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Intervention de Jean-Jacques Candelier

Réunion du 14 juin 2011 à 15h00
Accord france - Émirats arabes unis relatif à la coopération en matière de défense — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Candelier :

Par conséquent, on est en droit de s'interroger : avec cet accord de défense, la France cautionne-t-elle le couvre-feu, la loi martiale, les interventions d'hélicoptères, les tirs à balles réelles et la proclamation de l'état d'urgence au Bahreïn ? La France cautionne-t-elle le « nettoyage » de la place de La Perle à Manama, qui s'est fait au prix de nombreux morts et de dizaines de blessés ?

Fermer les yeux sur l'intervention et les exactions de l'armée des Émirats arabes unis au Bahreïn, au nom de la défense d'intérêts financiers bien compris, est un véritable scandale ! Combien d'avions de chasse Rafale faudra-t-il vendre au royaume avant d'ouvrir les yeux sur la réalité de ce pays ? Quand on voit ce qui s'est passé avec la Libye, où Nicolas Sarkozy a vendu du matériel de guerre au tyran Kadhafi – toujours présent – avec les conséquences dramatiques que l'on sait, on peut avoir des craintes sur les conséquences de cette politique de VRP capitaliste à courte vue ! Décidément, l'argent pourrit tout, y compris et surtout en matière de relations internationales, et face à lui, les droits de l'homme – et de la femme – ne pèsent pas bien lourd !

Ratifier cet accord de défense revient à soutenir militairement une dictature pétrolière qui opprime et réprime les peuples. Toute autre considération est secondaire. Tout autre considérant géostratégique est risible. Je n'ai pas la prétention d'être un expert, mais quelques principes me tiennent à coeur. J'y fais beaucoup appel en ce moment, pour ne pas accepter que l'on se fourvoie comme on le fait en Libye, en Afghanistan ou encore en Côte d'Ivoire !

On peut aussi parler de l'Irak, que Nicolas Sarkozy, à l'époque homme de main de Bush, aurait bien voulu envahir. On peut également évoquer l'OTAN, si vous le voulez. Tout se tient dans le sarkozysme atlantiste, belliqueux et soumis aux puissances d'argent.

Cette fois, le gouvernement UMP ferme délibérément les yeux sur la réalité de la répression multinationale au Bahreïn. Alors qu'il faudrait condamner les exactions des pétromonarchies, le ministre des affaires étrangères, Alain Juppé, a osé affirmer que « rien n'interdit, dans le droit international, à un pays de faire appel à un autre pour l'aider » ! Je ne suis pas certain qu'il aurait la même analyse si, par malheur, un pays quelconque venait à soutenir activement le colonel Kadhafi en Libye !

Avec cet accord, la France continue de jouer les gendarmes de l'Afrique, voire du monde, et de manier la carotte et le bâton en fonction de critères mercantiles. Outre les dispositions classiques de coopération militaire, de formation et d'entraînement des forces conventionnelles et spéciales émiriennes, outre les exercices conjoints et l'établissement de plans, ce texte est particulier dans le sens où il comporte l'engagement de la France à participer à la défense irrémédiable des Émirats.

La thèse sous-jacente est que cette pétro-dictature serait sous la menace de l'Iran voisin. On veut nous faire croire que les responsables émiriens sont de gentilles brebis menacées de passer sous les fourches caudines de l'Iran, diable incarné, enfant terrible de la communauté internationale. Après le terrorisme, un nouveau chiffon rouge est agité par l'Occident pour mieux s'assurer la domination sur la planète dans tous les domaines : militaire, culturel, diplomatique et économique.

La réalité est plus complexe que la fable qui nous est contée. Les Émirats arabes unis sont une dictature pétrolière dont la législation est basée sur la charia. Ils consacrent tous leurs efforts financiers – et ils sont colossaux – à mater les révoltes arabes partout dans le monde. Une armée secrète privée est en train d'être mise sur pied, sous l'égide d'Erik Prince, ex-commando qui a fondé la société Blackwater, la plus grande compagnie militaire privée utilisée par le Pentagone en Irak, en Afghanistan et dans d'autres zones de guerre. Le but poursuivi est très simple : faire la guerre et maintenir l'ordre à l'intérieur du territoire, mais aussi dans d'autres pays du Proche-Orient et de l'Afrique du Nord. Le principal appui de ce projet n'est autre que le prince héritier d'Abou Dhabi, homme de confiance du Pentagone et auteur d'une action militaire contre l'Iran.

Une fois prouvée l'efficacité de ce bataillon dans une action réelle, Abou Dhabi financera, à coup de milliards de dollars, la mise sur pied d'une brigade entière de plusieurs milliers de mercenaires. Il est prévu de construire aux Émirats un camp d'entraînement analogue à celui en fonction aux États-unis, où 50 000 spécialistes de la répression ont déjà été formés. Ces forces formées conduiront « des missions opérationnelles spéciales pour réprimer des révoltes intérieures, du type de celles qui ont secoué le monde arabe cette année ».

Les mercenaires seront utilisés pour réprimer les révoltes populaires dans les monarchies du Golfe, en écho à l'intervention qui a été menée en mars au Bahreïn où, comme vous ne pouvez l'ignorer, la demande populaire de démocratie a été écrasée dans le sang. Des « missions opérationnelles spéciales » seront effectuées par cette armée secrète dans des pays comme l'Égypte et la Tunisie, pour briser les mouvements populaires et faire en sorte que le pouvoir reste entre les mains des gouvernements garants des intérêts des États-unis et de l'Union européenne. On l'aura compris, il ne s'agit pas vraiment de défendre la démocratie ou les droits sociaux !

On a connu des brebis plus naïves que les Émirats, qui prennent d'ailleurs toute leur part dans l'action impérialiste en Libye ! On a connu des brebis plus innocentes, plus craintives, plus douces et surtout, dotées de meilleures intentions !

Enfin, répétant ce que j'ai déjà dit dans cet hémicycle, je conclurai par quelques considérations sur la base d'Abou Dhabi.

La France y dispose d'une base militaire permanente, inaugurée le 25 mai 2009 par Nicolas Sarkozy. Première base française créée à l'étranger depuis la fin de l'ère coloniale – si tant est que nous en soyons sortis ! –, elle préfigure, dans un endroit hautement pétrolifère, une possible participation française à des frappes américaines ou israéliennes contre l'Iran, pays dont je n'approuve absolument pas le régime actuel.

Ce positionnement est un recul historique qui illustre la place nouvelle de notre pays, devenu le sous-traitant officiel des Américains. Les députés communistes, républicains, citoyens et du parti de gauche se prononcent pour la fermeture de cette base aux Émirats, dans laquelle, d'ailleurs, les Américains stationnent en masse, dans une logique plus offensive que défensive. S'agissant de cet accord, nous pensons que l'on ne peut, d'un côté, avoir un discours de soutien aux révolutions arabes dans le cadre du G8 à Deauville et, de l'autre, agir indirectement contre ces mêmes révolutions. Nous voterons contre sa ratification.

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