SOMMAIRE-->
Présidence de M. Bernard Accoyer
1. Questions au Gouvernement
Syrie
M. Gérard Bapt
M. Alain Juppé, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes
Prime aux salariés
M. Alain Joyandet
Mme Nadine Morano, ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle
Construction d'un nouvel hôpital à La Réunion
Mme Huguette Bello
Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée de la santé
Libye
M. Pascal Brindeau
M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants
Fiscalité
M. Jean-Marc Ayrault
M. Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique
Site de PSA à Aulnay-sous-Bois
M. Gérard Gaudron
M. Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique
Remboursement d'aides par les agriculteurs
M. Raymond Durand
M. Laurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes
Fiscalité
M. Pierre-Alain Muet
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation
Viol d'une fillette dans l'Ain
M. Charles de La Verpillière
M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration
Fiscalité
M. Christian Eckert
M. Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique
Frégates de Taïwan
M. Bernard Depierre
M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants
Fiscalité
Mme Sandrine Mazetier
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation
Union pour la Méditerranée
M. Renaud Muselier
M. Alain Juppé, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes
Deuxième journée de solidarité
Mme Laurence Dumont
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale
Envoi de bateaux humanitaires à Gaza
M. Jacques Alain Bénisti
M. Alain Juppé, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes
2. Projet de loi de finances rectificative pour 2011
Explications de vote
M. Pierre-Alain Muet,M. Jean-Claude Sandrier,M. Charles de Courson,M. Jérôme ChartierVote sur l'ensemble
3. Ouverture du mariage aux couples de même sexe
Explications de vote
M. Patrick Bloche,M. Noël Mamère,M. Olivier Jardé,M. Michel DiefenbacherVote sur l'ensemble
4. Introduction d'une taxe sur les transactions financières en Europe
Explications de vote
M. Pierre-Alain Muet,M. Jean-Pierre Brard,M. Nicolas Perruchot,M. Michel DiefenbacherVote sur l'article unique
5. Lutte contre le décrochage scolaire
Explications de vote
M. Yves DurandPrésidence de M. Jean-Pierre Balligand
,M. Jean-Pierre Brard,M. Olivier Jardé,M. Jacques GrosperrinVote sur l'ensemble
6. Simplification du vote par procuration
Explications de vote
M. Bernard Roman,M. Jean-Pierre Brard,M. Olivier Jardé,M. Michel DiefenbacherVote sur l'ensemble
7. Approbation de conventions et d'accords internationaux
Accord France – Suisse concernant l'interprétation de la convention relative au service militaire des double-nationaux du 16 novembre 1995
Accord France - République Slovaque relatif à la coopération dans le domaine de la défense
Convention des Nations Unies sur les immunités juridictionnelles des États et de leurs biens
8. Accord France - Émirats arabes unis relatif à la coopération en matière de défense
M. Laurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes
M. Henri Plagnol, suppléant M. Patrick Balkany, rapporteur de la commission des affaires étrangères
M. Henri Plagnol, rapporteur suppléant
M. Guy Teissier, président et rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées
M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères
Discussion générale
M. Jean-Jacques Candelier
M. François Rochebloine
M. Jacques Remiller
M. Jean-Michel Boucheron
M. Philippe Vitel
M. Louis Giscard d'Estaing
M. Patrick Beaudouin
M. Laurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes
Article unique
Explications de vote
Mme Patricia AdamVote sur l'article unique
9. Ordre du jour de la prochaine séance
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
La parole est à M. Gérard Bapt, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères, et a trait à la situation en Syrie.
Il est loin, l'espoir qui avait pu naître à la succession d'Hafez el-Assad, avec la période dite du « printemps de Damas » – un printemps de la liberté très vite bâillonné. Lourde fut la déception, avec la longue période d'immobilisme politique qui s'ensuivit et le maintien, durant quarante ans, de la cour d'exception dite « Cour de sûreté de l'État ». Aujourd'hui, le régime au pouvoir exerce une répression sanglante, emprisonnant, torturant, faisant tirer sur des populations civiles désarmées, y compris par les chars et les hélicoptères.
Monsieur le ministre, une telle situation ne peut que bouleverser ceux qui ont connu l'hospitalité, la gentillesse et l'ouverture du peuple syrien, avec lequel nous entretenons des liens particuliers du fait de l'héritage francophone du pays.
Pouvez-vous nous dire où en sont les efforts de la France et de l'Union européenne pour que le Conseil de sécurité de l'ONU se prononce enfin sur cette situation ? N'y aurait-il pas lieu que l'Union européenne accentue ses sanctions à l'encontre des responsables et que la Cour pénale internationale soit saisie de ce drame ?
Enfin, pensez-vous que la Turquie, qui s'était rapprochée de la Syrie au cours des derniers mois, puisse prendre des initiatives en vue de sortir le peuple syrien de ce drame effroyable ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Alain Juppé, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes.
Monsieur le député, président du groupe d'amitié France-Syrie, la répression à laquelle le régime syrien se livre à l'encontre de sa population civile soulève l'indignation et appelle la condamnation. La France a exprimé cette condamnation rapidement, sans ambiguïté et sans faiblesse.
La situation se dégrade progressivement avec, ces derniers jours, des combats très violents à Djisr al Choghour. Un grand nombre de réfugiés syriens franchissent aujourd'hui la frontière turque et des incidents ont eu lieu à la frontière entre la Syrie et Israël, de même que des combats dans les camps palestiniens en Syrie.
Que pouvons-nous faire ? La France ne peut et ne veut agir que dans le cadre de la légalité internationale. Nous l'avons déjà fait au niveau de l'Union européenne en adoptant des sanctions, y compris à l'encontre du président syrien.
Au Conseil de sécurité, malgré tous les efforts que nous déployons, en particulier avec les Britanniques et les Américains, nous n'avons pas encore atteint notre objectif. En effet, la Chine et la Russie, pour des raisons de principe qui leur appartiennent, menacent d'opposer leur veto. Nous ne prendrons le risque de mettre aux voix un projet de résolution condamnant le régime syrien que si nous parvenons à une majorité suffisante. Aujourd'hui, nous disposons vraisemblablement de neuf votes au Conseil de sécurité. Il nous reste à convaincre l'Afrique du Sud, l'Inde et le Brésil, ce à quoi nous nous employons jour après jour. Je pense que si les choses évoluaient pour nous permettre de disposer d'onze votes, nous mettrions ce projet de résolution aux voix et chacun devrait prendre ses responsabilités : nous verrions si la Chine et la Russie iraient jusqu'à opposer leur veto.
En tout état de cause, je vous répète que nous travaillons sur ce dossier avec la plus grande détermination, en étroit accord avec nos partenaires britanniques et européens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Alain Joyandet, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse au ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
Grâce à l'action du Président de la République et du Gouvernement, la France sort de la crise financière qui a touché le monde. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Le bilan du Président de la République et du Gouvernement est excellent. (« Olé ! » sur les bancs du groupe SRC.) Les bonnes solutions ont été mises en oeuvre. (« Olé ! ».)
Le système bancaire a été sauvé sans qu'il en coûte rien au contribuable ; mieux même, ce sauvetage a fait rentrer 2,5 milliards d'euros dans les caisses de l'État. (« Olé ! ») Les grandes filières industrielles comme l'automobile ont été sauvées. (« Olé ! »)
Aujourd'hui, les résultats sont là et la croissance est de retour. (« Olé ! ») Les entreprises vont mieux (« Olé ! ») et la situation de l'emploi s'améliore. (« Olé ! »)
S'il n'y avait pas eu ce plan de sauvetage, on ne parlerait pas en ce moment de l'augmentation des bénéfices des entreprises.
En toute logique, après cette phase difficile, Nicolas Sarkozy souhaite un partage plus équitable de ces bénéfices.
Notre assemblée va donc examiner à partir d'aujourd'hui la mise en place de la prime sur les bénéfices annoncée par le Président. Nous saluons cette initiative d'équité, comme nous saluons la concertation organisée par Xavier Bertrand. Mais nous voulons permettre aux collaborateurs des entreprises de moins de cinquante salariés de bénéficier aussi de cette prime.
C'est pour cela que nous proposerons de simplifier le dispositif d'intéressement pour les entreprises de moins de cinquante salariés, qui devrait permettre à des millions de salariés de bénéficier de cette prime comme ceux des grandes entreprises.
En l'absence de Xavier Bertrand, pouvez-vous, madame la secrétaire d'État chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle, nous rappeler l'économie générale de cette prime voulue par le Président et, sans anticiper sur le débat, nous donner votre sentiment sur l'évolution que nous souhaitons pour le texte ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Nadine Morano, ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle.
Monsieur le député, vous avez raison de rappeler les bons résultats de la politique de la France et je me désole que, sur les bancs de gauche, on ne s'en réjouisse pas aussi, parce qu'il est important de voir la crise toucher à sa fin et la croissance revenir dans notre pays.
Il est important aussi de réfléchir, en termes d'équité, à une meilleure redistribution de la valeur ajoutée. C'est tout le sens du texte que vous allez examiner aujourd'hui dans votre assemblée, parce qu'il est légitime et normal que, dès lors que des dividendes sont redistribués, nous prenions aussi en compte le travail des millions de salariés qui participent à la création de la richesse et qu'ils bénéficient eux aussi d'une meilleure redistribution de cette richesse.
C'est vrai, c'est un texte important, parce que des milliers et même des millions de salariés…
…vont pouvoir en bénéficier. Les entreprises de plus de cinquante salariés, qui sont déjà assujetties au principe de la participation, auront l'obligation de donner cette prime.
Mais j'ajoute que, si nous croyons, au Gouvernement et dans cette majorité parlementaire, à la valeur du travail, et si nous croyons au capital – sans opposer les deux –, nous croyons aussi au dialogue social.
En effet, c'est dans le cadre du dialogue social que cette prime sera discutée. Il n'y aura ni plafond ni seuil, mais une exonération de charges à hauteur de 1 200 euros – il est important de le rappeler. Pour les entreprises de plus de cinquante salariés, cette prime sera obligatoire. En dessous – vous avez eu raison de le rappeler, monsieur le député –, elle sera facultative. Dans tous les cas, c'est l'équité qui compte pour nous en matière économique. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Huguette Bello, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Ma question s'adresse au ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
Lors de l'épidémie de chikungunya qui a frappé La Réunion en 2005, M. Xavier Bertrand, alors qu'il venait d'être nommé ministre de la santé, s'est déplacé au centre hospitalier Gabriel-Martin de Saint-Paul, accompagné du Premier ministre. Leur stupeur a été grande de découvrir des locaux vétustes et saturés, des urgences sous-dimensionnées et des installations inadaptées aux exigences de sécurité des soins.
Rien n'a changé. Les conditions d'accueil des patients sont toujours aussi désastreuses. En dépit du travail remarquable et de l'implication constante des équipes médicales et soignantes, la situation est chaque jour plus difficile.
La construction d'un nouvel hôpital est plus que jamais indispensable. C'est là une conviction unanimement partagée. Elle l'est d'autant plus que La Réunion demeure la région la moins dotée en matière d'offre de soins hospitaliers.
Avec le soutien de l'Agence régionale de santé et avec la collaboration des acteurs de santé, un projet médical de territoire a été élaboré de façon à proposer une offre de soins modernisée et sécurisée, ainsi que des parcours de santé fluides et coordonnés.
La question foncière est désormais réglée. Le programme capacitaire est dimensionné en fonction des besoins du territoire à l'horizon 2030. Un cabinet spécialisé vient de stabiliser la maquette financière à hauteur de 140 millions d'euros. Une véritable dynamique de coopération existe entre les acteurs de soins publics et privés. Tout est donc prêt pour passer à la phase opérationnelle.
Ma question est simple, mais particulièrement grave : la reconstruction du centre Gabriel-Martin sera-t-elle soutenue dans le cadre du plan Hôpital 2012 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Madame la députée, je vous prie d'abord de bien vouloir excuser Xavier Bertrand, retenu aujourd'hui à Genève pour la Conférence internationale du travail.
Je voudrais vous rappeler que le Gouvernement est particulièrement attentif à la situation des établissements de santé outre-mer. Le pôle sanitaire ouest de La Réunion, sur lequel vous m'interrogez, est un beau projet qui concerne près de 210 000 personnes. Il s'agit de regrouper en un même lieu des activités de psychiatrie, assurées par l'établissement public de santé mentale de La Réunion, d'une part, et les activités de médecine-chirurgie-obstétrique, assurées par l'hôpital Gabriel-Martin, d'autre part.
C'est un projet très structurant pour le territoire de santé de l'ouest de l'île, qui s'inscrit harmonieusement dans le cadre de coopérations public-privé. Un projet médical conjoint aux deux établissements a d'ailleurs été soumis à l'agence régionale de santé le 29 mai2010, et il sera probablement – j'en suis même sûre – confirmé par le projet régional de santé. Le programme d'investissement, vous l'avez rappelé, s'élève à 145 millions d'euros.
Pour être éligible au plan Hôpital 2012, tout projet doit répondre impérativement à trois conditions : être financièrement soutenable, répondre aux enjeux de santé publique à l'échelle du territoire et s'inscrire dans une stratégie de coopération. À l'évidence, le projet de pôle sanitaire ouest de La Réunion remplit ces conditions…
…et, à ce titre, il sera étudié dès septembre prochain pour entrer éventuellement dans le cadre de l'ouverture de la seconde tranche du plan Hôpital 2012.
Avant de poser ma question, qui concerne la situation libyenne, je souhaite que nous ayons une pensée pour les familles de nos deux soldats morts en Afghanistan et à qui a été rendu l'hommage de la nation ce matin, aux Invalides. (Applaudissements.)
Monsieur le ministre de la défense, nos militaires paient un lourd tribut en faveur de la paix et de la sécurité internationale. Ils assument leur mission avec professionnalisme et courage, tout comme la France assume ses responsabilités. C'est parce qu'elle a assumé ses responsabilités, c'est parce que le Président de la République a fait preuve de volontarisme, qu'un nouveau Srebrenica a été évité à Benghazi.
Le fondement de notre engagement militaire en Libye est bien là. Il puise sa légitimité et son sens dans notre détermination à défendre les populations civiles, à faire progresser les droits de l'homme et la démocratie, en accompagnant le printemps arabe.
Dans la partie d'échecs que le dictateur libyen Kadhafi joue avec la communauté internationale, dans cette « diagonale du fou » qui le conduit à miser sur l'enlisement militaire et sur la lassitude des opinions publiques qui en résulterait, il a perdu la bataille politique. Des défections nouvelles ont été enregistrées au sein du régime. De nouveaux pays reconnaissent désormais pour légitime le Conseil national de transition, à l'instar de nos partenaires allemands et de plusieurs pays de l'Union africaine.
Mais Kadhafi, malgré près de quatre-vingt-dix jours de frappes aériennes, n'a pas encore été défait sur le plan militaire.
La perspective d'une mission prolongée commence à faire débat dans un certain nombre de pays engagés à nos côtés sous l'égide de l'OTAN. La Grande-Bretagne pourrait notamment être amenée à redéfinir ses priorités d'intervention en cas de prolongation de la mission Harmattan.
Dans le même temps, l'Union européenne souffre encore et toujours de sa faiblesse dans le domaine de la défense et de la sécurité. Elle continue de regarder passer les trains de l'éveil des peuples à ses portes.
Au Nouveau Centre, nous croyons de toutes nos fibres à la nécessité de l'émergence d'une véritable politique européenne de défense. Monsieur le ministre, pouvez-vous réaffirmer la détermination de la France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants.
Cher Pascal Brindeau, votre question est tout à fait pertinente (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) une semaine après la réunion à Bruxelles du Conseil des ministres de la défense de l'OTAN, lesquels ont décidé unanimement de prolonger l'opération Harmattan de quatre-vingt-dix jours. Pourquoi ? Parce qu'ils ont la certitude absolue que nous serions en Libye dans la situation que l'on déplore, hélas ! en Syrie si la coalition n'avait pas arrêté la main qui frappait et n'avait pas protégé celles des populations civiles qui pouvaient l'être encore au moyen de frappes aériennes.
Le bilan militaire est très clair, vous l'avez évoqué : c'est la zone de Benghazi qui est protégée, c'est une ligne de front stabilisée à l'ouest d'Ajdabiya, entre Brega et Ajdabiya, c'est l'encerclement de Misrata qui a été cassé, c'est le djebel Nefousa qui vit en autonomie et c'est, sur la côte ouest, des villes qui commencent à exprimer leur liberté. Assurément, M. Kadhafi est en situation totalement défensive.
Quel rôle pour l'Union européenne ? L'Union européenne a prévu un effort de secours humanitaire qui dépend seulement d'une autorisation des Nations unies. L'Union européenne jouera un rôle important dans ce que l'on commence à appeler aujourd'hui « le jour d'après ».
Mais le jour d'après n'est pas encore venu. Cependant, l'Union européenne se prépare par des moyens civils à apporter son assistance à la reconstruction libyenne. Elle est en état de le faire. L'OTAN, pour sa part, assume, à l'initiative de l'Angleterre et de la France, sa responsabilité de décourager le dictateur. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et. divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, depuis quatre ans, la politique que vous conduisez a conservé un seul cap : vous avez oublié le pouvoir d'achat des Français, foulé aux pieds la République irréprochable (Protestations sur les bancs du groupe UMP) , échoué sur la sécurité.
Il y a un seul point sur lequel vous n'avez jamais renoncé, le bien-être des 2 % des contribuables les plus riches de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) M. Baroin l'a reconnu à propos du bouclier fiscal, qui était devenu, je le cite, « le symbole de l'injustice ». Vous avez donc concocté à la hâte un projet d'abrogation d'un symbole devenu encombrant à la veille de l'élection présidentielle.
Jusque-là, nous aurions pu vous suivre. Mais votre duplicité vous a conduit à remplacer un cadeau de 700 millions par an aux grandes fortunes par un chèque de 2 milliards d'euros aux mêmes. (Les députés du groupe SRC brandissent une affichette représentant un chèque de 2 milliards.)
Mes chers collègues, voulez-vous ranger ça ! Je vous rappelle l'article 3 de l'instruction générale du bureau, qui proscrit de présenter des documents, notamment lors des questions au Gouvernement. Veuillez respecter les règles qui régissent notre assemblée ! (Tandis que les huissiers ramassent les affichettes, de nombreux députés du groupe SRC en sortent de nouvelles provoquant protestations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe UMP.)
Mes chers collègues, je vous en prie.
Et cela au moment où vous demandez aux Français de se serrer la ceinture ! 2 milliards, c'est vingt ans de salaires pour les 3 600 ouvriers d'Aulnay-sous-Bois, c'est deux fois le plan Pécresse, c'est 20 % d'augmentation du minimum vieillesse, c'est 45 000 postes de professeurs, c'est 50 000 policiers, c'est vingt fois le budget de la prévention routière, c'est trois plans Cancer, c'est 32 000 années de RSA. (Claquements de pupitres et bruit continu sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le Premier ministre, si vous ne revenez pas sur cette politique, ce sont les Français qui, en 2012, choisiront la justice sociale et la justice fiscale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.
Plusieurs députés du groupe SRC. Le traître !
Monsieur Ayrault, parmi les mesures de justice sociale que vous avez oubliées, permettez-moi de vous en rappeler quelques-unes (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) : le RSA, qui a bénéficié à 2 millions de foyers ; l'exonération des charges sociales sur les heures supplémentaires, qui a bénéficié à 8 millions de foyers ; l'abattement, en 2009, de la première tranche de l'impôt sur le revenu, qui a bénéficié à 5 millions de foyers et qui leur a apporté 1 milliard de pouvoir d'achat ; la prime aux salariés que nous avons évoquée il y a un instant et qui va bénéficier à 4 millions de salariés.
Pour le reste, monsieur Ayrault, vous avez voulu profiter de la réforme de l'impôt de solidarité sur la fortune pour la caricaturer mais vous n'avez pas dit la réalité. La réalité, c'est que le montant payé globalement par la population à l'ISF restera inchangé. Ce qui est payé en moins sur la détention du patrimoine sera payé en plus sur sa transmission. La réforme se fait à coût égal. Où est le cadeau ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – M. Ayrault sort à nouveau une affichette.)
Cette réforme va aussi conduire les deux tiers des contribuables de la tranche marginale de l'ISF, ceux dont le patrimoine excède 16 millions d'euros, à payer un ISF plus élevé qu'avant la réforme. Où est le cadeau ?
Ce qui est vrai, c'est que cette réforme supprime la première tranche de l'ISF, celle-là même qui concerne les ménages entrés dans l'impôt du seul fait de la hausse des prix de l'immobilier. Ce n'est pas scandaleux.
Vous savez mieux que quiconque, monsieur Ayrault, qu'il est difficile de dire qui est riche : François Hollande, en 2007, avait dit « au-dessus de 4 000 euros » et vous vous souvenez de la compétition entre Dominique Strauss-Kahn et Laurent Fabius pour baisser l'impôt sur le revenu.
Vous vous souvenez de la fiscalité sur les prélèvements obligatoires. C'est Alain Juppé qui a augmenté la fiscalité sur les stock-options, et c'est Laurent Fabius qui a baissé la fiscalité sur les stock-options. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Dans ces conditions, monsieur Ayrault, un peu de modestie, s'il vous plaît ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mes chers collègues, je vous appelle à un petit peu de calme. Ce genre de démonstration ne sert strictement à rien. Nous sommes ici pour poser des questions, écouter les réponses et débattre. C'est ce qu'attendent de nous les Français.
La parole est à M. Gérard Gaudron, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, ma question, à laquelle j'associe mes collègues Éric Raoult et Patrice Calméjane, s'adresse à M. le ministre de l'industrie.
Jeudi dernier, un syndicat dévoilait un document interne au groupe PSA, selon lequel deux sites du groupe, l'un à Aulnay-sous-Bois, l'autre à Sevelnord, allaient fermer. Cette information a suscité une onde de choc considérable dans le département de la Seine-Saint-Denis, en particulier à Aulnay-sous-Bois, dans ma circonscription, où est situé le centre de production PSA.
Ce centre, qui emploie plus de 3 600 personnes en période d'étiage, est un des plus beaux fleurons industriels de la Seine-Saint-Denis, département où PSA est probablement le premier employeur et l'un des principaux donneurs d'ordre pour la sous-traitance.
J'ai reçu l'après-midi même des membres de la direction du groupe, qui m'ont assuré que le document en question n'était qu'un document de travail élaboré au pire de la crise, et que cette solution de fermeture, étudiée parmi d'autres, n'avait pas été retenue.
M. le Premier ministre a par ailleurs rappelé avec force les engagements des groupes automobiles, dont PSA, redevables à la nation, qui les a aidés lors de la crise à hauteur de 6 milliards d'euros, même si ces prêts ont déjà fait l'objet d'un remboursement. Vous avez vous-même, monsieur le ministre, reçu le président de PSA, qui vous a également rassuré.
Comme vous, les parlementaires UMP du département jugent inacceptable l'idée d'une fermeture du site d'Aulnay et d'une délocalisation du centre de production, à brève comme à plus longue échéance. C'est pourquoi, suite à votre rencontre avec Philippe Varin à ce sujet, qui suscite encore une fois à Aulnay et, plus largement, dans tout le département de la Seine-Saint-Denis, inquiétude et incompréhension, pouvez-vous nous préciser les termes de votre entretien afin de rassurer les employés, les élus et la population, tous légitimement attachés à ce site historique et à l'intérêt économique qu'il représente ? Peut-être pourrez-vous également faire un point plus large sur l'avenir de l'industrie automobile en France.
La parole est à M. Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.
Monsieur Gaudron, et je m'adresse également à tous les députés de Seine-Saint-Denis, après les explications du président de PSA, nous pouvons être rassurés, tout en restant vigilants.
En effet, le président de PSA a très explicitement déclaré que le document de travail publié par la presse n'engageait pas PSA. Il vous a expliqué, comme à moi-même, que non seulement il ne l'engageait pas mais qu'au contraire PSA a investi l'an dernier 700 millions d'euros sur ces sites et prévoit un nouvel investissement de 800 millions d'euros pour 2011.
Le plan de charge d'Aulnay est rassurant. La C3 est un succès ; elle est produite à 200 000 exemplaires par an, ce qui en fait le premier succès commercial de PSA. Cela signifie que, au moins jusqu'à fin 2014, la situation est assurée et le président Varin a dit qu'il réfléchissait pour l'avenir. Quant au site de Sevelnord, où sont fabriqués les utilitaires, en accord avec Fiat, le plan de charge est plein jusqu'en 2017. Là encore le succès est au rendez-vous et il faudra vérifier ce qu'il en sera à l'avenir.
