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Intervention de Jean-Michel Boucheron

Réunion du 14 juin 2011 à 15h00
Accord france - Émirats arabes unis relatif à la coopération en matière de défense — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Michel Boucheron :

Nous avons des forces au Tchad, qui nous permettent d'être présents en Afrique centrale mais qui ne sont pas très loin du Niger, du Mali et des zones où Al-Qaïda est aujourd'hui implantée et se développe. Et puis, nous avons une grande base à Djibouti, où nous avons, avec les Américains et les Japonais, un centre de coordination pour la lutte contre la piraterie. Tout cela est nécessaire.

Aujourd'hui, il nous est proposé de créer une base supplémentaire. Cette base devra être équipée par des forces qui ne pourront être que des forces redéployées des bases précédemment citées. Sinon, notre budget en souffrirait.

Un deuxième point pourrait nous faire hésiter, c'est que les Émirats arabes unis sont eux-mêmes en conflits territoriaux, cela a été évoqué par le président de la commission des affaires étrangères à l'instant, avec l'Iran concernant les îlots de Abou Moussa, dans le détroit d'Ormuz.

Pourrait-on être entraîné dans une guerre avec l'Iran à cause de ces îlots ? Non, il y a beaucoup plus de gesticulation qu'autre chose dans cette affaire mais, s'agissant d'un accord de défense, ce point doit être cité.

Plus largement, je ne retiens pas vraiment cette réticence parce que nous avons d'autres engagements politiques dans la région, avec d'autres partenaires. Cela dit, la signature d'un acte précis avec un partenaire nous fait perdre d'une certaine manière notre neutralité et notre capacité d'arbitrage. De toute façon, si un conflit intervenait, nous serions liés par d'autres engagements, comme nous l'avons été au moment de la guerre du Koweït. L'article 4 de l'accord que nous sommes en train de voter est donc largement redondant par rapport à d'autres engagements internationaux que nous avons par ailleurs dans la zone ou même, tout simplement, à l'ONU.

Reste le danger nucléaire iranien. Tous les observateurs sérieux savent que nous sommes là dans un jeu de rôle. Les Iraniens ont intérêt à se faire passer pour plus dangereux qu'ils ne sont parce que cela leur permet d'être le meilleur opposant à l'Occident et donc d'entraîner les autres pays musulmans derrière leur drapeau. Les États-Unis ont intérêt à présenter l'Iran comme un danger absolu parce que cela permet d'associer des alliés, de leur offrir une protection et, accessoirement, de les inciter à acheter des armes – 182 milliards de dollars avec les pays de la zone dernièrement, ce qui n'est pas rien. Israël a également intérêt à grossir le danger iranien parce que cela permet de mobiliser politiquement la diaspora.

Je crois que la France et l'Europe font fausse route en diabolisant l'Iran dans ce domaine. Ce n'est pas, à mon avis, un point qui pourrait nous faire renoncer à cet accord.

En synthèse, je dirai que notre présence politique sera plus forte dans cette zone qui est l'endroit le plus stratégique du monde. Cela permet à la France d'être un interlocuteur dans la région : dans les discussions, notre voix s'imposera puisque nous serons présents militairement.

Cette base est également un outil de projection de forces, éventuellement, et un outil de projection de renseignements, ce qui n'est pas non plus négligeable car, dans les négociations internationales, notamment dans une zone stratégique, les pays qui comptent sont les pays qui savent, qui savent plus ou au moins autant que les autres. C'est par ailleurs un point de sécurisation directe de nos approvisionnements – je ne vous fais pas de dessin sur l'importance que revêt le détroit d'Ormuz.

Enfin, notre qualité de membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU ne tient pas seulement à notre force de dissuasion, elle tient au fait que nous sommes une puissance moyenne, certes, mais une puissance globale, c'est-à-dire une puissance présente sur un certain nombre de champs stratégiques, et celui-là n'est certainement pas un des moindres.

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