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Intervention de Marie-Jo Zimmermann

Réunion du 25 mars 2008 à 15h00
Lutte contre les discriminations — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Jo Zimmermann :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État chargée de la solidarité, chers collègues, l'Assemblée examine aujourd'hui un projet important qui transpose plusieurs directives relatives à la lutte contre les discriminations, domaine dans lequel la Délégation aux droits des femmes, que je préside, continue d'oeuvrer.

La transposition de ces directives complète et élargit le dispositif existant en droit français en matière de discriminations fondées sur la race ou l'origine ethnique, la religion, les convictions, l'orientation sexuelle, le handicap, l'âge, ainsi qu'en matière de discriminations fondées sur le sexe.

Sur ce dernier point, je ferai une première remarque pour souligner qu'il ne faut pas perdre de vue que les discriminations liées au sexe sont transversales aux autres et que cette approche doit guider la mise en place de l'ensemble des politiques publiques. Pourquoi ? Parce que les discriminations se renforcent parfois les unes les autres et de surcroît ne touchent pas de la même façon les femmes et les hommes. Une discrimination ethnique ou sociale pourra ainsi se trouver renforcée par le genre de la personne qui en est victime.

Je formulerai une seconde remarque pour rappeler l'importance jouée par le droit communautaire en matière de lutte contre les discriminations et son rôle moteur, tout particulièrement en matière de discriminations entre hommes et femmes. Ainsi, la réduction des écarts salariaux entre les hommes et les femmes fait partie depuis 1999 de la stratégie européenne pour l'emploi et la Commission européenne poursuit une politique continue visant à ce que l'égalité des sexes soit prise en compte dans les politiques de l'emploi.

Reste qu'en France, en matière de discrimination entre hommes et femmes, nous nous trouvons toujours face à un véritable défi. Nous devons donc perfectionner les outils juridiques permettant aux victimes de discriminations de faire valoir leurs droits, en nous mettant en conformité avec le droit communautaire si nécessaire. Nous n'en devons pas moins, dans le même temps, faire fonctionner les instruments existants tout en agissant sur tous les fronts simultanément.

Il convient d'abord d'agir auprès des entreprises, des employeurs mais aussi des syndicats de salariés qui n'ont pas toujours pleinement saisi l'enjeu de l'égalité professionnelle, et de sanctionner, le cas échéant, les discriminations salariales persistantes. La Conférence sur l'égalité professionnelle réunie par Xavier Bertrand le 26 novembre dernier a ainsi eu pour but de relancer le processus de négociation. Les entreprises doivent mettre en place, d'ici au 31 décembre 2009, un projet de résorption des écarts salariaux entre les hommes et les femmes. Si elles ne le font pas, des sanctions financières seront applicables dès le début 2010.

Il est essentiel que l'on avance en ce domaine. J'y insiste devant vous parce que la non-discrimination, qui est d'abord un enjeu moral, un enjeu éthique, est aussi un enjeu économique. En effet, notre économie va avoir de plus en plus besoin de salariés qualifiés prêts à investir les secteurs en développement et devra nécessairement faire appel à tous, aux femmes comme aux hommes, dans les mêmes conditions, pour satisfaire ces nouveaux besoins. C'est aussi une nécessité pour valoriser le coût que représente l'investissement dans une formation de haut niveau. Si, au bout du compte, une telle formation ne débouche pas pour les femmes sur le métier auquel elles se destinent, parce que l'entreprise hésite à embaucher une jeune femme qui va avoir des enfants, parce que celle-ci ne se voit pas exercer des métiers prétendument masculins, il s'agit, somme toute, d'un investissement perdu pour tout le monde.

Ce constat peut sembler cynique au moment où nous sommes appelés à débattre des moyens propres à faire respecter l'égalité entre les citoyens, mais il est réaliste ; et tant mieux s'il peut faire avancer les choses.

De toute façon, on ne peut plus raisonner comme si le salaire des femmes était toujours un salaire d'appoint, comme si, secondaire, leur emploi pourrait être plus mal payé et moins qualifié. Pour bien des foyers, il n'est pas secondaire. Pour les familles monoparentales de plus en plus nombreuses, non plus : 1,7 million de familles, soit presque un quart des familles françaises, sont monoparentales et, dans 85 % des cas, ont une femme à leur tête.

Or, que constate-t-on en matière de salaires et de carrières, sinon des inégalités persistantes entre les femmes et les hommes ? Le salaire horaire moyen des femmes est de 19 % inférieur à celui des hommes. Le revenu salarial des femmes est de 26 % inférieur, et même de 31 % dans le secteur privé. Quatre-vingts pour cent des emplois à temps partiel sont occupés par des femmes et trois femmes sur dix déclarent travailler à temps partiel faute d'avoir trouvé un emploi à temps complet, comme vient récemment de le rappeler le Conseil économique et social.

