…mais vous refusez de vous engager immédiatement, avec ce projet de loi, à accorder une augmentation des retraites qui serait supérieure à l'inflation.
Nous sommes aujourd'hui confrontés à une crise financière majeure de nos comptes sociaux ; chacun en convient. Mais cette crise résulte de la politique qui a été engagée, non pas par vous à titre personnel, madame la ministre, mais par les gouvernements que soutient votre majorité depuis 2002. Or vous reprenez dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, les mesures déjà mises en oeuvre par la loi de 2004 et, année après année, par chaque projet de loi de financement de la sécurité sociale. Vous en espérez, ou faites semblant d'espérer ce qu'à l'évidence elles ne peuvent pas apporter. Chacune des années précédentes, l'échec était au rendez-vous : il n'y a aucune raison de croire que l'échec ne sera pas au rendez-vous pour cette nouvelle loi de financement de la sécurité sociale !
Madame la ministre, il n'est plus temps pour moi de passer en revue l'ensemble des dispositions de cette loi : vous connaissez notre opposition aux mesures que vous présentez. Je voudrais toutefois m'arrêter sur trois éléments qui nous semblent essentiels dans le dispositif de ce PLFSS.
Le premier concerne évidemment les franchises : elles ne sont rien d'autre qu'une taxe sur les malades. Sur le principe, nous avons dit notre opposition à un mécanisme qui contrecarre les fondements mêmes de notre protection sociale. J'en veux pour preuve que vous avez vous-même évolué sur la façon de présenter les franchises. Dans un premier temps, durant la campagne électorale et après l'entrée en fonction de ce Gouvernement, elles étaient, selon vous, nécessaires pour combler le déficit de la sécurité sociale grâce à de nouvelles ressources. Devant l'opposition manifestée par l'opinion, vous nous avez expliqué ensuite qu'il s'agissait de financer de nouveaux besoins, comme la lutte contre la maladie d'Alzheimer ou le développement des soins palliatifs. Ce qui n'a pas varié chez vous, en tout cas, c'est l'idée que les franchises permettent de mieux responsabiliser les patients. Or les franchises relèvent du même dispositif que celui que vos prédécesseurs ont instauré en 2004 lors de la réforme de la sécurité sociale. Le non-remboursement d'un euro sur le tarif de la consultation médicale devait permettre de responsabiliser les patients : on a vu le résultat ! Pourquoi la méthode qui a échoué hier pour modifier les comportements réussirait-elle demain ? Cette politique a une seule conséquence : environ 15 % des Français disent renoncer a se soigner pour des raisons financières, et ils seront probablement encore plus nombreux demain. Les mutuelles ont d'ailleurs d'ores et déjà annoncé qu'elles augmenteraient leurs tarifs de 4 % pour faire face à l'instauration de la franchise de 0,50 euro par boite de médicaments ! On voit bien que cette politique vise purement et simplement à opérer un transfert de charges de la solidarité nationale vers l'investissement privé.
Quant à l'idée de responsabiliser les malades atteints de maladies graves comme les cancers, les diabètes – même si je ne mets pas ces deux pathologies sur le même plan – ou la maladie de Parkinson, elle est au mieux risible, et plus sûrement honteuse ! On n'imagine pas de demander à des personnes atteintes de maladies aussi graves de restreindre leur consommation au nom de la responsabilité !
Les franchises sont donc une mauvaise idée parce qu'elles pénalisent les Français aux revenus modestes ou moyens. Elles sont une mauvaise idée parce qu'elles ne modifieront pas les comportements. Elles sont une mauvaise idée, enfin, parce qu'elles introduisent l'idée d'une faute, là où les malades sont confrontés à un risque et souvent à une épreuve.
La deuxième raison de fond pour laquelle nous ne pouvons pas voter ce texte concerne la politique des retraites. Les socialistes estiment qu'il est urgent de réformer et de garantir durablement notre régime de retraite. Les mouvements sociaux actuels expriment l'inquiétude des Français à ce propos.
Je l'ai dit à cette tribune à plusieurs reprises : la réforme des régimes de retraite est nécessaire à la garantie durable du versement des pensions. Cette réforme repose depuis 2003 sur l'allongement de la durée de cotisation et ce principe est légitime dès lors que l'espérance de vie augmente. Mais cet allongement de la durée de cotisation n'est supportable qu'à trois conditions qui ne sont pas remplies.
Il faut d'abord que l'effort soit modulé pour tenir compte de la pénibilité des métiers, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
L'allongement des durées de cotisation doit ensuite permettre de garantir effectivement le niveau des pensions. Là encore, cette condition n'est pas remplie. En effet, rien n'est fait en faveur de l'emploi des seniors. Or, sans garantie dans ce domaine, les carrières professionnelles ne pourront pas être complètes. À ce sujet, je regrette que le président de la commission des affaires sociales du Sénat, M. Nicolas About, ait jugé utile de retirer en CMP l'amendement qu'il avait fait adopter par le Sénat, introduisant un mécanisme, que nous étions disposés à voter, qui imposait aux entreprises un taux minimum de seniors parmi leurs salariés. C'était pourtant une bonne initiative. Par ailleurs, le niveau des pensions ne sera pas garanti puisque, pour 2008, vous prévoyez une augmentation du niveau des retraites de 1,1 %, alors que l'inflation se situera au mieux à 1,5 % et plus probablement autour de 2 %. Vous aviez là une occasion de manifester votre engagement dans la lutte pour le pouvoir d'achat, mais vous ne l'avez pas saisie !
Quant au paiement des pensions de retraite, il n'est pas garanti dans la durée, notamment lorsque nous atteindrons le pic, entre 2020 et 2030, puis, dans une moindre mesure, jusqu'en 2040. Selon tous les analystes, la seule solution consisterait à abonder le Fonds de réserve des retraites, mis en place par le gouvernement de Lionel Jospin.