Pour ma part, j'ai très clairement dit au président Varin que le plan publié par la presse aurait été inacceptable pour le Gouvernement. Nous avons aidé et nous aidons le secteur automobile. Nous lui avons consenti un prêt de 6 milliards d'euros, déjà remboursé ; les aides d'OSEO ont permis de sauvegarder 23 000 emplois, et il faut y ajouter les 750 millions d'euros des investissements d'avenir en faveur du véhicule industriel, du véhicule du futur, le véhicule électrique. Nous allons, par ailleurs, avec le Fonds de modernisation des équipementiers automobiles, aider la filière.
Et quand la nation apporte ainsi son aide, elle attend en retour qu'il n'y ait pas de délocalisations mais un soutien à l'emploi local. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, je tiens tout d'abord, au nom du groupe Nouveau Centre, à dénoncer l'attitude inadmissible du groupe socialiste, qui ne respecte pas le règlement de notre assemblée. C'est une honte ! (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP. – Huées sur les bancs du groupe SRC.)
Ma question s'adresse au ministre de l'agriculture.
Les premiers courriers sont parvenus aux agriculteurs : la Commission européenne leur réclame 600 millions d'euros, afin de rembourser, avec intérêts, les aides de l'État perçues dans les années 90. À l'époque, les producteurs de fruits et légumes connaissaient des difficultés financières. Pour leur venir en aide, l'État français leur avait accordé des aides exceptionnelles pour le stockage, la destruction, la transformation et l'exportation. Mais Bruxelles a décidé en 2009 de demander leur remboursement. Ajouté aux aides traditionnelles de la politique agricole commune, ce système parallèle aurait, selon elle, faussé la concurrence au sein de l'Union européenne.
Au sujet du remboursement de ces aides publiques déclarées illégales, le Nouveau Centre appelle Bruxelles à faire preuve d'un peu plus de discernement. Depuis 2009, les agriculteurs connaissent une situation extrêmement difficile. Ces dernières semaines en ont encore donné l'exemple : à la sécheresse est venue s'ajouter la crise causée par la bactérie E.coli. Exiger aujourd'hui le remboursement des dettes ne fait qu'accabler financièrement les producteurs.
Aussi les députés du Nouveau Centre souhaitent-ils interroger le Gouvernement sur sa position concernant cet héritage dont les agriculteurs se seraient bien passés !
La parole est à M. Laurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes.
Monsieur le député, vous me permettrez tout d'abord d'excuser Bruno Le Maire, retenu par la préparation du G20.
Qu'il n'y ait pas d'ambiguïté : les agriculteurs ont besoin de notre soutien en cette période où ils doivent affronter la sécheresse et l'effondrement des cours dans plusieurs secteurs – je pense notamment à l'élevage ou, plus récemment, aux fruits et légumes.
Concernant le dossier précis que vous évoquez, nous avons, entre 1992 et 2002, versé à l'agriculture des aides illégales. La Commission en exige, à bon droit, le remboursement. Tous nos efforts ont consisté à faire en sorte que ces remboursements ne déstabilisent pas la filière, et notamment les fruits et légumes. Seuls onze dossiers de remboursement sont aujourd'hui en traitement, et tous le sont après accord avec les exploitations, assurance ayant été prise que ces remboursements ne déstabiliseraient pas ces exploitations : Bruno Le Maire en a pris l'engagement.
Je ne voudrais pas que l'Europe, dans cette affaire, serve de bouc émissaire. L'Europe assume sa part de responsabilité, comme les représentants de l'agriculture française et le Gouvernement. Elle a pris des engagements pour aider les agriculteurs face à la sécheresse et face à la crise générée par la bactérie dans l'ensemble de la filière légumes. Je pense aussi à l'avenir de la politique agricole commune, que nous sommes en train de défendre, et il n'y a pas de réunion européenne où nous n'évoquions la sauvegarde de la PAC.
De tout cela, une leçon se dégage clairement : quand on viole les règles européennes, comme ce fut le cas sous le gouvernement Jospin, entre 1997 et 2002, ce sont les agriculteurs et l'agriculture française qui paient l'addition !
Nous mettons tout en oeuvre aujourd'hui pour défendre nos positions et faire rayonner l'agriculture française. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur Besson, comment pouvez-vous parler de justice en évoquant la réforme de la fiscalité ? À un moment où les revenus du patrimoine explosent, où un quart de nos concitoyens salariés voient leur pouvoir d'achat baisser,…
Plusieurs députés du groupe UMP. Faux !
Plusieurs députés du groupe UMP. Faux !
…la seule réforme juste de la fiscalité serait la suppression pure et simple du bouclier fiscal !
Au lieu de cela, vous en rajoutez en matière d'injustice car, en réduisant en contrepartie l'ISF, ce n'est pas un chèque de 700 millions d'euros que vous faites aux plus fortunés mais de 2 milliards ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Avec 2 milliards d'euros, on pourrait créer 200 000 emplois pour les jeunes, améliorer le fonctionnement des écoles, des collèges, des lycées, augmenter le minimum vieillesse, voire réduire le déficit abyssal que vous allez léguer aux générations futures.
Eh bien non ! Vous préférez, comme toujours, faire des cadeaux aux plus riches. Quand beaucoup de nos compatriotes sont en grande souffrance sociale, faire tous les ans, car ce sera tous les ans, un chèque de 2 milliards d'euros aux Français les plus fortunés (exclamations sur les bancs du groupe UMP), ce n'est pas une réforme juste, c'est une réforme indécente ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le député, ce n'est pas parce que vous ressassez des inepties dans cet hémicycle qu'elles deviendront pour autant des vérités. Cela fait des semaines que vous répétez la même rengaine sur le soi-disant cadeau que nous ferions aux riches ; peut-être est-ce l'effet des prochaines primaires au parti socialiste. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Dois-je vous rappeler, monsieur Muet, que notre Gouvernement, depuis quatre ans, mène une politique à la fois pragmatique et équilibrée (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), une politique de courage et de justice ?
De courage avec le crédit d'impôt recherche pour soutenir l'activité, la suppression de la taxe professionnelle – est-ce là un cadeau aux riches ? –, l'action d'OSEO en direction des petites entreprises et des PME ; est-ce là encore un cadeau aux riches ?
De la même façon, l'action du Gouvernement est sous-tendue par un objectif : le respect de la justice fiscale. (« Deux milliards ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Nous avons ainsi créé le RSA, pas le parti socialiste : il en a peut-être parlé mais il ne l'a jamais fait. (« Deux milliards ! )
Ce sont encore cinq millions d'ouvriers et d'employés qui, grâce aux heures supplémentaires, touchent l'équivalent d'un treizième mois dans ce pays. Est-ce un cadeau aux riches ? Et pourtant, vous voulez supprimer cette disposition.
Quant au bouclier fiscal, vous savez parfaitement que la réforme que vous évoquez et sur laquelle votre assemblée devra se prononcer est une réforme juste qui touche à la fiscalité du patrimoine. Les chiffres sont là pour attester l'amélioration des perspectives de croissance et d'emploi. (« Deux milliards ! »)
Or, de votre côté, vous ne faites que proposer plus d'impôts et moins de croissance ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Charles de La Verpillière, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire
Ma question, à laquelle j'associe les trois autres députés de l'Ain, s'adresse à M. le ministre de l'Intérieur.
Dimanche, Maëlle, âgée de cinq ans, a été enlevée devant chez ses parents à Niévroz.
Grâce à la mobilisation immédiate de la population et des élus, et au formidable travail de la gendarmerie, la fillette a été retrouvée dans l'après-midi. Le ravisseur présumé a été arrêté.
Hélas, l'audition de Maëlle et les examens médicaux ont révélé qu'elle avait subi des violences sexuelles. Le parquet a ouvert une information pour viol.
Par respect pour les parents et afin de préserver le calme qui permettra à la famille de surmonter cette terrible épreuve, je ne les ai pas contactés. Je leur exprime ici, de tout coeur, ma sympathie et mon souhait fervent que Maëlle se reconstruise après ce tragique événement.
Sans céder à la démagogie, mais avec détermination, nous devons tous ensemble tirer les leçons de cette affaire qui succède à beaucoup d'autres. Le premier devoir d'une société humaine, à l'origine même de sa création, c'est de protéger ses enfants.
En l'espèce, l'enquête a révélé que l'agresseur présumé avait déjà été condamné en 2009 à six années de suivi socio-judiciaire pour détention et diffusion d'images pédo-pornographiques. Mais nos lois et les moyens dont nous disposons…
…sont-ils suffisants pour prévenir et punir l'agression sexuelle des enfants ? Ne faut-il pas, par exemple, recourir plus systématiquement à la castration chimique des délinquants sexuels ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le ministre, je vous remercie de nous indiquer la position du Gouvernement et de nous donner les dernières informations dont vous disposez sur l'enquête. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
Monsieur le député, permettez-moi tout d'abord de joindre aux sentiments que vous avez exprimés l'émotion du Gouvernement qui, comme tous les Français, a été bouleversé par ce qui est arrivé à la petite Maëlle. Il est exact que l'auteur présumé, interpellé le soir même par les gendarmes, a été condamné en novembre 2009 à un suivi socio-judiciaire de six ans pour détention et diffusion d'images pédo-pornographiques. Les obligations de peine lui ont été notifiées, un médecin coordonnateur a été désigné. À la suite du déménagement du condamné, le juge de Bourg-en-Bresse, après avoir fait vérifier la nouvelle adresse par les gendarmes, s'est désisté au profit de son collègue de Vienne et du service de probation de l'Isère. C'était en août 2010.
Le condamné a fait l'objet d'un suivi régulier et a respecté ses obligations jusqu'à une date récente. C'est en effet le 30 mai que le service de probation a indiqué au juge qu'il ne répondait plus aux convocations et c'est le 7 juin que le médecin coordonnateur a signalé au même juge qu'il ne se soumettait plus à ses soins. Dans ces conditions, le juge d'application des peines de Vienne a délivré, le 9 juin, aux gendarmes un mandat d'amener qui devait être exécuté le 14, c'est-à-dire aujourd'hui.
Face à de tels actes, notre société se doit de réagir. Elle doit protéger contre les prédateurs sexuels. C'est ce que nous faisons depuis 2007.
La loi de 2008 a instauré la rétention de sûreté pour les criminels les plus dangereux.
Vous avez voté contre !
S'agissant de la castration chimique, ce dispositif est efficace, l'INSERM le confirme, et la loi du 10 mars 2010 sur la récidive criminelle a multiplié les cas dans lesquels est proposé un traitement anti-hormonal aux délinquants sexuels. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Christian Eckert, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, tous les Français paient la TVA et la CSG.
Environ la moitié d'entre eux paient l'impôt sur le revenu et, jusqu'à ce jour, moins de 2 % étaient assujettis à l'impôt de solidarité sur la fortune. À ceux-là, vous venez de faire économiser 2 milliards d'euros d'impôts. (« Deux milliards ! » sur les bancs du groupe SRC.) Dès cette année, la moitié de ces contribuables ne paieront plus du tout d'ISF, tandis que les autres continueront de bénéficier du bouclier fiscal en 2012 et en 2013 pour plus de 500 millions d'euros. En effet, au lieu de supprimer immédiatement le bouclier fiscal pour cette année, vous le maintenez et vous augmentez encore les cadeaux faits aux plus fortunés.
Avec ces deux milliards, vous auriez pu, au choix, embaucher 45 000 enseignants, débloquer le salaire des fonctionnaires, augmenter de 130 % la bourse des étudiants.
Non seulement vos cadeaux fiscaux aux riches sont injustes mais ils plombent les recettes de l'État, et ils vous conduisent à dégrader comme jamais auparavant les services publics. (Plusieurs députés SRC brandissent une affichette figurant un chèque de 2 milliards. – Claquement de pupitres et exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Plusieurs députés du groupe UMP. Vous n'avez pas le droit de faire ça !
L'impôt juste et progressif est garant du service public, dont la grande majorité de nos concitoyens déplorent la déliquescence que vous organisez à l'école, dans la police, dans les hôpitaux. (Mêmes mouvements.)
Monsieur le Premier ministre, la semaine passée, vous avez avoué que votre objectif était de réduire l'impôt sur la fortune.
Rendrez-vous à l'État, c'est-à-dire à tous les Français, ce chèque de 2 milliards que voici pour permettre le bon fonctionnement des services publics, dont seuls les plus fortunés peuvent se passer ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Vives exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique. (« Deux milliards ! » sur les bancs du groupe SRC, dont les députés font le signe deux de la main. – Nouvelles exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC, dont de nombreux députés quittent l'hémicycle.)
Monsieur le député, je précise que je vous réponds en lieu et place de Mme Christine Lagarde, qui se trouve aujourd'hui retenue à Bruxelles, et de M. François Baroin, qui défend actuellement le projet de loi de révision constitutionnelle devant le Sénat.
Vous pouvez brandir des affichettes, nous montrer du doigt ou répéter mille fois le même mensonge : cela restera un mensonge. Ce que vous affirmez est faux : il n'y a pas eu 2 milliards d'euros de cadeaux. Vous faites semblant de ne pas comprendre que les deux milliards d'allégement sont compensés, d'une part, par la suppression du bouclier fiscal et, d'autre part, par la réforme de l'ISF. C'est du mensonge pur et simple.
Vous auriez pu ajouter que 2 milliards d'euros, cela équivaut à quatre fois 500 millions d'euros, soit le montant de l'amende fixé par un tribunal arbitral que nous allons devoir payer en raison d'une gestion passée dont, j'en suis sûr, vous nous parlerez aussi aisément. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Pour le reste, la situation économique de la France est saine, et c'est probablement ce qui vous pose problème. Notre politique fiscale est au service de la compétitivité ; grâce à elle, la France connaît cette année une croissance de 2 %, elle a créé récemment 60 000 emplois – ce qui n'était pas arrivé depuis plusieurs années –, sa production manufacturière est au plus haut depuis dix ans, enfin, malgré les difficultés liées à la crise financière, elle est en bonne posture aux yeux des agences de notation et demeure l'un des pays européens qui s'en tirent le mieux.
Tout cela vous trouble probablement : après les sondages flatteurs que vous avez enregistrés, vous commencez à vous inquiéter. Vous faites un signe qui n'est certainement pas le V de la victoire ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Et 50 000 dollars de loyer mensuel à New York, ça ne vous dérange pas ? Vous devriez avoir honte !
La parole est à M. Bernard Depierre, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre de la défense et des anciens combattants, ce que nous redoutions vient de se produire : vingt ans après la vente de frégates françaises à Taïwan, la cour d'appel de Paris vient d'ordonner à Thales et à l'État de payer une amende record de près de 660 millions d'euros.
Rappelons les faits : en 1991, sous la présidence de François Mitterrand, six frégates Horizon ont été vendues à Taïwan. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Il apparaît, après quelques années, que ce dossier a donné lieu au versement de pots-de-vin pour des montants considérables.
Dès lors, un gigantesque embrouillamini juridique naît de différentes plaintes. En effet, une clause dans le contrat initial interdisait formellement la rémunération d'intermédiaires. Or le gouvernement de l'époque, dirigé par Michel Rocard, et l'entreprise publique concernée se sont royalement assis sur cette disposition, distribuant chèques et enveloppes diverses. La plainte de l'État de Taïwan a prospéré et, jeudi dernier, la justice française, constatant les dégâts, a rendu une décision.
In fine, l'État français se trouve condamné. Le Gouvernement est donc contraint de faire supporter aux contribuables le poids et le prix de décisions prises par le gouvernement socialiste un peu irresponsable de l'époque.
Plusieurs députés du groupe UMP. C'est vous !
Plusieurs députés du groupe SRC. Et Karachi ?
Et ces mêmes socialistes osent aujourd'hui nous faire des leçons de morale ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Monsieur le ministre, il subsiste encore de multiples zones d'ombre dans ce dossier. Comment admettre que le secret d'État couvre les bénéficiaires légaux et illégaux des pots de vin et que les contribuables en supportent les conséquences ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants.
Monsieur le député, votre question nous plonge dans un passé désormais révolu.
Cependant, vous avez eu raison de la poser car elle est d'actualité : la justice a confirmé la sentence arbitrale.
En 1997, Alain Juppé, alors Premier ministre, avait demandé et obtenu de l'OCDE une convention internationale pour interdire toute commission sur les ventes d'armes. Nous avons eu gain de cause, et l'accord de décembre 1999 a été ratifié, horresco referens, par Lionel Jospin, Premier ministre.
Lors de la signature du contrat le chef du gouvernement n'était pas M. Michel Rocard mais Mme Édith Cresson. Je crois que Roland Dumas était ministre des affaires étrangères ; il était alors écartelé entre la République populaire de Chine et la République de Chine. Manifestement, le gouvernement de l'époque a accepté le paiement de commissions formellement prohibées par le contrat et par la République de Chine.
Vingt ans après, à l'issue de batailles judiciaires et de procédure visant à retarder le jugement, le gouvernement français, responsable de la direction des constructions navales, pour la part qui lui revient, et la société Thales, héritière de Thomson, se trouvent dans l'obligation d'éponger les résultats et les excès d'un passé désormais révolu mais dont les responsables sont parfaitement identifiés. Je vous renvoie à vos journaux préférés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Avant de donner la parole à Mme Sandrine Mazetier, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, je l'informe que, si je constate une manifestation interdite par l'instruction générale du bureau, je serai contraint de lui couper la parole. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Vous avez la parole, madame Mazetier.
S'agissant des frégates de Taiwan, je veux indiquer à M. le Premier ministre qu'il lui suffit de lever le secret défense. Nous ne cessons de le demander,…
…il le peut instantanément, et la vérité sera connue. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le Premier ministre, ma question est une question à 2 milliards d'euros.
En dépit de la situation tragique des finances publiques, de l'explosion de la dette nationale, de la paupérisation des services publics et d'un nombre croissant de nos concitoyens, vous venez d'augmenter les dépenses de l'État de 2 milliards d'euros, dont les bénéficiaires ont un profil que nous connaissons, ainsi que je l'ai rappelé la semaine dernière : il s'agit d'hommes âgés en moyenne de 74 ans qui ont hérité de leur fortune et ne l'ont pas créée.
Nous, nous avons proposé d'autres choix, ceux de la justice fiscale et de la justice sociale, non seulement pour l'avenir, mais aussi pour le présent. Car c'est du présent que je veux parler, celui des plus âgés et des plus modestes d'entre nous : les 583 000 allocataires du minimum vieillesse. Ces 2 milliards supplémentaires que vous faites dépenser à l'État pourraient en effet permettre de revaloriser le minimum vieillesse. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Qui sont ses allocataires ? Pour 12 % d'entre eux, ce sont d'anciens agriculteurs, qui, au terme d'une vie de labeur, perçoivent 742 euros par mois. Quant aux autres, il s'agit, à une écrasante majorité, de femmes qui vivent seules.
Monsieur le Premier ministre, pourquoi refuseriez-vous de mettre un tout petit peu plus dans le petit porte-monnaie de nos aînés, au lieu de grossir encore le portefeuille déjà bien garni des plus fortunés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation.
Madame la députée, vous me permettrez de dire que les Français attendent des hommes et des femmes politiques, qu'ils soient au Gouvernement ou au Parlement, autre chose que la démonstration que vous faites depuis le début de cette séance (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) et qui n'a rien à envier aux pires exercices de démagogie auxquels on a pu assister parfois en dehors de cet hémicycle.
Je n'entrerai pas dans le détail, car les quatre dernières questions posées par le groupe SRC n'étaient qu'un rideau de fumée. En évoquant ces fameux 2 milliards d'euros, vous n'avez qu'un seul objectif, que chacun a parfaitement compris. Parce qu'il attaque la dernière ligne droite de la primaire qui permettra la désignation de son candidat, le parti socialiste, gêné aux entournures (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC), fait de l'agitation.
Je terminerai en évoquant deux exemples concrets, qui montrent à quel point ce que vous avez dit ne correspond en rien à la réalité. S'agissant du minimum vieillesse, vous avez oublié de préciser que l'engagement d'augmenter cette prestation de 25 % avait été pris et qu'il a été tenu. Ce n'est pas vous qui l'avez fait, c'est nous ; vous, vous vous contentez, comme d'habitude, de parler. J'ajoute, et Nadine Morano a raison de me le rappeler, que vous avez même voté contre cette augmentation. Quant à l'ISF, vous proposez de réintroduire dans son assiette l'outil de travail, alors que c'est vous-mêmes qui l'en aviez exclu. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Les Français seront seuls juges. Ils trancheront entre un gouvernement qui travaille pour les Français et une opposition qui fait de grands moulinets.
La parole est à M. Renaud Muselier, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, je veux dire mon indignation face au comportement lamentable de M. Ayrault et de ses amis, qui m'inspire deux réflexions. Premièrement, ils s'inquiètent des finances des collectivités ; il est dommage qu'ils gardent un silence assourdissant sur la situation dans le département des Bouches-du-Rhône. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP.) Deuxièmement, si j'étais à leur place, je serais plus mesuré dans la stigmatisation des riches : qu'ils ne donnent pas trop de leçons en la matière, ils pourraient être victimes de la séquence de l'arroseur arrosé. (Mêmes mouvements.)
Monsieur le ministre d'État, ministre des affaires étrangères, vous nous avez annoncé il y a quelques semaines dans cet hémicycle qu'un nouveau secrétaire général de l'Union pour la Méditerranée, M. Amrani, diplomate marocain que nous soutenons, avait été nommé. C'est un signe fort, qui amorce la reprise du processus de l'Union pour la Méditerranée, projet phare de coopération et d'échanges, lancé par le Président de la République lors du sommet de Paris en juillet 2008.
Dans sa charte fondatrice, l'Union pour la Méditerranée se concentre sur plusieurs thèmes mobilisateurs, tels que la dépollution de la Méditerranée, les autoroutes maritimes et terrestres, l'énergie solaire ou une initiative méditerranéenne de développement des affaires.
Même si elle n'a pas été retenue sur le plan institutionnel, je voudrais y ajouter la culture, qui constitue un facteur fondamental de dialogue entre les peuples, de respect et de tolérance. En effet, l'objectif de l'UPM est non seulement de participer au développement du bassin méditerranéen, mais aussi de rassembler les pays de ce bassin autour d'une même volonté de vivre ensemble et de partager des valeurs communes.
Monsieur le ministre, comment envisagez-vous le rôle de cette nouvelle Union pour la Méditerranée, en particulier dans la reprise du processus de paix au Proche-Orient et, de manière générale, dans la recherche d'une paix durable en Méditerranée ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Alain Juppé, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes.
Monsieur le député, ainsi que j'ai déjà eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises devant cette assemblée, l'Union pour la Méditerranée était une idée prémonitoire…
…et elle est d'actualité. Elle est, du reste, sympathique aux Français – peut-être pas sur tous ces bancs – puisque 80 % d'entre eux estiment qu'il s'agit d'une bonne idée et l'associent à des valeurs positives. Il faut donc la faire fonctionner, et notre ambition est de la relancer, en agissant à trois ou quatre niveaux.
Tout d'abord, il s'agit d'améliorer sa gouvernance. À cet égard, comme vous, je me réjouis de la nomination d'un nouveau secrétaire général, M. Amrani, qui est un diplomate marocain de grande expérience.
Ensuite, il faut revenir à la philosophie initiale de l'Union pour la Méditerranée, qui était de mettre en oeuvre des projets concrets. Ces projets, vous les connaissez : l'Office méditerranéen de la jeunesse, le plan solaire, la Méditerranée propre. Il est vrai que nous n'avions peut-être pas pensé, à l'époque, à la culture, et votre mérite, monsieur le député, a été de lancer ce conseil culturel de l'Union pour la Méditerranée,…
…que vous présidez et qui développe les échanges et les partenariats culturels. La dimension humaine, dans les relations entre le nord et le sud, est absolument essentielle.
Par ailleurs, il faut mieux impliquer l'Union européenne dans la relance du processus de l'Union pour la Méditerranée. C'est ce que nous avons obtenu de la Haute représentante et de la Commission, et c'est ce que nous sommes en train de faire.
Enfin, et vous avez raison de l'évoquer, même si l'Union pour la Méditerranée n'est pas le cadre politique de cette démarche, rien ne fonctionnera si nous ne parvenons pas à sortir le processus de paix entre Israéliens et Palestiniens du blocage où il se trouve aujourd'hui. J'aurai peut-être l'occasion d'y revenir en répondant à une autre question, mais je voudrais simplement souligner que la France est aujourd'hui le pays qui prend tous les risques pour relancer une initiative afin de convier à nouveau autour de la table Israéliens et Palestiniens, en leur disant que le statu quo est intenable et qu'il faut se remettre à négocier pour trouver le chemin de la paix. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Laurence Dumont, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et. divers gauche
Avant de poser ma question, je souhaite dire que le groupe socialiste demande la levée du secret défense sur les commissions liées aux frégates de Taiwan. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Cela permettrait de lever tous les soupçons, notamment sur ces personnes connues de M. Longuet, mais dont il se refuse à divulguer le nom. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
J'en viens à ma question. Tout le monde connaît le jeu télévisé « Qui veut gagner des millions ? » Avec vous, c'est « Qui va gagner deux milliards ? ». (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Plusieurs députés du groupe UMP. Guérini ! Guérini !