Certes, ces chiffres sont des moyennes et masquent la diversité des situations individuelles ; mais, quand cela concerne, en masse, 13,5 millions de salariées, puisque près de la moitié des 27 millions d'actifs – 47 % – sont des femmes, on ne saurait parler de problème marginal. Quand on conjugue les emplois précaires et à bas salaires avec une discrimination salariale particulièrement forte à l'égard des femmes cadres, ce n'est pas non plus un problème marginal !

Il faut, j'y insiste, agir sur tous les fronts : auprès des services de l'emploi, des organismes de formation, auprès des salariés, des étudiants, des élèves, des professeurs, des parents, des femmes elles-mêmes que nous devons sensibiliser et mobiliser pour faire évoluer les mentalités.

L'égalité professionnelle passe aussi par la diversification des choix des métiers : on appelle cela « lutter contre les stéréotypes de genre ». Que signifie cette expression en réalité ? Que les jeunes femmes ne doivent pas se cantonner, comme c'est trop souvent le cas, dans certaines formations et se limiter toujours aux mêmes filières. Ainsi, plus de la moitié des femmes travaillent aujourd'hui dans seulement 10 des 84 groupes professionnels. Or le niveau de salaire dépend des tâches effectuées mais aussi des secteurs d'activité. La Délégation aux droits des femmes travaille en ce moment sur le sujet.

Face à cet état de fait illustré par la faiblesse du nombre d'accords de rattrapage salarial effectivement signés – 125 entreprises toutes de plus de 1 000 salariés –, il est important que les dispositifs anti-discrimination puissent jouer.

Que montre l'activité de la HALDE ? Cinq pour cent des réclamations portées devant elle ont pour motif une discrimination fondée sur le sexe – 86 en 2005, 203 en 2006 et 366 en 2007 –, ce qui reste finalement faible. D'une part, les femmes n'ont pas nécessairement le sentiment d'être victimes d'une discrimination parce que le système fonctionne ainsi et parce qu'il n'est pas toujours facile d'exciper de sa qualité de femme pour faire valoir ce qui constitue pourtant des droits. D'autre part, toute la difficulté réside dans la distinction entre ce qui relève des facteurs que je viens d'évoquer, et sur lesquels il faut agir, et ce qui relève de la discrimination prohibée par les textes.

En matière d'égalité salariale, cette difficulté est accrue par les politiques d'individualisation des salaires. Il s'agit, souligne la HALDE, « d'une brèche dans laquelle s'insinue souvent la discrimination salariale et derrière laquelle se retranchent les employeurs mis en cause ».

Les directives dont nous examinons aujourd'hui la transposition apportent des garanties supplémentaires aux témoins des agissements discriminatoires et aux victimes intentant une action en justice, par la généralisation de l'aménagement de la charge de la preuve, par l'introduction d'une définition explicite de la notion de discrimination indirecte et par l'élargissement de la définition du harcèlement moral et sexuel.

Les directives assimilent harcèlement et discrimination. Le harcèlement sexuel y est considéré comme une discrimination fondée sur le sexe, pouvant résulter d'un agissement unique et non nécessairement limité au monde du travail. Cette nouvelle définition, qui répond aux exigences communautaires, aura pour effet d'étendre la saisine de la HALDE aux cas de harcèlement désormais explicitement constitutifs d'une discrimination.

Des garanties supplémentaires sont aussi apportées par l'interdiction générale des discriminations en raison de la grossesse et de la maternité. La commission des affaires culturelles propose utilement de compléter cette interdiction par l'inscription dans notre droit de l'interdiction de toute discrimination en raison du congé de maternité. Cet amendement s'inscrit dans la logique de la loi sur l'égalité salariale, votée en mars 2006, qui a fait bénéficier les salariés des augmentations de salaire décidées dans l'entreprise pendant leur congé maternité. En effet, chacun le sait, les interruptions de carrière constituent un frein à l'évolution des femmes dans l'entreprise et à leur accès à des postes de responsabilité.

Une étude de l'INSEE de janvier 2008 montre, une nouvelle fois, combien l'activité professionnelle des femmes, contrairement à celle des hommes, dépend du nombre d'enfants, surtout à partir du deuxième. Passés trois enfants, seules deux femmes sur trois restent en activité, sachant que ce phénomène est encore plus flagrant lorsque les enfants sont petits. Ces données confirment les difficultés des femmes à concilier vie professionnelle et vie familiale. Alors que l'activité des hommes ne dépend guère de leur situation familiale, c'est exactement l'inverse pour les femmes.

En conclusion, je me réjouis une nouvelle fois de l'examen de ce texte de lutte contre les discriminations par l'Assemblée et j'exprime le souhait qu'il s'inscrive dans une approche plus globale de la question, ce qui permettra enfin, je l'espère, de faire évoluer les mentalités. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

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