contentieux, la personne s'estimant victime doit « établir » devant la juridiction compétence les faits permettant de présumer l'existence d'une discrimination, à charge pour la partie défenderesse d'apporter les justifications nécessaires. Il est contradictoire avec les dispositions de l'article L. 122-45 du code du travail, qui prévoit qu'en cas de litige, la personne concernée « présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte », à charge pour le juge d'ordonner toute vérification supplémentaire utile. Sur ce point également, votre texte est plus restrictif que la directive européenne et que le droit aujourd'hui en vigueur. Cela non plus ne peut nous satisfaire.

Enfin, quelle conception de la discrimination défendez-vous dans ce projet de loi ? Force est de reconnaître que nous sommes un peu perdus… Rappelons que la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a retenu une conception plus large que la directive. Son article 14 prévoit que « la jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, ou toute autre situation ». Or votre texte est beaucoup plus restrictif.

Ne serait-ce pas l'occasion, comme nous y incite la HALDE, d'intégrer d'autres critères comme le patronyme, l'état de santé, la situation de famille, l'apparence physique, les moeurs ; etc. ? Ces motifs figurent pourtant dans un certain nombre de textes en droit français. Ne serait-ce pas le moment de le faire, puisque vous en avez la possibilité, d'autant que la Convention européenne des droits de l'homme vous y incite ?

Par ailleurs, j'observe que le code du travail ne comporte pas de définition de la discrimination indirecte. Il est dommage que vous ne profitiez pas de l'occasion pour l'y intégrer. Il est important de tirer toutes les conséquences de la définition de la discrimination indirecte telle qu'elle résulte de la directive.

En effet, constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs mentionnés à l'article 2, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes. Quelle conséquence en tirer dans notre pratique juridictionnelle et notre droit positif ? Je regrette que nous n'abordions pas ce débat.

Appliquer les mêmes critères à des personnes placées dans des situations inégales peut constituer une discrimination. Ainsi en est-il de l'exemple, cité par notre collègue tout à l'heure, de travailleurs ou d'étudiants juifs ou musulmans auxquels on voudrait imposer, sous prétexte d'égalité, des contraintes à leurs yeux insupportables.

La Cour européenne des droits de l'homme a jugé qu'il pouvait y avoir discrimination dès lors que l'on traitait de manière identique des gens dans des situations différentes : je fais référence à l'arrêt Thlimmenos contre Grèce du 6 avril 2000. Le Comité européen des droits sociaux n'a pas dit autre chose dans sa décision Autisme contre France.

Quelle conséquence tirons-nous de la position adoptée par des instances européennes supérieures afin d'améliorer notre réglementation et notre pratique en matière d'égalité des chances ? Vous avez manifestement évacué ce débat pourtant essentiel. Or on ne peut introduire la discrimination indirecte en droit français, comme la directive vous y contraint, sans se poser la question de savoir quelles conséquences il faut en tirer, notamment pour des actions positives destinées à assurer l'égalité des chances.

Pour discréditer la notion de mesure positive devant assurer l'égalité des chances, on nous oppose que le droit français ou nos traditions juridiques ne peuvent admettre en tant que telle la discrimination positive. Il serait pourtant opportun, à l'occasion de ce débat, de faire la distinction entre la discrimination positive – qui, en droit français, ne me paraît pas souhaitable – et les mesures positives pour lutter contre la discrimination, qui, elles, au contraire, sont préconisées par les instances européennes.

Pour vous opposer à toute mesure d'action positive destinée à assurer l'égalité des chances, votre argument consiste à soutenir que cela ne serait pas conforme aux traditions juridiques françaises. Outre le fait que j'y vois pour ma part une interprétation étriquée de nos traditions juridictionnelles, c'est passer sous silence la jurisprudence constante du Conseil d'État sur le principe d'égalité, rappelée par le Conseil constitutionnel dans sa dernière décision du 15 novembre 2007 : « Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de manière différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. »

Si vous prévoyez la définition de la discrimination indirecte – ce qui est une bonne chose –, vous n'en tirez pas les conséquences indispensables pour que nous sachions bien de quoi nous parlons et comment, dans notre pays, nous allons traiter la discrimination.

Comment évaluer la discrimination, notamment indirecte ? Vous n'abordez pas non plus cet aspect. Certains avaient proposé de le faire par le biais de statistiques. Pour notre part, nous nous y étions opposés et le Conseil constitutionnel nous a donné raison sur ce point, ce dont nous nous sommes réjouis, en censurant un amendement relatif aux statistiques ethniques, inséré dans le projet de loi Hortefeux. Introduire cet amendement sur la discrimination dans une loi sur la maîtrise de l'immigration était malvenu par le fait que l'on ne tenait pas compte du fait que les personnes qui, à tort ou à raison, se sentent victimes de discrimination ne sont pas forcément des immigrés, mais des personnes appartenant au peuple français. Il était donc légitime de le dénoncer. Pour autant, quand bien même le problème avait été mal posé dans la loi Hortefeux, la question demeure, et nous devons réfléchir aux moyens de mieux évaluer la discrimination. Cette affaire avait suscité un vif débat dans l'opinion publique ; il paraît inconcevable de l'évacuer alors qu'elle a tant ému nos concitoyens. On peut être pour ou contre mais, en tout état de cause, il appartient au Parlement de se poser la question et d'aller plus loin.

De véritables questions méritent d'être débattues devant le Parlement et de trouver des solutions : quels outils mettre en oeuvre pour évaluer les discriminations ? Quelle place pour la recherche publique en matière de connaissance des discriminations par rapport à la recherche privée, car on voit fleurir un certain nombre d'études qui sont même utilisées par la HALDE ? Nous ne savons pas comment nous allons permettre à la statistique publique d'avancer en la matière. La question n'est pas posée. Comment agir sur les mentalités ? Faut-il donner plus de pouvoir à la HALDE ?

Ne faudrait-il pas, comme l'a suggéré un de mes collègues, encourager la lutte contre les discriminations dans l'entreprise notamment par l'attribution d'un label « diversité » accordé aux entreprises qui font des efforts de sensibilisation et de formation en matière de lutte contre les discriminations ? Si l'on veut lutter contre la discrimination, il faut aussi avancer dans ce sens.

Peut-être faudrait-il aussi empêcher – le débat est ouvert – les entreprises sanctionnées pour discrimination de soumissionner pour les marchés publics, éventuellement suite à un avis de la HALDE ? Il ne suffit pas de s'en tenir aux déclarations de principe, encore faut-il les mettre en oeuvre. Il s'agit de sujets actuels dont tout le monde parle. Même le Président de la République dit vouloir organiser des commissions. Je m'étonne donc qu'au Parlement, on n'aille pas plus avant sur la question de la discrimination. Ces sujets particulièrement sensibles, ces problèmes ressentis parfois de façon violente et aiguë par une partie de nos concitoyens qui ont l'impression que les difficultés qu'ils connaissent ne sont pas suffisamment prises en compte, méritaient mieux qu'un débat tronqué, conduit à contrecoeur et en traînant les pieds ! (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Nous devons mener, madame la secrétaire d'État, une politique résolue en matière de lutte contre les discriminations : le Gouvernement le souhaite, l'opinion le réclame, et l'Europe nous enjoint de le faire. Puisque nous avons mis plus d'un an pour essayer de nous mettre en conformité avec les injonctions européennes, nous n'en sommes plus à quelques jours près. Dans ces conditions, le renvoi en commission du texte est la meilleure solution pour aboutir à un texte de qualité. Un de nos collègues a rappelé que nous avons examiné ce texte en vitesse, sans avoir procédé à aucune audition avant la suspension de nos travaux. Le sujet mérite mieux. Prenons le temps d'aller au fond et d'approfondir certaines questions importantes : nous éviterons bien des mécomptes dans nos relations avec l'Union européenne, et, nous aurions, à la veille de la présidence française, tout à gagner à montrer que nous prenons ces sujets à bras-le-corps et que nous voulons avancer de manière significative.

Ce texte est un premier pas : il contient indéniablement des éléments positifs, ce dont nous nous félicitons. Mais prenons le temps nécessaire à la réflexion. Nous avions déjà critiqué la manière précipitée dont il avait été abordé ; ne bâclons pas le travail ! C'est la raison pour laquelle je vous invite à voter la motion de renvoi en commission présentée par le groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Je reconnais, madame Pau-Langevin, l'intérêt de bon nombre des questions que vous avez abordées, mais celles-ci dépassent de loin la transposition en droit français de ces directives communautaires. Du reste, certaines d'entre elles ont été évoquées ce matin en commission et plusieurs commissaires ont estimé qu'elles avaient leur place dans d'autres débats.

Je récuse votre affirmation selon laquelle nous aurions bâclé le travail et examiné ce dossier à la va-vite. La commission des affaires culturelles s'est réunie à deux reprises pour examiner ce projet de loi. Celui-ci a été déposé le 19 décembre 2007 sur le bureau de l'Assemblée nationale. La première réunion de la commission s'est tenue le 6 février 2008 ; le rapport a été diffusé dès le 7 février. Le calendrier parlementaire spécifique, cette année, a fait que la séance publique se tient donc plus de six semaines après cette première réunion et plus de trois mois après le dépôt du texte. Cela aura certainement permis à chacun de prendre connaissance des principaux enjeux et d'étudier le projet en vue de la seconde réunion que la commission a tenue aujourd'hui.

D'autre part, la commission a examiné soixante-huit amendements. Sur ce total, elle en a adopté vingt-trois, dont cinq présentés par l'opposition. Ce nombre n'est pas négligeable compte tenu de la nature du texte présenté, qui est un texte de transposition de directives communautaires. Tout le temps nécessaire a été consacré à la préparation de ce projet de loi.

J'ajoute que la rapporteure, Isabelle Vasseur…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

…a préparé avec grand soin ses réunions : les auditions ont été organisées dès la première semaine avec la HALDE dont on sait l'action déterminante en matière de lutte contre les discriminations.

En l'état actuel, il ne me semble donc pas opportun de reprendre le travail en commission. Il est préférable d'examiner le détail du texte qui nous est soumis en passant à la discussion des amendements. Je vous invite donc à ne pas adopter la motion de renvoi en commission. Vous l'avez rappelé, madame Pau-Langevin, ce texte comporte en effet beaucoup d'éléments positifs. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je n'ai pas reçu de demande d'explication de vote.

Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.

(La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

J'appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je suis saisi d'un amendement n° 1 .

La parole est à Mme la rapporteure, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

Cet amendement vise à supprimer une disposition sans véritable portée normative. En effet, le premier alinéa de l'article 1er dispose que les définitions posées par cet article doivent s'entendre « au sens de la présente loi ». Cette précision redondante n'ayant pas de réelle utilité, il convient de l'abroger.

Debut de section - PermalienValérie Létard, secrétaire d'état chargée de la solidarité

Avis favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je mets aux voix l'amendement n° 1 .

(L'amendement est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je suis saisi de trois amendements, nos 58 , 22 et 2 rectifié , pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement n° 2 rectifié fait l'objet d'un sous-amendement n° 54 .

La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 58 .