Je vais vous le dire : ce sont les plus riches, les plus nantis. Bref, ceux qui possèdent déjà tout. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Deux milliards, c'est ce que rapporte à l'État la fameuse journée de solidarité, le lundi de Pentecôte ; ces fonds qui devaient être sanctuarisés pour les personnes âgées. Malheureusement, c'est plus compliqué que cela.
Surtout pas d'effet vignette, avait-on dit du haut de la tribune de l'assemblée. Cela reste à prouver. Et maintenant, vous osez parler d'une deuxième journée de solidarité pour financer la dépendance. Vous doublez la journée, vous doublez l'injustice ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Plusieurs députés du groupe SRC. Deux milliards pour les riches !
Vous décrétez une deuxième journée de travail non payée, alors que les rentiers de ce pays voient leurs impôts diminuer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Ceux-là, au moins, n'auront aucun mal à souscrire aux assurances privées que vous préconisez pour compléter le financement de la perte d'autonomie.
Le sujet est grave, et je n'aurai qu'une question, mais je ne peux m'empêcher de vous la poser sous forme de boutade : après le lundi de Pentecôte, envisagez-vous de supprimer le 1er mai ou le jour de Noël ? Dites-le aux Français, pour qu'ils puissent s'organiser. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale.
Madame la députée, en 2003, au lendemain de la canicule, lorsque notre majorité a dû prendre ses responsabilités et réagir, l'heure n'était pas à la plaisanterie et aux bons mots. L'heure était à la responsabilité. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Il s'agissait d'augmenter le nombre d'établissements pour les personnes âgées. Il s'agissait de renflouer la politique du handicap, que vous n'aviez pas traitée avec suffisamment de précision.
Il s'agissait d'apporter aux professionnels plus de services, plus d'attention. Notre majorité a eu raison d'approuver l'instauration de la journée de solidarité pour l'autonomie. C'est une bonne mesure, une mesure qui, depuis sa création, a rapporté 12 milliards d'euros. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Ces 12 milliards ont été gérés par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie avec une précision méticuleuse et ont permis la création de 60 000 places et de 1000 établissements. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Et dans votre département, madame la députée, ce sont plus de 600 places qui ont été créées. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
S'agissant des modalités à retenir pour faire face au vieillissement de notre population, je veux vous dire qu'aucune décision n'est arrêtée, mais qu'aucune piste n'est écartée. Au cours du tour de France que j'ai effectué avec Roselyne Bachelot, j'ai pu constater que nos compatriotes attendaient des solutions pour faire face au vieillissement de notre population. Ils nous demandent la solidarité nationale.
Cette solidarité mérite que la nation se mobilise. Le travail est une bonne manière de mobiliser la solidarité de la nation et, surtout, d'éviter de placer certaines dépenses de notre système de santé sous le signe du déficit et de les faire payer aux générations futures,…
Deux milliards pour les riches : vous n'avez qu'à supprimer cette mesure !
…cassant ainsi la croissance qui redémarre dans notre pays.
Plutôt que de lancer des critiques les unes après les autres, mieux vaut une politique de responsabilité, qui consiste à apporter des solutions aux Français en souffrance. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Jacques Alain Bénisti, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. Alain Juppé, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes. J'y associe également les membres du groupe d'amitié France-Israël.
Depuis plusieurs semaines, les révolutions dans les pays arabes du Proche-Orient ont provoqué de nouvelles tensions aux frontières israéliennes – celles au nord-ouest de la Syrie dont on vient de parler – il y a un mois, à la frontière jordanienne, et régulièrement, lors de tirs de missiles Kassam provenant de Gaza, sur les populations civiles israéliennes. Ces débordements ne sont le fruit que d'extrémistes cherchant à déstabiliser l'ensemble de la région et ne sont pas le fait de la majorité de leurs populations qui n'aspirent qu'à conclure un traité de paix durable avec leurs voisins israéliens.
Il est évident que tous ces extrémistes issus d'Al-Qaida, du Hezbollah ou de certaines mouvances du Hamas qui, je le rappelle, détiennent toujours depuis cinq ans notre compatriote Gilad Shalit, ne souhaitent pas la paix avec l'État d'Israël. C'est pourquoi les initiatives de certains opportunistes d'affréter un bateau français pour provoquer les forces militaires israéliennes dans les eaux internationales, prétendument pour tenter de casser le blocus de Gaza, sont aussi irresponsables que suicidaires et feront simplement monter, une fois de plus, les tensions dans une région qui n'en a pas besoin, d'autant que la frontière entre l'Égypte et Gaza a été rouverte.
Cette initiative est d'autant plus malheureuse qu'un navire battant pavillon français, le Victoria, vient d'être arraisonné avec, cachés dans ses soutes, des roquettes et des missiles Kassam provenant d'Iran.
Monsieur le ministre d'État, ma question est simple. Que comptez-vous faire pour éviter que le drapeau français ne soit, une fois de plus, bafoué par une ahurissante coalition PC, PS et Front national (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) qui, en fait, ne cherche qu'à contrecarrer l'initiative de conférence de paix proposée par le Président de la République ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Alain Juppé, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes.
Monsieur le député, vous avez évoqué plusieurs foyers de tension qui se sont développés au cours des dernières semaines au Proche-Orient, à savoir les incidents qui sont survenus le 15 mai et le 5 juin notamment sur le Golan. Nous avons vivement déploré la violation de la zone de séparation entre Israël et la Syrie. Nous avons aussi regretté l'usage disproportionné de la force pour répondre à ces violations.
S'agissant du projet de flottille, notre position est très claire et je l'ai rappelé aux autorités israéliennes comme aux autorités palestiniennes que j'ai rencontrées il y a maintenant dix jours. Nous pensons que cette initiative est regrettable et qu'elle ne peut qu'envenimer la situation. Nous avons demandé à tous ceux qui, en France, s'apprêtaient à y participer d'y renoncer.
Cela dit, nous n'avons pas les moyens juridiques d'empêcher des bateaux de prendre la haute mer et de se diriger vers la côte israélienne ou vers Gaza. Mais nous renouvelons ces mises en garde.
Le fond du problème, je l'ai dit en répondant à Renaud Muselier, c'est de sortir du statu quo. Tout change dans cette région. Le régime égyptien n'est plus ce qu'il était il y a six mois. La Syrie est dans la situation que l'on sait, le Hamas en a tiré des conclusions en se rapprochant du Fatah. Un accord a été conclu au Caire. Le statu quo n'est pas tenable pour les deux parties concernées. Tel est le message que je suis allé apporter aussi bien aux Palestiniens qu'aux Israéliens.
Contrairement à ce qui a été dit un peu vite ici ou là, ce message n'a pas été rejeté. Les Palestiniens ont fait connaître leur accord à la démarche que nous proposions, le Premier ministre Netanyahou m'a indiqué qu'il y réfléchissait, Mme Hillary Clinton est prête à continuer à y travailler. Nous ne désespérons pas de faire prévaloir cette idée, d'avoir une réunion du Quartet, une réunion de la conférence des donateurs à Paris, pour enclencher un processus qui nous évitera une confrontation au mois de septembre à l'assemblée générale des Nations unies.
Nous avons une petite chance, nous la saisirons jusqu'au bout. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Envoi de bateaux humanitaires à Gaza
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures dix.)
Dans les explications de vote, la parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour le groupe SRC.
Monsieur le président, mes chers collègues, en 2007, la majorité a commencé la législature par une réforme, le bouclier fiscal, en expliquant à longueur de discours qu'il fallait éviter qu'un contribuable travaille plus d'un jour sur deux pour l'État. Depuis, nous avons tous pu vérifier qu'il était impossible d'atteindre la limite de ce bouclier avec les seuls revenus du travail et qu'en réalité, ce dispositif concernait presque uniquement les 10 000 redevables de l'ISF dont le patrimoine s'élève à plusieurs millions d'euros.
À un moment où les revenus du patrimoine explosent, où les salaires stagnent, où un quart des salariés connaît une baisse de pouvoir d'achat, où la fiscalité pèse deux fois plus sur le travail que sur le capital, la seule réforme juste de la fiscalité du patrimoine aurait consisté en la suppression pure et simple du bouclier fiscal, dont il a été démontré qu'il ne servait qu'à exonérer les plus fortunés de tout effort de solidarité sans le moindre impact sur l'exil fiscal.
Or vous profitez de la suppression du bouclier, dont le coût s'élevait à 700 millions d'euros, pour faire un nouveau cadeau fiscal aux plus fortunés de nos concitoyens : 2 milliards d'euros au bénéfice de 560 000 Français dont le patrimoine est égal ou supérieur au million d'euros, soit près de 2 % de la population, alors que la moitié des Français a un patrimoine inférieur à 100 000 euros.
Sur ces 560 000 contribuables, les 10 000 bénéficiaires du bouclier fiscal ne perdront rien ou pas grand-chose, car ils bénéficieront de la baisse de l'ISF. Quant aux 550 000 restants, ils bénéficieront de la suppression de l'ISF ou de sa réduction. Et ce cadeau ne porte pas sur des petites sommes : pour certains, elles peuvent se compter en plusieurs centaines de milliers d'euros, voire en millions.
Prendre prétexte de l'injustice réelle du bouclier fiscal pour se montrer deux fois plus injuste en faisant un chèque deux fois plus élevé aux plus riches de nos concitoyens est tout simplement indécent.
Que dire de ce qui a été ajouté au texte en cours de débat ? Ainsi votre majorité a-t-elle accordé aux plus fortunés de nos concitoyens un allégement de 300 euros par enfant au lieu de 150. 300 euros, soit le montant de l'allocation de rentrée scolaire, ou encore près d'un mois de RSA socle !
Il y a pire : en 2012, certains bénéficieront du chèque remis au titre du bouclier en même temps que de la baisse de l'ISF. Mais vous avez tellement honte de cette réforme que, au lieu de leur adresser directement ce chèque, vous allez autoriser les plus riches à autoliquider leur impôt, c'est-à-dire à déduire eux-mêmes de leur ISF le montant du chèque. C'est scandaleux !
Mes chers collègues, vous croyez que, grâce à cette réforme, vous en avez fini avec le bouclier fiscal. Mais ce chèque indécent de deux milliards que vous allez faire tous les ans aux plus riches, vous le traînerez comme un boulet, jusqu'au jour – proche, je l'espère – où un gouvernement responsable rétablira la justice fiscale.
Le groupe SRC votera évidemment contre cette réforme totalement injuste, inefficace et qui n'est même pas financée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le ministre du budget, votre prétendue réforme fiscale résulte d'abord d'une double défaite politique.
Voici la première : votre bouclier fiscal, déjà présenté comme le summum de la justice, a été condamné par nos concitoyens, auxquels vous demandiez des efforts toujours plus importants tout en redonnant de l'argent aux plus riches.
Seconde défaite : vous avez alors tenté, toujours sous prétexte de justice, de supprimer le bouclier fiscal et l'ISF, faisant ainsi un cadeau encore plus énorme aux plus riches. Cela n'a pas échappé aux Français.
Vaincus deux fois, vous deviez tenter un énième faux-semblant, plus subtil celui-là : supprimer le bouclier fiscal, mais dans deux ans seulement ; supprimer l'ISF pour plus de 50 % de ceux qui en sont actuellement redevables et l'alléger pour presque tous les autres. C'est donc un cadeau direct de 1,8 milliard d'euros que vous faites aux plus riches.
L'astuce consiste cette fois à faire croire que ce sont les mêmes qui vont payer les compensations de ce nouveau cadeau. C'est très fort, mais c'est très faux. Car, pour un vrai cadeau, vous créez une fausse compensation et vous jetez beaucoup de poudre aux yeux.
Ce n'est pas nous qui le disons, mais le rapporteur général du budget, Gilles Carrez, qui l'écrit dans son rapport : les compensations sont assises sur des impôts dont le rendement n'est pas assuré.
De fait, trouver deux milliards d'euros pérennes en misant sur des donations et successions dont on connaît le caractère aléatoire, en créant une exit tax sur des plus-values à réaliser, donc hypothétiques, ou encore en comptant sur la cellule de régularisation des fraudes fiscales, alors que la plus grosse opération récemment réalisée résultait d'une dénonciation, donc d'une situation exceptionnelle, au demeurant illégale selon la direction des finances publiques elle-même : voilà qui ne constitue pas un montage très solide. Je le répète, pour compenser un vrai cadeau, vous créez une fausse recette.
Que reste-t-il pour financer le cadeau fait aux plus riches ? On peut imaginer une infinité de moyens, mais deux viennent immédiatement à l'esprit : le blocage des traitements dans la fonction publique, qui rapportera 900 millions d'euros ; le milliard d'euros prévu pour le RSA mais non utilisé – faute de dossiers, paraît-il. On en arrive à près de deux milliards d'euros.
Ainsi, non seulement vous contrevenez à l'équité, mais vous vous rendez coupables de l'injustice la plus totale : ce sont toujours les mêmes qui vont payer pour l'enrichissement d'une petite caste de nantis – en réalité la plus assistée de France.
Ainsi, votre fameux « printemps fiscal » va-t-il empêcher d'appliquer au 1 % de Français les plus riches un taux d'imposition sur le revenu de 18 %, au lieu des 40 % qu'ils devraient payer – comme vient de le rappeler la commission des prélèvements obligatoires dans son rapport ?
Va-t-il inverser le moins du monde les tendances relevées par l'INSEE – en 1970, 26 % des bénéfices des sociétés non financières allaient aux dividendes des actionnaires et aux intérêts des banques, contre 65 % aujourd'hui – et, il y a peu, par l'OCDE – en dix-huit ans, les salaires ont augmenté de 81 % et les dividendes de 355 % ?
Non : cela ne remédiera nullement au creusement des inégalités qui nous a jetés dans la crise, et qui est en train de déstabiliser une société française construite sur une répartition des richesses plus équitable et sur la réparation partielle des injustices les plus graves grâce au poids du service public et à la protection sociale.
Ce qui m'amène au dernier argument que vous osez avancer : la prétendue pertinence économique de votre projet de loi. Nous attendons toujours que vous nous démontriez en quoi donner de l'argent jusqu'à l'overdose aux marchés financiers et aux plus nantis contribuerait à développer l'économie. Comme le rappelle fort honnêtement le milliardaire américain Warren Buffett, la situation actuelle tendrait plutôt à démontrer le contraire.
Il faut donc prendre une autre voie : taxer le capital au même degré que les revenus du travail ; supprimer les niches fiscales pour les plus riches ; supprimer les paradis fiscaux ; moduler l'impôt sur les sociétés au profit de ceux qui investissent dans l'emploi, les salaires et la formation, et au détriment de ceux qui favorisent les dividendes ; enfin, instaurer un impôt sur le revenu qui soit juste, progressif, avec un taux marginal à 54 %, et qui joue ainsi son rôle de réduction des inégalités fiscales et sociales.
Toutes les composantes du groupe GDR – communistes, républicains, parti de gauche, Verts et ultramarins – voteront contre ce texte injuste du point de vue social et inefficace du point de vue économique. Puisse votre printemps fiscal devenir votre automne politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte du Palais-Bourbon.
Pour le groupe Nouveau Centre, la parole est à M. Charles de Courson.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après plusieurs mois de réflexion sur la fiscalité du patrimoine, voici venu le moment du vote.
Je tiens tout d'abord à remercier de nouveau la ministre de l'économie et le ministre du budget de l'initiative conjointe qui les a conduits à constituer un groupe de travail parlementaire en amont de la réforme, ce qui a permis de parvenir à une solution équilibrée.
Ce projet de loi de finances rectificative pour 2011, porteur de la réforme de la fiscalité du patrimoine, est un moment fort du quinquennat.
Premièrement, le groupe Nouveau Centre a – enfin – été entendu sur la suppression du bouclier fiscal. Nous n'avions eu de cesse, depuis juillet 2007, de dénoncer ce droit à restitution et de proposer la réforme, puis la suppression, de ce qui était devenu une hérésie fiscale. Le bouclier était contraire à la justice fiscale ; il n'avait pas atteint son but économique, qui était de faire revenir les exilés fiscaux et de freiner les départs ; pire, il coûtait de plus en plus cher au budget de l'État – pas moins de 680 millions d'euros en 2010.
Le bouclier fiscal a été abrogé par la représentation nationale à l'unanimité – il faut le rappeler – dans la nuit de vendredi à samedi. Nous ne pouvons que nous en satisfaire.
Deuxièmement, l'ISF connaît pour l'heure un aménagement. Cette question est tranchée ; elle est politique, et le groupe Nouveau Centre a soutenu une réforme équilibrée de l'ISF. Toutefois, il est clair, mes chers collègues, qu'à terme, nous ne pourrons faire l'économie d'une réflexion sur l'opportunité de cet impôt, qui a été supprimé dans la quasi-totalité des pays d'Europe, y compris ceux qui sont dirigés par des gouvernements socialistes.
En troisième lieu, le groupe Nouveau Centre émet toutefois un regret : en cette période de difficultés sociales et de disette budgétaire, le Gouvernement n'a pas accueilli favorablement notre proposition de taxer les hauts revenus. Il nous semblait pourtant juste, dans un texte concernant la fiscalité du patrimoine, de taxer ces revenus très élevés, issus majoritairement du patrimoine. En effet, il est choquant que certains revenus du capital soient moins taxés que les revenus du travail. Nous proposions de corriger cette anomalie en supprimant progressivement la taxation forfaitaire d'une partie des revenus du patrimoine.
Il est pertinent de débattre de l'instauration d'une tranche marginale de l'impôt sur le revenu au taux de 45 % au-delà de 300 000 euros de revenus pour un couple. D'abord, elle obéirait à la logique de convergence fiscale franco-allemande, chère au Président de la République et au Gouvernement. En second lieu, elle satisferait l'exigence d'équité fiscale : il est normal que les contribuables les plus aisés participent à l'effort de solidarité nationale. Enfin, l'imposition marginale des revenus au taux de 45 %, qui rapporterait près de 300 millions d'euros aux finances publiques, aurait permis d'asseoir la réforme sur une ressource pérenne.
Ce n'est que partie remise. Ce débat est ouvert ; il reprendra lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2012. Le ministre s'y est engagé, et nous renouvellerons alors notre demande.
Quatrièmement, en ce qui concerne la création du « fonds Mediator », je me ferai l'écho de Jean-Luc Préel pour remercier le Gouvernement d'avoir fait preuve de réactivité depuis le début de l'affaire et d'avoir rapidement proposé la création d'un fonds d'indemnisation ad hoc. L'essentiel est de faire vite et de prendre en considération toutes les victimes, avant même septembre 2001. N'oublions pas qu'il s'agit d'un drame de santé publique qui a mis en évidence des dysfonctionnements majeurs dans la chaîne du médicament.
Cinquièmement, le Gouvernement a demandé à l'Assemblée, qui l'a accepté, de voter l'inscription au budget de 460 millions d'euros destinés à régler à l'État chinois de Taiwan le montant des pots-de-vin versés dans le cadre de la vente des vedettes. Le Gouvernement a également laissé entendre qu'il chercherait à récupérer cette somme auprès des bénéficiaires des pots-de-vin. Nous comptons sur lui pour se montrer offensif sur ce point et pour lever le secret défense afin que des poursuites puissent être engagées.
Enfin, au terme de l'examen de ce projet de loi de finances rectificative, nous constatons que le déficit du budget général est supérieur de 1,1 milliard d'euros au montant prévu en loi de finances initiale. Le respect de la norme du « zéro valeur » impose donc, d'ici au projet de loi de finances rectificative de fin d'année, d'organiser des redéploiements ou de réaliser des économies d'un montant équivalent. Le Gouvernement s'y est engagé ; le groupe du Nouveau Centre y veillera.
Mes chers collègues, le groupe Nouveau Centre votera en faveur de ce projet de loi de finances rectificative pour 2011, avec la ferme intention de reprendre le combat pour plus d'équité fiscale lors de l'examen du PLF pour 2012. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre.)
À l'issue de plusieurs semaines de travail, le Gouvernement et la majorité ont rédigé un texte qui réforme profondément l'impôt de solidarité sur la fortune. Je reviendrai sur les trois grandes évolutions qu'il opère.
D'abord, le retour à des taux justes et non confiscatoires de l'ISF. Le taux de 1,6 % pour la tranche supérieure était juste en 1981, lorsque les emprunts d'État rapportaient 16 % et que l'inflation était rarement inférieure à 10 %. Mais il n'était plus juste qu'il atteigne 1,8 % de nos jours, alors que les emprunts d'État rapportent 3,5 % et que l'inflation est rarement inférieure à 2,5 %.
Ce taux trop élevé conduisait les Français les plus fortunés à pratiquer l'optimisation fiscale et à rechercher la rentabilité maximale, bien loin de l'incitation à l'épargne longue et à l'investissement raisonné que nous prônons tous. Le retour à un taux logique étant donné la rentabilité des capitaux investis redonne sens à l'ISF, en en faisant un impôt qui ne privilégie personne, et qui incarne le nécessaire effort de solidarité des Français les plus aisés envers la nation tout entière.
Les taux n'ayant dès lors plus rien de confiscatoire, le bouclier fiscal instauré sous forme de plafonnement par Michel Rocard, et que nous avons porté à 50 % des revenus, n'avait plus d'objet. Nous l'avons donc logiquement supprimé, tout en en maintenant le principe au bénéfice des Français disposant de très faibles revenus et qui, si l'on cumule fiscalité nationale et locale, devaient acquitter au titre de l'impôt plus de la moitié de leurs ressources. Plus de 9 000 familles étaient dans ce cas en 2010 ; il ne fallait pas les oublier.
La troisième grande évolution est la compensation dite « à l'euro l'euro », c'est-à-dire le principe, qui fera sans doute jurisprudence, selon lequel une réforme fiscale doit être autofinancée. Sur ce point, les estimations ont prouvé leur fiabilité à l'issue des débats et les contestations de l'opposition ont été rapidement contrées.
Voilà en somme une loi qui a fait l'objet d'une concertation satisfaisante, qui a été bien préparée, bien discutée, et qui sera, je l'espère, votée comme il se doit. Chacun pourra observer qu'elle est perçue comme juste et acceptable par l'opinion, ce qui constitue déjà un incontestable succès.
Au cours de ce débat, l'opposition aura d'abord tenté de faire front, en s'appuyant sur 1 200 amendements d'obstruction, défendus sans relâche du lundi au mardi soir. Dès le mercredi, on sentait ses membres moins disposés à répéter jusqu'à quatre-vingt-douze fois le même message : la lassitude gagnait tous ses bancs. Il n'y a plus eu le moindre sursaut jusqu'au samedi matin – puisque la séance s'est prolongée jusque dans la matinée, grâce à la vigilance et à l'amabilité de tout le personnel de l'Assemblée, à qui je veux rendre hommage.
Mais le plus curieux, ce furent les arguments que trouva l'opposition pour s'opposer à cette réforme. Après les déclarations de circonstance sur les taux et le périmètre de l'impôt, la discussion des amendements la montra qui s'enferrait dans ses contradictions : ainsi défendit-elle bec et ongles la suppression des aménagements en faveur de l'actionnariat familial, oubliant qu'à l'origine de ces dispositions, il y avait un député socialiste, alors rapporteur général du budget, M. Didier Migaud ; plus fort, elle voulut, au coeur du débat, supprimer les avantages fiscaux et sociaux liés aux heures supplémentaires, qui profitent pourtant à 4 millions de salariés en France. En les supprimant, nous aurions fait perdre à ces 4 millions de salariés 5 milliards d'euros de pouvoir d'achat, ce pouvoir d'achat que les socialistes, tout à l'heure, dans l'hémicycle, nous reprochaient de ne pas augmenter ! Ils voulaient tout simplement, vendredi dernier, reprendre 5 milliards d'euros aux salariés qui travaillent plus pour gagner plus.
À moins d'un an d'une élection majeure, le Gouvernement et sa majorité ont réussi à construire dans l'équilibre et la justice une loi portant sur un sujet aussi emblématique que polémique. Cette loi restera parmi celles qui font la fierté d'une majorité qui aura, en cinq ans, osé s'attaquer à tous les problèmes des Français. L'opposition voulait nous forcer à la faute ; puis elle a cherché à nous décourager de mener à bien cette réforme ; elle a échoué. Elle a cherché à prendre l'opinion à témoin : elle est restée seule et isolée. Elle a cherché l'obstruction par tous les moyens : elle n'aura jamais eu les troupes pour assumer sa stratégie.
