La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
L'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.
La parole est à M. Yves Bur, rapporteur de la commission mixte paritaire.
Monsieur le président, madame la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, madame la secrétaire d'État chargée de la solidarité, mes chers collègues, nous sommes réunis pour examiner les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, le premier de notre législature, que je qualifierai volontiers de « fondateur ».
Alors que le projet de loi initial comportait 72 articles, le Sénat a été saisi de 105 articles après l'examen du texte par l'Assemblée nationale. Il en a adopté 59 conformes, modifié 39, supprimé 7 et ajouté 22.
La commission mixte paritaire qui s'est réunie mardi dernier a donc examiné les 68 articles restant en discussion. La plupart des modifications apportées par le Sénat ont pu être acceptées, car elles améliorent encore des dispositifs que l'Assemblée nationale avait elle-même déjà précisés : 40 articles ont ainsi été adoptés dans le texte du Sénat et la suppression de 5 articles a été maintenue.
Sur les autres points, la commission a trouvé un accord : elle est revenue au texte de l'Assemblée nationale sur un article, a modifié la rédaction de 18 articles et a, par ailleurs, supprimé 4 articles. Il me revient maintenant de vous présenter les principaux points de cet accord.
S'agissant tout d'abord des recettes, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale aura eu le mérite d'ouvrir le débat sur les « niches sociales », notamment à l'invitation de la Cour des comptes.
La commission des affaires sociales du Sénat a proposé en première lecture une « flat tax » sur l'ensemble de ces niches, mais elle a retiré son amendement en séance. L'Assemblée nationale était allée plus loin, en introduisant, à mon initiative et à celle de notre commission, l'article 9 E, qui institue des contributions sur les stock-options et les attributions gratuites d'actions. Sur ce point, la CMP a confirmé la rédaction issue du Sénat : la contribution salariale ne s'appliquera qu'aux attributions effectuées à compter du 16 octobre 2007 et ne générera donc des recettes que dans quatre ans au plus tôt.
Concernant la contribution sur les boissons sucrées, dont le Sénat avait proposé la création, la CMP a unanimement salué la logique de santé publique qui sous-tendait cette proposition, traduisant la nécessité d'approfondir la question de la nutrition et des comportements de nature à favoriser l'obésité. Mais elle a estimé plus sage de supprimer l'article 9 bis A, un peu prématuré, en raison de son caractère techniquement incomplet et, surtout, de la nécessité de poursuivre la réflexion sur les modalités et les finalités de cette taxe nutritionnelle dans le cadre d'un débat plus large, mais aussi de prendre en compte son impact sur le pouvoir d'achat des ménages, en particulier les plus modestes.
La CMP a par ailleurs confirmé la suppression de la taxe sur le chiffre d'affaires des fabricants de tabac. En effet, au-delà de la compatibilité incertaine de ce dispositif avec le droit communautaire, il est apparu difficilement applicable en l'état.
S'agissant des dépenses de la branche maladie, il a d'abord été décidé de maintenir la limitation aux actes coûteux du devis préalable sur les tarifs des professionnels, qui avait été réintroduite par le Sénat. À mon initiative, la CMP a toutefois prévu que cette information serait systématiquement remise à l'assuré lorsque le professionnel doit effectuer un acte au cours d'une seconde consultation, quel que soit le montant de ses honoraires.
En revanche, la commission n'a pas souhaité réintroduire les dispositions qui avaient été adoptées par l'Assemblée nationale afin d'inviter les partenaires conventionnels à définir les modalités selon lesquelles les médecins en secteur 2 s'engageraient à proposer une offre minimale d'actes sans dépassement. Je tiens pourtant à redire qu'il n'y avait là rien de stigmatisant, ni même de révolutionnaire dans cette proposition, qui s'inspirait d'ailleurs d'un dispositif prévu par les partenaires conventionnels eux-mêmes dans la convention médicale de 1990 !
Vous auriez dû apporter un plus grand soutien à cette proposition, monsieur Le Guen !
En tout état de cause, au regard de l'importance de cette question en termes d'accès aux soins, je suis convaincu que ce chapitre n'est pas clos et qu'il conviendra donc d'en suivre l'évolution avec une attention particulière, s'agissant en particulier des négociations conventionnelles sur la création, possible, d'un secteur optionnel.
Il en va de même concernant les inégalités territoriales en matière d'offre de soins – articles 32 à 33 –, face auxquelles des instruments à la hauteur des attentes fortes de nos concitoyens devront être définis par les partenaires conventionnels, après l'organisation prochaine des États généraux sur l'organisation de l'offre de soins. Dans cet objectif, je tiens à souligner deux apports du Sénat particulièrement intéressants afin, d'une part, de promouvoir le développement des maisons de santé, à l'article 31, et, d'autre part, de permettre la reconnaissance du statut de médecin salarié, à l'article 33.
La CMP a par ailleurs décidé de supprimer les dispositions introduites par le Sénat concernant la création d'une banque de données sur les médicaments et les dispositifs médicaux – article 29 –, car l'ensemble des données scientifiques et économiques de l'AFSSAPS et de la Haute autorité de santé, dans leurs compétences respectives, devraient bientôt être accessibles.
Il a également été décidé de supprimer les dispositions adoptées par le Sénat concernant la consultation de l'UNOCAM sur tous les tarifs des actes et prestations – article 29 bis A –, compte tenu notamment des modifications déjà apportées à l'article 25 par l'Assemblée nationale.
Je me félicite par ailleurs qu'un accord se soit dégagé pour rétablir les dispositions introduites par l'Assemblée nationale, à mon initiative, afin de promouvoir la télétransmission des feuilles de soins : article 31 bis.
Si la CMP a décidé de maintenir les dispositions modifiant le contenu du devis présenté par les audioprothésistes, je dois dire qu'à titre personnel il me semblait préférable d'en rester à la réglementation actuelle, qui permet à l'assuré de connaître, de manière distincte, le prix de l'appareil et celui de la prestation : article 33 ter.
Je me dois également de souligner le maintien de deux dispositions, proposées par les députés et précisées par les sénateurs, concernant l'obligation pour les pharmaciens de dispenser des grands conditionnements, à l'article 35, et surtout l'incitation pour les bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire à s'inscrire dans le parcours de soins : article 35 ter.
Concernant la question délicate du dossier médical personnel, à l'article 36, la commission, après un long débat, est parvenue à un accord pour rétablir le droit de masquage des informations figurant sur le DMP, qui avait été supprimé par le Sénat. À l'initiative du rapporteur pour le Sénat et du président Nicolas About, il a par ailleurs été décidé de préciser par voie réglementaire les conditions dans lesquelles les professionnels accédant au DMP pourront avoir connaissance du masquage d'informations par son titulaire, en d'autres termes de reconnaître et d'encadrer le « masquage du masquage ».
Cette question mérite cependant d'être largement concertée et, de manière plus générale, il convient que tous les enseignements soient tirés des retards constatés dans la préparation du lancement du DMP, afin de relancer ce projet ambitieux et d'une importance stratégique certaine pour améliorer la qualité des soins, ce qui suppose, en préalable, d'en définir clairement les objectifs.
Concernant l'article 39 qui réforme le régime d'ouverture des officines de pharmacie, la CMP s'est ralliée à la position de l'Assemblée nationale fixant à cinq ans le délai pendant lequel les licences des pharmacies ayant fait l'objet d'un regroupement sont gelées.
Pour ce qui concerne l'article 42 relatif à la tarification à l'activité, la CMP a retenu le texte adopté par le Sénat, qui favorise l'externalisation à des entreprises privées de certaines fonctions logistiques assumées par les établissements de santé en autorisant la mise à disposition auprès de ces entreprises de certains agents, étendant ainsi à la fonction publique hospitalière une disposition récemment adoptée pour la fonction publique territoriale. Le texte améliore également, pour les établissements de santé en difficulté, l'articulation entre le plan de redressement et le contrat de retour à l'équilibre, tout en établissant une gradation dans les mesures prises pour rétablir leur situation.
Dans le but de favoriser une meilleure coopération entre les médecins libéraux et les établissements de santé, la CMP a rétabli l'article 44 bis dans sa rédaction adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale, tout en le complétant utilement en prévoyant une extension du dispositif aux établissements privés participant au service public hospitalier, auxquels il est désormais reconnu, comme pour les centres hospitaliers régionaux, la possibilité de faire appel à des praticiens libéraux.
À l'article 45, la CMP n'a pas voulu rétablir, au troisième alinéa du deuxièmement du I, le mot « notamment » issu de la rédaction votée par l'Assemblée nationale. Cette rédaction permettait, par exemple, de financer avec les crédits de la section V la construction de salles de loisirs adaptées aux personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer. Le rapporteur et le président de la commission des affaires sociales du Sénat se sont opposés à cet élargissement du financement et à l'emploi du mot « notamment ». Votre rapporteur regrette profondément ce vote, alors même que le professeur Ménard vient de remettre le rapport de la commission pour le futur plan Alzheimer, et que les crédits de l'ONDAM médico-social concernés sont sous-utilisés.
Concernant la branche vieillesse, la CMP a amélioré la rédaction de l'article 53 B sur les clauses de révision des conventions d'adossement des régimes spéciaux au régime général. Elle a, sur ma proposition, assoupli le régime d'information des assurés en matière de retraite progressive prévu par l'article 53 C, afin de ne pas imposer un chiffrage des pensions difficile à mettre en oeuvre de manière rapide et compréhensible par tous, et supprimé l'article 53 D imposant aux employeurs d'employer 8 % de personnes âgées de cinquante-cinq ans et plus en raison des lourds inconvénients du dispositif tel qu'il avait été voté par le Sénat.
Toutes les autres dispositions sur l'assurance vieillesse introduites par le Sénat ont été approuvées.
Concernant la branche famille, je me dois de souligner l'importance de l'article qui permettra aux enfants lourdement handicapés de bénéficier de la prestation de compensation du handicap, et je me félicite de l'initiative sénatoriale qui permettra de lancer une expérimentation visant à mieux connaître les disponibilités d'offre de garde pour les jeunes enfants, expérimentation qui sera très utile pour étudier comment mettre en oeuvre le droit opposable à la garde d'enfant.
Même si le fait que la commission mixte paritaire se soit contentée de confirmer les apports successifs des deux assemblées dans ce domaine, je n'en dois pas moins souligner l'importance du volet « gestion et fraudes » de ce PLFSS : convention d'objectifs et de gestion État-UCANSS, amélioration de la performance de la gestion des organismes de sécurité sociale, renforcement de la MSA et, surtout, un ensemble complet de dispositions destinées à renforcer les contrôles ainsi que la lutte contre les fraudes.
À l'issue de nos débats, j'ai le sentiment que nous avons ouvert plusieurs chantiers qu'il nous appartiendra d'approfondir d'ici à l'an prochain.
Celui des niches sociales, pour lesquelles, après le travail mené sur les stock-options, j'ai l'intention d'explorer de nouvelles possibilités de révision.
Celui de la promotion de l'emploi des seniors, qui est une des clés du plein emploi et de la croissance.
Celui de l'offre de soins pour lutter contre la désertification médicale. Ceux qui nous ont promis des mesures efficaces seront jugés à l'aune de leurs propositions, car il n'est plus possible d'attendre pour agir au nom de la santé publique.
Celui des dépassements d'honoraires qui, loin d'être marginaux, touchent de nombreux français : les partenaires conventionnels seraient bien inspirés de réguler ces dépassements.
Mais le chantier le plus important est celui du financement de la protection sociale, qui ne peut pas continuer à générer de la dette payée par d'autres.
Il faudra du courage, de la volonté et de la constance pour rétablir un équilibre durable d'ici à 2010-2012.
Je ne doute pas que nous aurons ce courage et cette constance.
Mes chers collègues, le texte qui vous est présenté aujourd'hui constitue donc un excellent compromis. (Rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Comme le disait le philosophe Jean Grenier : « Il est aussi noble de tendre à l'équilibre qu'à la perfection ; car c'est une perfection que de garder l'équilibre. »
Pour sauvegarder un système de protection sociale auquel nous sommes tous profondément attachés, il est plus que jamais nécessaire de rechercher un juste équilibre entre le principe de responsabilité – en particulier à l'égard des générations futures – et celui de solidarité, dont on ne doit pas oublier qu'il nécessite un effort constant de chacun d'entre nous.
Pour l'ensemble de ces raisons, je vous propose d'adopter ce texte sans tarder. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, en entendant la conclusion de notre rapporteur, Yves Bur, je me demandais ce qu'il me restait à dire, tant son réquisitoire était implacable.
Nous voici parvenus au terme de la procédure d'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. C'est un moment important mais, sur tous les bancs, nous avons le sentiment que, pour la sixième année – ou, au moins, si l'on veut bien reconnaître à la majorité un droit à l'improvisation en 2002 ou en 2003, pour la quatrième ou la cinquième année –, nous passons à côté des graves problèmes auxquels notre pays est confronté. Ce n'est pas que nous ne les ayons pas vus, c'est que nous les fuyons.
Chacun le savait dès le début de la discussion, la sécurité sociale doit faire face à une très grave crise financière, notamment pour l'assurance maladie, et nous sommes en outre confrontés, depuis quelques mois, à une crise sanitaire qui va croissant sur tout le territoire. Notre système d'assurance maladie était reconnu pour son accessibilité – c'était même sa principale qualité – et c'est précisément du point de vue de l'accès aux soins que nous sommes, aujourd'hui, en totale régression.
Le problème se pose en raison de la désertification médicale, qui n'est pas seulement liée à des questions de démographie, mais s'explique aussi par une certaine désorganisation, par l'absence d'une planification sanitaire maîtrisée, par une généralisation des dépassements d'honoraires, qu'ils soient légaux ou, parfois, illégaux – ce qui ne doit pas faire oublier la problématique légale ou paralégale issue de la convention de 2005. Ainsi, nos concitoyens sont de plus en plus nombreux à avoir des problèmes d'accès financier au système de santé. Enfin, ici ou là, notamment dans le service public, ce sont des problèmes d'accès tout court qui se posent, car les moyens financiers sont ce qu'ils sont et la dynamique de l'hôpital public ne joue plus : très souvent, les hôpitaux français ont des difficultés à bien soigner.
Vous connaissez la situation financière, mes chers collègues, et vous savez qu'une fois de plus vous allez voter un projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoyant un déficit de plus de 10 milliards avec une trésorerie négative – qui est, en fait, une dette cachée supplémentaire de plus de 35 milliards d'euros. Encore ces chiffres ne concernent-ils que le régime général de sécurité sociale : si l'on tenait compte des régimes agricoles, il faudrait y ajouter quelques poignées de milliards d'euros. En définitive, cette situation financière est laissée à l'abandon : la charge en reviendra aux générations futures. Mais, on le sait bien, il s'agit en fait, purement et simplement, d'asphyxier notre régime de sécurité sociale.
Les comptes de 2007 sont d'ores et déjà dépassés en matière de déficit et la Commission des comptes de la sécurité sociale a déjà annoncé que les chiffres figurant dans le projet de loi seraient déficitaires de plus de 300 millions d'euros. Les chiffres de la consommation médicale publiés ces mois-ci montrent bien que l'ONDAM sera pulvérisé au-delà même de ce qui avait été calculé au mois de septembre. Les chiffres du déficit de base de 2007 et, par conséquent, les comptes de 2008 sont faux : la situation, très grave, s'est encore aggravée.
Nos deux assemblées ont essayé de réagir, mais de manière très insuffisante. S'il est frappant de constater que des députés ou des sénateurs de l'opposition ont eu des idées convergentes, inspirées par la réalité des faits, chaque fois la majorité a repoussé ces initiatives. J'en ferai l'énumération rapide, en commençant par la taxation des stock-options, inspirée par une remarque de la Cour des comptes qui avait attiré notre attention sur le sujet en citant des chiffres impressionnants. Notre rapporteur a pris des initiatives : certes, nous les jugions très insuffisantes, car elles n'étaient pas à la hauteur de l'enjeu. Mais il s'est trouvé, dans les deux assemblées, une majorité pour supprimer ou rendre totalement caduc le dispositif qu'il avait proposé.
Des mesures de taxation concernant les niches sociales ont également été prises, avant d'être balayées. Nous jugions la taxe sur les sucres inopportune et mal jaugée, mais elle soulevait tout de même un problème patent de santé publique, connu depuis des années : nous attendons encore l'initiative que le Gouvernement devait prendre à ce sujet.
Lors de la réunion de la CMP, la maîtrise des dépassements d'honoraires a été considérée comme un problème marginal, dans la mesure, où, nous a-t-on dit, il ne s'agissait que de l'attitude inélégante, exagérée, voire frauduleuse, de certains praticiens. Mais ce n'est pas de cela qu'on nous parle dans nos circonscriptions et dans nos permanences ; les témoignages que nous recueillons ne concernent pas des attitudes minoritaires et frauduleuses, mais une pratique généralisée. Notre rapporteur avait fait des propositions : elles étaient bien modestes, mais elles ont été balayées. C'est un déni de réalité.
Les mesures visant à une meilleure information des médecins et des patients sur les dépassements tarifaires ont également été supprimées. Même les initiatives qu'avait prises le Gouvernement sur la démographie médicale, pour contestables qu'elles aient été – et nous ne nous étions pas privés de les contester –, ont été reléguées, renvoyées à des dialogues qui auraient dû avoir lieu précédemment et qui restent hypothétiques. Au total, bien qu'elles nous parussent insuffisantes, toutes les mesures visant à traiter les problèmes auxquels nous devons faire face ont été repoussées.
Nous avons été surpris du débat animé qui s'est engagé autour du dossier médical personnel : nous savons tous qu'après le fiasco qu'a connu la gestion de ce dossier, le mieux serait aujourd'hui de ne pas relancer les polémiques sur les éléments juridiques fondateurs de la confiance en l'information numérique qui pourrait être collectée sur chacun d'entre nous, mais au contraire d'apaiser les craintes et les tensions. Alors que, pour les raisons que tout le monde connaît, le dossier est complètement à l'abandon, la majorité a trouvé utile de nous titiller et de mettre en place des procédures injustes. Elle aurait été mieux inspirée de renoncer à tout cela.
En matière de retraites, l'initiative sénatoriale qui mettait le doigt sur la question des seniors était à l'évidence très utile, ne fût-ce que pour attirer l'attention de notre société sur le scandale que représente le chômage de cette classe d'âge. Peut-être la mesure, extrêmement modeste, aurait-elle eu un effet de régulation positif. Un consensus absolu aurait dû se dégager autour de cette question, car qui peut trouver normal que la société française – j'allais dire la société française seule – ait exclu tous les seniors du monde du travail ? Au-delà de la question du pouvoir d'achat – notamment des retraites, que vous n'avez pas augmentées en dépit de vos promesses électorales et malgré la perspective d'une inflation qui, l'an prochain, sera beaucoup plus importante et entraînera une perte de pouvoir d'achat nette pour leurs titulaires –, quand j'entends certains slogans, tel « travailler plus pour gagner plus », j'ai envie de vous demander s'il ne serait pas utile de secouer la société française, et singulièrement son patronat, de lui dire qu'il est inacceptable de traiter ainsi les seniors en les excluant du monde du travail.