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

En défendant la question préalable, j'ai expliqué qu'il était étonnant que l'on n'ait pas repris la très large définition des discriminations telle qu'elle figure dans l'article 225-1 du code pénal, récemment modifié par la loi 2006-340 du 23 mars 2006 : « Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de leur patronyme, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs moeurs, de leur orientation sexuelle, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. »

Cette définition est le résultat de plusieurs modifications et, donc, de travaux qui ont été menés sur ces questions. Vous l'avez dit, madame la secrétaire d'État, l'Europe a procédé par étapes et nous sommes en train de transposer trois directives traitant de discriminations différentes. Mais cela n'implique nullement que nous ayons à faire un texte pour chaque discrimination. Nous tâchons au contraire d'introduire l'ensemble des discriminations soit dans le droit existant, soit dans le présent projet de loi. Je suis bien d'accord avec vous, il est nécessaire d'avoir un droit stable. Mais c'est justement l'une des critiques que je formule depuis que je suis devenue députée en 2002 : nous passons notre temps à retoucher les mêmes lois tous les six mois, ce qui est assez inefficace, et peu pratique pour ceux qui doivent les appliquer comme pour ceux qui y sont soumis. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi nous ne profitons pas de cette transposition pour améliorer le texte avec une seule définition des discriminations, au lieu de modifier les définitions au gré des lois, au gré des codes.

Vous avez dit que l'on ne pouvait pas trop s'éloigner des directives, si l'on ne voulait pas être rappelé à l'ordre par la Commission. C'est vrai, si l'on s'en éloigne en transposant moins que le texte de la directive. Mais si l'on en transpose l'intégralité, si on l'améliore même, au sens de notre droit national, sans que cela entre en contradiction avec les propositions de la Commission européenne, il n'y a pas de problème.

Mon amendement propose donc de reprendre, dans l'article 1er, l'intégralité de la définition des discriminations, telle qu'elle figure dans notre droit actuel, à l'article 225-1 du code pénal.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

La parole est à Mme Martine Pinville, pour soutenir l'amendement n° 22 .

Peut-être pourriez-vous, madame, présenter en même temps votre sous-amendement n° 54 à l'amendement n° 2 rectifié , qui procède de la même volonté d'intégrer au texte une précision à vos yeux importante ?

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Pinville

Volontiers, monsieur le président. Je compléterai également ce qu'a dit ma collègue Martine Billard. Nous avons en effet besoin d'un texte beaucoup plus lisible, et c'est pourquoi nous souhaitons apporter diverses précisions et reprendre l'ensemble des motifs de discrimination tels qu'ils sont énumérés dans les lois de 2001 et 2002.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

La parole est à Mme la rapporteure, pour présenter l'amendement n° 2 rectifié et donner l'avis de la commission sur les amendements nos 58 et 22 et sur le sous-amendement n° 54 .

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

L'amendement n° 2 est un amendement de précision. Il convient en effet de clarifier la rédaction de l'article 1er, en supprimant le renvoi à l'article 2 ; ce qui permet d'énumérer expressément l'ensemble des motifs de discrimination directe ou indirecte, conformément aux exigences communautaires.

La commission a repoussé les amendements nos 58 et 22 , de même que le sous-amendement n° 54 . Leur objet ne correspond pas à l'esprit du projet de loi, qui est de procéder à une transposition stricte des cinq directives concernées. L'extension des dispositions de l'article 1er à d'autres critères que les huit limitativement énumérés n'est ni souhaitable – car elle brouille la démarche adoptée – ni nécessaire. Comme le précise l'exposé des motifs, ces différents critères de discrimination figurent d'ores et déjà dans le droit positif français.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Quel est l'avis du Gouvernement sur ces amendements et le sous-amendement ?

Debut de section - PermalienValérie Létard, secrétaire d'état chargée de la solidarité

L'amendement n° 58 vise à étendre la définition de la discrimination directe, donnée par les directives communautaires, à l'ensemble des discriminations prohibées par l'article 225-1 du code pénal. Cette extension n'est pas nécessaire pour nous acquitter de nos obligations de transposition, puisque les directives qui nous occupent ne régissent que la matière civile.

Par ailleurs, comme je l'ai dit, les directives que nous transposons ne posent de définition que pour les huit motifs de discrimination qu'elles mentionnent : appartenance ou non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, religion, convictions, âge, orientation sexuelle, sexe. Le Gouvernement ne juge pas souhaitable d'aller au-delà des obligations fixées par les directives sans concertation avec ses partenaires au plan européen. Son avis est donc défavorable à l'amendement n° 58 .

L'amendement n° 22 , comme le sous-amendement n° 54 , vise à étendre la définition donnée par les directives communautaires de la discrimination directe à l'ensemble des discriminations prohibées par la loi ou par un engagement international auquel la France est partie. Cette extension n'est pas nécessaire pour nous acquitter de nos obligations de transposition, dans la mesure où les directives ne posent de définition que pour les huit motifs de discrimination qu'elles mentionnent et que j'ai rappelés tout à l'heure. Le Gouvernement ne juge donc pas nécessaire d'aller au-delà des obligations fixées par les directives, en l'occurrence et dans le cadre de la transposition.

Enfin, nous émettons un avis favorable à l'amendement n° 2 rectifié . La rédaction proposée ne modifie pas le fond des dispositions du projet de loi, puisqu'elle se borne à mentionner les motifs de différences de traitement qui sont prohibées au sein même des définitions des discriminations, au lieu d'effectuer, dans cet objet, un renvoi à l'article 2.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Si je comprends bien, madame la secrétaire d'État, nous aurons, dans nos lois, une différence entre le droit civil et le droit pénal. Les victimes de certaines discriminations devront s'adresser au droit pénal au motif que le droit civil ne les reconnaîtra pas : ainsi en sera-t-il, par exemple, de celles portant sur la santé, sur la situation de famille ou sur le patronyme. C'est le choix du Gouvernement, mais il pose un problème. Les victimes de certaines discriminations rencontreront davantage de difficultés à obtenir justice : chacun sait qu'il est plus difficile d'aller au pénal qu'au civil. Mais pour la personne, physique ou morale, qui sera accusée de discrimination, il sera, sur le plan du symbole, beaucoup plus lourd d'être convoqué au pénal qu'au civil.

Ce choix est quelque peu surprenant. Mais lorsqu'on le met en relation avec la proposition de loi votée au Sénat et qui porte sur la modification des délais, on peut y voir une certaine cohérence : le raccourcissement des délais de recours ne portera que sur les huit discriminations que vous introduisez, de manière limitative, en transposant cette directive.

Madame la secrétaire d'État, nous sommes habitués à voir le Gouvernement profiter des transpositions de directives européennes pour ajouter des dispositions qui, à aucun moment, n'ont été demandées par l'Europe. Ainsi, lorsqu'il s'agit d'aggraver la situation en matière de temps de travail, cela ne pose jamais de problème. Alors que nous pourrions introduire une cohérence entre droit civil et droit pénal, le Gouvernement fait le choix inverse. Toutes les associations qui luttent contre les discriminations en prendront acte. Je ne suis pas convaincue qu'elles seront très contentes de la position gouvernementale.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je mets aux voix l'amendement n° 58 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je mets aux voix l'amendement n° 22 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je mets aux voix le sous-amendement n° 54 .

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je suis saisi de trois amendements, nos 24 , 23 et 59 , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour soutenir l'amendement n° 24 .

Peut-être pouvez-vous présenter en même temps l'amendement n° 23  ?

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

Volontiers, monsieur le président.

Nous nous trouvons à peu près dans la même situation que tout à l'heure : il nous semble infiniment plus simple et clair de reprendre la définition générique de la discrimination indirecte, telle qu'exposée tout à l'heure, plutôt que d'essayer d'ajouter des mentions particulières indiquant que cette pratique est justifiée par un objectif légitime. Si nous voulons que ce droit, qui est déjà un peu complexe, soit utile et utilisé, il faut qu'il soit à peu près lisible. Le mieux est donc de prendre une définition, surtout si elle est déjà dans la directive, et de s'y tenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 59 .

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

J'ai déjà précisé certains arguments à propos des amendements précédents. Alors que ceux-ci se veulent fidèles aux définitions de la discrimination indirecte données par les directives communautaires, ce n'est précisément pas le cas en l'espèce. Contrairement au projet de loi, ils suppriment la référence à la nécessité de mise en oeuvre de moyens nécessaires et appropriés pour réaliser des différences de traitement. De ce fait, pour les victimes des discriminations, ces amendements sont moins protecteurs que le texte du projet de loi.

Debut de section - PermalienValérie Létard, secrétaire d'état chargée de la solidarité

Même avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je mets aux voix l'amendement n° 24 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je mets aux voix l'amendement n° 23 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je mets aux voix l'amendement n° 59 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je suis saisi d'un amendement n° 61 .

La parole est à Mme la rapporteure, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienValérie Létard, secrétaire d'état chargée de la solidarité

Favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je mets aux voix l'amendement n° 61 .

(L'amendement est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je suis saisi d'un amendement n° 3 . Il s'agit d'un amendement rédactionnel, auquel le Gouvernement est favorable.

Je mets aux voix l'amendement n° 3 .

(L'amendement est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je suis saisi d'un amendement n° 62 . Il s'agit également d'un amendement de conséquence.

Je mets aux voix l'amendement n° 62 .

(L'amendement est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je mets aux voix l'article 1er, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 1er, ainsi modifié, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je suis saisi de cinq amendements, nos 16 , 25 , 60 , 17 et 20 , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 16 .

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Je défendrai en même temps mes trois amendements, nos 16 , 60 et 17 . L'amendement principal de cette série est le n° 60 ; les autres sont des amendements de repli. Il s'agit toujours du même débat. Ainsi, comme le Gouvernement n'a pas retenu de critères de santé dans la définition des discriminations, les personnes s'estimant victimes d'une discrimination fondée sur leur état de santé devront aller au pénal, et non plus au civil. Or, non seulement la procédure est beaucoup plus lourde, mais les réparations sont en général beaucoup plus faibles au pénal qu'au civil. Ainsi, une personne discriminée pour son état de santé obtiendra moins de réparation qu'une personne qui subit une autre discrimination.

Je ne voyais pas jsuqu'ici de motif réel d'inconstitutionnalité dans la transposition, si ce n'est dans la hiérarchie arrêtée ; mais je m'aperçois finalement, en entendant la position du Gouvernement telle qu'explicitée à l'instant par Mme la secrétaire d'État, que ce texte réintroduit clairement des différences entre les discriminations.

Nous savons que les personnes qui ont des problèmes de santé par exemple ne peuvent pas faire d'emprunt ou connaissent des difficultés à souscrire des assurances. En refusant d'inscrire l'état de santé comme cause de discrimination, nous nions cette situation alors qu'un très grand nombre de personnes sont concernés dans notre pays et que les cas de saisine de la HALDE pour ce motif se multiplient.

Je ne comprends pas pourquoi le Gouvernement adopte une telle position, à moins que ce ne soit pour une raison financière : il est certain que certains lobbies peuvent être intéressés à ce que certaines discriminations relèvent plutôt du pénal que du civil, sachant que les personnes discriminées réfléchissent à deux fois avant d'aller au pénal. Pour cette seule raison, je ne pourrai voter ce projet de loi et je maintiens mon amendement et les amendements de repli.