Le succès de cette réforme ambitieuse s'annonce donc comme l'une des réussites de l'année 2011. Il résonne aussi fort que la défaite de l'opposition qui, sur ce projet de loi, aura été totale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. - Protestations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble du projet de loi.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 532
Nombre de suffrages exprimés 530
Majorité absolue 266
Pour l'adoption 310
Contre 220
(Le projet de loi est adopté.)
L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble de la proposition de loi de M. Patrick Bloche et plusieurs de ses collègues visant à ouvrir le mariage aux couples de même sexe (nos 586, 3462).
Jeudi dernier, le Gouvernement a indiqué qu'en application de l'article 44, alinéa 3, de la Constitution, il demandait à l'Assemblée de se prononcer par un seul vote sur les articles, à l'exclusion de tout amendement, et sur l'ensemble de la proposition de loi.
Dans les explications de vote, la parole est à M. Patrick Bloche, pour le groupe SRC.
Une première : sans conteste, le débat – un beau débat – mené jeudi dernier sur la proposition de loi du groupe socialiste, radical et citoyen visant à ouvrir le mariage aux couples de même sexe était une première dans cet hémicycle. Il faut se réjouir de la capacité de la représentation nationale à se saisir de cette question de société, surtout lorsqu'une nette majorité de nos concitoyens est favorable à la modification du code civil qu'il vous est proposé d'adopter dans quelques instants.
En prenant cette initiative, notre groupe a d'abord voulu répondre à la légitime interpellation du Conseil constitutionnel qui, au mois de janvier dernier a – comme la Cour de cassation et la Cour européenne des droits de l'homme – estimé que l'autorisation du mariage homosexuel dans notre pays relevait de l'unique compétence du législateur.
Pourquoi repousser l'échéance au seul prétexte que l'élection présidentielle a lieu dans moins d'un an ? Pourquoi amplifier le retard de notre pays en ce domaine alors qu'en 1999, la France, avec le vote du PACS, était pionnière, et que depuis 2002, et a fortiori depuis 2007, rien ne s'est passé ?
Durant la dernière décennie, pas moins de sept pays européens, dont des pays très empreints de culture catholique comme l'Espagne et le Portugal, ont ouvert le mariage aux couples de même sexe. Plusieurs pays extra-européens comme le Canada, l'Afrique du Sud et plus récemment l'Argentine ont fait de même. Ces sociétés – pour la plupart si comparables aux nôtres – n'ont vu ni leurs fondements ébranlés, ni leurs valeurs collectives remises en cause.
Comme le Parlement européen nous y a incités à trois reprises, comme notre collègue Noël Mamère nous y a invités dès 2004 en célébrant ce qu'on a appelé le mariage de Bègles, il s'agit avant tout de faire tomber une discrimination en accordant un droit supplémentaire à certains sans en enlever naturellement à d'autres, comme par exemple la présomption de paternité pour les couples hétérosexuels mariés.
L'enjeu est simple : offrir aux couples de même sexe la même liberté de choix pour organiser leur vie commune que celle dont disposent actuellement les couples de sexe différent entre concubinage, PACS et mariage. Il y aurait même quelque logique, alors que les couples hétérosexuels ont fait le succès statistique du PACS depuis bientôt douze ans, à ce que les couples homosexuels puissent désormais contribuer à la bonne santé du mariage.
Par ailleurs, comment ne pas redire que le PACS et le mariage, ce ne sont ni les mêmes droits, ni les mêmes devoirs ? Comment ne pas redire que le lien entre mariage et procréation n'a plus l'évidence d'hier lorsque 56 % des premiers enfants naissent aujourd'hui en France hors mariage ?
De fait, la proposition de loi qui est soumise à votre approbation ne traite que de l'homoconjugalité, et non de l'homoparentalité, même si le parti socialiste a pris position en son temps pour l'ouverture de l'adoption aux homosexuels et de la procréation médicalement assistée aux femmes sans condition de situation de couple ou d'infertilité.
L'issue du vote qui va intervenir dans cet hémicycle est logiquement entre les mains des députés de la majorité, qui seuls peuvent permettre l'émergence d'une majorité d'idées sur cette question de société. Quelques-uns d'entre eux ont fait savoir que leur vote, fondé sur leurs convictions personnelles, serait favorable. Puisse cette audace avoir été communicative ces derniers jours !
Alors, chers collègues de la majorité, osez ! Osez, comme vous y invitent le groupe socialiste, radical et citoyen et plus largement l'opposition de gauche ; osez et votez pour partager avec nous la fierté d'avoir fait franchir à la France une nouvelle étape sur le chemin de l'égalité des droits ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Je ne me fais pas beaucoup d'illusions : les explications de vote auxquelles nous nous livrons maintenant ne réussiront sans doute pas à convaincre la partie de la majorité qui refuse toujours l'ouverture du mariage aux personnes de même sexe.
Pourtant, nous ne ferions que rejoindre plusieurs pays de l'Union européenne, qui viennent d'être cités par notre collègue Bloche, ainsi que certains États des États-Unis et certains pays d'outre-mer ; l'Afrique du sud, qui fut le pays de l'apartheid, a ouvert le mariage aux personnes de même sexe.
Lorsque nous considérons le contexte politique, social, culturel de ces pays, et que nous considérons ce qui se dit ici, à l'Assemblée nationale, nous ne pouvons que constater que nous sommes bien en retard. Une partie des représentants du peuple sont aujourd'hui complètement déconnectés du peuple de France qui, à chaque fois qu'il a été consulté, s'est prononcé de façon très majoritaire pour l'ouverture du mariage à des personnes de même sexe.
En effet, de quoi s'agit-il, sinon de répondre à notre droit fondamental, de répondre à la Convention européenne des droits de l'homme, qui lutte contre toutes les formes de discrimination et de ségrégation et qui affirme haut et fort – et nous devons nous y tenir – l'égalité des droits pour chacun, quels que soient sa condition, son genre, sa religion, son origine ethnique ?
Lorsque nous lisons notre Constitution et la convention des droits de l'homme, nous voyons que l'ouverture de droits pour certains n'enlève aucun droit à d'autres. Regardons l'Espagne et le Portugal, très marqués par la religion catholique : on nous annonçait le déluge, l'explosion de la société ; il n'en a rien été. La seule chose qui soit arrivée, c'est que des hommes et des femmes qui avaient décidé de vivre ensemble vivent aujourd'hui beaucoup mieux, avec des garanties qui sont celles dont jouissent tous les citoyens.
Je voudrais ici rendre hommage à nos collègues Patrick Bloche et Jean-Pierre Michel qui, en 1999, à la demande des associations, ont mis sur le métier de l'Assemblée nationale le PACS. Nous nous souvenons de discussions houleuses, qui n'honorent pas la représentation nationale. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Mais enfin le PACS a été voté : c'est un progrès. Mais il existe toujours, au regard du droit, une sous-catégorie juridique pour des personnes que l'on considère encore comme des sous-citoyens. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Nous voulons au contraire faire en sorte que tout le monde soit traité de la même manière.
C'est vrai, j'ai encore le souvenir douloureux de lettres reçues après ce que l'on a appelé le mariage de Bègles : pas moins de 4 000 lettres, dont cette lettre d'un médecin qui, à son onzième courrier, a fini par dessiner un four crématoire. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Je repense aussi à ces cris, lancés devant les grilles de la mairie de Bègles, le 5 juin 2004 : « les pédés en camp de concentration ! » (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)
C'est parce que nous ne voulons plus jamais entendre ces mots, inspirés par la peur de soi et par l'ignorance, que nous sommes élus, que nous allons devant le peuple et que nous voulons l'égalité des droits. Lutter contre l'ignorance n'est pas notre métier, mais notre fonction. Je n'ai pas de haine contre ceux qui ont écrit ces choses abominables : c'est la peur d'eux-mêmes et c'est l'ignorance qui les fait agir, et vous n'avez pas le droit de maintenir les gens dans l'ignorance ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Et vous n'avez pas le droit de dire que lorsqu'on ouvre le mariage aux personnes de même sexe, cela peut amener à la polygamie ou, comme certains l'ont dit, au mariage avec des animaux !
Cela, c'est indigne du débat que doit mener la représentation nationale. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Vous pouvez résister, vous pouvez vous arc-bouter ; mais vous ne pourrez pas longtemps rester à la traîne : le peuple a choisi, la société a évolué et demain, c'est inéluctable, le mariage des personnes de même sexe sera une réalité, parce que l'égalité des droits est une exigence ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Le scrutin public sur l'ensemble du projet de loi est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Olivier Jardé, pour le groupe Nouveau Centre.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au-delà du vote d'une proposition de loi de nos collègues socialistes, c'est aujourd'hui un véritable choix de société auquel nous sommes confrontés : ouvrir, ou non, la possibilité de se marier aux couples formés de deux personnes de même sexe est un choix grave, fondamental, qui en appelle plus à nos convictions profondes qu'à de simples postures idéologiques, monsieur Mamère.
Je veux tout d'abord rappeler la parfaite et totale opposition du groupe Nouveau Centre à toute forme de discrimination, qu'elle soit fondée sur l'origine, sur la religion ou sur le sexe. C'est une conviction propre à tous nous rassembler, qui impose que nous travaillions ensemble à lever les inégalités dont sont encore victimes dans notre société les homosexuels.
Pour autant (Exclamations et sourires sur plusieurs bancs du groupe SRC.) le groupe Nouveau Centre est également attaché à la famille, ainsi qu'aux valeurs qui s'y rattachent, telles qu'elles sont à l'heure actuelle fixées dans notre code civil ; à cet égard, nous estimons qu'il n'est pas possible, quelle que soit l'intention des auteurs de ce texte, de séparer la question du mariage de celle de la filiation.
Certes, l'homoparentalité est aujourd'hui un fait, notamment lorsqu'un parent divorcé ou séparé élève ses enfants avec son compagnon du même sexe. Les études psychologiques réalisées sur cette pratique sont aujourd'hui en partie contradictoires : certaines estiment ainsi que le pire schéma est de n'avoir qu'un seul parent, que celui-ci soit d'ailleurs un homme ou une femme, ce qui légitimerait l'ouverture aux couples de même sexe de la possibilité d'adopter un enfant. D'autres études tendraient pour leur part à faire valoir que grandir avec deux parents de sexe différent est en réalité indispensable au bon développement d'un enfant.
De ce constat, il ressort qu'aujourd'hui nous n'avons pas assez de recul pour trancher la question de l'homoparentalité en nous fondant sur la seule question qui vaille, la plus fondamentale, celle de l'intérêt de l'enfant. Et c'est pourquoi il convient de ne pas l'escamoter au détour d'une proposition de loi de l'opposition, inscrite à notre ordre du jour sur la base de simples motivations électoralistes. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Parfaitement, des motivations électoralistes.
C'est pourquoi, parce que nous restons attachés à la structure actuelle de la société, qui garde pour base la famille dans sa définition initiale, le groupe Nouveau Centre votera majoritairement contre la proposition de loi de nos collègues socialistes.
Mes chers collègues, je voudrais pour conclure revenir à mon propos initial, la lutte contre les discriminations et l'égalité des droits. S'il est un chemin sur lequel nous pouvons aujourd'hui avancer, c'est celui d'une amélioration du Pacte civil de solidarité, et notamment des droits qui y sont attachés, en particulier ceux qui découlent du mariage, qu'il s'agisse des droits successoraux ou patrimoniaux. Il y a là matière à faire avancer la société. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pendant longtemps, les homosexuels ont été victimes de traitements discriminatoires, mais, au cours des dernières décennies, la société a beaucoup évolué. Le droit a suivi, passant de l'interdiction à la tolérance, puis à la légalisation, enfin à la convergence des régimes juridiques avec les couples mariés.
La question qui se pose aujourd'hui est de savoir si cette convergence doit aller jusqu'à l'identité totale. Le sujet est d'autant plus difficile que, derrière le mariage, se profile l'adoption, c'est-à-dire la question si sensible de la filiation.
Je voudrais répondre aux trois arguments invoqués par les partisans du mariage homosexuels.
Premier argument, la liberté. Chacun est libre de vivre comme il le souhaite, chacun devrait donc, nous dit-on, pouvoir vivre en couple, dans le mariage ou hors du mariage.
Si le mariage était un simple contrat, l'argument aurait davantage de force. Or il y a bien longtemps que le mariage est devenu plus qu'un contrat, une institution. Comme toute institution, il comporte des règles, à commencer par la protection du plus faible : la femme et, de plus en plus aujourd'hui, l'enfant.
Est-il de l'intérêt d'un enfant d'être élevé par deux pères et aucune mère ou par deux mères et aucun père ?
Qui peut être sûr de la réponse ? Qui peut affirmer que la liberté des parents, si respectable soit-elle, pèse plus que l'intérêt de l'enfant ? Et pour ceux qui mettent la liberté au-dessus de tout, qu'y a-t-il de plus libre que l'union libre, que, du reste, personne ne conteste ?
Deuxième argument, l'égalité. Tous les êtres humains sont égaux, tous donc, nous dit-on, doivent pouvoir accéder au mariage.
À cela, il faut répondre que l'objet du mariage n'est pas de traiter tous les êtres humains d'une manière indifférenciée, c'est de structurer la société et d'organiser la filiation. Dès l'origine, il ne s'est appliqué qu'à des couples qui, par nature, peuvent donner naissance à un enfant. Contrairement au PACS, la vocation du mariage n'est pas de nier les différences mais, au contraire, de constater et d'organiser l'altérité.
Ouvrir le mariage à des personnes de même sexe serait changer radicalement sa nature et sa vocation. Nous sommes, avec la plus grande fermeté, contre l'homophobie mais nous ne voulons pas altérer, dans l'inconscient collectif, l'image et la fonction du mariage.
Troisième argument, les précédents. On nous fait observer que, sur quarante-sept États parties à la convention des droits de l'homme, sept ont d'ores et déjà reconnu le mariage homosexuel. On nous invite à faire de même pour ne pas être à la traîne.
Ce serait oublier deux vérités. La première, c'est que le rôle d'un pays, ce n'est pas de faire comme les autres, ou plutôt comme certains autres, c'est, au contraire, d'affirmer ses propres valeurs. La seconde, c'est que le rôle du législateur, ce n'est ni d'aller dans le sens du vent, ni de céder aux effets de mode, ni de répondre aux sollicitations de telle ou telle communauté, si sympathique et respectable soit-elle,…
…c'est d'affirmer des convictions.
Notre collègue Noël Mamère nous a fait observer qu'aucun des sept pays qui ont reconnu le mariage homosexuel n'avait constaté le moindre bouleversement de sa société. C'est vrai aujourd'hui, mais qu'en sera-t-il au bout de plusieurs générations ? (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Le premier pays à avoir reconnu le mariage homosexuel, les Pays-Bas, ne l'a fait qu'il y a dix ans. Aujourd'hui, aucun des enfants adoptés en bas âge par un couple homosexuel là-bas n'est arrivé seulement à l'âge de l'adolescence. Qui, dès lors, peut être affirmatif sur les conséquences à long terme d'une telle situation ?
Mes chers collègues, soyons prudents et modestes, faisons appel, en cette matière aussi, au principe de précaution. Ne jouons pas les apprentis sorciers et repoussons cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble de la proposition de loi.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 531
Nombre de suffrages exprimés 515
Majorité absolue 258
Pour l'adoption 222
Contre 293
(La proposition de loi n'est pas adoptée.)
L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur la proposition de résolution européenne de MM. Jean-Marc Ayrault, Pierre-Alain Muet et plusieurs de leurs collègues relative à l'introduction d'une taxe sur les transactions financières en Europe (nos 3439, 3468, 3456).
Jeudi dernier, le Gouvernement a indiqué qu'en application de l'article 44, alinéa 3, de la Constitution, il demandait à l'Assemblée de se prononcer par un seul vote, à l'exclusion de tout amendement, sur l'article unique de la proposition de résolution.
Dans les explications de vote, la parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour le groupe SRC
Monsieur le président, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, cette proposition de résolution présentée par le groupe SRC est une première. C'est la première fois, en effet, que deux partis, qui plus est d'opposition, le PS et le SPD, présentent, dans leur Parlement respectif et le même jour, la même proposition de résolution. Cette dernière recommande aux gouvernements de présenter, au plus tard lors du premier conseil européen de l'automne 2011, une proposition législative visant à introduire une taxe sur l'ensemble des transactions financières, produits dérivés compris.
Ce n'est pas un hasard si l'idée d'une taxe sur les transactions financières, développée initialement par James Tobin pour le marché des changes, a resurgi après la crise. Au cours des années de folie financière, une gamme toujours plus étendue de produits financiers a été créée. Les échanges financiers ont proliféré, portant principalement sur des produits dérivés et se déroulant la plupart du temps sur des marchés informels et opaques. S'est ainsi édifiée une vertigineuse pyramide de produits dérivés qui sert aujourd'hui de force de frappe à la spéculation financière.
Bien sûr, la première condition est d'améliorer la régulation des marchés financiers. Mais, alors que la multiplication des produits financiers a mis l'économie mondiale en péril, il est temps de mettre fin à cette aberration qui veut que les produits financiers soient moins taxés que les transactions réelles, par exemple, en échappant à la TVA.
La taxe que nous proposons aurait un triple effet : premièrement, décourager la multiplication des opérations spéculatives et favoriser l'investissement de long terme ; deuxièmement, contribuer à la transparence en imposant un suivi précis de toutes les opérations financières ; troisièmement, fournir des ressources importantes. Le taux proposé pour cette taxe, de 0,05 %, qui fait consensus parmi tous les pays favorables à la taxation, rapporterait 200 milliards d'euros à l'échelle de l'Europe, plus de 20 milliards en Allemagne et plus de 12 milliards en France.
Il y a incontestablement une opportunité historique à saisir pour faire avancer cette taxation. La question est portée au G 20 par la France et l'Allemagne. Elle fait l'objet à la fois d'un consensus franco-allemand et d'un consensus gauche-droite. Dans l'Union, le Parlement européen a adopté une résolution comparable, le 8 mars 2011, à une très grande majorité.
Si l'idéal serait de voir la taxe appliquée au niveau mondial, le champ géographique retenu est l'Europe ; à défaut, il ne pourrait couvrir que la zone euro, voire un groupe de pays favorables à cette taxation. Cela est parfaitement envisageable puisque les transactions qui y échapperaient en allant s'effectuer sous d'autres cieux sont, pour l'essentiel, spéculatives. Les économies qui s'engageraient dans cette taxation ne perdraient donc pas grand-chose. On pourrait même penser qu'à terme, l'efficacité économique serait plutôt positive.
Le groupe socialiste, radical et citoyen se réjouit du consensus qui a émergé sur ce sujet, qui permet de penser que cette proposition de résolution européenne sera votée à l'unanimité de notre assemblée. J'espère qu'en dépit des vicissitudes qu'a connues la même résolution en Allemagne, où elle a été renvoyée en commission, elle y sera également adoptée prochainement.
Dans ce domaine, on ne peut se contenter de déclarations. Il est temps de passer aux actes. C'est ce que propose cette résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de l'examen de ce texte, la semaine dernière, nous nous serions crus revenus trois ans en arrière, au moment où la banque Lehmann Brothers faisait faillite, victime de sa propre folie spéculative, menaçant d'entraîner dans sa chute l'ensemble de l'économie mondiale. Sur tous les bancs de cet hémicycle, on s'accordait alors sur un même constat : la toute-puissance des marchés plaçait le monde au bord du gouffre ; l'édifice capitaliste devait être régulé et le secteur financier moralisé.
Jeudi dernier, de Pierre Lequiller à Nicolas Perruchot en passant par Marietta Karamanli ou Noël Mamère, nous avons revécu ces moments heureux où l'esprit de concorde règne sur le palais Bourbon. Mais, malgré cette belle unanimité retrouvée de la représentation nationale, depuis trois ans, rien n'a changé. Ou plutôt si, monsieur le président : maintenant, vous nous interdisez de faire de la pédagogie. (M. Brard brandit la même affichette qu'utilisée par les députés du groupe SRC lors des questions au Gouvernement, qu'un huissier vient aussitôt lui retirer.)
Vous auriez tort, monsieur le président. Je vais continuer mon propos, car on ne bâillonne pas des parlementaires.
Depuis trois ans, donc, rien n'a changé : les banques et les marchés continuent d'imposer leur loi d'airain aux peuples et le casino mondial se poursuit en dehors de toute réglementation.
Le Président de la République et les dirigeants européens ont beau nous promettre, à chacune de leurs interventions, une régulation de la finance et une moralisation du capitalisme, ils ne nous présentent qu'une réduction des politiques publiques conforme aux attentes des marchés. La crise financière a pourtant démontré le rôle négatif joué par la spéculation croissante et la recherche de profits selon une logique à très court terme.
Mes chers collègues, vous connaissez les chiffres comme moi, puisqu'ils sont dans le rapport de notre excellent collègue Pierre-Alain Muet. Ils sont vertigineux. Depuis l'examen de ce texte, la semaine dernière, 20 000 milliards de dollars ont transité sur le marché des changes. La machine s'est emballée et le système est en surchauffe. Pour paraphraser l'économiste Patrick Artus, « nous sommes dans un monde qui se gave de liquidités jusqu'à l'overdose ».
Comme l'écrivent fort justement les « Économistes atterrés » dans leur manifeste de septembre 2010 : la crise de 2008 « s'est chargée de démontrer que les marchés ne sont pas efficients, et qu'ils ne permettent pas une allocation efficace du capital. Les conséquences de ce fait en matière de régulation et de politique économique sont immenses. […] La place prépondérante occupée par les marchés financiers ne peut donc conduire à une quelconque efficacité. Plus même, elle est une source permanente d'instabilité… ».
Ces dernières années, l'activité financière s'est progressivement découplée de l'économie réelle pour ne plus remplir du tout sa fonction, qui ne devrait être que le financement des entreprises et la création d'emplois. En l'absence de toute taxation, les profits considérables réalisés grâce aux transactions sur devises n'engendrent aucun coût pour les opérateurs financiers mais entraînent des coûts socio-économiques terrifiants. Comme on a pu le constater au Mexique, en Asie, en Russie, en Argentine ou plus récemment en Europe, ces flux de capitaux déstabilisateurs déclenchent des crises dont les peuples paient le prix fort : privatisations massives, casse des services publics, baisse des pensions et des salaires, explosion des prix et du chômage, chute de l'espérance de vie. Voilà les résultats de cette finance incontrôlée !
Ce n'est pas le catéchisme, c'est la dure réalité ! Que vous gardiez foi en votre credo dont la règle est de faire des génuflexions devant le veau d'or montre à quel point vous êtes déconnectés du réel.
La transparence des opérations financières est donc une question clef si l'on veut permettre aux États de reprendre le contrôle sur cette zone de non-droit qu'est devenue la finance et si l'on veut que la taxation des transactions financières puisse porter ses fruits. Pour que la régulation puisse être efficace, un changement de paradigme est indispensable. Ce changement ne pourra se limiter aux seuls mécanismes de spéculation mais devra concerner l'ensemble du système économique.
La proposition de résolution portée par notre collègue Pierre-Alain Muet va donc dans le bon sens, même si elle ne constitue qu'un pansement sur une hémorragie. Nous la voterons, même si nous déplorons que nos collègues de la majorité aient cru bon de revêtir, une fois de plus, leurs habits de courtisans en ajoutant au texte initial un hommage immérité à l'action de Sa Majesté. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collèges, jeudi dernier nous avons examiné une proposition de résolution relative à l'introduction d'une taxe européenne sur les transactions financières. Ce texte, certes déclaratoire, n'en est pas moins intéressant.
L'économie mondiale traverse actuellement une crise financière sans précédent, dont les conséquences économiques et sociales ne sont, hélas ! plus à démontrer. Les pratiques spéculatives en sont, dans une large mesure, responsables.
Il est donc impératif aujourd'hui de décourager ces pratiques. C'est pourquoi la proposition visant à instaurer une taxe sur les transactions financières est plus que jamais d'actualité.
Prélever une fraction des transactions quotidiennes sur une base volontaire permettrait également de renforcer la transparence des marchés financiers, de procurer des recettes publiques supplémentaires et de financer le développement.
Le groupe Nouveau Centre est favorable à l'alinéa modifiant l'intitulé de la résolution européenne adopté en commission à l'initiative de la majorité. Celui-ci souligne le rôle majeur joué par le Président de la République et le Gouvernement, notamment dans le cadre de la présidence du G20.
Résolument européens, nous saluons le fait que cette résolution soit une initiative partagée entre la France et l'Allemagne. Comme cela a été indiqué, nos collègues du Bundestag se sont penché, eux aussi, la semaine dernière, sur le sujet de la taxation des transactions financières.
