Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, en entendant la conclusion de notre rapporteur, Yves Bur, je me demandais ce qu'il me restait à dire, tant son réquisitoire était implacable.
Nous voici parvenus au terme de la procédure d'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. C'est un moment important mais, sur tous les bancs, nous avons le sentiment que, pour la sixième année – ou, au moins, si l'on veut bien reconnaître à la majorité un droit à l'improvisation en 2002 ou en 2003, pour la quatrième ou la cinquième année –, nous passons à côté des graves problèmes auxquels notre pays est confronté. Ce n'est pas que nous ne les ayons pas vus, c'est que nous les fuyons.
Chacun le savait dès le début de la discussion, la sécurité sociale doit faire face à une très grave crise financière, notamment pour l'assurance maladie, et nous sommes en outre confrontés, depuis quelques mois, à une crise sanitaire qui va croissant sur tout le territoire. Notre système d'assurance maladie était reconnu pour son accessibilité – c'était même sa principale qualité – et c'est précisément du point de vue de l'accès aux soins que nous sommes, aujourd'hui, en totale régression.
Le problème se pose en raison de la désertification médicale, qui n'est pas seulement liée à des questions de démographie, mais s'explique aussi par une certaine désorganisation, par l'absence d'une planification sanitaire maîtrisée, par une généralisation des dépassements d'honoraires, qu'ils soient légaux ou, parfois, illégaux – ce qui ne doit pas faire oublier la problématique légale ou paralégale issue de la convention de 2005. Ainsi, nos concitoyens sont de plus en plus nombreux à avoir des problèmes d'accès financier au système de santé. Enfin, ici ou là, notamment dans le service public, ce sont des problèmes d'accès tout court qui se posent, car les moyens financiers sont ce qu'ils sont et la dynamique de l'hôpital public ne joue plus : très souvent, les hôpitaux français ont des difficultés à bien soigner.
Vous connaissez la situation financière, mes chers collègues, et vous savez qu'une fois de plus vous allez voter un projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoyant un déficit de plus de 10 milliards avec une trésorerie négative – qui est, en fait, une dette cachée supplémentaire de plus de 35 milliards d'euros. Encore ces chiffres ne concernent-ils que le régime général de sécurité sociale : si l'on tenait compte des régimes agricoles, il faudrait y ajouter quelques poignées de milliards d'euros. En définitive, cette situation financière est laissée à l'abandon : la charge en reviendra aux générations futures. Mais, on le sait bien, il s'agit en fait, purement et simplement, d'asphyxier notre régime de sécurité sociale.
Les comptes de 2007 sont d'ores et déjà dépassés en matière de déficit et la Commission des comptes de la sécurité sociale a déjà annoncé que les chiffres figurant dans le projet de loi seraient déficitaires de plus de 300 millions d'euros. Les chiffres de la consommation médicale publiés ces mois-ci montrent bien que l'ONDAM sera pulvérisé au-delà même de ce qui avait été calculé au mois de septembre. Les chiffres du déficit de base de 2007 et, par conséquent, les comptes de 2008 sont faux : la situation, très grave, s'est encore aggravée.
Nos deux assemblées ont essayé de réagir, mais de manière très insuffisante. S'il est frappant de constater que des députés ou des sénateurs de l'opposition ont eu des idées convergentes, inspirées par la réalité des faits, chaque fois la majorité a repoussé ces initiatives. J'en ferai l'énumération rapide, en commençant par la taxation des stock-options, inspirée par une remarque de la Cour des comptes qui avait attiré notre attention sur le sujet en citant des chiffres impressionnants. Notre rapporteur a pris des initiatives : certes, nous les jugions très insuffisantes, car elles n'étaient pas à la hauteur de l'enjeu. Mais il s'est trouvé, dans les deux assemblées, une majorité pour supprimer ou rendre totalement caduc le dispositif qu'il avait proposé.