Mes chers collègues, tout cela n'est qu'un jeu de dupes. Nous avons discuté un projet de loi qui différait le traitement des questions graves. C'est encore une année de perdue, car vous vous inscrivez dans le prolongement de ce qui ne s'est pas fait depuis quatre ans et, une fois de plus, vous renvoyez la solution de ces problèmes à l'année prochaine.
À l'évidence, vous ne faites que retarder les échéances financières, les échéances sociales, les réformes nécessaires. Mais le système que vous avez mis en place, notamment en matière d'assurance maladie, est en bout de course ; il est en train de se désagréger sous vos yeux.
Vous savez combien, aujourd'hui, la situation est chaotique. Mais peut-être, après tout, cela vous arrange-t-il, peut-être l'incurie dont fait preuve le Gouvernement vous permettra-t-elle, demain, d'imposer aux Français des mesures dont, dans leur très grande majorité et quelles que soient leurs opinions politiques, ils ne veulent pas : la privatisation de la sécurité sociale, la privatisation du risque.
C'est la solution ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Vous estimez que c'est la solution, mon cher collègue ? Au moins, vous avez le mérite de la franchise. Mais, dans ce cas, dites-nous donc toute la vérité, dites-nous que, pour vous, la solution, c'est de laisser s'effondrer le système d'assurance maladie et de sécurité sociale pour construire, ou laisser construire sur ses ruines, un système privé. Telle est la réalité.
Vous avez le mérite de dire la vérité, qui est celle de votre politique.
Il serait en effet intéressant que notre pays débatte des solutions de privatisation.
Aujourd'hui, tous les pays du monde sont en train de renoncer à la privatisation des systèmes d'assurance maladie. Aux États-Unis, la question est au coeur du débat politique, car la privatisation de la sécurité sociale a conduit à des surcoûts considérables en matière de santé, à un creusement des inégalités, à d'énormes problèmes de santé publique et d'accès aux soins. C'est pourtant vers cela qu'avec quinze ou vingt ans de retard et en obéissant à des tropismes idéologiques bien particuliers, vous tentez de diriger la politique de notre pays en matière d'assurance maladie.
Nous ne sommes pas de ceux qui pensent qu'il ne faudrait toucher à rien, bien au contraire. Il s'agit, certes, de faire vivre des valeurs de solidarité, mais, plus que tout, il convient de mettre en oeuvre la réforme dans tous les domaines. Oui, notre système d'organisation des soins est aujourd'hui déficient. L'organisation actuelle de la médecine libérale, reposant sur la pratique conventionnelle, est défaillante. Nous devons mettre en place une territorialisation et une planification des politiques de santé. Nous devons faire évoluer les modes de rémunération.
Mes chers collègues, c'est pour toutes ces raisons que je vous présente cette motion d'irrecevabilité, en espérant que vous la voterez. Ce serait l'occasion de reprendre sérieusement l'examen de ce texte, y compris sur les bases que vous nous proposez, monsieur Roubaud, et débattre projet contre projet au lieu de laisser perdurer l'hypocrisie sur une situation qui ne cesse de se dégrader.
Ce texte est irrecevable du fait des conséquences sociales qu'il ne manquera pas d'avoir, notamment avec la création de ce dispositif scandaleux des franchises.
Il est irrecevable parce que la vérité des comptes n'est pas réalisée. Il est irrecevable enfin parce qu'il bafoue l'un des principes fondateurs de notre Constitution, le droit à la santé. Votre inaction conduira à une privatisation dont notre pays aura beaucoup à souffrir et pour laquelle les Français ne vous ont jamais donné mandat lors des dernières élections. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Le groupe UMP ne votera pas, bien sûr, cette motion d'irrecevabilité, tout simplement parce que ce texte est parfaitement recevable, comme Yves Bur l'a clairement montré.
Les débats tant en commission des affaires culturelles, sous la conduite de Pierre Méhaignerie, que dans l'hémicycle, ont été nombreux, fournis et très intéressants. De très nombreux amendements ont été examinés et la commission et l'Assemblée ont ajouté quelques articles. Le travail du Sénat a été tout aussi remarquable. Quant à la CMP, qui s'est tenue au Sénat mardi matin, elle a encore permis à chacun d'apporter des précisions. Ce texte est donc aussi beaucoup plus riche qu'au départ.
Allons, monsieur Muzeau !
Les débats avec le Gouvernement ont été fructueux : je pense notamment au dispositif adopté à propos des stock-options, au maintien de la liberté d'installation des médecins qui était un sujet important, ainsi qu'aux dispositions concernant la franchise. Je rappellerai à leur propos, monsieur Le Guen, que les 850 millions qui sont espérés iront prioritairement à ce qui est fléché puisqu'un amendement de M. Jean-Pierre Door précise que le Gouvernement s'engage à utiliser ces sommes pour de nouvelles actions,…
…notamment la maladie d'Alzheimer, le cancer et les soins palliatifs, qui sont des urgences absolues.
Ce projet de loi est donc un excellent texte, un texte courageux, et j'ai envie de dire à M. Le Guen que si la situation est aussi dramatique, si elle a autant dérivé au fil des années, peut-être certains gouvernements précédents y ont-ils aussi leur part de responsabilité. (Assentiment sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Il fallait avoir le courage d'agir. Nous assistons à chaque fois au même « cinéma ». Je crois que ce PLFSS est sincère, courageux, nécessaire, et c'est pour cela que le groupe UMP ne votera pas l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur Tian, comment pouvez-vous oublier, à moins d'être amnésique, vos six années d'échec patent sur les comptes sociaux ?
Vous auriez quand même pu vous reprendre au bout de quelque temps. Mais non, année après année, PLFSS après PLFSS, vous embourbez nos comptes sociaux. En 2002, tous les comptes étaient au vert, dans toutes les branches. Vous les avez tous mis dans le rouge ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je n'ai pas choisi les couleurs ! Mais vous, monsieur Bur, quand vous êtes à un feu rouge, vous vous arrêtez – à moins que vous ne les grilliez avec la police nationale devant vous – …
…et vous attendez qu'il repasse au vert. Eh bien là, c'est tout le contraire, alors que tous les comptes étaient au vert, vous les avez tous plongés dans le rouge. Il faut reconnaître que de ce point de vue-là, vous avez un bilan génial !...
Nous aurions pu penser, après le rapport de la Cour des comptes et les propos de son premier président, M. Seguin, que de l'audace allait enfin percer sur ces bancs.
Il y a bien eu une tentative qui, même si les médias l'avaient présentée ainsi, nous a bien fait rire parce que nous n'y avons jamais cru, à propos des stock-options. Manque de pot, la commission mixte paritaire a réglé son compte à cette ébauche d'audace et vous êtes revenus droits dans vos bottes ! Vous avez préféré satisfaire scrupuleusement à l'exigence posée par Mme Parisot dans les médias, selon laquelle les dispositions d'une modestie affligeante que vous prévoyiez étaient encore trop insupportables pour les employeurs dans le cadre de ce qu'elle appelait la qualité de gestion et la confiance que l'on doit donner aux dirigeants d'entreprise. Vous avez capitulé en rase campagne : cette CMP est vraiment lamentable.
L'amendement du président de la commission des affaires sociales du Sénat devrait également vous amener à réfléchir. Il a proposé, d'une manière un peu provocatrice, d'instituer un plancher en matière d'emploi des seniors. J'ai regardé les débats au Sénat. Je les ai trouvés très drôles : les réponses du Gouvernement et de quelques sénateurs UMP ont été telles que cet amendement, certes légèrement provocateur mais quand même plein de bon sens, a lui aussi été liquidé en deux temps trois mouvements lors de la CMP.
Ce PLFSS est promis à l'échec : vous enfoncez les comptes sociaux dans le rouge et tout le monde va dans le mur.
La mise en place des franchises médicales est un scandale supplémentaire et une injustice inacceptable du point de vue des accidentés du travail et des victimes de maladies professionnelles.
Vous avez refusé la totalité des propositions que l'opposition a pu formuler. Vous prétendez toujours qu'elle n'en fait aucune mais, alors que nous en avons présenté un grand nombre, vous les avez toutes refusées, en usant allégrement de l'article 40.
Nous souscrivons donc pleinement aux propos de M. Le Guen et nous voterons l'exception d'irrecevabilité.
Comment exprimer notre sentiment de déception à l'issue de ce débat alors que nous l'avions entamé avec la volonté de faire aboutir un certain nombre de propositions, car nous avions le sentiment qu'une véritable réflexion commune pouvait s'engager ? Au moins la déception que nous éprouvons ce matin est-elle tempérée par le fait que, le temps passant, les arrière-pensées se révèlent au détour d'affirmations pour le moins étranges énoncées à voix haute dans cet hémicycle.
Nous n'avons cessé au cours des dernières semaines de dénoncer plusieurs dispositifs de ce projet de loi, au premier rang desquels figure évidemment l'instauration de franchises, comme étant contraires aux principes fondateurs de notre sécurité sociale. En effet, pour la première fois, on installe l'idée que ce sont les patients qui doivent payer pour eux-mêmes, qu'ils sont fautifs pour les maladies auxquelles ils doivent faire face et qu'il est donc normal que ce soit à eux d'assumer cette responsabilité à titre principal.
Nous avions dit que ce mécanisme, quel que soit le niveau auquel il se situe aujourd'hui, sans même parler de celui auquel il pourrait se situer demain – car nous ne nous faisons aucune illusion : la franchise ne cessera d'augmenter dès l'année prochaine –, remettait en cause tous les principes de la sécurité sociale. On nous avait opposé, dans un ensemble d'affirmations à l'unanimité touchante, qu'il n'y avait là rien de bien extraordinaire, que c'était pour mieux sauver le système de sécurité sociale solidaire, qu'il s'agissait de faire preuve de responsabilité. Et voilà qu'enfin, on nous explique clairement dans cet hémicycle que l'objectif de la majorité est bel et bien la privatisation de notre système de protection sociale.
Notre collègue a eu la franchise, lui, d'exprimer l'arrière-pensée de ce Gouvernement.
Cette franchise est bienvenue et, madame la ministre, nous attendons de vous qu'au moins vous assumiez le sens du projet de loi qui nous est présenté. On nous a expliqué jusqu'à présent que nous faisions preuve d'une imagination débordante, voire délirante. Nous voyons bien aujourd'hui que, pour la majorité actuelle, le sens du rétablissement des comptes est purement et simplement l'abandon de la sécurité sociale par les pouvoirs publics et l'engagement vers une privatisation.
Nous voyons bien aussi que, pour les retraites, c'est la capitalisation qui tiendra le haut du pavé. Le propos auquel je fais allusion a été tenu il y a dix minutes dans cet hémicycle.
Quant à M. Tian, reprenant une antienne que, pour le coup, nous entendons régulièrement ici, il explique que si les comptes sont en déficit, ce serait à cause de la gauche. Il faudra bien un jour que cette majorité cesse de se défausser en permanence sur les gouvernements de gauche de la situation actuelle des comptes sociaux.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est la faute aux 35 heures !
Cela fait six ans que vous êtes au pouvoir, vous n'aviez qu'à les supprimer !
Mes chers collègues, lorsque, en 2002, vous avez accédé au Gouvernement, les comptes de la sécurité sociale étaient en équilibre, équilibre qu'ils n'ont jamais retrouvé depuis.
Prétendre que la responsabilité du déficit qui va s'accroissant est le résultat d'une politique de gauche, c'est un paradoxe qu'aucun Français ne saurait entendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
J'ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
La parole est à Mme Martine Billard.
Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le rapporteur, nous arrivons donc au terme de la discussion de ce PLFSS, marqué principalement par deux mesures, en tout cas si nous en jugeons par le bruit qu'elles ont pu faire.
D'abord, l'instauration de nouvelles franchises. Franchement, il n'y a dans ce domaine aucune rupture ; nous sommes même dans la continuité absolue, puisque de nouveau ce sont les malades qui vont être traqués dans leurs moindres gestes. Nous avons eu la franchise d'un euro à chaque consultation chez le médecin, la franchise d'un euro à chaque examen biologique, nous avons maintenant les 50 centimes d'euro à chaque achat de boite de médicaments, les 50 centimes pour les actes infirmiers, les 50 centimes pour les actes de kinésithérapie, les 2 euros pour les transports en ambulance, sans oublier les 16 euros pour le forfait hospitalier et le forfait pour les actes chirurgicaux lourds.
Nous arrivons à 100 euros de franchise par an, plus les forfaits qui, eux, n'ont pas de limites. Bref, plus vous êtes malade, plus vous payez !
Où est la rupture ? En tout cas, il n'y a aucune franchise dans ces franchises. Lors de l'instauration de la première, la franchise d'un euro, on nous avait expliqué que c'était pour responsabiliser le patient. Cette fois-ci, au tout début, on avait aussi entendu parler de responsabilisation puis, visiblement, les agences de communication ont dû expliquer au Gouvernement que cela ne passait plus auprès de l'opinion publique, et donc on a essayé de nous faire pleurer, on nous a vendu ces nouvelles franchises comme un moyen de payer la lutte contre la maladie d'Alzheimer, la lutte contre le cancer et le développement des soins palliatifs. Soit dit en passant, les soins palliatifs avaient déjà fait l'objet d'un plan sous le gouvernement précédent sans que cela serve à grand-chose car ce qui avait été prévu n'a pas été concrétisé – malheureusement, parce que c'était une très bonne disposition.
Finalement, la solidarité ne s'exerce qu'entre les malades. Selon le bon principe qu'il faut diviser pour régner, on demande aux malades de ne pas se plaindre parce qu'il y a toujours plus malades qu'eux. On dira à celui qui a une entorse ou une jambe cassée qu'il ne doit pas se plaindre parce qu'il pourrait être de ceux qui ont un cancer et on lui demande de payer pour eux. Pas de pitié : plus vous êtes malade, plus vous paierez !
La deuxième mesure qui a fait beaucoup de bruit concernait la taxation des stock-options. On allait voir ce qu'on allait voir ! D'ailleurs, le Président de la République lui-même avait dénoncé des abus.
Vous nous disiez, chers collègues de la majorité : lui est volontaire ; il agit et ne se contente pas de parler !
Notre rapporteur, avec courage, est donc parti à l'assaut. Sur commande, il a proposé un amendement visant à taxer ces stock-options et actions gratuites. Malheureusement pour lui, qui était de bonne foi, la vague est venue mourir doucement ! Face à l'évaluation de la Cour des comptes, selon laquelle les recettes issues de la mesure auraient pu atteindre 3 milliards , la majorité a pris peur. On a même entendu dire que des centaines de milliers de bénéficiaires de stock-options allaient quitter la France, un peu comme en 1981, lorsque l'on craignait de voir les chars soviétiques envahir Paris ! La taxation a donc été limitée et les recettes attendues ont été ramenées à 250 millions, mais un prélèvement immédiat sans période d'adaptation semblait encore trop audacieux au Sénat, qui frisait l'apoplexie, voire l'infarctus ! Dans sa grande sagesse, celui-ci a donc reporté à 2011 l'application effective de la mesure et il a, hélas, été suivi par la CMP.
Grâce à l'abstention des socialistes et des communistes ! (Protestations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
En somme, la montagne du PLFSS a accouché d'une souris pour les riches, mais d'un monstre pour les malades !
Les milliers de pré-retraités, surtout les plus modestes, qui ne risquent pas de quitter la France pour rejoindre un paradis fiscal, n'ont pas eu droit, eux non plus, à la même attention de la part de l'Assemblée, du Sénat et de la CMP. Ils seront taxés à 7,5 % au titre de la CSG dès le 10 octobre, et non à la date de promulgation de la loi, par crainte, nous dit-on, d'un effet d'aubaine, que l'on ne fait que repousser à 2011 s'agissant des stock-options !… Malheur aux pauvres : voilà le slogan de l'UMP !
Le texte issu de la CMP supprime également la taxe sur le chiffre d'affaires des fabricants de tabac – autre recul – et renonce à encadrer les dépassements d'honoraires.
On nous a présenté cet encadrement comme une mesure vexatoire pour les médecins.
Mais, pour tous ceux qui ont une attitude responsable, il n'y a pas de problème, il n'y a aucune vexation ! Il s'agissait simplement de responsabiliser les médecins alors même qu'un rapport sur le sujet évoque des dépassements insupportables pour nos concitoyens.
Enfin, s'agissant du masquage des données contenues dans le DMP, c'est une histoire sans fin. On sait que ce n'est que partie remise, puisque de toute façon le dossier médical personnalisé n'a pas été mis en place au 1er juillet 2007 et ne le sera sans doute pas davantage au 1er juillet 2008. Mmes les ministres ne me diront sûrement pas le contraire ! Les Verts l'avaient du reste annoncé au moment des débats sur cette réforme : les expériences menées à l'étranger, comme l'état d'avancement de notre système informatique, empêchaient la création dans les délais prévus d'un dispositif auquel ils sont plutôt favorables, à condition qu'il constitue un outil de santé plutôt que financier. A force de prétendre faire mieux que nos voisins, nous allons sans doute faire pire, ce qui est bien dommage.
En somme, ce texte se réduit à un PLFSS d'attente : la douloureuse viendra après les élections municipales, mais les banderilles sont déjà plantées avec les franchises et le forfait généralisé à tout moment du parcours de soins. Une fois la plaie ouverte, il suffit de l'agrandir par décret pour que petite franchise devienne grande. C'est ainsi que le forfait hospitalier est passé de 3 à 16 euros.
Il ne faut pas voter ce PLFSS, car il ne résout aucun problème financier et aucun problème de santé. Il ne fait preuve d'aucun courage, car il remet à plus tard le règlement de questions de fond, notamment celle de la démographie médicale. Aucune piste sérieuse n'est proposée pour résoudre le déficit en médecins dans certaines zones du territoire et pour certaines spécialités. Aucune mesure n'est prévue contre les dépassements d'honoraires abusifs : nous en restons à la notion bien connue de « tact et mesure ». Pas de politique en matière de surconsommation de médicaments ! Rien n'est prévu pour réduire l'exposition aux risques de cancer et de maladies neuro-dégénératives. Le nombre de malades soumis au protocole ALD aurait pourtant pu être limité par une politique de prévention. Aucune action n'est prévue non plus pour améliorer la santé au travail, que la politique d'augmentation du temps de travail par jour, par semaine, par mois et tout au long de la vie ne va guère favoriser.
En outre, ce PLFSS aggrave les inégalités d'accès aux soins de nos concitoyens. Il remet en cause le principe de solidarité entre malades et bien-portants. Il accentue ainsi le démantèlement de notre système de sécurité sociale en favorisant les assurances privées, comme le souhaitent du reste certains élus de l'UMP, à la différence de notre rapporteur. Celles-ci n'hésitent même plus à nous vanter leurs mérites par l'intermédiaire de nos assistants parlementaires !
Non, d'une compagnie d'assurance bien connue !
Donc, ceux qui pourront payer seront soignés rapidement. Les autres attendront le dernier moment et devront patienter des heures, voire des semaines, pour obtenir un rendez-vous dans des hôpitaux publics appauvris, toujours plus mal dotés financièrement, dont les personnels courageux et dévoués ne peuvent malheureusement donner plus que ce qu'ils ont et ne peuvent compenser, malgré tous leurs efforts, la dégradation des moyens concédés au service de santé publique.