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

Nous sommes toujours dans le même débat qui, pour moi, est assez incompréhensible. Ce que nous vous demandons, c'est d'unifier le régime des discriminations en visant tous les motifs de discriminations pour pouvoir mener une politique cohérente. La proposition qui nous est faite est surréaliste puisqu'elle introduit des différences de traitement dans la lutte contre les discriminations selon la nature des discriminations. Nous ne comprenons pas la logique du Gouvernement en la matière.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 60 .

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Je l'ai déjà défendu, de même que l'amendement n° 17 .

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l'amendement n° 20 .

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

Une fois n'est pas coutume, j'ai déposé un amendement quasiment identique à celui de Mme Billard.

La discrimination est un phénomène assez sournois, qui ne concerne pas tout le monde cependant, même s'il est relativement répandu. Si nous voulons vraiment combattre les discriminations, nous devons viser avec ce texte l'ensemble des discriminations, concernant notamment les thèmes évoqués dans cet alinéa, tels que la santé, l'éducation. Il me paraît donc important d'étendre le concept de discrimination à la religion, au sexe, à l'âge, au handicap, à l'orientation sexuelle ou à la conviction. Il faut que toutes les formes de discrimination qui existent soient prises en compte et ne pas limiter seulement à la santé ou à l'éducation certaines discriminations et d'autres à l'emploi. Nous savons bien que tout est lié et que lorsqu'une personne est discriminée sur l'emploi, elle se heurte généralement aux mêmes difficultés dans les domaines du logement, de l'éducation, de la santé ou ailleurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

L'objectif poursuivi par l'ensemble de ces amendements est louable mais leur rédaction soit n'apporte rien au projet de loi, soit présente des difficultés importantes.

S'agissant des discriminations fondées sur le sexe, le septième alinéa de l'article 2 prévoit déjà leur interdiction en matière d'accès aux biens et services et de fourniture de biens et de services.

En outre, avant de vouloir croiser de manière systématique tous les motifs de discrimination et tous les domaines de discrimination, il convient d'être prudent : conformément à la démarche communautaire, les directives traitent en effet les sujets les uns après les autres. Le projet de loi, en consacrant des dispositions spécifiques aux différents critères et différents domaines, est plus précis et plus conforme au droit communautaire que les amendements proposés.

Le projet de loi, comme le droit français en général, tout en assurant la lutte contre les discriminations, autorise des différences de traitement dans certains cas spécifiques – ainsi la différence de traitement fondée sur le sexe en matière d'assurance.

Sur la question des discriminations en matière de convictions religieuses, d'âge, d'orientation sexuelle et de handicap, une réflexion au plan communautaire doit être menée en 2008 dans la perspective de la préparation d'une directive sur cette question. Des annonces sont attendues pour le mois de juin. Il semble opportun d'en attendre les conclusions avant de procéder à la transposition du texte qui aura été ainsi élaboré.

Debut de section - PermalienValérie Létard, secrétaire d'état chargée de la solidarité

L'approche communautaire en matière de lutte contre les discriminations a toujours consisté à poser des interdictions valant pour certains motifs et dans certains champs. Cette approche progressive s'est révélée très efficace et je ne crois pas qu'elle conduise à introduire des différences de traitement entre les discriminations.

Tout d'abord, comme le rappelle le premier aliéna de l'article 2 du projet de loi qui vous est soumis, les dispositions transposées s'appliquent sans préjudice des autres règles assurant le respect du principe d'égalité. Or il n'est pas besoin de vous rappeler que l'article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 pose un principe général d'interdiction des discriminations en droit français.

Ensuite, la Commission a engagé un travail de refonte de l'ensemble des directives notamment celles intervenant dans le domaine de la lutte contre les discriminations dans le cadre du programme « Mieux légiférer ». Le Gouvernement estime qu'en anticipant sur des refontes qui n'ont pas encore eu lieu, nous introduirions plus de complexité que de lisibilité. Il souhaite donc respecter la logique qui est celle des textes communautaires, qui plus est dans un projet de loi ayant pour objet d'assurer leur transposition.

S'agissant des discriminations fondées sur le sexe, le septième alinéa de l'article 2 dispose que les discriminations directes ou indirectes fondées sur le sexe sont interdites « en matière d'accès aux biens et services et de fourniture de biens et services ». Cette formulation est parfaitement conforme aux dispositions de la directive 2004113, qui ne mentionne ni la protection sociale, ni la santé ni les avantages sociaux ni l'éducation – l'éducation est en effet explicitement placée hors du champ d'application de la directive.

Dans le domaine de la protection sociale, de la santé, des avantages sociaux, les amendements proposés auraient pour effet de pénaliser les femmes. En effet, en introduisant la notion de sexe dans le 1° de l'article 2, ils condamneraient notamment les mesures prises en faveur des femmes en matière de mode de calcul des pensions de retraites, majoration de pensions, majoration de durée d'assurance. Ce risque est d'autant plus fort que le motif du sexe serait mis au même rang que les concepts d'ethnie et de race pour lesquels la non-discrimination ne doit pas souffrir la moindre exception.

Sur les discriminations fondées sur l'orientation sexuelle, l'âge, le handicap, les convictions religieuses, il n'existe actuellement aucune directive communautaire tendant à les interdire. La Commission a depuis longtemps le projet de remédier à cette lacune, elle a d'ailleurs inscrit un projet de directive en ce sens à son programme de travail pour 2008. Le Gouvernement français, qui assurera bientôt la présidence de l'Union européenne, est prêt à travailler dans le cadre communautaire pour compléter la législation existante. Il soutiendra donc les initiatives que la Commission pourra prendre en ce sens.

Jusqu'à l'intervention d'une éventuelle directive, les discriminations de toute nature demeurent interdites en France en application de l'article 1er de la Constitution.

Pour l'ensemble de ces raisons, je donne un avis défavorable sur l'ensemble de ces amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je mets aux voix l'amendement n° 16 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je mets aux voix l'amendement n° 25 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je mets aux voix l'amendement n° 60 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je mets aux voix l'amendement n° 17 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je mets aux voix l'amendement n° 20 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je suis saisi de deux amendements, nos 26 et 4 , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Martine Pinville, pour soutenir l'amendement n° 26 .

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Pinville

Vous proposez une transcription a minima de la directive 200078. Il serait important de reprendre l'ensemble des motifs de discrimination tels qu'énumérés par les lois de 2001 et de 2002.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement n° 4 et donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 26 .

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

L'amendement n° 4 , rédactionnel, vise à rétablir l'ordre de la liste des motifs de discrimination, conformément à celui de la directive 200078 du 27 novembre 2000.

L'amendement n° 26 a été repoussé par la commission, pour les mêmes raisons que précédemment : il n'est ni souhaitable ni nécessaire de faire référence à des motifs de discrimination qui sont déjà présents dans le droit positif français.

Debut de section - PermalienValérie Létard, secrétaire d'état chargée de la solidarité

Même avis que la commission sur l'amendement n° 26 et avis favorable sur l'amendement n° 4 .

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je mets aux voix l'amendement n° 26 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je mets aux voix l'amendement n° 4 .

(L'amendement est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je suis saisi d'un amendement n° 5 .

La parole est à Mme la rapporteure, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

L'amendement n° 5 vise à reprendre dans la liste des matières dans lesquelles sont interdites les discriminations les notions de conditions de travail et de promotion professionnelle qui figurent expressément dans la directive 200273 relative à la mise en oeuvre du principe d'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelle, et les conditions de travail.

En effet, s'il existe déjà une réelle protection juridique contre les discriminations en matière de conditions de travail et de promotion professionnelle en droit français, des progrès restent à accomplir. C'est ce qu'a montré par exemple la conférence sur les conditions de travail d'octobre 2007 ou ce que révèlent certaines études menées par la HALDE ou par le Bureau international du travail s'agissant des conditions de promotion professionnelle.

Conformément aux exigences tant des directives communautaires que de la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes, il est donc opportun de faire figurer expressément dans la loi que toute discrimination directe et indirecte est interdite en matière de conditions de travail et de promotion professionnelle.

Debut de section - PermalienValérie Létard, secrétaire d'état chargée de la solidarité

Avis favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je mets aux voix l'amendement n° 5 .

(L'amendement est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

En conséquence, l'amendement n° 27 tombe.

Je suis saisi d'un amendement n° 28 .

La parole est à Mme Martine Pinville, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienValérie Létard, secrétaire d'état chargée de la solidarité

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je mets aux voix l'amendement n° 28 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je suis saisi d'un amendement n° 29 .

La parole est à M. Christophe Caresche, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Grâce à un amendement proposé par notre rapporteure, une exception, bienvenue, a été introduite pour renforcer les protections dues aux femmes en congé de maternité. Nous proposons que cette même protection soit étendue aux hommes bénéficiant d'un congé de paternité.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

Je comprends la préoccupation des auteurs de cet amendement, mais la logique de la transposition consiste à prendre en compte les discriminations en matière de maternité, seules visées par les directives européennes. La commission est cependant curieuse de connaître la position du Gouvernement sur ce point important.

Debut de section - PermalienValérie Létard, secrétaire d'état chargée de la solidarité

L'adoption de cet amendement entraînerait de graves difficultés dans la mesure où la paternité serait mise au même rang que la maternité par exemple en matière de congés familiaux. Les directives transposées ont clairement posé le principe d'une asymétrie entre les principes de non-discrimination posés en raison de la maternité et ceux posés en raison de la paternité. Revenir sur cette asymétrie aboutirait à affaiblir la force du principe posé par les directives, selon lequel des mesures spécifiques peuvent être prises en raison de la maternité ; car ce que veulent autoriser les directives, ce n'est pas tant la possibilité de traiter les mères plus favorablement que les femmes qui ne sont pas mères que celle de traiter les mères plus favorablement que les pères. La transposition que la France fait des directives ne peut pas aller contre cette volonté, sous peine de nous exposer au risque de nouvelles procédures en infraction.

Par ailleurs, je souligne que les discriminations dont les pères pourraient être victimes sur leur lieu de travail, par exemple pour avoir pris un congé de paternité, sont interdites en vertu de l'article L.122-45 du code du travail, qui proscrit toute discrimination en raison de la situation de famille. De ce point de vue, l'amendement proposé n'apporterait aucune protection supplémentaire aux pères dans leur activité professionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je mets aux voix l'amendement n° 29 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je suis saisi d'un amendement n° 6 , qui fait l'objet d'un sous-amendement n° 55 .

La parole est à Mme la rapporteure, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Monsieur Caresche, si vous voulez discuter sur l'asymétrie de la paternité par rapport à la maternité, vous pouvez le faire en défendant le sous-amendement n° 55

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je mets aux voix le sous-amendement n° 55 .

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je mets aux voix l'amendement n° 6 .

(L'amendement est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je suis saisi d'un amendement n° 7 .

Cet amendement fait l'objet de trois sous-amendements, nos 56 , 65 et 66 .

Les sous-amendements nos 56 et 65 sont identiques.

La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement n° 7 .

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

Cet amendement rédactionnel vise à assurer une plus grande clarté du régime des différences de traitement admises en matière d'accès aux biens et services et de fourniture de biens et services. Par ailleurs, il tend à supprimer la référence inutile à la loi de 2007 ayant créé le nouvel article L. 111-7 du code des assurances.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

La parole est à Mme Pascale Crozon, pour soutenir le sous-amendement n° 56 .