L'étape est tout autant symbolique que significative pour que cette taxe, que nous appelons de nos voeux depuis plusieurs années, voie enfin le jour. Il faut en effet que des pays leaders, comme la France et l'Allemagne, se décident enfin à la mettre en place.
Pour sa mise en pratique, le groupe Nouveau Centre milite pour un taux faible à assiette large afin, vous l'aurez compris, de taxer un maximum de mouvements financiers. Avec un taux de 0,05 %, la taxe pourrait générer 465 milliards d'euros par an de ressources.
Ces recettes très importantes nous permettraient d'intervenir dans de nombreux domaines. Nous pourrions ainsi agir en faveur d'une économie plus respectueuse de l'environnement, et oeuvrer pour la réalisation des objectifs du millénaire.
De surcroît, l'instauration d'une telle taxe nous permettrait de mettre en place une meilleure redistribution de la richesse. Enfin, en réduisant la spéculation à court terme, elle contribuerait à la stabilisation nécessaire des marchés financiers.
Quatre ans après les déboires financiers de l'économie mondiale, l'idée d'une taxe sur les flux financiers ne peut être que renforcée.
Ce texte constitue une première étape vers la création d'une taxe au plan mondial que nous appelons de nos voeux.
Mes chers collègues, ce texte, sans visée normative, qui a trait à la régulation des transactions financières, dépasse le clivage traditionnel gauche-droite. Il s'agit d'un enjeu d'ordre public mondial, qu'un grand nombre de pays doivent mettre en oeuvre si l'on veut qu'elle ait les effets que nous espérons. L'idée n'a de sens que si elle fait son chemin, dans un premier temps au plan européen, puis au plan mondial. Je crains sans cela qu'elle ne reste, malheureusement, qu'un voeu pieux.
En conclusion, le groupe Nouveau Centre, promoteur d'une telle taxe depuis un certain temps, y est bien sûr favorable. Par conséquent, nous voterons cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collèges, la taxation des transactions financières est une idée ancienne qui remonte à la fin des années 1960. Il a fallu bien des années pour qu'elle s'installe dans le débat public et une crise financière majeure pour qu'elle s'impose non plus comme une simple idée, mais comme un authentique projet.
Une telle taxation présenterait trois avantages : elle apporterait plus de transparence aux activités financières en imposant un suivi réel de toutes les opérations ; elle freinerait la spéculation en décourageant les transactions multiples sur un même produit financier et en favorisant les investissements de long terme ; elle procurerait des ressources financières supplémentaires aux États.
C'est pour toutes ces raisons que la France s'est emparée de ce dossier. Elle a joué un rôle moteur dans cet exercice difficile qui a été engagé au plan international pour trouver des financements nouveaux au service d'interventions nouvelles, en particulier la lutte contre le changement climatique tout spécialement dans les pays en voie de développement.
Dans toutes ces initiatives, le Président de la République française s'est personnellement et constamment investi. Rappelons les principales positions qu'il a prises en juin 2010 avec la chancelière allemande lors de la préparation du G20 de Toronto, en septembre 2010 lors du sommet de New York sur les objectifs du millénaire, le 24 janvier 2011 lors du lancement de la présidence française du G20 dont cette mesure est l'une des principales priorités, le 31 janvier lors du sommet de l'union africaine, le 12 mars lors du sommet de l'Eurogroupe, le 25 mars lors du Conseil européen.
Pour autant, les obstacles sont encore nombreux. Ils sont d'ordre technique – définition de la taxe, assiette et taux, affectation des recettes, champ géographique, modalités de recouvrement – mais aussi diplomatiques. En effet, les États-Unis, le Mexique, la Grande-Bretagne, la Suède et d'autres encore y sont hostiles.
Pour avancer, il faut d'abord recommander au Gouvernement de faire une proposition au Conseil européen, dès l'automne prochain. Tel était l'objet initial de la proposition de résolution présentée à l'origine par le groupe socialiste. Mais si l'on veut être efficace, il faut aussi dire clairement que nous appuyons résolument l'action du Président de la République française et de la chancelière allemande.
C'est l'objet d'un amendement, adopté à l'initiative du président Lequiller, par la commission des affaires européennes puis par la commission des finances. Cet amendement a été l'objet d'une polémique inutile et déplacée. Le sujet est important. Il impose que s'apaisent les polémiques partisanes. À cet égard, je me félicite que l'opposition se rallie, même tardivement, au texte ainsi amendé.
Quant au groupe UMP, il le votera sans réserve. Notre Assemblée est plus facilement entendue lorsqu'elle s'exprime d'une seule voix. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'article unique de la proposition de résolution.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 483
Nombre de suffrages exprimés 479
Majorité absolue 240
Pour l'adoption 477
Contre 2
(La proposition de résolution est adoptée.)
L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble de la proposition de loi d'Yves Durand et plusieurs de ses collègues, visant à lutter contre le décrochage scolaire (n° 3218).
Jeudi dernier, le Gouvernement a indiqué qu'en application de l'article 44, alinéa 3, de la Constitution, il demandait à l'Assemblée de se prononcer par un seul vote sur les articles, à l'exclusion de tout amendement, et sur l'ensemble de la proposition de loi.
Dans les explications de vote, la parole est à Yves Durand, pour le groupe SRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, mes chers collèges, vouloir combattre l'échec scolaire c'est considérer que l'échec à l'école est un scandale et qu'il faut absolument l'éradiquer.
Actuellement, de 150 000 à 180 000 jeunes sortent du système éducatif sans aucune qualification et sans diplôme. Ils sont, à l'évidence, livrés à un futur chômage, voire à des dérives qui peuvent les mener jusqu'à la délinquance, comme le démontrent toutes les études.
La lutte contre le décrochage scolaire devrait donc être une priorité nationale et celle de l'éducation nationale. Or, force est de constater que ce n'est pas le cas aujourd'hui. En effet, aucune des dispositions qui tentent de lutter contre l'échec scolaire n'a apporté de véritable résultat. Ces espèces de millefeuilles de dispositifs non lisibles sont aussi inefficaces les uns que les autres et ne donnent pas les résultats attendus, malgré l'implication du corps enseignant notamment.
On connaît les conséquences sociales, économiques et humaines de l'échec scolaire sur des familles qui considèrent souvent que l'échec de leur enfant est leur propre échec. Plutôt que de stigmatiser ces familles en leur imposant des dispositifs inefficaces – je pense notamment à la suspension des allocations familiales en cas d'absentéisme – mieux vaudrait prévenir l'échec scolaire lorsqu'il apparaît, dès la petite enfance.
Il y a deux logiques : d'un côté ceux qui se résignent et renoncent à remédier à un échec déjà perceptible, de l'autre ceux qui ont pour ambition de combattre les inégalités dès la petite enfance et de prévenir l'échec avant qu'il ne touche l'élève en difficulté. C'est pourquoi nous voulons faire de l'école maternelle une véritable école, au centre d'un véritable service public de la petite enfance, qui soit le lieu où le décrochage scolaire est combattu et où l'on peut l'éradiquer. Pour ce faire, notre proposition de loi prévoit de rendre la scolarité obligatoire dès l'âge de trois ans.
Le débat en commission et en séance publique a démontré que notre texte recevait l'attention, sinon l'approbation de nombre de députés. J'ai entendu beaucoup de nos collègues de la majorité dire que notre politique était intéressante et qu'il fallait la mettre en place. Il est dommage que le ministre de l'éducation nationale ait avancé que notre logique était contraire à celle qu'il menait et que par conséquent elle était inutile et qu'il fallait la rejeter. Je regrette que nos collègues de la majorité, après avoir déclaré qu'ils étaient sinon d'accord du moins intéressés par les dispositions que nous proposions, aient suivi le ministre en se déclarant opposés à notre texte par un réflexe que je ne comprends pas très bien, alors que nous aurions pu trouver un consensus. Ce sujet devrait, au contraire, réunir l'ensemble des Français, et d'abord l'ensemble de leurs représentants. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
(M. Jean-Pierre Balligand remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)
Monsieur le président, je regrette de ne plus avoir en ma possession les documents du groupe socialiste pour pouvoir à nouveau protester contre la loi du bâillon que l'on va imposer aux parlementaires.
Monsieur le ministre, nous partageons l'ambition de la proposition de loi visant à lutter contre le décrochage scolaire qui est soumis aujourd'hui à notre vote par nos collègues du groupe SRC. Et nous la partageons d'autant plus que nos débats ont révélé l'explosion de ce phénomène. En effet, environ 252 000 jeunes seraient sortis du système scolaire entre juin 2010 et mars 2011, selon le ministère de l'éducation nationale. 72 000 seraient suivis par le réseau des missions locales, mais 180 000 seraient totalement perdus de vue, de l'aveu même du ministre.
Selon le rapport, « la comparaison avec les chiffres du décrochage scolaire des années 1990, environ 70 000, ou du milieu des années 2000, 150 000, montre que, loin de se résorber, le nombre de jeunes qui sortent du système scolaire sans diplôme ni qualification représente une fraction de plus en plus significative d'une génération ».
En septembre 2009, le Président de la République déclarait de manière quelque peu imprudente que la lutte contre le décrochage scolaire était une priorité nationale. Alors que cette situation alarmante devrait donner lieu à une mobilisation tous azimuts, les rares initiatives gouvernementales ne semblent avoir qu'un objectif : l'orientation des décrocheurs vers toutes sortes de dispositifs – mise sur le marché du travail, service civique...– pourvu qu'ils ne soient pas scolarisés.
Le ministre a profité de nos discussions pour nous annoncer la signature de deux décrets destinés à s'appliquer lors de la prochaine rentrée. À l'entendre encore une fois évoquer la « sanction des élèves perturbateurs », nous craignons le pire. Que faudrait-il dire, monsieur Ollier, des ministres perturbateurs de la cohésion sociale ? Je constate votre étonnement mais si vous réfléchissez, vous allez tout de suite trouver ceux auxquels je fais allusion.
On se souvient de l'adoption, l'année dernière, d'une loi purement démagogique et populiste proposée par la majorité pour sanctionner les familles, en facilitant la suppression des allocations familiales en cas d'absentéisme scolaire. Que dire de l'absentéisme de certain professeur de philosophie qui continue d'être rémunéré ? Vous voyez à qui je pense… (Sourires.)
Il s'agit de quelqu'un qui est toujours présenté à la télévision comme philosophe.
Vous voyez où est tombée la philosophie, monsieur le ministre !
Quel paradoxe d'apprendre que le ministre a décidé de « remettre la règle au coeur de l'école » alors que déréguler et casser le service public de l'éducation semble être sa priorité.
En l'absence de véritables solutions proposées par la majorité pour redonner aux décrocheurs l'envie de revenir sur le chemin de l'école, cette proposition de loi a le mérite de proposer des dispositifs que nous soutenons.
Abaisser l'âge de l'obligation scolaire à trois ans au lieu de six paraît particulièrement pertinent quand on sait l'importance de l'école maternelle pour la réduction des inégalités scolaires, même si nous estimons que l'État devrait garantir un droit à la scolarisation des enfants dès l'âge de deux ans quand les parents en font la demande.
Instituer des mesures de continuité éducative au sein des établissements en cas d'exclusion et créer des cellules de veille éducative dans tous les établissements scolaires semble tout aussi intéressant. Il s'agit de remettre l'éducation nationale au coeur des dispositifs de lutte contre l'échec scolaire.
Nous sommes également favorables à la proposition de permettre à des réseaux d'aides spécialisées de venir spécifiquement en aide aux collégiens en difficulté sur le modèle de ce qui se fait dans le premier degré.
Les auteurs du texte ont rappelé fort justement que le décrochage scolaire a des causes « diverses et individualisées » et est « souvent la conséquence de difficultés familiales, scolaires, psychologiques ou sociales rencontrées dès la petite enfance et au cours de la scolarité ». Il n'est pas possible de dédouaner le Gouvernement de la forte progression de « la proportion des élèves en échec scolaire » mais aussi de « l'écart croissant entre les meilleurs élèves et ceux en difficulté » constaté par toutes les études nationales et internationales.
L'une des principales causes du décrochage scolaire réside dans la suppression des 65 520 postes programmée dans les budgets successifs depuis 2007 au nom de la révision générale des politiques publiques.
Vous aurez donc compris que, dans la double volonté de soutenir cette initiative parlementaire mais aussi de pointer la responsabilité du Gouvernement vis-à-vis de l'alarmante progression du décrochage scolaire, les députés communistes, républicains et du parti de gauche voteront cette proposition de loi. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes GDR et SRC.)
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte du Palais Bourbon.
La parole est à M. Olivier Jardé.
Monsieur le président, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, les chiffres sont maintenant bien connus, nous en sommes conscients et les médias ne manquent jamais l'occasion de les rappeler pour pointer l'échec de notre système scolaire dans le monde du début du XXIe siècle : chaque année, 120 000 jeunes sortent du système éducatif sans aucun diplôme.
Sur tous les bancs, nous partageons la conviction que la réintégration de tous ces « élèves décrocheurs » dans la vie active est un défi majeur que doit relever notre système éducatif.
Nos collègues du groupe SRC proposent des mesures qui paraissent insuffisantes aux députés du groupe Nouveau Centre. Rendre le désir d'école à l'élève en lui donnant le goût de la responsabilité scolaire, dans le cadre de l'accompagnement de sa réflexion sur sa place dans la société, c'est seulement s'attaquer à une petite part du décrochage scolaire.
Les députés du groupe Nouveau Centre sont convaincus que le décrochage scolaire n'est pas le mal, mais le symptôme. C'est pourquoi chacun des acteurs de l'éducation nationale doit se montrer attentif aux causes du décrochage.
Un élève ne décroche pas de l'école de manière soudaine ; d'où l'intérêt de mieux prendre en compte tous les signaux d'alerte qui précèdent l'interruption des études et qui touchent à la famille de l'élève et à son environnement social.
Pour nous, centristes, il s'agit désormais de trouver un équilibre entre la responsabilité donnée aux élèves de prendre leur avenir en mains et l'encadrement pédagogique qui les entoure.
Dans ces conditions, on comprend bien que la lutte contre le décrochage scolaire dépasse les murs de l'école : elle est l'affaire non seulement des intervenants scolaires, mais également des jeunes, des parents, de la communauté dans son ensemble et du Gouvernement.
Nous considérons qu'il faut créer des partenariats avec les différents acteurs de la vie professionnelle, pour mieux rapprocher le monde de l'école et celui du travail qui, aujourd'hui, ne se parlent pas. Il faut donc poursuivre la coordination entre les acteurs de l'éducation et de la formation, afin de permettre une prise en charge rapide et adaptée des jeunes sortis du système scolaire puis de mettre en place un suivi et un appui de ces jeunes.
Enfin, vous préconisez l'abrogation de la loi visant à lutter contre l'absentéisme scolaire parce que les mesures qu'elle propose ne seraient que des sanctions automatiques. Pour nous, centristes, il est plus judicieux d'améliorer les mesures existantes plutôt que de créer sans cesse de nouvelles politiques et d'abroger les anciennes, selon un mouvement de valse-hésitation qui, sur le terrain, désoriente les acteurs de l'éducation.
Nous avons fait adopter un amendement prévoyant que le Gouvernement remette un rapport au Parlement d'ici la fin de cette année… (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC)…
…sur l'évaluation des dispositifs de prévention visant à lutter contre l'absentéisme des élèves : quand nous aurons examiné ce rapport, si jamais nous constatons que ces dispositifs ne sont pas adaptés nous déciderons alors des modifications législatives et réglementaires qui seraient nécessaires.
Ainsi, avant de faire table rase des dispositifs précédents, attendons les prochaines évaluations, la précipitation n'ayant jamais été bonne conseillère.
Mes chers collègues, vous n'êtes pas sans savoir qu'on reproche souvent aux politiques de faire et défaire des lois sans arrêt, créant une instabilité juridique fortement préjudiciable aux citoyens et aux entreprises.
Prenons le temps de laisser la loi votée s'appliquer. Évaluons…
…et, seulement après cet examen, modifions la loi si c'est nécessaire.
Pour toutes ces raisons, les députés du groupe Nouveau Centre ne voteront pas cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous avez raison, monsieur Durand, tous les membres de la commission ont montré une grande attention pour ce texte, sans toutefois l'approuver. En effet, même s'il présente le mérite d'aborder un sujet intéressant, celui du décrochage scolaire, il repose essentiellement sur trois éléments qui ne peuvent aboutir à un consensus.
Le premier est la proposition d'abaisser l'âge de l'inscription scolaire obligatoire à trois ans. S'agit-il d'un premier pas vers l'inscription obligatoire à l'âge de deux ans ? S'agit-il du premier pas vers une scolarisation précoce qui n'est pas sans inconvénients ? La relation entre obligation et résultats scolaires n'est pas réelle. En Finlande, l'école n'est obligatoire qu'à sept ans ; or la Finlande est en tête de l'OCDE pour les résultats scolaires.
Peut-être, mais la Finlande consacre les moyens nécessaires à la réussite scolaire !
L'école a peut-être une autre vocation et il convient de réfléchir aux programmes, aux contenus, à la formation, au recrutement des enseignants.
Le deuxième élément concerne la prise en charge des élèves perturbateurs. Il est faux d'avancer que nous n'avons pas réussi. À ce jour, 12 % des élèves sont en décrochage scolaire contre 13,4 % en 2002. Notons au passage qu'en la matière d'autres pays se trouvent dans une situation très difficile, en particulier l'Espagne.
La prise en compte de ces élèves a été effective grâce à un système d'aide personnalisée, à la remise à niveau en CM1 et CM2, à un accompagnement éducatif, à l'application informatisée, à des programmes de personnalisation de réussite, enfin grâce à la mise en place d'établissements de réinsertion scolaire – les classes relais – où 8 100 élèves qui rejetaient l'institution scolaire y sont revenus.
Ces dispositifs ne sont peut-être pas suffisants, mais au moins ont-ils le mérite d'exister. Il convient sans doute d'aller plus loin mais certainement pas de changer le système à moins de nuire à sa lisibilité.
Votre troisième proposition consiste à abroger la loi Ciotti. Ce serait donner un mauvais signal. Renforcer la lutte contre l'absentéisme et responsabiliser les parents constitue le moyen essentiel pour lutter contre le décrochage scolaire et contre l'échec scolaire. L'abrogation de cette loi renforcerait les difficultés des enfants et rendrait l'État responsable des inégalités entre les élèves. D'ailleurs, la loi Ciotti a repris le lien historique entre principe d'obligation scolaire voulu en 1882 par Jules Ferry et versement des prestations familiales ; ce texte a donc réinstauré un réel équilibre entre droits et devoirs des familles.
En 2010, l'absentéisme a touché près de 300 000 élèves. Depuis l'entrée en vigueur de la loi Ciotti et à la suite d'une enquête datée du 30 mai 2011, 36 243 premiers signalements ont été exécutés. Seuls 6 280 signalements ont été nécessaires dans un second temps, ce qui signifie que, entre-temps, près de 30 000 élèves étaient retournés en classe. Voilà qui n'est pas sans importance !
Néanmoins, même si le présent texte aborde un sujet intéressant, la majorité n'a pas attendu pour agir et le Gouvernement a lancé des réformes profondes et durables.
Nous sommes favorables au lancement d'un grand débat sur l'éducation en 2012. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) Reste que, pour les trois raisons que je viens d'exposer, le groupe UMP votera contre ce texte sur le décrochage scolaire.
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble de la proposition de loi.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 480
Nombre de suffrages exprimés 472
Majorité absolue 237
Pour l'adoption 199
Contre 273
(La proposition de loi n'est pas adoptée.)
L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur la proposition de loi de M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues simplifiant le vote par procuration (n° 3374).
Jeudi dernier, le Gouvernement a indiqué qu'en application de l'article 44, alinéa 3, de la Constitution, il demandait à l'Assemblée de se prononcer par un seul vote sur les articles, à l'exclusion de tout amendement, et sur l'ensemble de la proposition de loi.
Dans les explications de vote, la parole est à M. Bernard Roman, pour le groupe SRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, le vote par procuration est un outil indispensable à l'exercice du droit de vote dans une société dont nous avons à prendre en compte, voire à anticiper les évolutions. En l'occurrence, il s'agit de répondre au vieillissement de la population et à la mobilité croissante liée à nos modes de vie.
C'est si vrai que, lors de l'élection présidentielle de 2007, près de 2,5 millions de procurations, représentant 6,5 % des électeurs ayant participé au scrutin, ont été enregistrées. Cette procédure a également concerné plus d'un million d'électeurs aux dernières élections législatives.
Le ministre de l'intérieur – comme son prédécesseur – a d'ailleurs lui-même suggéré, il y a quelques mois, une réforme du vote par procuration, qui a été proposée de même par plusieurs parlementaires de la majorité lors des débats sur la LOPPSI 2.
De quoi s'agissait-il ? Il s'agissait de permettre de donner procuration à un citoyen habitant dans une autre commune. Il s'agissait de permettre à tout citoyen d'avoir deux procurations au lieu d'une. Il s'agissait, surtout, de faire de la mairie le lieu d'enregistrement des procurations. Et cette réforme, proposée par le ministre de l'intérieur et par des parlementaires de l'UMP, lorsque c'est le président Jean-Marc Ayrault et les membres du groupe socialiste, radical et citoyen qui la reprennent, ce n'est plus une bonne réforme. C'est une bonne réforme quand elle est proposée par le ministre. C'est une bonne réforme quand elle est proposée par des parlementaires de la majorité. Elle devient mauvaise, alors qu'elle est pourtant rédigée dans les mêmes termes, quand elle est proposée par le groupe socialiste, radical et citoyen !
Je comprends donc mal le raisonnement du Gouvernement quand il met en avant le caractère « inopportun » de la proposition de loi que j'ai présentée jeudi dernier au nom du groupe.
Le Gouvernement prétend que ce texte intervient trop tard pour être applicable aux scrutins de l'année prochaine. Le dispositif clé de notre proposition de loi, à savoir l'enregistrement en mairie, relève de la partie réglementaire du code électoral, et non de sa partie législative. Or cette partie réglementaire sera de nouveau précisée par circulaire au début du mois de janvier 2012. L'argument du délai est donc une argutie, et non pas un argument.
Il est peu pertinent d'évoquer, comme le fait le Gouvernement, le problème des procurations en cours. Quel que soit le moment où nous déciderons de réformer le système des procurations, il y en aura toujours qui seront en cours, compte tenu de leur durée de validité. Je pense notamment à celles données à l'étranger, qui ont une durée de validité de trois ans.
Je ne partage pas davantage les inquiétudes du Gouvernement quant au surcroît de travail que la réforme proposée imposerait à la commission de révision des listes électorales.
J'ajoute que la méfiance exprimée par le ministre à l'endroit de certains officiers de police judiciaire m'a laissé quelque peu perplexe. Si l'on enregistre les procurations à la police et à la gendarmerie, c'est parce qu'un article de la partie réglementaire du code électoral précise que les procurations peuvent être enregistrées par des officiers de police judiciaire, à l'exception des maires et de leurs adjoints. Ceux-ci sont donc en quelque sorte des sous-officiers de police judiciaire, puisqu'ils n'ont pas le droit, en vertu d'une disposition réglementaire, d'enregistrer ces procurations.
Enfin, je suis d'autant plus sceptique que le ministre a confirmé l'intention du Gouvernement de réfléchir à une réforme du vote par procuration. Ce dernier préfère donc ses propres travaux, qui n'existent pas encore, à notre texte, qui, lui, a le mérite d'être en débat et de pouvoir être amendé.
À l'issue de la plupart des scrutins, nous déplorons tous l'insuffisance de la participation électorale. La simplification du vote par procuration aurait été un moyen d'y remédier. Il n'est peut-être pas trop tard. Je demande à l'Assemblée nationale d'adopter la proposition de loi présentée à cet effet par le groupe socialiste, radical et citoyen. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Les députés communistes, républicains, citoyens et du Parti de gauche s'abstiendront (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) sur cette proposition de loi de simplification du vote par procuration.
Il convient d'abord de préciser que nous partageons le constat fait par nos collègues socialistes sur la nécessité d'améliorer encore le dispositif du vote par procuration. L'état actuel du droit paraît inutilement compliqué : pourquoi un mandataire ne peut-il recevoir qu'une seule procuration, sauf si le deuxième mandant est à l'étranger ? Cette restriction oblige bien souvent les familles à renoncer à leur droit de vote, pour cause de difficulté à trouver suffisamment de mandataires. La proposition de nos collègues d'autoriser deux procurations par mandataire va donc dans le bon sens, d'autant que cela pourrait avantageusement limiter le nombre de procédures administratives d'établissement des procurations, et donc représenter un gain de temps pour les services concernés.