Voilà pourquoi nous pensons qu'il faut voter contre ce PLFSS. Contrairement à ce qu'a affirmé M. Tian, les déficits existent depuis 2002, depuis que l'UMP est au pouvoir,…
…et ils s'aggravent de plus en plus. Ils n'ont jamais été aussi forts. C'est bien la politique menée par cette majorité depuis six ans qui est responsable et coupable de ces déficits que les Français vont demain devoir payer. Comme par hasard, ce sont les plus malades et ceux qui ont les plus petits revenus qui vont payer le plus ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
S'agissant des stock-options, la taxation de la contribution salariale, que j'avais proposé d'appliquer dès le 1er janvier 2008 afin d'accroître les recettes de la sécurité sociale, en particulier de l'assurance maladie, a été votée par l'Assemblée, mais amendée par le Sénat. Je regrette vivement qu'en CMP les députés et sénateurs de gauche ne m'aient pas soutenu dans ce petit effort.
Si on veut donner des leçons, il faut assumer ses responsabilités ! Ce n'est pas l'opposition systématique et l'absence totale de pragmatisme qui vous ouvriront la voie de la rénovation !
M. le rapporteur nous invite à un effort de rénovation. J'aimerais pour ma part qu'il fasse un effort de clarification en disant clairement qu'il se situe dans le clan de ceux qui trouvent normal et logique que les stock-options soient assimilées à des niches sociales et en proposant une mesure raisonnable, mais conforme aux attentes de nos concitoyens et à l'équité.
Pas du tout ! Il s'agit du fonctionnement de la CMP, monsieur le président.
Monsieur Bur, vous étiez si isolé que même les voix de gauche n'auraient pas suffi à faire obstacle au conservatisme inhérent à votre majorité !
Une seule voix aurait suffi, monsieur Le Guen, alors cessez de donner des leçons !
Dans les explications de vote sur la question préalable, la parole est à M. Patrick Roy.
Ce PLFSS est une nouvelle déception. En instaurant les « franchises », comme disent le Gouvernement et la majorité, il crée en réalité un nouvel impôt : un impôt sur les malades. C'est du reste le sentiment des Français, surtout les plus faibles, qui en sont les premières victimes. Contrairement aux principes mêmes de notre système de sécurité sociale, ce seront désormais les malades qui payeront pour les malades. Ce n'est pas agréable à entendre, mesdames les ministres, c'est toutefois la réalité ! Mais, comme l'a souligné Mme Billard, prenant pour exemple la maladie d'Alzheimer, les malades ne doivent pas se plaindre puisqu'il y a toujours plus malade qu'eux ! C'est tout à fait injuste. Cela fait six ans que la majorité de droite ne cesse de créer des impôts. En voilà un nouveau que les plus faibles vont devoir acquitter. Vous restez d'ailleurs sans voix tellement vous avez honte d'avouer que vous chargez la barque pour les plus faibles. Avec la droite, on le sait, c'est toujours plus d'impôt !
Vous nous dites qu'il s'agit de responsabiliser les malades, mais les victimes de l'amiante, empoisonnées sciemment, sont-elles responsables de leur maladie ? Elles devront pourtant payer, elles aussi ! Je ne sais pas comment vous pourrez le justifier auprès des électeurs de vos circonscriptions ! Pour ma part, je ne manquerai pas de vous interpeller à ce sujet le moment venu.
Quant aux stock-options – ces revenus indécents –, même la mesure adoptée par l'Assemblée, qui n'était à mes yeux qu'une mesurette soporifique, voire un placebo, a été jugée excessive par le Sénat, qui l'a quasiment fait disparaître. Honte à cette majorité qui taxe les petits pour mieux épargner ses amis, les plus riches de France ! Décidément, le Sénat n'est pas l'assemblée de la sagesse ; c'est une assemblée réactionnaire au possible !
Dans votre grande bonté, vous octroyez 1,1 % d'augmentation aux retraites, y compris aux plus petites, pour lesquelles le Président de la République avait promis 25 % de revalorisation. Il faut croire que cet engagement est désormais bien loin ! En deux ans, le pouvoir d'achat des Français qui touchent de petites retraites va encore baisser d'au moins 2 %. C'est encore une mesure d'exception que la majorité de droite propose !
Enfin, Mme Billard a eu raison d'insister sur la situation catastrophique dans laquelle se trouve aujourd'hui l'hôpital public. Il suffit d'aller dans les services pour voir que la santé est devenue un luxe pour beaucoup de Français. Je participais hier au débat sur le projet de loi relatif à la consommation : force est de constater que, pour la droite, il faut toujours plus de grandes surfaces et toujours moins d'hôpitaux et de tribunaux.
Bien entendu, nous voterons la question préalable excellemment défendue par Mme Billard.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, si l'on veut parler des franchises, on doit tenir le discours de la franchise, ou du moins du pragmatisme. Nous le savons tous, et le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie l'a rappelé, dans le système actuel, les dépenses en matière de santé seront toujours supérieures aux recettes.
C'est pour cela qu'il faut prendre l'argent là où il est en taxant les stock-options !
Les progrès médicaux, l'augmentation de l'espérance de vie, les nouvelles technologies de plus en plus coûteuses, les médicaments de plus en plus performants, la qualité des soins : tout cela a un prix et nul ne peut faire croire aux Français – pas plus vous qu'un autre, monsieur Roy – que l'on peut dépenser toujours plus sans jamais avoir à payer plus !
L'opposition a diabolisé ou caricaturé – et continue de le faire – des mesures adoptées dans de nombreux pays européens.
Il faut financer les nouveaux besoins et faire face aux difficultés financières du système social. Nous souhaitons tous maintenir le niveau de prise en charge actuel, dont je rappelle qu'il est élevé : 77 % pour les personnes qui ne sont pas porteuses d'une affection de longue durée, et 92 % pour les personnes porteuses d'une affection de longue durée – hors complémentaire. Or la finalité des franchises est bien de financer les dépenses supplémentaires pour soutenir les nouveaux besoins. Elles sont d'ailleurs fléchées sur les postes de dépense les plus inflationnistes.
Il ne sert à rien de s'énerver, monsieur Roy : il faut regarder la réalité !
Chacun sait que vous avez de la voix, monsieur Roy, mais c'est M. Rolland qui a la parole !
La solidarité reste préservée, puisque 15 millions de nos concitoyens seront exonérés. À ce sujet, je propose à M. Roy et à ses amis de comparer le système de franchise sur les médicaments et l'installation du ticket modérateur, en 1983.
Il est important de faire la comparaison, de rappeler ce qu'était alors le ticket modérateur et de savoir qui l'a instauré.
Le Premier ministre de l'époque était M. Mauroy, le ministre des affaires sociales M. Bérégovoy et le ministre de la santé M. Ralite. Cela vous gêne qu'on le rappelle, chers collègues de l'opposition !
Je vous invite à réfléchir, à regarder, à comparer, et, bien évidemment, compte tenu de nos besoins, à rejeter, au nom du pragmatisme, la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je mets aux voix la question préalable.
(La question préalable n'est pas adoptée.)
Six orateurs se sont inscrits dans la discussion générale.
La parole est au premier d'entre eux, M. Jean-Luc Préel.
Merci pour le compliment, monsieur Rogemont, mais je ne suis pas sénateur ! (Sourires.)
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, chers collègues, nous voilà parvenus au terme des débats, puisqu'un accord a été obtenu en commission mixte paritaire. Nous allons donc dans quelques instants nous prononcer sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui prévoit pour 2008 la somme considérable de 422 milliards d'euros destinée à financer les retraites du régime général, la politique familiale et les dépenses de santé remboursées par le régime de base.
Le Sénat a finalement très peu modifié le texte d'origine. Si sa commission des affaires sociales avait voté des amendements visant à améliorer le financement, ceux-ci ont disparu en séance publique ou en CMP. La proposition de notre rapporteur, Yves Bur, visant à taxer les stock-options, votée en première lecture, a été très atténuée et n'apportera pas de ressources complémentaires avant trois ou quatre ans.
Puisqu'il s'agit d'une loi de financement de notre protection sociale, une question s'impose : les dépenses sont-elles financées ? Après la réforme des retraites, en 2003, et celle de l'assurance maladie, en 2004, alors présentée par le ministre comme la « der des ders », nous devions parvenir à l'équilibre des comptes en 2007. Nous en sommes bien loin ! En effet, si l'on intègre le FFIPSA, le déficit atteindra 15 milliards d'euros en 2007 et un nouveau déficit très important – de l'ordre de 10 milliards – est envisagé pour 2008.
Rien n'est prévu pour financer ces deux déficits en dehors d'une autorisation d'emprunt qui se monte à la somme colossale de 47 milliards, laquelle entraîne hélas des frais financiers. Je rappelle que Philippe Séguin, présentant en septembre son rapport sur les comptes de 2006, a jugé inacceptable une autorisation d'emprunt de 18 milliards. Une telle fuite en avant ne saurait être pérenne. Que dira-t-il dans son rapport sur les comptes de 2008 ? Heureusement que le ministre des comptes publics s'est engagé, et nous lui en donnons acte, à revoir en 2008 le financement de la protection sociale. Tous les espoirs sont donc permis ! Il est grand temps, car l'article 8 – qui, curieusement, a été fort peu médiatisé – reprenant les prévisions de recettes et de dépenses pour 2008-2012, pourtant calculées sur des bases très optimistes, aboutit à un déficit cumulé supplémentaire de 42 milliards pour le régime général et de 15,8 milliards pour le FFIPSA. Le groupe Nouveau Centre considère que chaque génération doit financer ses propres dépenses et qu'il est donc urgent de revoir en profondeur le financement de notre protection sociale.
Pour la branche famille, nous avons noté avec satisfaction la modulation de l'allocation de rentrée scolaire en fonction de l'âge de l'enfant.
Pour la branche vieillesse, la revalorisation des retraites sera très faible en 2008, puisqu'elle se limitera à 1,1 %, ce qu'il sera très difficile de faire accepter aux retraités, qui ont déjà l'impression de perdre du pouvoir d'achat. Un rendez-vous est prévu en cours d'année et nous devrions en reparler lorsque nous évaluerons la réforme de 2003 et étudierons son adaptation pour préserver notre système de retraite.
L'essentiel de ce projet de loi concerne l'assurance maladie. Il est vraiment regrettable que le Parlement ne se prononce que sur les dépenses remboursables et ne débatte pas de la politique de santé, de la prévention, de l'accès aux soins sur le territoire et du rôle des financeurs complémentaires.
L'article central du projet est bien entendu consacré à l'ONDAM. Présenté chaque année comme volontariste et réaliste, il est en réalité sous-estimé et dépassé pour être réactualisé l'année suivante. Ce n'est pas sérieux. L'ONDAM demeure fixé en fonction de critères non pas médicaux, mais économiques, en dépit de ce que préconisent de nombreux rapports. Pour 2008, il augmente de 2,8 % – pour atteindre 152 milliards –, la progression étant de 2 % pour les soins de ville et de 3,2 % pour les établissements. Sera-t-il tenu ? Espérons-le. Mais, quand on constate que les soins de ville auront augmenté de 4,5 % en 2007, on mesure l'effort qu'il faudra fournir pour le respecter. Si l'on songe en outre que plus de la moitié des établissements de santé publics sont en déficit pour un total de près de 1 milliard, sans compter le compte épargne temps, on peut douter qu'on y parvienne.
Pour les hôpitaux, la T2A passe à 100 %. Nous sommes d'accord pour que la dotation financière corresponde à l'activité réelle. Mais l'application de la T2A est aujourd'hui très technocratique. Que deviendront les MIGAC ? Les tarifs seront-ils stabilisés, ou sont-ils appelés à baisser si l'activité augmente ? Comment sera appliqué le coefficient de correction ? Sur quelles bases ? Aujourd'hui, la cotation des hospitalisations longues, comme les soins palliatifs ou la réanimation, n'est pas adaptée. Sera-t-elle modifiée ? À l'issue de nos débats, beaucoup d'interrogations demeurent.
La mission Larcher fera, espérons-le, des propositions pour redonner le moral aux personnels et pour que les établissements dispensent demain encore les soins de qualité attendus par les patients.
La démographie des professions de santé et la couverture du territoire constituent des problèmes très sérieux. Les articles 32 et 33 ont été réécrits. Le Sénat soutient les maisons médicales ; nous aussi.
Le groupe Nouveau Centre propose un ensemble de mesures : un numerus clausus régional par spécialité, au niveau de la formation ; le stage effectif de médecine générale au cours des études, à la fois en ville et à la campagne ; des bourses finançant les études contre un engagement à s'installer dans les zones déficitaires ; enfin, bien sûr, des maisons médicales pluridisciplinaires. Toutes ces mesures doivent être appliquées ensemble avec volontarisme, puis évaluées.
Je n'ai pas le temps de revenir sur les contrats individuels et les expérimentations de nouveaux modes de rémunération, mais je m'étonne de nouveau du report de six mois de l'application des conventions. Cela signifie-t-il, madame la ministre, que vous déniiez au directeur tout puissant de la CNAM le sens de la responsabilité ?
Il connaît les finances de la CNAM et, lorsqu'il signe un accord, n'est-ce pas en toute connaissance de cause ?
Enfin, quelques mots sur les franchises médicales, dont nous avons déjà beaucoup parlé. Le but qui leur était assigné a varié. Elles ne responsabiliseront pas le patient, puisque, le plafond atteint, il n'y aura plus de frein pour le reste de l'année. Elles ne permettront pas d'économies réelles, puisqu'elles serviront à financer – très partiellement, d'ailleurs – les plans Alzheimer, cancer et soins palliatifs. Mais leur défaut majeur est que les maladies graves – par exemple, le cancer, le sida ou la sclérose en plaques – ne seront pas exonérées.
Dans les faits, ces malades seront taxés de 50 euros – tant que les franchises n'augmentent pas – puisque, souffrant de pathologies graves, ils atteindront très vite le plafond. En outre, les assurances complémentaires ne pourront pas les prendre en charge dans le cadre des contrats responsables. Autant dire que la majorité des complémentaires ne les rembourseront pas. Seuls des contrats onéreux, réservés aux Français financièrement à l'aise, pourront le faire en intégrant le coût des franchises et la non-exonération fiscale.
Comme vous le savez, le Nouveau Centre préconise la franchise cautionnée, qui offre l'immense avantage de responsabiliser l'adhérent tout au long de l'année et ne comporte pas de malus.
En définitive, ce projet de loi comporte plusieurs éléments inquiétants, dont le plus important est le non-financement du déficit de 2007 et du déficit prévisionnel pour 2008 : un comble pour une loi de financement ! Cependant, le ministre des comptes publics s'est engagé à résoudre ce problème majeur en 2008, pour que nos enfants n'aient pas à payer nos dettes.
Les problèmes de démographie des professions de santé et d'accès aux soins sur le territoire seront étudiés à l'occasion des états généraux de la santé, qui devraient logiquement déboucher sur des propositions. J'ajoute que notre système de santé est morcelé, du fait d'une étonnante séparation entre la prévention et le soin, la ville et l'hôpital. Les agences régionales de santé, qui permettront de disposer d'un responsable unique de la santé, devraient voir le jour au cours de l'année 2008. Enfin, l'hôpital connaît encore de nombreux problèmes, liés à la définition de ses missions, à sa gouvernance ou à son efficience. Là encore, la mission Larcher fera prochainement des propositions qui seront très certainement prises en compte au cours de l'année 2008.
Dans l'attente – très forte – de telles perspectives, qui devraient résoudre ces problèmes en 2008, et malgré des réserves nombreuses et importantes, le groupe Nouveau Centre votera le texte de la CMP. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous sommes arrivés au terme du débat parlementaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008. Ce projet a été étudié par les deux chambres du Parlement et nous examinons aujourd'hui les conclusions de la commission mixte paritaire.
Mon temps de parole ne me permettant évidemment pas de traiter chacune des dispositions soumises à notre vote, je n'évoquerai que quelques aspects de ce budget de la sécurité sociale, qui prévoit 414,8 milliards de dépenses, pour 422,5 milliards de recettes, toutes branches consolidées.
L'assurance maladie, à laquelle les Français sont si attachés, cette assurance maladie créée à la Libération, il y a plus de soixante ans – pendant lesquels nous avons vu l'espérance de vie à la naissance passer d'un peu plus de soixante à plus de soixante-dix-sept ans pour les hommes et de soixante-cinq à près de quatre-vingt-cinq ans pour les femmes – doit aujourd'hui relever de grands défis, traiter de mieux en mieux les pathologies les plus diverses, faire profiter chacun de nos compatriotes de nouvelles techniques de plus en plus sophistiquées et coûteuses, ainsi que de médicaments de plus en plus performants qui, bien que de plus en plus onéreux, doivent rester accessibles à tous, et faire bénéficier chaque patient de l'amélioration de la qualité des soins mais aussi de la qualité de l'accompagnement dans la maladie et face à la mort.
L'excellent rapport du professeur Ménard sur la maladie d'Alzheimer, publié il y a quelques jours, nous rappelle, s'il était nécessaire, tous les efforts que nous aurons à accomplir collectivement pour aider les malades atteints de cette pathologie, dont 225 000 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année, et leurs familles.
Le PLFSS pour 2008, solidaire et responsable, poursuit différents objectifs.
Le premier est de contribuer au redressement des comptes sociaux, grâce à un ensemble de dispositifs destinés à infléchir les dépenses de sécurité sociale, en particulier de l'assurance maladie, et à un ONDAM réaliste de 2,8 %, dont 2 % pour les soins de ville et 3,2 % pour l'hôpital.
Ce PLFSS poursuit un deuxième objectif : le financement du traitement des défis que j'évoquais il y a quelques instants, grâce à 2 milliards d'euros de recettes supplémentaires apportées, d'une part, par les franchises ; d'autre part, par la taxation des indemnités de mise à la retraite et des préretraites. La France a trop longtemps fait le choix de sacrifier l'emploi des seniors en prétendant favoriser l'entrée des jeunes sur le marché du travail. Or il est patent aujourd'hui que cette tentative de partage du travail entre les générations ne donne aucun résultat car le travail ne se partage pas !
Le projet de loi de financement permet, par ailleurs, une clarification des relations financières entre l'État et l'assurance-maladie et renforce aussi la lutte contre les fraudes. En effet, comme le soulignait le Président de la République, on ne peut demander aux Français d'être solidaires s'ils ne sont pas assurés que chacun est responsable. La lutte contre la fraude et les abus doit être poursuivie et renforcée ; ce texte prévoit un certain nombre de mesures en ce sens.
Si ce PLFSS ne résout pas définitivement la grave crise financière que connaît la sécurité sociale, il ouvre la porte à de nombreux chantiers qui seront et devront être traités dans les prochains mois.
Il comporte un certain nombre d'avancées que je ne ferai que citer : le différé de six mois des revalorisations tarifaires et leur retardement en cas d'alerte ; l'extension de la mise sous accord préalable ; l'encadrement des transports, dont les dépenses dérapent ; l'individualisation de contrats entre les caisses et les médecins ; l'expérimentation de nouveaux modes de rémunération, sujet sur lequel le rapport Ménard fait des propositions ; le passage à 100 % de la tarification à l'activité dans les hôpitaux.