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Crozon

Ce sous-amendement vise à supprimer un alinéa qui ouvrirait la possibilité de créer des écoles de filles et des écoles de garçons. Une telle possibilité constituerait un retour en arrière important, car elle remettrait en cause la mixité scolaire qui est une réalité en France depuis les années 70 et qui a été consacrée par la loi en 1975. Je veux tirer un signal d'alarme, car ce serait ouvrir la porte aux communautaristes, aux intégristes et aux réactionnaires les plus misogynes de tous poils. Il faut donc être très vigilant. Une telle disposition est très dangereuse.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir les sous-amendements nos 65 et 66 .

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Il arrive que des amendements rédactionnels introduisent des dispositions non prévues au départ. Le projet de loi initial prévoyait une dérogation pour organiser des enseignements non mixtes – le « des » devant être compris comme un article indéfini. L'amendement n° 7 de la commission prévoit une dérogation pour l'organisation « des enseignements » – article défini contracté signifiant « de tous les enseignements » – non mixtes, ce qui n'est pas du tout la même chose que la possibilité d'organiser certains enseignements de manière non mixte. Je ne suis pas sûre qu'il demeure beaucoup d'enseignements requérant une organisation non mixte, mais s'il en est, il importe de parler non « des enseignements », mais « d'enseignements », de sorte qu'un enseignement spécifique puisse être organisé de manière non mixte, mais non tous les enseignements. Sinon, on ouvre la porte à la possibilité de remettre en cause le principe de mixité de l'école. Soit il y a, derrière l'amendement n° 7 , une volonté politique, auquel cas il faut l'expliciter, soit il ne s'agit que d'un problème de rédaction, auquel cas il faut adopter mon amendement de repli, n° 66, qui vise à substituer aux mots : « des enseignements », les mots : « d'enseignements ».

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

La commission a repoussé les sous-amendements nos 56 et 65 . En effet, la disposition en question correspond à une exigence de la directive 2004-113. Il semble donc difficile de la supprimer. Elle permet en outre de préserver l'existence d'enseignements organisés distinctement pour les filles et pour les garçons, comme c'est le cas en matière d'éducation physique et sportive, par exemple. Quant au sous-amendement n° 66 , il n'a pas été examiné par la commission, mais j'y suis favorable à titre personnel.

Debut de section - PermalienValérie Létard, secrétaire d'état chargée de la solidarité

Même avis que Mme la rapporteure.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je mets aux voix par un seul vote les sous-amendements nos 56 et 65 .

(Ces sous-amendements ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je mets aux voix le sous-amendement n° 66 .

(Le sous-amendement est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je mets aux voix l'amendement n° 7 , modifié par le sous-amendement n° 66 .

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

En conséquence, l'amendement n° 30 tombe.

Je suis saisi d'un amendement n° 31 .

La parole est à Mme Pascale Crozon, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Crozon

Le projet de loi interdit les discriminations fondées sur le sexe en matière d'accès aux biens et services et de fourniture de biens et services. Toutefois, il exclut de l'application de ces règles les médias et la publicité. Cette exception n'est pas concevable dans la mesure où les médias et la publicité véhiculent des messages importants pour l'ensemble de la population, notamment les jeunes enfants. L'amendement n° 31 vise donc à supprimer l'alinéa 11 de l'article 2.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

La commission a repoussé l'amendement n° 31 . Cet alinéa ne fait en effet que reprendre une exigence de la directive communautaire 2004-113 qui ne comprend pas la question du contenu des médias et de la publicité dans son champ d'application. C'est une question de périmètre de transposition, non de principe.

Debut de section - PermalienValérie Létard, secrétaire d'état chargée de la solidarité

Je partage l'avis de Mme la rapporteure, mais je souhaite apporter une précision complémentaire. La dérogation prévue par la directive rend d'autant plus nécessaire de conduire un travail sur l'image de la femme dans les médias. Dans le cadre du plan 2008-2010 de lutte contre les violences faites aux femmes, nous avons installé une commission, présidée par Mme Reiser, composée de professionnels de la publicité et des médias, qui devra faire des propositions concrètes pour améliorer la protection dont bénéficie l'image des femmes. Si des mesures législatives se révèlent nécessaires, le Gouvernement présentera un projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je mets aux voix l'amendement n° 31 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je mets aux voix l'article 2, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 2, ainsi modifié, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je suis saisi d'un amendement n° 32 .

La parole est à M. Christophe Caresche, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

L'article 3 va dans le bon sens puisqu'il prévoit une protection des personnes qui témoignent en matière de discrimination. Cela dit, nous avons été intrigués par le fait qu'il évoque les personnes ayant témoigné « de bonne foi ». Cette précision affaiblit la portée du texte et n'est pas conforme à l'article L. 122-45 du code du travail qui ne prévoit pas cette limite. L'amendement n° 32 vise donc tout simplement à supprimer la précision « de bonne foi ».

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

La commission a repoussé cet amendement. Il importe d'être motivé par la préoccupation louable qui consiste à assurer une protection maximale des personnes contre les rétorsions en cas de témoignage d'agissements discriminatoires. J'ai moi-même proposé un amendement, n° 8 , dans ce sens. En l'espèce, il faut cependant être méfiant. En effet, s'il n'est pas expressément précisé que la personne ayant témoigné d'agissements discriminatoires doit l'avoir fait « de bonne foi », le juge pourrait avoir à connaître de tous témoignages, même de mauvaise foi. Le Gouvernement nous confirmera sans doute cette interprétation. C'est pourquoi je me tourne vers Mme la secrétaire d'État.

Debut de section - PermalienValérie Létard, secrétaire d'état chargée de la solidarité

Même avis défavorable. La bonne foi est présumée dans les règles qui sont posées de manière affirmative, pas dans celles qui, comme en l'espèce, le sont de manière négative. La précision indiquant que seules les personnes ayant témoigné de bonne foi d'agissements discriminatoires bénéficient d'une protection contre les mesures de rétorsion est donc nécessaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Il est toujours possible à la victime d'un témoignage de mauvaise foi de porter plainte et de demander réparation pour dénonciation calomnieuse. Je ne vois donc pas pourquoi il faudrait ici faire mention de la notion de « bonne foi » que l'on ne retrouve nulle part ailleurs en ce domaine. En outre, cela mettra les juges en difficulté en les obligeant à se demander chaque fois si le témoignage qu'ils recueillent est ou non de bonne foi, et ce sera source de nombreux contentieux.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Je me pose la même question. Le faux témoignage est déjà réprimé par notre droit. Toute personne faisant un faux témoignage pour incriminer quelqu'un peut être poursuivie. Du reste, la notion de « bonne foi » ne s'applique plus guère, me semble-t-il, qu'aux locataires, dans le cas de non-paiement des loyers ou d'expulsions, où l'on parle d'« occupant de bonne foi ». L'introduction de la notion de « bonne foi » dans le cas présent a de quoi surprendre, sans compter que cela faciliterait pour les personnes mises en cause la possibilité de se retourner contre la personne ayant témoigné contre elles, en prétendant notamment que son témoignage n'est pas de « bonne foi », ce qu'elles n'ont déjà que trop tendance à faire en matière de discrimination. Cela risque d'ouvrir la voie à des procédures sans fin.

Puisque dès le début de ce débat on nous renvoie à la directive, toute la directive et rien que la directive, j'aimerais bien savoir si celle-ci comporte cette notion de « bonne foi ». Si tel n'est pas le cas, tenons-nous en strictement, ici aussi, à la directive !

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

Je suis favorable à cet amendement. En effet, introduire cette précision dans le texte laisserait sous-entendre que l'on pourrait témoigner de mauvaise foi, ce qui est passible de poursuites dans notre droit. Un témoin est forcément de bonne foi, sauf à être poursuivi pour faux témoignage.

Debut de section - PermalienValérie Létard, secrétaire d'état chargée de la solidarité

L'objectif est de s'assurer de la bonne utilisation des procédures judiciaires. Voter cet amendement risque d'engendrer des contentieux supplémentaires, ce qui ne sera pas le cas si nous écrivons tout de suite correctement le texte. C'est une simple question d'écriture du droit français pour respecter les règles en vigueur.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Je ne suis absolument pas convaincu. Si un juge accepte un témoignage qu'il pense de bonne foi mais qui se révèle fait de mauvaise foi, sa responsabilité sera-t-elle mise en cause ? Vous introduisez une notion qui posera bien des problèmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je mets aux voix l'amendement n° 32 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je suis saisi d'un amendement n°8 .

La parole est à Mme la rapporteure, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

Cet amendement vise à étendre la protection contre les rétorsions en matière de discrimination aux cas où interviendrait une seule discrimination. Il n'y a pas lieu en effet de restreindre cette protection à la seule situation dans laquelle interviendraient plusieurs agissements discriminatoires.

Je rappelle que, dans sa rédaction actuelle, l'article 3 vise les situations de témoignage « d'agissements discriminatoires ». Mais qu'en sera-t-il lorsque ne sera intervenu qu'un fait discriminatoire ? De manière à éviter toute ambiguïté, il paraît juridiquement plus sûr de procéder à une nouvelle rédaction de l'article, afin de prévoir qu'aucune personne ayant témoigné de bonne foi « d'un agissement discriminatoire ou l'ayant relaté » ne pourra être traitée défavorablement de ce fait.

Debut de section - PermalienValérie Létard, secrétaire d'état chargée de la solidarité

Avis favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

Pardonnez-moi de souligner que ce n'est pas très cohérent. Je suis favorable à l'amendement de Mme la rapporteure, puisque je souhaite, comme elle, étendre la protection de ceux qui témoignent en matière de discrimination. Mais on ne peut estimer qu'il est utile d'étendre cette protection et introduire parallèlement une restriction qui limitera considérablement l'audace du témoin.

Nous savons que, rapporté à la quantité de discriminations ressenties ou signalées par des témoins à la HALDE, le nombre des procédures qui aboutissent est infime. Très souvent, en effet, les témoins butent sur la difficulté d'apporter des preuves. Permettre que l'un d'eux puisse craindre de voir sa bonne foi contestée, c'est apporter encore une restriction dans un domaine où, je le répète, l'ampleur du problème souligné sur le plan international, notamment par le BIT, est sans proportion avec le nombre dérisoire des décisions rendues. Pourquoi, dans ce contexte, réduire encore la possibilité de témoigner quand quelqu'un a observé une discrimination ? A posteriori, ses propos seront ou non validés par le juge. Mais il n'est pas logique que, lorsqu'il dépose, le témoin ait à se demander s'il sera ou non considéré comme de bonne foi. Cette notion n'apparaît d'ailleurs pas dans la directive qui, je le constate une nouvelle fois, est transcrite a minima.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je mets aux voix l'amendement n° 8 .

(L'amendement est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je suis saisi d'un amendement n° 9 .

La parole est à Mme la rapporteure, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienValérie Létard, secrétaire d'état chargée de la solidarité

Avis favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je mets aux voix l'amendement n° 9 .

(L'amendement est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je suis saisi d'un amendement n° 33 .