Par ailleurs, si nous partageons avec nos collègues socialistes le constat d'une nécessaire amélioration du système actuel, c'est parce qu'il montre certaines limites. Aujourd'hui, en effet, les commissariats de police et les brigades de gendarmerie ont des difficultés à gérer les afflux de demandes, souvent concentrés dans les jours qui précèdent les scrutins. Les forces de l'ordre ont bien souvent d'autres priorités.
À l'évidence, la faute en incombe à l'insuffisance des moyens humains et financiers consacrés à ces tâches, pourtant fondamentales et relevant des fonctions les plus régaliennes de l'État. Y a-t-il quelque chose de plus important, dans notre État républicain, que de permettre le bon déroulement du suffrage universel, égal et secret ?
Les responsables des difficultés actuelles sont faciles à identifier : il s'agit de la RGPP, des suppressions de postes de fonctionnaires, des politiques d'appauvrissement délibéré de l'État et des services publics. Ce sont le Gouvernement et sa majorité, grands pourvoyeurs de purges libérales, qui sont les fauteurs de désordre dans les territoires de la République.
Pour remédier à ces difficultés, la proposition de loi qui nous a été présentée prévoyait le transfert de la compétence de l'établissement des procurations aux municipalités.
C'est ici qu'intervient notre désaccord. En effet, nous estimons que ce n'est pas aux municipalités de suppléer aux défaillances de l'État. Le transfert de charges qui serait occasionné par cette disposition ne serait pas compensé par un transfert des moyens humains et financiers correspondants. Les communes ont déjà fort à faire : les collectivités territoriales ne peuvent pas assumer la totalité des missions dont l'État se déleste.
D'autre part, l'établissement des procurations par les municipalités pose le problème des risques de fraude. Il ne s'agit pas de mettre en cause les élus locaux, mais l'histoire a montré que les procurations pouvaient s'avérer un levier de fraude,…
…notamment dans certaines communes où les pratiques clientélistes sont connues et ont donné lieu à l'annulation de certains scrutins. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Si vous vous sentez visés, chers collègues, je n'y peux rien. Monsieur Geoffroy, pourquoi tant de décibels si vous n'êtes pas concerné ?
Je vous en prie. Vous vous rappelez les « pannes d'électricité » dans certains DOM ? Ou encore les « urnes flottantes », du temps où feu Michel Debré était député d'un département de l'océan Indien ? Vous avez oublié tout cela ? Il est vrai que, depuis, les technologies ont régressé, puisque les urnes ne flottent plus, pas même à Châtillon, n'est-ce pas monsieur Schosteck ?
Je ne demande pas mieux, monsieur le président, mais reconnaissez que j'ai du mal. Je suis sans cesse interrompu.
Le rapporteur a opportunément rappelé que le maire est un officier de police judiciaire comme les autres, qu'il est habilité à dresser des procès-verbaux au nom de la justice de notre pays. Cependant n'y a-t-il pas quelque danger à confier aux services municipaux l'établissement des procurations, lorsqu'on sait que les maires et leurs adjoints sont forcément intéressés aux résultats du scrutin ?
En permettant aux municipalités de gérer les procurations, nous les placerions en situation d'être à la fois juge et partie. Cela ne nous semble pas souhaitable.
Aussi, s'ils partagent le constat d'une nécessaire amélioration du système des procurations, et si certaines des simplifications proposées par la présente proposition de loi leur semblent aller dans le bon sens, les députés communistes, républicains, citoyens et du Parti de gauche, dans un esprit de grande vigilance, s'abstiendront, afin de ne pas aller dans le sens que nous redoutons et que j'ai décrit, monsieur Geoffroy et monsieur Schosteck.
Je fais annoncer le scrutin dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Olivier Jardé, pour le groupe Nouveau Centre.
Au moment de nous prononcer sur cette proposition de loi de nos collègues socialistes visant à simplifier le vote par procuration, il est tout d'abord un constat sur lequel nous pouvons tous ici nous accorder : alors que les élections présidentielle et législatives de 2007 avaient été marquées par une nette remontée des chiffres de la participation électorale, les rendez-vous électoraux qui ont eu lieu ces trois dernières années n'ont cessé, quant à eux, de confirmer une tendance, inquiétante pour toute démocratie, au retour de l'abstentionnisme, et ce dans des proportions des plus massives.
À cet égard, si l'abstentionnisme reste un phénomène complexe et multiforme, procédant bien plus souvent d'un refus de participer à la vie démocratique de la nation que d'une incapacité pratique à exercer son droit de vote, débattre des modalités de simplification du vote par procuration présentait un intérêt certain, à un an des échéances électorales de 2012.
Pourtant, et au-delà des strictes questions de calendrier, qui auraient rendu difficile une mise en application pleine et entière de ce texte pour les élections de l'année prochaine, le texte qui nous est présenté aujourd'hui semble avant tout frappé d'une certaine naïveté – je dis bien : d'une certaine naïveté –, particulièrement manifeste en ce qui concerne le transfert de l'établissement des procurations, des commissariats de police et des brigades de gendarmerie vers les mairies.
Derrière quelques mesures pouvant sembler opportunes, telles que le passage de un à deux du nombre de procurations pouvant être confiées à un même électeur, ce texte proposait ainsi d'en finir avec le principe selon lequel les demandes de procuration sont vérifiées – je dis bien : vérifiées – par des personnes n'ayant pas d'intérêt dans le résultat de l'élection. C'est le cas des policiers et des gendarmes, mais ce n'est pas le cas des agents municipaux et encore moins, j'insiste sur ce point, des maires et de leurs adjoints. Cela pourrait ouvrir la porte à des pratiques contestables et, plus largement, à un climat de suspicion dont les élus, et la vie politique en général, ne sortiraient certainement pas grandis.
Au demeurant, ce texte faisait également l'impasse sur plusieurs mesures simples, à même de lutter efficacement contre l'abstention : les listes électorales comptent aujourd'hui des dizaines de milliers de personnes qui, après un déménagement, ne se sont pas réinscrites dans leur nouvelle commune. Pourquoi ne pas avoir prévu un dispositif d'inscription automatique de ces personnes sur ces listes ?
À titre personnel, et pour lutter contre cet abstentionnisme qui est parfois un refus de vote, je suis pour la comptabilisation des votes blancs.
En tout état de cause, mes chers collègues, les députés du Nouveau Centre, s'ils reconnaissent, comme je l'ai dit, l'opportunité de certaines des mesures proposées, n'en exprimeront pas moins, sur cette proposition de loi, un vote totalement défavorable.
On ne peut bien sûr que souscrire à l'objectif poursuivi par la proposition de loi dont nous sommes saisis : lutter contre l'abstention, qui est, nous en sommes tous d'accord, une menace pour la démocratie. Faut-il, pour autant, accepter le moyen qui est proposé par le groupe socialiste ?
J'observerai d'abord que la simplification du vote par procuration est un moyen auquel nous avons nous-mêmes fait appel, puisque c'est notre majorité qui a voté les lois de 2003 et de 2006. Celles-ci, je le rappelle, ont, d'une part, considérablement élargi les motifs qui ouvrent droit au vote par procuration, et, d'autre part, simplifié les formalités, puisqu'il n'est désormais plus nécessaire d'apporter la preuve de son absence ou de son empêchement, une attestation sur l'honneur étant suffisante.
Nos collègues socialistes proposent aujourd'hui que l'on fasse un pas de plus, notamment en associant les mairies à l'établissement des procurations.
Le groupe UMP n'y est pas favorable. L'argument principal – et je rejoins d'ailleurs en cela ce qu'a dit notre collègue Brard – est moins, à mon sens, le risque de fraude que ce que l'on appelle aujourd'hui le conflit d'intérêts. Ce thème s'est, à juste titre, installé dans le débat public, et il va, à l'évidence, y prospérer. Ne tentons pas le diable, n'exposons pas les élus municipaux à la suspicion, même si, dans l'immense majorité des cas, elle serait certes sans objet. Ne donnons pas l'impression que, lorsqu'il s'agit des élections, les contraintes liées aux conflits d'intérêts seraient, tout d'un coup, oubliées.
Il faut être d'autant plus prudent, à cet égard, que la proposition socialiste fait l'impasse, curieusement, sur un point pourtant très sensible, celui de la compensation des charges financières. Celles-ci seraient transférées par l'État aux communes si, demain, les mairies se trouvaient substituées aux policiers et aux gendarmes. Curieusement, le sujet n'est même pas évoqué.
Certains observeront que ce silence est d'autant plus troublant que le parti socialiste est en général extrêmement vigilant chaque fois que se profile la perspective d'un transfert de charges. On voit bien la question qui ne manquerait pas de surgir : pourquoi tant de soudaine générosité, pourquoi tant d'inexplicable abnégation dès lors qu'il s'agit de l'organisation des élections ?
Nous voulons vous aider. Il s'agit de décharger la police et la gendarmerie.
Avouez que la suspicion trouverait là, comment dire, un fameux terrain d'élection ! Ce serait pour le moins regrettable.
Reste une dernière question, celle de la charge de travail qui pèse sur les officiers de police judiciaire, qu'ils soient policiers ou gendarmes, charge dont ils seraient ainsi soulagés. C'est assurément un vrai sujet. Mais nous avons tous noté que le ministre de l'intérieur a chargé les deux inspections générales d'y travailler et de faire des propositions. Attendons leurs conclusions.
Dans l'immédiat, je vous invite, mes chers collègues, à repousser, la proposition de loi dont nous sommes saisis. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble de la proposition de loi.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 436
Nombre de suffrages exprimés 419
Majorité absolue 210
Pour l'adoption 161
Contre 258
(La proposition de loi n'est pas adoptée.)
Vote sur l'ensemble
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante-cinq.)
L'ordre du jour appelle la discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 103 du Règlement, de trois projets de loi autorisant l'approbation de conventions et accords internationaux (nos 2988, 3404, 3078, 3388, 3079, 3387).
Ces textes n'ayant fait l'objet d'aucun amendement, je mets directement aux voix l'article unique de chacun d'eux, en application de l'article 106 du Règlement.
Monsieur le président, messieurs les présidents de commission, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, le Moyen Orient est une région-clé pour la stabilité du monde. Il est à la charnière de « l'arc de crise » allant de l'Atlantique à l'océan Indien, selon l'appellation du livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. Notre présence dans cette région revêt donc un intérêt stratégique pour notre capacité à peser sur les équilibres mondiaux et pour la sécurité de nos concitoyens.
Dans cette région, nous avons su nouer un partenariat étroit avec les États du Golfe et notamment avec les Émirats arabes unis.
La relation de défense franco-émirienne est déjà ancienne et étroite dans le domaine de l'armement puisque la France a été le principal fournisseur de ce pays jusqu'à la fin des années 1990. Depuis lors, cette relation s'est considérablement approfondie, tant dans le domaine de la coopération opérationnelle, de l'armement et du renseignement que de la coopération structurelle de sécurité et de défense, qui est l'une des plus développées dans la région du Golfe. Elle est surtout marquée par l'émergence de notre coopération autour de la base militaire française implantée à Abou Dhabi, qui devrait, à terme, accueillir plus de 600 militaires. Cette implantation, la seule en dehors du continent africain, a véritablement marqué un tournant dans notre politique étrangère ainsi que dans la relation franco-émirienne.
Dans ce contexte, l'accord de coopération permet d'inscrire le renforcement de nos relations bilatérales en matière de défense et de sécurité dans un cadre juridique durable. Il formalise les domaines de la coopération bilatérale ainsi que le statut des forces appelées à mettre en oeuvre les différentes formes de cette coopération.
Les domaines évoqués sont nombreux : formation au combat, perspectives de débouchés pour nos industries de défense, soutien à nos opérations extérieures – théâtre afghan, stabilité de la région… L'accord signé à Paris le 15 décembre 2010 comporte notamment, en ses articles 3 et 4, une clause de sécurité.
Je me permets d'ajouter – je sais que vous y êtes attentifs – que l'échange de lettres interprétatif signé à Paris le 15 décembre 2010 permet, en précisant les modalités d'application de l'article 11, d'apporter des garanties supplémentaires pour les personnels français en mission aux Émirats arabes unis et pour les personnes qui sont à leur charge.
L'engagement consolidé de la France à travers cet accord témoignera avec une force accrue de notre volonté d'assumer ce qui est le destin et la place de notre nation, d'assumer, aux côtés des Émirats arabes unis, nos responsabilités, qui sont celles d'une puissance globale dans une région névralgique, dans un monde traversé par des crises qui a besoin de puissances ne se dérobant pas à leurs devoirs envers les nécessités de la stabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Henri Plagnol, suppléant M. Patrick Balkany, rapporteur de la commission des affaires étrangères.
Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les présidents de commission, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à excuser notre collègue Patrick Balkany, rapporteur, qui regrette de ne pouvoir être présent aujourd'hui.
Vous l'avez dit à l'instant, monsieur le ministre, l'accord de défense avec les Émirats arabes unis dont nous débattons aujourd'hui est très important, car il comporte une clause d'engagement de la France à participer à la défense des Émirats. Il s'inscrit dans un cadre plus large de relance de nos accords avec les pays de la zone, notamment des accords bilatéraux de coopération militaire récemment signés avec l'Arabie saoudite, le Liban et l'Irak.
La France et les Émirats, vous l'avez également rappelé, étaient déjà liés par un accord de coopération remontant au 18 janvier 1995, lequel était devenu obsolète pour deux raisons : le développement considérable de nos relations bilatérales avec les Émirats arabes unis et l'installation d'une base militaire française à Abou Dhabi, inaugurée par le Président de la République le 25 mai 2009 et qui accueillera à terme près de 600 militaires, avec, pour certains, leurs familles. Ces évolutions nécessitent l'actualisation de l'accord de 1995 afin de mettre en place les instances de dialogue entre les autorités françaises et émiriennes, d'organiser les modalités d'entraînement des forces françaises sur le territoire des Émirats et d'assurer la protection juridique des personnels militaires et civils participant aux actions de coopération.
La densité de nos rapports bilatéraux a facilité considérablement les négociations qui se sont déroulées, il faut le souligner, dans un temps très bref, de janvier à mai 2009.
Les Émirats sont un partenaire essentiel. Au plan économique, tout d'abord, notre part de marché a triplé depuis 1998, pour atteindre 3,4 milliards d'euros au titre des exportations, et les Émirats constituent le premier client de la France au Moyen-Orient.
Dans le domaine culturel, je rappellerai deux symboles de la présence de la France : l'ouverture prochaine du Louvre Abou Dhabi et l'implantation d'une antenne de la Sorbonne qui accueille déjà plus de 600 étudiants des pays du Golfe persique.
L'accord comprend une partie classique ainsi qu'une clause d'engagement de nos forces qui en fait la particularité.
Les dispositions classiques concernent le champ de la coopération militaire, la formation, l'entraînement des forces conventionnelles et spéciales émiriennes, les exercices conjoints, l'établissement de plans, et tout autre domaine dans lequel nos deux pays pourraient coopérer.
L'article 4 est l'article essentiel. Il prévoit une réponse graduée à tout type de menace, pouvant aller jusqu'à l'engagement de nos forces, ce qui signifie que, dans l'hypothèse – que personne ne souhaite – où les Émirats arabes unis seraient soumis à une menace portant sur leurs intérêts vitaux, mettant en cause leur souveraineté nationale, nous pourrions être amenés à un engagement militaire. S'attaquer aux Émirats signifierait s'attaquer à la France.
Nous faisons donc le pari que notre présence dans le Golfe persique – je rappelle que la Grande-Bretagne et les États-Unis sont déjà liés avec les Émirats par des accords secrets – sera dissuasive. Si, aujourd'hui, nous pouvons aller aussi loin dans cet accord de défense, c'est parce que les deux États que sont les Émirats arabes unis et la France partagent la même analyse stratégique et en tirent la conclusion qu'ils ont des intérêts vitaux communs à défendre.
Du côté émirien, il y a un sentiment de vulnérabilité bien compréhensible. D'abord, les Émirats arabes unis sont, même s'ils connaissent un dynamisme démographique réel, un pays faiblement peuplé, avec 923 000 citoyens nationaux sur une population totale de six millions d'habitants composée de soixante nationalités différentes. Cette population est confrontée à des mutations économiques et sociales extrêmement rapides : c'est une société qui est passée en quelques dizaines d'années du nomadisme à l'un des États les plus développés au monde.
Par ailleurs, la zone connaît en ce moment même des mutations politiques très importantes. Il suffit d'évoquer ce qui se passe à Bahreïn, au sultanat d'Oman ou même en Arabie saoudite.
Surtout, les Émirats arabes unis coexistent avec leur grand voisin, l'Iran. Le voisinage avec l'Iran repose d'abord sur des liens commerciaux actifs. Une importante communauté iranienne vit à Abou Dhabi, où elle est prospère. Il y a peu de contentieux bilatéraux entre les deux pays, en dehors d'un contentieux sur la souveraineté d'une île. Les relations entre les deux États sont donc pacifiques et même fructueuses.
Malgré tout, chacun sait que le monde sunnite en général s'inquiète de la montée en puissance de l'Iran, devenu un acteur déterminant, notamment l'Irak et le Liban. Surtout, les Émirats arabes unis peuvent craindre, comme tous leurs voisins, que l'Iran n'acquière l'arme nucléaire, ce qui modifierait fondamentalement le rapport de forces dans la zone. Ce serait, nous le savons, une atteinte grave à l'ordre international défini par le traité de non-prolifération nucléaire. Par conséquent, il est normal que les Émirats arabes unis, dans une période de tension, recherchent le soutien de leurs meilleurs alliés, dont la France.
Du côté de la France, il y a la conscience évidente – il suffit de regarder la géographie – que le Golfe persique est une zone vitale pour la sécurité de l'Occident. Les Émirats arabes unis sont riverains du détroit d'Ormuz par lequel transite l'essentiel des approvisionnements en hydrocarbures et en énergie de notre économie.
La France, membre du Conseil de sécurité des Nations unies et qui se veut une puissance globale avec une projection opérationnelle de ses forces, ne peut être absente de cette zone stratégique. Elle a donc aussi un intérêt vital à cet accord avec les Émirats arabes unis. Elle ne fait d'ailleurs, comme je l'ai déjà mentionné, que rejoindre le constat dressé depuis longtemps par nos alliés britanniques et américains.
Bien évidemment, cela ne signifie pas – la question a été posée et vivement débattue en commission des affaires étrangères – que nos troupes basées à Abou Dhabi seraient automatiquement engagées dans un conflit avec l'Iran. Cela signifie que nous espérons que la présence de nos troupes, que la présence de trois puissances nucléaires, avec nos alliés britanniques et américains, sera suffisante pour dissuader tout conflit. La présence de la France, avec cette base militaire, nous engage dans un partenariat stratégique avec Abou Dhabi qui, d'un côté comme de l'autre, se veut d'abord au service de la paix, au service de la stabilité de cette zone vitale pour l'économie mondiale qu'est le Golfe persique.
C'est la raison pour laquelle, sur la proposition de son rapporteur Patrick Balkany, la commission des affaires étrangères a adopté le projet de loi de ratification de l'accord de défense avec les Émirats arabes unis et vous propose de l'adopter également. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Guy Teissier, président et rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées.
Monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, mes chers collègues, je ne vais pas revenir longuement sur l'analyse géopolitique qui vient d'être excellemment développée par notre collègue Henri Plagnol. Je rappellerai juste que le Golfe persique se situe au coeur de l'arc des crises et qu'il est l'une des quatre zones critiques identifiées par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. Il mérite, à ce titre, toute notre attention.
Le même Livre blanc appelait à une présence militaire française renforcée dans cette partie du monde, ce à quoi répond précisément l'accord de défense que nous examinons.
L'implantation de la base militaire française d'Abou Dhabi marque incontestablement un tournant dans nos relations avec nos amis émiriens. Nous entretenons avec les Émirats arabes unis un partenariat solide, mais nous partageons aussi des convergences d'analyse importantes sur la scène internationale. Je rappelle que les Émirats sont engagés à nos côtés en Libye et que nous soutenons leur demande d'accréditation d'un ambassadeur auprès de l'OTAN. L'implantation d'une base militaire permanente sur leur territoire constitue un témoignage d'amitié très fort entre nos deux pays. Ce sont eux qui étaient demandeurs. Qui plus est, ce traité fait suite à un précédent traité : il n'y a donc rien de nouveau sous le ciel bleu des Émirats.
Cette base, la première ouverte à l'étranger depuis plus de cinquante ans, et sur laquelle j'ai eu la chance de me rendre à déjà trois reprises, regroupe aujourd'hui toutes les composantes ou presque de l'armée française : un état-major interarmées de 50 militaires ainsi que des services de soutien communs et spécialisés qui emploient 110 hommes ; une base aérienne de 140 militaires et dotée de six Rafale ; une base navale et de soutien de 40 marins capable d'accueillir tous les bâtiments de la flotte, y compris le groupe aéronaval, ce qui n'est pas rien ; enfin, un groupement tactique interarmées de l'armée de terre fort aujourd'hui de 330 hommes et qui sera porté d'ici à 2014 à 600.
Pourquoi est-il si important pour la France de disposer d'une telle base ? Il s'agit tout d'abord de conforter notre statut de puissance globale, présente dans toutes les régions du monde, en particulier les plus sensibles. La base d'Abou Dhabi vient compléter, dans le Golfe persique, le dispositif qui existe déjà à Djibouti et permet de créer une synergie, notamment dans le domaine de la lutte contre la piraterie.
Cette base servira également, à l'image des autres forces prépositionnées dont nous disposons dans le monde, de point d'appui prioritaire pour nos troupes en cas d'intervention dans la région. Elle constitue déjà une étape logistique indispensable pour l'approvisionnement et l'envoi de nos soldats sur le théâtre afghan.
Cette base offre aussi un espace d'entraînement de premier plan pour nos militaires. Les conditions de vol y sont exceptionnelles et permettent à nos aviateurs de venir y compléter leur formation.
Enfin, la base offre une vitrine de choix pour nos matériels, dans un pays aux ressources considérables qui cherche à équiper ses armées des matériels les plus pointus. Si, depuis 1976, les forces émiriennes ont acquis pour près de 70 % de leurs équipements en France, notre part de marché a aujourd'hui diminué. Cela confirme que nous devons renforcer notre présence.
Je voudrais, avant de terminer, souligner la qualité de la coopération militaire que nous entretenons avec les Émirats depuis déjà plus de quinze ans. Celle-ci repose sur l'aide à l'amélioration des capacités opérationnelles des deux parties, l'accompagnement des contrats d'armement et la contribution à la formation des élites.
Cet accord de défense vient couronner l'intensification de nos relations et ouvrir de nouvelles perspectives, tant les champs couverts sont nombreux. Je crois donc qu'à tous points de vue, que ce soit son ampleur, sa localisation ou sa symbolique, ce partenariat revêt vraiment un aspect à la fois « stratégique et historique », selon les propres mots du Président de la République.
Notre commission a donné un avis favorable à l'adoption de ce projet de loi de ratification et, bien entendu, nous suivrons cet avis au sujet d'un accord qui nous paraît très important pour le devenir de la région concernée – peut-être même pour le devenir du monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l'ont relevé avant moi le ministre, le rapporteur et le président de la commission de la défense, si nous avons déjà examiné de nombreux accords relatifs à la coopération de défense, le présent texte est particulièrement important car il est lié à l'installation récente de notre base militaire à Abou Dhabi et contient, ce qui est rare, une clause par laquelle la France s'engage à faire participer ses forces armées à la défense des Émirats arabes unis, pour dissuader ou repousser toute agression qui serait menée par un ou par plusieurs États.
Ces dispositions, il convient de les assumer sans complexe, mais aussi d'en mesurer la portée. Clarifions tout de suite un point : en aucun cas, cet accord n'amènera la France à intervenir dans un éventuel conflit intérieur aux Émirats arabes unis. Les accords internationaux engagent des États et non des régimes. Le régime en place jouit d'une grande stabilité, due notamment à ses richesses et à la manière dont elles sont gérées. Mais, en tout état de cause, nos relations avec les Émirats et le contexte stratégique qui ont conduit à la signature de cet accord sont disjoints de la nature du régime politique émirien et des évolutions qu'il pourrait connaître.
Les articles 3 et 4 organisent une véritable clause de sécurité commune entre la France et les EAU pour faire face à l'agression d'un État tiers, mais uniquement dans cette hypothèse. Cette clause est-elle justifiée ? Du point de vue des Émiriens, sans aucun doute. Même si aucun de leurs documents militaires ne cite l'Iran comme menace, ce non-dit masque une réelle inquiétude. Le déséquilibre stratégique entre les deux pays est flagrant. L'enjeu de cette rivalité est la domination du détroit d'Ormuz, cadenas de la route des hydrocarbures en provenance des pays du Golfe, mais pas seulement.