Concernant les hôpitaux, il est urgent que certains directeurs pratiquent une gestion plus dynamique et plus adapté de leur établissement. Il n'est pas admissible que le fonds CMU, dont je préside la commission de surveillance, reçoive des facturations de tickets modérateurs hospitaliers vieilles de plus de quatre ans !
Le problème de la démographie a occupé une grande partie de nos débats. Chacun sur ces bancs s'accorde à reconnaître que la répartition géographique inégale des médecins et les problèmes actuels, et à venir, d'accès de nos concitoyens à des soins de qualité sur tout le territoire sont une préoccupation majeure à laquelle nous avons l'impérieux devoir de répondre. Comment accepter que la densité médicale d'un département soit trois fois plus faible que celle d'un autre, déséquilibrant ainsi l'accès aux soins de ville ou aux soins spécialisés ? Toutes les professions de santé sont concernées par cette situation.
Nous avons eu le courage de nous attaquer à ce problème et d'inciter les partenaires conventionnels à négocier. Un certain nombre de professionnels de santé, et notamment de médecins, en activité ou encore en formation, se sont émus de la teneur des articles du projet de loi consacrés à ce sujet et se sont inquiétés, parfois bruyamment, d'une remise en cause du principe fondamental de la liberté d'installation sur le territoire national. Madame la ministre, soutenue par notre majorité, vous avez su ouvrir une large concertation avec les organisations représentant les étudiants et les internes en médecine, les chefs de clinique et les jeunes médecins. Vous avez ainsi annoncé la tenue, à partir de janvier 2008, d'états généraux qui doivent permettre de valider des propositions de cadrage dont il sera fait usage dans les nécessaires négociations conventionnelles ultérieures.
Tout à fait !
L'ouverture de ce chantier ambitieux de la démographie médicale, trop longtemps reporté, trouve toute sa place dans la réflexion globale engagée par le Gouvernement sur la modernisation de notre système de soins, notamment autour du développement des maisons médicales pluridisciplinaires.
D'autres réformes devraient voir le jour en 2008, avec l'aboutissement de la réflexion menée par Gérard Larcher sur les missions de l'hôpital, et la création d'agences régionales de santé, les ARS, destinées à rapprocher la ville et l'hôpital – une mission d'information de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de notre assemblée travaille déjà sur ce thème.
La dépendance et son financement constituent un sujet de préoccupation et ouvrent un nouveau champ de solidarité collective. Beaucoup a déjà été fait dans ce domaine avec la mise en place de l'allocation personnalisée d'autonomie et de la prestation de compensation du handicap ainsi qu'avec la création de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Le PLFSS traduit largement cette préoccupation en assurant une progression forte des moyens du secteur médico-social – 8 % –, avec plus de 1 milliard d'euros de mesures nouvelles. Le chantier du cinquième risque est un enjeu majeur pour notre société.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, solidaire et responsable, ouvre la porte à toutes les évolutions nécessaires.
Il montre la volonté du Gouvernement et de la majorité de poursuivre le redressement des comptes sociaux, d'apporter des dispositions novatrices et de poursuivre les réformes structurelles dont notre système de santé a besoin pour rester performant et solidaire, tout en permettant à chacun de bénéficier des formidables progrès qui ont été accomplis dans la lutte contre la maladie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous arrivons au terme de la discussion de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, et malheureusement, après les débats qui se sont déroulés au Sénat la semaine dernière, puis en commission mixte paritaire ce mardi, rien ne justifie aujourd'hui que nous votions ce texte. Au contraire, les réserves qu'a exprimées notre rapporteur, Yves Bur, nous inquiètent profondément, même si elles n'empêchent pas ce dernier d'adhérer à ce projet de loi.
Un mois après le début de l'examen du PLFSS, force est de constater que la vive inquiétude sociale qui s'exprime actuellement aurait justifié que des réponses plus vigoureuses soient apportées, à l'occasion du vote de cette loi, aux interrogations qui se font jour dans le pays. Que disent les Français en réalité ? Ils sont inquiets pour l'avenir et n'ont plus confiance dans notre système de solidarité sociale et sa capacité à les prendre en charge en cas de maladie – surtout s'ils ne sont pas aisés ou appartiennent même à la classe moyenne. Ils se demandent aussi si notre régime de retraite est en mesure de leur garantir qu'ils pourront demain vivre décemment.
Depuis 2002, votre politique s'est révélée incapable d'enrayer la dégradation des comptes sociaux. Confrontés aujourd'hui à une situation dont vous ne pouvez nier qu'elle requiert une solution urgente, la seule responsabilité que vous sachiez, ou que vous souhaitiez, mettre en cause, en instaurant le système des franchises, c'est celle des patients eux-mêmes !
Au début de cette nouvelle législature, votre gouvernement a choisi de dilapider les quelques réserves budgétaires dont il pouvait disposer en octroyant de coûteux cadeaux fiscaux aux ménages les plus riches,..
C'est faux ! Quand cesserez-vous de ressasser cette antienne ?
…mais vous refusez de vous engager immédiatement, avec ce projet de loi, à accorder une augmentation des retraites qui serait supérieure à l'inflation.
Nous sommes aujourd'hui confrontés à une crise financière majeure de nos comptes sociaux ; chacun en convient. Mais cette crise résulte de la politique qui a été engagée, non pas par vous à titre personnel, madame la ministre, mais par les gouvernements que soutient votre majorité depuis 2002. Or vous reprenez dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, les mesures déjà mises en oeuvre par la loi de 2004 et, année après année, par chaque projet de loi de financement de la sécurité sociale. Vous en espérez, ou faites semblant d'espérer ce qu'à l'évidence elles ne peuvent pas apporter. Chacune des années précédentes, l'échec était au rendez-vous : il n'y a aucune raison de croire que l'échec ne sera pas au rendez-vous pour cette nouvelle loi de financement de la sécurité sociale !
Madame la ministre, il n'est plus temps pour moi de passer en revue l'ensemble des dispositions de cette loi : vous connaissez notre opposition aux mesures que vous présentez. Je voudrais toutefois m'arrêter sur trois éléments qui nous semblent essentiels dans le dispositif de ce PLFSS.
Le premier concerne évidemment les franchises : elles ne sont rien d'autre qu'une taxe sur les malades. Sur le principe, nous avons dit notre opposition à un mécanisme qui contrecarre les fondements mêmes de notre protection sociale. J'en veux pour preuve que vous avez vous-même évolué sur la façon de présenter les franchises. Dans un premier temps, durant la campagne électorale et après l'entrée en fonction de ce Gouvernement, elles étaient, selon vous, nécessaires pour combler le déficit de la sécurité sociale grâce à de nouvelles ressources. Devant l'opposition manifestée par l'opinion, vous nous avez expliqué ensuite qu'il s'agissait de financer de nouveaux besoins, comme la lutte contre la maladie d'Alzheimer ou le développement des soins palliatifs. Ce qui n'a pas varié chez vous, en tout cas, c'est l'idée que les franchises permettent de mieux responsabiliser les patients. Or les franchises relèvent du même dispositif que celui que vos prédécesseurs ont instauré en 2004 lors de la réforme de la sécurité sociale. Le non-remboursement d'un euro sur le tarif de la consultation médicale devait permettre de responsabiliser les patients : on a vu le résultat ! Pourquoi la méthode qui a échoué hier pour modifier les comportements réussirait-elle demain ? Cette politique a une seule conséquence : environ 15 % des Français disent renoncer a se soigner pour des raisons financières, et ils seront probablement encore plus nombreux demain. Les mutuelles ont d'ailleurs d'ores et déjà annoncé qu'elles augmenteraient leurs tarifs de 4 % pour faire face à l'instauration de la franchise de 0,50 euro par boite de médicaments ! On voit bien que cette politique vise purement et simplement à opérer un transfert de charges de la solidarité nationale vers l'investissement privé.
Quant à l'idée de responsabiliser les malades atteints de maladies graves comme les cancers, les diabètes – même si je ne mets pas ces deux pathologies sur le même plan – ou la maladie de Parkinson, elle est au mieux risible, et plus sûrement honteuse ! On n'imagine pas de demander à des personnes atteintes de maladies aussi graves de restreindre leur consommation au nom de la responsabilité !
Les franchises sont donc une mauvaise idée parce qu'elles pénalisent les Français aux revenus modestes ou moyens. Elles sont une mauvaise idée parce qu'elles ne modifieront pas les comportements. Elles sont une mauvaise idée, enfin, parce qu'elles introduisent l'idée d'une faute, là où les malades sont confrontés à un risque et souvent à une épreuve.
La deuxième raison de fond pour laquelle nous ne pouvons pas voter ce texte concerne la politique des retraites. Les socialistes estiment qu'il est urgent de réformer et de garantir durablement notre régime de retraite. Les mouvements sociaux actuels expriment l'inquiétude des Français à ce propos.
Je l'ai dit à cette tribune à plusieurs reprises : la réforme des régimes de retraite est nécessaire à la garantie durable du versement des pensions. Cette réforme repose depuis 2003 sur l'allongement de la durée de cotisation et ce principe est légitime dès lors que l'espérance de vie augmente. Mais cet allongement de la durée de cotisation n'est supportable qu'à trois conditions qui ne sont pas remplies.
Il faut d'abord que l'effort soit modulé pour tenir compte de la pénibilité des métiers, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
L'allongement des durées de cotisation doit ensuite permettre de garantir effectivement le niveau des pensions. Là encore, cette condition n'est pas remplie. En effet, rien n'est fait en faveur de l'emploi des seniors. Or, sans garantie dans ce domaine, les carrières professionnelles ne pourront pas être complètes. À ce sujet, je regrette que le président de la commission des affaires sociales du Sénat, M. Nicolas About, ait jugé utile de retirer en CMP l'amendement qu'il avait fait adopter par le Sénat, introduisant un mécanisme, que nous étions disposés à voter, qui imposait aux entreprises un taux minimum de seniors parmi leurs salariés. C'était pourtant une bonne initiative. Par ailleurs, le niveau des pensions ne sera pas garanti puisque, pour 2008, vous prévoyez une augmentation du niveau des retraites de 1,1 %, alors que l'inflation se situera au mieux à 1,5 % et plus probablement autour de 2 %. Vous aviez là une occasion de manifester votre engagement dans la lutte pour le pouvoir d'achat, mais vous ne l'avez pas saisie !
Quant au paiement des pensions de retraite, il n'est pas garanti dans la durée, notamment lorsque nous atteindrons le pic, entre 2020 et 2030, puis, dans une moindre mesure, jusqu'en 2040. Selon tous les analystes, la seule solution consisterait à abonder le Fonds de réserve des retraites, mis en place par le gouvernement de Lionel Jospin.
Mais vous avez cessé de l'alimenter depuis 2002. Il est vrai qu'il aurait fallu lui apporter des ressources nouvelles.
J'en viens ainsi à la troisième raison pour laquelle nous ne voterons pas ce texte : l'absence de ressources nouvelles pour consolider la protection sociale. Nous avons proposé l'instauration d'une taxe de 8,7 % sur les plus-values réalisées sur les stock-options, dont le produit aurait précisément servi à alimenter le Fonds de réserve des retraites. M. Bur regrette que nous n'ayons pas voté en CMP la disposition qu'il avait proposée et qui avait été adoptée par l'Assemblée nationale. Elle était certes plus favorable que celle adoptée par le Sénat,…
…mais elle était à ce point insuffisante que nous ne pouvions nous engager sur un dispositif si éloigné de nos attentes.
En tout cas, cet épisode aura montré le refus du Gouvernement de s'engager dans la voie qui consiste à mobiliser des ressources nouvelles pour garantir nos retraites ou notre système de protection sociale,…
… puisque le dispositif proposé par le rapporteur, qui n'était tout de même pas révolutionnaire, a été récusé.
Parce que ce projet de loi n'est pas à la hauteur des défis auxquels doit faire face notre protection sociale, nous ne le voterons pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur le président, madame la ministre, mesdames et messieurs les députés, le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire n'est guère différent de celui contre lequel nous avons voté il y a trois semaines ; il a même plutôt évolué dans le sens d'une aggravation. Les principales dispositions que nous avons combattues, notamment l'instauration de nouvelles franchises et la généralisation de la tarification à l'activité dans les hôpitaux publics, sont maintenues. Quant à celles que nous avons proposées, concernant notamment les recettes de la sécurité sociale, elles n'ont toujours pas été prises en compte. Ce texte reste ainsi profondément marqué par votre volonté de soumettre la santé, comme toutes les autres activités, aux lois du marché et donc de sacrifier notre système solidaire d'assurance maladie.
Rien de nouveau, donc. Pourtant, depuis trois semaines, l'actualité n'a cessé de confirmer la justesse de nos préoccupations et de nous fournir de nouveaux arguments. Par exemple, nous avions déposé plusieurs amendements, tous rejetés, visant à taxer davantage les laboratoires pharmaceutiques. En effet, les médicaments coûtent chaque année plus de 20 milliards d'euros à la sécurité sociale, soit un tiers des dépenses de soins de ville. Tout confirme une surconsommation médicamenteuse en France par rapport aux autres pays européens.
C'est vrai !
Pour expliquer cette situation et justifier notre proposition de taxer davantage les laboratoires, nous avions dénoncé les pratiques commerciales des labos, notamment celles des visiteurs médicaux, dont la profession est régie par une charte stipulant que « la visite médicale a pour objet principal d'assurer la promotion des médicaments auprès du corps médical et de contribuer au développement des entreprises du médicament ». À aucun moment, il n'est question de santé.
Le lendemain même du vote des députés sur l'ensemble de ce texte, l'IGAS rendait enfin public un rapport sur ces pratiques. Je dis « enfin », car ce rapport était attendu depuis longtemps, au point que l'on pourrait se demander si l'on n'a pas retardé sa parution, tant ses conclusions sont sévères. Ce rapport nous apprend, par exemple, que les laboratoires consacrent 3 milliards d'euros par an à la promotion, dont les trois quarts vont aux visites effectuées auprès des praticiens, soit 25 000 euros par an et par médecin généraliste. Cette somme, ne l'oublions pas, est payée par la collectivité à travers le prix des médicaments remboursés.
On comprend mieux les pressions, même inconscientes, auxquelles sont soumis les prescripteurs et le fait que les Français consomment autant de médicaments, et de préférence les plus chers. Ce rapport nous éclaire également sur l'importance des profits réalisés par les entreprises pharmaceutiques et sur leur poids dans le budget de la sécurité sociale.
Parmi les mesures que propose l'IGAS figure l'augmentation des taxes versées par les labos, que nous avons nous-mêmes proposée. Une telle mesure permettrait en effet de les responsabiliser, mais vous préférez manifestement responsabiliser les patients, bien qu'ils ne soient pas les prescripteurs.
L'un n'empêche pas l'autre !
Absolument, madame la ministre. Vous avez fait l'un, nous vous demandons de faire l'autre.
En réalité, comme le déclare à la presse un consultant auprès de l'assurance maladie, « il n'y a pas de réelle volonté politique d'aller à rencontre des intérêts de l'industrie pharmaceutique, qui dispose d'un puissant pouvoir de lobbying. »
Pourtant, les récentes révélations concernant les rejets toxiques dont s'est rendue coupable l'usine Sanofi-Aventis à Vitry-sur-Seine, ne contribuent pas à améliorer l'image des laboratoires pharmaceutiques et auraient dû vous ôter vos derniers scrupules à les taxer plus fortement.
Il y a trois semaines, j'avais également souligné les dangers d'une généralisation hâtive de la tarification à l'activité dans les hôpitaux publics. Ce système de rémunération va en effet à l'encontre des missions de service public et favorise outrageusement ceux qui n'y sont pas soumis, c'est-à-dire les cliniques privées.
Elles y sont soumises à 100 % !
C'est la Fédération hospitalière de France elle-même qui a demandé le passage à la T2A !
Certes, la Fédération hospitalière de France était demandeuse, mais à condition que les missions spécifiques de l'hôpital public soient suffisamment prises en compte dans les enveloppes MIGAC pour les missions d'intérêt général et MERRI pour l'enseignement et la recherche. Or, manifestement, le compte n'y est pas, ni pour la FHF ni pour les personnels soignants.
Tout confirme que la T2A va à l'encontre de ces missions. Au reste, le Comité national d'éthique ne s'y est pas trompé puisque, dans un avis qu'il vous a rendu le 30 juin dernier mais que vous avez gardé sous le coude jusqu'à la semaine dernière,…
Mais non !
… il déclare que « la santé publique ne peut être considérée comme un produit ordinaire ». Plus loin, il indique qu'« en privilégiant la comptabilisation des actes techniques au détriment de l'écoute ou d'examens cliniques longs et précis, [la T2A] conduit à considérer comme “non rentables” beaucoup de patients en médecine générale, psychiatrie, gérontologie ou pédiatrie, dont le coût réel de prise en charge n'apparaît pas dans la grille de calcul ». Pardonnez-moi, mais on dirait du Jacqueline Fraysse ! (Rires.)
C'est un peu mégalo !
Avec la T2A, nous avons donc bien affaire à un système de rémunération qui favorise clairement les cliniques privées, puisque celles-ci sont entièrement libres de choisir les spécialités qu'elles proposent et les malades qu'elles reçoivent. Si les hôpitaux publics sont pratiquement tous en déficit,…
Elles sont soumises à la T2A à 100 % !
Ainsi, le 17 décembre prochain, la Générale de santé, qui gère quelques-unes de ces cliniques, s'offrira même le luxe de distribuer à ses heureux actionnaires un dividende exceptionnel de 420 millions d'euros !
À l'heure où la sécurité sociale annonce pour 2007 un déficit de 11,7 milliards d'euros, à l'heure où le Gouvernement crée, avec les nouvelles franchises, une véritable taxe sur la maladie,…
Ça recommence !
…à l'heure où les deux hôpitaux de ma circonscription – Max-Fourestier à Nanterre et Foch à Suresnes – se voient imposer des plans drastiques de retour à l'équilibre, ce dividende exceptionnel suscite pour le moins un certain malaise.
Contrairement à ce que prétend M. Roubaud, la bonne santé financière des cliniques privées et leurs dividendes exceptionnels, en grande partie financés par l'assurance maladie, c'est-à-dire par la solidarité nationale, ne proviennent pas d'une gestion plus rigoureuse, mais tiennent au fait que ces établissements privés ne sont pas soumis aux obligations de service public des hôpitaux. Il est donc très désobligeant de laisser entendre que les équipes qui gèrent les hôpitaux seraient moins compétentes que celles du privé.
La FHF elle-même estime que le statut de l'hôpital public est un frein. Demandez à M. Évin !
M. Évin est responsable de ses propos. Je ne partage pas son avis.
Je rappelle que les hôpitaux ont des obligations en matière de formation, d'accueil de tous les patients, d'urgences et de continuité du service 24 heures sur 24, dimanche et jours fériés.
Ils doivent également insérer leurs activités dans le cadre d'un schéma régional d'organisation sanitaire.
Il est en effet important de se référer à l'esprit des Lumières quand d'autres veulent revenir au Moyen Âge, monsieur Roubaud !