La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

Nous avons jugé utile d'établir une hiérarchie entre les sujets. En effet, certaines personnes peuvent hésiter à témoigner d'un agissement discriminatoire au motif qu'elles manqueraient à l'obligation du secret professionnel. Mais, de la même façon que celle-ci a été levée au nom d'un objectif supérieur, notamment quand il s'agit d'un enfant, il faut établir la supériorité de la protection contre les discriminations sur l'obligation de respecter le secret professionnel. On va ainsi dans le sens du but que nous recherchons : faciliter la lutte contre les discriminations et accroître la protection des témoins contre les rétorsions.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

L'amendement a été repoussé par la commission. Même s'il répond à une préoccupation légitime, il ne reprend pas assez fidèlement, à mon sens, les termes de la loi de 2004. Celle-ci impose en effet à la HALDE d'assurer la protection des personnes astreintes au secret professionnel dans le seul champ pénal, ce qui n'est pas ce que prévoit le texte de cet amendement. Sa rédaction doit donc être améliorée, et une expertise complémentaire paraît nécessaire.

Debut de section - PermalienValérie Létard, secrétaire d'état chargée de la solidarité

Même avis que la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je mets aux voix l'amendement n° 33 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je mets aux voix l'article 3, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 3, ainsi modifié, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Sur l'article 4, je suis saisi de deux amendements identiques, nos 21 et 34 .

La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l'amendement n° 21 .

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

Cet amendement vise à remplacer le mot « établit » par le mot « présente », afin de mettre le projet de loi en cohérence avec le code du travail, dont l'article L. 122-45 dispose qu'en cas de litige, « le salarié concerné ou le candidat à un recrutement, à un stage ou à une période de formation en entreprise présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. » Le texte du projet de loi étant évidemment beaucoup plus contraignant pour celui qui est ou se sent discriminé, il m'a paru important de rétablir le terme « présente », sinon l'expression complète : « présente des éléments de fait ».

Qu'arrivera-t-il en effet lorsque surviendra un litige dans le domaine du travail ? Sur quel texte le juge devra-t-il se fonder : sur l'article L. 122-45 du code du travail, qui dispose qu'il suffit d'apporter un document indiquant la discrimination, ou sur le projet de loi, qui impose à la personne discriminée d'« établir les faits », selon la formule juridique, c'est-à-dire de présenter un dossier complet ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Souhaitez-vous défendre l'amendement n° 34 , madamePau-Langevin ?

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

Oui, monsieur le président, mais je recourrai au même argument. La rédaction proposée tend à contrer davantage encore la lutte contre la discrimination.

La mise en concurrence de formules différentes dans deux textes législatifs obéit toujours à une intention. Le choix du verbe « établir », au lieu du verbe « présenter », qui figure dans le droit existant, s'explique par la volonté d'introduire une définition plus restrictive. Si tel n'est pas le cas, il importe, afin que le juge n'ait pas à hésiter, d'utiliser dans le projet de loi le même terme que dans le code. Pourquoi, en effet, substituer « établit » à « présente », sinon pour ajouter, à la faveur de la transcription, un tour de vis supplémentaire en vue de freiner la lutte contre la discrimination ?

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

L'amendement a été accepté par la commission. Les amendements qui ont pour objectif de favoriser la protection des personnes discriminées paraissent bienvenus et vont dans le sens des initiatives retenues par la commission.

Debut de section - PermalienValérie Létard, secrétaire d'état chargée de la solidarité

Il s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 21 et 34 .

(Ces amendements sont adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je mets aux voix l'article 4, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 4, ainsi modifié, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je suis saisi d'un amendement n° 50 portant article additionnel après l'article 4.

La parole est à M. Christophe Caresche, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Cet amendement porte sur un point important de la discussion. Dans un avis motivé comportant quatre points, la Commission précise que les associations de lutte contre les discriminations doivent pouvoir se porter partie civile pour défendre des personnes victimes de discriminations.

Or nous avons eu la surprise de constater que cette disposition n'apparaissait pas dans le texte. Elle figure certes dans le code du travail, mais limitée aux discriminations relevées dans ce seul domaine. Il importe donc d'élargir le champ de la disposition pour faire droit à la demande expresse de la Commission.

D'autre part, la législation française prévoit que ces associations doivent avoir cinq ans d'existence, mesure que la Commission conteste en termes très précis, considérant qu'elle n'est ni pertinente ni proportionnée. Là encore, le projet de loi n'apporte pas de réponse. Faute de solution à l'issue de ce débat, la Commission, qui a insisté sur ce point, serait sans doute fondée à sanctionner la France.

Pour éviter une telle situation, nous suggérons de maintenir l'obligation d'une existence de cinq ans pour que les associations puissent ester en justice, tout en prévoyant qu'une habilitation de la Haute autorité de lutte contre les discriminations puisse autoriser les associations de moins de cinq ans à le faire. Je rappelle par exemple que, aujourd'hui, l'association « Ni putes ni soumises », dont tout le monde salue la compétence et le travail, se voit privée du droit d'ester en justice, alors qu'elle aurait toutes les capacités pour le faire.

Nous souhaitons donc, d'une part, que le texte prévoie la possibilité pour les associations d'ester en justice et, d'autre part, que cette question des cinq ans soit résolue de manière satisfaisante, sachant qu'il ne s'agit que de répondre à la demande de la Commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

L'amendement a été repoussé par la commission. Il ne me paraît pas opportun. Selon les informations transmises par le Gouvernement, les dispositions relatives au régime des actions en justice concernent la procédure juridictionnelle. De ce fait, elles relèvent du domaine réglementaire et non pas législatif. Elles seront donc transposées par décret. Un texte est en préparation au ministère de la justice, qui sera publié dès que la nouvelle loi aura été promulguée. Mme la secrétaire d'État nous le confirmera certainement.

Debut de section - PermalienValérie Létard, secrétaire d'état chargée de la solidarité

Avis défavorable, pour les raisons qui viennent d'être évoquées. Le Gouvernement est conscient du rôle que peuvent jouer les associations auprès des victimes de discriminations dans les procédures tant administratives que judiciaires. Il prendra donc par voie de décret les dispositions relevant du champ réglementaire, aussitôt après l'examen de la loi. Nous nous engageons à le faire fin avril.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Je suis très dubitatif sur ce que je viens d'entendre, et ce pour une raison simple. Dans votre rapport, où vous abordez cette question, madame Vasseur, vous écrivez : « Alors que la Commission européenne considère cette règle [des cinq ans] comme excessivement restrictive, la France répond qu'au contraire cette condition permet de renforcer la protection des personnes faisant l'objet de discriminations en les faisant bénéficier de l'action d'associations expérimentées. » En somme, la France considère que ce délai de cinq ans doit être maintenu, puisqu'il apparaît comme un gage de compétence. Auriez-vous changé d'avis ? C'est évidemment votre droit, mais j'aimerais connaître votre position exacte.

Deuxièmement, j'ai en main le précis Dalloz de procédure civile, dont je me suis saisi après avoir entendu votre réponse. Il mentionne très clairement la nécessité d'une habilitation législative, notamment pour les syndicats, quand il s'agit de défendre les intérêts des personnels et des salariés victimes de discriminations. Les mêmes dispositions s'appliquent aux associations, qui peuvent agir par mandat si toutefois elles sont spécialement habilitées à cet effet. Je conteste donc formellement qu'une telle question relève du champ réglementaire. Ce n'est pas ce qui ressort du texte que j'ai sous les yeux.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je mets aux voix l'amendement n° 50 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Sur l'article 5, je suis saisi d'un amendement n° 10 rectifié .

Il s'agit d'un amendement de précision présenté par la commission.

Le Gouvernement y est favorable.

Je mets aux voix l'amendement n° 10 rectifié .

(L'amendement est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je mets aux voix l'article 5, modifié par l'amendement n° 10 rectifié .

(L'article 5, ainsi modifié, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Sur l'article 6, je suis saisi d'un amendement n° 35 .

La parole est à Mme Martine Pinville, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Pinville

Par cet amendement, nous proposons de supprimer les alinéas 3 et 4 de l'article 6. En effet, les articles L. 122-45-3 et L. 122-45-4 du code du travail paraissent plus favorables à la protection du principe d'égalité de traitement.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

La commission a repoussé cet amendement. Nous avons déjà abordé cette question. L'argument selon lequel le droit existant suffirait n'est pas valide, dans la mesure où la Commission européenne impose à la France de conditionner des différences de traitement non seulement à l'existence d'une exigence professionnelle essentielle et déterminante, mais aussi à un objectif légitime et à une exigence proportionnée. Il importe donc de procéder à cette transposition au profit des personnes discriminées.

Debut de section - PermalienValérie Létard, secrétaire d'état chargée de la solidarité

Oui, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je mets aux voix l'amendement n° 35 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je suis saisi d'un amendement n° 36 .

La parole est à M. Christophe Caresche, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Je suis surpris de n'avoir obtenu aucune réponse claire, ni de la part de la commission ni du Gouvernement. J'ai posé deux questions très précises concernant le délai de cinq ans. Le Gouvernement confirme-t-il ce qu'a écrit la rapporteure selon laquelle ce délai serait une condition qui garantirait la compétence des associations ? La Commission européenne met très clairement en cause cette idée. Le Gouvernement est-il, oui ou non, décidé à traiter cette question ?

Deuxièmement, j'ai présenté un certain nombre d'éléments concernant le caractère réglementaire de la mesure. Il en ressort clairement qu'il faut une habilitation législative pour que les associations ou les syndicats puissent ester en justice. J'aimerais donc que vous m'indiquiez si cette interprétation est juste ou pas.

Debut de section - PermalienValérie Létard, secrétaire d'état chargée de la solidarité

Avis défavorable. Aucun texte ne prévoit actuellement de procédure d'habilitation par la HALDE, le Gouvernement n'est donc pas favorable à l'amendement proposé dans la mesure où l'état du droit ne permettrait pas de l'appliquer. Le critère des cinq ans constitue de notre point de vue une protection adéquate pour les victimes qui souhaiteraient demander à une association d'ester en justice pour leur compte.

Enfin, je souligne que l'amendement présenté n'est absolument pas nécessaire dans la perspective de transposition dans laquelle nous nous situons. Les dispositions de l'article L. 122-45-1 qu'il est proposé de modifier concernent l'intérêt à agir des associations, autrement dit la procédure juridictionnelle. De ce fait, elles sont de nature réglementaire, comme je l'ai précisé tout à l'heure, et le Gouvernement procédera à leur déclassement lorsqu'il envisagera de les modifier.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Voilà une première réponse, mais elle n'est pas sans poser problème. Pour ce qui est du délai de cinq ans, je vous donne lecture de l'avis motivé de la Commission européenne : « Pour ces motifs, la Commission des communautés européennes émet l'avis motivé qu'en ne prévoyant pas une définition de la discrimination indirecte, en prévoyant une définition du harcèlement qui exige l'existence de plusieurs actes, en n'interdisant pas le harcèlement en dehors du domaine du travail, et en reconnaissant un intérêt légitime pour exercer les droits à la partie civile dans les procédures auxquelles l'application de la directive donne lieu seulement aux associations régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans à la date des faits, n'assurant pas de manière complète la protection contre les rétorsions, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent. »

Vous nous dites aujourd'hui que vous ne reviendrez pas sur ces cinq ans qui font très précisément partie de l'avis motivé de la Commission européenne. Vous ne transposez donc pas ce point alors que la Commission vous le demande. Cela signifie clairement que vous prenez aujourd'hui le risque de vous exposer à des sanctions de la part de la Commission. Vous avez argué, à l'occasion d'un précédent amendement, que le Gouvernement n'entendait pas prendre le risque d'être sanctionné par la Commission. Là, vous le prenez tout à fait consciemment ; l'Assemblée nationale devait être éclairée sur ce point.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la solidarité.