En effet, des points de contentieux précis existent toujours entre les EAU et l'Iran, concernant notamment la situation des deux îles Tomb et de l'île d'Abou Moussa, occupées militairement par l'Iran en 1971. Si les Émirats ne souhaitent pas l'escalade du conflit, ils continuent de demander que les questions de la souveraineté de ces territoires et de l'utilisation de la zone économique exclusive qui en découle soient réglées par la Cour internationale de justice.
Nous pouvons donc comprendre que nos partenaires souhaitent pouvoir compter sur notre soutien au cas où leur intégrité territoriale serait menacée et aient demandé que cette clause de sécurité soit introduite dans l'accord que nous évoquons. La France doit-elle répondre favorablement à cette demande ? On peut penser, naturellement, qu'il est peu probable que les Émirats se trouvent un jour dans la situation de demander notre assistance militaire. Mais qui avait prédit que l'Irak de Saddam Hussein envahirait le Koweït ? Notre pays n'avait alors eu d'autre choix que de s'engager militairement.
D'où l'intérêt d'affirmer, dans un accord public, que la France est prête à intervenir en cas de menace sérieuse pesant sur la sécurité des Émirats arabes unis. Les alliances implicites ou secrètes créent de l'incertitude dans l'esprit d'un agresseur éventuel.
Par son caractère public, la clause de défense joue un rôle dissuasif qui, je le répète, ne saurait nous entraîner dans des opérations agressives décidées par notre allié, ni dans des interventions d'ordre intérieur.
Nos capacités militaires et notre statut de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies font de notre présence aux côtés des Émirats arabes unis un facteur d'apaisement d'éventuelles velléités agressives à leur encontre. Nous nous engageons donc à intervenir avec l'idée que cet engagement déclaré, assumé, réduit considérablement le risque d'embrasement de la région.
Par ailleurs, cet accord nous permet de faire des Émirats un allié militaire dans une région où nos intérêts sont importants. Désormais, la France disposera d'une base interarmées, donc d'une autonomie d'analyse et de décision dans l'une des régions les plus stratégiques du monde. Cet accord témoigne de notre volonté de peser sur l'avenir d'une région soumise à de très nombreux facteurs d'instabilité.
Le choix des Émirats arabes unis parmi les autres États de la région me semble judicieux. En participant aux opérations menées en Libye au sein d'une coalition mandatée par l'ONU, les EAU ont accepté d'assumer une part de la responsabilité de la paix et de la sécurité internationales. Nous devons encourager ce type de comportement de la part des États du Golfe. Leur contribution aux opérations en Libye souligne, s'il en était besoin, que notre intervention n'est pas une guerre occidentale contre un pays arabe et musulman, mais une opération légitime visant à protéger une population tout entière contre les agissements, contre les dérives d'un dictateur.
Mes chers collègues, il y a plus, dans cet accord de défense, qu'une simple coopération militaire : il y a le choix, pour notre pays, de se constituer un allié stratégique dans une région sensible.
Bien sûr, un tel choix rompt avec une certaine vision de nos intérêts, centrée sur notre zone d'influence traditionnelle. À l'heure où les menaces pour notre sécurité – terroriste, balistique, cybernétique – naissent et se développent à des milliers de kilomètres de notre territoire, peut-on encore dire qu'il y a des pays trop lointains pour ne pas représenter un quelconque intérêt pour nous ? Je ne le crois pas.
La France ne saurait abandonner une région aussi stratégique que le Golfe.
Sans notre base émirienne, les États-unis resteraient la seule puissance internationale dans cette zone. Le partenariat avec les Émirats arabes unis, auquel cet accord de défense participe, prend donc un sens bien plus profond. Il signifie que la France prend acte de la mondialisation, et entend y jouer tout son rôle. Je vous invite donc à approuver cet accord, dont le caractère fondamentalement dissuasif ne vous aura pas échappé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Jacques Candelier.
M. le président, monsieur le ministre, cher président Teissier, mes chers collègues, une fois n'est pas coutume, je suis assez en colère, je dirai même que je suis courroucé. Le Gouvernement nous demande de ratifier un accord de défense avec les Émirats arabes unis, une monarchie tyrannique…
…qui a participé, avec l'Arabie saoudite et le Qatar, au renforcement des forces de sécurité du Bahreïn. Comme vous le savez, l'objectif est de mater la révolte dans ce pays ! De qui se moque-t-on ?
Par conséquent, on est en droit de s'interroger : avec cet accord de défense, la France cautionne-t-elle le couvre-feu, la loi martiale, les interventions d'hélicoptères, les tirs à balles réelles et la proclamation de l'état d'urgence au Bahreïn ? La France cautionne-t-elle le « nettoyage » de la place de La Perle à Manama, qui s'est fait au prix de nombreux morts et de dizaines de blessés ?
Fermer les yeux sur l'intervention et les exactions de l'armée des Émirats arabes unis au Bahreïn, au nom de la défense d'intérêts financiers bien compris, est un véritable scandale ! Combien d'avions de chasse Rafale faudra-t-il vendre au royaume avant d'ouvrir les yeux sur la réalité de ce pays ? Quand on voit ce qui s'est passé avec la Libye, où Nicolas Sarkozy a vendu du matériel de guerre au tyran Kadhafi – toujours présent – avec les conséquences dramatiques que l'on sait, on peut avoir des craintes sur les conséquences de cette politique de VRP capitaliste à courte vue ! Décidément, l'argent pourrit tout, y compris et surtout en matière de relations internationales, et face à lui, les droits de l'homme – et de la femme – ne pèsent pas bien lourd !
Ratifier cet accord de défense revient à soutenir militairement une dictature pétrolière qui opprime et réprime les peuples. Toute autre considération est secondaire. Tout autre considérant géostratégique est risible. Je n'ai pas la prétention d'être un expert, mais quelques principes me tiennent à coeur. J'y fais beaucoup appel en ce moment, pour ne pas accepter que l'on se fourvoie comme on le fait en Libye, en Afghanistan ou encore en Côte d'Ivoire !
On peut aussi parler de l'Irak, que Nicolas Sarkozy, à l'époque homme de main de Bush, aurait bien voulu envahir. On peut également évoquer l'OTAN, si vous le voulez. Tout se tient dans le sarkozysme atlantiste, belliqueux et soumis aux puissances d'argent.
Cette fois, le gouvernement UMP ferme délibérément les yeux sur la réalité de la répression multinationale au Bahreïn. Alors qu'il faudrait condamner les exactions des pétromonarchies, le ministre des affaires étrangères, Alain Juppé, a osé affirmer que « rien n'interdit, dans le droit international, à un pays de faire appel à un autre pour l'aider » ! Je ne suis pas certain qu'il aurait la même analyse si, par malheur, un pays quelconque venait à soutenir activement le colonel Kadhafi en Libye !
Avec cet accord, la France continue de jouer les gendarmes de l'Afrique, voire du monde, et de manier la carotte et le bâton en fonction de critères mercantiles. Outre les dispositions classiques de coopération militaire, de formation et d'entraînement des forces conventionnelles et spéciales émiriennes, outre les exercices conjoints et l'établissement de plans, ce texte est particulier dans le sens où il comporte l'engagement de la France à participer à la défense irrémédiable des Émirats.
La thèse sous-jacente est que cette pétro-dictature serait sous la menace de l'Iran voisin. On veut nous faire croire que les responsables émiriens sont de gentilles brebis menacées de passer sous les fourches caudines de l'Iran, diable incarné, enfant terrible de la communauté internationale. Après le terrorisme, un nouveau chiffon rouge est agité par l'Occident pour mieux s'assurer la domination sur la planète dans tous les domaines : militaire, culturel, diplomatique et économique.
La réalité est plus complexe que la fable qui nous est contée. Les Émirats arabes unis sont une dictature pétrolière dont la législation est basée sur la charia. Ils consacrent tous leurs efforts financiers – et ils sont colossaux – à mater les révoltes arabes partout dans le monde. Une armée secrète privée est en train d'être mise sur pied, sous l'égide d'Erik Prince, ex-commando qui a fondé la société Blackwater, la plus grande compagnie militaire privée utilisée par le Pentagone en Irak, en Afghanistan et dans d'autres zones de guerre. Le but poursuivi est très simple : faire la guerre et maintenir l'ordre à l'intérieur du territoire, mais aussi dans d'autres pays du Proche-Orient et de l'Afrique du Nord. Le principal appui de ce projet n'est autre que le prince héritier d'Abou Dhabi, homme de confiance du Pentagone et auteur d'une action militaire contre l'Iran.
Une fois prouvée l'efficacité de ce bataillon dans une action réelle, Abou Dhabi financera, à coup de milliards de dollars, la mise sur pied d'une brigade entière de plusieurs milliers de mercenaires. Il est prévu de construire aux Émirats un camp d'entraînement analogue à celui en fonction aux États-unis, où 50 000 spécialistes de la répression ont déjà été formés. Ces forces formées conduiront « des missions opérationnelles spéciales pour réprimer des révoltes intérieures, du type de celles qui ont secoué le monde arabe cette année ».
Les mercenaires seront utilisés pour réprimer les révoltes populaires dans les monarchies du Golfe, en écho à l'intervention qui a été menée en mars au Bahreïn où, comme vous ne pouvez l'ignorer, la demande populaire de démocratie a été écrasée dans le sang. Des « missions opérationnelles spéciales » seront effectuées par cette armée secrète dans des pays comme l'Égypte et la Tunisie, pour briser les mouvements populaires et faire en sorte que le pouvoir reste entre les mains des gouvernements garants des intérêts des États-unis et de l'Union européenne. On l'aura compris, il ne s'agit pas vraiment de défendre la démocratie ou les droits sociaux !
On a connu des brebis plus naïves que les Émirats, qui prennent d'ailleurs toute leur part dans l'action impérialiste en Libye ! On a connu des brebis plus innocentes, plus craintives, plus douces et surtout, dotées de meilleures intentions !
Enfin, répétant ce que j'ai déjà dit dans cet hémicycle, je conclurai par quelques considérations sur la base d'Abou Dhabi.
La France y dispose d'une base militaire permanente, inaugurée le 25 mai 2009 par Nicolas Sarkozy. Première base française créée à l'étranger depuis la fin de l'ère coloniale – si tant est que nous en soyons sortis ! –, elle préfigure, dans un endroit hautement pétrolifère, une possible participation française à des frappes américaines ou israéliennes contre l'Iran, pays dont je n'approuve absolument pas le régime actuel.
Ce positionnement est un recul historique qui illustre la place nouvelle de notre pays, devenu le sous-traitant officiel des Américains. Les députés communistes, républicains, citoyens et du parti de gauche se prononcent pour la fermeture de cette base aux Émirats, dans laquelle, d'ailleurs, les Américains stationnent en masse, dans une logique plus offensive que défensive. S'agissant de cet accord, nous pensons que l'on ne peut, d'un côté, avoir un discours de soutien aux révolutions arabes dans le cadre du G8 à Deauville et, de l'autre, agir indirectement contre ces mêmes révolutions. Nous voterons contre sa ratification.
Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les présidents de commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l'accord militaire soumis à notre approbation me donne l'occasion de présenter, au nom du groupe Nouveau Centre, quelques réflexions sur la situation actuelle au Moyen-Orient et sur la position de la France dans cette région stratégique.
L'attention portée par notre pays aux équilibres de cette région n'est pas nouvelle. De tout temps la France s'est préoccupée de ce qui s'y passe en tant que puissance méditerranéenne. La grande route des échanges commerciaux et culturels entre l'Orient et l'Occident, depuis les échelles du Levant jusqu'à la Chine, passe par ces contrées.
Le développement de l'ambition méditerranéenne de la France a pris, pendant un certain temps, la forme d'une domination politique passant par des expansions. Je citerai, au début du XIXe siècle, l'expédition d'Égypte, puis la présence française en Afrique du Nord sous ses diverses modalités. Il faut bien reconnaître, même si c'est désormais un fait d'histoire et non plus une cause d'affrontement, que, dans ses entreprises, notre pays s'est heurté à l'ambition de nos amis britanniques pendant tout le XIXe siècle. La Grande-Bretagne a été très présente dans toute la région de la péninsule arabique et du golfe d'Aden, notamment auprès de l'ensemble qui constitue aujourd'hui les Émirats arabes unis.
Depuis cette époque, les relations internationales ont changé. On peut dire qu'elles sont devenues universelles. La France, membre permanent du Conseil de sécurité, a vocation à intervenir comme puissance mondiale. Elle doit adapter ses objectifs et ses interventions aux évolutions qui caractérisent ces relations.
Intervenir comme puissance mondiale, cela veut dire, je le rappelle en passant, agir en tenant compte d'une démarche européenne commune de politique extérieure ; mais celle-ci, au demeurant marquée par bien des incertitudes, doit laisser entière la possibilité d'initiatives conformes à nos intérêts, comme celle dont nous débattons aujourd'hui. Surtout, cela veut dire mener une politique qui conjugue le réalisme – la prise en compte de l'étendue exacte de nos intérêts et de nos capacités –, la fidélité à nos amis et le développement de nos rapports internationaux en dehors des champs traditionnels.
La nécessité de cette politique apparaît avec une clarté singulière dans la période que nous vivons. Nous voyons, dans de nombreux pays du monde arabe, la contestation se déployer. Ce n'est faire injure à personne que de constater que ce mouvement a surpris en Occident, notamment en Europe. Je ne suis pas sûr que nous en comprenions bien les origines et les ressorts, et je redoute, à lire certains commentaires, que ces mouvements ne suscitent des enthousiasmes et des craintes aussi exagérés les uns que les autres. Nous avons à cet égard un devoir de vigilance, conjuguant le respect de la souveraineté des États et le souci de préserver nos intérêts nationaux, et aussi l'intérêt de la paix, dont la garantie est l'une de nos légitimes priorités.
Les relations avec les Émirats arabes unis, dont l'accord que nous examinons organise l'un des aspects fondamentaux, s'inscrivent dans cette problématique générale. Elles nous donnent la possibilité d'exercer dans une région sensible nos responsabilités internationales, tout en répondant au souci d'un État de la région d'entretenir des rapports diversifiés avec les États occidentaux.
L'ouverture en 2009 de la base militaire française d'Abou Dhabi est un instrument essentiel de notre politique. Le présent accord est un développement opportun des relations bilatérales avec les Émirats.
Je ne peux que souscrire à la volonté communément proclamée par les parties de concourir à la stabilité politique dans la région du Golfe. L'engagement pris par la France d'assister militairement le gouvernement émirati en cas de menace contre la sécurité du pays ne doit pas être sous-estimé. Il faut naturellement souhaiter, pour le bien de la paix, que cet engagement ne trouve jamais occasion de s'appliquer. Du moins aura-t-il dès maintenant la force dissuasive d'une affirmation de volonté commune.
Je ne saurais conclure cette intervention sans rappeler que, dans d'autres contrées, les engagements internationaux de la France se traduisent dès aujourd'hui par l'envoi sur les théâtres d'opérations extérieures de troupes auxquelles je voudrais rendre un hommage particulier pour leur efficacité et leur dévouement.
Parce qu'il croit à la vocation internationale de la France, parce qu'il estime essentiel de donner un cadre internationalement stable aux instruments de sa présence au Moyen-Orient, le groupe Nouveau Centre votera le présent projet de loi.
Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les présidents de commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l'accord entre la France et les Émirats arabes unis relatif à la coopération en matière de défense s'inscrit à juste titre dans une perspective de renforcement de la relation de défense entre la France et les Émirats arabes unis, ce qui se traduit par l'implantation à Abou Dhabi d'une base militaire française. Il explicite les domaines de la coopération bilatérale, ainsi que le statut des forces militaires qui participent à cette coopération, en France ou aux Émirats arabes unis.
La volonté de développer un partenariat fort entre la France et les Émirats ne date pas d'aujourd'hui. En effet, depuis la création des Émirats arabes unis en 1971, leurs relations avec la France n'ont cessé de s'intensifier, notamment depuis le début des années 90. Aujourd'hui, les Émirats sont le premier partenaire commercial de la France au Moyen-Orient, avec 300 entreprises françaises implantées sur place, tandis qu'une importante communauté française – plus de 15 000 personnes – y vit.
Les Émirats s'affirment comme une puissance économique incontournable dans le Golfe persique et comme l'un des pays les plus riches au monde. Au-delà des relations commerciales, une coopération étroite s'est développée dans les domaines culturel, universitaire, linguistique, scientifique, technique et également militaire. La France figure parmi les alliés privilégiés des Émirats. En outre, elle joue un rôle de contrepoids à l'omniprésence anglo-américaine dans la région.
En matière de défense et de sécurité, une base militaire est installée à Abou Dhabi depuis 2009. Comme cela a été dit, c'est la première base militaire française dans un pays arabe post-indépendance, offrant des capacités supplémentaires de prévention des conflits et d'intervention dans la zone, notamment en Afghanistan et dans l'océan Indien. Par ailleurs, les Émirats sont pleinement associés aux travaux de la présidence française du G20.
Du point de vue stratégique, la position des Émirats rend nécessaire une coopération en matière de défense. Depuis leur création, ils s'efforcent de contribuer à la stabilité du Golfe. Bien qu'ils soient proches de l'Occident, ils ne négligent pas la solidarité arabe. Malgré les différends frontaliers qui ont pu exister avec leurs voisins, ils mènent une politique de réconciliation et de normalisation. Les Émirats sont attachés au Conseil de coopération des États arabes du Golfe et participent activement à ses activités. Celui-ci soutient les Émirats face à l'Iran.
Les relations entre les Émirats et leurs voisins tendent donc à s'améliorer considérablement. Avec le sultanat d'Oman, les liens ont été notablement renforcés par la crise du Golfe. Les relations avec le Qatar, longtemps tendues, sont elles aussi marquées par l'apaisement. Les Émirats entretiennent d'importantes relations bilatérales, politiques et économiques avec l'Arabie saoudite.
La participation à la stabilité du Golfe apparaît au travers du processus de paix engagé au Proche-Orient, que les Émirats arabes unis soutiennent largement. Enfin, les Émirats se sont rapprochés de la Jordanie, après une dégradation de leurs relations pendant la crise du Golfe, ainsi que du Yémen.
C'est pour affirmer l'aspect stratégique de ce partenariat que le préambule du présent accord souligne que son objectif est de renforcer les capacités militaires et de défense des Émirats et réaffirme l'attachement des deux parties à la stabilité et à la sécurité du Golfe persique.
Le territoire des Émirats arabes unis occupe une position stratégique qui jouxte le détroit d'Ormuz, sous souveraineté omanaise, au large duquel passe 40 % du trafic pétrolier mondial. Producteur de pétrole, plate-forme logistique, portuaire et aéroportuaire, centre de services bancaires et financiers, les Émirats disposent d'une économie diversifiée. La faiblesse de leur population – 6,4 millions d'habitats avec seulement 923 000 nationaux, 81 % de la population étant étrangère – rend en revanche difficile la défense de leur territoire. Les Émirats sont donc dans l'obligation de signer des accords de défense avec leurs principaux alliés pour assurer leur sécurité.
Il existe entre la France et les Émirats un partenariat de longue date dans le domaine de la défense, puisque le présent accord de coopération en matière de défense actualise – comme cela a été dit également – le précédent accord de 1995, qui suivait lui-même un accord de 1991. Cette nouvelle coopération s'appuie sur la base militaire d'Abou Dhabi, point d'ancrage stratégique de la France dans cette région.
Le présent accord a été proposé, dans sa version initiale, par la France. Il s'agissait de formaliser le cadre juridique d'une éventuelle intervention française en cas de menace ou d'attaque contre les Émirats arabes unis et d'assurer les modalités de la coopération militaire bilatérale entre les deux pays. La signature du texte, qui a eu lieu le 26 mai 2009, a été saluée par l'ensemble des dynasties régnantes, qui ont considéré que la France devenait un partenaire aussi important que les États-Unis. Jusqu'à présent, d'ailleurs, seuls les États-Unis et le Royaume-Uni ont signé avec les Émirats un accord de défense ou de stationnement des forces.
Pour toutes ces raisons, sans oublier celles qu'évoqueront également mes collègues Philippe Vitel, Louis Giscard d'Estaing et Patrick Beaudouin, le groupe UMP sera heureux de voter pour la ratification de cet accord entre la France et les Émirats arabes unis. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous discutons de cet accord de coopération entre la France et les Émirats arabes unis en matière de défense. La première chose que l'on doit dire concernant ce pays, c'est que c'est un pays politiquement ami ; c'est un pays proche stratégiquement et économiquement.
Sur le plan économique, nous avons d'importants intérêts communs. C'est un fournisseur important de pétrole et de gaz naturel pour la France, notre dix-huitième partenaire en matière économique et le premier au Moyen-Orient. Les Émirats achètent par exemple 5 % de nos Airbus.
Sur le plan stratégique, c'est un allié important. Cette alliance est née au moment de la Guerre du Golfe, en 1991, avec la signature de plusieurs accords secrets en 1991 puis 1995. Je reprendrai à cet égard une intervention de François Mitterrand, qui déclarait en 1991 : « Ensemble, lorsque le recours à la force s'est révélé inévitable, nous avons combattu pour faire respecter le droit. Ensemble nous avons aujourd'hui à promouvoir dans le Golfe, au Proche-Orient et ailleurs un ordre de paix, de sécurité et de justice. »
L'accord d'aujourd'hui est en fait le prolongement des deux accords secrets de 1991 et de 1995, qui ont abouti, je le rappelle au passage, à l'achat par les Émirats arabes unis de plus de 430 chars Leclerc et d'avions Mirage.
C'est aussi un pays ami sur le plan politique. Il a été le siège du dernier groupe de contact qui s'est tenu concernant la Libye et il vient de nommer, il y a quelques semaines, un ambassadeur permanent auprès de l'OTAN.
Puisque c'est un pays ami, c'est un pays à qui nous devons tout dire. Quand un accord de défense est signé, il est difficilement dissociable de la situation intérieure dans le pays. Il nous faut donc maintenant parler de problèmes de droits de l'homme.
Ce pays compte 6,4 millions d'habitants, dont 81 % d'étrangers. Nos amis émiratis ont encore des progrès à faire en ce qui concerne la façon dont ils traitent ces étrangers : l'accès à la santé, à l'éducation, aux services sociaux leur est pratiquement refusé ; les conditions de travail sont très dures et, quand elles sont bonnes, elles sont souvent imposées par les investisseurs sur place ; les femmes sont soumises à des violences domestiques qui ne sont pas poursuivies par la justice ; la police fait parfois la chasse aux couples non mariés ; la peine de mort peut y être prononcée – vingt-huit condamnations mais aucune exécution.
Au moment de la signature d'un accord, de tels points ne peuvent pas être passés sous silence. Il faut dire à nos amis émiratis qu'ils doivent réaliser, dans ces domaines-là, des progrès importants.
Je voudrais noter au passage que vivent aux Émirats quelque 500 000 Iraniens. Ces immigrés sont extrêmement discrets puisque, quelquefois, ils ne disent pas leur nationalité. En contrepartie, les Émirats appliquent de façon plus que souple l'embargo vis-à-vis de l'Iran, y compris pour la fourniture de matériels extrêmement sensibles. Il nous faut donc relativiser les discours guerriers qui peuvent être de mise de temps en temps entre les Émirats et l'Iran. La réalité est beaucoup plus complexe.
Les enjeux économiques, industriels, énergétiques, stratégiques, politiques, justifient l'implantation de cette base et l'accord de défense que nous sommes en train de discuter. Quelques interrogations pourraient cependant nous retenir.
La première, c'est la dispersion des capacités de la France dans le monde. Nous sommes une puissance moyenne, nous ne sommes pas une très grande puissance. En Afrique, nous avons une implantation en Côte d'Ivoire, dont nous avons pu juger l'importance pour la protection de la vie de nos ressortissants et pour le rétablissement de l'État de droit dans ce pays ; nous avons des forces présentes au Gabon, qui couvrent la sécurité de l'Afrique de l'Ouest.
Nous avons des forces au Tchad, qui nous permettent d'être présents en Afrique centrale mais qui ne sont pas très loin du Niger, du Mali et des zones où Al-Qaïda est aujourd'hui implantée et se développe. Et puis, nous avons une grande base à Djibouti, où nous avons, avec les Américains et les Japonais, un centre de coordination pour la lutte contre la piraterie. Tout cela est nécessaire.
Aujourd'hui, il nous est proposé de créer une base supplémentaire. Cette base devra être équipée par des forces qui ne pourront être que des forces redéployées des bases précédemment citées. Sinon, notre budget en souffrirait.
Un deuxième point pourrait nous faire hésiter, c'est que les Émirats arabes unis sont eux-mêmes en conflits territoriaux, cela a été évoqué par le président de la commission des affaires étrangères à l'instant, avec l'Iran concernant les îlots de Abou Moussa, dans le détroit d'Ormuz.