Preuve que la Générale de santé se soucie d'abord de ses intérêts financiers plutôt que de la santé de nos concitoyens : ses actionnaires, malgré leur situation florissante, ont programmé la fermeture de la clinique de la Défense, à Nanterre, considérée comme non rentable. Et peu importe si, dans cette ville de 87 000 habitants, l'offre de soins – déjà inférieure à la moyenne nationale – s'en trouve encore réduite.
C'est pourquoi je rejoins les préoccupations de la Fédération hospitalière de France lorsqu'elle indique que « cette situation devrait inciter les pouvoirs publics à s'interroger sur le rôle respectif des différents acteurs de l'hospitalisation publique et privée, ainsi que sur la définition de la notion de service public hospitalier et des devoirs qui y sont attachés » – j'ajouterai : et des moyens accordés.
Avant de conclure, monsieur le président, je voudrais aborder très brièvement la question des retraites et de la réforme des régimes spéciaux. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Le refus des salariés de la SNCF et de la RATP de voir réformer leurs régimes de retraite pour aboutir à une baisse de leur pension est à mes yeux légitime.
Et pour la destruction de l'outil de travail ?
Au nom de la justice et de l'égalité, le président Sarkozy entend niveler par le bas les régimes spéciaux. Mais il donne l'exemple inverse, en nivelant son salaire vers le haut, puisqu'il l'aligne sur celui, plus élevé, de son premier ministre. Il aurait été plus crédible vis-à-vis des cheminots et de l'ensemble de la population, qui voit baisser son pouvoir d'achat, s'il avait fait l'opération inverse…
… et aligné le salaire de ses ministres sur le sien. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Finalement, notre président agit comme ses amis les patrons lorsqu'ils s'octroient des augmentations de salaire faramineuses, des stock-options et des parachutes dorés, tout en refusant la moindre augmentation à leurs salariés.
Cette décision résume assez bien sa conception de la justice et de l'égalité, qui dépend avant tout de la position de pouvoir que l'on occupe.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avec ce premier PLFSS de la législature, le Gouvernement marque sa volonté de poursuivre le redressement des comptes sociaux.
Il pose les premières bases des réformes indispensables, qui s'articuleront par exemple autour des missions des agences régionales de l'hospitalisation, avec la création de groupements de coopération sanitaire impliquant la nécessaire complémentarité des hôpitaux et des cliniques, ainsi que le maintien du passage à la tarification à l'activité pour le système hospitalier public et privé.
Ce texte va aussi dans le sens de la responsabilisation en instaurant des franchises très modestes plafonnées à 50 euros…
…et dont sont exclues plus de 15 millions de personnes, les plus faibles économiquement ainsi que les femmes enceintes et les enfants mineurs.
Un peu de dignité, monsieur Muzeau !
Les 850 millions d'euros que doit rapporter l'application de cette mesure seront affectés à des dépenses sanitaires prioritaires telles que le cancer, les soins palliatifs ou la maladie d'Alzheimer.
Le Gouvernement s'y est engagé et notre collègue Jean-Pierre Door a déposé un amendement en ce sens.
Je rappelle que la première franchise en matière de santé remonte à 1983, avec la création du forfait hospitalier par un gouvernement de gauche.
C'est à Jack Ralite que l'on doit ça !
Le PLFSS a été l'objet de débats fructueux à l'Assemblée comme au Sénat. Ainsi Mme la ministre de la santé a-t-elle pu indiquer, au sujet de la répartition inégale des médecins sur le territoire, que des mesures autoritaires ou coercitives étaient exclues et que les mesures d'incitation seraient privilégiées. Il n'y aura donc pas de remise en cause de la liberté d'installation des médecins.
Dans la même logique, les députés et les sénateurs ont fait preuve de sagesse en revenant à une situation plus équitable envers le travail peu qualifié qui, depuis la loi TEPA, est pénalisé par la non-prise en compte des temps de pause dans l'assiette des allégements Fillon.
Je me félicite également que, dans un souci de modération, la CMP ait choisi l'amendement des sénateurs qui vise à n'appliquer la taxation des stock-options et distributions d'actions gratuites…
…qu'à celles attribués à compter du 16 octobre 2007. Je rappelle que ces titres sont déjà taxés à plus de 41 %...
…à la suite de la décision d'un gouvernement socialiste, celui de Laurent Fabius. Il ne paraît donc pas opportun de surfiscaliser ce dispositif.
Le volet « Lutte contre la fraude », qui n'est plus un sujet tabou, a été quasiment conservé par la CMP,…
…ce qui permettra à la sécurité sociale de réaliser plusieurs dizaines de millions d'euros d'économies et surtout de mettre fin à une dérive dangereuse et immorale.
Dans un autre domaine, je trouve judicieux que le texte renforce le rôle essentiel des organismes complémentaires en associant leur Union nationale aux décisions qui les concernent.
En conclusion, je crois qu'il s'agit d'un bon PLFSS, comportant des objectifs ambitieux pour 2008. Il suppose néanmoins la poursuite des efforts de maîtrise de dépense et concentre les efforts sur les besoins prioritaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je commencerai par féliciter Mme la ministre d'avoir autorisé les centres de planning familial à pratiquer des IVG médicamenteuses. Si cette mesure peut apparaître anecdotique aux yeux de certains, elle était en réalité très attendue, et je tiens à vous en remercier, madame la ministre. L'interruption volontaire de grossesse est toujours synonyme de détresse, et quand on voit que les jeunes filles y ayant recours sont de plus en plus nombreuses et de plus en plus jeunes, on prend conscience de l'urgence à agir dans ce domaine. Je vous encourage très vivement à le faire en privilégiant l'éducation et l'information, de façon à éviter d'en arriver à cette solution.
Malheureusement, après ces félicitations, madame la ministre, je dois aussi vous faire part de mon amertume.
Je le craignais !
Je commencerai en évoquant le problème des franchises. Vous essayez de culpabiliser les malades – seuls pénalisés par l'application de ces franchises – et, à aucun moment, ne proposez une démarche plus générale. Vous laissez même accroire que seuls les malades seraient fraudeurs, alors que vous savez très bien que ce ne sont pas eux qui prescrivent les médicaments. Plus grave, vous vous attaquez au principe de solidarité, fondateur de la sécurité sociale. Cette attitude laisse transparaître votre volonté d'aller vers la privatisation, c'est-à-dire vers un système inacceptable où les malades payent pour les malades.
Au sujet de la permanence des soins, il aura suffi que quelques jeunes descendent dans la rue pour que vous retiriez les propositions figurant initialement dans le PLFSS. Mais il ne suffit pas de laisser le problème en jachère pour qu'il disparaisse ! Il conviendrait de mieux accompagner les nouvelles pratiques médicales, de réformer le dispositif de conventionnement, qui a atteint ses limites, et de s'attaquer avec détermination au problème de l'inégalité d'accès aux soins sur le territoire.
Enfin, depuis 2001 – dernière année où les comptes de la sécurité sociale se sont trouvés en équilibre –, les déficits se creusent inexorablement.
Vous avez fait preuve d'une totale irresponsabilité en matière de dépenses ! Vous n'avez fait aucun effort pour tenter de les maîtriser !
Vous allez encore me parler des 35 heures, monsieur le rapporteur, qui seraient la cause de tous nos malheurs,…
…mais c'est faire abstraction de votre propre responsabilité en la matière…
…car de deux choses l'une : ou bien cette mesure était réellement néfaste à notre pays et il fallait l'abroger, sous peine de vous en rendre complices, ou bien elle est bénéfique, comme je le pense, et il n'y a pas lieu de la critiquer !
Vous nous reprochez de ne pas avoir supprimé les 35 heures ? C'est un peu fort !
Vous ne pouvez vous retrancher éternellement derrière les 35 heures ! Qu'avez-vous fait, depuis six ans que vous êtes au Gouvernement ?
Je veux bien admettre que la responsabilité des déficits vous dépasse, madame la ministre, puisqu'elle revient en partie aux gouvernements précédents, qui n'ont malheureusement pas su mettre en oeuvre la politique économique qui convenait pour favoriser le développement et la croissance. En revanche, nous pouvons difficilement admettre que vous taxiez les personnes les plus modestes pour mieux servir ceux qui ont déjà du pouvoir d'achat.
Tels sont les motifs de la profonde amertume que m'inspire une lecture réaliste de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La discussion générale est close.
La parole est à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je m'exprimerai au nom de mes collègues Éric Woerth, Xavier Bertrand et Valérie Létard…
…ainsi qu'en mon nom propre, cela va sans dire. (Sourires.)
Il vaut mieux le dire ! Vous aviez l'air de vouloir vous désolidariser !
Soyez sans crainte, monsieur Muzeau, je n'ai pas l'intention de me défausser de mes responsabilités !
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale tel que vous l'avez amendé engage la modernisation de notre système de protection sociale. Les débats ont permis d'enrichir le projet et je me félicite des apports qu'ils ont permis, de quelques bancs qu'ils proviennent. Je veux remercier tout particulièrement M. le rapporteur Bur pour le travail remarquable qu'il a accompli. De nombreux amendements ont ainsi été adoptés et viennent utilement prolonger la démarche du Gouvernement.
Je suis convaincue que ce PLFSS est un texte de fondation et que la richesse de nos débats nous permettra d'avancer sur la voie de la réforme.
Avec des fondations pareilles, la maison risque de ne pas être bien solide !
En premier lieu, ce projet de loi donne toute sa portée au principe de responsabilité qui constitue la condition première du maintien de notre système solidaire. Le Gouvernement s'engage en effet résolument dans la voie de la maîtrise des dépenses sociales, selon une logique d'efficience et non pas simplement comptable.
Dès l'année prochaine, les mesures contenues dans ce texte et dans le plan d'urgence décidé en juillet ramèneront le déficit du régime général à moins de 9 milliards d'euros,…
…un montant certes encore trop élevé, mais à comparer aux 14 milliards prévus si l'on n'avait rien fait.
À cet égard, je veux vous dire un mot au sujet des déficits, mesdames, messieurs les députés socialistes et communistes…
…et Verts, bien entendu. Je ne vous avais pas oubliée, madame Billard : en ce qui vous concerne, la qualité supplée la quantité ! (Sourires.)
Ainsi, Mme Touraine parle de crise financière : mais qui n'a pas pris ses responsabilités en matière de réforme des retraites ? Qui, au contraire, a fait la réforme de 2003 et continue à travailler pour pérenniser notre système de retraite ?
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Eh oui !
Qui a laissé filer les dépenses maladie à la fin des années 1990, en 2000 et 2001 ?
Il est vrai qu'à l'époque la croissance de la masse salariale permettait de fermer les yeux et de laisser filer les dépenses.
Les déficits actuels sont en partie imputables à cette période, mais pas seulement,…
…et la faiblesse de la croissance des recettes de 2002 à 2005 a masqué les efforts de maîtrise médicalisée. L'essentiel est de l'avoir compris et de vouloir apporter de vraies réponses structurelles afin de sauvegarder notre protection sociale.
En 2008, la branche famille et la branche accidents du travail retrouveront ainsi l'équilibre et le déficit du régime général d'assurance maladie sera ramené à 4,2 milliards d'euros, son niveau le plus faible depuis 2002.
Cet effort de maîtrise se traduit également par une progression « ambitieuse mais réaliste » – selon les termes employés à juste titre par Jean-Marie Rolland, que je remercie. Si l'on tient compte de l'impact de la franchise, la progression de 2,8 % des dépenses d'assurance maladie correspond à une évolution de 3,4 % de l'ONDAM, suffisante pour répondre aux besoins de notre système de santé tout en consentant un effort notable en faveur des personnes âgées et handicapées. Je tiens d'ailleurs à rassurer M. Le Guen, qui s'inquiète d'un éventuel dérapage : les chiffres des remboursements de ces derniers mois montrent une décélération de la croissance des dépenses.
Ces chiffres devront être validés par les dernières données, mais au vu des chiffres du début de l'été, l'ONDAM prévu pour 2007 reste une hypothèse tout à fait réalisable.
Les propositions de votre assemblée, notamment sur les stocks-options, ont également permis d'apporter des recettes précieuses pour notre système de solidarité.
Dans son volet santé, ce PLFSS préserve et renforce les principes de notre sécurité sociale. Plusieurs mesures permettront en effet de progresser dans la voie de la solidarité. Je remercie M. Rogemont de m'avoir félicitée pour les mesures relatives à l'interruption volontaire de grossesse par voie médicamenteuse. Il était en effet important d'étendre cette pratique aux centres de planification et d'éducation familiale ainsi qu'aux centres de santé.
Les efforts de prévention seront également renforcés avec la gratuité des dépistages et de la vaccination contre les hépatites virales effectués dans les centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie.
Enfin, en matière de protection de la maternité, ce projet de loi rétablit l'équité entre toutes les femmes, quel que soit leur régime d'affiliation. Il s'agit là d'une mesure de justice sociale à laquelle j'étais profondément attachée.
Mais ce PLFSS nous permettra également de progresser dans la prise en charge collective de nouveaux besoins de santé publique.
La mise en place des franchises, qui rapporteront 850 millions d'euros, viendra en effet financer la lutte contre la maladie d'Alzheimer, les soins palliatifs ou la lutte contre le cancer. Je rappelle, comme M. Tian, que 15 millions de nos compatriotes en seront exonérés, et que les plus malades seront protégés et continueront de bénéficier d'un niveau très élevé de prise en charge – plus de 78 %, ce qui nous place en tête des pays développés.
En ce sens, le principe de solidarité est donc bien respecté.
À cet égard, je réfute complément l'idée d'une taxation, d'un impôt, surtout lorsque le propos émane d'une spécialiste en la matière, comme Mme Touraine. L'État ne va pas utiliser les sommes ainsi obtenues pour financer d'autres dépenses, comme il le ferait s'agissant du produit d'un impôt. Il va, en l'occurrence, réorienter la dépense d'assurance maladie. Je le répète : le principe de solidarité est donc bien respecté. Vous pourrez le constater vous-mêmes à l'occasion du rapport que je me suis engagée à vous remettre chaque année, pour rendre compte en toute transparence de l'utilisation qui sera faite des ressources des franchises au service de ces priorités et des malades.
Ce projet de loi place également la recherche de l'efficacité au centre de notre stratégie de maîtrise des comptes et d'amélioration des soins. Il est en effet urgent que nous rendions dès maintenant beaucoup plus efficace la démarche dite de maîtrise médicalisée, comme l'a souhaité le Président de la République. Et je me félicite que vous nous ayez soutenus dans cette démarche.
Les mesures de ce PLFSS en faveur de la maîtrise médicalisée participent d'une seule et même volonté : nous donner les moyens de mieux gérer pour pouvoir soigner mieux, de soigner mieux pour éviter les incohérences inutilement coûteuses et préjudiciables au patient.
Pour répondre à cette exigence, la prescription doit devenir plus efficace et les parcours de soins gagner en cohérence en contrepartie des revalorisations à venir et de l'amélioration des conditions d'exercice des professionnels de santé.
C'est dans cet esprit que nous vous avons proposé que la Haute autorité de la santé puisse réfléchir aux parcours de soins les mieux adaptés à chaque pathologie.
C'est également dans ce sens qu'a été adoptée la possibilité pour les médecins de s'engager plus avant dans la maîtrise médicalisée tout en permettant à l'assurance maladie de les accompagner dans leur démarche.
Enfin, les prescriptions des professionnels de santé pourront s'appuyer sur les logiciels d'aide à la prescription, qui leur indiqueront le prix des produits et le coût total de leur prescription.
Ce principe d'efficacité justifie également l'accélération des mesures en faveur de la modernisation de l'hôpital. Tel est, madame Fraysse, le sens de la mesure forte qui consiste à porter la T2A à 100 %, mesure réclamée par l'ensemble des gestionnaires de l'hôpital public.
C'est pour donner aux établissements de santé les moyens de leur réorganisation que je propose que la part de tarification à l'activité soit portée à 100 % en 2008, contre 50 % cette année.
Dans le même temps, nous veillerons à accompagner les établissements. À cet effet, il est prévu que cette montée en charge s'accompagne d'un dispositif de stabilisation permettant d'accompagner les mutations nécessaires. Ayant longuement présenté ce dispositif au cours des débats, je n'y reviendrai pas aujourd'hui.
Le Gouvernement est déterminé à soutenir cet effort de réforme de grande ampleur et il le fera par des moyens en progression de 3,2 %.
Ce PLFSS réserve également une très large place à la négociation conventionnelle qui irrigue le mode de gouvernance de l'assurance maladie. Je tiens à cet égard à rassurer Jean-Luc Préel, dont l'intervention, et je l'en remercie, était très intéressante et très constructive : le renforcement de la procédure d'alerte à l'article 25 de ce projet n'entame pas ce principe, bien au contraire !
En proposant qu'une période d'observation soit instaurée avant que n'entrent en vigueur les revalorisations que pourront négocier les partenaires conventionnels, ce projet de loi assure que les objectifs sont bien en cours de réalisation et leur donne ainsi toute leur crédibilité. Lorsque les résultats ne seront pas au rendez-vous, lorsque l'alerte sur les comptes sera déclenchée, chacun devra en revenir à ses responsabilités et retarder les revalorisations.
Les partenaires conventionnels recevront également avec ce texte un mandat pour définir les moyens les plus adaptés pour répondre à la problématique de la démographie médicale, sujet largement abordé ici et au Sénat. Ils devront ainsi contribuer à garantir le respect du principe de l'accès pour tous à des soins de qualité et à tarif opposable.
Les articles 32 et 33 sur lesquels nous avons beaucoup discuté ne sont toutefois pas les seuls qui apportent des réponses à cette préoccupation de nos concitoyens. La permanence des soins sera renforcée dans le cadre des expérimentations en matière de rémunération des professionnels de santé. L'accès à des tarifs de soins opposables sera également facilité en raison des mesures visant à mieux informer les patients sur les dépassements d'honoraires.
Mais nos échanges sur la démographie médicale ont également permis d'aborder la question de la modernisation des pratiques médicales : ce projet prévoit ainsi des mesures faisant évoluer les pratiques des infirmiers, qui se voient reconnaître la possibilité de faire des vaccinations antigrippales.
Enfin, la solidarité ne se conçoit pas sans la responsabilité. C'est pourquoi nos efforts en matière de lutte contre les fraudes seront renforcés. Le texte prévoit notamment d'instaurer un contrôle des bénéficiaires de l'aide médicale d'État, de renforcer l'opposabilité de la contre-visite employeur en matière d'arrêt maladie et d'étendre le pouvoir d'accès aux informations détenues par des tiers pour les organismes de sécurité sociale.
S'agissant des retraites, de la famille, des accidents du travail et des maladies professionnelles, ou encore de la politique en faveur des personnes âgées ou handicapées, ce projet de loi traduit également les axes de réforme voulus par le Président de la République.
Ce texte marque une première rupture afin de supprimer tous les verrous qui pénalisent ceux qui voudraient continuer à travailler, et il incite les entreprises privées et publiques comme les administrations à ne pas négliger les seniors dans leur gestion des ressources humaines. Les préretraites seront ainsi découragées et les pratiques de mise à la retraite d'office très fortement dissuadées.
En ce qui concerne la branche famille, le Gouvernement entend donner une nouvelle impulsion à notre politique familiale. L'effort en direction des familles les plus modestes sera ainsi sensiblement accru, Le projet de loi offrira le choix dans les modes de garde des enfants entre le recours à une assistante maternelle agréée ou le recours à une place en crèche.
Les prestations seront en outre plus efficaces car elles seront mieux adaptées aux besoins des allocataires avec la mise en place d'une majoration unique des allocations familiales à 14 ans. Nous serons ainsi plus en phase avec la réalité car c'est à 14 ans que le coût d'un enfant s'accroît.
D'autres mesures sont également prévues comme le principe de la modulation de l'allocation de rentrée scolaire en fonction de l'âge, et la simplification des démarches pour obtenir les prestations familiales.
Pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles, les efforts sont poursuivis en faveur des victimes professionnelles, notamment les victimes de l'amiante, monsieur Roy. Le projet de loi prévoit des abondements aux fonds amiante du même ordre que l'an dernier, avec une hausse de 50 millions pour le FCAATA.
Pour les personnes âgées, le texte prend la mesure de l'augmentation du nombre de personnes âgées de plus de 85 ans, qui passera de 1 million à 2 millions au cours des 10 prochaines années.
Pour mener à bien le chantier de la mise en place d'une cinquième branche, ce projet de loi apporte 650 millions d'euros de mesures nouvelles : la prise en charge des personnes âgées dépendantes sera ainsi améliorée, grâce à un effort particulier pour les maisons de retraite en 2008 avec la création de 50 % de places supplémentaires par rapport aux prévisions et la poursuite de leur médicalisation.
Ce PLFSS propose également un effort soutenu de création de places dans les établissements et services pour enfants et adultes handicapés, avec une progression des crédits de 5,7 % et des mesures nouvelles à hauteur de 410 millions.
Mesdames, messieurs, je l'ai dit, vos amendements ont permis d'améliorer et de prolonger les réponses que le Gouvernement souhaite apporter dès aujourd'hui aux grandes préoccupations des Français. De l'intensité des débats et de la qualité des interventions je retire la conviction que la modernisation de notre système de protection sociale constitue bien l'enjeu fondamental de ces prochaines années.
Mais ce PLFSS n'en constitue que la première étape : les mois qui viennent seront ainsi marqués par de nombreux rendez-vous afin d'approfondir ces enjeux et d'apporter des solutions. Je souscris tout à fait à la démarche présentée par Pierre Méhaignerie de continuer dans la voie des réformes.
En ce qui concerne le domaine de la santé, le premier trimestre 2008 verra se tenir les états généraux de l'offre de soins afin de définir les garanties que les Français attendent en matière d'égal accès aux soins. Nous parlerons évidemment de démographie médicale, de zones sous-denses ou sur-denses mais nous aborderons également la question cruciale des dépassements.
Nous allons engager par ailleurs une réflexion pour adapter les recettes de la sécurité sociale face à l'augmentation croissante des besoins de santé et repenser les contours de la solidarité et de la responsabilité individuelle.
Nous devrons également ouvrir le débat sur la structuration de nos dépenses de santé. Peut-on et doit-on la repenser jusqu'au point où chacun reçoive selon ses moyens et non plus simplement selon ses besoins ? Tel est l'enjeu réel d'un bouclier sanitaire plafonné en fonction des revenus. S'agissant du DMP, j'ai répondu hier à Jean-Pierre Door, dans le cadre des questions au Gouvernement. Je lui ai indiqué la feuille de route que j'entendais suivre dans ce domaine.
Enfin, je souhaite avancer sur la question fondamentale du pilotage et de la progression de la modernisation de notre outil de santé publique avec la création des Agences régionales de santé.
Cependant, aucune réforme, aussi pressante soit-elle, ne saurait prendre forme et s'incarner dans les faits sans le concours actif de personnels de santé solidaires et motivés. À cet égard, je vais mener le chantier de la revalorisation des métiers de l'hôpital, afin de soutenir les vocations, d'encourager les efforts de tous ceux et celles qui contribuent, par leur engagement quotidien, à assurer un service hospitalier de qualité.
Le Gouvernement a montré lors des débats à l'Assemblée nationale qu'il était prêt à s'ouvrir aux propositions permettant d'avancer sur ces chantiers ambitieux de réforme : le concours de tous est en effet indispensable. Comme je le rappelais dans mes propos lors de la discussion générale, nous nous situons véritablement à la croisée des chemins. Le texte que vous avez examiné et amendé engage un pas dans la bonne direction. C'est pourquoi je vous propose de l'adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Nous allons le faire !
Nous en venons au texte de la commission mixte paritaire.
Conformément à l'article 113, alinéa 3, du règlement, j'appelle l'Assemblée à statuer d'abord sur les amendements.
Je suis saisi d'un amendement n° 2 rectifié .
La parole est à Mme la ministre, pour le soutenir.
Cet amendement, qui porte sur les articles 8,18, 19 et 20, modifie les agrégats pour tenir compte de nos débats et des conclusions de la commission mixte paritaire.
Je mets aux voix l'amendement n° 2 rectifié .
(L'amendement est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 1 .
La parole est à Mme la ministre, pour le soutenir.
Même explication que précédemment.
Je suis saisi d'un amendement n° 3 .
La parole est à Mme la ministre, pour le soutenir.
Même explication.
Je suis saisi d'un amendement n° 4 .
La parole est à Mme la ministre, pour le soutenir.
Argumentation identique.
Je suis saisi d'un amendement n° 5 .
La parole est à Mme la ministre, pour le soutenir.
Argumentation identique.
Je suis saisi d'un amendement n° 6 .
La parole est à Mme la ministre, pour le soutenir.
Amendement rédactionnel.
Je suis saisi d'un amendement n° 7 .
La parole est à Mme la ministre, pour le soutenir.
Il s'agit de corriger une erreur rédactionnelle.
Je suis saisi d'un amendement n° 8 .
La parole est à Mme la ministre, pour le soutenir.
Il s'agit de rectifier une erreur matérielle.
Dans les explications de vote, la parole est à M. Roland Muzeau, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Ce PLFSS n'innove pas. Les assurés sociaux sont de nouveau mis à contribution financièrement et victimes d'une réduction de l'offre de soins. Une part croissante de notre population est progressivement privée de l'accès aux soins : ticket modérateur, forfait hospitalier, baisse du taux de remboursement des médicaments et, désormais, les fameuses franchises médicales.
Vous qui aimez tant les sondages, madame la ministre, vous n'aurez pas manqué de noter que 70 % de nos concitoyens y sont opposés. Les conséquences de ces franchises seront en effet bien évidemment désastreuses. Elles vont dissuader les foyers modestes de recourir assez tôt aux soins, au double risque d'un recours plus fréquent à l'accès direct aux soins hospitaliers et à l'automédication, ou à un recours trop tardif à des soins adaptés après une aggravation de la maladie.
Cette dérive prévisible est donc dangereuse pour les personnes concernées. Elle est dangereuse aussi en termes de santé publique. Elle est enfin beaucoup plus coûteuse : les franchises médicales, par la désorganisation des soins, ne pourront qu'aggraver le déficit déjà historique de la sécurité sociale.
Vous justifiez ces 850 millions d'euros d'économies supplémentaires réalisées sur le dos des malades en expliquant qu'il est indispensable de maîtriser la dépense et de responsabiliser les patients. Vous ne vous souciez guère en revanche de maîtriser les recettes. Vous n 'hésitez pas, au contraire, à dilapider les deniers publics en exonérations de cotisations patronales – exonérations inefficaces, qui n'exercent aucun effet de levier sur la croissance et l'emploi.
Vous avez l'oeil rivé sur le petit bréviaire de recettes libérales, que vous vous attachez à suivre scrupuleusement !
Pas d'images cléricales de votre part, monsieur Muzeau !
Depuis 2002, vous accomplissez avec vos amis le tour de force d'enfoncer tous les comptes sociaux dans le rouge.
Cela fait ainsi des années que nous vous proposons en vain de réformer en profondeur le mode de financement de la sécurité sociale et d'élargir l'assiette des cotisations, la part des salaires dans le PIB ne cessant de diminuer depuis quinze ans au seul profit des marchés financiers.
Il aura fallu une législature entière et l'insistance de la Cour des comptes pour que vous preniez enfin conscience de l'impérieuse nécessité d'une contribution sur les stock-options. Encore est-ce avec une disposition bien timide et notoirement insuffisante, qui peine bien évidemment à masquer l'injustice criante de la plupart de vos mesures. Mais c'était encore trop, et la CMP y a mis bon ordre, comme le réclamait Laurence Parisot pour le MEDEF !
Dans le droit fil de cet alignement de la représentation nationale sur les exigences du syndicat patronal, figure également le sort que vous réservez dans ce projet de loi aux victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles. Vous avez refusé, pour commencer, d'exonérer les victimes du paiement de la franchise médicale. C'est inconcevable ! Est-il besoin, en effet, de rappeler que la gratuité des soins n'est que l'expression, pour ce qui concerne ces victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles, du droit à réparation qu'ils détiennent contre l'employeur, auquel la sécurité sociale est substituée ? Il est donc incompréhensible, alors qu'elles sont déjà indemnisées de façon médiocre pour leurs préjudices économiques, que ces personnes soient désormais obligées de prendre à leur charge les conséquences du dommage qu'elles ont subi du fait d'autrui.
La franchise médicale aboutit à ce que ce soit la victime qui paie les dépenses de santé dues à l'accident qu'elle a subi ou à la maladie dont elle est atteinte. C'est sans doute dans la logique de votre discours d'autojustification portant sur la responsabilisation des assurés sociaux, mais en quoi une victime de l'amiante ou la victime d'un accident de chantier est-elle coupable ? En quoi faut-il la responsabiliser ?
De cette grave injustice, vous n'avez cure, pas plus que vous n'avez cure de garantir aux victimes d'accidents du travail la juste réparation de leur préjudice. Vous avez au contraire décidé, tout à fait arbitrairement, de plafonner le montant des rentes en cas d'accidents successifs, mesure qui ne se justifie par aucun argument de droit et qui contredit toute la jurisprudence.
Avec mes collègues, j'ai saisi votre ministère pour obtenir, conformément aux règles qui régissent les débats de l'Assemblée, l'accord du Gouvernement sur le dépôt de deux amendements portant, l'un sur la suppression globale des franchises médicales, l'autre – amendement de repli – sur la suppression des franchises médicales pour les victimes des AT-MP. Vous avez refusé, ce qui est regrettable.
Au lieu de quoi, vous ne faites rien ; pire encore, vous cautionnez les comportements frauduleux des entreprises – je pense à l'exemple récent de Renault (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) –, comportements qui n'ont d'autre but que d'éviter une majoration des cotisations AT-MP, quitte à mettre la branche en déficit.
Vous détournez enfin l'attention de nos concitoyens, en prétendant hypocritement agir contre la fraude aux arrêts de travail, quant il ne s'agit en fait que de mettre les caisses sous la tutelle des médecins désignés par les employeurs, ce qui est parfaitement inacceptable.
Pour les avis qu'ont exprimés Jacqueline Fraysse et Martine Billard, pour toutes les raisons que je viens d'exposer et parce que votre acharnement à suivre les diverses préconisations du MEDEF et à cautionner l'irresponsabilité des entreprises ne se dément décidément jamais, nous voterons contre le présent projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La parole est à M. Dominique Tian, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Au risque de répéter ce qui a déjà été dit, je reviendrai sur les franchises. Elles sont très modestes, monsieur Muzeau, puisqu'elles sont plafonnées à cinquante euros et qu'en sont exclues plus de quinze millions de personnes, les plus faibles économiquement, les femmes enceintes et les mineurs.
Les 850 millions d'euros dégagés seront affectés à des dépenses sanitaires prioritaires : le cancer, la maladie d'Alzheimer et les soins palliatifs.
Pourquoi les victimes de l'amiante doivent-elles payer pour la maladie d'Alzheimer ?
Je rappelle enfin que les premières franchises instaurées dans notre pays l'ont été en 1983 par la gauche, avec le forfait hospitalier. Nous n'avons donc de leçons à recevoir de personne.
Cet argent sera récolté à des fins utiles. Ce PLFSS est excellent, tout comme le texte de la CMP. Le groupe UMP le votera donc. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à Mme Marisol Touraine, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Le passage par la commission mixte paritaire a durci le texte issu des débats de notre assemblée, alors qu'il nous semblait déjà largement insuffisant.
Aucune réponse de fond n'est apportée au déficit croissant qui résulte de votre politique. Le projet n'apporte pas davantage de réponse à la baisse du pouvoir d'achat – notamment pour les retraités –, alors que vous en faites le leitmotiv de votre communication politique.
Bien au contraire, votre texte repose sur des hypothèses d'inflation inférieures aux prévisions, ce qui signifie que, au moment même où les Français manifestent leur inquiétude quant au pouvoir d'achat, vous annoncez sciemment que ce pouvoir d'achat va baisser. Il va baisser pour les catégories populaires et les classes moyennes, puisque vous leur imposez d'ores et déjà des franchises ou, pour ceux qui peuvent se la payer, une augmentation de leur assurance complémentaire.
Ces mesures, nous l'avons dit, n'auront par ailleurs aucun résultat. Vous aviez déjà multiplié les franchises à l'occasion de la loi de 2004, sans aucun effet sur le déficit de la sécurité sociale, qui n'a cessé de s'aggraver depuis cette date, alors que M. Douste-Blazy nous avait promis le rétablissement des comptes pour 2007.
Ces franchises n'ont donc pas permis la « responsabilisation », comme vous dites, des assurés sociaux, car lorsqu'on est malade, on va se faire soigner sans se demander si on a tort ou raison d'être malade.
Pour toutes ces raisons et parce qu'il ne s'agit pas d'un projet de fondation mais d'un projet de renoncement, le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche ne le votera pas.
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.
(L'ensemble du projet de loi est adopté.)
Vote sur l'ensemble
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures cinquante-cinq, est reprise à douze heures.)
Je serai bref, monsieur le président toutefois ; je tiens à faire remarquer que nous travaillons dans des conditions très compliquées.
En effet, après avoir siégé hier après-midi et hier soir, nous allons aujourd'hui examiner ce projet de loi durant une heure seulement avant de revenir sur le texte lundi soir à dix-huit heures, pour travailler de nouveau une heure et demie tout au plus, avant d'entamer la séance de nuit, laquelle ne nous permettra vraisemblablement pas d'achever l'examen d'un texte qui suscite un débat nourri. Aussi sommes-nous bons pour continuer peut-être jeudi – je ne suis pas membre de la Conférence des présidents ni ministre ! De telles conditions de travail ne sont admissibles ni pour les parlementaires ni pour tous ceux qui, à l'intérieur ou à l'extérieur de l'Assemblée, suivent nos débats. C'est la raison pour laquelle, monsieur le président, je vous demande de bien vouloir transmettre mes observations à M. le président de l'Assemblée nationale et à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, qui fixe l'ordre du jour.
Hier soir, l'Assemblée a commencé l'examen des articles de ce projet de loi, s'arrêtant à l'amendement n° 78 avant le titre 1er.
Je suis saisi d'un amendement n° 78 .
La parole est à M. François Brottes, pour le soutenir.
Monsieur le président, j'ai bien compris que vous partagiez l'avis de M. Gaubert sur la façon dont nos débats sont organisés.
Nous avions déjà longuement débattu de ce même amendement lors de l'examen du projet de loi visant à redonner confiance au consommateur et M. Chatel, alors rapporteur, avait émis un avis favorable, un grand nombre de députés partageant notre point de vue.
Compte tenu en effet de la solidarité juridique existant au sein d'une communauté fondée sur le mariage ou sur un pacs, lorsqu'un des deux partenaires s'engage dans un nombre inconsidéré de crédits rechargeables, ou revolving, il peut contracter des dettes extrêmement importantes sans en avertir son partenaire, ce qui peut conduire à des situations dramatiques. Cet amendement ne vise donc pas tant les dépenses extravagantes, le code civil prévoyant déjà de protéger les intérêts communs du couple si un des deux partenaires souhaite par exemple acheter un château un Espagne, que les dépenses courantes mais multipliées à l'infini, dans le cadre notamment des crédits revolving, auxquels on peut, de notre point de vue, avoir trop facilement recours. C'est pourquoi l'amendement n° 78 vise à préciser que « la créance née de l'ouverture des opérations de crédit visées à l'article L.311-2 du code de la consommation est inopposable à la communauté, à l'indivision et au membre de la communauté ou de l'indivision qui ne l'a pas expressément acceptée. »
Dans nos circonscriptions ou dans nos mairies, nous sommes fréquemment confrontés à des situations de ce type, qui ne sont pas des accidents de la vie, monsieur le rapporteur, mais résultent d'un dérapage du comportement d'un des deux partenaires à l'insu de l'autre. Notre assemblée, il y a quelques mois, avait voté à la quasi-unanimité notre précédent amendement qui avait été ensuite rejeté par le Sénat au motif qu'il aurait porté préjudice à la consommation, alors qu'en renforçant la transparence au sein d'un couple marié ou pacsé nous rendrions service à nos concitoyens, chaque conjoint devant être dûment alerté en amont du fait qu'aucun des deux n'a le droit d'engager l'autre à son insu.
La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.
L'avis de la commission est défavorable.
En effet, si je suis entièrement d'accord avec l'exposé des motifs, une lecture plus précise de l'amendement lui-même fait craindre que la mesure proposée ne se révèle contreproductive. Nous sommes favorables à l'objectif que vous poursuivez et il est vrai que nous recevons tous, dans les permanences de nos circonscriptions, des personnes qui se trouvent dans de telles situations. Mais, l'état actuel du droit est déjà très protecteur du conjoint d'un époux qui se livre à des dépenses inutiles ou contracte des emprunts pour l'entretien du ménage, l'éducation des enfants et la protection des biens de la communauté. En vertu de l'article 220 du code civil, la solidarité entre époux, quel que soit le régime matrimonial, ne concerne ni des dépenses manifestement excessives – eu égard au train de vie du ménage – ni les achats à tempérament qui n'ont pas été conclus par les deux époux, à moins que ces achats ne portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante. En outre, l'article 1415 dispose que « chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus, par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n'aient été contractés avec le consentement exprès de l'autre conjoint qui, dans ce cas, n'engage pas ses biens propres. » L'adoption de votre amendement remettrait en cause l'ensemble de ces protections puisque la signature des deux conjoints impliquerait nécessairement leur responsabilité individuelle sur les biens non seulement de la communauté ou de l'indivision, mais également sur les biens propres, ce que le code civil exclut actuellement.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Monsieur Brottes, je tiens à préciser que si, lors de l'examen du projet de loi visant à redonner confiance au consommateur, l'Assemblée, à l'instar de la commission des affaires économiques, avait adopté à l'unanimité l'amendement que vous évoquez, c'était contre mon avis de rapporteur. Le Sénat l'a ensuite rejeté. Je n'ai donc pas plus changé d'avis sur ce sujet que sur celui des recours collectifs.
Cet amendement nous conduit à nous poser quatre questions.
Premièrement, devra-t-on déclarer son statut matrimonial chaque fois qu'on contractera un crédit à la consommation, par exemple lors d'un achat effectué seul, un samedi après-midi ?
On ne pourrait dès lors pas procéder à l'acquisition de ce cadeau puisqu'elle ne serait pas là pour signer !
Deuxièmement – j'avais déjà eu recours à cet argument lors du précédent dépôt de cet amendement –, pourquoi ajouter des dispositions redondantes à celles qui, dans le code civil, protègent déjà les époux des conséquences dommageables d'un engagement excessif et irraisonné de l'un des deux conjoints ? M. le rapporteur les a rappelées.
Troisièmement, privilégierait-on vraiment la responsabilité individuelle en imposant la double signature, ce qui ferait obstacle aux dispositions de l'article 1415 du code civil ?
Enfin, faut-il faire un bond en arrière en remettant en cause la pleine capacité de droit de chacun des époux qui l'autorise à conclure seul un contrat n'exigeant pas le consentement de son conjoint ? À ces quatre questions, monsieur Brottes, le Gouvernement répond non !
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !
Je comprends vos arguments, mais notre amendement concerne spécifiquement le crédit revolving, c'est-à-dire l'accumulation dangereuse de petites dépenses courantes, et non des dépenses excessives et irraisonnées contre lesquelles les conjoints sont en effet déjà protégés par le droit. Un retraité de ma circonscription a été acculé au suicide parce que sa femme avait contracté 40 000 euros de dettes à son insu : on ne saurait l'accepter ! Or la jurisprudence, malheureusement, montre que dans son état actuel le droit ne protège en rien de telles situations ! Vous parlez de cadeaux, mais on peut faire un cadeau sans recourir à un crédit revolving !
En revanche, je suis choqué que vous refusiez toute protection à ceux dont les dettes s'accumulent parce qu'ils ont eu recours au crédit revolving afin de solder des dettes antérieures. Votre refus de prévoir des filets protecteurs en ce domaine me choque vraiment parce que, lorsque certains en viennent au suicide – ils sont plus nombreux qu'on le croit –, le législateur est en partie responsable !
Monsieur le secrétaire d'État, je réagirai brièvement à vos propos. Premièrement, notre amendement n'impose pas la signature du conjoint. Simplement, le conjoint qui n'a pas signé n'est pas engagé. Ce n'est pas du tout la même chose ! Chaque partenaire assumera seul les crédits qu'il aura contractés sans l'accord de son conjoint.
Malheureusement non, monsieur le rapporteur : un peu comme pour le temps de refroidissement du canon du fusil cher à Fernand Raynaud, l'appréciation reste la règle. Qu'est-ce qu'un endettement « raisonnable » ? Voilà qui est bien difficile à apprécier !
En second lieu, c'est bien de responsabilité individuelle qu'il s'agit puisque cet amendement vise à ne pas faire peser la responsabilité sur autrui !
Je suis saisi d'un amendement n° 75 .
La parole est à M. François Brottes, pour le soutenir.
J'ai envie de surnommer l'amendement n° 75 l'amendement de « l'île de la Tentation » ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Il existe ainsi des « îlots commerciaux » souvent situés dans les grandes surfaces et animés par des personnes souriantes, dynamiques, parfois séduisantes – je parle bien sûr pour ces dames, séduites par tel ou tel jeune commercial, mais l'inverse peut être vrai. Pendant ce temps de la séduction, chacun joue son rôle, l'un vend et l'autre tend à acheter. Sont ainsi offertes, en quelque sorte, trois prestations en une.
D'abord, je décris mon produit, j'en fais l'article et donc j'arrive à convaincre qu'il présente moult intérêt pour celui qui est en passe de l'acheter même s'il n'y était pas forcément décidé. Ensuite, je signe la vente et donc je perçois une commission. Enfin, comme M. ou Mme Acheteur n'a pas les moyens d'acquérir le produit en question, je suis tout à fait disposé à lui vendre un crédit sans me montrer d'ailleurs très exigeant sur le niveau d'endettement ni sur les formalités à remplir. Tout se réalise sous les mêmes paillettes, dans le même lieu, avec le même sourire et dans un temps souvent assez bref. Il s'agissait donc bien d'une sorte d'îlot où la tentation était telle qu'on est passé très facilement de l'acte d'achat à la contractualisation d'un crédit.
Nous devons donc faire en sorte de séparer le temps de la décision d'achat et le lieu de mobilisation du crédit. L'acheteur bénéficierait ainsi d'un temps de réflexion, objet de l'amendement. Dès l'instant où la même personne propose les deux produits – le bien lui-même et le crédit –, le danger existe d'un emballement susceptible de favoriser le dérapage du surendettement.
Autant nous étions tout à l'heure d'accord d'un point de vue juridique sur le fond, autant, ici, je ne vous suis pas. La société que vous souhaitez mettre en place par le biais de certains amendements est une société triste qui, en effet, n'aurait plus de paillettes puisqu'elle serait une société d'interdits. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Votre amendement propose d'interdire le démarchage, la publicité, la distribution et l'ouverture de crédits dans la même enceinte que celle de l'achat du bien. Il prévoit aussi l'interdiction du démarchage à domicile pour le crédit renouvelable, le crédit revolving.
Or, comme je vais essayer de vous le démontrer, il ne réglerait aucun problème.
Sur le premier point, je vois bien les situations que vous visez. Je reste pourtant assez dubitatif quant aux effets que votre dispositif pourrait avoir parce que non seulement vous voulez créer une société d'interdits,…
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Oh !
…mais vos propositions ne régleraient rien. En effet, je ne crois pas qu'elles puissent empêcher un consommateur de prendre un crédit s'il le souhaite, d'autant que la notion d'« enceinte de vente » peut être diversement interprétée. Vous qui vouliez avoir des précisions sur l'idée d'« endettement raisonnable », admettez que celle d'« enceinte » n'est pas moins floue. Il serait ainsi très aisé d'aménager une telle enceinte pour les grandes enseignes qui se débrouilleront pour contourner votre interdiction, tant il est vrai qu'en la matière elles ont déjà fait la démonstration de leur savoir faire.
Quand bien même les deux lieux seraient bien distincts, votre amendement n'empêchera pas un consommateur déterminé de contracter un crédit.
Sur le second point, il faut préciser qu'en matière de crédit le consommateur est déjà très protégé puisqu'il bénéficie d'un délai de rétractation de sept jours alors que pour tout autre type de produit ou de service, ce délai ne s'applique qu'en cas de démarchage à domicile. Plus précisément, en ce qui concerne le crédit renouvelable, il existe des dispositions plus protectrices encore, notamment grâce à la loi du 28 janvier 2005 tendant à conforter la confiance et la protection du consommateur.
Excellent texte !
Par ailleurs, et de manière plus générale, je ne partage pas votre hostilité de principe au crédit – nous en avons parlé hier –, qui sous-tend nombre de vos amendements.
Or le crédit est un élément nécessaire au maintien d'une consommation dynamique et, pour quelques-uns qui se laisseraient anormalement tenter eu égard à leur capacité de remboursement, vous bloquez toute la société.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Caricature !
Enfin, je crois utile de rappeler que, selon les chiffres que donne le Conseil économique et social dans son premier rapport sur le surendettement – il convient en effet d'analyser tous les chiffres du surendettement et pas seulement quelques-uns comme vous le faites –, 47 % des ménages étaient endettés en 2004 au titre, avant tout, de l'achat de leur résidence principale ; c'est d'ailleurs ce que nous avons à peu près tous fait ici.
Je rappelle par ailleurs que 80 % des crédits sont recouvrés sans incident, que 8 % des incidents sont résolus en moins de soixante jours, seuls 2 % des dossiers posant réellement problème.
La commission a suivi son rapporteur et a donc rejeté cet amendement.
M. le secrétaire d'État va nous dire si nous proposons une société d'interdits !
Monsieur Brottes, vous voulez interdire la distribution de crédit, sa publicité, son démarchage, sur le lieu de vente. Vous allez tout de même compliquer significativement la vie des Français !
Imaginons un ménage qui se rend un samedi après-midi dans un magasin pour acheter un téléviseur ou un appareil électroménager et qui ne peut pas contracter sur place le crédit à la consommation nécessaire pour l'acquisition de ce bien.
Je rappelle que 40 % des Français indiquent qu'ils n'auraient pas acheté un tel bien s'ils n'avaient bénéficié d'un crédit à la consommation. Ainsi le crédit constitue-t-il bien un levier pour la croissance et permet-il aux plus démunis de nos concitoyens d'acheter des biens et des services qu'ils ne pourraient pas acquérir sans cela.
Ensuite, si votre amendement était adopté, il aurait un évident effet pervers car il donnerait un avantage concurrentiel aux banques : aussi votre proposition me surprend-elle. En effet, il suffirait au consommateur ne pouvant contracter de crédit à la consommation au sein même d'une concession automobile de traverser la rue pour se rendre dans l'établissement de crédit spécialisé le plus proche.
Enfin, si je comprends l'esprit de votre proposition, je tiens néanmoins à rappeler que, d'ores et déjà, le code de la consommation prévoit des dispositions protectrices pour le consommateur en matière d'informations sur le crédit. Le rapporteur soulignait à juste titre les progrès apportés par la loi du 28 janvier 2005. Je vous rappelle également, sous le contrôle du rapporteur pour avis, que la commission des lois a adopté un amendement prévoyant la transposition de la directive européenne sur les pratiques commerciales déloyales qui, s'il était adopté, améliorerait également l'information des consommateurs en matière de crédit sur le lieu de vente.
Je crois donc, monsieur Brottes, que votre amendement va à l'encontre de ce que nous proposons en matière de consommation, d'autant qu'il existe déjà des garanties importantes. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable.
Au cours de nos travaux nocturnes, nous avons rendu un hommage justifié au rapporteur ainsi qu'au secrétaire d'État, qui ne s'est pas laissé tenter, même s'il s'en est fallu de peu – de quelques voix seulement – que notre amendement sur l'action de groupe ne fût adopté. (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
N'exagérons rien ! Il y avait sept voix d'écart, soit un tiers des votants !
Je souhaite profiter brièvement de ce que j'ai considéré comme un rappel au règlement pour souligner le niveau élevé – jusqu'à présent – d'un débat constructif. Or proposer des amendements qui cherchent à mettre des obstacles sur la route du surendettement de nos concitoyens – phénomène massif que nous constatons tous sur le terrain –, ne revient pas, pour reprendre les termes de Michel Raison, à « élever une société d'interdits » !
Depuis 1978, avec la loi Scrivener, le mouvement de protection du consommateur contre lui-même par le législateur – qui est intervenu de façon récurrente – est ininterrompu. Il s'agit de remédier au problème posé par le code civil de 1808 qui considère que le consommateur dispose de tous les moyens d'appréciation avant de prendre une décision qui l'engage au-delà de ce qu'il pense lui-même. Le législateur a donc créé un droit à part entière qui s'est détaché du code civil, pour devenir le droit de la consommation, qui considère que l'individu n'est plus tout à fait maître de ses moyens dès lors qu'il devient consommateur.
Nous proposons, il est vrai, tout une série d'obstacles, d'interdits, sur la foi de l'expérience des parlementaires qui se sont succédé ici depuis trente ans. Il faut en effet éviter que l'économie ne s'appuie que sur l'endettement, voire le surendettement.
Le phénomène du surendettement nous a conduits à gérer des procédures judiciaires, qui plus est dans un contexte de suppression de la moitié des tribunaux d'instance, compétents en la matière, en l'espace de quinze jours (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) –, ainsi que des situations de détresse économique, sociale et psychologique intenables.
Aussi mes collègues socialistes et moi-même en appelons-nous à la responsabilité de l'ensemble des parlementaires. En effet, l'ingéniosité des organismes spécialisés n'ayant pas de limite, nous vous demandons de soutenir ceux de nos amendements qui visent à renforcer l'encadrement du crédit. Dans le bras de fer permanent qui oppose le législateur et ces organismes, lorsque les pratiques constatées deviennent excessives, il convient de réagir.
Voilà pourquoi, monsieur le secrétaire d'État, nous vous demandons de vous montrer plus constructif. Quant à notre cher rapporteur Michel Raison, nous souhaitons qu'il retire des mots qui ont certainement dépassé sa pensée.
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
J'informe simplement M. Montebourg qu'il n'est pas nécessaire d'invoquer l'article 58 du règlement de l'Assemblée pour développer des arguments de fond sur un débat en cours.
L'article 56 vous permet en effet de répondre ; mais visiblement vous ne l'avez pas à l'esprit. Je vous en rappelle donc la teneur :…
…« Le président peut autoriser un orateur à répondre au Gouvernement ou à la commission. »
Il n'est pas acceptable d'utiliser le principe du rappel au règlement – pardon d'être pointilleux à propos de questions de procédure – pour développer des arguments de fond. Je vous le dis en tant que président de la commission.
Votre argumentation peut être discutée, mais pas au titre d'un rappel au règlement.
Il fallait bien apporter cette précision afin que nos débats ne se déroulent pas en contradiction avec le règlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je vous remercie, monsieur le président de la commission. Je n'avais d'ailleurs pas interprété les propos de M. Montebourg comme un rappel au règlement, mais simplement comme une réponse à la commission et au Gouvernement.
Pas du tout ! Il a dit qu'il faisait un rappel au règlement ! Il ne faut pas exagérer !
Suivant les bons conseils de M. le président de la commission des affaires économiques, je m'exprime en vertu de l'article 56 du règlement.
Plus sérieusement, il faut arrêter de vous croire obligé, monsieur le rapporteur, de trouver des arguments systématiquement contraires…
…aux amendements de l'opposition. Nous pourrions, sur certains sujets, nous entendre, tant il est vrai que nous savons tous ici de quelle manière surviennent certains cas de surendettement.
Il existe deux types d'établissements : ceux spécialisés dans le crédit bancaire et qui proposent aussi des crédits à la consommation, et ceux uniquement spécialisés dans le crédit à la consommation.
Monsieur Raison, connaissant nos origines communes, je vais reprendre ce que je répondais souvent aux agriculteurs surendettés qui venaient me voir. Cela m'arrive encore d'ailleurs, même si je constate que les jeunes sont peut-être de meilleurs gestionnaires.
Quand l'agriculteur m'annonçait qu'il ne pouvait plus payer les crédits qu'il avait contractés – on ne parlait pas encore de crédits à la consommation –, pour acheter un tracteur par exemple, je lui demandais pourquoi il s'était endetté à 12 % ou 13 %. Il répondait que le Crédit agricole ou le Crédit mutuel avait refusé de lui prêter de l'argent. Si c'était le cas, alors il aurait mieux valu qu'il se pose auparavant la question de savoir pourquoi, plutôt que de considérer qu'avec un taux d'intérêt plus élevé, il allait s'en sortir.
En effet, c'est souvent quand l'établissement bancaire le plus proche constate que le niveau d'endettement du consommateur est difficile à supporter que ce dernier va contracter ailleurs des crédits à des taux encore plus élevés,…
…rendant ainsi le remboursement impossible.
Ainsi, le crédit joyeux, l'économie joyeuse, la société joyeuse…
Ensuite, je relève une contradiction entre le rapporteur et le secrétaire d'État. Le rapporteur a parlé du délai de rétractation. Le secrétaire d'État nous a fait le coup du consommateur qui se déplace le samedi après-midi, avant, peut-être, d'ailleurs, de nous faire un jour le coup du dimanche, l'ouverture des magasins ce jour de la semaine se profilant, et ce consommateur se retrouvant dans l'incapacité d'acheter. S'il y a un délai de rétractation, il ne peut de toute façon pas acheter, il faudra qu'il attende. Alors, ce délai existe-t-il ou pas ?
Je vais vous dire comment ça se passe. Parce que, ce qui est intéressant, quand on est élu, c'est aussi de tester ce qu'est le crédit à la consommation dans la réalité. Dernièrement, je suis allé dans un magasin, un magasin où je n'étais pas connu, bien évidemment – cela arrive encore, et sans doute même dans ma circonscription. (Sourires.)
Vous savez, mes chers collègues, je ne suis pas fanfaron au point de penser que, même parmi ceux qui ont voté pour moi, tout le monde connaît mon visage et mon nom. C'est comme ça. Et c'est sans doute aussi le cas dans vos circonscriptions.
Dans ce magasin, donc, j'ai voulu acheter un appareil électroménager. J'ai dit à la personne qui se proposait de me le vendre qu'il me serait assez difficile de le payer comptant. « Il n'y a pas de problème, monsieur. Vous pouvez prendre un crédit à la consommation. » J'évoque alors le délai de rétractation. « Oh, s'il n'y a que ça, vous savez, on peut antidater ! » Voilà comment ça se passe.
Et les choses se sont arrêtées là. J'ai dit au vendeur : « Monsieur, ça va, ça suffit. Je n'ai besoin ni du matériel ni du crédit. Donc restons-en là. »
Ce que je sais aussi, je l'ai dit hier, c'est que certains de ses vendeurs – pas tous – sont aussi rémunérés sur le crédit à la consommation qu'ils auront vendu. Cela est tout à fait anormal, et sans doute aussi tout à fait illégal. C'est sur ce sujet-là que nous voudrions vous interroger.
Évidemment, le crédit à la consommation à son intérêt, mais…
Mais il faut que je réponde à M. Jacob, monsieur le président. Sinon, je vais être obligé de demander à nouveau la parole pour lui répondre.
Monsieur Jacob, si la vente et l'ouverture du crédit ne se font pas dans le même lieu, elles ne pourront être proposées par le même vendeur. Alors que quand elles se font sur le même lieu, c'est souvent la même personne qui procède à la vente et à l'ouverture du crédit.
Cet amendement m'interpelle. Nous vivons dans une société de consommation, que je ne conteste pas, parce qu'elle crée de l'émulation et de la richesse économique. Malgré tout, il me semble que cet amendement vise à interpeller le consommateur. Et il est vrai que le consommateur du samedi après-midi qui va acheter un téléviseur – cet exemple est flagrant – doit se poser la question du financement avant de se déplacer.
L'amendement qui est proposé vise à responsabiliser le consommateur. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Chacun de nous sait que, malheureusement, ceux qui ont recours aux crédits à la consommation appartiennent aux publics les plus vulnérables, notamment quand ces crédits visent à financer l'achat de biens d'usage commun.
Voilà pourquoi, à titre personnel, je voterai cet amendement.
Je voudrais dire à mes collègues socialistes que cet amendement me contrarie : je regrette de ne pas l'avoir déposé moi-même.
Si je l'avais déposé, peut-être l'aurais-je formulé différemment, mais quoi qu'il en soit, il répond, comme vient de le dire l'orateur précédent, à un problème réel, que nous vivons tous dans nos circonscriptions. Nous recevons dans nos permanences des personnes qui se retrouvent en difficulté pour avoir souscrit des prêts qu'elles ne sont pas en mesure d'honorer. C'est une réalité. Nous pouvons tous être d'accord sur ce constat.
Je précise au passage qu'il est de plus en plus compliqué pour nous, élus, d'accompagner les personnes concernées par le surendettement, du fait que les antennes de la Banque de France, qui étaient nombreuses dans notre pays, ont été fermées. Tout cela a été centralisé. Les relations entre les élus de terrain comme nous et la Banque de France sont aujourd'hui beaucoup plus difficiles si nous voulons intervenir sur des dossiers de ce type.
À partir de ce constat, quelle réponse convient-il d'apporter ?
La première, à laquelle je tiens beaucoup, c'est ce qu'on appelle l'éducation populaire. Il faudrait davantage informer, faire passer des messages, d'abord à l'école, puis tout au long de la vie. Cette éducation populaire, chacun sait qu'elle s'est fragilisée. On a de plus en plus de mal à convaincre, à faire en sorte que le consommateur soit aussi un citoyen.
La deuxième réponse possible consiste à prendre des mesures telles que celle proposée par l'amendement. Cela peut permettre d'empêcher des achats que l'on peut considérer comme liés à une certaine forme d'addiction. Car le problème est là pour beaucoup de gens. Et ce sont souvent les personnes les plus en difficulté, celles qui vivent le plus dans la misère, qui peuvent s'y laisser prendre, parce qu'il y a un côté addictif dans ce type d'achat.
Il faut donc adopter cet amendement. Mais je me demande pourquoi notre rapporteur, notre cher rapporteur, manifeste une telle opposition. Essayons de comprendre.
La première raison possible, monsieur le rapporteur, c'est que vous estimez que cet amendement ne se justifie pas. Mais je crois que tout le monde est d'accord ici pour dire que le problème est réel et qu'on ne peut pas l'occulter.
La deuxième raison possible, c'est que vous pensez que cet amendement porterait un coup à la consommation, et que, en particulier, la grande distribution subirait une baisse d'activité. Ainsi, au bout du compte, ceux qui touchent les dividendes en toucheront moins. Vous considérez donc qu'il ne faut pas porter atteinte à cette forme de consommation. Vous préférez que des actes de consommation de ce genre mettent des gens en difficulté plutôt que d'élever un mur qui pourrait éviter de tels glissements.
La troisième raison possible, c'est que vous pensez qu'il faut que les banques fonctionnent. Et pour qu'elles fonctionnent, il faut qu'il y ait des gens qui empruntent, même si c'est pour se heurter finalement à des difficultés.
Donc, en fait, mon cher rapporteur, ce n'est pas seulement une réponse de bon sens que vous avez apportée. Excusez-moi d'employer de grands mots, mais c'est une réponse de classe. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je propose de rejeter cet amendement. Monsieur Gaubert, vous fondez toute votre argumentation sur la notion d'« enceinte ». Cela ne répond absolument pas au problème que vous soulevez. Car on sait bien, comme l'a fort justement souligné notre rapporteur, qu'il est très facile de contourner l'interdiction que vous proposez, par exemple en disant que le paiement ne se fera pas sur le site où a lieu l'ouverture du crédit mais sur un site voisin.
Le problème de fond, c'est celui du surendettement, et donc de la responsabilité des organismes de crédit. C'est de cette manière qu'il faut aborder le sujet. Avec cet amendement, on se fait plaisir en ne résolvant aucun problème, puisqu'il est très facilement contournable.
J'appelle donc l'attention de tous mes collègues qui seraient tentés de soutenir cet amendement. Le vrai problème, c'est le surendettement. Il faut voir comment on peut, en additionnant les crédits qui existent sous différentes formes, engager la responsabilité des organismes de crédit. C'est cela, le vrai sujet, et cet amendement n'y répond en aucun cas. C'est pourquoi je vous appelle, mes chers collègues, à le rejeter.
La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, après lequel les orateurs de tous les groupes se seront exprimés.
L'approche de Christian Jacob est la bonne. Deux problèmes se posent : le surendettement et la prévention du surendettement.
Certes, l'amendement nous est sympathique. Il a un petit côté démocrate-chrétien : « Ne nous soumets pas à la tentation ». (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) On peut sourire un peu, mes chers collègues.
Il reste que l'efficacité de la mesure proposée reste à voir. Christian Jacob a raison sur ce point : cette interdiction sera contournée de toutes les manières possibles, quitte à mettre une guitoune dans le jardin. Ne vous inquiétez pas, l'imagination humaine est fertile, et on verra fleurir les moyens de contournement.
Le problème n'est pas là, il est dans la responsabilisation des organismes prêteurs. Et nous le rencontrerons d'ailleurs à nouveau deux amendements plus loin.
Mais non ! Ça n'a rien à voir, cher collègue !
Le groupe Nouveau Centre votera contre cet amendement, parce qu'il est inefficace. Nous allons ensuite ouvrir le débat sur la responsabilisation des organismes prêteurs et sur le fameux fichier positif recensant les encours des crédits utilisés par les particuliers. Le débat de fond aura lieu à ce moment-là.
La parole est à M. François Brottes, qui s'est engagé à être très bref.
En tant que signataire de cet amendement, je voudrais que tous nos collègues comprennent que notre souci est bien d'être protecteur et de faire de la prévention, s'agissant d'actes d'achat qui pourraient entraîner le surendettement. Si on achète dans la joie, on peut se retrouver dans la tristesse très rapidement.
Je ne peux pas sous-amender cet amendement, mais je propose qu'un collègue d'un autre groupe le fasse, en ajoutant après les mots : « de l'achat d'un bien », les mots : « ou être proposés par le même vendeur ». Ce sous-amendement réduirait à néant les arguments qui nous sont opposés, et que je comprends, au sujet de la notion d' « enceinte ».
Ce que nous voulons, c'est que l'ouverture d'un crédit ne puisse se faire qu'après un temps de réflexion supplémentaire, autrement dit que l'achat et le crédit ne puissent pas se suivre dans la même séquence. Le sous-amendement que je souhaiterais voir déposer contraindrait au moins l'acheteur à avoir deux interlocuteurs. Car on sait que dans cette séquence qui voit l'achat et le crédit se succéder en étant proposés par le même vendeur, on peut parfois s'emballer.
Si notre collègue Chassaigne, par exemple, voulait proposer ce sous-amendement, cela permettrait à beaucoup de nos collègues de se rallier, du coup, à notre démarche.
Monsieur Chassaigne, vous vous êtes déjà exprimé. Je ne vous donne la parole que pour proposer ce sous-amendement si vous le souhaitez.
Bien sûr que je le souhaite, monsieur le président.
Je propose donc un sous-amendement tendant à compléter l'alinéa 2 de l'amendement n° 75 par les mots : « ou être proposés par le même vendeur ».
En effet, monsieur le président.
Je souhaiterais, par la même occasion, répondre à certaines questions qui m'ont été posées, ainsi qu'à certaines affirmations.
À un moment donné, je reçus le titre de rapporteur préféré du groupe socialiste. Lorsque mes convictions correspondent à peu près aux leurs, je deviens leur préféré. Lorsque mes convictions, qui sont toujours aussi fortes, ne correspondent plus aux leurs, je ne suis plus leur rapporteur préféré.
Nous avons tous compris que vous souhaitiez, chers collègues du groupe socialiste – et c'est noble de votre part –, engager un débat sur le surendettement. Vous nous avez donc inventé une série d'amendements, dont celui que nous examinons.
Je vais y revenir.
Vous avez également souligné que les avis du rapporteur pouvaient être contradictoires avec ceux de M. le secrétaire d'État. Que je sache, cela n'aurait rien d'anormal ! Il y a une séparation des pouvoirs. Si le règlement de notre assemblée m'interdit de m'asseoir à côté du secrétaire d'État, il y a une raison à cela. Il n'y a rien d'anormal à ce que le rapporteur d'un texte puisse avoir des arguments différents, et même des avis différents de ceux du Gouvernement.
Nous le verrons d'ailleurs au cours du débat, puisque nous aurons l'occasion d'examiner des amendements auxquels le rapporteur sera favorable et le Gouvernement défavorable. C'est cela, la démocratie. C'est comme cela que fonctionnent nos institutions.
Permettez-moi d'ajouter un petit mot au sujet des tribunaux. À plusieurs reprises, j'ai entendu M. Montebourg affirmer qu'au moment où plus de dossiers allaient venir en justice, nous avions moins de tribunaux. Moi, je n'ai pas remarqué qu'on avait supprimé des tribunaux. J'ai remarqué qu'on en avait regroupé, pour être plus efficace (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche),…
…et que, grâce à un budget de la justice qui augmente de 5 à 6 %, on aura peut-être plus de greffiers pour rédiger les décisions.(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
J'aimerais bien être réhabilité aux yeux des membres du groupe socialiste et redevenir ainsi leur rapporteur préféré, mais je continue d'être opposé à cet amendement, même après avoir bien écouté leurs arguments.
Quant au sous-amendement, entre nous, il ne résoudrait aucun problème. Je le répète, vous proposez tout simplement que celui qui vend la télévision ne soit plus celui qui propose aussi le crédit. Il faudrait donc que l'acheteur se rende dans une pièce voisine, qui lui sera d'ailleurs indiquée par le vendeur, et celui qui aura à lui vendre le crédit n'aura même pas à se préoccuper de la qualité du produit. Il bénéficiera donc de meilleures conditions : il sera dans une autre pièce, plus au calme, et pourra se concentrer sur la vente du crédit.
Votre sous-amendement va donc complètement à l'inverse du noble but que vous poursuivez.
C'est pourquoi je maintiens évidemment mon avis défavorable.
Monsieur Brottes, j'ai l'impression que, sous couvert de protéger le consommateur, vous voulez en fait le mettre sous tutelle.
Ce n'est pas notre conception. Nous considérons que le consommateur est un être responsable, libre de ses choix,…
…auquel il convient de fournir des informations et des protections. Par ailleurs, votre amendement ne résout rien, car il ouvrirait la voie à tous les contournements. D'ailleurs, s'agissant des crédits revolving, la personne qui établit le contrat dans les magasins est différente de celle qui vend le bien. Outre qu'il conduirait à déresponsabiliser le consommateur, il pourrait avoir un impact sur la consommation : comme je l'ai indiqué tout à l'heure, 40 % des Français n'auraient pas acheté leur bien s'ils n'avaient pas bénéficié d'un crédit et ce taux atteint 46 % pour les crédits revolving, soit près d'un Français sur deux. Pour toutes ces raisons, le Gouvernement maintient sa position et n'est favorable ni à l'amendement ni au sous-amendement.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 317 .
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 77 .
La parole est à M. Jean Gaubert, pour le soutenir.
Avant de présenter cet amendement, je voudrais relever quelques contradictions dans votre argumentation, monsieur le ministre. Que je sache, c'est plutôt sur les bancs de vos amis qu'on parle de mettre les prestations familiales sous tutelle.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Cela n'a rien à voir !
Si, parce que, malheureusement, dans certaines familles, ces prestations servent à rembourser les crédits à la consommation. Ne nous accusez pas de vouloir mettre les consommateurs sous tutelle alors que nous voulons les protéger, quand vous-mêmes envisagez de le faire, peut-être parfois de façon légitime. Il faut sortir de ce genre de débat et reconnaître que des gens sont victimes d'abus de faiblesse dans certains magasins. On le sait ! On sait aussi que les crédits à la consommation produisent de grosses marges, qui anticipent cyniquement l'incapacité de certains consommateurs à rembourser.
Monsieur le président, je dispose de cinq minutes, je serai plus bref pour la présentation de l'amendement.
On sait aussi que les ménages intermédiaires, qui arrivent à payer, paient pour les autres. (« L'amendement ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
C'est lamentable, vous parlez de tout et de n'importe quoi pendant des heures !
Il n'est pas de tradition dans cet hémicycle de s'interpeller sur les bancs. En revanche, il est possible de demander la parole et de s'exprimer autant qu'on le veut.
On vous a sans doute expliqué que ce texte passerait très vite, comme une lettre à la poste, et qu'il ne fallait surtout pas y toucher. Nous, nous ne sommes pas tenus. Il s'agit d'un texte de protection du consommateur et nous entendons bien y inscrire tout ce qui y a trait. Depuis la loi de 2005 relative à la confiance du consommateur, dont M. Chatel a été rapporteur, on constate que les incidents de paiement ont augmenté. C'est bien la preuve qu'il y a des problèmes.
J'en viens à l'amendement n° 77 (« Enfin ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), qui tend à faire figurer sur la proposition de prêt la mention du taux d'usure. En commission, on a eu le culot de me dire que ce n'est pas possible parce que ce taux change tout le temps. Pourtant, il en va de même pour les crédits à taux révisable, et le consommateur en est averti. Je ne vois pas pourquoi cela ne serait pas possible pour le taux d'usure. Je le dis d'ores et déjà pour éviter d'avoir à reprendre la parole si le rapporteur entendait me donner la même réponse qu'en commission.
En tant que « cher » rapporteur du groupe communiste – et cher, ce n'est pas bon pour le pouvoir d'achat (Sourires) –, j'indique à mon ami André Chassaigne que je ne ferai, pas plus que tout à l'heure, une réponse de classe. Cela m'offense, d'ailleurs, que mon ami André m'en fasse le reproche, moi qui ai commencé ma carrière professionnelle en gagnant 60 % du SMIC pendant trois ans, et qui ai réussi à monter mon exploitation agricole grâce au crédit.
Je n'ai pas l'intention non plus de refuser par principe les amendements socialistes. Ni moi ni la commission ne fonctionnons ainsi. À aucun moment, il n'a été dit qu'il ne fallait pas toucher au texte. D'ailleurs, des amendements ont été adoptés en commission et dans l'hémicycle, et d'autres le seront encore. Lorsque des amendements sont refusés, c'est soit pour des raisons juridiques, soit pour des raisons de fond.
Au risque de décevoir Jean Gaubert, je lui ferai la même réponse qu'en commission. Cet amendement soulève un certain nombre de difficultés pratiques dans la mesure où la détermination trimestrielle de ces seuils met les professionnels dans l'impossibilité de disposer de formulaires d'offre préalable à jour. (Rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
En outre, il pourrait avoir des effets totalement contraires à l'objectif visé : les taux d'usure correspondant à la moyenne des taux effectifs pratiqués au cours du trimestre précédent majorée d'un tiers, les établissements de crédit risqueraient de détourner cette information en argument publicitaire.
Ainsi, pour les prêts aux particuliers d'un montant inférieur à 1 524 euros, le taux d'usure s'élève, pour le troisième trimestre 2007, à 20,49 % et le taux effectif moyen à 15,37 %.
Un établissement de crédit pratiquant un taux de 15 % pourra se vanter d'être bien en dessous du taux d'usure, alors que c'est le mode de calcul de ce taux qui explique l'écart, pas la philanthropie de l'établissement de crédit. Votre amendement comporte donc le risque d'induire le consommateur en erreur puisque celui-ci n'est pas forcément un spécialiste du code de la consommation averti du mode de calcul du taux d'usure. La commission a donc rejeté l'amendement.
Puisque vous n'êtes pas toujours reconnu dans la rue, monsieur Gaubert, je vous invite à profiter du week-end pour aller dans votre circonscription demander aux passants s'ils savent ce qu'est le taux d'usure : aucun Français ne le sait !
Je ne vois donc pas très bien ce qu'une telle information apporterait. Elle risquerait même d'avoir un effet pervers en encourageant un alignement à la hausse des taux proposés. Et comme l'a très justement indiqué le rapporteur, le taux d'usure, par définition et par son mode de calcul, fluctue de manière très régulière, ce qui entraînerait des contraintes techniques importantes pour l'ensemble des établissements de crédit sans rapport avec l'avantage qui pourrait être apporté. Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est opposé à l'amendement.
Revenant sur le petit épisode qui s'est déroulé il y a quelques minutes, je voudrais dire qu'il est de mauvaise méthode législative de prendre prétexte d'un texte pour déposer des amendements tendant à refaire toute la matière. Un projet de loi nous a été proposé par le Gouvernement ; on ne va pas refaire tout le droit de la concurrence et de la consommation à cette occasion !
Nous ne sommes pas à l'université mais au Parlement ! Nous n'avons pas de leçons à recevoir !
Selon vous, notre intention serait de faire passer ce projet de loi en vitesse. C'est faux ! De notre côté, nous avons déposé des amendements et nous aimerions bien pouvoir les défendre pour faire évoluer utilement le texte. Quant aux invectives, je vous invite à vous en passer lors des questions au Gouvernement le mardi et le mercredi !
M. Le Déaut sera le dernier orateur à s'exprimer sur cet amendement, car, après avoir fait preuve de mansuétude pour l'amendement précédent, je me fais un devoir de revenir à des dispositions plus strictes. Je m'en tiendrai donc à un orateur pour, un orateur contre et un pour répondre, en l'occurrence un membre du groupe signataire de l'amendement.
La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.
Certains de nos collègues qui viennent d'être élus ne connaissent pas le mode de fonctionnement du Parlement. Les propos qui viennent d'être tenus…
…ne peuvent que contribuer à crisper le débat. Le droit d'amendement fait partie du droit parlementaire et j'ai vu, depuis vingt et un ans que je siège dans cet hémicycle, comme on en abuse, parfois sur tous les bancs.
Il y a dans ce texte sur la concurrence – au service, dites-vous de façon exagérée, du consommateur – des dispositions monétaires. Et à ce sujet, les parlementaires que nous sommes sont saisis d'un certain nombre de dysfonctionnements. Aujourd'hui, les prêts à la consommation augmentent, vous en convenez d'ailleurs, monsieur le ministre, et le taux d'endettement a augmenté jusqu'à représenter 65 % du revenu disponible. Certains crédits sont parfois consentis à la limite de la morale. Je connais le cas d'un couple qui dispose de 2 000 euros par mois, soit 24 000 euros dans l'année, et qui, en plus d'emprunts déjà contractés, a réussi à obtenir un crédit revolving chez Provisio – vous saurez ainsi quelles banques agissent de la sorte – de 6 000 euros. Une fois le crédit revolving consommé, avec un taux scandaleux – proche du taux d'usure – de 15 % ou 16 %, ce sont 90 euros qui partent chaque mois et qui, malheureusement, ne servent pas à rembourser le crédit. Et cela arrive tous les jours ! Pensez-vous que l'on puisse continuer à tolérer ce genre de crédits qui n'aident pas les gens à se désendetter, bien au contraire ? Taux d'usure ou pas, vous êtes de mauvaise foi.
J'ai plusieurs raisons de bien aimer M. Raison – pardon pour le jeu de mots.
Sur beaucoup de dossiers, nous nous sommes trouvés en accord. Notre présent amendement est de bonne tenue et permet d'ouvrir un vrai débat. Il est dommage de lui opposer des arguments de mauvaise foi. Aujourd'hui, les variations de taux ne sont techniquement plus un problème. Voyez votre fiche de paie, en particulier les prélèvements sociaux : ils varient tout le temps, comme les prêts à taux variable. L'information sur l'évolution du taux est-elle la meilleure solution ? Je ne sais pas. Mais vous avez déjà refusé tous les amendements demandant l'inscription en gros du taux du prêt, qui était pourtant un bon moyen d'avertir les gens. S'agissant d'un texte au service au consommateur, on se doit, à l'Assemblée nationale, de soulever cette question.
Je vous rappelle que la suite de la discussion sur ce projet de loi aura lieu le lundi 26 novembre à 18 heures.
À quinze heures, deuxième séance publique :
Discussion du projet de loi organique, no 401, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, tendant à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française :
Rapport, no 417, de M. Jérôme Bignon, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Discussion du projet de loi, no 402, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, tendant à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française :
Rapport, no 417, de M. Jérôme Bignon, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
(Ces deux derniers textes faisant l'objet d'une discussion générale commune)
À vingt et une heures trente, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.
La séance est levée.
(La séance est levée à treize heures.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,
Jean-Pierre Carton