Debut de section - PermalienValérie Létard, secrétaire d'état chargée de la solidarité

Je confirme que le Gouvernement maintient le délai de cinq ans pour les associations. Il le fait au nom d'un principe qui irrigue le droit français, qui protège les victimes et sur lequel la Commission nous a entendus…

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

Non ! Elle ne vous a pas entendu puisqu'elle vous met en demeure !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Monsieur Caresche, vous venez d'exposer votre argumentation et nous avons entendu votre lecture de cet avis. La secrétaire d'État vient de vous donner son point de vue : vous êtes visiblement en désaccord…

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Il ne s'agit pas d'un désaccord, mais de faits, monsieur le président, et le Gouvernement ne peut pas dire des choses qui sont inexactes.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Le Gouvernement ne peut pas dire ce qu'il veut. Prétendre qu'aujourd'hui, il est d'accord avec la Commission européenne alors que l'avis motivé de celle-ci que je vous ai lu demande clairement de revenir sur le délai de cinq ans, excusez-moi, mais cela s'appelle un mensonge ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je mets aux voix l'amendement n° 36 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je suis saisi d'un amendement n° 37 de précision rédactionnelle.

Quel est l'avis de la commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

La commission a repoussé cet amendement qui sous couvert de précision rédactionnelle est quelque peu restrictif contrairement à la lettre des directives communautaires. L'énumération du premier alinéa de l'article L. 122-45-3 ne doit pas être comprise comme étant limitative.

Debut de section - PermalienValérie Létard, secrétaire d'état chargée de la solidarité

Avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je mets aux voix l'amendement n° 37 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je suis saisi d'un amendement n° 38 rectifié .

La parole est à Mme Pascale Crozon, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Crozon

Cet amendement complète et étend les obligations d'affichage des textes légaux – aujourd'hui limitées aux seuls documents touchant à l'égalité entre les sexes – à l'ensemble des dispositions relatives à l'égalité de traitement, en particulier celles relatives aux discriminations. Je rappelle que cet affichage est une obligation directement issue de l'article 12 de la directive 200078CE qui contraint les États à porter ces dispositions à la connaissance du public par tous les moyens appropriés, notamment sur le lieu de travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

La commission a accepté cet amendement. Je comprends très bien la préoccupation qui le motive et salue une initiative qui me paraît fort pertinente.

Debut de section - PermalienValérie Létard, secrétaire d'état chargée de la solidarité

Sagesse.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je suis saisi d'un amendement n° 11 de coordination présenté par la commission.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Debut de section - PermalienValérie Létard, secrétaire d'état chargée de la solidarité

Favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je suis saisi d'un amendement n° 39 .

Il s'agit d'un amendement de précision.

Quel est l'avis de la commission ?

Debut de section - PermalienValérie Létard, secrétaire d'état chargée de la solidarité

Même avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je mets aux voix l'amendement n° 39 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je mets aux voix l'article 6, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 6, ainsi modifié, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Sur l'article 7, je suis saisi d'un amendement n° 12 .

Cet amendement, présenté par la commission, est de coordination.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Debut de section - PermalienValérie Létard, secrétaire d'état chargée de la solidarité

Favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je mets aux voix l'amendement n° 12 .

(L'amendement est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je suis saisi d'un amendement n° 40 .

La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

Je reviens sur le débat que nous venons d'avoir pour vous dire mon étonnement quant à la manière dont nous travaillons. L'interprétation du Gouvernement n'étant pas conforme à l'avis de la Commission européenne, celle-ci nous met en demeure de changer ce qui ne va pas. Un texte est présenté à l'Assemblée nationale, mais le Gouvernement nous explique qu'il s'en occupera seul dans son coin en prenant un décret et que nous n'avons pas à nous en mêler ! Cette manière de faire en dit long sur la considération portée au travail du Parlement…

De deux choses l'une : ou bien le travail législatif que nous faisons ici est utile, et nous sommes dans notre rôle lorsque nous demandons au Gouvernement de transcrire et de respecter les injonctions de la Commission ; ou bien il ne l'est pas, auquel cas je me demande à quoi servent nos discussions si, sur les points qui font l'objet d'un conflit explicite entre le gouvernement français et la Commission, on se borne à nous répondre : « Circulez, il n'y a rien à voir, on va s'en occuper tout seul. » Cette manière de procéder ne me semble pas satisfaisante et le Gouvernement serait bien inspiré, sur un texte aussi important, de ne pas traiter les demandes des parlementaires avec une telle désinvolture.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

L'amendement n° 40 a été repoussé par la commission au nom des mêmes arguments que ceux développés pour l'amendement n° 35 et qui renvoient aux dispositions du code du travail en vigueur.

Debut de section - PermalienValérie Létard, secrétaire d'état chargée de la solidarité

Avis défavorable sur l'amendement n° 40 . Je veux préciser que la Commission européenne a émis un avis favorable à un avant-projet que nous lui avons envoyé.

Debut de section - PermalienValérie Létard, secrétaire d'état chargée de la solidarité

Nous communiquerons cet avis par écrit à M. Caresche. Les avis de la Commission évoluent, les contacts informels que nous avons avec elle sont permanents.

Debut de section - PermalienValérie Létard, secrétaire d'état chargée de la solidarité

Au contraire, et une version écrite de cet avis sera soumise à votre information.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je mets aux voix l'amendement n° 40 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je suis saisi d'un amendement n° 42 de précision.

Quel est l'avis de la commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

La commission a repoussé cet amendement avec la même argumentation que celle développée s'agissant de l'amendement n° 37 et qui renvoie au code du travail actuellement en vigueur.

Debut de section - PermalienValérie Létard, secrétaire d'état chargée de la solidarité

Avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je mets aux voix l'amendement n° 42 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je suis saisi d'un amendement n° 63 .

La parole est à M. Christophe Caresche, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Puisque j'ai à nouveau la parole, je me permets de revenir sur la question du délai de cinq ans. Je vous lis ce qui a été écrit sur cette question par la Commission européenne dans sa première mise en demeure adressée à Philippe Douste-Blazy : « La date de constitution des associations ne semble pas pertinente pour l'évaluation de l'intérêt légitime à agir et limiterait la possibilité pour certaines associations de bénéficier des droits que leur confère la directive. »

Dans une seconde mise en demeure, la Commission écrit : « Bien que la directive dispose qu'il appartient à la législation nationale d'établir les critères pour définir quelles organisations ont un intérêt légitime à assurer que les dispositions de la directive soient respectées, la condition de la loi française concernant la durée de leur personnalité juridique semble ne pas être conforme à la directive étant donné qu'elle semble limiter la possibilité même pour les associations de bénéficier des droits que le deuxième paragraphe de l'article 7 de la directive leur confère. »

Enfin, dans son avis motivé, la Commission européenne reprend : « Il appartient à la législation nationale d'établir les critères pour définir quelles organisations ont un intérêt légitime à assurer que les dispositions de la directive soient respectées, la condition de la loi française concernant la durée de leur personnalité juridique semble ne pas être conforme à la directive étant donné qu'elle semble limiter la possibilité pour les associations de bénéficier des droits que le deuxième paragraphe de l'article 7 de la directive leur confère. »

Ainsi, cette question est soulevée dans les trois demandes de la Commission, non pas au détour d'une phrase, mais dans un paragraphe complet consacré au sujet. Alors qu'il s'agit, dans son avis motivé, d'une des conditions clairement exprimée par la Commission européenne, vous nous expliquez aujourd'hui que cette dernière est d'accord avec vous ! Je suis désolé, mais j'ai du mal à vous suivre.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Monsieur Caresche, vous avez ouvert un débat et Mme la ministre vous a répondu qu'elle vous communiquerait un document écrit. Quand vous l'aurez, vous pourrez reprendre ce débat si vous le souhaitez.

Je mets aux voix l'amendement n° 63 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je suis saisi d'un amendement n° 13 de coordination présentée par la commission.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Debut de section - PermalienValérie Létard, secrétaire d'état chargée de la solidarité

Favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je mets aux voix l'amendement n° 13 .

(L'amendement est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je suis saisi d'un amendement n° 64 rectifié .

La parole est à Mme Pascale Crozon, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienValérie Létard, secrétaire d'état chargée de la solidarité

Sagesse.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je suis saisi d'un amendement n° 41 de précision.

Quel est l'avis de la commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

L'amendement n° 41 a été repoussé par la commission au nom de la même argumentation que pour l'amendement n° 39 , qui renvoie au code du travail en vigueur.

Debut de section - PermalienValérie Létard, secrétaire d'état chargée de la solidarité

Avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je mets aux voix l'amendement n° 41 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je mets aux voix l'article 7, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 7, ainsi modifié, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je suis saisi de plusieurs amendements portant articles additionnels après l'article 7.

La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir son amendement n° 57 .

Debut de section - PermalienValérie Létard, secrétaire d'état chargée de la solidarité

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je mets aux voix l'amendement n° 57 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 18 et 44 .

La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir son amendement n° 18 .

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Mon amendement traite d'un point qui ne semble pas avoir été repris dans la transposition. À l'heure actuelle, les personnes qui relèvent du code du travail et intentent une action pour discrimination peuvent être aidées par des associations. Tel n'est pas le cas des agents de la fonction publique qui ne peuvent bénéficier de l'assistance juridique des associations lorsque, victimes de discriminations, ils sont confrontés à la juridiction administrative. La directive demandait pourtant que cet oubli soit réparé, ce que l'amendement n° 18 propose de faire, à l'instar de ce qui existe dans le secteur privé.

C'est le minimum que nous puissions faire ; je ne prétends pas que mon amendement soit parfaitement rédigé, mais il serait tout de même bizarre à l'issue de ce débat qu'il subsiste, en matière de discriminations, une différence de traitement entre salariés du secteur privé et salariés du secteur public et que les uns puissent être aidés dans leur défense tandis que les autres ne le seraient pas.

Pour avoir dû suivre le cas d'un fonctionnaire victime de discriminations en raison de son orientation sexuelle, je puis vous dire combien le fait de ne pas pouvoir être accompagné devant le tribunal administratif par une association l'a affaibli dans sa démarche. D'autant que la pression est parfois si forte que la victime va très mal – c'était d'ailleurs le cas de ce fonctionnaire. Il est donc très important que ces personnes puissent bénéficier d'un soutien technique, juridique, mais aussi psychologique.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

La parole est àMme George Pau-Langevin, pour soutenir l'amendement n° 44 .