Pourrait-on être entraîné dans une guerre avec l'Iran à cause de ces îlots ? Non, il y a beaucoup plus de gesticulation qu'autre chose dans cette affaire mais, s'agissant d'un accord de défense, ce point doit être cité.
Plus largement, je ne retiens pas vraiment cette réticence parce que nous avons d'autres engagements politiques dans la région, avec d'autres partenaires. Cela dit, la signature d'un acte précis avec un partenaire nous fait perdre d'une certaine manière notre neutralité et notre capacité d'arbitrage. De toute façon, si un conflit intervenait, nous serions liés par d'autres engagements, comme nous l'avons été au moment de la guerre du Koweït. L'article 4 de l'accord que nous sommes en train de voter est donc largement redondant par rapport à d'autres engagements internationaux que nous avons par ailleurs dans la zone ou même, tout simplement, à l'ONU.
Reste le danger nucléaire iranien. Tous les observateurs sérieux savent que nous sommes là dans un jeu de rôle. Les Iraniens ont intérêt à se faire passer pour plus dangereux qu'ils ne sont parce que cela leur permet d'être le meilleur opposant à l'Occident et donc d'entraîner les autres pays musulmans derrière leur drapeau. Les États-Unis ont intérêt à présenter l'Iran comme un danger absolu parce que cela permet d'associer des alliés, de leur offrir une protection et, accessoirement, de les inciter à acheter des armes – 182 milliards de dollars avec les pays de la zone dernièrement, ce qui n'est pas rien. Israël a également intérêt à grossir le danger iranien parce que cela permet de mobiliser politiquement la diaspora.
Je crois que la France et l'Europe font fausse route en diabolisant l'Iran dans ce domaine. Ce n'est pas, à mon avis, un point qui pourrait nous faire renoncer à cet accord.
En synthèse, je dirai que notre présence politique sera plus forte dans cette zone qui est l'endroit le plus stratégique du monde. Cela permet à la France d'être un interlocuteur dans la région : dans les discussions, notre voix s'imposera puisque nous serons présents militairement.
Cette base est également un outil de projection de forces, éventuellement, et un outil de projection de renseignements, ce qui n'est pas non plus négligeable car, dans les négociations internationales, notamment dans une zone stratégique, les pays qui comptent sont les pays qui savent, qui savent plus ou au moins autant que les autres. C'est par ailleurs un point de sécurisation directe de nos approvisionnements – je ne vous fais pas de dessin sur l'importance que revêt le détroit d'Ormuz.
Enfin, notre qualité de membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU ne tient pas seulement à notre force de dissuasion, elle tient au fait que nous sommes une puissance moyenne, certes, mais une puissance globale, c'est-à-dire une puissance présente sur un certain nombre de champs stratégiques, et celui-là n'est certainement pas un des moindres.
C'est pourquoi, mes chers collègues, malgré les réticences que l'on peut avoir sur certains points qui ne sont pas négligeables, je dirai que cet accord de défense que nous sommes en train de signer avec les Émirats arabes unis est un accord souhaitable. J'y suis donc favorable, tout en n'oubliant pas de dire à nos amis émiratis qu'ils ont de grands progrès à faire dans un certain nombre de domaines, notamment celui des droits de l'homme. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, UMP et NC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France et le Moyen-Orient ont noué depuis des siècles des relations étroites, reposant sur une connaissance, un respect et une amitié mutuels.
Tous les présidents de la Ve République, de Charles de Gaulle à Nicolas Sarkozy, ont tenu à établir des liens solides avec le monde arabe. Au-delà de ces liens anciens, le Moyen-Orient est une région vitale pour les intérêts sécuritaires de la France et de l'Europe. Aussi, le partenariat que la France et les Émirats ont conclu à Abou Dhabi le 26 mai 2009 est de la plus haute importance, à la fois politique et militaire.
Ce nouvel accord se substitue à celui du 18 janvier 1995. Une coopération de défense existe depuis 1991 et s'est considérablement intensifiée suite à la guerre du Golfe. Jusqu'alors, la coopération consistait essentiellement à accompagner l'évolution des grands contrats d'armement, principalement dans le domaine aéronautique. Cette coopération militaire assurait la formation initiale, dispensait une assistance. L'accord de coopération militaire et d'armement du 10 septembre 1991 faisant suite à un accord datant de 1977 a donné lieu à des manoeuvres communes interarmées.
L'accord de coopération en matière de défense du 18 janvier 1995 donne un nouvel élan à cette coopération, au moment où les Émirats se tournent également vers les États-Unis pour trouver des garanties. Cet accord définit les modalités de la participation de la France à la défense des Émirats et les domaines de la coopération militaire bilatérale – renseignement, entraînement, planification. Dans ce cadre, un haut comité franco-émirien, présidé par les deux chefs d'état-major, a été créé. Il a pour fonction de suivre la mise en oeuvre des principales dispositions de l'accord. Par ailleurs, depuis 1976, les forces armées émiriennes ont acquis plus de 70 % de leurs équipements en France, dont 426 chars Leclerc, 30 Mirage 2000-9, 6 corvettes furtives.
Peu à peu, l'accord de coopération en matière de défense de 1995 est devenu obsolète, et cela pour deux raisons :
D'une part, le développement considérable des relations bilatérales entre la France et les Émirats a débouché sur un nombre important de partenariats dans les domaines politique, économique et culturel. Il existe une véritable communauté de vue entre Paris et Abou Dhabi sur la plupart des grandes questions internationales.
D'autre part, l'implantation militaire française permanente d'Abou Dhabi, comme l'a annoncé notre Président de la République, Nicolas Sarkozy, lors de l'inauguration de la base interarmées française le 26 mai 2009, « illustre les responsabilités que la France, puissance globale, entend assumer aux côtés de ses partenaires privilégiés, dans une région absolument névralgique pour le monde entier. Ce ne sont pas, en la matière, les seuls intérêts nationaux de la France qui sont en cause. C'est la contribution de la France aux équilibres mondiaux. La France s'engage dans la réalisation de cette implantation militaire, fondatrice d'une ère nouvelle pour ses relations de partenariat non seulement avec les Émirats arabes unis mais avec l'ensemble de ses partenaires au Moyen-Orient ».
Ainsi, la marine française pourra faire accéder l'ensemble de ses vaisseaux, hors le Charles-de-Gaulle, dans la base navale. La base aérienne 104 accueille, depuis octobre 2009, des Mirage 2005-5 et des Rafale. Il devenait dès lors nécessaire de mettre en place des instances de dialogue entre les autorités des deux pays et d'assurer la protection juridique des personnels militaires et civils participant aux actions bilatérales de coopération.
C'est la première fois depuis cinquante ans que la France ouvre une base militaire permanente hors de son territoire national, dans une région traditionnellement d'influence anglo-saxonne mais où notre pays a de nombreux intérêts économiques et culturels et un nombre croissant d'expatriés. Il s'agit d'une application pratique du Livre blanc, qui a rappelé que l'arc de crise allant de l'Atlantique à l'océan Indien se déplaçait de plus en plus vers l'est. Le Président de la République a rappelé que se jouait dans le golfe Persique « une partie de notre sécurité et de celle du monde ». En s'implantant au coeur du golfe, la France affirme sa volonté d'être une puissance globale, de contribuer à la sécurité et à la paix d'une région où elle a des alliés.
Les Émirats ont toujours mené vis-à-vis de l'Occident une politique à la fois amicale et indépendante. Ils comptent en effet sur l'Occident pour garantir leur sécurité et ont, dans cet objectif, signé des accords de défense avec le Royaume-Uni, les États-Unis et la France.
C'est dans ce contexte que vient devant la représentation nationale la discussion de l'accord France – Émirats arabes unis relatif à la coopération en matière de défense. Il comprend quinze articles complétés par un échange de lettre. Il demeure de facture classique en dehors des articles 3 et 4 et leurs clauses particulières de sécurité.
L'article 3 précise que la France et les Émirats se consultent et échangent leurs analyses lorsque l'un ou l'autre « pressent » une menace susceptible d'affecter leurs intérêts nationaux fondamentaux respectifs. L'article 4 constitue le coeur politique de cet accord. II engage la France à participer à la défense de la sécurité, de la souveraineté, de l'intégrité territoriale et de l'indépendance des Émirats arabes unis. Cet article comprend plusieurs étapes pour la mise en oeuvre de cet engagement : dissuasion, préparation, communication en aval.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, jamais nos relations avec les Émirats arabes unis n'auront atteint un tel niveau de confiance. C'est surtout le choix de la paix qui réunit nos deux nations : amour de la paix, respect de l'autre, volonté de placer l'homme au coeur de toute action. Paix, salam, c'est aussi cela la mondialisation. « Les Émirats et la France ensemble pour la paix dans le monde », ainsi s'exprimait Nicolas Sarkozy à l'occasion de l'inauguration de la base interarmées française. Aussi, je terminerai en souhaitant longue vie à l'amitié franco-émirienne. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l'implantation militaire française aux Émirats arabes unis est la première nouvelle implantation sur un sol étranger depuis plusieurs décennies. Ouverte à la demande des autorités locales, elle constituera pour un budget raisonnable un trait d'union avec les forces françaises opérant dans les zones sensibles du Moyen-Orient.
Devenue opérationnelle en mai 2009, le rapporteur pour la commission des finances du budget opérationnel de la défense que je suis se doit de souligner que cette base a été entièrement construite et financée par le pays d'accueil.
Elle s'articule autour de trois implantations :
Dans le port de commerce d'Abou Dhabi, une base navale et de soutien susceptible d'accueillir des bâtiments de gros tonnage a été construite. À proximité immédiate, plusieurs bâtiments abritent l'état-major des forces françaises, des locaux pour les militaires de passage, un hangar pour hélicoptères ainsi qu'une infirmerie, qui pourra ultérieurement être transformée en hôpital.
Sur la base aérienne d'Al Dhafra, la base aérienne 104 de l'armée de l'air peut accueillir sept chasseurs dans des abris protégés, ainsi que deux gros-porteurs.
À l'extérieur de la ville, dans le camp militaire de Zayed Military City, l'armée de terre dispose désormais d'un centre d'entraînement doté de décors permettant un entraînement au combat dans des conditions réalistes.
J'ai souhaité, en tant que rapporteur spécial du budget de la défense, visiter ces bases, à un moment où leur effectif global n'était que de 260 personnes. En 2011, cet effectif a été progressivement porté à 570 militaires, dont 240 permanents qui y séjournent avec leur famille.
D'ici quelques mois, l'objectif est de déployer sur cette implantation le véhicule blindé VBCI ainsi que le canon autoporté Caesar, et d'utiliser l'équipement numérique du fantassin Félin. L'armée de l'air y a basé des Rafale, tandis que la marine fait de son implantation le point d'appui prioritaire du bâtiment de commandement et de ravitaillement La Somme. La capacité de commandement, d'hébergement et de restauration de transit de la base, actuellement de l'ordre de 350 personnes, sera portée à 500.
L'implantation des Émirats est un relais utile pour les opérations militaires extérieures, ainsi que le rappelait Jean-Michel Boucheron. Au plus proche d'une zone géographique sensible, l'implantation d'Abou Dhabi a commencé à montrer son utilité : zone de transit indispensable pour les avions à destination de l'Afghanistan et pour notre logistique navale, elle constitue une escale bienvenue pour les gros porteurs qui transportent nos personnels.
Quant aux bâtiments de la marine nationale en patrouille dans l'océan Indien ou dans le golfe Persique, ils bénéficient ainsi d'une véritable base logistique. D'ailleurs, l'amiral ALINDIEN, qui commande les forces françaises dans cette vaste région et était jusqu'à présent embarqué à bord d'un navire, sera désormais basé à Abou Dhabi.
La présence, au coeur du Moyen-Orient, des équipements militaires français les plus modernes constituera aussi une vitrine pour notre industrie de défense, confrontée à une concurrence particulièrement vive, comme cela a été rappelé.
Les possibilités d'entraînement y sont appréciables, dans le cadre de la coopération militaire avec les armées émiriennes, l'environnement désertique offrant des conditions d'emploi plus réalistes qu'en métropole. Il faut également souligner que les moyens aériens bénéficient de l'accès à des zones de combat de grandes dimensions. De plus, les conditions climatiques familiarisent nos forces avec un environnement proche de celui rencontré dans certaines Opex. Par ailleurs – et c'est le point le plus important –, cela permet un entraînement coordonné entre l'armée de l'air et la marine, mais également entre les forces françaises et les forces des Émirats arabes unis.
Enfin, le budget de l'implantation reste compatible avec nos contraintes budgétaires. Compte tenu du fait que les infrastructures ont été construites et mises à la disposition des militaires français par le pays d'accueil, le coût de cette implantation est limité aux frais de fonctionnement et de rémunération des militaires qui y sont déployés. En régime stabilisé, ce coût devrait être de l'ordre de 75 millions d'euros par an, dont 36 millions d'euros de RCS. Cette somme n'est pas très élevée et pourrait être gagée par un redéploiement de notre implantation à Djibouti, désormais confortée par la présence des forces américaines et japonaises, et par l'état-major de l'opération de l'Union européenne Atalante.
Ainsi que je l'avais indiqué l'an dernier dans mon dernier rapport budgétaire, les deux implantations de Djibouti et des Émirats arabes unies ne sont pas concurrentes mais bien complémentaires. Encore est-il utile de rééquilibrer l'engagement français entre ces deux bases, dans un esprit de complémentarité opérationnelle.
Compte tenu des conditions budgétaires et opérationnelles favorables, les Émirats arabes unis proposent une véritable coopération en matière de défense. C'est donc pour ces deux raisons que cette implantation nouvelle et l'accord en matière de défense qui l'accompagne logiquement méritent d'être salués. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui l'accord de coopération en matière de défense signé en mai 2009 entre notre pays et les Émirats arabes unis.
Il doit nous donner les moyens d'approfondir notre partenariat avec un État avec lequel notre coopération n'a cessé de se renforcer ces dernières années et qui accueille, depuis deux ans, une présence militaire française permanente, dans une région hautement stratégique.
La coopération avec les Émirats permet en effet d'assurer la présence française au coeur de ce que le Livre blanc identifie comme un « arc de crise », de l'Atlantique à l'océan Indien. Les facteurs de tension y sont nombreux : poussée de l'islam radical et du terrorisme, antagonismes entre sunnites et chiites, fragilité de certains régimes politiques, prolifération nucléaire – les Émirats font face à l'Iran. Ils se situent également dans une zone riche en pétrole et à proximité du détroit d'Ormuz, où transitent chaque jour 15,5 millions de barils de pétrole.
Le caractère hautement stratégique de la région explique que les États-Unis et le Royaume-Uni aient signé des accords de défense avec les Émirats. Il est naturel que notre pays, qui entend demeurer une puissance globale, s'y investisse également. Les Émirats sont du reste eux-mêmes soucieux d'équilibrer l'influence traditionnelle anglo-saxonne. Or la coopération entre la France et les Émirats est ancienne. Elle est d'abord politique, ce qu'illustre la fréquence des rencontres au plus haut niveau. Elle est aussi économique : les riches Émirats sont le premier client de la France au Moyen-Orient, avec 3,4 milliards d'euros d'exportations. Nombre de grandes entreprises françaises sont présentes sur place, en particulier dans le secteur de la défense, qui a tout à gagner à un approfondissement de notre partenariat. La coopération est enfin culturelle, avec l'université Sorbonne-Abou Dhabi et le musée du Louvre-Abou Dhabi, qui témoignent de l'ouverture des Émirats sur le monde et sur l'esprit des Lumières, qui est un premier pas, monsieur Candelier, vers les droits de l'homme.
En matière de défense, nous sommes liés par un accord datant de 1995. Surtout, une base militaire permanente, dont les infrastructures ont été financées par les Émirats, a été inaugurée à Abou Dhabi en mai 2009. L'implantation militaire française aux Émirats comprend à la fois une base navale – qui contribue, avec celle de Djibouti, naturellement maintenue, à la lutte contre la piraterie –, une base aérienne et un groupement terrestre, qui accueillera 600 militaires au terme de sa montée en puissance. Enfin, notre implantation à Abou Dhabi sert aussi de pivot logistique à destination du théâtre afghan.
C'est ce resserrement de nos liens avec les Émirats qui justifiait que soit conclu un nouvel accord de défense. Si la France a récemment conclu des accords bilatéraux en matière de sécurité ou de défense avec plusieurs États proche ou moyen-orientaux, celui conclu avec les Émirats revêt une importance particulière. Il prévoit une coopération dans plusieurs domaines, notamment le renseignement, qui peut permettre de mieux identifier les circuits du terrorisme ou de la prolifération nucléaire, ainsi que la formation et l'entraînement du personnel, qui permettront à nos forces de s'entraîner en milieu désertique, ou encore les exercices conjoints. Il comprend aussi et surtout des mécanismes visant à préserver la sécurité, la souveraineté, l'intégrité territoriale et l'indépendance des Émirats en cas d'agression extérieure – notre pays n'ayant pas vocation, en revanche, à intervenir dans des conflits internes.
Je souhaite souligner la portée politique très forte de cette clause de sécurité, qui témoigne de l'engagement durable de notre pays et aura donc un effet fortement dissuasif. Elle ne fait naturellement pas de la France le seul défenseur des Émirats qui, je l'ai rappelé, sont également liés aux États-Unis et au Royaume-Uni. De plus, à l'heure du multilatéralisme, il est permis de se demander si une intervention dans une région aussi sensible, même sous couvert de l'article 51 de la charte des Nations unies, pourrait se passer d'une résolution des Nations unies, selon la jurisprudence qui semble désormais prévaloir en matière d'interventions internationales.
L'autre apport du texte concerne le statut des personnels sur place, en particulier sur le plan judiciaire. J'avais évoqué le sujet dans une question écrite fin 2008. Qu'adviendrait-il en effet en cas de condamnation à mort ou – les Émirats appliquant la charia – à une peine telle que le fouet, la lapidation ou l'amputation ? Lors de son premier examen, le Conseil d'État avait jugé insuffisantes les garanties apportées. Elles ont donc été renforcées grâce à un accord complémentaire sous forme d'échange de lettres. Il est ainsi parfaitement assuré que la peine capitale ne sera pas exécutée et que les peines considérées comme non applicables seront remplacées par un « substitut acceptable par les deux parties ». Si elles ne s'entendent pas sur une peine de substitution, seules une peine d'emprisonnement ou une peine d'amende pourront être prononcées. Je regrette cependant que, dans les cas où une peine d'emprisonnement serait prononcée à l'encontre d'un de nos concitoyens, la peine ne soit pas automatiquement purgée en France, l'article 11 se contenant d'évoquer un examen de la demande « avec bienveillance ».
Cet accord va donc permettre, dans des conditions satisfaisantes, d'approfondir notre partenariat stratégique avec les Émirats arabes unis et d'autres pays du Golfe, dans une région où les intérêts français sont d'une importance majeure. Mais, au-delà, se joue, dans le Golfe arabo-persique, une partie de la sécurité du monde, et le renforcement de notre implantation témoigne de la détermination de notre pays, puissance nucléaire, à demeurer une puissance globale, capable non seulement de défendre ses intérêts, mais aussi de contribuer à la prévention et à la résolution des conflits. C'est donc avec confiance que je voterai ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Mesdames et messieurs les députés, je veux d'abord remercier Henri Plagnol d'avoir souligné la dimension géopolitique dans laquelle s'inscrivait cet accord. Henri Plagnol a notamment souligné la proximité de l'Iran, civilisation qu'il connaît bien, et les enjeux complexes qui découlent de ce voisinage.
Je ne reviens pas sur les propos du président Teissier ni sur le fait que cet accord s'inscrit évidemment dans une longue tradition historique de coopération avec les Émirats arabes unis en matière de défense.
Je veux aussi remercier le président Axel Poniatowski pour la précision avec laquelle il a analysé les conséquences de la clause de sécurité et de son article 4 – ce qui répondait d'ailleurs par anticipation aux objections soulevées par Jean-Jacques Candelier, auquel je précise que cet accord n'est pas applicable en cas de conflit intérieur. Par ailleurs, je rappelle qu'Alain Juppé a condamné avec la plus extrême vigueur l'usage de la force contre les manifestants, à Barheïn comme ailleurs ; les positions françaises ne souffrent aucune ambiguïté en la matière.
Je remercie également Jacques Remiller de ses propos sur la base française d'Abou Dhabi, qui représente bien, dans le cadre du Livre blanc, une reconfiguration stratégique d'ampleur, à volume constant. Il a souligné le tournant important que l'implantation de cette base constituait, tout comme Philippe Vitel et Louis Giscard d'Estaing, qui en ont évoqué les aspects militaires, qu'il s'agisse de l'amélioration des capacités opérationnelles, de l'accompagnement des contrats d'armement, de la formation des élites en France, ou du point d'appui logistique important qu'elle constitue, autant de sujets parfaitement détaillés à travers leurs trois interventions.
Je remercie François Rochebloine de nous avoir invités à replacer ce débat dans le contexte du printemps arabe. Le printemps arabe est une chance ; c'est aussi un défi, et nous ne devons pas ménager nos efforts pour comprendre la nouvelle donne géopolitique qu'il représente. La France a montré, au cours des derniers mois, qu'elle était aux avant-postes de cette véritable césure historique à laquelle nous assistons.
Je veux également insister sur la position équilibrée soutenue par Jean-Michel Boucheron et sur son analyse pointue des enjeux géopolitiques qui s'attachent à cet accord, en pesant le pour et le contre. Je le remercie, ainsi que son groupe, du soutien ainsi apporté à ce qui constitue un accord important.
J'en terminerai enfin avec l'intervention de Patrick Beaudouin, qui nous a emmenés au-delà de la coopération militaire vers l'horizon plus large de l'ensemble de nos coopération avec les Émirats arabes unis, que ce soit à travers la Sorbonne ou le musée du Louvre à Abou Dhabi, qui donnent tout leur sens à notre relation bilatérale et à notre investissement dans la région. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, l'article unique du projet de loi.
Cet article ne faisant l'objet d'aucun amendement, nous en venons aux explications de vote.
Monsieur le président, mes chers collègues, malgré l'ambiance courtoise, quelques problèmes demeurent, que je voudrais évoquer, avant de choisir, pour ce qui me concerne, de m'abstenir sur le vote de ce texte.
On ne peut, en effet, aborder la question de cet accord sans aborder également celle des moyens accordés à notre défense. Notre implantation aux Émirats arabes unis procède d'une politique conduite par le Président de la République et qui, faute de moyens, nous oblige à nous désengager du continent africain et des territoires d'outre-mer, ce qui n'est pas une bonne stratégie.
Nous payons aujourd'hui les choix effectués en matière stratégique depuis 2007, et cet accord va nous contraindre à supprimer la moitié des effectifs actuellement affectés à Djibouti, alors que l'histoire nous démontre aujourd'hui que, plus que jamais, ils devraient être sinon augmentés, à tout le moins maintenus, ce qu'interdisent les choix faits dans le Livre blanc et au nom de la RGPP.
De ce point de vue, il faut bien constater que le Livre blanc a d'ores et déjà montré ses limites. Les objectifs capacitaires ne seront pas atteints faute de recettes suffisantes ; la fonction anticipation – qui n'est pas à remettre en cause – n'est pas une panacée si elle n'est pas accompagnée des moyens d'actions.
Surtout, la notion d'arc de crise, directement importée d'outre-Atlantique, correspond encore moins aux réalités.
Plus précisément, le Président de la République a souhaité fermer le 43e bataillon d'infanterie de marine d'Abidjan et ne plus conserver dans l'Ouest de l'Afrique que le 6e bataillon d'infanterie de marine – 6ème BIMa – et le dispositif au Gabon. À l'Est, il retire la treizième demi-brigade de la Légion étrangère de Djibouti alors que cette zone n'a jamais été aussi enfiévrée. On nous explique que les nouveaux rivages stratégiques sont plus lointains mais l'histoire est passée par là depuis et nous rappelle que l'Afrique est notre voisine et demeure stratégique pour nous : les 15 000 ressortissants français de Côte d'Ivoire n'ont pas manqué de nous le rappeler.
Quant à l'affaire libyenne, nous payons aujourd'hui notre retour dans le commandement intégré de l'OTAN, puisque c'est elle qui, contre notre volonté initiale, assure le commandement des opérations.
Sur le fond, je déplore aujourd'hui cette ampleur du verbe qui tente de cacher la pauvreté des moyens consentis à notre outil de défense et aux hommes qui en sont la première richesse.
Il est clair que nous n'avons pas les moyens de faire les choix qui s'imposent aujourd'hui au travers, entre autres, de cet accord. Il est plus que temps, je le pense depuis plusieurs mois, de revoir sur le plan stratégique le Livre blanc, ainsi que la loi de programmation militaire qui en découle.
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(L'article unique du projet de loi est adopté.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures vingt.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma