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Intervention de Patrick Beaudouin

Réunion du 14 juin 2011 à 15h00
Accord france - Émirats arabes unis relatif à la coopération en matière de défense — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Beaudouin :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui l'accord de coopération en matière de défense signé en mai 2009 entre notre pays et les Émirats arabes unis.

Il doit nous donner les moyens d'approfondir notre partenariat avec un État avec lequel notre coopération n'a cessé de se renforcer ces dernières années et qui accueille, depuis deux ans, une présence militaire française permanente, dans une région hautement stratégique.

La coopération avec les Émirats permet en effet d'assurer la présence française au coeur de ce que le Livre blanc identifie comme un « arc de crise », de l'Atlantique à l'océan Indien. Les facteurs de tension y sont nombreux : poussée de l'islam radical et du terrorisme, antagonismes entre sunnites et chiites, fragilité de certains régimes politiques, prolifération nucléaire – les Émirats font face à l'Iran. Ils se situent également dans une zone riche en pétrole et à proximité du détroit d'Ormuz, où transitent chaque jour 15,5 millions de barils de pétrole.

Le caractère hautement stratégique de la région explique que les États-Unis et le Royaume-Uni aient signé des accords de défense avec les Émirats. Il est naturel que notre pays, qui entend demeurer une puissance globale, s'y investisse également. Les Émirats sont du reste eux-mêmes soucieux d'équilibrer l'influence traditionnelle anglo-saxonne. Or la coopération entre la France et les Émirats est ancienne. Elle est d'abord politique, ce qu'illustre la fréquence des rencontres au plus haut niveau. Elle est aussi économique : les riches Émirats sont le premier client de la France au Moyen-Orient, avec 3,4 milliards d'euros d'exportations. Nombre de grandes entreprises françaises sont présentes sur place, en particulier dans le secteur de la défense, qui a tout à gagner à un approfondissement de notre partenariat. La coopération est enfin culturelle, avec l'université Sorbonne-Abou Dhabi et le musée du Louvre-Abou Dhabi, qui témoignent de l'ouverture des Émirats sur le monde et sur l'esprit des Lumières, qui est un premier pas, monsieur Candelier, vers les droits de l'homme.

En matière de défense, nous sommes liés par un accord datant de 1995. Surtout, une base militaire permanente, dont les infrastructures ont été financées par les Émirats, a été inaugurée à Abou Dhabi en mai 2009. L'implantation militaire française aux Émirats comprend à la fois une base navale – qui contribue, avec celle de Djibouti, naturellement maintenue, à la lutte contre la piraterie –, une base aérienne et un groupement terrestre, qui accueillera 600 militaires au terme de sa montée en puissance. Enfin, notre implantation à Abou Dhabi sert aussi de pivot logistique à destination du théâtre afghan.

C'est ce resserrement de nos liens avec les Émirats qui justifiait que soit conclu un nouvel accord de défense. Si la France a récemment conclu des accords bilatéraux en matière de sécurité ou de défense avec plusieurs États proche ou moyen-orientaux, celui conclu avec les Émirats revêt une importance particulière. Il prévoit une coopération dans plusieurs domaines, notamment le renseignement, qui peut permettre de mieux identifier les circuits du terrorisme ou de la prolifération nucléaire, ainsi que la formation et l'entraînement du personnel, qui permettront à nos forces de s'entraîner en milieu désertique, ou encore les exercices conjoints. Il comprend aussi et surtout des mécanismes visant à préserver la sécurité, la souveraineté, l'intégrité territoriale et l'indépendance des Émirats en cas d'agression extérieure – notre pays n'ayant pas vocation, en revanche, à intervenir dans des conflits internes.

Je souhaite souligner la portée politique très forte de cette clause de sécurité, qui témoigne de l'engagement durable de notre pays et aura donc un effet fortement dissuasif. Elle ne fait naturellement pas de la France le seul défenseur des Émirats qui, je l'ai rappelé, sont également liés aux États-Unis et au Royaume-Uni. De plus, à l'heure du multilatéralisme, il est permis de se demander si une intervention dans une région aussi sensible, même sous couvert de l'article 51 de la charte des Nations unies, pourrait se passer d'une résolution des Nations unies, selon la jurisprudence qui semble désormais prévaloir en matière d'interventions internationales.

L'autre apport du texte concerne le statut des personnels sur place, en particulier sur le plan judiciaire. J'avais évoqué le sujet dans une question écrite fin 2008. Qu'adviendrait-il en effet en cas de condamnation à mort ou – les Émirats appliquant la charia – à une peine telle que le fouet, la lapidation ou l'amputation ? Lors de son premier examen, le Conseil d'État avait jugé insuffisantes les garanties apportées. Elles ont donc été renforcées grâce à un accord complémentaire sous forme d'échange de lettres. Il est ainsi parfaitement assuré que la peine capitale ne sera pas exécutée et que les peines considérées comme non applicables seront remplacées par un « substitut acceptable par les deux parties ». Si elles ne s'entendent pas sur une peine de substitution, seules une peine d'emprisonnement ou une peine d'amende pourront être prononcées. Je regrette cependant que, dans les cas où une peine d'emprisonnement serait prononcée à l'encontre d'un de nos concitoyens, la peine ne soit pas automatiquement purgée en France, l'article 11 se contenant d'évoquer un examen de la demande « avec bienveillance ».

Cet accord va donc permettre, dans des conditions satisfaisantes, d'approfondir notre partenariat stratégique avec les Émirats arabes unis et d'autres pays du Golfe, dans une région où les intérêts français sont d'une importance majeure. Mais, au-delà, se joue, dans le Golfe arabo-persique, une partie de la sécurité du monde, et le renforcement de notre implantation témoigne de la détermination de notre pays, puissance nucléaire, à demeurer une puissance globale, capable non seulement de défendre ses intérêts, mais aussi de contribuer à la prévention et à la résolution des conflits. C'est donc avec confiance que je voterai ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

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