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

Je suis d'accord avec Mme Billard : il faut que les salariés du privé et du public soient sur un pied d'égalité. C'est pourquoi nous souhaitons que les associations puissent soutenir les fonctionnaires dans leurs démarches. On sait très bien que si les victimes ne sont pas accompagnées par des personnes compétentes et sensibles au problème, la lutte contre les discriminations n'est pas menée correctement.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

La commission a repoussé ces deux amendements. Les dispositions du projet de loi comportent les définitions des discriminations directes ou indirectes qui seront d'application générale, immédiate et transversale. Les rappeler dans la loi de 1983 n'apporterait aucune garantie supplémentaire en faveur des fonctionnaires. Cette loi attache en outre des sanctions disciplinaires aux faits qu'elle qualifie de harcèlement ou de discrimination. Or les sanctions disciplinaires ont le caractère, en vertu de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, de sanctions quasi pénales. Elles n'ont donc pas vocation à être régies par les directives transposées.

Par ailleurs, la question du régime des actions en justice concerne la procédure juridictionnelle. Elle relève de ce fait du domaine réglementaire et non du domaine législatif. Ces dispositions seront donc transposées par décret. Un texte est en préparation au ministère de la justice, qui sera publié dès que la nouvelle loi aura été promulguée.

Debut de section - PermalienValérie Létard, secrétaire d'état chargée de la solidarité

Même avis que la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 18 et 44 .

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 19 et 43

La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 19 .

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Si j'ai bien compris, madame la rapporteure, les fonctionnaires pourront bien être aidés par des associations, mais la disposition qui le leur permet relève du domaine réglementaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Nous serons donc attentifs, car cette mesure répondrait à une attente forte.

J'en viens à l'amendement n° 19 , qui porte sur le harcèlement. En effet, l'assimilation de celui-ci à une discrimination n'est pas clairement explicitée pour ce qui est des fonctionnaires. Nous souhaitons donc préciser les choses, afin que soit bien pris en compte le fait que le harcèlement peut être assimilé à une discrimination.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

L'amendement n° 43 est défendu.

Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

Ces amendements ont été repoussés par la commission. Les directives transposées n'ont pas vocation à régir la matière pénale, mais uniquement la matière civile. Or les assimilations proposées touchent directement ou indirectement la matière pénale et contribuent à élargir les incriminations prévues par le droit français. Elles sortent donc du cadre de la transposition.

Par ailleurs, il n'y a pas de nécessité logique à aligner la définition pénale des délits de harcèlement ou de discrimination sur la définition civile, compte tenu du fait qu'elles entraînent des conséquences de nature tout à fait différente.

Debut de section - PermalienValérie Létard, secrétaire d'état chargée de la solidarité

Même avis que la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

La position du Gouvernement nous conduit à nous interroger. Il nous indique en effet que cette transposition ne concerne pas les dispositions relevant du droit pénal ou du droit du travail. Mais alors, où entend-il codifier ce texte ? Et s'il ne l'est pas, comment pourrons-nous être certains que les dispositions entreront bien en application ?

Par ailleurs, je suis surprise d'entendre que la possibilité pour les associations d'intervenir devant une juridiction relève du domaine réglementaire. Si tel est bien le cas, c'est une nouveauté, car nos codes de procédure comportent de nombreux articles qui prévoient l'intervention des associations. Je souhaiterais donc que vous nous précisiez depuis quand une telle disposition relève du domaine réglementaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 19 et 43 .

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Sur l'article 8, je suis saisi d'un amendement n° 45 .

La parole est à Mme Martine Pinville, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Pinville

La rédaction actuelle du 3° de l'article 225-3 du code pénal est plus favorable à la protection du principe d'égalité de traitement, conformément aux dispositions du code du travail ou aux lois portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique, que la rédaction proposée, qui crée de nouvelles exceptions à ce principe, non justifiées par la lutte contre les discriminations.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

Cet amendement a été repoussé par la commission. Il supprime notamment la possibilité de procéder à des différenciations fondées, en matière d'embauche, sur le sexe, lorsqu'un tel motif constitue une exigence professionnelle et déterminante et pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée. À ce titre, l'amendement est contraire aux exigences communautaires que le projet de loi a précisément vocation à transposer.

Debut de section - PermalienValérie Létard, secrétaire d'état chargée de la solidarité

Même avis que la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je mets aux voix l'amendement n° 45 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 14 et 46 .

Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements rédactionnels ?

Debut de section - PermalienValérie Létard, secrétaire d'état chargée de la solidarité

Favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 14 et 46 .

(Ces amendements sont adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

Nous avions déposé l'amendement n° 46 dans le souci d'harmoniser et de renforcer la cohérence des textes, mais le problème réside plus largement dans le fait que nous ne disposons pas d'une définition suffisamment précise de la discrimination. À cet égard, il convient de ne pas utiliser indifféremment les termes de différenciation et de discrimination : la première est légitime, alors que la seconde est une différenciation fondée sur des motifs illégitimes. Il conviendrait, là encore, que l'on y voie plus clair.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je suis saisi d'un amendement n° 47 .

La parole est à Mme Pascale Crozon, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Crozon

Nous proposons de supprimer les mots « ou de l'apparence physique » de l'alinéa 2 de l'article 8. L'apparence physique ne peut constituer une exigence professionnelle essentielle et déterminante.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

Il est vrai que le critère de l'apparence physique n'était pas présent jusqu'ici dans le code pénal. Pour autant, son inclusion dans le texte de l'article 8 vise à favoriser, conformément à la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes et aux délibérations de la Haute autorité pour la lutte contre les discriminations, la prise en compte de situations où, précisément, l'apparence physique constitue une exigence professionnelle déterminante.

Debut de section - PermalienValérie Létard, secrétaire d'état chargée de la solidarité

Même avis que la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je mets aux voix l'amendement n° 47 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je suis saisi d'un amendement n° 48 .

La parole est à Mme Françoise Imbert, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Imbert

Nous proposons de supprimer l'alinéa 4 de l'article 8. Cette disposition, qui concerne les emplois réservés dans la fonction publique, n'a pas lieu d'être introduite dans le code pénal et relève d'un texte de réforme des dispositions statutaires relatives à la fonction publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

Amendement repoussé par la commission. L'alinéa 4 de l'article 8 vise à favoriser la prise en compte de spécificités propres à la fonction publique française, dans le respect des exigences communautaires. À ce titre, ces dispositions constituent un équilibre entre les exigences de non-discrimination et la prise en considération des spécificités du statut des fonctionnaires en France. Revenir sur cet équilibre serait susceptible de remettre en cause le fonctionnement des services publics français.

Debut de section - PermalienValérie Létard, secrétaire d'état chargée de la solidarité

Même avis que la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je mets aux voix l'amendement n° 48 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je mets aux voix l'article 8, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 8, ainsi modifié, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Sur l'article 9, je ne suis saisi d'aucun amendement.

Je mets aux voix l'article 9.

(L'article 9 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je suis saisi d'un amendement n° 53 , portant article additionnel après l'article 9.

La parole est à Mme Martine Pinville, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Pinville

Cet amendement, qui concerne le code rural, a pour objet de ne pas priver les personnes concernées d'un deuxième degré de juridiction. Je précise que, dans le régime général, l'impossibilité de faire appel des jugements de première instance lorsque la décision attaquée a fixé un taux d'incapacité inférieur à 10 % n'existe plus.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

Cet amendement, qui vise à supprimer le dernier alinéa de l'article L. 751-32 du code rural, selon lequel les tribunaux des affaires de sécurité sociale devant lesquels sont portées en première instance les contestations relatives au taux d'incapacité permanente statuent en dernier ressort sur celles pour lesquelles le taux d'incapacité fixé par la décision attaquée est inférieur à 10 %, me paraît s'éloigner de l'esprit du présent texte et, à ce titre, constitue un cavalier.

J'ajoute que la question des types de procédure suivis devant les juridictions est loin d'être anodine et doit être expertisée avec le plus grand soin pour concilier la nécessité d'un double degré de juridiction et la bonne administration de la justice, qui justifie parfois que des jugements soient rendus en premier et en dernier ressort.

Debut de section - PermalienValérie Létard, secrétaire d'état chargée de la solidarité

Même avis que la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je mets aux voix l'amendement n° 53 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je suis saisi d'un amendement n° 49 , tendant à supprimer l'article 10.

Cet amendement est défendu.

La commission y est défavorable, ainsi que le Gouvernement

Je mets aux voix l'amendement n° 49 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je suis saisi d'un amendement n° 51 .

La parole est à M. Christophe Caresche, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Il nous a semblé que ce texte offrait l'occasion d'introduire des dispositions de nature à favoriser la négociation dans les entreprises afin de lutter contre les discriminations. Mme la rapporteure me répondra probablement que cela n'entre pas dans le champ de la transposition, mais rien n'interdit à l'Assemblée nationale d'introduire des dispositions complémentaires. Or, au-delà des sanctions et des incriminations, il convient d'encourager la négociation dans les entreprises afin que les choses puissent avancer concrètement. Tel est l'objet de l'amendement n° 51 .

Je vous proposerai plus loin d'introduire dans la loi les dispositions de l'accord interprofessionnel très important conclu, il y a peu, entre le patronat et une très large majorité de syndicats, notamment des syndicats de salariés, sur les questions de discrimination, car le moment nous paraît opportun. Mais j'y reviendrai dans un instant.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

La commission a repoussé cet amendement. Si j'y suis sensible, dans la mesure où il tend à promouvoir le dialogue social en matière de lutte contre les discriminations, je m'interroge sur son bien-fondé. L'accord interprofessionnel de 2006 sur la diversité a, certes, montré l'importance de l'initiative des partenaires sociaux en la matière, mais est-il judicieux de multiplier les obligations de négocier pour les entreprises et les branches, sachant que les résultats sont inégaux et que cela crée de réelles lourdeurs ? Par ailleurs, n'est-il pas préférable d'attendre le bilan de la mise en oeuvre du dialogue social ?

Debut de section - PermalienValérie Létard, secrétaire d'état chargée de la solidarité

Même avis que la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je mets aux voix l'amendement n° 51 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je suis saisi d'un amendement n° 52 .

La parole est à M. Christophe Caresche, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Autant l'amendement n° 51 ne reprenait pas intégralement les conclusions de l'accord interprofessionnel, autant l'amendement n° 52 vise à introduire au mot près ce qui a été décidé entre les syndicats et l'organisation patronale en matière de lutte contre les discriminations. Dès lors qu'un accord existe et qu'il est le fruit d'une négociation entre les partenaires sociaux, rien ne s'oppose à ce qu'il soit introduit dans la loi afin de consolider ses dispositions sur le plan juridique.

Nous avons repris les éléments qui permettent aux entreprises d'avancer sur la voie de la lutte contre les discriminations en prévoyant qu'en l'absence d'accord collectif de branche ou d'entreprise organisant le dialogue sur les questions de diversité, d'égalité des chances ou de traitement dans l'entreprise, le chef d'entreprise est tenu de présenter chaque année devant le comité d'entreprise un point sur la situation en matière de diversité. Le comité d'entreprise se constituerait à cette occasion en « comité élargi de la diversité ».

Il s'agit, au mot près, des termes de l'accord discuté entre les organisations syndicales et patronales. L'introduction de ces dispositions dans la loi serait un formidable levier pour favoriser la négociation et le dialogue social dans l'entreprise sur ces questions.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

Cet amendement a été repoussé par la commission pour la même raison que l'amendement précédent : il semble préférable d'attendre que toutes les conséquences soient tirées de l'accord de 2006 avant d'en transcrire les dispositions dans la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Toujours attendre ! Vous voulez réformer ou non ?

Debut de section - PermalienValérie Létard, secrétaire d'état chargée de la solidarité

Même avis, d'autant que l'accord vient d'être étendu le 22 février 2008.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je mets aux voix l'amendement n° 52 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je suis saisi d'un amendement n° 15 , de précision, présenté par Mme la rapporteure.

Le Gouvernement est favorable à cet amendement.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je mets aux voix l'article 11, modifié par l'amendement n° 15 .

(L'article 11, ainsi modifié, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je suis saisi d'un amendement n° 67 rectifié .

Cet amendement est recevable en application des deux derniers alinéas de l'article 99 de notre règlement.

La parole est à Mme la rapporteure, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

Cet amendement que j'ai déposé avec M. le président de la commission vise à favoriser, tant dans le secteur privé que dans le secteur public, la prise en compte de la diversité. À cet effet, il impose aux services publics et aux entreprises de cinquante salariés ou plus d'intégrer chaque année à leur bilan social un bilan de la diversité.

Le bilan social, institué par la loi du 12 juillet 1977, récapitule chaque année, en un document unique, les principales données chiffrées permettant d'apprécier la situation de l'entreprise dans le domaine social.

La préoccupation générale de la prise en compte de la diversité dans l'entreprise n'est certes pas nouvelle : les partenaires sociaux ont, sur cette question, conclu un accord national interprofessionnel important fin 2006. Mais il est important d'aller plus loin. Imposer aux entreprises de faire un bilan régulier de la diversité assurerait une appréciation globale plus systématique de celle-ci.

Il est essentiel que de telles données puissent revêtir un caractère public. En particulier, il serait opportun que ce bilan social puisse être communiqué aux salariés, de façon à faire valoir une logique de transparence. Chaque personne doit pouvoir être informée de l'état des lieux de la diversité dans son environnement professionnel.

Il est important aussi que les ministères en charge de l'économie, de l'emploi et des affaires sociales soient destinataires de ce bilan, de sorte qu'ils puissent analyser les données ainsi recueillies et, le cas échéant, affiner les politiques publiques menées en matière de promotion de la diversité.

Enfin, il est nécessaire d'associer la Commission nationale de l'informatique et des libertés à l'établissement des modalités de ce bilan.

Je veux par ailleurs indiquer que nous avons eu en commission une discussion au sujet d'un amendement visant à conditionner l'accès aux marchés et aides publics des entreprises au respect de la diversité, apprécié en fonction de l'attribution d'un label « diversité ». Cet amendement a finalement été retiré car la réflexion doit encore être approfondie – ce à quoi la navette parlementaire permettra peut-être de contribuer. Mais le débat a été lancé et il serait intéressant que le Gouvernement puisse transmettre à la représentation nationale quelques éléments d'information et lui précise notamment où en sont la réflexion et l'expérimentation au sujet d'un label « diversité » et s'il est envisageable de concevoir des dispositifs favorisant d'une manière ou d'une autre les entreprises prenant en compte l'impératif de diversité dans la mise en oeuvre de certaines politiques d'aide publique, voire de certains marchés publics. Enfin, quelles leçons peut-on tirer des expériences étrangères menées en la matière ?

Debut de section - PermalienValérie Létard, secrétaire d'état chargée de la solidarité

Le Gouvernement partage l'objectif sous-tendant cet amendement, qui consiste à favoriser le dialogue social sur la lutte contre les discriminations et la promotion de l'égalité des chances.

L'article 10 de l'accord de 2006, étendu le 22 février 2008, prévoit qu'à défaut d'accord collectif de branche ou d'entreprise organisant un dialogue et des échanges sur la diversité, l'égalité des chances et de traitement dans l'entreprise, avec les représentants des salariés, le chef d'entreprise présentera au comité d'entreprise, dans les entreprises qui en sont dotées, une fois par an, à l'occasion de l'une des réunions consacrées à son information sur la situation de l'emploi prévues par l'article L. 432-4-1 du code du travail, les éléments permettant de faire le point sur la situation en la matière.

Le Gouvernement souhaite donc laisser jouer l'accord national interprofessionnel qui prévoit en outre un bilan au terme d'une période biennale d'application. Le Gouvernement sera, bien sûr, attentif aux conclusions de ce bilan, qui lui permettront éventuellement d'aménager le contenu des bilans sociaux.

Au bénéfice de cette explication, je saurais gré à Mme la rapporteure de bien vouloir retirer son amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

Cet amendement visant à dresser un bilan social en matière de diversité poursuit une intention louable : s'il était mis aux voix, je le voterais. Il paraît toutefois difficile de lui donner une traduction concrète, dans la mesure où il est interdit d'établir certaines des statistiques se rapportant aux personnes.

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

Je trouve surprenant et regrettable de voir arriver seulement en fin de discussion des idées comme celle-ci ou celle du label « diversité », qui paraissent intéressantes mais sont systématiquement écartées par le Gouvernement. Pour notre part, nous estimons que cette proposition représente un progrès souhaitable et sommes donc tout à fait disposés à voter l'amendement de Mme la rapporteure.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

Compte tenu des explications données par Mme la secrétaire d'État, je retire cet amendement, monsieur le président. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

L'amendement n° 67 rectifié , retiré par Mme la rapporteure, est repris par M. Caresche.

Je le mets aux voix.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Dans les explications de vote sur l'ensemble du projet de loi, la parole est à Mme George Pau-Langevin, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

Si nous avions dès le début le sentiment que ce projet de loi ne visait qu'à une transcription a minima du droit communautaire, les débats n'ont fait que renforcer cette impression en laissant apparaître la volonté manifeste du Gouvernement de ne pas avancer de manière significative sur ce dossier.

Entre les propositions dont l'examen est reporté après l'établissement de bilans hypothétiques, les propositions intéressantes que nous serions disposés à accepter mais qui sont retirées et les sujets qui ne sont simplement pas abordés, force est de reconnaître que nous n'avons eu droit qu'à un débat singulièrement tronqué sur les moyens de lutter contre la discrimination dans notre pays. Nous regrettons tout particulièrement qu'une injonction claire de la Commission ait été repoussée aux calendes grecques par le Gouvernement, qui prétend vouloir régler la question par la voie réglementaire – sans que l'on en comprenne très bien la raison.

Déçus de constater que ce texte nécessaire, car répondant aux injonctions qui nous sont faites, n'a donné lieu qu'à un débat étriqué, lors duquel la plupart de nos suggestions ont été repoussées, nous nous verrons dans l'obligation de nous abstenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-George Buffet

Nous aurions pu nous retrouver tous ensemble dans ce débat portant sur ce fléau que constituent les discriminations, afin de construire une loi donnant aux victimes les moyens d'agir et, ce faisant, de faire reculer les discriminations dans notre société.

Mme la secrétaire d'État s'est bornée à indiquer que la question des discriminations serait traitée plus tard par le Gouvernement, le projet de loi dont nous débattons n'ayant pour objet que de transposer certaines directives. Pour notre part, nous ne voyons pas ce qui empêchait de commencer à avancer et à construire dès ce soir, par l'adoption d'une série d'amendements que l'opposition avait mis au point et proposés de façon sérieuse et responsable.

Deux procédés ont été alternativement utilisés au cours de ce débat pour empêcher tout progrès significatif dans la lutte contre les discriminations : à plusieurs reprises, on nous a affirmé qu'il fallait s'en tenir à la transposition des directives ; à d'autres moments, le Gouvernement a au contraire montré sa volonté de ne pas tenir compte de l'avis de la Commission européenne – ce qui a pour conséquence de freiner le droit des associations à se porter aux côtés des victimes.

Enfin, madame la secrétaire d'État, je vous avais demandé un engagement ferme du Gouvernement portant sur la non-inscription à l'ordre du jour de notre assemblée de la proposition de loi adoptée par le Sénat, qui porte atteinte aux droits des victimes en réduisant le délai de prescription. Vous m'avez simplement répondu que ce texte n'était pas inscrit pour le moment à l'ordre du jour, sans prendre aucun engagement pour l'avenir.

Compte tenu de ces éléments, les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine se voient dans l'obligation de s'abstenir – à leur grand regret, car ils étaient disposés à travailler avec le Gouvernement sur un dossier tel que celui de la lutte contre les discriminations.

Debut de section - PermalienPhoto de Guénhaël Huet

Le Gouvernement et le groupe UMP ont insisté tout au long de ce débat sur l'urgente nécessité de transposer les directives, compte tenu du retard – imputable à des gouvernements issus de différentes majorités – accumulé dans ce domaine.

L'opposition a fait valoir sur ce point des arguments contradictoires, affirmant tantôt que la démarche était un peu tardive – mais fallait-il dans ce cas repousser encore ce qui doit être fait ? – tantôt qu'elle était trop partielle – bien qu'elle couvre plusieurs champs en matière de discrimination et constitue, à ce titre, une amélioration très nette du droit positif français. Elle a enfin argué de la nécessité d'élaborer un droit lisible ; or ce texte permet justement de mieux définir certaines notions juridiques qui ne l'étaient pas suffisamment jusqu'à présent. Chacun aura, par ailleurs, noté l'engagement de Mme la secrétaire d'État à poursuivre le travail du Parlement sur un certain nombre de questions.

Ce projet de loi est un texte nécessaire sur le plan juridique et opportun sur le plan politique. Par conséquent, le groupe UMP le votera.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

La parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe Nouveau centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

On peut constater, à la fin de notre débat, que la lutte contre les discriminations n'est pas un long fleuve tranquille… Il faut faire évoluer les mentalités et lutter contre les discriminations à la racine, c'est-à-dire non seulement par la répression légale, mais aussi par la prévention. Or ce projet de loi qui ne consiste qu'en une transposition de dispositions communautaires ne fera sûrement pas évoluer les mentalités : tout au plus permettra-t-il de sanctionner ceux qui utilisent la discrimination comme moyen de gestion d'une entreprise ou à d'autres fins.

Pour faire reculer le racisme et les discriminations, un travail de fond devra être mené avec le Gouvernement, les partenaires sociaux et tous ceux qui veulent participer à cette réflexion. Nous ne progresserons qu'à petits pas, en faisant prendre conscience à chacun que notre pays est celui des droits de l'homme et que les personnes venues de tous horizons doivent pouvoir y vivre ensemble.

Je regrette que le groupe socialiste et le groupe des députés communistes et verts ne votent pas ce texte. Pour sa part, le Nouveau Centre le votera car, s'il n'est pas suffisant pour lutter contre les discriminations, il constitue une avancée certaine en ce domaine. Certaines des dispositions que nous nous apprêtons à transposer datent de 2000 ; sans doute la lutte contre les discriminations progresserait-elle plus rapidement si nous n'attendions pas si longtemps pour procéder à la transposition des dispositions communautaires !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

J'ai pris bonne note de l'abstention du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Prochaine séance, demain, mercredi 26 mars, à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Proposition de loi relative à la journée de solidarité.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt et une heures quarante-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma